GAVARO - Cindy

Le Stéphanois le zieuta une seconde, expédia un coup de châsses aux deux
autres flambeurs, des daurés qui avaient leurs gonzesses en Suisse, et
grommela: “J’sais que vous trois, vous n’êtes pas dans l’coup. Alors, mettez-la
en veilleuse. Compris ?”
De son poing enfouaillé, il fit signe au carreur. “Combien que t’as d’pognon
dans ta carre ?“
La Gambille, dont le jaune du teint virait au gris, balbutia: “Douze cents
sacs.”
“Pose-les devant moi et fissa !”
“Tony …” Un des harengs venait de se lever à demi, par réflexe. Devant
l’artillerie subitement braquée de son côté, il se rassit. “Ces lovés sont à nous
tous,” eut-il néanmoins le courage de poursuivre. “Nous, on est réguls. On
n’était pas au parfum qu’y avait un turbin dans la partie. Que tu récupères
ton aspine, c’est juste. Mais pas la nôtre !”
Le Stéphanois amorça un sourire cynique, désabusé. A reculons, il alla
décrocher son pardessus. Dans l’une des glaudes, il fourra le P.38 et, après
avoir endossé le vêtement, revint vers la table. De sa pogne libre, il rafla le
fric que venait d’y déposer le boiteux.
“Vous vous démerderez entre vous,” lâcha-t-il du bout des crocs.
“Maintenant, toi, le …” Le Bordelais poussa un gémissement. Du sang tachait
de rouge le col blanc de sa limace de soie.
Tony le bigla, puis ramena son regard sur le Niçois. Il reprit: “Maintenant toi,
le jeunot, pour t’éviter de te vanter de m’avoir cavé au poker, j’vais te …” Une
odeur plus forte que celle de la fumée et des alcools creva dans l’air. Le
Niçois venait de saloper son froc. Ses carreaux s’ouvrirent, horrifiés. La
frousse plaquait sur sa rétine un voile grisâtre; il ne devait plus y voir grandchose,
le spécialiste du flambe !
Un dixième de seconde, le flingue de Tony sauta dans le creux de sa pogne.
C’est toujours de cette façon qu’il tirait. Un peu bas, pour remonter à la
cible. Trois fois de suite il balança la sauce. La première bastos avait morflé
le Niçois au front, sous le . Les deux suivantes, plus en dessous,
vers les joues.
Le malfrat s’écroula en avant, dans ses propres bras. Son Borsalino roula sur
la table. Un brin de cervelle s’aplatit sur les trois as.
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