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Nr. 1 (10) anul IV / ianuarie-martie 2006 - ROMDIDAC

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présentant des héros nettement positifs, il définit quelques principes, au moins,<br />

capables de régénérer la société. Un de ces principes qui revient comme un<br />

laitmotive c’est justement celui de l’instruction, celui que toute une littérature<br />

bourgeoise présentait comme pernicieux en le plaπant souvent à l’origine du<br />

pitoyable destin de ses héros négatifs. Mais la valeur civilisatrice de l’instruction<br />

ne s’affirme que dans le cadre d’une conception évolutive, à l’opposé du<br />

passéisme et de l’immobilisme de la pensée.<br />

Après l’instruction, c’est la sidérurgie qui, à l’époque, permet l’accès aux<br />

plus hautes couches sociales. Traditionnellement, l’industrie métallurgique<br />

et notamment la sidérurgie lorraine appartenaient à une ligne aristocratique.<br />

Au XIX é siècle, l’expression „maître de forges” était porteuse de connotations<br />

aristocratiques, issues des conditions sociales de l’exercice de cette industrie<br />

sous l’Ancien Régime. Les grands aristocrates ne se paraient pas du titre<br />

„maître de forges” car ils ne voulaient pas s’engager dans les affaires. L’esprit<br />

d’entreprise, la sidérurgie moderne impliquent des compétences professionnelles<br />

que possèdent la nouvelle catégorie des ingénieurs et qui, par cet intermédiaire,<br />

accèdent à la promotion sociale. Cette montée en puissance des<br />

maîtres de forges bourgeois s’est accompagnée du goût du travail, du souci<br />

du savoir et du savoir-faire.<br />

C’est dans le roman Le Maître de Forges que Georges Ohnet exploite la<br />

veine de ces nouveaux aristocrates industriels. Le roman se déroule dans le<br />

Jura, où l’industrie métallurgique a connu une certaine stagnation aux alentours<br />

des dernières années du XIX é siècle. Philippe Derblay redresse les affaires<br />

familiales en mettant en jeu toutes ses connaissances et habilités acquises à<br />

l’Ecole Polytechnique où il a fait des études brillantes. Il possède toutes les<br />

qualités requises pour une ultérieure ascension sociale et il est en passe de<br />

devenir un des princes de l’industrie, cette force dominante du siècle. Une<br />

carrière politique est donc un ultime degré de l’escalade sur l’échelle sociale<br />

de ce riche maître de forges.<br />

Georges Ohnet n’ignore pas la politique de son époque, sous-jacente à<br />

toute son œuvre. Il est conscient de la grande influence politique de la bourgeoisie<br />

contre l’aristocratie et le clergé qui gardent encore une forte influence<br />

sociale. Un autre aspect surpris par Ohnet c’est que les ouvriers et les petits<br />

artisans considéraient la politique comme l’occupation de ceux qui n’aiment<br />

pas le travail ou de ceux qui ne peuvent plus rien faire. L’auteur ne met pas<br />

du tout en question les idées politiques mais seulement les protagonistes qui,<br />

sous le couvert des opinions et des actions politiques, s’emparent du pouvoir ou<br />

dénigrent les anciens ennemis. L’usage du pouvoir politique comme instrument<br />

de vengeance est enrobé dans des histoires dignes de roman policier;<br />

Ohnet surprend avec finesse un autre aspect: des couches de plus en plus<br />

basses des classes moyennes triomphent, à l’époque, au Parlement donnant<br />

un autre ton à la société. La politique devient „vulgaire” aux yeux des „gens<br />

bien” auxquels elle avait été réservée pendant si longtemps. En effet, c’est la<br />

période où les ouvriers commencent à s’organiser pour les revendications, les<br />

grèves et de l’irruption du socialisme à la Chambre et au Sénat. La politique<br />

devient une profession indigne des gens comme il faut. Pour les héros de<br />

Georges Ohnet, la politique est appropriée comme moyen d’escalade sociale<br />

soit pour se faire admettre parmi les gens de bonne société, soit pour gagner<br />

en prestige aux yeux d’une femme. Les industriels et les hommes d’affaires<br />

de province ont une énorme influence sur le plan économique et politique et<br />

les affaires permettent d’accéder à la grande bourgeoisie. En effet, la fortune<br />

ne suffisait pas à situer son propriétaire dans la société. Pour s’imposer dans<br />

EX PONTO NR.1, <strong>2006</strong><br />

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