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<strong>Press</strong> <strong>Report</strong> <strong>Europe</strong> <strong>WSF</strong> <strong>2009</strong><br />
des dizaines de blessés, certains contraints à l’amputation. Miguel s’en tire avec une balle dans la jambe, que les<br />
médecins ne délogeront que trois mois plus tard.<br />
Dix ans après le drame, le militant du MST s’estime chanceux : il fait partie des rares blessés indemnisés. Il reçoit tous<br />
les mois un salaire minimum de 415 réis. «Les veuves attendent toujours, dix-neuf compagnons sont morts, et ceux qui<br />
ont organisé le massacre sont libres», lâche-t-il. Les deux commandants finalement condamnés multiplient les recours,<br />
ils savent déjà qu’ils n’iront pas en prison.<br />
Dans le Para, dont la capitale, Belém, accueille depuis hier soir le Forum social mondial, la violence, quotidienne, a<br />
toujours le même motif : la lutte pour la terre. Le massacre d’Eldorado do Carajas a frappé les esprits par son ampleur,<br />
et le fait qu’il a été sciemment planifié par la police militaire.<br />
Travail esclave<br />
Mais, tous les ans, ils sont des dizaines à tomber sous les balles des tueurs à gage de la région. Syndicalistes ruraux,<br />
militants du Mouvement des sans-terre, leaders indigènes ou religieux sont assassinés sur l’ordre des grands<br />
propriétaires locaux. Dans le seul Para, on dénombre 876 assassinats de cette nature dans les trente dernières années.<br />
Et aucun responsable en prison. En 2005, le meurtre de Dorothy Stang, une religieuse américaine de 73 ans, dans un<br />
petit village de l’État, avait ému l’opinion internationale. Condamné à trente ans de prison en 2007, le commanditaire du<br />
crime a été relaxé en 2008. «Les juges sont souvent liés aux grands propriétaires quand ils n’ont pas eux-mêmes de<br />
fazenda», se désole Ariovaldo Umbelino, géographe à l’Université de Sao Paulo. Les tueurs à gages, connus de tous,<br />
circulent librement, leur pistolet dépassant du pantalon.<br />
Dans ce Farwest amazonien, on préfère également oublier qu’en 1888 le Brésil a aboli l’esclavage. José Batista, avocat<br />
de la Commission pastorale de la terre, une branche de l’Église travaillant auprès des petits paysans, a du mal à trouver<br />
ses mots lorsqu’il raconte l’état dans lequel se trouvent les centaines d’esclaves débusqués tous les ans. «Ils sont logés<br />
à même le sol, dans des hangars sans eau ni électricité. La nourriture qu’on leur donne est périmée, ils travaillent tous<br />
les jours jusqu’à épuisement», déroule-t-il. La moindre tentative de fuite est punie de coups de fouet, voire d’exécution.<br />
Venus pour la majorité du Maranhao, un État pauvre du Nordeste, ces malheureux sont attirés par la promesse d’un<br />
travail.<br />
Le scénario est toujours le même, un intendant agricole (surnommé le «gato», le chat) promet un emploi bien payé,<br />
avant de les emmener à bord d’un camion pour une destination inconnue. Au bout de quelques centaines de kilomètres,<br />
la recrue arrive dans une fazenda coupée du monde, et découvre qu’elle a accumulé une dette phénoménale : coût du<br />
voyage, de l’hébergement, de la boisson. Il lui faut travailler pour rembourser. Sur place, médicaments et produits<br />
d’hygiène sont vendus par le patron, à des prix prohibitifs. La dette ne cesse de croître, l’employé ne travaillera jamais<br />
assez pour l’éteindre et perd sa liberté.<br />
Symboles du non-droit<br />
«En 2008, 4 600 esclaves ont été libérés par le ministère du Travail», rappelle José Batista. Grande première, une<br />
fazenda de la région a même été expropriée après la découverte de 88 personnes travaillant dans des conditions<br />
inhumaines. «Mais les distances sont énormes, il est impossible d’envoyer des inspecteurs partout», ajoute Jean-Pierre<br />
Leroy, un Français installé au Brésil depuis 1971 et spécialiste de l’Amazonie. «Et puis, c’est un métier dangereux»,<br />
poursuit-il. En 2004, trois inspecteurs du travail avaient été tués à l’entrée d’une fazenda, dans le Minas Gerais.<br />
Dans le Para, 90 % des surfaces sont cultivées de façon illégale. «Les propriétaires s’installent sur des terres publiques,<br />
et décident qu’elles sont à eux», explique Ariovaldo Umbelino. Champion de la violence et du travail esclave, le Para est<br />
aussi en tête du classement de la déforestation de l’Amazonie. En accueillant le Forum social mondial à Belém, le Brésil<br />
va également montrer au monde l’une des régions symboles du non-droit dans le pays. À Eldorado de Carajas, Miguel<br />
Pontes ne cache pas sa satisfaction : «Peut-être que, grâce au regard étranger, justice sera enfin rendue.»<br />
http://www.lefigaro.fr/international/<strong>2009</strong>/01/28/01003-<strong>2009</strong>0128ARTFIG00045-l-amazonie-accueille-le-forum-social-<br />
mondial-.php<br />
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