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3. - Biblioteca Nacional de Colombia

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©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE CANIGOU<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


AVANT-P ROPOS<br />

DU<br />

TRADUCTEUH<br />

I<br />

Après avoir signalé au public français le premier poème<br />

éclos sous la puissante inspiration <strong>de</strong> D. Jacinto Verdaguer,<br />

nous voici en passe <strong>de</strong> faire connaltre, non plus<br />

simplement le sujet et l'affabulation, duns une pàle ana­<br />

lyse, <strong>de</strong> la nouvelle création du poète, mais l"œuV!'e ell:!­<br />

même, tJ'aduite, sinon sans l1ésiLation eL sans crainte, du<br />

moins sans prétention et avec l'unique préoccupation <strong>de</strong><br />

translater dans notre langue, comme à travers un miroir<br />

ll<strong>de</strong>!e, les beautés <strong>de</strong> J'original, dans leur gr·âce ou leur<br />

majesté, nous efforçant <strong>de</strong> reproduit-e l'ensemble du<br />

tableau, ct, autant que possible, <strong>de</strong> reuùrc les couleurs<br />

avec leur lumièr·e, rle façon à faire passer dans l'âme du<br />

lecteur français les émotions qui remplissent tout lecteur<br />

fam iliarisé avec la langue du poète.<br />

Nous n'avons pas it parler <strong>de</strong> l'accueil fait par· Je public<br />

it notre In o<strong>de</strong>s te Essai sm· I'ArLANT!UE; mais nous croyons<br />

pouvoir dire sans présomption qu'il n'e ·t pas passé inaperçu,<br />

cL qu'il a été utile pour faire connaitre et apprécier<br />

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«


DU TRADUCTEUR X liT<br />

moins avant la naissance <strong>de</strong> Gui l're, comme il est facile it<br />

chacun <strong>de</strong> le vérifle1·. On voit que l'édifice croule par la<br />

b::tsc. Inutile <strong>de</strong> relever tous les anachronismes qui, échap­<br />

pés it ces divers annalistes, réduisent ù. néant leurs hypothèses<br />

ct leurs légen<strong>de</strong>s (1).<br />

Le lerleue connaîl maintenant (au moins sommairement)<br />

les <strong>de</strong>ux sources où a puisé le poèt.e, cl, s'il est<br />

permis <strong>de</strong> parler ainsi, les litres <strong>de</strong> son inspiration : la<br />

vérité historique, formant le fond du taùleau; ct, comme<br />

<strong>de</strong>ssin, la tradition plus ou moins altérée <strong>de</strong>s récits trans­<br />

mis <strong>de</strong> siècle en sièrlc. Naturellement, le poète, sans<br />

répudier complètement l'histoire, s'est plus particulière­<br />

ment inspi1·é <strong>de</strong> la légen<strong>de</strong>; et nul ne pourrait y trouver<br />

ù. redire, sous peine ùe couper les ailes ù. la poésie, qui<br />

vit plus ou moins rle fictions. Vcrdaguer a donc pu, en<br />

s'établissant dans Je domaine <strong>de</strong> la légen<strong>de</strong>, l'élargir<br />

cncor·e et la plier aux libres allures <strong>de</strong> son inspiration.<br />

Aussi ne ilevons-nous pas nous étonr1e1' si son principal<br />

pcl·sonnage, Gentil, se transforme sous Je souffle Ju poi•Lc<br />

ct dPvient une création nouvelle, quoique moins sympa­<br />

thique. Mais ici, comme dans l'Atlantirte, ne l'oublions<br />

pas, cc n'est pas sur telle personnalité que doit sc con­<br />

centrer l'inLérN ou sc fixer notr·c attention. Le sujet du<br />

poème, comme l'indique assez son titre, ce n'est ni_ Gentil,<br />

ni Gri elùa, ni f.uii'rc, ni Taillefer; c'est, pat' une assez<br />

rare hardiesse, Je lieu dans lequel sc déroulent les prin­<br />

cipales scènes ct les plus émouvantes ùc la poétiqur<br />

legen<strong>de</strong> roussillonnaise.<br />

( l \L'étal <strong>de</strong> la question a élé savamment exposé par M. Pier·re<br />

Puip;g:u·i, d1tns une clisscrlation publiée en 1831, sous ce Litre:<br />

Xotices sur l'ancienne ablmyr <strong>de</strong> Sairlt-.l!a!"iir1 <strong>de</strong> Caniyo,<br />

lil'l'es rie rlocumeat.< aulhe,1lirtue.


xxx AYA:-;T-PROP(IS<br />

ment offrir <strong>de</strong> l'intérêt à un peuple déterminé ; mais il<br />

faut que ce peuple ait une place marquée dans le genre<br />

humain . Or, on ne pourrait revendiquer cette sorte d'in­<br />

térêt général pour le Canigou, dont l'action est limitée à<br />

un sujet épisodique et légendaire qui se déroule dans un<br />

coin <strong>de</strong> terre quelque peu secondaire, il faut bien le Jire,<br />

sur la carte du globe.<br />

Dans le Ccmioou, comme dans l'Atlanti<strong>de</strong>, une antique<br />

légen<strong>de</strong> se trouve encadrée dans un. poème <strong>de</strong>scriptif, qui<br />

a pour sujet et pour titre, non point le nom d'un personnage,<br />

mais le nom du pays ou <strong>de</strong> la montagne qui est le<br />

théâtre <strong>de</strong> l'action. C'est ce qu'on a critiqué, comme si<br />

Le Tasse et Milton en avaient agi autrement. On s'est<br />

<strong>de</strong>mandé si la légen<strong>de</strong> ne fait pas tol't à l'élément <strong>de</strong>s­<br />

criptif, et si, d'autre part, l'éclat sout.enn <strong>de</strong> ces grands<br />

tableaux, qui apparaissent comme le but principal elu<br />

poète, ne contribue pas à obscurcir ou embarrasser la<br />

marche <strong>de</strong> l'action qui fait mouvoir lrs dive1·s rescorts et<br />

déroule les péripéties <strong>de</strong> la légen<strong>de</strong>. Nous avons déjiL dit,<br />

au début <strong>de</strong> ces pages, que ces <strong>de</strong>ux éléments avaient été<br />

heureusement combinés par Je poète; aussi n'acceptons­<br />

nous pas plus cette critique au sujet du Canigou que nous<br />

ne l'avons accueillie pom l'Atlanti<strong>de</strong>; ot nous ne pouvons,<br />

à cet égard, qu'en appeler au lecteur judicieux, en<br />

le renvoyant à nos précé<strong>de</strong>ntes considérations. Du reste,<br />

ccci retrouvera sa place quan1l nous nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rons<br />

s'il est vrai que la gran<strong>de</strong> loi <strong>de</strong> l'unité ait été méconnue<br />

ou violée par VcrJaguer.<br />

Le choix <strong>de</strong>s sujet constitue la principale différence<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux poèmes. Cc qui nous paraît certain, c'est rruc,<br />

si le Canigou ne produit pas l'éblouissement magique Je<br />

l'épopée <strong>de</strong> haut \·ol par laquelle se réYé]a notre grand<br />

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\


LYT 1 l' 1 XT-PI10POS<br />

les vers la charmante légen<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'illustre poète <strong>de</strong> Mail- 1<br />

Jane. Ccci nous remet en mémoire ces vers <strong>de</strong> Louis Veuil­<br />

lot, un <strong>de</strong>s hommes qui, dans ce siècle, ont fait le plus<br />

merveilleux usage <strong>de</strong> cet admirable instrument qu'on<br />

appelle la prose française:<br />

0 Prose, noble oulil el bon anx fortes mains!<br />

Quand l'e prit veut ma1·cher, lu lui fais <strong>de</strong>s chemins.<br />

Sans Loi dans l'idéal il tlànc rL vagabon<strong>de</strong> ...<br />

Cela veut-il dire que l'œuvre d'une traduction en<br />

prose soit sans difflcullés? Hélas! qui oserait le pré­<br />

tendre? Quant à nous, Lous nos efforts onL tendu ù bien<br />

comprt::udre d'abord Je poète, ct ù le rendre avec une<br />

clarté simple et scrupuleuse, sans nous dissimuler qu'une<br />

traduction, même bien réus ie, n'est qu'une estampe à<br />

laquelle manquera toujours le coloris du tableau, ou<br />

encore un tapis flamand vu il l'envers, qni présente bién<br />

les <strong>de</strong>s in et les figures, mais traversés par <strong>de</strong>s fils qui<br />

les obscurcissent, <strong>de</strong> sorte qu'on ne voit ni l'uni ni Je'<br />

brillant <strong>de</strong> la vraie face. Xous nous faisons encore, avec'<br />

je ne sais quel auteur, une autre idée <strong>de</strong> J'œuvre ch{ tl'a­<br />

