opera quae supersünt omnia. - ARCHIVE OUVERTE UNIGE
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663 EPISTOLA 3504 664 rement avoir arrest Pour ces raisons, combien que ie ne les alleguoye pas toutes devant nostre conseil, je proposay devant tous que ie ny alloye point voulontiers, mesme il fut dit que iyroye seulement coucher le samedy et que ce seroit pour parler en chambre comme lan passé et non point en public. Le mercredy on me vint quérir pour aller Visiter une église a trois lieues près de nostre ville, et moy ie fus ioyeux espérant par telle occasion de fuir la Gyvreu. Oe mesme iour, moy estant parti, les marchans envoyèrent monture et lettres pour me mener a Gyvrey, et le Jeudy dautant quil estoit feste pour faire exhortation. Le Jeudy matin estant de retour ie trouvay que chacun m'attendoit. Le cheval estoit sellé, ma femme estoit preste de partir pour y aller. Moy voyant toutes ces choses ie me resignay a dieu. Ainsy descendu dung cheval me fallut monter sur lautre, et par les chemins nous n'avions garde de brûler, car nous eusmes la pluye sur les espaules et la fange iusques aux jarets. J'arrivay au soir a Fallaize bien lassé, bien mouillé, avec ung mal de teste et couchay a l'hostellerie a la mode de Gyvrey. Le lendemain, qui estoyt le vendredy, 2 ) estant levé avec mon mal de teste ie pensoy a surmonter le mal. On me parla de manger, mais il n'estoit question, lodeur des viandes me faisoit lever le oueur. On me mena chez ung bourgeois de la ville ou je demeuray au lict jusques environ trois heures après midi. On me demanda si ie pourroy faire exhortation vers le soir. Je respondis que ouy, pourveu que les surveillans de Rouen et les nostres advisassent de trouver logis et qu'on donnast ordre qu'il n'y eust point de confusion. Il ne fut possible de trouver logis, car la multitude qui desiroit ouyr la parolle estoit bien de deux a trois mille personnes, et encore on admonestoit chacun de ne divulguer point la chose. Le heu fut ung champ près de Gyvrey, tout environné de murailles, qui estoit fort ample, ayant une seule porte bien large et de rechef au devant de la porte y avoit ung autre enclos aussi large comme vostre moulard. a ) La predication se fit avec bon silence et pseaumes au commencement et en la fin. Le lendemain le bruit fut par tout le camp de Gyvrey comme on avoit presche et tout le monde se préparait pour sy trouver, chacun senqueroit du lieu et de lheure. Mais nous n'osions dire lheure oraingnans les embusches: on nous menacoit quon devoit lever ung guet de deux cens hommes armés. Le procureur du Boy de Fallaize avoit fait adiourner tous les libraires ce mesme iour. Les prostrés 2) En 1561. la fête de P Assomption, 15. Août, tombait un vendredi. 3) Le Molard, la principale place de f ancienne Genève. avoyent fait des grandes complaintes, a cause qu'on avoit presche et que publiquement on avoit vendu les livres de Geneve, et qui plus est, certains petis garsons avoyent porte parmy les rues des plaquars contre la messe avec cris dont tous estoyent estonnés. Le commencement desdits plaquars estoit: Articles véritables sur les horribles grans et importables abus de la messe papale etc Je oroy que monsieur Fard en est autheur. Le stile le monstre. J'invoque, dit il, le ciel et la terre en tesmoignage de vérité contre ceste pompeuse et orgueilleuse messe papale, par laquelle le monde, si dieu bien tost n'y remédie, est et sera totalement désolé ruiné perdu et abismé. Quant aux cris des garsons ie les mettray oy après a part pour ne rompre le propos que iay commencé. Seulement ie diray ce mot: Hz crioyent hardiment Labolissement de la messe. Pour revenir au propos, on nous menacoit aussi de la venue de monsieur Levesque de Sais, nommé du Val, homme savant comme on dit. Lequel arriva le dimanche. Quant a levesque aussi ien dirai oy après l'histoire. Je reviens aux premieres menaces. Pour deux cens hommes armés au guet il s'en trouva environ 16 ou 20 au plus, povres artisans avec bastons empruntés. On disoit quilz viendroyent a 7 et 8 heures sur le point de lexhortation, mais ilz vindrent a 5 et 6: desia nos gens sassembloyent, mais ilz se destournent (ie parle du guet). Oe pendant aucuns des nostres consultent ensemble (les principaux): ilz sont d'advis qu'il est bon