les jeunes historiens ont la parole - Centre for Historical Research ...

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27.09.2013 Views

Studiedag voor jonge historici – Eerste Wereldoorlog – Tweede Wereldoorlog Journée d’étude “jeunes historiens” – Première Guerre mondiale – Seconde Guerre mondiale Pieter-Jan VAN GUCHT (UGent) L’espionnite durant la Première Guerre mondiale. Une contribution à l’histoire de l’entrée en guerre des Belges en août 1914 L'image traditionnelle de l'entrée en guerre des Belges – celle d’un peuple uni derrière son Roi et son gouvernement pour la défense de l’honneur et de l’intégrité de la patrie – a été fortement révisée par la recherche récente. Nous savons à présent qu'il ne fut pas alors seulement question de patriotisme unanime : la panique et le chaos firent, eux aussi, partie des réactions populaires à l'ultimatum allemand au cours des premiers jours d'août 1914. Dans les villes, en particulier, la population sembla par exemple en proie à un fort sentiment anti-allemand, qui s’exprima dans des émeutes et une chasse aux espions allemands. Dans la lignée de Stéphane Audoin-Rouzeau et d’Annette Becker, ces phénomènes peuvent être cités à titre d'illustration de l'effet automobilisateur que le déclenchement de la guerre a produit sur les populations belligérantes. Ce mémoire de master a en premier lieu tenté de vérifier si, à une échelle modeste, les sources concrètes corroboraient bel et bien cette image, un aperçu complet et nuancé de l’entrée en guerre des Belges en août 1914 faisant toujours défaut. L'entrée en guerre des Belges reste, en d'autres termes, un sujet de recherche valable et intéressant, qui mérite encore l’attention. La focalisation, dans notre cas, sur la “fièvre” qui s’empara alors de la population belge autour de la question des espions, peut dès lors permettre de mettre en lumière de manière très directe certains aspects de la nouvelle forme de guerre qui se fit jour en 1914. L’analyse concrète des sources a été mise en cadre de manière large. Sur le plan théorique, la notion de “culture de guerre” et d’autres concepts qui lui sont étroitement liées ont été traités. Sur le plan historique, l'attention a porté sur trois grands thèmes : la situation de l'Etat belge à la veille de 1914, la colonie allemande en Belgique et l'entrée en guerre des Belges. Le traitement approfondi des archives de la gendarmerie de Bruxelles, constituées des traces écrites qu’a laissé le traitement de plusieurs centaines d'affaires d’espionnage, forme le cœur de ce travail. Afin d’exploiter au maximum le potentiel du matériel étudié, l’ensemble des aspects de cette source ont été pris en compte. Ont ainsi été analysés le cadre temporel au sein duquel chaque dossier prit place, mais aussi l'identité de l’indicateur et sa motivation si elle est signalée, l’accusation elle-même et le traitement que les autorités concernées réservèrent à l’affaire. Tout ceci nous permet de pointer quelques conclusions d’importance. D’une part, on trouve un soutien clair à l’affirmation selon laquelle la population bruxelloise s’est “auto-mobilisée” en réponse à l'ultimatum allemand. Le moment où éclatèrent ces affaires, la récurrence des éléments patriotiques/nationalistes dans les motivations exprimées par les informateurs, les accusations elles-mêmes ainsi que leur “absurdité” semblent toutes indiquer la forte dimension “ethnique” de l'ensemble du phénomène. Sous l’“influence” de la culture de guerre dominante, les indicateurs semblent bel et bien “avoir vu ce qu'ils voulaient voir”. La recherche de l’“espion allemand” apparaît, dans cette optique, comme un mécanisme inconscient d'adaptation, qui permet à la population de s’inscrire dans l'effort de guerre, de “contribuer” à sa manière, et de chasser ses propres incertitudes. Toutefois, une telle interprétation ignore ce que l’on peut appeler « l'autre côté» de nos résultats de recherche. La forte prédominance de dénonciations anonymes, combinée avec l’extrême facilité de “l’acte” lui-même (une carte postale envoyée anonymement à la gendarmerie suffit) tendent déjà à mettre un doute sur la sincérité de nombreuses accusations. Que 8