ducleur : celui-ci nous paraît procé<strong>de</strong>r ù un embaume­<br />

ment; il pourra bien conserver la forme du corps, a1·ec<br />

ses caractère ct ses traits génél"aux; mais où seront les<br />

diverses alliLu<strong>de</strong>s du corps vivant? Où seront même les<br />

reflets <strong>de</strong> l'hermine du manteau? Où seront su t" LouL<br />

l'expression et le feu du regar·d? ...<br />

Nous nous sommes inspiré du mot <strong>de</strong> Cervantes, en<br />

nous appliquant à traduire « SAX5 RIEX )lETTRE xr RIEx<br />

ùliF.TTRE; »car nous ne connaissons pas <strong>de</strong> rai on sufli­<br />

sante d'abandonner jamais, même au détriment du<br />

génie <strong>de</strong> notre langue, une lilléralité qui rend le Lexle,<br />

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\


AU TRADllCTEUR<br />

« Mo:'iSETGNEUR ET CIIEI\ co:sFIIÈRE,<br />

« Les poètes aslrés naiss


.\Il TIUDl'C:TECR<br />

Pyrénées dans la tasse du pàtre, ni g'oCtter au<br />

miel qui coule <strong>de</strong>s yeuses entr'ouvertes, voici,<br />

dans une coupe ciselée à plaisir par la main<br />

fl'un poète qui consent à sc faire le tratlucteur<br />

d'un autre, voici le lait, voici le miel du mont<br />

Jlymète calahn . .Je m'unis <strong>de</strong> loul. cœur aux<br />

applaudissements qui Yont accueillir en France<br />

la 11 Chanson du Canigou», gTàce à volre version<br />

aussi exacte que poéti><br />

« j[aillane (llouchcs-tlu-Rhôoe), 1 i fi:vric1· 1889. "<br />

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LE CANIGOU<br />

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CANIGO<br />

CANT PR IMER<br />

L' APLECJI<br />

Ab son germa, lo comte <strong>de</strong> Cerdanya,<br />

com àliga que à l' àliga acompanya,<br />

ùevalla Tallaferro <strong>de</strong> Canigo un mali;<br />

ve ab son fill ùe caçar en la boscuria,<br />

quant al sentirlti mistica canluria<br />

sc n' entra al hermitalge <strong>de</strong>vot <strong>de</strong> Sant :Marti.<br />

Lo Sanl, <strong>de</strong>scle '1 cavall, veslit <strong>de</strong> malla,<br />

encès d' amor, d' un colp d' cspasa talla,<br />

pcr abrigar ù un polJrc, son ribctaL mautcll;<br />

Gcutil, l' aligo tendre, sa armadura<br />

contempla, y, ab coratge que no dura:<br />

- lron pare,- diu, - voldrla scr cavalier com ell.<br />

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\


«N'ai-je pas fait la guerre avec vous contre Alman­<br />

zor? L'ennemi a-t-il jamais vu seulement mon épaule?<br />

N'ai-je pas arrosé Je sol <strong>de</strong> mon sang ct du sang <strong>de</strong>s<br />

Sarrasins? Pourquoi donc me refuseriez-vous encore,<br />

à moi seul, à moi volre fils, Je heaume et le bouclier<br />

quo vous avez donnés à tant d'autres? ... Sentit-cc que<br />

les mères ne donnent plus le jour à <strong>de</strong>s guerriers et à<br />

<strong>de</strong>s paladins? ... »<br />

- « Mon i1ls, Loi qui es mon sang et l'héritier <strong>de</strong><br />

ma gloire, j'aime à t'entendre ainsi parler, et je suis<br />

fier <strong>de</strong> ta prière. Deman<strong>de</strong> à ton oncle s'il y applaudit<br />

comme moi. • - " Oui, vraiment, dil alors l'autre<br />

comte; il doit être vile armé chevalier, puisqu'il ne<br />

l'est pas encore. Qu'il fasse cette nuit sa veille d'armes,<br />

je l'armerai dès <strong>de</strong>main matin. •<br />

Amsitôt, Genlil sc retire dans la chapelle, pour y<br />

prier. On dirait une ahcille hourrlonnaut dans sa<br />

ruche. Il est accompagné d'une suite <strong>de</strong> comtes, <strong>de</strong><br />

pages ct d'écuyers. Il se prosterne sur la plus haute<br />

marche do l'autel, les yeux fixés sur le saint Evêque<br />

dont il contemple J'image, cl qui, avant ùc porter les<br />

insignes du pontife, avait 6té le modèle <strong>de</strong>s chevaliers.<br />

Les lueurs <strong>de</strong> l'aube le trouvent encore au pied do<br />

l'autel, oü l'on croirait Yoir une colombe au blanc<br />

plumage. Il s'enivre dn parfum <strong>de</strong>s pieuses inspira­<br />

tions, conseils salutaires qui, avant peu, semblables<br />

à ùes papillons légers, s'envoleront dans les airs; et<br />

son cœur novice, h6lns l s'envolera connnc cu.· .. ,<br />

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6 CAN1G6<br />

· - l'er Den batalla, -l' hermilà li crida, -<br />

estima son honor més que la vida,<br />

com :ploma ta arma escriga per Lot la santa lley ;<br />

sias sempre capçal <strong>de</strong> l' ignocencia,<br />

si 't dobla un vent, que sia 'l <strong>de</strong> clemencia :<br />

escut si as pe'l po ble y espasa per lon rey. -<br />

Deixa <strong>de</strong>sprés la blanca veslitlura<br />

y li donan ù peces l' armadura,<br />

damunt lo camisollo plalejat perpunt;<br />

abriga ab Jo capmall sa tesla bella,<br />

son cos gallarl y fort ab la roclella<br />

que du les Quatre Bancs y un sol ixent damunt.<br />

Guifre, son oncle, 'ls esperons li posa,<br />

fenl una creu en son genoll, que arrosa<br />

ab una encesn llàgrima; l' espasa empunya apre ,<br />

que u .un raig <strong>de</strong> sollluheix damunt <strong>de</strong> l'ara,<br />

y


-------------<br />

L'ermitage, en ce moment, est plein comme un œuf:<br />

jeunes filles, jeunes gens et vieillards sont lù, invités<br />

à la fête par les allègres tintements <strong>de</strong> la cloche sonore.<br />

On croit y voir entrer, avec la jeunesse, toutes les<br />

fleurs <strong>de</strong> ces montagnes et <strong>de</strong> ces vallées, accourues<br />

pour baiser les pieds du saint qui semble leur sourire.<br />

Les jeunes filles cueillent sur la montagne les pois<br />

odoriférants, les violettes cL les coquelicots ; et, après<br />

en avoir empli leurs tabliers, elles entrent dans l'église,<br />

où, apercevant le chevalier Gentil, elles parlagent leur<br />

gerbe fleurie entre lui et le saint pontife, répandant à<br />

flots les fleurs sur leurs tètes, comme le mois d'avril<br />

couronne <strong>de</strong> myria<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fleurs les arbres qui parle·<br />

raut bientôt <strong>de</strong>s fruits.<br />

C'est aujourd'hui le jour du pieux ren<strong>de</strong>z-vous à<br />

l'ermitage. Tous, bien endimauché1:1, y vont en pèleri­<br />

nage, propriétaires et travailleurs, bergers et gentils­<br />

hommes; chacun d'eux a une faveur à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à<br />

saint Martin, qui, <strong>de</strong> bien bonne grâce, accor<strong>de</strong> aux<br />

villageois <strong>de</strong> bonnes récoltes et <strong>de</strong>s enfants à leur<br />

épouses.<br />

Les jeunes gens eL les jeunes filles ne font pas <strong>de</strong><br />

longues prières, attirés qu'ils sont par les mélodieuses<br />

ritournelles dont la verte cornemusc(i) fait retentir l'air<br />

sous les pins, ou par les modulations aiguës du galou­<br />

)Jet, cl aussi par le coup <strong>de</strong> tambourin qui marque la<br />

mesure à l'essaim fleuri <strong>de</strong> jeunes filles accourues à<br />

cet appel.<br />

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1,


14 CAl\"1 G Ù \<br />

Aixis les !tores en ses d


LG CANJGOU 11:1<br />

C'est ainsi que les heures, dans leurs ron<strong>de</strong>s gracieuses,<br />

suivent la marche ca<strong>de</strong>ncée <strong>de</strong>s étoiles qui<br />

roulent constamment autour <strong>de</strong> l'étoile polaire. Loin<br />

<strong>de</strong> se ralentir au chant du coq, ces danses n'en<br />

<strong>de</strong>viennent que plus joyeuses; et quand le noir ri<strong>de</strong>au<br />

<strong>de</strong> la nuit chasse l'ombre et dissipe les ténèbres, les<br />

harmonies matinales <strong>de</strong> cette ron<strong>de</strong> céleste invitent<br />

la terre à s'éveiller.<br />

Dès que se séparent les anneaux <strong>de</strong> cette chaine<br />

dansante, semblables à <strong>de</strong>s perles qui tombent en<br />

s'égrenant, on voit s'en détacher la rose <strong>de</strong> cette guir­<br />

lan<strong>de</strong>, Griselda, à tant gracieusement <strong>de</strong> son front sa<br />

couronne <strong>de</strong> reine <strong>de</strong> la fète ct courant la déposer entre<br />

