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507 EPISTOLAE 4215—4216 508
qui nous sont données en l'escripture pour nous
fortifier a endurer persecutions pour le nom de
Dieu. Advises, dis ie, de les avoir bien imprimées
en voz coeurs, afin quelles vous viennent incontinent
en memoire, quant la nécessité le requerra. Car
c'est une chose par trop enorme que pour fouyr la
mort corporelle, lorsque Dieu veult esprouver nostre
constance, nous renoncions la vérité la quelle seulle
est nostre vie. Quoy que nous en estimions, ceste
sentence de nostre seigneur Jesus est certaine et
infaillible, que quiconque le renoncera devant les
hommes, il sera desadvoué de luy devant dieu son
père. Malheur doncq sur ceulx qui s'abuseront en
se flatant en cest endroict. Regardez aussi que le
profict corporel ne vous destourne de vous adioindre
pleinement a ce bon saulveur pour monstrer à la
vérité et par effect que vous estes des siens. Vous
scaves quel tesmoinage luy rendent les serviteurs
des scribes et pharisiens, quant ilz furent envoyez
pour le prendre. C'est que iamays ilz n'avoient
ouy parler homme ainsi. Hz confessent doncq sa
doctrine estre plus que humaine. Mays ceste malheureuse
affection d'estre a leur ayse et se maintenir
en leur estât les faict servir aux ennemis mortelz
de luy et de sa dootrine. Ne soyes doncq pas,
mes frères, semblables à eulx ni a Esau qui pour
une esculee de potaige vendit sa primogeniture.
Tout ce qui apartient au corps n'est quune esculee
de potaige auprès de la grace d'adoption que Dieu
nous présente. Ne prisons doncq pas tant les choses
de nulle valeur, que nous oblyons l'heritaige incomparable
lequel nous est présenté. 8 )
Quant a toute vostre vie en general, vous
avez à considérer la merveilleuse corruption qui est
auiourdhuy par tout le monde, non pas pour faire
comme plusieurs, assavoir d'aller avec les loups, ne
pour penser que cela vous doibve servir d'excuse
pour amoindrir vostre péché, si vous faictes comme
les autres. Mays pour TOUS oontregarder de tant
plus afin de ne vous laysser séduire ou contaminer
par mauvais exemples. Car de vray nous avons a
cheminer entre les espines, quant nous voyons le
monde ainsi pervers. Ne disons pas doncq: tout le
monde faict ainsi,, veu que nous voyons un deluge
de toute iniquité qui est desbordé sur toute la terre.
Ne regardons pas aussi l'un l'autre pour dire: un
tel le faict bien, car chascun portera son fardeau.
Ne disons pas non plus : c'est mon naturel, veu que
la premiere leçon que nostre seigneur Jesus nous
donne en son escole est renoncer à nousmesmes, et
n'y a rien à quoy le sainct Esprit nous exhorte
tant par toute l'Escripture qu'a mortifier 9 ) nostre
8) Ici le tente latin intercale la partie de la lettre gui
forme la fin du texte français (note 14), ce qui paraît préférable.
9) fortifier Bt.
chair et subiuguer noz affections et les captiver en
l'obéissance de Dieu. Escoutons doncq ces belles
admonitions qui nous sont faiotes par l'apostre, que
nous estions ténèbres, mays maintenant estant illuminez
de Dieu quil nous fault 10 ) cheminer comme
enfans de lumière. Que nous estions charnelz, mays
que nous sommes lavez du sang de Jesuschrist
pour persévérer en pureté. Que nous estions serfz
aux liens de pèche, mays que Jesuschrist nous en a
rachaptez afin que nous vivions doresnavant a luy
et a sa gloire, ou plus tost qu'il vive en nous. Et
aultres semblables. Car, comme iay diet, tout en
est plain. Si quelcun au contraire se vente de
cognoistre Jesuschrist, et que cependant il suyve
ses concupiscences, ce n'est pas là telle cognoissance
qu'il en fault avoir, comme diet le mesme apostre.
Car nous sommes aprins en luy de despouiller
nostre viel homme avec ses oeuvres. Or il y a
beaucoup de vices qui régnent auiourd'huy au
monde, tellement qu'il seroit difficile de les nombrer.
Mays il y en a qu'on excuse plus que les autres,
soubz umbre de la coustumance, comme iuremens
et blasphemes, ieuz, dissolutions vaines ou en danses
* ') ou en aultres choses. Ne nous trompons pas
en cela, mes frères, et ne nous layssons pas tromper.
Car le iugement de Dieu ne fleschist pas
pour les mauvayses coustumes des hommes. Il a
une foys prononcé qu'il ne layssera pas impuny
quiconque prendra son nom en vain. C'est un arrest
irrevocable. Et de faict la raison le veult
bien. Car en quelle recommendation nous doibt
estre la dignité de ce sainct nom soubs lequel
tremblent toutes creatures? Or le prendre en
vain, c'est le prendre en rnespris.
Qu'est ce doncq de le blasphemer? Si queloun
allègue qu'il y est acoustumé, tant pis et tant en
est il plus coulpable. Mays il fault adviser de sen
corriger, et ne point provoquer l'ire de Dieu en
abusant de sa patience. Touchant les ieuz et les
tavernes ou aultres gourmandises, oultre la perte
de temps et le desbauchement, nous voyons combien
ilz emportent de mauvayses consequences. On s'y
coustume, despendant inutilement ou plustost dissipant
malheureusement ce qui debvroit estre bien
employé en aultre usaige. Les desbatz ou mescontentemens
en vienent, et depuis qu'un homme y
est aoaignardé, son esprit y est quasy abruty. le
laysse pour briefveté autres inconveniens jnfinis
qu'on expérimente tous les iours. Des dissolutions
et vanités dont iay touché il n'est ia mestier d'en
faire plus long procès: quon ouvre lesyeulx, et on
les verra trop clerement.
10) faict Bt.
11) Calvin ajoute en marge: frequenter les tavernes.