Leibniz, Akademie-Ausgabe, 1704--1716

N. 220 transkriptionen 1703–1716 273
Quantité de raisons concourent cependant pour faire juger que la Grande Bretagne
aura des demelés avec la France et avec le Duc d’Anjou non obstant les Traités conclus.
Et Messieurs les Etats y pourroient prendre part. Une partie de ces raisons sera premierement
l’inexecution de l’article de Dunkerque, car c’est une elusion manifeste de cet
article, de ruiner le port de Dunkerque, et de batir un autre tout auprés. 5
La seconde raison consistera dans les difficultés sur les Traités de Commerce tant
avec les François qu’avec les Espagnols, augmentées par les demarches des François pour
se rendre maitres du commerce des Indes occidentales malgré les Espagnols mêmes. La
Colonie que la France a projetté sur le fleuve de Misisippe dans le Golfe de Mexique doit
aussi allarmer tous ceux qui sont interessés dans le Commerce de l’Amerique. 10
Le peu de seureté qu’il y a dans les renotiations mutuelles des princes Bourbons
fournira encor une 3 me raison outre que le renversement injuste des precedentes renontiations
des Reines Anne et Terese d’Austriche donnet une grande presomption contre
toutes celles des Bourbons; les dernieres pourroient meme entre renversées un jour avec
quelque justice, par les petits princes deja nés avant ces renontiations qui n’y seront peu- 15
tetre point tenus selon le droit, s’ils ne les renouvellent eux memes aussi tôt qu’ils seront
en âge de raison. Car plusieurs jurisconsultes sont d’avis: regulariter nemini jus semel
quaesitum facto alterius auferri posse. Il fauderoit stipuler aussi que le Duc d’Anjou ne
doit point étre Teuter d’un Roy de France mineur, tant qu’il pretend regner en Espagne.
La Quatrieme Raison pourra venir du pretendu Roy de Sicile le quel ayant protesté 20
autres fois contre la succession de la Grande Bretagne dans la Maison d’Hannover ne
voudra pas apparemment reconnoistre le present Roy; et par consequent il se pourra
attirer des affaires du coté de la Grande Bretagne, qui l’avoit appuyé le plus jusqu’à
present mais quand il voudroit reconnoitre Sa M té Britannique elle auroit des grandes
raisons pour ne point reconnoitre ce pretendu Roy. 25
La Cinquiême Raison pourroit venir du Roy de France et du Duc d’Anjou s’ils ne
vouloient point reconnoitre le nouveau Roy de la Grande Bretagne, s’ils s’opposoient
à son droit, et s’ils continuoient au moins de fomenter le pretendant. Sans parler de
plusieurs autres points qui pourront causer de la mesintelligence.
Comme l’Empereur n’a traité jusqu’icy qu’avec la France, et nullement avec le duc 30
d’Anjou; Sa M té imperiale et Catholique peut s’engager avec la Grande Bretagne dans
la pluspart des mesures dont on vient de parler quand même on demeureroit resolu
d’achever d’abord le Traité de Bade. Il y a des gens qui asseurent que selon les loix
d’Angleterre on pourroit se servir des sujets et vaisseaux Anglois pour courir sus aux
1. 9. 2005