les mains du nouveau chevalier.<br />

Mais, à peine arrivée auprès <strong>de</strong> lui, elle est arrèlée<br />

ct comme pétrifiée par le regard terrible <strong>de</strong> Taillefer,<br />

qui lui elit, dans son langage muet et cruel : - « Oü<br />

«vas-tu donc? n - La couronne lui lombe <strong>de</strong>s mains<br />

au moment oü elle allait l'offrir; et, comme le jeune<br />

homme se baissait pour la ramasser, il on tond son père<br />

qui lui crie d'une voix <strong>de</strong> tonnerre : - « Que fais-tu<br />

« donc? ...<br />


i8 CA:"! TG 0<br />

Les llums dr set cu sel pujan y baixaa,<br />

cinyells <strong>de</strong> flama los monlicols faixan<br />

y 's veu entre fuma<strong>de</strong>s lo bosch llampeguejar;<br />

surlen rius Je guspires <strong>de</strong> Lot cayre,<br />

com si 's vejessen entre terra y ayre<br />

los !lamps y los comeles en gucna sabrcjilr.<br />

Dels fallayrcs ill bailla gent s' alança,<br />

les nincs lleixan la primera dança,<br />

y un <strong>de</strong>ls joglars (5), al vèures lot sol ab los fadrins,<br />

llança, ab quimera mosseganlse 'l llabi,<br />

eixa cançô tle vcl'inos agravi,<br />

corn un grapat <strong>de</strong> vivorcs y negrcs escarpins:<br />

10 RAM SANTJOANENCTI<br />

Lo dia <strong>de</strong> Sant Joan<br />

n' cs dia llc festa grossa;<br />

les nines llcl Pirineu<br />

posun un ram it la porta,<br />

ù'ençit que una n' hi hagué<br />

ù' ulis blavcnclls y cellil rossa,<br />

tenia una eslrella al front<br />

y a callu galla una rosa.<br />

Un fallayre li ha caygut<br />

al ull, i malhaju lu brossa!<br />

n' apar un csparvcrot<br />

que fa l' alcla tt una lôrlora.<br />

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\


LE CA:-!IGOU<br />

On voit ces feux errants monter et <strong>de</strong>scendre par<br />

groupes <strong>de</strong> sept, et entourer les mamelons comme<br />

<strong>de</strong> ceintures <strong>de</strong> flammes. Divers points <strong>de</strong> la forêt<br />

s'illuminent tour à tour au milieu <strong>de</strong> colonnes <strong>de</strong><br />

fumée ; <strong>de</strong> tous côtés jaillissent <strong>de</strong>s traînées ou ruisseaux<br />

d'étincelles, comme si la foudre et les comètes<br />

engageaient un combat, à l'arme blanche, entre le<br />

ciel et 1 a terre.<br />

La foule s'approche <strong>de</strong> la ron<strong>de</strong> <strong>de</strong>s montagnards ;<br />

les jeunes filles laissent leur danse; et bientôt, un <strong>de</strong>s<br />

ménétriers (tl), se voyant seul avec les jeunes garçons,<br />

et se mordant les lèvres <strong>de</strong> dépil, lance dans l'air ce<br />

chant d'amère provocation, comme une poignée <strong>de</strong><br />

vipères et <strong>de</strong> noirs scorpions :<br />

LE RAMEAU DE LA SAINT-JEAN<br />

Le jour <strong>de</strong> la Saint-Jean est un jour <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> fète.<br />

Les jeunes filles <strong>de</strong>s Pyrénées mettent à leur porte un<br />

rameau vert, <strong>de</strong>puis l'histoire <strong>de</strong> celte jouvencelle<br />

aux yeux hleus et aux blonds sourcils, dont le front<br />

llrillait comme une étoile et don lies <strong>de</strong>ux joues étaient<br />

<strong>de</strong> vraies roses. Un montagnard lui est tombé dans<br />

l'œil; au diable l'importun!. . On dirait un jeune<br />

épervier faisant la cour à une tourterelle.<br />

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Hl


LE C.\NIGOt:<br />

Le jour <strong>de</strong> la Saint-Jean, <strong>de</strong> bon matin, la gente<br />

tourterelle prend son vol, elle vole vers le bord du<br />

ruisseau, pour chercher la bonne avenlu1·e. Elle y<br />

cueille ce qu'elle trouve <strong>de</strong> mieux en fait <strong>de</strong> bonne<br />

aventure: c'était un bouquet <strong>de</strong> fleurs <strong>de</strong> Saint-Jean,<br />

du thym et du romarin; elle les dispose en croix, et<br />

les applique en guise <strong>de</strong> couronnement au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong><br />

la porte du mas. Bientôt arrive son amoureux; mais<br />

il n'ose pas entrer.<br />

Alors, la jouvencelle, <strong>de</strong> l'intérieur:<br />

-«Pourquoi donc, lui dit-elle, restes-tu ainsi <strong>de</strong>­<br />

hors?>><br />

- « Parce que tu m'interdis l'entrée, gardée par les<br />

fleurs <strong>de</strong> ton bouquet. »<br />

- (( Comment! un bouquet te fait peur ? >><br />

- « C'est sa forme en sautoir qui m'arrête. »<br />

- « Mais point elu tout; il est on forme <strong>de</strong> croix;<br />

et si tu en as peur, c'est que tn n'cs pas une bonne<br />

chose. •<br />

-


-------<br />

LE C.\NIGOIJ<br />

Un vieux montagnard a entendu la chanson. Aussi-<br />

tôt, ennammé <strong>de</strong> colère, il lance au loin sa torche; et,<br />

débouchant d'un massif à l'improviste, il se prP.sente<br />

tout à coup en face du ménétrier, dont il écrase la<br />

cornemuse d'un vigoureux coup <strong>de</strong> poing. Notre ,jou­<br />

gla1· saisit le montagnard; et sans plus tar<strong>de</strong>r, on<br />

Voit s'élever dans les airs comme une forèt branlante<br />

<strong>de</strong> bâtons <strong>de</strong> chênes verts.<br />

Le cri <strong>de</strong> guerre est sm· le point J'éclater, grand<br />

bieu! entre les jeunes villageois <strong>de</strong> la plaine et ceux<br />

<strong>de</strong> la montagne, quand une autre clameur plus ter­<br />

rible apaise et rapproche les <strong>de</strong>ux camps: - « Les<br />

Maures sont à Elne (6)! leurs noirs bataillons tran­<br />

chent déjà sur le sable, et quatorze galions en vomis­<br />

sent encore sur le rivage ...<br />

- Courons les tailler en pièces, » s'écrie le comte<br />

Guifre, qui se lève tout cn1lammé, pendant que<br />

Taillefer, déjà sur son coursier, dit <strong>de</strong> son côté: -<br />

• Moi, je cours les cerner au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Port-Vendres:<br />

ne lar<strong>de</strong>z pas à me les livrer comme <strong>de</strong> tendres<br />

agneaux : ils rouleront bientôt dans les eaux du<br />

Tech.<br />

- «Je vous suis, » - lui crie le beau Gentil, qui<br />

l.'tche ans,;itôt la bri<strong>de</strong> à son c.;oursier . . Mais le comte<br />

Taillefer ; - cc Non, dit-il, ne vi eus pas encore; reste<br />

au moins un an ou <strong>de</strong>ux au service <strong>de</strong> celui qui<br />

naguère tc c.;réail chevalier; et surlout, mon fils, qu'il<br />

n'ail jamais à rougir <strong>de</strong> toi ! » -<br />

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2-l<br />

Diu, y jaromp com ùliga los ayrcs;<br />

tan sols per ferli llum alguns fallayres<br />

"------<br />

sc ·n du per companyia, los més Ucuger:; y forts.<br />

Gentil ab Guifre ù Cornelli dcvalla,<br />

lo rebull somiant <strong>de</strong> la hatalla,<br />

Jo bracejar tlels vius y ·r cabuçar ùcls morts.<br />

Pe'ls camins <strong>de</strong> Capcir y <strong>de</strong> Cerdrrnya<br />

ja Yolan missatgcrs à Ja campanya,<br />

Cl'idant it vclls y jovcs, peons y cavaliers,<br />

pcr sortir <strong>de</strong> Conllent en su <strong>de</strong> guerra,<br />

it l' horaen que somriu l alba a la terra,<br />

a l' hora en que it fer llenya sc 'n van los llenyaters.<br />

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CANT SEGON<br />

FLORDENEU<br />

Com resson a un huyrach ple ùc sage tes<br />

<strong>de</strong>l hallester en la robusta espallla,<br />

al peu <strong>de</strong>l niu <strong>de</strong> sos amors dolcissim<br />

quanù ronca la maror


38 CANICÔ<br />

vos <strong>de</strong> mon cor serlau robadora.<br />

- Gentil, ingrat Gentil, i, ja no 'm concixcs?<br />

jo so, jo so cixa fior <strong>de</strong> ta memoria;<br />

ton cor era lo gert que jo cm·cava<br />

quant véresme, alli baix, gerdcra hermosa,<br />

ab ma falùa vcssanta <strong>de</strong> macluixes,<br />

<strong>de</strong> jcçamins endormiscada ù l' ombra.<br />

Astre <strong>de</strong>l ccl, tan sols pcr l' amor Leva<br />

dcixi l' atzur <strong>de</strong> l' eslelada volta ;<br />

fada, pcr tu mc retalli les ales ;<br />

per tu 'm llevi, regina, la corona,<br />

y <strong>de</strong> mes mans cleixi csmunyir lo ceptre<br />

sols per posarte à tu ca<strong>de</strong>nas dolces,<br />

clolces ca<strong>de</strong>nes per l' amor forja<strong>de</strong>s,<br />

manilles cl' argent fi, grillons <strong>de</strong> roses.<br />

Si vols volar pe'l cel, tiendras mos somnis;<br />

si pe'l fil <strong>de</strong> les serres, ma carroça.<br />

En Canig6 tu ols presoncr <strong>de</strong>s<strong>de</strong> ara ;<br />

mes Canigu l' Olimp es <strong>de</strong> les gojes. -<br />

Gentil, lligal per invisibles llaços,<br />

va scguintla Encantada, que, traydora,<br />

cstrafit la figura <strong>de</strong> Grisclda,<br />

son caminar suau y sa vou dolça,<br />

E-On mitj-riure <strong>de</strong> verge que somia,<br />

son ayre <strong>de</strong> palmera que 's gronxola,<br />

sos rinxos <strong>de</strong> cabcll esbullacliços,<br />

son Jlabi cora li y galtes <strong>de</strong> rosa:<br />

sobirana que <strong>de</strong>ixa son imperi<br />

y esclava 's fa <strong>de</strong> qui l' amor li roba.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE CANIGOU 3\:J<br />

fleurs, je verrais en vous la ravisseuse <strong>de</strong> mon<br />

cœur ... »<br />

- «Gentil, ingrat Gentil, tu ne me connais clone<br />

pas? Je suis, oui, je snis celte fleur <strong>de</strong> ton souvenir; et<br />

ton cœur était la framboise que je cherchais, quand tu<br />

mc voynis là-bas, belle framboisière, sommeillant à<br />

l'ombre <strong>de</strong>s jasmins, mon Lablier ployant sous le poids<br />

<strong>de</strong>s fraises. Autrefois étoile du ciel, si j'ai quitté l'azur<br />

