L'Africa romana - UnissResearch - Università degli Studi di Sassari
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404 Jean-Pierre Laporte<br />
siècles de notre ère, et qu'on attribuerait volontiers soit à une époque<br />
antérieure, soit à une époque plus tar<strong>di</strong>ve, s'il ne s'agissait pas d'reuvres<br />
d'artisans in<strong>di</strong>gènes qui pouvaient rester fidèles à de vieilles tra<strong>di</strong>tions».<br />
En 1928, Wuilleumier fait écho à la thèse tra<strong>di</strong>tionnelle 31 : «Ces<br />
stèles à figuration anthropomorphes, comparées aux gravures rupestres<br />
d'Afrique et des Canaries attestent de la survivance de l'art in<strong>di</strong>gène,<br />
légèrement influencé par les représentations puniques et romaines».<br />
En 1940, Chabot finit par répondre par l'affirmative à sa question<br />
de 1919. Il accueille les stèles étu<strong>di</strong>ées dans le Recueil des Inscriptions<br />
Libyques 32 , tout en rappelant ses doutes à ce sujet 33 : «Dans l'ensemble,<br />
[les stèles du département d'Alger], <strong>di</strong>ffèrent sensiblement de celles que<br />
nous avons examinées jusqu'ici [celI es de l'est de l'Algérie], surtout en<br />
ce qui concerne les sujets figurés. Peut-etre seraient-elles mieux désignées<br />
par le nom de kabyles que par celui de libyques?».<br />
La question posée par Gsell en 1921 (avant ou après Rome?) appelle<br />
à soutenir deux thèses inverses, qui, conformément aux in<strong>di</strong>cations du<br />
maitre, font toutes deux l'impasse sur la période romaine proprement<br />
<strong>di</strong>te, sans plus d'explication.<br />
En 1972, P .-A. Février défend et illustre l'hypothèse d'une datation<br />
basse (V c_ VII e siècles après J. -C.) entre la fin de la domination romaine<br />
et la conversion de la région à l'Islam 34 •<br />
En 1980, G. Camps expose la position inverse, sans proposer de datation<br />
précise 3S • En 1984, avec une courtoisie qui les honore, tous deux<br />
donnent cote à cote un résumé des deux thèses en présence 36 •<br />
31 P. WUILLEUMIER, Musée d'Alger, Supplément, p. 16.<br />
32 l.B. CHABOT, RfL, 1940, stèles 843 à 854.<br />
33 l.B. CHABOT, RfL, 1940, p. 184.<br />
34 P .A. FÉVRIER, L'art funéraire et les images de chefs in<strong>di</strong>gènes de la Kabylie antique,<br />
dans Actes du [u Congrès d'Etudes des cultures mé<strong>di</strong>terranéennes, 1972, p. 152-159.<br />
Malheureusement, P.-A. Février n'a fait qu'une allusion cursive à sa thèse d'une datation<br />
basse, et n'a pas mis à jour son argumentation dans son dernier ouvrage, P .-A. FÉVRIER,<br />
Approchesdu Maghreb roma.in, t. II, 1990, p. 115 (avec photographique de la stèle d'Abizar,<br />
planche 19, avant la page 65).<br />
35 G. CAMPS, Les Berbères, Mémoires et identité, Paris 1980, p. 169.<br />
36 P .-A. FÉVRIER et G. CAMPS, s.v. Abizar dans Encyc/opé<strong>di</strong>e Berbère, t. I, 1984, p.<br />
79-84 et p. 84-86.<br />
Datation des stèles libyques figurées de Grande Kabylie 405<br />
La thèse d'une datation basse (ve-VIle s ap. J .-C.)<br />
La thèse d'une datation basse (ve-VIle siècles après J .-C.) s'appuie<br />
sur un certain no mb re de comparaisons iconographiques et stylistiques,<br />
dont les principales sont les suivantes 37 :<br />
l) La représentation de la chasse à l'autruche se retro uve sur des mosai'ques<br />
de basse époque, par exemple dans une maison du front de mer<br />
à Hippone; elle est figurée sur une dalle du djedar A du Djebel<br />
Lakhdar.<br />
2) Le bouclier rond est caractéristique de l'armement libyque, on le retrouve<br />
par exemple sur la colonne trajane, comme caractéristique des<br />
cavaliers maures, et sur des mosai'ques de basse époque.<br />
3) Le geste du cavalier est étroitement lié aux représentations de la chasse<br />
des Ille et IVe siècles après J .-C. Par leur intermé<strong>di</strong>aire, le schéma<br />
iconographique se rattache à un courant d'images bien connues, passées<br />
du monde hellénistique dans celui de l'Afrique romaine.<br />
4) Schématisation et frontalité:<br />
a) «Les pierres d'Abizar et de la Kabylie témoignent d'une telle fidélité<br />
à la représentation frontale et mé<strong>di</strong>ane que l' on se demandera<br />
si cette tendance ne se pIace pas dans le prolongement d'une reuvre<br />
comme celle de Diar Mami».<br />
b) Schématisation et frontalité se retrouvent dans des exemples <strong>di</strong>vers,<br />
par exemple l'image de saint Théodore sur des carreaux en terre<br />
cuite byzantins de Tunisie, et sur le dosseret de Daniel à Tigzirt.<br />
c) Le traitement de la face se rapproche de celui du personnage gravé<br />
sur la tranche du reliquaire de Ksar Sbahi.<br />
5) «L'hypothèse d'une réapparition à la fin de l'Antiquité de formes héritées<br />
d'un passé berbère peut donc <strong>di</strong>fficilement etre soutenue; en tout<br />
cas elle ne peut reposer sur des arguments stylistiques».<br />
Reprenons chacun de ces points:<br />
l) Si meme une autruche est représentée sur la stèle d'Abizar (ce qui parait<br />
fort douteux), il est clair que les autochtones n'ont pas attendu<br />
Rome pour chasser cet animaI, de meme qu'ils Pont chassé bien après<br />
que les Romains aient quitté l'Afrique. L'argument ne donne aucun<br />
élément de datation. Par ailleurs, cette prétendue autruche (dans laquelle<br />
on peut reconnaitre en fait un volatile quelconque) ne se trou-<br />
37 Nous faisons ici la synthèse des principaux arguments énumérés par P .-A. Février<br />
dans deux articles: L'art funéraire et les images de chefr; in<strong>di</strong>gènes dans l'Afrique antique,<br />
dans Actes du fu Congrès d'Etudes des cultures mé<strong>di</strong>terranéennes d'inj7uence arabo-berbère,<br />
Malte, 1972, p. 152-159, et s.v. Abizar, dans Encyc/opé<strong>di</strong>e Berbère, t.I, 1984, p. 79-84.