de se contenir craingnans tumulte. Quand le peuple est amassé, fort grand nombre, on me vient quérir. le suis en perplexité si ie doy aller, ou quoy: iy allay et le tout se porte fort bien. Quant aux adiournemens des libraires le mesme iour a lheure ditte ilz comparurent. Hz ne trouvent ni Procureur du Roy ni autre pour parler. Ilz demandèrent lettres en iustice de leur comparence: cela leur est accordé. Hz retournèrent a leurs boutiques plus hardis que devant. Voila pour le iour de samedy. Le dimenche nostre peuple s'amasse sans nombre a cinq heures de matin: on change de lieu, on se met au milieu des champs, on estimoit que cela seroit pour le melieur afin de veoir les enemis de loing silz fussent venus. Mais le silence ne fut point tel comme aux iours précédons: touteffois le tout se fit en edification et la predication faite chacun se retira paisiblement. Apres disner on sonna le sermon du Cordelier au temple de Givrey. Aucuns des nostres sy trouvèrent et comme il blasphemoit sur le propos des images ung coupeur de bourses fut surprins en son larcin et fut bien battu avec grand tumulte, dautres crioyent après le cordelier quil mentoit comme faux prophète. H y eut quelque esmotion, mais cela se passa Bans autre
665 1561 AUGUST. 666 mal. Le Cordelier retournant a la ville quelcnn luy bailla sur la ioue, mais cela n'a point esté approuvé de nous, ains avons remonstre que telles vehemences sont excessives (je parle de remonstrances publiques en predication) ce qui pleut fort aux papistes. De nostre part tout le peuple fut amassé devant les cinq heures du soir ce mesme iour. Or icy il faut dire par parenthèse de quelle matière iavoye traite en trois predications précédentes, le prins au commencement le texte du 3. chap, des Corinth. la premiere verset 10: Selon la grace de dieu qui ma este donnée comme ung sage maistre masson iay mis le fondement. En la premiere ie parlay de ce fondement, réduisant toutes les promesses de dieu en Christ, usant des argumens les plus favorables pour avoir la benevolence du peuple, monstrant que nostre doctrine cest celle des pères anciens, que les prophètes et Apostres nous amènent a Jesus Christ. En la seconde predication fut monstre comment on édifie sur ce fondement, or, argent, pierres précieuses, bois, foin, chaume. Lors fut parlé de la doctrine solide qui asseure les consciences et des doctrines humaines qui laissent l'homme confus en la presence de dieu. En la 3 me fut monstre que l'oeuvre dung chacun sera manifesté et là ie fis une conférence entre les vrays prophètes et faux prophètes qui ont esté sous lancien testament et comment leurs edifices sestoyent portés. Item ung discours de Jesus Christ et de ses apostres avec les scribes et Pharisiens et les advertissemens quilz nous avoyent laissés pour ces derniers temps. Pour parler du sermon du soir du dimenche iestime que le nombre estoit de cinq a six mille personnes plutost plus que moins. Lors ie fus en doutte aucunement quel texte ie devoye prendre pour declarer. Mon esprit fut résolu incontinent quil me falloit parler de la cène. Je prins le texte 1. Cor. 11. Ma preface fut: puis que nous avions parlé de la doctrine et que le seigneur Jesus a conioint des sacremens avec sa parolle, quil nous en falloit aussi parler, et sur tout pour remédier aux controverses qui sont aujourdhuy entre les hommes. Je taschoye de parler le plus doucement quil mestoit possible afin de n'offenser personne, attribuant au seul seigneur Jesus toute authorité. Toila tantost ung tumulte qui sesleve tout soudain, de sorte que tout le peuple se leva et les espees furent desgainees dung bout a lautre, et ny avoit autre voix sinon: quest ce? quest ce? De moy, ie ne bougeay de ma place, gloire en soit à dieu qui me fortifioit: mesme ie n'eu point le sens doster une barrette que iavoye sur la teste qui me remarquoit entre tous les autres. Lors ie commencay a crier: Mes amys, ce nest rien, et la voix (ce nest rien) fut tantost en la bouche de touB. On commença de rengainer les dagues et espees. Plusieurs me disoyent : Monsieur, ne craingnez point, sil faut mourir nous mourrons avec vous. Et tout bellement lesmotion sappaisa, lung avoit perdu son bonnet, son manteau, l'autre son soulier, lautre son livre. Une chaîne dor fut rompue a