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esercito e città dall'unità agli anni trenta. tomo i - Sistema ...

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556 ERIC LABAYLE<br />

nouveau changement annoncé en juillet prévoyait le remplacement du 15ème<br />

Dragons, qui devait rester définitivement à Béziers, par le 2lème Chasseurs<br />

de Limoges. « Voilà une mesure qui ne peut que combler d'aise toutes celles<br />

de nos familles qui avaient un fils au quartier Lamarque, tout près d'elles!<br />

Et tout ça pour les beux yeux de Monsieur Clemenceau! " s'indignait L 'Indépendant<br />

Lìbournaìs. Cette réaction était caractéristique d'une région qui restait<br />

attachée aux valeurs de la famille, de la propriété, du patrimoine. On<br />

ne voulait pas d'un régiment anonyme, composé de Bretons ou de Limousins.<br />

Le 15ème Dragons était le reflet de la région, le produit d'une vingtaine<br />

d'années d'insertion progressive dans Libourne et sa société. Comme<br />

le régiment du colonel Buisset en 1874, le nouveau venu serait composé<br />

d'inconnus, d'étrangers presque. Au début du siècle, les Libournais n'étaient<br />

pas prèts à accueillir une autre unité avec laquelle ils n'avaient rien en commun,<br />

à laquelle il allait falloir s'adapter, avant que ce ne soit elle qui s'adapte<br />

à la région. La vie que menait le 15ème Dragons à Libourne était alors le<br />

produit de cette adaptation, des relations courtoises entretenues avec les autorités<br />

locales depuis des années, des relations économiques, sociales, mondaines,<br />

culturelles et humaines que trente années de garnison avaient contribué<br />

à nouer. Cette cohabitation du régiment et de sa ville, avec les heurts<br />

et les réjouissances qu'elle impliquait pouvait se poursuivre indéfiniment,<br />

à moins qu'un grave bouleversement extérieur au microcosme libournais<br />

ne vienne changer les données du problème. Ce fut le Grande Guerre.<br />

Le 31 mars 1921, le colonel Sala, dernier commandant du régiment,<br />

ferma les grilles du quartier Lamarque sur quarante sept ans de vie libournaise.<br />

Le 15ème Dragons a vai t cessé d' exister et avec lui disparaissait le souvenir<br />

des beaux cavaliers au casque brillant. Malgré quelques accrochages<br />

avec la population, les héritiers des dragons de Noailles avaient laissé à<br />

Libourne la trace d'un régiment à la forte personnalité girondine, dont les<br />

manifestations publiques complétaient admirablement les cérémonies officielles,<br />

funèbres ou plus joyeuses qui émaillaient le quotidien des Libournais.<br />

Par son insertion économique, par les cordiales relations qu'entretenaient<br />

les officiers avec une certaine bourgeoisie locale ou, plus conflictuelles,<br />

avec certains milieux politiques et franc-maçons, par son recrutement<br />

essentiellement régional et par sa vie quotidiene qu'observaient les Libournais,<br />

le 15ème Dragons faisait partie intégrante de la vie de la cité, avant que<br />

la première guerre mondiale n'interrompe cette harmonie, comme un sanglant<br />

prélude à la séparation prochaine. Malgré une éphémère et tragique<br />

résurrection lors de la campagne de 1940, le 15ème Dragons a vai t vécu. Régiment<br />

de prestige et d'apparat, il n'avait plus sa place dans un monde où voitures<br />

et chars avaient remplacé le cheval, dans une armée où l'uniforme dont<br />

LE QUINZIEME REGIMENT DE DRAGONS A LIBOURNE 557<br />

les civils admiraient l' éclat a vai t disparu au profit du fade mais glorieux bleuhorizon.<br />

A Libourne, le 15ème Dragons est synonyme de « belle époque »;<br />

les « années folles » ne sont plus les siennes, la guerre avait trop radicalement<br />

changé les sentiments des civils pour une armée désormais plus distante<br />

et moins familière.<br />

Le 26 novembre 1975, une pudique déclaration fut faite à la préfecture<br />

de la Gironde: " L' Association Amicale des Anciens du 15ème Dragons décide<br />

- -<br />

sa dissolution ». Faute de membres, cette honorable société s'était éteinte,<br />

peu de temps avant le décès de son dernier secrétaire, l'ex-maréchal des logis<br />

Barre. Cette fois-ci le 15ème Dragons était mort, définitivement. Il n'y a maintenant<br />

plus de « grands anciens » pour ranimer la fiamme et les personnes<br />

àgées qui se souviennent des dragons de Libourne sont chaque jour moins<br />

nombreuses. Le régiment chéri des Libournais de l'avant-guerre est-il irrémédiablement<br />

voué à un impitoyable oubli?

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