Nr. 1 (10) anul IV / ianuarie-martie 2006 - ROMDIDAC
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de „ces brutes de paysans” qui font des emprunts à la banque et qui ne peuvent<br />
plus payer à cause des clauses contractuelles glissées avec perfidie dans les<br />
contrats. Carvajan se croit en droit de prendre toute la récolte des pauvres<br />
malheureux sous motif que „c’est le crédit agricole”.<br />
Le développement industriel et commercial, l’épanouissement économique<br />
du XIX è siècle en France a permis l’ascension sociale et l’accumulation de<br />
fortunes fulgurantes. C’est le cas des personnages du roman Serge Panine<br />
qui, partant d’une condition modeste, arrivent à amasser des sommes immenses.<br />
Ainsi, le père Moulinet débute en vendant des denrées coloniales,<br />
puis il fonde une grande fabrique de chocolat à Villepinte. Ayant le sens du<br />
commerce, Moulinet invente un système de publicité pour faire connaître et<br />
vendre ses marchandises dans les plus petites communes du pays. De même,<br />
père Moulinet est à l’avant-garde du progrès car il trouve un procédé pour faire<br />
de la vanille avec du charbon de terre et remplace, dans le chocolat, le cacao<br />
pars des amandes grillées. Cette chimie alimentaire lui apporte une grande<br />
fortune et une notoriété telle qu’il arrive à être nommé juge au Tribunal du<br />
Commerce.<br />
Un autre personnage dans ce roman, c’est Madame Desvarennes qui vient<br />
d’une famille modeste d’ouvriers emballeurs. Elle épouse un jeune boulanger<br />
et grâce à une dot de mille francs, le jeune ménage fonde une boulangerie<br />
où ils travaillent tous les deux. Un travail opinâtre de petits commerπants qui<br />
n’ont ni dimanches, ni fêtes, un travail en grande partie manuel que les deux<br />
assument ainsi que les responsabilités du petit patron avec les chances du<br />
profit et les risques de catastrophes que cela implique. Les Desvarennes sont<br />
aussi à l’avant-garde du progrès car ils adoptent un commerce à petits bénéfices,<br />
avec la rotation rapide des marchandises. Ce système de vente a été<br />
mis au point, dans la réalité, par Aristide Boucieault, pour son grand magasin<br />
„Bon Marché” à Paris, ce qui constitue le début de commerce moderne dans<br />
le monde. Le couple Desvarennes du roman d’Ohnet réussit, au bout de cinq<br />
ans de travail acharné, à ouvrir un magasin resplendissant dans le centre de<br />
la ville. Mais les deux continuent à travailler avec la même assiduité, avec le<br />
même esprit d’ordre et d’épargne. Michel Desvarennes se perfectionne et apprend<br />
des secrets des boulangers viennois tandis que sa femme, pour éviter<br />
des coûts supplémentaires, achète un moulin pour moudre elle-même son blé.<br />
Elle fournit le pain pour les hôpitaux et développe ses affaires participant ainsi<br />
à l’essor du commerce de l’alimentation dans la fin du XIX è siècle. La patronne<br />
a un flair exceptionnel pour les affaires et elle n’hésite pas à se moderniser et<br />
à adopter vite les nouvelles techniques. Elle utilise la vapeur comme source<br />
d’énergie pour ses minoteries et même elle se procure une flotte à vapeur pour<br />
le transport du blé. Madame Desvarennes devient une force dans les affaires<br />
de farine et arrive à faire la loi sur le marché.<br />
Avec ce personnage, Georges Ohnet met en question le problème de la<br />
femme, de sa condition sociale et de la place qu’elle peut occuper dans les<br />
affaires. Il oppose, par ce personnage, une figure totalement différente de la<br />
femme du temps. Inférieure et dominée, prisonnière d’un statut impitoyable,<br />
la femme du XIX è siècle en France vivait sous l’autorité de son époux ou,<br />
célibataire, était condamnée à la vie terne des vieilles filles. On leur refusait<br />
le droit de vote, on leur interdisait de servir de témoin dans les actes civils, de<br />
travailler ou de dépenser leur propre revenu sans le consentement du mari.<br />
L’historien Jules Michelet dénonce dans ses œuvres la condition de la femme<br />
du peuple obligée de travailler en usine pour aider la famille et accomplir les<br />
taches les plus sordides et les plus mal payés. Au XIX é siècle, la femme était<br />
EX PONTO NR.1, <strong>2006</strong><br />
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