Le goût sucré : aspects physiologiques, sensoriels et ...
Le goût sucré : aspects physiologiques, sensoriels et ...
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lorsqu’on lui propose une solution au <strong>goût</strong> <strong>sucré</strong>, <strong>et</strong> rej<strong>et</strong>te une<br />
solution de quinine. Ces expressions <strong>et</strong> mimiques faciales stéréotypées<br />
sont appelées « réflexes gusto-faciaux ». Elles sont innées,<br />
universelles pour tous les nourrissons humains <strong>et</strong> témoignent de<br />
la constitution d’un répertoire gustatif « de base ». Ainsi, tous<br />
les nouveau-nés sont en mesure de distinguer les solutions <strong>sucré</strong>es,<br />
bénéfiques car sources de glucides <strong>et</strong> donc d’énergie (4) .<br />
Durant sa prime enfance, puis tout au long de sa vie, tout individu<br />
va développer un répertoire alimentaire propre par la voie<br />
de l’apprentissage. Ce répertoire est également aussi lié aux mécanismes<br />
de régulation de la prise alimentaire via l’appétit <strong>et</strong> le<br />
rassasiement (4) . Il semble que les grandes lignes des choix alimentaires<br />
se déterminent tôt dans la vie (avant 4 ans) <strong>et</strong> soient relativement<br />
stables par la suite (5) .<br />
Quelles variations dans la sensibilité au <strong>goût</strong> <strong>sucré</strong> ?<br />
La plus ou moins grande sensibilité gustative dépend autant de<br />
la molécule sapide que du suj<strong>et</strong> qui la <strong>goût</strong>e. Elle reste aujourd’hui<br />
totalement imprédictible (3) . Un certain nombre de facteurs<br />
influencent la perception des saveurs <strong>et</strong> par conséquent<br />
celle de la saveur <strong>sucré</strong>e : la concentration, la température <strong>et</strong> le<br />
milieu de solubilisation. Un certain nombre d’autres facteurs plus<br />
personnels <strong>et</strong> subjectifs rentrent néanmoins en jeu.<br />
Différences génétiques. La mesure de la sensibilité à un produit,<br />
dans une population donnée, perm<strong>et</strong> de dresser des distributions<br />
de sensibilité (3) , caractérisées par une extrême variabilité notamment<br />
liée au polymorphisme génétique des récepteurs du <strong>goût</strong>.<br />
Pour le saccharose par exemple, 66 % de la population détecte<br />
la saveur <strong>sucré</strong>e dans un éventail de concentrations variant dans<br />
un rapport de 3. Pour 100 % de la population, l’intervalle varie<br />
dans un rapport supérieur à 10. On peut ainsi imaginer qu’un<br />
individu qui m<strong>et</strong> deux sucres dans son café n’aime pas forcément<br />
plus le sucre qu’un autre qui en m<strong>et</strong> un demi. Il est peut être<br />
simplement moins sensible à la saveur <strong>sucré</strong>e (3) . Phénomène encore<br />
plus préoccupant pour ceux qui se soucient de la valeur calorique<br />
des aliments <strong>sucré</strong>s, le pouvoir sucrant d’un édulcorant<br />
donné dépend tellement du dégustateur que sa valeur moyenne<br />
perd toute signification à l’échelle de l’individu.<br />
Différences selon le sexe. Il semble que l’attrait pour le <strong>goût</strong> <strong>sucré</strong><br />
soit plus important chez l’homme que chez la femme (6) .<br />
Différences selon le support alimentaire. <strong>Le</strong> qualificatif « <strong>sucré</strong> »<br />
a été mis en place par référence au saccharose, dont chaque individu<br />
possède une image sensorielle précise. Néanmoins, la perception<br />
de la saveur <strong>sucré</strong>e se trouve bien souvent qualifiée en<br />
nommant l’aliment qui lui sert de support, mais chacun a ses<br />
propres références <strong>et</strong> ses ressentis par rapport à ces supports de<br />
la saveur <strong>sucré</strong>e. Par ailleurs, dans un mélange, les <strong>goût</strong>s des différents<br />
constituants ne se combinent absolument pas de manière<br />
