GAVARO - Cindy

Cela s’appelle de la grivèlerie, quel joli mot ! Celà s’écrit-il avec une ou deux L
? me disais-je en tirant mon cigare.
Il me semblait que le garçon me surveillait maintenant du coin de l’oeil. Je me
plongeai dans les journaux. Mais j’étais distrait et, bientôt, je les repoussai
pour m’adosser bien confortablement contre la banquette, tirer sur mon
cigare et envoyer devant moi des ronds de fumée bleue.
C’est alors seulement, étandant les jambes, que je remarquai que mes
souliers étaient déchirés et sales et je me rendis compte combien je
marquais mal.
Mais tout m’était égal.
J’avais une furieuse envie de roupiller.
La paille humide des cachots. Cela valait peut-être mieux qu’une balle de
coton ou le lit d’un emballage éventré dans un entrepôt plein de courants
d’air.
J’avais réellement envie de dormir.
Ces gens de l’hôtellerie et de la limonade manquent de psychologie: ils
prennent un chevalier de l’industrie avec de faux bijoux à tous les doigts
pour un prince authentique et pour un monarque incognito un roi du jeu de
cartes qui fait de l’épate avec un jeu de valises frappées d’une couronne. Ça
se lit tous les jours dans le journal. Mais moi…?
“Garçon !”
“Monsieur ?”
“L’addition !”
L’heure tournait.
En Belgique c’est un peu comme en Russie, on mange à peu près à toutes les
heures, mais à Anvers, il y a deux coups de feu dans les restaurants: à onze
heures, avant l’ouverture de la Bourse aux grains, qui est à midi, et à cinq
heures du soir, l’heure où les diamantaires arrivent.
Mais je ne payais toujours pas l’addition, Korzakow n’étant toujours pas
revenu. Ah! le salaud !
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