opera quae supersünt omnia. - ARCHIVE OUVERTE UNIGE

703 EPISTOLAE 3515—3516 704
Sommaire declaration de Theodore de Besze, sur
certains poincts par luy proposez en l'assemblée des
Cardinaux et Evesques de France et des Ministres
de l'Eglise, à Poissy le 9. de Septembre 1561.
A la Royne.
Madame, comme ainsi soit que vostre treshumble
serviteur Theodore de Beze, ait occasion
de craindre que vostre Maiesté ne soit demeurée
satisfaite d'une parole qu'hier il prononça sur la
matière du sainct Sacrement de la Gene, laquelle
à son grand regret fut trouvée fort estrange par
Messieurs les Prélats assistans. Ce considéré, il
supplie treshumblement vostre Maiesté d'entendre
plus amplement ce que pour lors il n'a peu assez
exprimer, à cause du bruit qui s'esleva, de sorte
que sa conclusion ne fut entendue comme il eust
bien désiré, et comme il avoit proposé.
Madame, ce qui m'a baillé occasion de tomber
en un tel propos, c'est qu'il y eu a plusieurs qui
estiment (par faute de bien entendre nostre confession
de foy) que nous voulons forclorre Iesus
Christ de la Oene, qui seroit une impieté toute
manifeste. Car nous scavons, graces à Dieu, que
ce tant précieux Sacrement est ordonné du Fils de
Dieu, afin que nous faisant de plus en plus participans
de la substance de son vray corps, et de
son vray sang, nous soyons de tant plus près unis
et | incorporez avec luy pour en tirer la vie éternelle.
Et de faict s'il estoit autrement, ce ne seroit
point la Cène de nostre Seigneur. Ainsi, Madame,
tant s'en faut que nous voulions dire que
Iesus Christ ne soit point present en la saincte
Cène, qu'au contraire nous scaurions aussi peu porter
un tel sacrilege, que personne qui soit au monde.
Mais il y a grande difference de dire que Iesus
Christ est present en la saincte Cène, en tant qu'il
nous y donne véritablement son corps et son sang:
et de dire, que son corps et son sang soyent conioints
avec le pain et le vin. I'ay confessé le premier,
qui est aussi le principal: i'ay nié le dernier,
par ce que ie l'estime directement contraire à la
vérité de la nature humaine du corps de Christ,
et à l'article de l'ascension, comme il est couché
en l'Escriture saincte, et déclaré par tous les anciens
docteurs de l'Eglise. le n'allegueray yci
plusieurs passages et raisons: mais seulement, Madame,
ie supplie vostre Maiesté de considérer en
vous-mesmes quelle opinion nous apprend à porter
plus d'honneur à la parole et ordonnance de Dieu,
ou celle qui nous fait croire que nous ne pouvons
estre participans du corps de Iesus Christ, s'il n'est
mis et conioint realement et de faict avec le Sacrement:
ou bien celle qui nous enseigne, qu'encores
que le corps d'iceluy reside maintenant au ciel, et
non ailleurs: et neantmoins par la vertu spirituelle
d'iceluy, et moyennant une vraye foy, nous qui
sommes en terre, et qui croyons en luy, sommes
faits participans de son vray corps et sang, aussi
certainement et véritablement que nous voyons de
nos yeux, et touchons à la main les saincts Sacremens
visibles du pain et du vin qu'il a ordonnez à
cest effect.
Madame, si ceste declaration, laquelle de long
temps est enregistrée en nos livres, et que ie n'eu
hier le moyen de donner assez à entendre, peut
satisfaire à vostre Maiesté, i'auray une singulière
occasion d'en louer Dieu bien grandement: sinon ie
prendray la hardiesse de requérir encore ceste faveur,
que ie puisse plus amplement en satisfaire
de vive voix à vostre Maiesté, mesmement, si metier
est, en la presence de ceux desquels iugerez
que ie puisse recevoir enseignement et doctrine,
comme celuy qui en ha bien grand besoin, et qui
ne desire que d'apprendre de plus en plus pour
avoir moyen de faire treshumble service à vostre
Maiesté au restablissement d'une tant saincte union
et concorde.
Voyci les propres mots que i'ay prononcée,
desquels se sont offensée Messieurs les Prélats.
Si là dessus on nous demande, si nous rendons
Iesus Christ absent de la Cène, nous disons
que non. Cependant nous croyons qu'en considérant
la distance des lieux (comme il faut faire
quand il est question de sa presence corporelle) et
quant à son humanité distinctement considérée, son
corps est esloigné du pain et du vin autant que le
plus haut ciel est esloigné de la terre. Mais si
quelqu'un veut conclure de cela, que nous rendons
Iesus Christ absent de la Cène, nous pensons que
ce soit mal conclu. Car nous faisons cest honneur
à Dieu, que suyvant sa parole, encor que le corps
de Iesus Christ soit au ciel, et nous en la terre,
ce nonobstant nous sommes faits participans de son
corps et de son sang aussi véritablement (mais par
une manière spirituelle et par foy) que nous voyons
les Saoremens à l'oeil, les touchons à la main, les
mettons en nostre bouche et vivons de leur substance
en ceste vie corporelle.
Voyci les mots de S. Augustin au traitté 5.
sur sainct lean.
Quand Iesus disoit, vous ne m'aurez pas tousiours
avec vous, il parloit de la presence de son
corps: car selon sa maiesté, selon sa providence,
selon sa graoe invisible, ce qu'il a promis ailleurs
est accompli: le seray avec vous iusqu'à la consommation
du monde : mais selon la nature humaine
qu'il a prise, selon ce qu'il est nay de la Vierge,
selon ce qu'il a esté crucifié et enseveli, et selon
ce qu'il est ressuscité, ceste sentence est accomplie:
Yous ne m'aurez point tousiours avec vous. Pour-