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552 ERIC LABA YLE Les décès et l es enterrements des notabilités locales étaient aussi l' occasion d'une manifestation publique du 15ème Dragons. Brillant dans les revues, allègre dans les retraites, le régiment savait aussi se montrer solenne! et grave lorsque les circonstances l' exigeaient. Les Libournais appréciaient cette faculté qui le rendait plus proche d' eux. Il convient donc de signaler l'importance des différentes prestations données par le 15ème Dragons à Libourne parce qu'elles symbolisaient pour les civils le redressement militaire de la France, mais aussi et surtout parce qu'elles entretenaient le respect et I'admiration des Libournais pour un régiment qui cultivait son prestige en alliant la beauté des uniformes, la prestance des cavaliers et la dextérité dans les exécutions collectives mais qui savait aussi, en temps utile, ètre un exemple de dignité. 2) La vie sportive et associative Hommes de selle, les officiers et sous-officiers du 15ème Dragons exerçaient leurs talents de cavaliers dans les diverses compétitions hippiques de la région, amassant ainsi un impressionnant palmarès. Lors des fètes de Libourne, outre les courses de chevaux, les Dragons participaient aussi aux courses cyclistes ou pédestres, sur autorisation du colone!. Mais les plus spectaculaires démonstrations sportives du 15ème dragons furent cependant les raids effectués à plusieurs reprises (à pied ou à cheval) par des officiers, sacrifiant ainsi à une pratique très en vogue à l'époque. La vie associative des hommes du 15ème Dragons se limitait bien souvent à la participation aux activités proposées par la société de préparation militaire libournaise, mais ils avaient aussi la possibilité de faire partie de certaines associations, sous réserve de n'y remplir aucune fonction d'administration ou de direction 7. C'est ainsi que, entre autres, l'Harmonie de Libourne ou le Cercle SaintJean (association religieuse) accueillaient en leur sein des cavaliers, sous-officiers et, plus rarement, officiers des dragons 8• L'insertion du 15ème Dragons dans sa cité ne passait cependant pas par la vie associative, uniquement pratiquée par quelques individualités et étroitement réglementée pour les officiers. 3) Faits divers Les quarante ans de vie libournaise du 15ème Dragons furent émaillés d'accidents et d'incidents de toute sorte, plus ou moins graves et spectaculaires qui marquèrent l'actualité et motivèrent de nombreuses mentions dans 7 Status de l'Association Sténographique et Dactylographique Libournaise. 8 Retraités. LE QUINZIEME REGIMENT DE DRAGONS A LIBOURNE 553 la presse. C'est ainsi que les accidents de chevaux, de voitures et ... d'automobiles impliquant des dragons étaient fort courants de mème que les actes de dévouement lors d'incendies, et faisaient partie de la vie quotidienne de la cité. Plus graves furent les évènements qui, de 1892 à 1895, compromirent sérieusement l'harmonie qui régnait entre la ville et son régiment. Dues à l'alcool, des bagarres mettant en scène des militaires et des civils provoquèrent de longues polémiques entre le 15ème Dragons et ses concitoyens, chaque parti rejetant sur l'autre la responsabilité des incidents. Plusieurs fois, le colone! eut maille à partir avec le maire de Libourne qui l'invitait à instaurer une discipline de fer dans son unité. Les liens (familiaux, économiques, sociaux, mondains et culturels) que l'unité avait tissés avec sa région étaient cependant trop étroits pour ètre compromis par des regrettables incidents et la pomme de discorde fut consommée rapidement. Au début de ce siècle, la mort accidentelle du lieutenant Lemoyne toucha profondément civils et militaires et les réunit dans un mème deuil. Libournais et dragons, enfin réconciliés, s'unirent pour fonder un comité pour l'érection d'un monument au « regretté lieutenant Lemoyne "· Mème si, à l' évidence, le 15ème Dragons constituait une entité distincte dans la cité girondine, il entretenait de telles relations avec sa ville qu'un état d'esprit inconnu jusqu'alors des Libournais émergea. Le 15ème Dragons n'était plus le régiment en garnison à Libourne, il était celui des Libournais. Cette mentalité nouvelle, motivée par le long séjour de l'unité est d'autant plus exceptionnelle qu'elle disparut avec le 15ème Dragons. III - LES LIBOURNAIS ET LEUR REGIMENT A) « Notre beau régiment » l) De l 'indi férence à l 'admiration Dans les années qui suivirent son installation, le 15ème Dragons resta, semble-t'il, quelque peu en marge de la vie libournaise. La presse ne semble mème pas avoir signalé son arrivée en 1874! Il fallut attendre une dizaine d'années pour que prenne fin cette observation respectueuse et que l'opinion publique libournaise s'intéresse au régiment comme à tous les autres éléments de la vie quotidienne de la cité. Très vite le 15ème Dragons devint le régiment des Libournais. Chaque mention dans la presse faisait état de " Notre 15ème Dragons "· Le 57ème R.I. subissait le mème sort, mais, alors que le régiment des dragons recevait le qualificatif de " beau », « hardi », le bataillon d'infanterie n'était que