<strong>de</strong> la voûle étoilée, c'est pour l'amour <strong>de</strong> toi. Devenue<br />

fée, pourtoij'ai coupé mes ailes; et reine, j'ai déposé<br />

pour toi ma couronne, laissant échapper le sceptre <strong>de</strong><br />

mes mains, uniquement pour te charger <strong>de</strong> chaînes<br />

bien douces, <strong>de</strong> ces douces chaînes forgées par l'amour,<br />

anneaux <strong>de</strong> roses, bracelets d'argent fin. Si tu veux<br />

voler à travers le ciel, tu auras mes songes; et s'il te<br />

plaît <strong>de</strong> gravir nos cimes, tu auras mon char. Dès ce<br />

jour, tu es prisonnier sur le Canigou; mais le Canigou<br />

est l'Olympe <strong>de</strong>s fées. »<br />

Gentil, enchalné par <strong>de</strong>s liens invisibles, s'attache<br />

aux pas <strong>de</strong> l'enchanteresse, qui a tr:ütreusement em­<br />

prunté les traits <strong>de</strong> Griselda, sa démarche gracieuse et<br />

la douceur <strong>de</strong> sa voix, cc <strong>de</strong>mi-sourire <strong>de</strong> vierge<br />

rêveuse, son port do palme qui se balance, les boucles<br />

<strong>de</strong> ses cheveux flott:mt;;, eniln ses lèvres <strong>de</strong> corail et<br />

ses joues <strong>de</strong> rose : c'est une souveraine qui a reno noé<br />

it son royaume t•our <strong>de</strong>venir l'esclave <strong>de</strong> celui qui lui<br />

prend son amour.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE CANIGOU<br />

mouche dans la toile tressée par l'araignée; ct, quand<br />

il veut fuir, il se sent <strong>de</strong> tous cOtés retenu par une<br />

chaîne insurmontable <strong>de</strong> bras délicats, ct par <strong>de</strong>s<br />

purolcs d'amour qui le charment; enfin, il est subjugué<br />

11ar <strong>de</strong> profonds regards qui dirigent sur lui <strong>de</strong>s yeux<br />

d'azur, mer funeste qui engloutira dans un même<br />

n:mfragc le souvenir <strong>de</strong> Griselda, <strong>de</strong> son pays et <strong>de</strong> sa<br />

race ...<br />

Les sui van les <strong>de</strong> la fée, sur un signal <strong>de</strong> celle-ci,<br />

entourant notre chevalier, l'altachent avec <strong>de</strong>s liens et<br />

<strong>de</strong>s guirlan<strong>de</strong>s cle fleurs.<br />

Mais lui:<br />

- « Princesse , s'écrie-t-il, laissez-moi ma liberté;<br />

<strong>de</strong>ux cents archers m'allen<strong>de</strong>nt d::tns la plaine, qui<br />

m'appelleront tr::titre 1.t la paLric, si je ne les conduis<br />

pas au combat avant l'aurore.<br />

- « Un autre combat bien plus doux t'attend ici,<br />

répond-elle; c'est le combat <strong>de</strong> l'amour, où l'amour<br />

est vainqueur. Si la clwinc dont je t'ai lié sc trouva<br />

trop fragile, j'en ai d'autres encore, do fer, d'argent,<br />

ou d'or même. n<br />

Mais il sc sent pris eomme un oiseau qui, au milieu<br />

<strong>de</strong> son vol, est tombé tout ù coup dans les serres<br />

<strong>de</strong> l'aigle. Au contact do son haleine, cette âme<br />

pure se lernit comme un miroir dans les jours d'hi­<br />

ver : le présent, comme un voile magique, dérobe<br />

ù ses yeux son propre nom, sa gloire et son hon-<br />

11eur; et le voiHt qui <strong>de</strong>scend vers le plateau <strong>de</strong> Cadi ,<br />

il cùlé <strong>de</strong> son enchanteresse, comme un œillet à côlé<br />

d'une rose blanche, au milieu d'un cercle <strong>de</strong> séduisantes<br />

jouvencelles.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE C.\NIGOU<br />

Ce plateau, aujourd'hui sec et désert, était alors<br />

une conque d'émerau<strong>de</strong>, ayant pour brillants vête­<br />

ments <strong>de</strong>s pins tou[us, et pour bro<strong>de</strong>ries l'angélique<br />

el les jonquilles (3); il se mirait dans les eaux d'un<br />

étang qui occupait la moitié <strong>de</strong> l'immense coupe formée<br />

là par le Canigou.<br />

Les Estagnols, qui aujourd'hui encore argentent<br />

cette partie <strong>de</strong> la montagne, sont <strong>de</strong>s traces <strong>de</strong> cette<br />

pelite mer, et comme les débris dn miroir où se<br />

reflétait toute la voùte du firmament.<br />

Le Canigou tend la main à Batère, celle-ci à Treizevents<br />

et à Comala<strong>de</strong> ('•); et entre ces hauteurs, les entrailles<br />

vierges <strong>de</strong> cette montagne entr'ouvrent la<br />

plaine aux yeux du ciel d'azur, comme une corbeille<br />

<strong>de</strong> fleurs que soutiennent ces géants, les uns <strong>de</strong> leurs<br />

bras, les autres sur leur épaule : jardin délicieux, rafraicbi<br />

et fécondé par la sueur qui coule <strong>de</strong> leurs fronts<br />

sous forme <strong>de</strong> casca<strong>de</strong>s roulant <strong>de</strong> bassin en bassin<br />

comme <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés d'un escalier <strong>de</strong> cristal, jusqu'au<br />

plus large, qui, formant un vallon, sert <strong>de</strong> couronne<br />

au palais (l'albâtre.<br />

A voir ses tours <strong>de</strong> cristal <strong>de</strong> roche, dont les<br />

lumières mystérieuses se confon<strong>de</strong>nt avec celles <strong>de</strong>s<br />

étoiles immobiles, on dirait les colonnes massives <strong>de</strong><br />

la voûte azurée; el ses portiques, soutenus par cent<br />

pilliers <strong>de</strong> porphyre, apparaissent comme l'imposant<br />

belvédère <strong>de</strong> l'aurore.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

<strong>3.</strong>


LE l: .\NIGOU<br />

Le Canigou est un immense map;nolia qui s'épanouit<br />

sur un rejeton <strong>de</strong>s Pyrénées; ses abeilles sont les fées<br />

qui vont et viennent sur ses flancs; les cygnes et les<br />

aigles sont ses pn.rillons. Son calice est formé par<br />

<strong>de</strong>s rochers découverts, qu'argente l'hiver et que dore<br />

l'été, coupe majestueuse où l'étoile vient aspirer <strong>de</strong><br />

suaves parfums, qui donne à l'air <strong>de</strong> l'humidité et ùe<br />

l'eau aux nuages. Les massifs ùe pins sont ses ai­<br />

grettes, les Estagnols sont ses gouttes <strong>de</strong> rosée, et son<br />

pistil est ce palais éclatant cl' or, rève <strong>de</strong> fée <strong>de</strong>scentluc<br />

du ciel.<br />

En face s'élend une île toujours verte, vrai bouquet<br />

<strong>de</strong> fleurs dans nn vase d'argent, séduisante oasis<br />

que rêve le bédouin traversant la mer <strong>de</strong> sable du<br />

Sahara.<br />

L'ombre lui est dispensée par les bouleaux au bril­<br />

lant feuillage, les hètres et les sapins; la gentiane et<br />

le serpolet lui font un tapis, et les roses <strong>de</strong>s Alpes,<br />

au milieu <strong>de</strong>s lichens, figurent bien le vermillon <strong>de</strong><br />

ses joues.<br />

Une passerelle rustique <strong>de</strong> feuillages, ou plutôt un<br />

pont <strong>de</strong> fteurs, traverse par le milieu l'étang azuré,<br />

comme la voie lactée traverse le firmament.<br />

C'est là, sur un trône <strong>de</strong> verdure où l'œil ne sait pas<br />

sic'estlerhodo<strong>de</strong>ndron (5) ou l'émerau<strong>de</strong> qui domine,<br />

c'est là que viennent s'asseoir, rendus inséparables par<br />

l'enchantement qui les unit, Gentil et Fleur-<strong>de</strong>-Neige,<br />

l'un contemplant la fée, tandis que celle-ci tient ses<br />

yeux fixés sur le ciel. Le romarin leur envoie <strong>de</strong>s bas-<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


