Nr. 1 (10) anul IV / ianuarie-martie 2006 - ROMDIDAC

fera officiellement qu’au cours du siècle suivant. En présentant des femmes
capables professionnellement, au moins égales aux hommes, Georges Ohnet
prend position pour l’émancipation de la femme. Ces idées progressistes ont
servi les mouvements politiques anticipant les revendications d’émancipations
de la femme.
Le groupe des nouveaux riches – Messieurs Hérault, Cayrol, Carvajan,
Moulinet et Madame Desvarennes – est assez hétérogène mais il y a un trait qui
les réunit tous : l’individualisme. Tous ces personnages ont gravi les échelons
de la société grâce à leurs capacités personnelles exceptionnelles, ou grâce
à l’instruction comme moyen de progrès et d’ascension sociale. D’ailleurs,
l’expérience a démontré que l’ascension sociale passe presque toujours par
l’école et les bienfaits de l’instruction se répandent à tous les niveaux. L’école
laïque est un des points fondamentaux du programme républicain et l’enseignement
est le reflet du climat intellectuel de l’époque. L’enseignement de la
religion est remplacé par la morale civique, c’est-à-dire le culte de la science,
la foi dans la raison et le progrès. N’oublions pas, c’est l’époque où Auguste
Comte ouvre l’ère du positivisme, l’époque où Marcellin Berthelot réalise de
nombreuses synthèses organiques mettant les bases de la thermochimie tandis
que Ernest Renan se détourne de sa vocation ecclésiastique pour se consacrer
à l’étude des voies rationalistes. Le positivisme, devenu doctrine quasi
officielle de l’Université, a imprégné l’enseignement public. L’école primaire,
qui se généralise, est la première marche d’un escalier qui peut mener au plus
haut. Georges Ohnet en est pleinement conscient et n’hésite pas à affronter
le problème dans ses romans.
Un témoin des possibilités offertes par l’instruction est Maréchal, personnage
secondaire du roman Serge Panine. D’enfant trouve, élevé par charité, il
devient le secrétaire particulier de la toute-puissante Madame Desvarennes. Il
représente un de ces employés souvent mal rétribués et besogneux, mais qui
se distinguent du commun par un certain niveau d’instruction et d’éducation.
Maréchal, qui n’a même pas de prénom, est un enfant sans famille, trouvé,
un matin, au coin de la borne, enveloppé dans un numéro du Constitutionnel.
La brave femme qui l’a recueilli, l’a élevé et l’a mis au collège et lui, Maréchal,
étudiait avec dévouement, gagnant tous les concours et tous les prix.
A l’époque, sous l’impulsion du ministre de l’instruction publique, Jules
Ferry, le développement de l’instruction, grâce au système des bourses d’Etat
accordées par concours aux élevés les plus doués et les plus méritants, a
permis aux bons enfants de famille pauvre de bénéficier d’une éducation
supérieure. Les carrières de l’enseignement et les professions salariées ont
acquis une nouvelle importance en donnant à ceux qui les exercent un statut
social assez élevé car, en général, ils sont rémunérés en fonction de leur
talent et de leur instruction. Partant du plus bas de l’échelle sociale, bien que
très intelligent et instruit, Maréchal se rend compte de ne pas avoir l’étoffe
nécessaire pour arriver aux plus hautes charges. Il est conscient de ses limites
et il trouve sa place qui lui revient dans la société sans rancune, en sachant
obéir, en se résignant. Par contraste, dans le même roman, le personnage
de Savinien Desvarennes est présenté comme un être borné, paresseux et
inepte qui, se croyant un grand génie méconnu, fait mine de se vexer quand
sa tante le paye pour qu’il reste tranquille. Il est le prototype du parasite particulièrement
méprisé par la classe laborieuse pour laquelle une profession
même peu lucrative, mais considérée comme honorable, favorisait l’insertion
dans la hiérarchie bourgeoise. L’ascension sociale par l’école est un trait
EX PONTO NR.1, 2006
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