Nr. 1 (10) anul IV / ianuarie-martie 2006 - ROMDIDAC

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MARIE-CLAUDE BAYLE ELENA PREDESCU G literatur` universal` – eseu La société franπaise réfléchie dans l’œuvre de Georges Ohnet eorges Ohnet (1848-19718) a vécu dans une période quand, en France, se formait un nouveau type de société caractérisée par la consolidation des structures capitalistes et la défense des institutions républicaines de l’état laïque. La propagation de l’instruction favorise le développement de la presse quotidienne et l’épanouissement de la littérature de fiction tandis que le roman connaît une progression considérable et atteint le public de masse. Durant la période connue sous le nom de „la belle époque" (fin du XIX è et début du XX è siècle), le naturalisme artistique se développe et fait apparaître le roman populaire bourgeois qu’on appellera aussi „roman mondain” et plus tard „roman sentimental” qui se veut psychologique et reste dans la ligne de Balzac. Suivant le modèle balzacien, les auteurs veulent donner une image de tous les aspects de la société et publient souvent leurs œuvres par séries. Ainsi, Emile Richebourg intitule une de ses séries Les Drames de la Vie, Jules Mary a une série nommée Les vaincus de la Vie, tandis que Georges Ohnet regroupe ses romans sous le titre Les Batailles de la Vie. Le retour de certains personnages, tels, par exemple, La Brède et Tremblay qui apparaissent dans tous les romans, justifie ce regroupement en cycle. Tout comme Balzac, Georges Ohnet produit des „études”, des „tableaux de mœurs”, des „scènes de la vie parisienne” et affecte de rejeter ses romans dans le moment même où ils y recourent le plus. A travers des fictions romanesques, l’auteur envisage une véritable „comédie humaine”, propage des idées politiques et des mœurs de la belle époque. Parfois, il laisse, malgré lui, transparaître ses idées politiques dans des passages plus psychologiques que sociales, là où l’on ne s’attendrait guère à en trouver. On sait bien, d’ailleurs, que les écrits révèlent leur auteur et que n’importe quelle œuvre d’imagination reflète sa vision du monde. D’autre côté, en choisissant certains sujets, l’auteur dévoile l’image du lecteur auquel il adresse ses écrits. C’est pourquoi l’on ne peut étudier l’œuvre de Georges Ohnet sans tenir compte du contexte historique, politique et social. La vie publique a toujours son importance car les décisions prises au niveau de la collectivité peuvent influencer l’existence individuelle. Les intérêts et les idéologies politiques touchent le grand public et modifient les attitudes et les espérances des individus et l’écrivain ne peut les ignorer. Il en est le EX PONTO NR.1, 2006 173

EX PONTO NR.1, 2006 174 témoin et montre les effets sociaux, sans critique, sans commentaire. Georges Ohnet met en évidence les différences qui persistent encore, autour de 1880, entre les classes au pouvoir (la bourgeoisie libérale et l’ancienne aristocratie) et la masse ouvrière, à la fois soumise et révoltée, et propose un nouveau modèle d’unité nationale fondée sur des valeurs morales plutôt que sur des considérations de classe ou de fortune. Journaliste issu d’une vieille famille bourgeoise, Georges Ohnet est considéré comme le maître du roman populaire mondain à tendances aristocrates. En nous appuyant sur quatre de ses premiers romans publiés, Serge Panine (1881), Le Maître de Forges (1882), La Grande Marnière (1885) et Volonté (1888) nous allons essayer de voir comment la société franπaise est réfléchie dans ses écrits. Nous avons fait ce choix parce que ses autres romans sont d’une orientation plus psychologique où les sentiments, la passion, l’analyse des troubles intérieurs ne laissent plus trop de place aux manifestations de la vie sociale. Sous la forme de romans sentimentaux, les quatre romans mettent en scène les confits qui traversaient la société franπaise, les enjeux politiques, sociaux et idéologiques ainsi que les drames auxquels ils donnaient lieu. Sous une apparence de romans d’amour, ces œuvres sont, en fait, des romans d’idées, des récits qui constituent des Batailles de la Vie. La bataille racontée dans le Maître des Forges c’est l’alliance et la fusion souhaitable de deux classes sociales : l’ancienne aristocratie de naissance représentée par Claire de Beaulieu et sa famille et la bourgeoisie industrielle, liée à la production et au savoir, symbolisée par Philippe Derblay, polytechnicien et maître de forges. Serge Panine envisage la bataille d’une femme comme chef d’entreprise entrecoupée par les amours malheureuses d’une petite bourgeoise riche et innocente, tombée dans les griffes d’un prince Polonais, ruiné et débauché qui sera à la fin tué par sa belle mère. Dans Volonté, le bataille consiste à rétablir inlassablement une fortune plusieurs fois en faillite. Les familles des deux héros antithétiques passent de 1815 à 1880 en voyant leur fortune évoluer de faπon inversement proportionnelle. L’héritier Louis Hérault, amolli par le luxe, d’une famille d’industriels enrichis, se remet sur le droit chemin après avoir rencontré une aristocrate ruinée mais pleine d’énergie, Hélène de Graville. A son tour ruiné, Louis Hérault se retrouve au niveau d’où son aïeul était parti. Poussé par l’énergie de sa femme, il se remet au travail car „le monde est à ceux qui ont de la volonté”. La Grande Marnière oppose le marquis de Clairefont qui, émigré après 1830, rentre dans son château et doit faire face au pouvoir nouveau d’un paysan républicain. Après de multiples péripéties judiciaires et la bataille de Pascal Carvajan contre son propre père, le fils du républicain épousera la fille du marquis. Comme nous pouvons le constater chez Ohnet, le côté sentimental ne saurait être séparé du côté politique. L’environnement politique constitue le cadre de toute relation humaine et, nous pouvons dire que la lutte des classes politiques se retrouve, dans la Grande Marnière, érotisée puisque entre les deux héros il y a une vieille histoire de jeune fille fiancée à Carvajan et séduite par le marquis. En suite, à la génération suivante, Pascal Carvajan s’épprend d’Antoinette de Clairefont donc la relation amoureuse se voit politisée. Dans cette lumière, la finalité de l’intrigue, qui est la constitution d’un couple, ne signifie pas autre chose qu’un espoir de réconciliation des classes et le vœu d’une société apaisée. Donc, nous pouvons affirmer que l’auteur a instrumentalisé le récit d’amour à d’autres fins, notamment, la représentation des mœurs, de la situation des femmes, des problèmes de la famille etc.