554 ERIC LABA YLE et le prestige des dragons leur conféraient donc une piace privilégiée dans le cceur des Libournais, faite de respect et d'admiration, alors que le 57ème était considéré avec plus de familiarité. Ainsi, pendant plus de trente ans, les Libournais se réjouirent avec les dragons lorsque l'un d'eux était promu, décoré ou distingué. Ils partageaient les heures de détente, comme lors de la représentation à Libourne de l'ceuvre du théàtre à la caserme, en février 1911. Ils s'associaient à la peine des officiers lors des obsèques de l'un des leurs, ils soutenaient le régiment à l' occasion des polémiques autour de la condamnation de dragons par le conseil de guerre de Bordeaux. A plusieurs reprises, le 15ème Dragons servit aux journalistes de support à une apologie de l' armée. Pour l' occasion, ceux-ci assimilaient le régiment à l' Armée Française toute entière. Chaque compte rendu de réception ou départ à la retraite d' officiers était prétexte à envolées patriotiques ou prises de positions en faveur de « cette armée si perfidement attaquée ". Le colo nel faisait partie des grandes figures locales; à ce titre, c'est avec un amicai respect que les journalistes parlaient de lui et soulignaient complaisamment que le commandant du 15ème Dragons était un homme « que l'on est sùr de trouver lorsqu'il y a une bonne ceuvre à faire '' · Alors que le colonel Olivier était appelé « notre sympathique colonel ,, ce sont les colonels de Vittré et des Isnards qui suscitèrent le plus l'admiration respectueuse de l'opinion publique par leurs fortes personnalités. Lors de la mise à la retraite anticipée de ce dernier, la presse libournaise s'indigna et n'hésita pas à en attribuer la responsabilité « aux loges "· Celles-ci eurent aussi maille à partir avec l'opinion publique libournaise après les accusations du Réveil Maçonnique à l'encontre du 15ème Dragons. Cette admiration presque sans bornes que vouaient les Libournais à leurs dragons dépassait le cadre de la garnison et était propice à exagérations et légendes. En 1907, par exemple, la presse locale relata, non sans fierté, les exploits du capitaine Caud, ancien du 15ème Dragons passé aux spahis. Si l'on en croit les journalistes, avec soixante cavaliers, il aurait mis en déroute deux mille indigènesl 2) Résistances et oppositions Si l'ensemble de l'opinion publique libournaise, et plus particulièrement les milieux conservateurs, s'accordait à témoigner un profond respect au 15ème Dragons et à son colonel, force est de constater que certains Libournais n' éprouvaient pas le mème sentiment. Le 28 novembre 1891, le colonel de Vittré, outré, écrivit au maire de Libourne une lettre accusatrice « au sujet de l'attitude qu'observent, vis à vis des officiers, les agents de police de la ville de Libourne "· Il était indigné par leur « sans-façon qui touche à LE QUINZIEME REGIMENT DE DRAGONS A LIBOURNE 555 l'insolence " · '' ]e répète que, personnellement, le salut des agents de police me laisse indifférent, mais il y a, vis à vis du grade que j' occupe, un manque de convenances que je n'ai vu se manifester dans aucune ville et qu'il est de mon devoir de ne pas tolérer sans protester " concluait le colonel. Il est surprenant de constater que le colo nel n' était pas le seui élément du 15ème Dragons dont certains Libournais contestaient l'image et la fonction. La fanfare était aussi l'objet de provocations. Le 12 mai 1889, durant la retraite aux flambeaux, cavaliers d' escorte et musiciens furent, en effet, frappés à coups de pierres. De tels incidents, que l'on pourrait presque qualifier d'inévitables, ne devaient pas faire oublier que la population libournaise a, quarante ans durant, éprouvé le mème sentiment amicai pour le 15ème Dragons, fait d'un subtil mélange d'admiration, d'intérèt, de curiosité, de fraternité et de fierté, celle d'avoir dans ses murs un régiment prestigieux composé d'enfants du pays, celle qu'éprouvèrent les Libournais lors de l'embarquement pour le front, en aoùt 1914; l'Ennemi allait voir la valeur de nos dragons! B) Partira-Partira pas? La principale preuve de l'attachement des Libournais pour « leur 15ème Dragons » est la peur constante de le voir partir. Mème si celle-ci était motivée par un souci de nature économique, comme l'a montré l'intermède biterrois de 1907, elle n'en provenait pas moins de la profondeur des liens que la ville a vai t tissés avec so n régiment. Alors que celui-ci était à Béziers, L 'Indépendant Libournais s'éleva contre sa prétendue mutation. Le principal argument développé par le journal était celui de l'éloignement des fils en cas d'affectation lointaine. Ce faisant, il soulignait le caractère éminemment régional du recrutement de la troupe. Toute les familles du libournais dont le fils faisait son service militaire au 15ème Dragons seraient bientòt cruellement déchirées par le départ du régiment. En fait, les milieux républicains semblaient seuls ètre partisans de la mutation du 15ème Dragons considéré par beaucoup, et principalement par la loge « Le Réveil Maçonnique ,, comme un repaire d' officiers conservateurs et cléricaux. Dès 1897, le périodique parisien « Le journal " a vai t annoncé le remplacement du 6ème Hussards de Bordeaux par le 24ème Dragons de Dinan et du 15ème Dragons par le 13ème Hussards de Dinan. Cette nouvelle jeta le trouble à Libourne mais ne fut qu'une fausse alerte. Décision inéluctable contre laquelle on ne pouvait rien et qui devait arriver un jour ou l'autre, les Libournais accueillirent l'annonce de la mutation du l)ème Dragons, en 1907, comme t elle. En juin, il avait été question d'une permutation avec le 17ème Dragons de Carcassonne, le 38

