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540 ERIC LABAYLE entière » est présentée comme un héroi:que martyr. Existe-t-il plus impérissable gioire que celle glanée à se sacrifier pour une cause perdue, proclament les chroniqueurs du régiment? Autre thème de choix, les campagnes de la Révolution et du Premier Empire fournissent à ces derniers l' occasion de développer avec emphase la notion de " Sol sacré de la Patrie » et le portrait des dragons d'alors. Le message est clair et explicite: plus qu'un historique, les écrivains du 15ème Dragons cherchaient à écrire un cathéchisme patriotique à l'usage de la troupe èt des officiers. L'exemple des exploits passés, souvent exagérés et relatés avec une grandiloquence peu commune, s'il était sensé provoquer une émulation chez les conscrits du moment, marqua profondément l'imaginaire des dragons de Libourne. Les épiques récits de combats et de campagnes donnaient alors un sens à la morne vie de garnison que le régiment menait depuis plusieurs dizaines d'années et préparaient les hommes à une guerre que la France entière sentait imminente et désirait, guidée par un fort sentiment revanchard, hérité des dramatiques heures de la guerre de 1870. Mais les « victoires à venir » ne correspondaient pas à l'image quelque peu passéiste que les dragons du Quinzième portaient dans le coeur et l'esprit. Le dur réveil de 1914 allait cruellement leur faire prendre conscience de la distance qui séparait le rève guerrier présent dans les historiques du régiment de la réalité du champ de bataille. B) Les officiers Glorieuse et mouvementée, l'histoire du 15ème Dragons, mème si, sous la piume des chroniqueurs, elle servit à forger la mentalité, le caractère et l'imaginaire des hommes du régiment, n'est cependant qu'une facette de la personnallité de l'unité libournaise. Garants du prestige de celle-ci au sein de la cité, les officiers, par leurs origines, leur mode de vie ou leur comportement social ou mondain, laissèrent une profonde empreinte dans le paysage libournais du début de ce siècle. l) Leurs origines Premier aspect du caractère éminemment libournais du 15ème Dragons, nombre de ses officiers étaient des enfants de la région, à l'exemple du capitaine-instructeur de Pelleport-Burete, issu d'une vieille famille bordelaise, du capitaine Lewden, fils d'un notaire libournais, ou des lieutenants Ouy et Versein, parmi tant d'autres. L'absence de sources précises et exhaustives sur le sujet ne permet cependant pas d'en affiner l'étude; il est malgré tout certain que beaucoup de ces hommes, issus pour la plupart de la haute bour- 1874 1875 1876 1!877 1878 1'879 - - - ..- - - 1880 ·- 1881 - 1882 - Hl l!) - 1884 , - Ul85 1886 1887 ,- , - · - 1 - 1888 1889 , _ 1890 - 1891 - 1892 U19l - ,_ 1894 . - 1895 ,_ 1896 ; - · - 1891 1899 ,- 1900 ,- 1901 - 1902 - 190) ·- . - 1904 1905 · - 1906 -. 1907 - , - 1908 1909 ,_ 1910 , - 1911 - 1912 .- 1914 . - l LE QUINZIEME REGIMENT DE DRAGONS A LIBOURNE 541 l c l l l l l l l l l l l l Représentatìon graphique des pourcentages de noms à consonance noble dans le corps des officiers du 15ème Dragons (187 4 -191 4). - J l l l l l l l l i l l l l J l J l l l l l