une damoiselle, mais comme dieu la voulu pour la gloire de son evangille tout sest retrouvé. Tous eussiez veu ung grand monceau de toutes ces choses devant mes pieds. Aucuns des papistes ont este contrains de dire: Ces Luthériens sont iustes comme lorloge, il ne se perdra rien au milieu d'eux. Or ayant recouvert aucunement le silence iexhortay le peuple de donner audience a la parolle de levangUle, et que cestoit Sathan qui nous faisoit cest alarme, pour empescher le regne de Jesus Christ. Lors ie reprins mon propos (graces a dieu) sans avoir troublé la memoire, et poursuyvis iusques a la fin de l'exhortation, monstrant la difference quil y avoit entre la cène de Jesus Christ et la messe des prestres. Yoila pour le dimenche. Loccasion du tumulte a esté récitée diversement. Les papistes qui regardoyent de loin, aucuns d'eux ont estimé qu'ung tonnerre estoit tombé du ciel au milieu de nous, a cause du grand murmure des voix. Dautres ont dit que deux prestres oyans mes propos commencèrent a murmurer, disans: Le meschant sen va ruiner le corpus domini. Aucuns leur respondirent que ie disoys vérité. Dautres ont dit que certains hommes serviteurs de levesque se sont vantés d'avoir fait cela de fait a pens en criant : voicy les ennemis. Ce pendant ie n'ay point entendu quil y ait eu aucune effusion de sang. Ce mesme iour après souper, entre 9 et 10 heures les compagnons des boutiques estoyent assis auprès des pavillons en chantant des pseaumes avec grande mélodie. Et aucuns patrenostriers de Paris, (ils) les appellent maillotins, en se moquant chantoyent chansons vilaines: on leur dit quilz se toussent ou quilz chantassent les louenges du seigneur dieu. Et comme ilz ne tenoyent compte des admonitions ung tumulte soudain se leva et la voix fut ouye tout a coup: Rouen Rouen Rouen, et une multitude de deux a trois cens personnes se trouvèrent lespee au poing et tout incontinent fut crié haut et clair: Vive lEvangille, vive levangille. Tous les patrenostriers se perdirent, ou pour le moins crioyent avec les autres: vive levangille. Ceste multitude Be pourmena par le camp de Gyvrey et autant de chansons ou dissolutions quilz rencontroyent ilz reformoyent tout. Cela fait attachèrent chandelles aux quarrés des rues principales et se mirent a genouil pour faire les prières devant que sen aller coucher, et ung d'eux les fit et ainsy ont continué depuis iusques a la fin de Gyvrey.
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mal. Le Cordelier retournant a la ville quelcnn<br />
luy bailla sur la ioue, mais cela n'a point esté approuvé<br />
de nous, ains avons remonstre que telles<br />
vehemences sont excessives (je parle de remonstrances<br />
publiques en predication) ce qui pleut fort<br />
aux papistes. De nostre part tout le peuple fut<br />
amassé devant les cinq heures du soir ce mesme<br />
iour.<br />
Or icy il faut dire par parenthèse de quelle<br />
matière iavoye traite en trois predications précédentes,<br />
le prins au commencement le texte du<br />
3. chap, des Corinth. la premiere verset 10: Selon<br />
la grace de dieu qui ma este donnée comme ung<br />
sage maistre masson iay mis le fondement. En la<br />
premiere ie parlay de ce fondement, réduisant<br />
toutes les promesses de dieu en Christ, usant des<br />
argumens les plus favorables pour avoir la benevolence<br />
du peuple, monstrant que nostre doctrine<br />
cest celle des pères anciens, que les prophètes et<br />
Apostres nous amènent a Jesus Christ. En la<br />
seconde predication fut monstre comment on édifie<br />
sur ce fondement, or, argent, pierres précieuses,<br />
bois, foin, chaume. Lors fut parlé de la doctrine<br />
solide qui asseure les consciences et des doctrines<br />
humaines qui laissent l'homme confus en la presence<br />
de dieu. En la 3 me fut monstre que l'oeuvre<br />
dung chacun sera manifesté et là ie fis une conférence<br />
entre les vrays prophètes et faux prophètes<br />
qui ont esté sous lancien testament et comment<br />
leurs edifices sestoyent portés. Item ung discours<br />
de Jesus Christ et de ses apostres avec les scribes<br />
et Pharisiens et les advertissemens quilz nous<br />
avoyent laissés pour ces derniers temps.<br />
Pour parler du sermon du soir du dimenche<br />