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témoin et montre les effets sociaux, sans critique, sans commentaire. Georges<br />

Ohnet met en évidence les différences qui persistent encore, autour de 1880,<br />

entre les classes au pouvoir (la bourgeoisie libérale et l’ancienne aristocratie)<br />

et la masse ouvrière, à la fois soumise et révoltée, et propose un nouveau<br />

modèle d’unité nationale fondée sur des valeurs morales plutôt que sur des<br />

considérations de classe ou de fortune.<br />

Journaliste issu d’une vieille famille bourgeoise, Georges Ohnet est considéré<br />

comme le maître du roman populaire mondain à tendances aristocrates.<br />

En nous appuyant sur quatre de ses premiers romans publiés, Serge Panine<br />

(1881), Le Maître de Forges (1882), La Grande Marnière (1885) et Volonté<br />

(1888) nous allons essayer de voir comment la société franπaise est réfléchie<br />

dans ses écrits. Nous avons fait ce choix parce que ses autres romans sont<br />

d’une orientation plus psychologique où les sentiments, la passion, l’analyse<br />

des troubles intérieurs ne laissent plus trop de place aux manifestations de<br />

la vie sociale.<br />

Sous la forme de romans sentimentaux, les quatre romans mettent en<br />

scène les confits qui traversaient la société franπaise, les enjeux politiques,<br />

sociaux et idéologiques ainsi que les drames auxquels ils donnaient lieu. Sous<br />

une apparence de romans d’amour, ces œuvres sont, en fait, des romans<br />

d’idées, des récits qui constituent des Batailles de la Vie. La bataille racontée<br />

dans le Maître des Forges c’est l’alliance et la fusion souhaitable de deux<br />

classes sociales : l’ancienne aristocratie de naissance représentée par Claire<br />

de Beaulieu et sa famille et la bourgeoisie industrielle, liée à la production et<br />

au savoir, symbolisée par Philippe Derblay, polytechnicien et maître de forges.<br />

Serge Panine envisage la bataille d’une femme comme chef d’entreprise<br />

entrecoupée par les amours malheureuses d’une petite bourgeoise riche et<br />

innocente, tombée dans les griffes d’un prince Polonais, ruiné et débauché qui<br />

sera à la fin tué par sa belle mère. Dans Volonté, le bataille consiste à rétablir<br />

inlassablement une fortune plusieurs fois en faillite. Les familles des deux<br />

héros antithétiques passent de 1815 à 1880 en voyant leur fortune évoluer de<br />

faπon inversement proportionnelle. L’héritier Louis Hérault, amolli par le luxe,<br />

d’une famille d’industriels enrichis, se remet sur le droit chemin après avoir<br />

rencontré une aristocrate ruinée mais pleine d’énergie, Hélène de Graville. A<br />

son tour ruiné, Louis Hérault se retrouve au niveau d’où son aïeul était parti.<br />

Poussé par l’énergie de sa femme, il se remet au travail car „le monde est à<br />

ceux qui ont de la volonté”. La Grande Marnière oppose le marquis de Clairefont<br />

qui, émigré après 1830, rentre dans son château et doit faire face au pouvoir<br />

nouveau d’un paysan républicain. Après de multiples péripéties judiciaires et<br />

la bataille de Pascal Carvajan contre son propre père, le fils du républicain<br />

épousera la fille du marquis.<br />

Comme nous pouvons le constater chez Ohnet, le côté sentimental ne<br />

saurait être séparé du côté politique. L’environnement politique constitue le<br />

cadre de toute relation humaine et, nous pouvons dire que la lutte des classes<br />

politiques se retrouve, dans la Grande Marnière, érotisée puisque entre les<br />

deux héros il y a une vieille histoire de jeune fille fiancée à Carvajan et séduite<br />

par le marquis. En suite, à la génération suivante, Pascal Carvajan s’épprend<br />

d’Antoinette de Clairefont donc la relation amoureuse se voit politisée. Dans<br />

cette lumière, la finalité de l’intrigue, qui est la constitution d’un couple, ne signifie<br />

pas autre chose qu’un espoir de réconciliation des classes et le vœu d’une<br />

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