additive (7) .<br />
Différences hédoniques. Appartenant au domaine de l’affectif<br />
c<strong>et</strong>te composante hédonique prend souvent une grande importance<br />
pour l’individu qui doit décrire une saveur : « le <strong>goût</strong> de »<br />
tend alors à se confondre avec « le <strong>goût</strong> pour »... La description<br />
qualitative d’une saveur peut en eff<strong>et</strong> s’avérer délicate avec un<br />
nombre limité de qualificatifs, tandis qu’il est plus facile d’estimer<br />
une saveur comme « bonne » ou « mauvaise ».<br />
Différences sémantiques. L’absence de consensus sensoriel entre<br />
les individus explique la pauvr<strong>et</strong>é du vocabulaire perm<strong>et</strong>tant de<br />
décrire les <strong>goût</strong>s. Bien que les différences qualitatives perceptibles<br />
lors de la consommation de différents produits <strong>sucré</strong>s soient difficiles<br />
à décrire, il est clair qu’il existe des, <strong>et</strong> non pas une, saveurs<br />
<strong>sucré</strong>es (7) .<br />
Différences culturelles. <strong>Le</strong>s <strong>goût</strong>s sont influencés par les représentations<br />
intellectuelles <strong>et</strong>/ou culturelles des aliments, les rendant<br />
acceptables pour la consommation ou pas.<br />
Différences dans le temps. La perception gustative du suj<strong>et</strong> âgé<br />
est souvent modifiée. En eff<strong>et</strong>, des extractions ou traitements<br />
dentaires de plus en plus nombreux, une variation qualitative de<br />
la salive <strong>et</strong> une réduction importante du nombre de bourgeons<br />
du <strong>goût</strong>, peuvent entraîner une diminution de la sensibilité gustative.<br />
La perte de la perception de la « flaveur » des aliments,<br />
constitue une donnée importante dans la diminution de l’appétit<br />
du suj<strong>et</strong> âgé (8) .<br />
Conclusion<br />
<strong>Le</strong> sens gustatif est de tous nos sens, le moins connu. C’est un<br />
mélange infiniment complexe d’informations sensorielles m<strong>et</strong>tant<br />
en jeu la gustation elle-même mais aussi l’odorat, le sens<br />
tactile ainsi que des composantes affectives fortes.<br />
Pour certaines saveurs, comme la saveur <strong>sucré</strong>e, le rapport affectif<br />
semblerait inné ou tout au moins acquis très tôt, dès la vie<br />
fœtale puis, renforcé par les habitudes alimentaires dans la p<strong>et</strong>ite<br />
enfance.<br />
Mais si nous n’avons pas tous les mêmes préférences alimentaires,<br />
ce n’est pas uniquement en référence à notre éducation<br />
<strong>et</strong> à notre culture. Notre patrimoine génétique détermine également<br />
une part importante de nos choix.<br />
Et il est fort à parier que les travaux de recherche du 21 e siècle<br />
donneront enfin au <strong>goût</strong> la place qui lui revient grâce aux avancées<br />
de la biologie moléculaire, de la génétique de l’individu <strong>et</strong><br />
des neurosciences cognitives.<br />
ADDICTION AU GOUT SUCRE : MYTHE OU REALITE ?<br />
Jean-Michel <strong>Le</strong>cerf<br />
Partenaire industrieln<br />
L’opinion publique aime vouer aux gémonies ce qu’elle adule.<br />
Est-ce pour cela que le sucre <strong>et</strong> plus encore le <strong>sucré</strong> sont mis au<br />
pilori <strong>et</strong> considérés comme des drogues ? Au même titre c<strong>et</strong>te<br />
opinion j<strong>et</strong>te aux orties successivement depuis quelques années<br />
le gras <strong>et</strong> le beurre, la viande <strong>et</strong> le lait ... !<br />
De ce point de vue, le sort le plus infâme que l’on pourrait j<strong>et</strong>er<br />
à un aliment serait de la déclarer coupable d’une addiction, ce<br />
comportement d’asservissement (9) qui aboutit à une autodestruction<br />
?<br />
<strong>Le</strong>s scientifiques, ces ignorants de la réalité, seraient-ils les seuls<br />
© ENTRETIENS DEBICHAT 2010- 565