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Luciano Berio - Universal Edition

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matières qui le fascinaient, afin d’en extraire des effets souvent fort éloignés de leur contexte<br />

d’origine. On doit les considérer comme un «hommage» fraternel rendu par le compositeur, non<br />

comme une imitation. Abstraction faite de ses années d’apprentissage à la fin des années 40 et<br />

au début des années 50, on peut considérer qu’il en est de même quant à sa réponse à ses<br />

contemporains musicaux. Sa relation indirecte avec le courant esthétique postérieur à Webern a<br />

été et demeure l’une des caractéristiques essentielles de son oeuvre. A partir de sa fascination<br />

initiale pour le potentiel métamorphique et son infinité, le principe fondamental de <strong>Berio</strong> s’est<br />

cristallisé pas à pas: tout ce qui a déjà été écrit peut être réécrit.<br />

Le charisme mélodique de ses oeuvres composées à la fin des années 50 et au début des années<br />

60 témoigne de la faculté de <strong>Berio</strong> de se servir de ces moyens, que ce soit à travers la brillance<br />

nerveuse de la Sequenza I pour flûte ou l’intensité lyrique devenue entre-temps classique des<br />

pièces composées pour Cathy Berberian telles Circles ou la Sequenza III. De même, la série<br />

Chemins su Sequenza n’est pas seulement la manifestation d’un «work in progress» inspiré par<br />

James Joyce, mais doit être une obligation de considérer chaque oeuvre accomplie sous l’aspect<br />

«listening in progress».<br />

Mais les années 60 ont vu l’émergence des signes avant-coureurs d’un refus de négliger les<br />

thèmes centraux de la tradition musicale. Tandis que certains contemporains semblent s’être<br />

contentés de traiter l’harmonie comme une simple sous-catégorie de la «texture», <strong>Berio</strong> a fait de<br />

la dimension harmonique l’un des points centraux de son idéal musical. L’éducation de sa propre<br />

oreille musicale ainsi que celle de ses auditeurs afin de s’orienter au milieu de la jungle des<br />

harmonies reposait avant tout sur son intuition exceptionnellement vive, telle que dans la<br />

Sequenza IV pour piano. Cette intuition s’est cependant rapidement transformée en une<br />

conception claire, tout d’abord avec O King, ensuite dans de nombreuses oeuvres du début des<br />

années 70: ce fut alors l’exploration des conséquences issues de projections harmoniques d’une<br />

ligne mélodique. Les fruits de ce patient processus d’exploration ont pu être récoltés dans les<br />

oeuvres majeures des années 80 et 90, où l’harmonie s’affirme aussi bien en tant que force<br />

organisatrice d’arrière-plan dans les compositions lyriques importantes telles La vera storia, Un re<br />

in ascolto et Outis, qu’en tant que facteur d’enrichissement dans la concision magistrale de<br />

l’oeuvre Sequenza XIII pour accordéon.<br />

Bien que <strong>Luciano</strong> <strong>Berio</strong> ait joui à la fin des années 50 d’une grande admiration pour son<br />

exploration exubérante des ressources de la musique électronique, sa vive empathie pour les<br />

risques et possibilités de la représentation «live» l’a continuellement amené à préférer cette<br />

dernière à la recherche désincarnée de «nouveaux sons». Même si la communauté qui se crée<br />

dans une salle de concert lors d’une représentation de qualité est fragile et temporaire, <strong>Berio</strong> a<br />

cherché à l’établir avec une détermination singulière. Depuis les années 60, <strong>Berio</strong>, habitant<br />

convaincu du «village global» de McLuhan (dans lequel une salle de concert ou une station de<br />

radio pourrait se constituer en microcosme temporaire), a prôné l’engagement de la musique, non<br />

seulement envers sa propre histoire, mais aussi envers les intérêts humains qui, sans une<br />

persévérance patiente et engagée, pourraient très facilement s’évanouir . Sa musique est une<br />

musique qui «refuse l’oubli».<br />

David Osmond-Smith<br />

about his music<br />

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