opera quae supersünt omnia. - ARCHIVE OUVERTE UNIGE
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689 1561 SEPTEMB. " 690<br />
de Dieu visible, faire ne se peut qu'il n'en soit<br />
grandement esmeu, pour considérer le devoir de<br />
l'obéissance et suietion qu'il luy doit. Car estans<br />
tels que nous sommes, ce que nous voyons à l'oeil<br />
(pourveu que l'oeil soit bon, et la chose responde<br />
à ce qu'on a conceu) est de beaucoup plus grand<br />
effect que ce qui est considéré par nous avec une<br />
simple et nue apprehension d'esprit. Et s'il advient<br />
que non seulement il puisse veoir son Prince,<br />
mais aussi qu'il soit veu de luy, et qui plus est,<br />
escouté, et finalement receu et approuvé, alors véritablement<br />
a il receu une très grande satisfaction,<br />
et singulier contentement. De ces quatre poincts,<br />
Sire, U a pieu à Dieu, usant de ses secrets iugemens,<br />
que une partie de vos treshumbles et tresobeissans<br />
suiets ait esté long temps frustrée, à son<br />
tresgrand regret, iusqu'à ce qu'usant de son infinie<br />
miséricorde, et donnant lieu à nos pleurs et gemissemens<br />
continuels, il nous a tellement favorisez,<br />
que ce iour nous apporte le bien iusques ycivplustost<br />
désiré qu'espéré, de voir vostre maiesté, Sire,<br />
et qui plus est, estre veus et ouys d'icelle en la<br />
plus illustre et noble compaignie qui soit au monde.<br />
Quand donc nous n'aurions iamais receu autre<br />
bien, et n'en recevrions par ci après, si est ce que<br />
le reste du cours de nos ans ne pourroit satisfaire<br />
pour suffisamment en remercier nostre Dieu, et<br />
rendre graces condignes à vostre maiesté.<br />
Mais quand nous considérons avec cela que ce<br />
mesme iour non seulement nous fait ouverture,<br />
mais aussi nous convie, et par manière de dire,<br />
d'une façon tant benigne, tant gracieuse, et tant<br />
convenable à vostre royalle debonnaireté nous contraint<br />
à tesmoigner tous ensemble le devoir que<br />
nous avons à confesser le nom de nostre Dieu, et<br />
declarer l'obéissance que nous vous portons, force<br />
nous est de confesser, Sire, que nos esprits ne sont<br />
capables de concevoir la grandeur d'un tel bien, et<br />
nos langues encores moins suffisantes à exprimer<br />
ce que l'affection leur commande: tellement, Sire,<br />
qu'une telle faveur surmonte toute eloquence<br />
humaine. Nous aimons trop mieux confesser<br />
nostre imbécillité par un vergongneux silence,<br />
qu'amoindrir un tel bienfaiot par le défaut de la<br />
parole.<br />
Toutesfois, Sire, nous souhaitons encore le<br />
quatrième et principal poinct: c'est asçavoir que<br />
nostre service soit ce iourd'huy receu de vostre<br />
Maiesté pour agréable. Ce qu'aussi nous espérons<br />
obtenir, s'il advient (et Dieu vueille qu'ainsi soit)<br />
que nostre venue apporte une fin, non point tant<br />
à nos misères et calamitez passées (desquelles la<br />
memoire s'en va comme esteinte par ceste heureuse<br />
iournee) qu'à ce qui nous a semblé plus grief tousiours<br />
que la mort mesme, sçavoir est aux troubles<br />
et discors survenus en ce royaume pour le faict de<br />
Calvini <strong>opera</strong>. Vol XVIU.<br />
la religion avec la ruine et perdition d'une grande<br />
multitude de vos povres subiets.<br />
Or y a-il plusieurs occasions qui iusqu'ycî<br />
nous ont empesohé de iouir d'un si grand bien, et<br />
qui encores auiourd'huy nous feroyent perdre tout<br />
courage, n'estoit que d'autre costé plusieurs choses<br />
nous fortifient et asseurent. Il y a premièrement<br />
une persuasion enracinée au coeur de plusieurs par<br />
un certain malheur, et par l'iniquité des temps, que<br />
nous sommes gens turbuleux, ambitieux, adonnez<br />
à nostre sens, et ennemis de toute concorde et<br />
tranquillité. Il y en peut aussi avoir qui présument<br />
qu'encore que nous ne soyons du tout ennemis de<br />
paix, ce neantmoins nous la demandons avec des<br />
conditions tant rudes et aspres, que nous ne sommes<br />
nullement recevables: comme si nous prétendions<br />
de renverser tout le monde pour en faire un<br />
autre à nostre façon, et mesmes de despouiller<br />
aucuns de leurs biens et facultez pour nous en<br />
emparer.<br />
Il y a plusieurs tels grans empeschemens, Sire,<br />
mais nous aimons trop mieux que la memoire en<br />
soit ensevelie, que rafraischir les vieilles playes en<br />
les recitant maintenant que sommes sur le poinct,<br />
non pas de faire doléances et complaintes, mais de<br />
chercher les plus convenables et prompts remèdes.<br />
Et qui nous donne donc une telle asseurance<br />
au milieu de tant d'empeschemens, Sire? Ce n'est<br />
aucun appuy de chose qui soit en nous, veu que<br />
nous sommes en toutes sortes les plus petis et contemptibles<br />
du monde. Ce n'est point aussi, graces<br />
à Dieu, vaine présomption ni arrogance : car nostre<br />
povre et vile condition ne le porte pas. C'est plustost,<br />
Sire, nostre bonne conscience, qui nous asseure<br />
de nostre bonne et iuste cause: de laquelle nous<br />
espérons que nostre Dieu, par le moyen de vostre<br />
Maiesté, sera le défenseur et protecteur: c'est aussi<br />
la debonnaireté desia remarcable en vostre face,<br />
parole et contenance. C'est l'équité que nous voyons<br />
et expérimentons estre emprainte en vostre coeur,<br />
Madame. C'est la droiture de vous, Sire, et des<br />
autres illustres Princes du sang: c'est aussi l'occasion<br />
toute manifeste que nous avons d'espérer que<br />
vous, nos très honorez seigneurs du Conseil, vous<br />
conformans à une mesme volonté, n'aurez moindre<br />
affection de nous ottroyer une taut saincte et nécessaire<br />
concorde, que nous avons de la recevoir.<br />
Et quoy plus? Ü y a encores un poinct qui nous<br />
entretient en bonne espérance, c'est que nous présumons<br />
selon la regle de charité, que vous, Messieurs,<br />
avec lesquels nous avons à conférer, vous<br />
efforcerez plustost avec nous, selon nostre petite<br />
mesure, à esclarcir la vérité qu'à l'obscurcir d'avantage,<br />
à enseigner qu'à debatre, à peser les raisons<br />
qu'à les contredire : brief à plustost empescher que<br />
le mal ne passe plus outre, qu'à le rendre du tout<br />
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