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Les décès et l es enterrements des notabilités locales étaient aussi l' occasion<br />

d'une manifestation publique du 15ème Dragons. Brillant dans les revues,<br />

allègre dans les retraites, le régiment savait aussi se montrer solenne! et grave<br />

lorsque les circonstances l' exigeaient. Les Libournais appréciaient cette faculté<br />

qui le rendait plus proche d' eux. Il convient donc de signaler l'importance<br />

des différentes prestations données par le 15ème Dragons à Libourne parce<br />

qu'elles symbolisaient pour les civils le redressement militaire de la France,<br />

mais aussi et surtout parce qu'elles entretenaient le respect et I'admiration<br />

des Libournais pour un régiment qui cultivait son prestige en alliant la beauté<br />

des uniformes, la prestance des cavaliers et la dextérité dans les exécutions<br />

collectives mais qui savait aussi, en temps utile, ètre un exemple de dignité.<br />

2) La vie sportive et associative<br />

Hommes de selle, les officiers et sous-officiers du 15ème Dragons exerçaient<br />

leurs talents de cavaliers dans les diverses compétitions hippiques de<br />

la région, amassant ainsi un impressionnant palmarès. Lors des fètes de<br />

Libourne, outre les courses de chevaux, les Dragons participaient aussi aux<br />

courses cyclistes ou pédestres, sur autorisation du colone!. Mais les plus spectaculaires<br />

démonstrations sportives du 15ème dragons furent cependant les<br />

raids effectués à plusieurs reprises (à pied ou à cheval) par des officiers, sacrifiant<br />

ainsi à une pratique très en vogue à l'époque. La vie associative des<br />

hommes du 15ème Dragons se limitait bien souvent à la participation aux<br />

activités proposées par la société de préparation militaire libournaise, mais<br />

ils avaient aussi la possibilité de faire partie de certaines associations, sous<br />

réserve de n'y remplir aucune fonction d'administration ou de direction 7.<br />

C'est ainsi que, entre autres, l'Harmonie de Libourne ou le Cercle SaintJean<br />

