GE Biblioth. pub. et univ - Archive ouverte UNIGE
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245 1564 IANUAR. 246<br />
aultrement vous seroit assez cognu. Gest que sus<br />
ce que ie vous avois allègue, que David nous instruict<br />
par son exemple de hair les ennemis de<br />
Dieu, vous respondes que cestoit pour ce temps la<br />
duquel soubz la loy de rigueur il estoit permis de<br />
hair les ennemis. Or, Madame, ceste glose seroit<br />
pour renverser toute lescriture, <strong>et</strong> pourtant il la<br />
fault fuir comme une peste mortelle. Car on voit<br />
que David a surmonte en bonté le meilheur qui se<br />
pourrait trouver auiourdhuy. Quainsi soit, quand<br />
il proteste quil a pleure <strong>et</strong> verse beaucoup de<br />
larmes en son sein pour ceus qui luy machinoyent<br />
la mort, quil a porte la haire 2 ) en menant dueil<br />
pour eus, quil leur a rendu le bien pour le mal,<br />
on voit quil a este aussi débonnaire quil seroit possible<br />
de souhaiter. Mais en disant quil a heu en<br />
haine mortelle les reprouvez, il ny a doubte quil<br />
ne se glorifie dun zèle droict <strong>et</strong> pur, <strong>et</strong> bien reigle,<br />
auquel il y a trois choses requises: cest que nous<br />
nayons point esgard a nous ny a nostre particulier:<br />
<strong>et</strong> puis que nous ayons prudence <strong>et</strong> discr<strong>et</strong>ion pour<br />
ne point iuger a la volée: finalement que nous tenions<br />
bonne mesure sans oultrepasser les bornes<br />
de nostre vocation. Ce que vous verrez plus a<br />
plain, Madame, en plusieurs passages de mes commentaires<br />
sur les psalmes, quand il vous plairra<br />
prendre la peine dy regarder. Tant y a que le<br />
sainct Esprit nous a donne David pour patron, affin<br />
que nous ensuivions son exemple en cest endroict.<br />
Et de faict il nous est di<strong>et</strong> qu'en ceste ardeur<br />
il a este figure de nostre Seigneur Iesus Christ.<br />
Or si nous prétendons de surmonter en doulceur<br />
<strong>et</strong> humanité celluy qui est la fontaine de pitié <strong>et</strong><br />
miséricorde, malheur sur nous. Et pour couper<br />
broche a toutes disputes, contentons nous que<br />
sainct Paul applique a tous fidelles ce passage, que<br />
le zèle de la maison de Dieu les doit engloutir.<br />
Par quoy nostre seigneur Iesus reprenant ses disciples<br />
de ce quil8 souhaitoyent quil feit tomber le<br />
fouldre du ciel sur ceus qui le rei<strong>et</strong>toyent, comme<br />
Elie avoyt faict, ne leur allègue pas quon nest<br />
plus soubz la loy de rigueur, mais seulement leur<br />
remonstre quils ne sont pas menez dune telle affection<br />
que le prophète. Mesme sainct Jehan duquel<br />
vous navez r<strong>et</strong>enu que le mot de charité,<br />
monstre bien que nous ne debvons pas, soubz<br />
ombre de lamour des hommes, nous refroidir quant<br />
au debvoir que nous avons a lhonneur de Dieu <strong>et</strong><br />
la conservation de son Eglise. Cest quand il nous<br />
defend mesme de saluer ceus qui nous destournent,<br />
en tant quen eus sera, de la pure doctrine. Sur<br />
cela, Madame, ie vous prie me pardonner si ie<br />
vous dy franchement qua mon advis vous avez<br />
aultrement prins la similitude de lare quon ren-<br />
2) haine Bt.<br />
verse quand il plye trop dun ooste, quelle nestoit<br />
entendue de celluy qui parloit ainsi. Car ie me<br />
doubte quil vouloit seulement signifier quen vous<br />
voyant excessive, il avoit este contreint destre<br />
plus vehement, <strong>et</strong> non pas quil falsifiât lescriture,<br />
ou desguisat la vérité.<br />
le vien maintenant au fait, lequel, de peur de<br />
vous fascher par trop grande longueur, Madame,<br />
je vous toucheray seulement en bref. Vous navez<br />
pas este seule a sentir beaucoup dangoisses <strong>et</strong><br />
amertumes en ces horribles troubles qui sont advenuz.<br />
Vray est que le mal vous pouvoit picquer plus<br />
asprement, voyant la couronne delaquelle vous estes<br />
yssue en telle confusion. Si est ce que la tristesse<br />
a este commune a tous enfans de Dieu, <strong>et</strong> combien<br />
que nous ayons peu dire tous: Malheur sur celluy<br />
par lequel ce scandale est advenu, toutesfois il y a<br />
bien eu matière de gémir <strong>et</strong> plourer, attendu quune<br />
bonne cause a este fort mal menée. Or si le mal<br />
faschoit a toutes gens de bien, Monsieur de Guise,<br />
qui avoyt allume le feu, 8 ) ne pouvoit pas estre<br />
espargne. Et de moy combien que iaye tousiours<br />
prie Dieu de luy fere mercy, si est ce que iay<br />
souvent desire que Dieu mit la main sur luy pour<br />
en délivrer son Eglise, sil ne le vouloit convertir.<br />
Tant y a que ie puis protester quil na tenu qua<br />
moy que, devant la guerre, gens de faict <strong>et</strong> dexecution<br />
ne se soyent efforcez de lexterminer du<br />
monde, lesquels ont este r<strong>et</strong>enus par ma seule exhortation.<br />
Cependant de le damner, cest aller trop<br />
avant, sinon quon eust certaine marque <strong>et</strong> infallible<br />
de sa reprobation. En quoy il se fault bien garder<br />
de présomption <strong>et</strong> témérité. Car il ny a quun luge<br />
devant le siege duquel nous avons tous a rendre<br />
compte.<br />
Le second poinct me semble encore plus exhorbitant,<br />
de m<strong>et</strong>tre le Roy de Navarre en paradis,<br />
<strong>et</strong> Monsieur de Guise en enfer. Car si on<br />
faict comparaison de lun a lautre, le premier a<br />
este apostat, le second a tousiours este ennemy<br />
ouvert de la vérité de levangile. le requerrais<br />
donc en cest endroict plus grande moderation <strong>et</strong><br />
sobriété. Cependant iay a vous prier, Madame, de<br />
ne vous pas trop aigrir sur ce mot de ne point<br />
prier pour un homme, sans avoir bien distingue<br />
de la forme <strong>et</strong> qualité dont il est question. Car<br />
combien que ie prie pour le salut de quelquun, ce<br />
nest pas a dire quen tout <strong>et</strong> partout ie le recommande,<br />
comme sil estoit membre de lEglise. Nous<br />
requerrons a Dieu quil réduise au bon chemin<br />
ceus qui sont en train de perdition: mais ce ne<br />
sera pas en les m<strong>et</strong>tant du reng de noz frères,<br />
pour leur désirer en general toute prospérité. Sur<br />
quoy, Madame, ie vous feray un récit de laRoyne<br />
3) par le massacre de Vassy.<br />
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