48 C_\ XIG Ù<br />

Olor <strong>de</strong> romani <strong>de</strong>ls boscos puja,<br />

<strong>de</strong>ls cims olor <strong>de</strong> regalccia baixa,<br />

gemechs <strong>de</strong> lires entre 'ls arbres s' ouhen,<br />

y en lo palau lo sospirar d' una arpa,<br />

dinlre l' estany canturies <strong>de</strong> sirena,<br />

y murmuri <strong>de</strong> ninfes en la platja,<br />

parrupar los tendons en la })oscur·ia,<br />

la geler a ch·ingar en la mon lanya,<br />

y en les coves <strong>de</strong> marbre, alll à la vora,<br />

los <strong>de</strong>gotiços ploradors <strong>de</strong> l' aygua<br />

corn enfilall <strong>de</strong> llevantines perles<br />

que clins aygueres <strong>de</strong> cri tall s' esgrana,<br />

y en lo cel blau cternes melodies<br />

<strong>de</strong> l' eslrella que naix ô que s' apaga,<br />

d' astres y sols y Hunes que hi rossolan,<br />

harrejant ses clarors en m6vil dança,<br />

sos rüssechs, cabelleres y coron cs<br />

y 'l suau aleteig <strong>de</strong> sa volada.<br />

Y, sens trencar lo jovo la ca<strong>de</strong>na<br />

que empz·esona al soldat lluny <strong>de</strong> sa palria,<br />

corn un ull virginal que s' esparpclla,<br />

en sa finestra d' or apunta l' alba,<br />

sembrant, corn jardinera <strong>de</strong>l Altissim,<br />

per terra y cellles roses <strong>de</strong> sa falda.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


CHANT TROISIÈME<br />

L'ENCHANTEMENT<br />

Genlil, fascitlé par J'amour, est endormi sous les<br />

arbres <strong>de</strong> l'He enc11antée, sur <strong>de</strong>s coussins moelleux<br />

ùe Lhym et <strong>de</strong> chèvrefeuille en fleurs.<br />

Les tendres et verts jasmins entourent sa couche<br />

<strong>de</strong> ù1:mcs festons, réun1s au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête en un<br />

llûme ou fumamenl étoi1é qui donne au zéphyr sou<br />

parfum ct leur miel aux abeilles.<br />

Comme un essaim ùe ces blon<strong>de</strong>s abeilles, les fées,<br />

aussilôt qu'elles l'aperço1vcnt, s'empressent ùe venir,<br />

alti rées par un charme secret; elles le regarùent, l'en­<br />

tourent, voltigent autour <strong>de</strong> lui et le contemplent<br />

encore, comme ferait un joaillier <strong>de</strong>vant son brillant<br />

le plus précieux.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


52 r:_\)1 !G Ô<br />

Los dos anhs ùe ses celles llns y heJ'mosos<br />

r una retruu, l' a!Lra son ample front,<br />

l' a'ltra sos llabis ùe clavcll <strong>de</strong>sclosos<br />

hont Io somris placèvol may se forr;<br />

eixa 'l cabell <strong>de</strong> secla que rosseja<br />

corn la claror primera <strong>de</strong>l mali,<br />

s' escampa, 's ruLlla, s' csbadia, onoja,<br />

riu que trena ses ones ah or fi.<br />

Ab mà atreviùa una li trau l' espasa<br />

y en ella 's mira com en clar espill,<br />

corn nin que juga ab una ar<strong>de</strong>n la brasa,<br />

sos tendres dits posant en grou perill.<br />

Mes ja tallant les herbes que '1 sostenen<br />

y lestes sosteninlles pcr llm peu,<br />

al ca v aller totes plega<strong>de</strong>s prenen,<br />

signântlosho rihenta Florùeneu.<br />

De violers y mol rs Pn llitcra<br />

ab silenci lo ùuhcn al eslany<br />

hont friçosa una gondola l' espera,<br />

corn Jo ci sne <strong>de</strong> gehre clins son han y.<br />

Aix[ en son brcç <strong>de</strong> vlmels y riùorln,<br />

sens adonârscn son angèlich nin,<br />

una amorosa mare Jo transporta<br />

en placit son menlres esta dormint.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE CANIGOU<br />

La proue glissante <strong>de</strong> la gondole a été ciselée par<br />

le plus habile berger <strong>de</strong>s Pyrénées, elles bouquets <strong>de</strong><br />

fleurs qui l'enjolivent trahissent l'adresse <strong>de</strong>s mains<br />

d'or <strong>de</strong> Fleur-ùe-Neige.<br />

De chaque côlé rament trois nymphes, vêtues <strong>de</strong><br />

vert comme le mois 11'avril, et hissant flotter leurs<br />

soyeuses chevelures au gré du vent, pour tendre à<br />

Gentil <strong>de</strong>s pièges plus irrésistibles.<br />

Dès la première vogue <strong>de</strong> leurs rames, imprimant<br />

le mouvement le plus voluptueux, elles commencent<br />

tl gazouiller d'harmonieuses chansons ... Ainsi chan­<br />

lero.icot six sirènes marines, dans l'éclat <strong>de</strong> leur beau té,<br />

entre les onùulations régulières <strong>de</strong>s flots.<br />

Elles cho.ntenl: - «Rêve, tant que le sommeil ne<br />

te quitte pas, ct laisse ton cœur s'envolet' dans <strong>de</strong><br />

doux rêves, comme l'oiseau s'envole <strong>de</strong> sa branche.<br />

'rru as <strong>de</strong>s eaux <strong>de</strong> neige pour tc hercer, <strong>de</strong>s cœurs<br />

tle vierges pour te veiller, et un essaim d'abeilles qui<br />

volent à la poursuite du tien.<br />

« Les songes sont <strong>de</strong>s ailes qui nous transportent<br />

dans l'É<strong>de</strong>n. Nous te bercerons, pendant que ces<br />

songes tc ren<strong>de</strong>nt heureux.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


« Nous te bercerons sur <strong>de</strong>s roses, en le chan lan t<br />

une douce barcarolle, penùant le jour le chant <strong>de</strong><br />

l'alouette, et la nuit celui du rossignoL<br />

« Rève, Gentil, tant que le sommeil ne te quille pas;<br />

laisse ton cœur s'envoler dans <strong>de</strong> doux rèves, eomme<br />

l'oiseau s'envole <strong>de</strong> sa 11ranche. >> -<br />

Le jeune chevalier entr'ouvre les yeux en souriant:<br />

son cœur est-il encore dans le sommeil ct dans le<br />

rève ? ... 1•1ais il voit les yeux <strong>de</strong> la fée si beaux, que<br />

l'amour ne tar<strong>de</strong> pas à tout expliquer à sa manière.<br />

Que la gondole in terrom po sa marche douce ou<br />

précipitée, et que le cœur <strong>de</strong> Gentil cesso <strong>de</strong> battre<br />

]10\.tr Fleur-<strong>de</strong>-Neige: cc cœm· trouvcr:l toujours assez<br />

d'autres écueils, comme ln. gondole trouvera assez cle<br />

bancs <strong>de</strong> sable.<br />

Dlljà la rame suspend son mouvement, et semble<br />

lJar moments 1wenùrc un ücmi-rc-pos, laissant nos <strong>de</strong>ux<br />

amants sc sourire ct rèver, comme nn rocher s'endort<br />

au milieu <strong>de</strong>s vagues contre lesquelles il est las <strong>de</strong><br />

lutter.<br />

Bienlùl la rame emeure l'argile, elle luth est cléposé<br />

sur le sable ... La gonùole, alors, t:lotte et glisse sans<br />

bruit avec l'agilité ù'une anguille s'efforçant ù'éviler<br />

les serres <strong>de</strong> l'aigle marine.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE C_\NIGOL"<br />

Comme un chêne forme plusieurs branches et rejetons,<br />

l'étang forme plusieurs bras, qui, semblables à<br />

ùe joyeux enfants folâtrant dans le verger, portent<br />

leurs eaux <strong>de</strong> tous côtés, et avec elles la fête et la vie;<br />

Elles baisent et rafraichissent les racines <strong>de</strong>s saules<br />

pleureurs, et couronnenlles oasis <strong>de</strong> verdure; parfois<br />

elles bondissent comme ùes agneaux <strong>de</strong> rocher en<br />

rocher, désaltérant la fleur <strong>de</strong> leurs perles liqui<strong>de</strong>s.<br />

Plus loin, ces eaux, dénouant leur chevelure, se<br />

partagent en ruisseaux limpi<strong>de</strong>s et frémissants, comme<br />

<strong>de</strong>s naïarles folâtres qui, clans leurs ébats, efil.eurent<br />

en nageant l'eau retenue dans <strong>de</strong>s rives <strong>de</strong> cristal.<br />

Tan tôt, la rivière serpente à travers le bocage : on<br />

dirait un orvet argenté ('1) allant retrouver son glte.<br />

Tantùt, ralentissant tt <strong>de</strong>mi son cours, elle forme un<br />

pelil lac: on croirait voir alors un œil bleu à travers<br />

le feuillage d'un ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> verclure.<br />

