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GAVARO - Cindy

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comme ils les ont à la retourne, les gascons. Sais pas s’ils se couchent avec<br />

les poules, mais sûr et certain qu’ils se lèvent pas avec, non.<br />

Quand on eut trotté quéque temps bon train, à travers champs, il crias:<br />

halte! et se retourna tout d’une pièce, pour jouir de s’n oeuv’. Bon. Devant<br />

nous, fectivement, l’énorme meule, qu’était ben haute comme trois étages,<br />

flambait déjà comme une torche monstrueuse, dans l’campagne claire.<br />

L’étrange garçon, les mains dans ses poches, parut se régaler un bon moment<br />

de ce spectaque qui m’aurait putôt foutu les colombins, mi, de l’himeur en<br />

foies blancs dont j’étais, pour lors. Et pis il dit, comme s’il soliloquait: “Oui,<br />

c’est comme ça qu’on se venge, quand on en a la chance. Tant pire pour les<br />

aut’. Aussi, porquoi qu’y a des bagnes d’enfants, et porquoi que j’y suis depis<br />

des piges ? Pasque l’daronne n’a pas su venir à bout de mi ? Et qui prouve<br />

qu’elle a su s’y prend ? Porquoi que j’ai pas de père, comme les aut’ gosses ?<br />

Qui dit qy’il aurait pas mieux su m’élever, li ? Est-ce qu’on sait pas ben qu’y a<br />

pas pus con qu’une mère, pour élever s’lardon ? Avec elles, c’est tout l’un ou<br />

tout l’aut: ou elles vous passent ren, ou elles vous passent tout; pas de milieu.<br />

Elles vous révoltent, ou elles vous gâtent. Mi, ça été l’révolte, sous les<br />

injustices, le tisonner et la manche à balai. Elle disait que j’avais de mauvais<br />

instincts. Possib’. Mais à qui l’faute ? N’avait qu’à pas me chier. Ai-je demandé<br />

à venir, mi ? Sis-je pour quéque chose dans m’naissance ?<br />

Naturlich, que j’y rétorque. Et ce que t’dis ilà des mères qui savent pas<br />

dominer leurs sacrés nerfs, et sont injustes à tors et à travers, sous<br />

prétesse que le pauv’ gosse n’a que le droit d’encaisser, sans jamais ren dire,<br />

j’en sais ben quéque chose, pour m’part. Et pour un peu, m’aurait fallu lécher<br />

l’main qui m’assomait, comme un quien. Bon. N’empêche qu’êt’ vengeatif comme<br />

ti, c’est vouloir se faire buter ben à crédit.<br />

- M’en fous ! qu’il me gueule avec violence. Enfant du malheur jusqu’au bout,<br />

donc ? Soit. Mais alors, qu’il dit en grinçant des dents et en tendant le poing<br />

vers l’meule, qui semblait maintenant vouloir dévorer le ciel de ses flammes<br />

terib’, malheur aux aut’ aussi ! On m’a fait souffrir, tant pire, ça sera oeil<br />

pour oeil, avec mi. On m’a rendu enragé: gare à mes crocs ! …<br />

Il me faisait quasiment peur, ce cadet à peine hors de page, et pourtant,<br />

compagnon, je crois ben que je l’admirais en douce, pour s’n énergie de bête<br />

sauvage à réagir cont’ les injustices du sort et del société. En tout cas,<br />

Batiss’ se sentait tout ravigoté, en s’compagnie, et déjà se réveillait le rude<br />

camberlot qu’en avait ben fait de bonnes, aussi, parfois.<br />

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