GE Biblioth. pub. et univ - Archive ouverte UNIGE
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589 SUPPLEMENTUM. 59»»<br />
an marquisat de Salaces (1593). 9 ) On voit déjà par ces détails<br />
que l'importance du baron du Poët, comme chef dn parti<br />
calviniste, est de beaucoup postérieure à la mort de Calvin.<br />
Hais il s'était déclaré pour la Réforme avant o<strong>et</strong>te époque,<br />
<strong>et</strong> il dut entr<strong>et</strong>enir avec le réformateur des relations dont<br />
nous croyons r<strong>et</strong>rouver la trace dans la l<strong>et</strong>tre adressée à un<br />
baron du Dauphiné (t. IL p. 522 de ce recueil). 10 ) Ces relations<br />
sont d'ailleurs attestées par une tradition généralement<br />
répandue dans la partie méridionale du Dauphiné, <strong>et</strong> dont on<br />
ne peut méconnaître la valeur. C'est à la faveur de c<strong>et</strong>te<br />
tradition qu'ont dû naître <strong>et</strong> s'accréditer dans le pays les<br />
fausses l<strong>et</strong>tres frauduleusement insérées dans les archives de<br />
la famille du Poët; — à quelle époque, <strong>et</strong> par quelles mains?<br />
on l'ignore.<br />
Est-il besoin de le dire! La seule lecture de ces l<strong>et</strong>tres<br />
dans les Mémoires de l'abbé d'Àrtigny, nous avait inspiré<br />
des doutes invincibles sur leur authenticité. Mais ces doutes,<br />
équivalant à une certitude morale, ne pouvaient acquérir une<br />
certitude scientifique que par l'examen des pièces incriminées.<br />
Bien ne devait nous coûter pour atteindre ce résultat. Les<br />
archives de la famille du Poët, longtemps conservées dans<br />
le manoir seigneurial du Poët-Ceylar près de Dieulefit, transportées<br />
plus tard au château de la Bastie-Boland, sont enfin<br />
échues à M. le marquis d'Alissae, de Valréas, dont la bienveillance<br />
nous a permis de consulter librement les correspondances<br />
qne d'illustres successions ont accumulées entre ses<br />
mains. 11 ) Entre toutes les pièces qui composent c<strong>et</strong> héritage<br />
domestique où brillent les plus beaux noms, Montmorency,<br />
Condéj Châtillon, Lesdiguières, Henri IV. <strong>et</strong>c., deux l<strong>et</strong>tres,<br />
on le comprend, devaient attirer presque uniquement notre<br />
attention. Lenr seule vue a suffi pour confirmer tous nos<br />
doutes, <strong>et</strong> pour faire éclater avec une irrésistible évidence la<br />
fauss<strong>et</strong>é de ces l<strong>et</strong>tres.<br />
Les preuves à l'appui sont si nombreuses, qne notre unique<br />
embarras serait de les examiner toutes : il faut se borner<br />
à les résumer.<br />
1° Ces originaux de la main de Calvin (c'est Voltaire qui<br />
l'assure I) ne sont rien moins qu'autographes. Ce n'est ni<br />
l'écriture de Calvin, ni celle de Charles de Jonvillers son secrétaire<br />
, ni celle d'Antoine Calvin qui écrivait quelquefois<br />
sous la dictée du réformateur pendant les dernières années de<br />
sa vie. [Le Buîl<strong>et</strong>in donne le fac-similé de la signature.']<br />
2° Si ces pièces ne sont pas de la main de Calvin, on y<br />
r<strong>et</strong>rouve bieu moins encore son style admiré de Bossu<strong>et</strong> luimême,<br />
<strong>et</strong> l'un des plus beaux de notre langue ce style concis,<br />
énergique <strong>et</strong> fier, cach<strong>et</strong> d'une individualité forte plus facile à<br />
outrer qu'à imiter.<br />
3° De la forme passons-nous au fond, les deux l<strong>et</strong>tres<br />
fourmillent de confusions <strong>et</strong> d'erreurs historiques qui trahissent<br />
l'oeuvre d'un maladroit faussaire. La première, datée du 8<br />
mai 1547*) <strong>et</strong> adressée à M. du Poët, général de la religion<br />
en Dauphiné, décerne ce titre à ce seigneur quinze ans avant<br />
l'époque où il se déclara pour la Béforme, <strong>et</strong> lorsque la foi<br />
nouvelle n'ayant en Dauphiné ni une église, ni un soldat, y<br />
comptait à peine d'obcurs martyrs."!*) La seconde, datée du<br />
13. septembre 156}, a pour suscription à M. dn Poët, grand<br />
