Vazha-Pshavela 150

et se mit à piauler. Sa voix grêle ressemblait drôlement à la mienne. Maman me
dit en riant:
- C’est un grand malin que ce geai, sois toujours sur tes gardes ! Il s’acharne
surtout sur de petits chevreuils comme toi, mon bambin… Pour commencer, il
piaule et piaille. Alors si un benêt inexpérimenté comme toi se trouve là, il répond
à ses avances et s’en approche. C’est ce que le geai attend : il se jette alors
sur sa victime et lui crève les yeux !…
Je tremblai de tout mon corps…
- Je ne lui adresserai jamais la parole, je me cacherai à son apparition !
- Voilà, c’est bien comme ça, mon enfant ! Tant que ta maman est en vie, tu
n’as pas à avoir peur de quoi que ce soit. Quand je ne serai plus auprès de toi, tu
devras être prudent !
Hélas ! pauvre malheureux que je suis ! il me manque encore beaucoup
d’expérience !
III
Une fois il fit très chaud. Maman se leva de sa couche et me dit : « Allons
au bord de l’eau ».
Nous y allâmes en descendant la montagne couverte de baliveaux. Nous
traversâmes les folles herbes et nous pénétrâmes dans le défilé. Le défilé était
profond et les rayons du soleil n’y parvenaient guère. Les arbres qui le bordaient
des deux côtés entremêlaient leurs sommets. Des framboises perçaient au pied
des arbres et, leurs têtes rouges penchées, elles observaient l’écoulement de
l’eau. La rivière froide et transparente coulait sur les pierres lisses, passait de
rocher en rocher pour rassembler plus loin ses eaux dans un bassin. Maman
s’approcha de la rivière et entra dans l’eau. Moi, j’avais du mal à sauter sur les
pierres et mes sabots me faisaient mal.
- Viens, mon enfant, entre dans l’eau, sa fraîcheur fait du bien par cette
chaleur !
23