Mais on fixe les rames, rrui <strong>de</strong>viennent alors comme<br />

<strong>de</strong>s ailes au repos; et les doigts d'argent <strong>de</strong>s n-ymphes<br />

laissent voguer librement la barque, comme fait le<br />

cavalier dont le coursier connaît bien les lieux et les<br />

chemins.<br />

Sur le milieu <strong>de</strong> la gondole s'rlève une hampe d'ar­<br />

gent; eiles y font flotter une voile tissue d'or, qu'on<br />

prendrait pour l'aile


60 CAN!GO<br />

Ses cor<strong>de</strong>s son garlan<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fullalgc<br />

trena<strong>de</strong>s per l' amor <strong>de</strong> bon mali;<br />

prencnllcs per viclalve <strong>de</strong>l boscatge,<br />

s' hi po san Jo vcrdum y 'l francoli.<br />

La barca ab ells papalloncja à estoncs,<br />

ùe ses csleles ab Jo floch d'argent<br />

lliganL <strong>de</strong> riba A riba en mar sens ones<br />

cixos oasis qnc no Lé l' Orient.<br />

. 'i s'amarra en lo marge alguna volta,<br />

dcsLlC la proa un braç la Lorna à solch,<br />

y !liure ·s balanceja y clesinvolla,<br />

du hent cslols <strong>de</strong> ninfes it rcmolch.<br />

Lliris d' aygua nemLs y maravellcs<br />

los ofereixen gots d' olor, suau,<br />

semblan pures y efimeres estrclles<br />

erne hi <strong>de</strong>ixà caure aquest mati 'l ccl blau.<br />

L'hermùs blauhet que entre nenüfars nla,<br />

vola gaudintsc al seu voltant joliu,<br />

r-amcllet 1lc gcmada pedreria<br />

que 's trame ton juganL l' herbey y '1 rlu.<br />

Los arbre


61<br />

Les cor<strong>de</strong>s et ralingues ùc cc mâl sont <strong>de</strong>s guirlan<strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong> feuillage, tre.ssées à l'aube par les mains <strong>de</strong> l'amour ;<br />

le francolin et le verdier, les prenant pour <strong>de</strong>s branches<br />

<strong>de</strong> bryone ou <strong>de</strong> couleuvrée, viennent s'y poser.<br />

La barque semble par moments voltiger avec ces<br />

oiseaux et relier d'une rive à l'a'ltre, avec la traînée<br />

argentée <strong>de</strong> ses étoiles et sur une mer sans vagues,<br />

<strong>de</strong>s oasis tels que n'en a point l'Orient.<br />

S'il se produit un faux mouvement contre la berge,<br />

<strong>de</strong> la proue un coup <strong>de</strong> bras remet l'embarcation sur<br />

son sillon; et, reprenant ses libres allures, elle se<br />

balance gracieusement en remorquant loute une volée<br />

<strong>de</strong> nymphes.<br />

Les belles-<strong>de</strong>-nuit et les lis aux calices remplis<br />

d'eau <strong>de</strong> neige leur présentent comme <strong>de</strong>s coupes du<br />

parfum le plus suave, 1Jlanches et éphémères étoiles<br />

que le ciel bleu y a laissé tomber le matin.<br />

Le joli bleuet qui }Jousse au milieu <strong>de</strong>s nénuphars<br />

monlre sa tète riante dans cet ensemble si gracieux,<br />

vrai bouquet <strong>de</strong> riches pierreries que se renvoient en<br />

jouant le gazon ct le ruisseau.<br />

Les arbres, penché3 sur les caux, d6crivcnt <strong>de</strong>s<br />

11onls el ùcs berceaux. llo feuillage, cl laissent pleu­<br />

voir, comme <strong>de</strong>s papillons, leurs Heurs I]Ui viennent<br />

tomber sur les fronts <strong>de</strong> nos amoureux.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE CANIGOU<br />

L'acacia en laisse tomber <strong>de</strong> jaunes, poussière <strong>de</strong><br />

paillette d'or du Potose; et du grenadier se détachent<br />

<strong>de</strong> rouges boutons en une pluie irisée <strong>de</strong> perles<br />

fines.<br />

Ils pénètrent dans les ombreux massifs <strong>de</strong> Batère<br />

et dans le cœur même d'un obélisque <strong>de</strong> glace, vaste<br />

gro-tte où dans un glacier transparent se réfléchit la<br />

lumière du ciel.<br />

Cette <strong>de</strong>meure enchantée est une aile du palais<br />

ensoleillé <strong>de</strong> la fée. En voyant, <strong>de</strong> l'escalier, ce magnifique<br />

palais, Gentil regrette moins la clarté du firma­<br />

ment.<br />

Au <strong>de</strong>rnier baiser du soleil couchant, on aperçoit<br />

blanchoyer cette <strong>de</strong>meure, comme on voit une colombe<br />

à travers la verdure du feuillage ; mais, afin que les<br />

bergers ne puissent la voir <strong>de</strong> loin, elle est protégée<br />

<strong>de</strong>rrière un ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> nuages.<br />

Elle est au milieu même <strong>de</strong> l'étang, comme une<br />

étoile brillante au milieu du ciel <strong>de</strong> juillet, ou comme<br />

une nymphée grandiose qui se réveille et s'épanouit<br />

au baiser <strong>de</strong> l'écume et du soleil.<br />

Ses assises se relient aux rives ùe l'étang par quatre<br />

ponts <strong>de</strong> cristal, <strong>de</strong> ce cristal que la montagne renferme<br />

dans ses flancs <strong>de</strong> granit: on dirait <strong>de</strong>s branches<br />

<strong>de</strong> corail pàlc el transparent.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

63


G\<br />

\_ - --<br />

Un d'elis al cim <strong>de</strong> Canigo encamina<br />

pcr viarauy ribetejul Je flors,<br />

que al pujarhi la Fada, llur reginll.,<br />

ll.bocll.n à sos peus tots sos olors.<br />

Es <strong>de</strong> marbre d' Tsübol (2) una Alhambra<br />

penjada entre la terra y flrmament;<br />

servir podria al sol mateix <strong>de</strong> camb1·a<br />

si lluny trobti.s son llil <strong>de</strong>l Occi<strong>de</strong>nt.<br />

Es tot ell d'arabesca arquitectura<br />

que d' Orient portaren les huris<br />

per distraure ab sa màgicll. hermosura<br />

ais que, romeus, pujam a1 paradis.<br />

Arca<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cristall sc succeheixen,<br />

aitres cleixantne vcurc cnç


--- ---------<br />

L'un va rejoindre un sentier abrupt qui conduit au<br />

pic du Canigou entre <strong>de</strong>ux haies <strong>de</strong> fleurs, fidèles à<br />

déverser tous les parfums au pied <strong>de</strong> la fée, quand<br />

celle-ci, la reine <strong>de</strong> ces lieux, gravit ces hauteurs.<br />

C'est un Alhambra <strong>de</strong> marbre d'Isobol (2) suspendu<br />

entre le ciel et la terre, et qui pourrait servir <strong>de</strong><br />

chambre <strong>de</strong> repos au soleil lui - même, s'il trouvait<br />

trop longue sa course vers l'Occi<strong>de</strong>nt.<br />

Son architecture, toute arabe, a été importée <strong>de</strong><br />

l'Orient par les houris, afin <strong>de</strong> nous distraire et <strong>de</strong><br />

nous éblouir par la magie <strong>de</strong> ses magnificences, nous<br />

tous qui, en cours <strong>de</strong> pèlerinage, montons au paradis.<br />

On y voit sc succé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s arca<strong>de</strong>s et portiques <strong>de</strong><br />

cristal, qui en laissent apercevoir un grand nombre<br />

d'autres <strong>de</strong>s divers côtés, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> blancs chapiteaux<br />

où fleurissent <strong>de</strong>s palmes qu'Avril a ornées <strong>de</strong><br />

ses joyaux.<br />

Des enfila<strong>de</strong>s <strong>de</strong> piliers, comme <strong>de</strong>s joncs <strong>de</strong> marbre,<br />

soutiennent et élèvent dans les airs <strong>de</strong>s coupoles do<br />

glace : ainsi le tronc d'un arbre porte son branchage,<br />

en laissant voir le ciel au milieu <strong>de</strong>s fruits et <strong>de</strong>s<br />

fleurs.<br />

Ces vo\ites couronnent la vaste salle où résonne la<br />

vaisselle d'or ct d'argent. La perdrix blanche y fait<br />

sentir son parfum, et la tendre chicorée y provoque<br />

l'appétit.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

....