iestime que le nombre estoit de cinq a six mille<br />
personnes plutost plus que moins. Lors ie fus en<br />
doutte aucunement quel texte ie devoye prendre<br />
pour declarer. Mon esprit fut résolu incontinent<br />
quil me falloit parler de la cène. Je prins le texte<br />
1. Cor. 11. Ma preface fut: puis que nous avions<br />
parlé de la doctrine et que le seigneur Jesus a<br />
conioint des sacremens avec sa parolle, quil nous<br />
en falloit aussi parler, et sur tout pour remédier<br />
aux controverses qui sont aujourdhuy entre les<br />
hommes. Je taschoye de parler le plus doucement<br />
quil mestoit possible afin de n'offenser personne,<br />
attribuant au seul seigneur Jesus toute authorité.<br />
Toila tantost ung tumulte qui sesleve tout soudain,<br />
de sorte que tout le peuple se leva et les espees<br />
furent desgainees dung bout a lautre, et ny avoit<br />
autre voix sinon: quest ce? quest ce? De moy, ie<br />
ne bougeay de ma place, gloire en soit à dieu qui<br />
me fortifioit: mesme ie n'eu point le sens doster<br />
une barrette que iavoye sur la teste qui me remarquoit<br />
entre tous les autres. Lors ie commencay a<br />
crier: Mes amys, ce nest rien, et la voix (ce nest<br />
rien) fut tantost en la bouche de touB. On commença<br />
de rengainer les dagues et espees. Plusieurs<br />
me disoyent : Monsieur, ne craingnez point, sil faut<br />
mourir nous mourrons avec vous. Et tout bellement<br />
lesmotion sappaisa, lung avoit perdu son bonnet,<br />
son manteau, l'autre son soulier, lautre son<br />
livre. Une chaîne dor fut rompue a une damoiselle,<br />
mais comme dieu la voulu pour la gloire de son<br />
evangille tout sest retrouvé. Tous eussiez veu ung<br />
grand monceau de toutes ces choses devant mes<br />
pieds. Aucuns des papistes ont este contrains de<br />
dire: Ces Luthériens sont iustes comme lorloge,<br />
il ne se perdra rien au milieu d'eux. Or ayant<br />
recouvert aucunement le silence iexhortay le peuple<br />
de donner audience a la parolle de levangUle, et<br />
que cestoit Sathan qui nous faisoit cest alarme,<br />
pour empescher le regne de Jesus Christ. Lors ie<br />
reprins mon propos (graces a dieu) sans avoir troublé<br />
la memoire, et poursuyvis iusques a la fin de<br />
l'exhortation, monstrant la difference quil y avoit<br />
entre la cène de Jesus Christ et la messe des prestres.<br />
Yoila pour le dimenche.<br />
Loccasion du tumulte a esté récitée diversement.<br />
Les papistes qui regardoyent de loin, aucuns d'eux<br />
ont estimé qu'ung tonnerre estoit tombé du ciel au<br />
milieu de nous, a cause du grand murmure des<br />
voix. Dautres ont dit que deux prestres oyans<br />
mes propos commencèrent a murmurer, disans: Le<br />
meschant sen va ruiner le corpus domini. Aucuns<br />
leur respondirent que ie disoys vérité. Dautres ont<br />
dit que certains hommes serviteurs de levesque se<br />
sont vantés d'avoir fait cela de fait a pens en criant :<br />
voicy les ennemis. Ce pendant ie n'ay point entendu<br />
quil y ait eu aucune effusion de sang. Ce<br />
mesme iour après souper, entre 9 et 10 heures les<br />
compagnons des boutiques estoyent assis auprès des<br />
pavillons en chantant des pseaumes avec grande<br />
mélodie. Et aucuns patrenostriers de Paris, (ils)<br />
les appellent maillotins, en se moquant chantoyent<br />
chansons vilaines: on leur dit quilz se toussent ou<br />
quilz chantassent les louenges du seigneur dieu. Et<br />
comme ilz ne tenoyent compte des admonitions ung<br />
tumulte soudain se leva et la voix fut ouye tout a<br />
coup: Rouen Rouen Rouen, et une multitude de<br />
deux a trois cens personnes se trouvèrent lespee<br />
au poing et tout incontinent fut crié haut et clair:<br />
Vive lEvangille, vive levangille. Tous les patrenostriers<br />
se perdirent, ou pour le moins crioyent<br />
avec les autres: vive levangille. Ceste multitude<br />
Be pourmena par le camp de Gyvrey et autant de<br />
chansons ou dissolutions quilz rencontroyent ilz<br />
reformoyent tout. Cela fait attachèrent chandelles<br />
aux quarrés des rues principales et se mirent a genouil<br />
pour faire les prières devant que sen aller<br />
coucher, et ung d'eux les fit et ainsy ont continué<br />
depuis iusques a la fin de Gyvrey.