GE Biblioth. pub. et univ - Archive ouverte UNIGE
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271 EPISTOLAE 4085—4086 272<br />
clorre <strong>et</strong> serrer la bouche à ceux qui le scavent.<br />
Et quant à moy je scay fort bien que je ay esté<br />
baye <strong>et</strong> abominée de plusieurs pource qu'il estait<br />
mon gendre, a qui l'on a voulu charger les fautes<br />
de tous. Ne voyez-vous point encores que l'on ne<br />
s'en peut rassasier après son trespas? Et quant<br />
il auroit esté le plus malheureux <strong>et</strong> plus reprouvé<br />
qui oncques eust esté, <strong>et</strong> l'on ne veut jamais parler<br />
d'autre chose. Gomme un secr<strong>et</strong>aire de M. d'Acqs<br />
disoit un jour à la Royne de Navarre <strong>et</strong> a moy,<br />
en ce lieu, touts les maux qu'il est possible de luy<br />
<strong>et</strong> de quelqu'autres, <strong>et</strong> que je luy dist devant elle<br />
<strong>et</strong> l'a juré qu'il dist la vérité, si ce qu'il disoit<br />
estoit vray ou non, il nous confessa qu'il n'en estoit<br />
rien <strong>et</strong> nomma celuy qui luy avoit appris à<br />
dire telle nouvelle de luy pour luy m<strong>et</strong>tre à sus<br />
chose qu'il n'avoit pas pensée, <strong>et</strong> que c'estoit pour<br />
maintenir la religion: chose que ladicte dame approuva,<br />
<strong>et</strong> qu'il se falloit défendre en toutes les<br />
sortes que l'on pouvoit, <strong>et</strong> que le mensonge estoit<br />
bon <strong>et</strong> sainct en cest endroit, comme beaucoup disent<br />
<strong>et</strong> tiennent. A quoy je ne peus faire que je<br />
ne résistasse, disant que Dieu n'est point le père<br />
du mensonge, mais que c'est le diable, <strong>et</strong> que Dieu<br />
c'est le Dieu de vérité, <strong>et</strong> que sa parolle est assés<br />
puissante pour défendre les siens sans prendre les<br />
armes du diable <strong>et</strong> de ses enfans. Toutesfois ladite<br />
dame a si bon zèle <strong>et</strong> si bon jugement en<br />
beaucoup de choses que je desire m'y exempler: <strong>et</strong><br />
Comme la feue Royne de Navarre a esté la première<br />
princesse de ce royaume qui a favorisé l'évangile,<br />
il pourroit estre que la Royne de Navarre sa<br />
fille parachèvera a l'y establir, <strong>et</strong> me semble qu'elle<br />
y est autant propre que princesse ny femme que<br />
je congnoisse: je luy porte amour de mere, <strong>et</strong> admire<br />
<strong>et</strong> loue les graces que Dieu luy a départis.<br />
Et pour revenir au propos cy-dessus, monsieur<br />
Calvin, il faut que je vous die que j'ay ouy parolles<br />
telles que je serois trop longuement à les reciter,<br />
<strong>et</strong> d'une bonne <strong>et</strong> saincte querelle de défendre<br />
les enfants de Dieu <strong>et</strong> les maintenir, on en faict<br />
quelquesfois un diabolique: <strong>et</strong> pour les envies qui<br />
ont esté entre le Roy de Navarre, monsieur le connestable<br />
<strong>et</strong> mon di<strong>et</strong> gendre, il faut vous desguiser<br />
la parolle de Dieu, <strong>et</strong> semble que après qu'il a esté<br />
tué que encores qu'il n'y a que luy qui puisse<br />
offenser ceux de la religion ne qui puisse favoriser<br />
les papistes. Les corps des hommes, quant les<br />
âmes en sont dehors, ne font point ces miracles, ni<br />
encores quant ils sont vivans en ce monde un homme<br />
ne peut défaire tant de gens comme on luy m<strong>et</strong><br />
à sus, mais ceux qui ont voulu entrer en particularité<br />
<strong>et</strong> qui ont voulu persuader que le Roy de<br />
Navarre, <strong>et</strong> après le prince de Condé, estoyent le<br />
Roy David, <strong>et</strong> que David estoit leur similitude <strong>et</strong><br />