chambellan de Navarre <strong>et</strong> gouverneur de Montélimart, dignités<br />
9) D'Âubigné, t. II. p. 455 <strong>et</strong> 1140. Ânbenas, notice<br />
déjà citée.<br />
10) Voyez plutôt notre note sur le N. 3977.<br />
11) M. d'Alissae n'est plus au moment où nouB traçons<br />
ces lignes: mais notre gratitude <strong>et</strong> notre respect demeurent<br />
acquis à sa mémoire pour la courtoisie avec laquelle il a facilité<br />
nos recherches.<br />
*) d'autres copies m<strong>et</strong>tent 1557 mats cela ne change rien<br />
à la nature de la l<strong>et</strong>tre. Le facsimile donne 1547.<br />
**) un pareil titre n'a jamais été donné à qui que ce soit.<br />
dont il ne fut revêtn que vingt ans après, en 1584.***) C'est<br />
un des accusateurs de Calvin, M. Anbenas lui-même, qui nous<br />
l'apprend, sans remarquer que la notioe qu'il consacre à M.<br />
du Poët est la meilleure réfutation de l'authenticité des l<strong>et</strong>tres<br />
attribuées au réformateur.<br />
Nous aurions trop beau jeu à poursuivre en détail l'analyse<br />
de ces l<strong>et</strong>tres. Mais comment aller jusqu'au bout? Comment<br />
relever une à une les erreurs, les invraisemblances, les<br />
inepties <strong>et</strong> les énormites de tout genre accumulées à plaisir<br />
dans ces pages où l'absurde ne le cède qu'à l'odieux, où les<br />
hommes <strong>et</strong> les choses sont niaisement travestis, où la grande<br />
<strong>et</strong> sainte révolution du XVIe siècle n'est plus, sous une plume<br />
effrontée, qu'une farce grossière jouée sur les tréteaux par<br />
des histrions sans pudeur ! Ici la plume nous tombe des mains I<br />
Quand la calomnie anonyme ose attaquer les noms les plus<br />
révérés par d'abjectes diffamations, elle ne mérite pas l'honneur<br />
d'une réponse; pour la confondre, il suffit de la produire au<br />
grand jour. Citer les prétendues l<strong>et</strong>tres de Calvin à M. du<br />
Poët, c'est les réfuter I<br />
A Monseigneur, Monseigneur du Poët, général de la<br />
religion en Dauphiné.<br />
Monseigneur,<br />
Qui pourrai à l'enoontre de vous résisté? L'Eternel<br />
vous protège, les peuples vous aiment, les grands<br />
vous craingnent, les régions les plus éloygnées ressatendent<br />
(sic) de vos prouesses. Le ciel vous a<br />
sussité pour rétablir dans vos contrées son Eglise.<br />
Il ne reste à vous que recueillir la couronne de<br />
gloire que vous désiré. Au reste, Monseigneur,<br />
avez apparemment su les progrès de la religion en<br />
nos pays. L'Evangile est presche en nos vallées,<br />
comme en nos villes. Peuples accourent de touttes<br />
parts pour recevoir le joug. Dans les missions a esté<br />
grandes fruittes (sic) <strong>et</strong> gaignent maintes richesses.<br />
Les apostres n'ont one travaillé avec tant de fruict,<br />
<strong>et</strong> si les papistes disputent la vérité de nostre religion,<br />
si elle dure, ne pourront en disputer à la<br />
richesse. Vous seul travaillé sans relâche <strong>et</strong> sans<br />
intérêt. Ne négligez nullement l'agrandissemant de<br />
vos moyens. Tiendra un temps où vous seul n'aurez<br />
rien acquis en ces nouveaux changemens. H<br />
faut que chacun songe à son intérêt; moy seul ay<br />
négligé le mien, dont ay grand repentance. Ains<br />
ceux à qui ay occasionné d'en acquérir, prendront<br />
soucy de la mienne vieillesse qui est sans suilte.<br />
Vous au contraire, Monseigneur, qui laissez vaillantes<br />
lignées bien disposée à soutenir le p<strong>et</strong>it troupeau,<br />
ne les laissez sans moyens grands <strong>et</strong> puissants<br />
sans lesquels bonne volonté seroit inutille.<br />
La royne de Navarre a bien affermy nostre religion<br />
en Béarn. Papistes en ont esté chassés entièrement.<br />
En Languedoc ont esté tenu maintes assem-<br />
***) Le 13 Septembre «7 ne pouvait encore avoir aucune<br />
nouvelle du colloque de Poissy ; <strong>et</strong> il en concevait d'avance<br />
une opinion 'toute différente de c<strong>et</strong>te qui est exprimée ici<br />
I (N. 3513).