Studiedag voor jonge historici – Eerste Wereldoorlog – Tweede Wereldoorlog Journée d’étude “jeunes historiens” – Première Guerre mondiale – Seconde Guerre mondiale les dénonciations personnelles trouvèrent leur origine dans une jalousie économique semble, au vu de la situation de la colonie allemande à Bruxelles, très plausible. Cette possibilité est, elle aussi, directement appuyée par un certain nombre d’exemples concrets. Une conclusion nuancée s’impose donc : considérer les lettres de dénonciation dans leur ensemble comme une illustration de la culture de guerre 1914-1918 s’avère, nous semble-t-il, pour le moins exagéré. Seul un groupe plutôt restreint de dossiers s’y inscrit en plein, et il en va alors surtout de dénonciations émanant de citoyens qui ne restèrent pas anonymes. Pour le reste des cas, une grande majorité, plus de prudence s’impose et il importe de prêter attention à une large gamme d’autres éléments, qui ne s’inscrivent pas forcément dans une pensée “culture de guerre”. Les sources suggèrent que la jalousie, l'opportunisme, les conflits personnels et une image fautive (en partie renforcée par les autorités) de “l’espion” jouèrent un rôle bien plus important que ce l’on a parfois pu penser. Enfin, nous avons aussi tenté de répondre à certaines questions complémentaires. Au moyen des dossiers personnels d’étrangers, la réaction des Allemands confrontés à une accusation (qui s’avèrait parfois fausse) a ainsi été analysée. Les documents examinés illustrent clairement les difficultés que traversèrent les Allemands en Belgique lors de l’entrée et de la sortie de guerre. La seconde question complémentaire qui a été explorée est celle de savoir si l’espionnite avait quelque fondement dans les faits. Y avait-il véritablement lieu de s'inquiéter de vastes opérations clandestines qui auraient pris place au sein de la société belge ? De la littérature sur ce sujet, il apparaît en tous cas que l’Allemagne avait une image relativement exacte notamment du degré de préparation militaire belge. Mais chercher la source de ces informations dans les éléments de la colonie allemande semble, cependant, totalement infondé. 9

Studiedag voor jonge historici – Eerste Wereldoorlog – Tweede Wereldoorlog<br />

Journée d’étude “<strong>jeunes</strong> <strong>historiens</strong>” – Première Guerre mondiale – Seconde Guerre mondiale<br />

<strong>les</strong> dénonciations personnel<strong>les</strong> trouvèrent leur origine dans une jalousie économique semble, au<br />

vu de <strong>la</strong> situation de <strong>la</strong> colonie allemande à Bruxel<strong>les</strong>, très p<strong>la</strong>usible. Cette possibilité est, elle<br />

aussi, directement appuyée par un certain nombre d’exemp<strong>les</strong> concrets.<br />

Une conclusion nuancée s’impose donc : considérer <strong>les</strong> lettres de dénonciation dans leur ensemble<br />

comme une illustration de <strong>la</strong> culture de guerre 1914-1918 s’avère, nous semble-t-il, pour le moins<br />

exagéré. Seul un groupe plutôt restreint de dossiers s’y inscrit en plein, et il en va alors surtout de<br />

dénonciations émanant de citoyens qui ne restèrent pas anonymes. Pour le reste des cas, une<br />

grande majorité, plus de prudence s’impose et il importe de prêter attention à une <strong>la</strong>rge gamme<br />

d’autres éléments, qui ne s’inscrivent pas <strong>for</strong>cément dans une pensée “culture de guerre”. Les<br />

sources suggèrent que <strong>la</strong> jalousie, l'opportunisme, <strong>les</strong> conflits personnels et une image fautive (en<br />

partie ren<strong>for</strong>cée par <strong>les</strong> autorités) de “l’espion” jouèrent un rôle bien plus important que ce l’on a<br />

parfois pu penser.<br />

Enfin, nous avons aussi tenté de répondre à certaines questions complémentaires. Au moyen des<br />

dossiers personnels d’étrangers, <strong>la</strong> réaction des Allemands confr<strong>ont</strong>és à une accusation (qui<br />

s’avèrait parfois fausse) a ainsi été analysée. Les documents examinés illustrent c<strong>la</strong>irement <strong>les</strong><br />

difficultés que traversèrent <strong>les</strong> Allemands en Belgique lors de l’entrée et de <strong>la</strong> sortie de guerre. La<br />

seconde question complémentaire qui a été explorée est celle de savoir si l’espionnite avait<br />

quelque fondement dans <strong>les</strong> faits. Y avait-il véritablement lieu de s'inquiéter de vastes opérations<br />

c<strong>la</strong>ndestines qui auraient pris p<strong>la</strong>ce au sein de <strong>la</strong> société belge ? De <strong>la</strong> littérature sur ce sujet, il<br />

apparaît en tous cas que l’Allemagne avait une image re<strong>la</strong>tivement exacte notamment du degré de<br />

préparation militaire belge. Mais chercher <strong>la</strong> source de ces in<strong>for</strong>mations dans <strong>les</strong> éléments de <strong>la</strong><br />

colonie allemande semble, cependant, totalement infondé.<br />

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