Alli grogueja la daurada bresca<br />

<strong>de</strong> regalada mel <strong>de</strong> romani ;<br />

alli escumeja llet <strong>de</strong> ùayna fresca,<br />

més blanca que la gebre <strong>de</strong>l mali.<br />

Lo préssech d' llla (3) corn pom d' or rosseja,<br />

no tant corn Jo rahim <strong>de</strong> Tarasc6;<br />

la cü·era d'arbus hi vermelleja<br />

ab Jo ginjol rihent y l' amelll6.<br />

La magrana ple<strong>de</strong>ja nb la maduixa<br />

a qui lraura rués ensucrats rubins,<br />

que un brollador d' aygua d' olors arruixa,<br />

umplint la sala <strong>de</strong> remors divins.<br />

A ca da corn <strong>de</strong> tau! a ltimnes en lon a<br />

<strong>de</strong> donzelles un chor ab ven su au,<br />

lo clavicimbol que entre lires sona<br />

umple <strong>de</strong> rius <strong>de</strong> müsica '1 palau.<br />

Los ancells à les citares responen,<br />

naluralesa y art danlse la ma,<br />

entre columnes y arbres que confonen<br />

Jo remor <strong>de</strong>l convit ab Jo boscù.<br />

Monocordis responen à les merles,<br />

ù la tenora 'l tendre rossinyol,<br />

llan anl les notes corn ruixals <strong>de</strong> pel'les<br />

que l' orella <strong>de</strong>l cor cull en son vol.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE C.\NIGOU<br />

Le miel succulent <strong>de</strong> romarin s'y conserve en rayons<br />

dorés, et la daine fournit un lait écumant dont la<br />

blancheur et la fraicheur le disputent à celles du<br />

givre matinal.<br />

La pêche d'Ille (3) y brille comme une pomme d'or<br />

veloutée <strong>de</strong> rose, à côté d'abondantes grappes <strong>de</strong> raisin<br />

<strong>de</strong> Tarascon ; et l'arbousier y montre son fruit<br />

vermeil, avec l'aman<strong>de</strong> fraîche et la douce jujube.<br />

La grena<strong>de</strong> et la fraise se disputent pour savoir à<br />

qui revient l'honneur <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s rubis plus sucrés,<br />

pendant qu'un jet d'eau les arrose <strong>de</strong> liqui<strong>de</strong>s<br />

odoriférants, et que la salle résonne <strong>de</strong> célestes mélodies.<br />

A chacune <strong>de</strong>s extrémités ùe la table, <strong>de</strong>s chœurs<br />

<strong>de</strong> nymphes entonnent d'harmonieux cantiques, ct<br />

tout le palais est comme inondé <strong>de</strong>s flots <strong>de</strong> musique<br />

produits par le frémissement <strong>de</strong>s lyres et les doux<br />

accords du clavecin.<br />

Les oiseaux répon<strong>de</strong>nt aux cithares; l'ou voit ainsi<br />

la nature et l'art se donner la main, nn milieu <strong>de</strong>s<br />

arbres et <strong>de</strong>s colonnes, el les bourdonnements du<br />

festin sc confondre over les mille bruits <strong>de</strong> la cam­<br />

pagne.<br />

Au merle répond le monocor<strong>de</strong>, et à 1a. ténora le<br />

tenJre rossignol, qui lance ses notes comme une averse<br />

<strong>de</strong> perles avi<strong>de</strong>ment recueillies, au milieu <strong>de</strong> leur<br />

vol, par l'oreille du cœur.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


ûS C.\:"11 G LI<br />

Mes per Gentil son müsica més dolça<br />

los balements <strong>de</strong>l cor <strong>de</strong> Flor<strong>de</strong>neu,<br />

d' aqueixa lira virginal que ell polça<br />

en l' albada felis <strong>de</strong>l amor scu.<br />

Eo1luhcrnat pe'l sol <strong>de</strong> sa bellesa,<br />

s' arros se ga tt sos peus com un esclan,<br />

y, en lo cel <strong>de</strong> sos ulis sa anima presa,<br />

Jo cel herm6s li sembla menos blau.<br />

Respira los perfums d' aqueixa rosa,<br />

efluvi <strong>de</strong>l E<strong>de</strong>n embriagado!';<br />

i pobre Gentil i bé massa l' has <strong>de</strong>sclosa<br />

La imima bella u son primer amor !<br />

Quant l'astre rey, cansat <strong>de</strong> sa canera,<br />

baixa à cloure los ulis en Occi<strong>de</strong>nt,<br />

la reyna <strong>de</strong> les fa<strong>de</strong>s encisera<br />

diu à Gentil <strong>de</strong>l seu amor se<strong>de</strong>nt :<br />

-Vina à la tcbia Hum <strong>de</strong>i hemisfeJ·i<br />

ùe nostre amor sens mida conversant,<br />

les Dtes à seguir <strong>de</strong> nostre imperi;<br />

vèjas si 'l lrobas prou herm6s y gmu.<br />

Vosaltres, - diu, loL I.Jaix, à ses companyes, -<br />

penyores mc darèu <strong>de</strong> voslrc amor,<br />

per ri us, eslanys, planicies y monLanyes<br />

cercant quiscuna son joyel1 mill or;<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


70 c.1 xrr; ù<br />

y d' eixa serra en la més alla cima,<br />

al ressortir lo sol en Orient,<br />

quant jo 'm clcspose ab qui 'l meu cor estima,<br />

siau <strong>de</strong>mà mati Li. férlin pl'Cscnl. -<br />

Volta '1 palau mal'mc.\rca galel'in<br />

que sestenen dos rongles <strong>de</strong> pilal's,<br />

tot <strong>de</strong> cristal! scmbrat <strong>de</strong> pctlreria,<br />

tribut que tluhen cixos rius ais mars.<br />

Aèrea escala u cada cap s' esbranca,<br />

baixantse a unir les dues aljardi'<br />

es com la neu sa pedru menos blanca,<br />

los po ms <strong>de</strong> la baran11, d' argen L fi.<br />

Arriat per set daynes amansicl s,<br />

alli 'ls espera un carro volador;<br />

pren, al pujarhi, Flor<strong>de</strong>neu les bri<strong>de</strong>s<br />

y se 'n porta à volar son aymador.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE CANIGOU<br />

• Et <strong>de</strong>main matin, dès que le soleil reparaîtra à<br />

l'Orient, sur la cime <strong>de</strong> cette montagne, venez l'offrir<br />

à celui que mon cœur aime et à qui je donnerai ma<br />

foi.»-<br />

· Le palais est entouré d'une galerie <strong>de</strong> marbre, soutenue<br />

par <strong>de</strong>ux rangées <strong>de</strong> piliers, faits <strong>de</strong> cristal parsemé<br />

ùc picereries qui forment le tribut envoyé à la<br />

mer pur les ruisseaux <strong>de</strong> ces mon lagnes.<br />

Là, un escalier aérien se divise en <strong>de</strong>ux autres es­<br />

caliers qui vont se réunir au ja.rdin. La pierre qui a<br />

servi à sa construction est un peu moins blanche que<br />

la neige, et les poignées <strong>de</strong> la balustra<strong>de</strong> sont eu<br />

argent fin.<br />

C'est là que les attend un char léger attelé <strong>de</strong> sept<br />

daines apprivoisées. Fleur-<strong>de</strong>-Neige y monte; et, pre­<br />

nant les rênes, elle emporte son amant dans le vol<br />

<strong>de</strong> son char ailé.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


\<br />

CANT QUART<br />

10 PIRINEU<br />

D' or verge cs fcla la real canol'fl<br />

com à ca<strong>de</strong>na aurillca uu bl'illanl.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


C liANT Q U .\THIÈMg<br />

LES PYRÉNÉES<br />

Ls carrosse royal est en or brut, damasquiné à<br />

ramages d'argent, <strong>de</strong> perles et d'ivoire. Sept génies<br />

employèrent sept ans à fabriquer ce char dans un<br />

palais <strong>de</strong> fées en Orient. Sa roue à sept rayons vole<br />

légère en effleurant les cimes <strong>de</strong>s Pyrénées, sans laisser<br />

trace <strong>de</strong> la plus JJCtite ornière sur le gazon ni sur la<br />

neige, comme le char du soleil dans sa eourse aérienne<br />

ù travers le firmament.<br />

Partis du palais d'albâtre, nos <strong>de</strong>ux voyageurs <strong>de</strong>s­<br />

ccn<strong>de</strong>nl aux verdoyants coteaux <strong>de</strong> Pla Gui!!em ('1),<br />

s'éloignant duns leur vol <strong>de</strong>s ari<strong>de</strong>s lJas-fonds d


LE CANIGOli<br />

En les voyant passer <strong>de</strong> cime en cime sur la mon­<br />

tagne, la val1ée d'Eyne, la jardinière fleuriste <strong>de</strong> ces<br />

contrées, leur étalait sa conque émaillée <strong>de</strong> fleurs que<br />

verse dans ce coin <strong>de</strong> la Cerdagne l'aurore <strong>de</strong> chaque<br />

jour d'avril; ct, ùistraites par leurs propos d'amour,<br />

ses oreilles sc reconnaissaient indignes d'entendre vos<br />

cantiques, ô séraphins, qui, en ce moment même,<br />

éleviez un camaril à Notre-Dame <strong>de</strong> Nuria.<br />

Pourquoi, frais Camprodon , 1e caches-tu, comme<br />

une violette ùes champs, sur les rives verdoyantes <strong>de</strong><br />

tes eaux? Tu ne veux 1lonc ras faire arriver jusqu'à<br />

eux: les douces sen tc urs q_n· exhalent les coteaux où<br />

règne un éternel printemps? Et toi aussi, va1lée <strong>de</strong><br />

Uibas, bergère <strong>de</strong>s Pyrénées, qui viens mirer ton visage<br />

dans les caux du Freser, ne veux-tu point qu'ils con­<br />

templcn t ta beauté? Si vous n'êtes encore que <strong>de</strong>s<br />

boutons, vous vous laisserez bien voir quand vous<br />

serez <strong>de</strong>s fleurs ...<br />

Ils volent <strong>de</strong> sommet en sommet, par le Coll ùe<br />

Finestrelles, à la haute cin10 <strong>de</strong> Puigmal. De là on voit,<br />

semblables aux vagues <strong>de</strong> la mer, les contrées montagneuses<br />

que mon cœur aime : Olot et Vich, Ampurias<br />

et Gérone; et un peu plus loin, au cœur même <strong>de</strong> la<br />

marche espagnole, le Montserrat, comme une fuste à<br />

quatre mâts qui est venue là nous porter la perle<br />

d'Orient.<br />

Le mont Pyrénéc est un arbre couché qui voit sa<br />

puissante ramure s'étendre ct se prolonger ùc Roses<br />

à Valence, s'enlaçant tour à tour à <strong>de</strong>s coteaux ou à<br />

<strong>de</strong>s rochers, contre lesrruels sont assis ou suspendus,<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