542 ERIC LABAYLE geoisie ou de l'aristocratie girondines, avaient quelque intérèt à ètre affectés à Libourne, près de leurs propriétés, de leur patrimoine. En effet, malgré, du 15ème Dragons étaient, en grande parti e originaires d'un milieu aisé, giron­ ici aussi, une grave faiblesse de la documentation, il est certain que les cadres din ou non. C'est ainsi que nombreux furent les fils de riches propriétaires viticoles du médoc ou du libournais, les fils d'avoués ou d'hommes de loi à faire partie du corps des officiers du régiment de Libourne, contredisant ainsi en partie la définition traditionnelle de l'officier de cavalerie, donnée entre autres par le général Chambe 3 , qui l es décrivait « issus de ces vieilles familles de la noblesse française, souvent ruinées " · Mème si cette image parait stéréotypée, mème si la pauvreté des cadres semble fortement exagérée, il est cependant vrai qu'une important proportion de ceux-ci était d'extraction aristocratique. En effet, en 1899, la moitié du corps des officiers du 15ème Dragons possédait un nom à consonnance noble. Il convient cepen­ dant de se méfier des '' noms à particule " ou autres noms composés aux apparences nobles, et ainsi de tempérer des chiffres qui peuvent sembler exagérés. La particule précédant le nom ne constitue pas une preuve de noblesse; elle en est néanmoins la plus courante expression, mème si de nom­ breux officiers ont " ennobli , leur patronyme par l'adjonction d'un préfixe ou d'un second nom. Quoi qu'il en soit, la proportion d'aristocrates parmi les officiers du 15ème Dragons était telle que la loge libournaise Le Reveil Maçonnique mena sur ce thème une campagne contre le régiment. Le règi­ ment libournais restait toutefois bien en deçà des moyennes nationales; en % seulement de ceux du 15ème Dragons l'étaient aussi. effet, si 38% des officiers de cavalerie étaient, en 1885, d'origine noble, 30 Aristocrates, fils de riches familles bourgeoises ou, fait plus rare, cavaliers sortis du rang, les officiers libournais entretenaient jalousement le prestige social que leur conférait leur fonction, prestige dont la vie quotidienne était le révélateur. 2) Leur mode de vie Il serait aisé de diviser le corps des officiers du 15ème Dragons en deux groupes, en opposant tout d'abord les gradés fortunés, propriétaires ou non d'un chàteau viticole dans le Libournais (ce qui était alors mannaie courante), à l'image du capitaine de Bourdage (producteur d'un Fronsac grand crù), parmi tant d'autres, habitant le quartier chic de Libourne et menant une vie 3 Général CHAMBE, Adieu cavalerie: la Marne, bataille gagnée, victoire perdue, Plon 1979. LE QUINZIEME REGIMENT DE DRAGONS A LIBOURNE 543 mondaine intense à ceux, de plus modeste condìtion, souvent célibataire car dans l'impossibilité d'entretenir une femme et un foyer, habitant le plus souvent une maison quelconque mais toujours confortable dans la vieille ville. S'il est vrai qu'une telle scission existait, s'il est vrai qu'une certaine conscience du rang social, concrétisée notamment par les mariages (les officiers d'origine aristocratique ne se mariaient qu'avec des demoiselles de mème condition), accentuait celle-ci,-il f:onvient E:ependant de se garder d'en surestimer l'importance, dans un milieu où la fortune personnelle et le prestige social passaient après un sens aigu du devoir et de l'honneur. Ainsi, l'ensemble des officiers du 15ème Dragons choisissait, semble-t-il, avec beaucoup de soins leur épouse parmi les « bonnes familles de la région ,, de manière à « tenir un rang convenable " dans la garnison 4• Ces épouses qui avaient la lourde tàche d'associer les qualités de femme d'intérieur et de femme du monde avaient, en moyenne, six ans de moins que leur mari et jouaient un ròle certain mais discret dans la vie publique de celui-ci. En effet, la semaine d'un officier était rythmée par les jours de réception et les soiréesdiners ou réunions officielles et privées, lesquelles confortaient les Libournais dans leur affection pour l'armée qui se voulait " une grande famille , 5. Outre l'image d'une armée unie et fraternelle qu'ils donnaient aux civils, ces repas et punchs permettaient l'entretien de rapports mondains entre officiers, véritable condition « sine qua non , de la vie de garnison. Autre divertissement des officiers, les chasses à courre sur les terres du baron de Carayon­ Latour sont une preuve supplémentaire de leur intégration exemplaire à l'aris- · tocratie girondine. 3) Op inions, idéologies et états d 'a me Il semble que, de tous temps, les officiers du 15ème Dragons aient respecté la neutralité politique imposée aux officiers, ce que confirment les rapports de la Préfecture de la Gironde, sans toutefois oublier que la plupart d'entre eux nourrissait, à l'égard de la République, une certaine méfiance, voire de l'hostilité. Ces opinions réactionnaires, lorsqu'elles existaient, n'étaient prouvées par l'appartenance des cadres à un milieu jugé antirépublicain, par leurs mariages ou par leurs tendances cléricales. Seuls quelques incidents mineurs furent provoqués par des engagements politiques, à l'exemple de l'altercation du capitaine Cantillon de la Couture avec un affider républicain (laquelle se salda par le départ du premier pour un autre régiment), ou du retrait de la clientèle de plusieurs gradés à des magasins 4 Capitaine LoUis LEWDEN, Mes mémoires. s L 'Union Monarchique, 28 juillet 1886.

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geoisie ou de l'aristocratie girondines, avaient quelque intérèt à ètre affectés<br />

à Libourne, près de leurs propriétés, de leur patrimoine. En effet, malgré,<br />

du 15ème Dragons étaient, en grande parti e originaires d'un milieu aisé, giron­<br />

ici aussi, une grave faiblesse de la documentation, il est certain que les cadres<br />

din ou non. C'est ainsi que nombreux furent les fils de riches propriétaires<br />

viticoles du médoc ou du libournais, les fils d'avoués ou d'hommes de loi<br />

à faire partie du corps des officiers du régiment de Libourne, contredisant<br />

ainsi en partie la définition traditionnelle de l'officier de cavalerie, donnée<br />

entre autres par le général Chambe 3 , qui l es décrivait « issus de ces vieilles<br />

familles de la noblesse française, souvent ruinées " · Mème si cette image parait<br />

stéréotypée, mème si la pauvreté des cadres semble fortement exagérée, il<br />

est cependant vrai qu'une important proportion de ceux-ci était d'extraction<br />

aristocratique. En effet, en 1899, la moitié du corps des officiers du<br />

15ème Dragons possédait un nom à consonnance noble. Il convient cepen­<br />

dant de se méfier des '' noms à particule " ou autres noms composés aux<br />

apparences nobles, et ainsi de tempérer des chiffres qui peuvent sembler<br />

exagérés. La particule précédant le nom ne constitue pas une preuve de<br />

noblesse; elle en est néanmoins la plus courante expression, mème si de nom­<br />

breux officiers ont " ennobli , leur patronyme par l'adjonction d'un préfixe<br />

ou d'un second nom. Quoi qu'il en soit, la proportion d'aristocrates parmi<br />

les officiers du 15ème Dragons était telle que la loge libournaise Le Reveil<br />

