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Y-mail 37 FR - août 2021

DOCTOR IN THE HOUSE Une

DOCTOR IN THE HOUSE Une femme âgée de 35 ans se voit administrer une préparation de cortisone à action prolongée et développe un choc anaphylactique. À quoi est-elle allergique ? Et quelles sont les conséquences inattendues pour sa vaccination contre la COVID-19 ? Docteure Ines Malysse : « Certains vaccins ne conviennent pas à certains patients. » Malchance accumulée « La femme souffre de douleurs dorsales », explique la pneumologue dre Ines Malysse, qui a également une expertise particulière en allergies médicamenteuses. « En 2018, on lui administre une infiltration paravertébrale de Depo-Medrol, une préparation à base de cortisone. Elle fait aussitôt une éruption cutanée accompagnée de démangeaisons et une chute de tension artérielle. Le choc anaphylactique est traité en administrant de l’adrénaline, selon les règles de l’art. Un peu plus tard, elle vient me voir pour savoir à quoi elle est allergique. » La docteure Malysse effectue des tests cutanés portant sur plusieurs préparations de cortisone, dont le Depo-Medrol et le Diprophos. Lorsqu’elles sont administrées par voie intradermique à une concentration de 1/10 000e à peine, ces deux préparations provoquent une sensation de démangeaison. « Dans les notices, je trouve une substance commune : le polyéthylène glycol ou PEG, également appelé macrogol, que l’on retrouve dans des centaines de produits courants. Les cas d’allergie au PEG sont excessivement rares. » À SUIVRE La fin de l’histoire ? Pas vraiment. En février 2021, la patiente se présente à nouveau à la consultation. « Pour traiter ses problèmes de constipation, on lui prescrit des laxatifs. Dès la première prise de Laxido, elle développe des démangeaisons et des gonflements au niveau de la bouche et de la gorge. À première vue, il n’y a aucun lien entre l’angioedème et l’épisode antérieur. Jusqu’à ce que je vérifie la notice : le Laxido contient aussi un polyéthylène, le PEG 3350. Énigme résolue. » Mais l’histoire ne s’achève pas là. « C’est à la même période que l’on a commencé à administrer les premiers vaccins contre la COVID-19. Twitter rapporte quelques cas très rares de choc anaphylactique lors de l’administration des vaccins Pfizer et Moderna. Selon certains allergologues de renom, le responsable pourrait être le polyéthylène glycol : l’ARN messager de Pfizer et Moderna est emballé dans un globule gras de PEG 2000. C’est la première fois que cette substance se trouve dans un vaccin. » La patiente de la dre Malysse aurait-elle alors intérêt à recevoir plutôt le vaccin AstraZeneca ou Johnson & Johnson ? « Les tests cutanés pour le PEG ne sont pas encore standardisés. Il est donc difficile d’en tirer des conclusions définitives. Après avoir consulté le professeur Vito Sabato, cadre supérieur en immunologie, allergologie et rhumatologie à l’UZA, j’envoie la patiente à l’UZ Antwerpen pour un test d’activation des basophiles. Ce test confirme clairement l’allergie au PEG, tout en excluant le polysorbate comme facteur de risque possible. La patiente ne peut donc pas recevoir le vaccin Pfizer ou Moderna, mais bien celui d’AstraZeneca ou de Johnson & Johnson. Ceux-ci ne contiennent en effet pas de polyéthylène glycol, mais du polysorbate. » 14

Vaccin en mini-doses Les cas d’allergie au polyéthylène glycol ou au macrogol sont extrêmement rares. La docteure Ines Malysse a pourtant un deuxième patient qui semble développer la même réaction allergique. Cette femme de 50 ans souffre d’un tennis elbow pour lequel elle reçoit une injection de Depo-Medrol. À la suite cette injection, elle fait un choc anaphylactique. Docteure Malysse : « Ses tests cutanés pour le polysorbate et le PEG ne sont pas concluants, pas plus que le test sanguin pratiqué à l’UZ Antwerpen. Mais comme la patiente a une pathologie cardiaque et que nous ne voulons prendre aucun risque, elle reçoit son vaccin COVID-19 sous la forme d’un traitement désensibilisant : en mini-doses graduelles réparties sur plusieurs heures. Tout s’est bien passé. » Craintes des allergiques Beaucoup de patients allergiques craignent de développer aussi une réaction allergique au vaccin contre la COVID-19. La plupart du temps, cette crainte est injustifiée, comme l’explique la docteure Ines Malysse : « Une allergie au polyéthylène glycol est une contre-indication aux vaccins Pfizer et Moderna, mais c’est excessivement rare. Sciensano recommande que les patients atteints de mastocytose ou d’angioedème héréditaire soient vaccinés sous surveillance médicale à l’hôpital. Les personnes qui ont de l’urticaire ou sont allergiques aux abeilles, aux guêpes ou à certains produits alimentaires n’ont aucune inquiétude à se faire. L’allergie aux antibiotiques ou aux anti-inflammatoires non stéroïdiens ne pose pas non plus de problème. Je suis en contact fréquent avec les médecins responsables du centre de vaccination d’Ypres. Nous pouvons fournir une réponse rassurante à la plupart des questions. C’est important, car notre objectif est de vacciner le plus grand nombre de personnes possible. » 15

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