(association religieuse) accueillaient en leur sein des cavaliers, sous-officiers<br />

et, plus rarement, officiers des dragons 8• L'insertion du 15ème Dragons<br />

dans sa cité ne passait cependant pas par la vie associative, uniquement pratiquée<br />

par quelques individualités et étroitement réglementée pour les<br />

officiers.<br />

3) Faits divers<br />

Les quarante ans de vie libournaise du 15ème Dragons furent émaillés<br />

d'accidents et d'incidents de toute sorte, plus ou moins graves et spectaculaires<br />

qui marquèrent l'actualité et motivèrent de nombreuses mentions dans<br />

7 Status de l'Association Sténographique et Dactylographique Libournaise.<br />

8 Retraités.<br />

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la presse. C'est ainsi que les accidents de chevaux, de voitures et ... d'au<strong>tomo</strong>biles<br />

impliquant des dragons étaient fort courants de mème que les actes<br />

de dévouement lors d'incendies, et faisaient partie de la vie quotidienne de<br />

la cité. Plus graves furent les évènements qui, de 1892 à 1895, compromirent<br />

sérieusement l'harmonie qui régnait entre la ville et son régiment. Dues<br />

à l'alcool, des bagarres mettant en scène des militaires et des civils provoquèrent<br />

de longues polémiques entre le 15ème Dragons et ses concitoyens,<br />

chaque parti rejetant sur l'autre la responsabilité des incidents. Plusieurs fois,<br />

le colone! eut maille à partir avec le maire de Libourne qui l'invitait à instaurer<br />

une discipline de fer dans son unité. Les liens (familiaux, économiques,<br />

sociaux, mondains et culturels) que l'unité avait tissés avec sa région étaient<br />

cependant trop étroits pour ètre compromis par des regrettables incidents<br />

et la pomme de discorde fut consommée rapidement. Au début de ce siècle,<br />

la mort accidentelle du lieutenant Lemoyne toucha profondément civils et<br />

militaires et les réunit dans un mème deuil. Libournais et dragons, enfin réconciliés,<br />

s'unirent pour fonder un comité pour l'érection d'un monument au<br />

« regretté lieutenant Lemoyne "·<br />

Mème si, à l' évidence, le 15ème Dragons constituait une entité distincte<br />

dans la cité girondine, il entretenait de telles relations avec sa ville qu'un<br />

état d'esprit inconnu jusqu'alors des Libournais émergea. Le 15ème Dragons<br />

n'était plus le régiment en garnison à Libourne, il était celui des Libournais.<br />

Cette mentalité nouvelle, motivée par le long séjour de l'unité est d'autant<br />

plus exceptionnelle qu'elle disparut avec le 15ème Dragons.<br />

III -<br />

LES LIBOURNAIS ET LEUR REGIMENT<br />

A) « Notre beau régiment »<br />

l) De l 'indi férence à l 'admiration<br />

Dans les années qui suivirent son installation, le 15ème Dragons resta,<br />

semble-t'il, quelque peu en marge de la vie libournaise. La presse ne semble<br />

mème pas avoir signalé son arrivée en 1874! Il fallut attendre une dizaine<br />

d'années pour que prenne fin cette observation respectueuse et que l'opinion<br />

publique libournaise s'intéresse au régiment comme à tous les autres<br />

éléments de la vie quotidienne de la cité. Très vite le 15ème Dragons devint<br />

le régiment des Libournais. Chaque mention dans la presse faisait état de<br />

" Notre 15ème Dragons "· Le 57ème R.I. subissait le mème sort, mais, alors<br />

que le régiment des dragons recevait le qualificatif de " beau », « hardi », le<br />

bataillon d'infanterie n'était que

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