Maçonnique mena sur ce thème une campagne contre le régiment. Le règi­<br />

ment libournais restait toutefois bien en deçà des moyennes nationales; en<br />

% seulement de ceux du 15ème Dragons l'étaient aussi.<br />

effet, si 38% des officiers de cavalerie étaient, en 1885, d'origine noble, 30<br />

Aristocrates, fils de riches familles bourgeoises ou, fait plus rare, cavaliers<br />

sortis du rang, les officiers libournais entretenaient jalousement le prestige<br />

social que leur conférait leur fonction, prestige dont la vie quotidienne<br />

était le révélateur.<br />

2) Leur mode de vie<br />

Il serait aisé de diviser le corps des officiers du 15ème Dragons en deux<br />

groupes, en opposant tout d'abord les gradés fortunés, propriétaires ou non<br />

d'un chàteau viticole dans le Libournais (ce qui était alors mannaie courante),<br />

à l'image du capitaine de Bourdage (producteur d'un Fronsac grand crù),<br />

parmi tant d'autres, habitant le quartier chic de Libourne et menant une vie<br />

3 Général CHAMBE, Adieu cavalerie: la Marne, bataille gagnée, victoire perdue, Plon<br />

1979.<br />

LE QUINZIEME REGIMENT DE DRAGONS A LIBOURNE 543<br />

mondaine intense à ceux, de plus modeste condìtion, souvent célibataire<br />

car dans l'impossibilité d'entretenir une femme et un foyer, habitant le plus<br />

souvent une maison quelconque mais toujours confortable dans la vieille<br />

ville. S'il est vrai qu'une telle scission existait, s'il est vrai qu'une certaine<br />

conscience du rang social, concrétisée notamment par les mariages (les officiers<br />

d'origine aristocratique ne se mariaient qu'avec des demoiselles de<br />

mème condition), accentuait celle-ci,-il f:onvient E:ependant de se garder d'en<br />

surestimer l'importance, dans un milieu où la fortune personnelle et le prestige<br />

social passaient après un sens aigu du devoir et de l'honneur. Ainsi,<br />

l'ensemble des officiers du 15ème Dragons choisissait, semble-t-il, avec beaucoup<br />

de soins leur épouse parmi les « bonnes familles de la région ,, de<br />

manière à « tenir un rang convenable " dans la garnison 4• Ces épouses qui<br />

avaient la lourde tàche d'associer les qualités de femme d'intérieur et de<br />

femme du monde avaient, en moyenne, six ans de moins que leur mari et<br />

jouaient un ròle certain mais discret dans la vie publique de celui-ci. En effet,<br />

la semaine d'un officier était rythmée par les jours de réception et les soiréesdiners<br />

ou réunions officielles et privées, lesquelles confortaient les Libournais<br />

dans leur affection pour l'armée qui se voulait " une grande famille , 5.<br />

Outre l'image d'une armée unie et fraternelle qu'ils donnaient aux civils, ces<br />

repas et punchs permettaient l'entretien de rapports mondains entre officiers,<br />

véritable condition « sine qua non , de la vie de garnison. Autre divertissement<br />

des officiers, les chasses à courre sur les terres du baron de Carayon­<br />

Latour sont une preuve supplémentaire de leur intégration exemplaire à l'aris- ·<br />

tocratie girondine.<br />

3) Op inions, idéologies et états d 'a me<br />

Il semble que, de tous temps, les officiers du 15ème Dragons aient respecté<br />

la neutralité politique imposée aux officiers, ce que confirment les rapports<br />

de la Préfecture de la Gironde, sans toutefois oublier que la plupart<br />

d'entre eux nourrissait, à l'égard de la République, une certaine méfiance,<br />

voire de l'hostilité. Ces opinions réactionnaires, lorsqu'elles existaient,<br />

n'étaient prouvées par l'appartenance des cadres à un milieu jugé antirépublicain,<br />

par leurs mariages ou par leurs tendances cléricales. Seuls quelques<br />

incidents mineurs furent provoqués par des engagements politiques,<br />

à l'exemple de l'altercation du capitaine Cantillon de la Couture avec un affider<br />

républicain (laquelle se salda par le départ du premier pour un autre<br />

régiment), ou du retrait de la clientèle de plusieurs gradés à des magasins<br />

4 Capitaine LoUis LEWDEN, Mes mémoires.<br />

s L 'Union Monarchique, 28 juillet 1886.

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