non point celle de Jesus Christ, <strong>et</strong> qui ont laissé<br />
persuader <strong>et</strong> croire aux simples gens telle chose<br />
pour exterminer un pupille : <strong>et</strong> ceux qui ont quelques<br />
l<strong>et</strong>tres, advocate ou docteurs, <strong>et</strong> autres qui ont<br />
voulu persuader les peuples à telle chose, où en<br />
sont-ils à ceste heure? Dieu ne monstre-il point<br />
sa puissance? Et s'il y a des gens au monde reprouvez,<br />
je pense que sont ceux là qui tortent la<br />
vérité de Dieu qu'ils oognoissent <strong>et</strong> scavent en leurs<br />
mensonges insolentes. Monsieur Calvin, je suis<br />
marrie que vous ne soavés pas, comme la moitié<br />
du monde se gouverne en ce royaume, <strong>et</strong> les adulations<br />
<strong>et</strong> envies qui y régnent, <strong>et</strong> jusques à exhorter<br />
les simples famel<strong>et</strong>tes dire que de leurs mains<br />
elles voudroient tuer <strong>et</strong> estrangler: ce n'est point<br />
la regie que Jesus-Ghrist <strong>et</strong> ses apostres nous ont<br />
baillé, <strong>et</strong> je le dis avec tout le grand regr<strong>et</strong> de<br />
mon coeur, pour l'affection que je porte à la religion<br />
<strong>et</strong> à ceux qui en portent le nom, dont je ne<br />
parle pas de tous, mais d'une grande partie de ceux<br />
que je y cognois. Et quant Us voudront dire que,<br />
ce que je dis, c'est de passion que j'aye après mon<br />
feu gendre, l'on scait bien que je ne m'en suis tant<br />
passionnée ny de luy ny de mes propres enfans:<br />
<strong>et</strong> ceux qui m'en accusent n'ont pas par adventure<br />
la preuve que j'ay faicte de les avoir laissez poursuivre<br />
le sentier <strong>et</strong> chemin que Dieu m'a enseigné<br />
<strong>et</strong> les voyages où il m'a conduicte: mais je voy<br />
qu'il y a des gens qui sont subjects de prendre les<br />
querelles <strong>et</strong> passions des autres, sans avoir esgard<br />
s'ils procèdent de Dieu ou non, <strong>et</strong> tortre <strong>et</strong> tirer la<br />
Saincte Escriture à la corde de leur arc, que euxmesmes<br />
ont ourdie <strong>et</strong> où finalement ils trébucheront,<br />
<strong>et</strong> veulent tousjours demeurer à mentir <strong>et</strong><br />
mesdire <strong>et</strong> en faire leur gaudisserie, <strong>et</strong> vous donnent<br />
à entendre que une chose soit une autre.<br />
Je vous prie, monsieur Cahin, d'en faire prière<br />
à Dieu, afin quil vous declare la vérité de toutes<br />
choses, comme il vous la déclarée si avant en tant<br />
d'endroicts que j'ay espérance encores que par vous<br />
il manifestera des malices occultes que je voy qui<br />
régnent aujourd'huy en ce monde, qui me faict non<br />
seulement craindre <strong>et</strong> doubter des chastimens de<br />
Dieu envers ceux de son église. Au reste, je n'ay<br />
jamais requis ne recherché les ministres de qui j'ay<br />
ouï tels propos de prier ny pour moy ny pour<br />
autres, <strong>et</strong> laisse tousjours en la liberté <strong>et</strong> conscience<br />
d'un chascun de faire ses prières: <strong>et</strong> à ceux à qui<br />
je donne il semblerait de me vouloir récompenser<br />
si je leur disois qu'ils priassent moy. Nous prions<br />
tous les uns pour les autres en la prière que nostre<br />
Seigneur nous a enseignée: toutesfois je ne laisse<br />
de prier Dieu particulièrement pour ceux qui me<br />
semblent que Dieu a agréable que je prie, <strong>et</strong> particulièrement<br />
pour les domestiques de la foy <strong>et</strong> ceux<br />
qui annoncent la parole de Dieu, <strong>et</strong> pour le Roy<br />
que Dieu nous a donné, <strong>et</strong> princes, sieurs <strong>et</strong> juges