ïD


7u C.-I.NIGO<br />

honL penja, corn ses !lors immuslehibles,<br />

les blanques caseries y vila.tges<br />

y, més aprop <strong>de</strong>l ccl, los hermilal"C ,<br />

que 'u semblan, alli dall, los escalons.<br />

Perla montanya d' honL lo Segre ])roUa<br />

van a Tosas florit y al Pla ù' Anyella,<br />

honL troba flors la petonera abella,<br />

rcgalècia balsùmica l' anyell;<br />

y, com jay que pcr ni us sc ùcixa vèncer,<br />

ù llur carroc;a d' or l' cspatlla abaixa<br />

l' .Alp geganll, que una pineda. faixa<br />

com cap <strong>de</strong> monjo un CC'rcle <strong>de</strong> cabell.<br />

Lo Clot <strong>de</strong> Moixero (2) verdos y ombrivol<br />

ùe sos abcts y pins entre les brangues<br />

los v eu passar, com dues perdi us blanques,<br />

<strong>de</strong>l eslèril Cadi per Jo crcsLall,<br />

hont l' eslrampol isarL per refrigeri<br />

Lroba sols, ab lo liqucn <strong>de</strong> l' aHura,<br />

les perles <strong>de</strong> l' aurora y l' aygua pura<br />

<strong>de</strong> la font regalada <strong>de</strong>l Cristal!.<br />

Es <strong>de</strong>l Cadi la serralaùa enorme<br />

ciclùpich mur en forma <strong>de</strong> montanya,<br />

que scrva '1 terraplè <strong>de</strong> la Ccrùanya<br />

pcr hont lo Segre va enfondinL son llil..<br />

nesclosa fora un temps d' csLany amplissim<br />

ahont, en llur fogosa joveucsa,<br />

itr]ncixos cims miraran la hcllL'"il<br />

<strong>de</strong> son aiL front avuy cslJJarHJIIChil.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


ï8<br />

Avuy l' eslany no hi cs, y alla muralla<br />

ù' un caslcll ùc lilan cs cixa serr.a,<br />

per escudar la calulana terra<br />

fet sobre '1 dors <strong>de</strong>l Pirincu altiu.<br />

Noufonts, Carlit y Canig6 y Maranges<br />

son ses quatre ciclùpiques lorrellcs<br />

y son eixos lurons ses sentinelles<br />

honL encara les uligucs fau niu.<br />

Lo vell Puigmal d' cspallla rabaçuda<br />

cs l' a1·x d' aqueixa alliva fortalesa,<br />

que en seicenls anys Jo sarr·al!i no ha presa,<br />

fcnlhi bocins la llança fulgurant.<br />

Prop d' hont Cadi ab lo Cadincll (3) cncaixa<br />

s' al ça 'l doble tur6 <strong>de</strong> Pcdraforca;<br />

es <strong>de</strong>l castelli' in<strong>de</strong>rrocable forca,<br />

fela, si cal, a mida ù' un gcgant.<br />

Alravessant lo Sicoris aurifer,<br />

la carroça ·s <strong>de</strong>svia vers Salaria;<br />

la Scu d' Urgel!, com p


LF. CANIGOU 79<br />

L'étang a disparu, et cette chaine s'élève comme la<br />

haute muraille d'une forteresse <strong>de</strong> Titans que la terre<br />

catalane aurait élevée pour sa dé[ense sur le revers du<br />

sourcilleux mont Pyrénée. Noufonts, Carlit, le Canigou<br />

et Maranges sont ses quatre tourelles, dont les<br />

rocs cyclopéens avec leurs nids d'aigles se dressent<br />

comme <strong>de</strong> vigilantes senlinelles.<br />

Le vieux Puigmal à l'épaule massive est la cita<strong>de</strong>lle<br />

(m·.c) <strong>de</strong> cette haute forteresRe, qui, pendant le long<br />

espace <strong>de</strong> sept cents ans, il toujours résisté aux nombreux<br />

assauts <strong>de</strong>s Sarrasins, dont les lances meurtrières<br />

sonl venues se briser contre ces murailles. Non<br />

loin du lieu gui relie le Cadi au Cadincll (3), s'élève la<br />

double cime <strong>de</strong> Peclraforca, fourche in<strong>de</strong>structible ou<br />

potence elu chàleau fort, faite, au besoin, à l'usage<br />

d'un géanl.<br />

Aj)rès avoir franl)hi le Sicoris (Sègre) qui roule <strong>de</strong>s<br />

paillettes d'or, le carrosse tourne vers Salo ria; et<br />

hien lot on voit briller, avec ses souvenirs <strong>de</strong> gloire,<br />

l11 Seu J'Urgell, au milieu d'tm tapis <strong>de</strong> soyeuses et<br />

vertes 1wairies. Le Sègre et le Valira s'unissent pour<br />

émailler ce l)ays Je vignettes d'argent, et lui tresser<br />

<strong>de</strong>s couronnes ùe verdure, œuvre combinée du ciel et<br />

<strong>de</strong> la terre.<br />

Le j une chevalier admire les bocages et les terrasses,<br />

ct surlout, tlcrrière les jolies prairies <strong>de</strong> la reine<br />

<strong>de</strong> ces contrées, une émeraud on forme <strong>de</strong> coquille<br />

remplie Je perles cl do [leurs : c'cslle ravissant vallon<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


81) CANrr.(J<br />

cs la vall <strong>de</strong>lilosa <strong>de</strong> Seluria;<br />

quant ab son bes primer l' alba la arrosa,<br />

sembla l' lmrca couqnilla en que flayrosa<br />

<strong>de</strong>l mar isqué la reyna <strong>de</strong>ls amors.<br />

Lo riu <strong>de</strong> Santa l\fagdalcna ombrivol<br />

cap i Occi<strong>de</strong>nt la Fada ribcrcja,<br />

passanL pe·l bosch, porque Gentil no vcja<br />

ùc Sant Joan <strong>de</strong>l Herm los hcrmitans.<br />

De cim en cim va <strong>de</strong> Ruhio a Pcntina,<br />

y, sota Bresca en Collegats, li ensenya<br />

la rica Argenleria que en la penya<br />

para algun geni ab enciseres mans.<br />

Corlinatgcs <strong>de</strong> losca y brodadures,<br />

casca<strong>de</strong>s cl' argent fos en l' ayrc proses,<br />

garlan<strong>de</strong>s d'cura en richs calals suspeses,<br />

d' alguna fada fineslro divi,<br />

<strong>de</strong> Iliri d' aygua y <strong>de</strong> roser poncelles,<br />

com ulls closos <strong>de</strong> vèrgens que hi somian,<br />

lot hi cs blanch, com los coloms que hi nian,<br />

papallones gentils ù" aquell jardi.<br />

Volant ais cingles <strong>de</strong> Monsèn, li ensenya<br />

les casca<strong>de</strong>s bellissimes <strong>de</strong> Gcrri,<br />

y en Cabdclla, en Espot y Biciberri<br />

constelacions d' cslanys ù' alzur y vert :<br />

les tres valls ùc Pallars, que la caljtja<br />

<strong>de</strong> boyrina ab son ru sccb cmmantclla,<br />

li semblan solchs que gcgantina rclla<br />

à les tres hranqucs dr! :'l!ogucrn ha obcrl.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE CANIGOU 81<br />

<strong>de</strong> Seturia, qui, rafraîchi par la rosée dès le premier<br />

baiser <strong>de</strong> l'aube, pourrait êlre pris pour la conClue d'or<br />

embaumée qui parlait la reine <strong>de</strong>s amours quand elle<br />

sortit du sein <strong>de</strong> l'on<strong>de</strong>.<br />

En côtoyant les ombrages qui <strong>de</strong>ssinent le cours du<br />

ruisseau <strong>de</strong> Sainte-Ma<strong>de</strong>leine du côté <strong>de</strong> l'Occi<strong>de</strong>nt,<br />

la fée a soin Je tourner par le bois, afin <strong>de</strong> cacher aux<br />

regards <strong>de</strong> Gentilles ermites <strong>de</strong> Saint-Jean <strong>de</strong> l'Herm.<br />

Son carrosse passe, <strong>de</strong> sommet en sommet, <strong>de</strong> Rubio<br />

à Pen tina; ct quand il se trouve à Collegats au-<strong>de</strong>ssous<br />

<strong>de</strong> Bresca, elle signale à son compagnon <strong>de</strong> voyage la<br />

riche Argenterie que la main d'un génie ou d'une fée<br />

put seule élaler sur le roc.<br />

Ricleaux <strong>de</strong> pierre ponce brodés en festons; casca<strong>de</strong>s<br />

d'argent fondu solidifiées dans les airs; guirlan<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

lierre suspendues en riches berceaux et formant<br />

comme les célestes ri<strong>de</strong>aux <strong>de</strong> quelque fée; fleurs du<br />

nénuphar el boutons <strong>de</strong> rose, tout cela est blanc et<br />

pur, comme les colombes qni font là leurs niüs et qui<br />

sonlles papillons üc ce jardin enchanteur.<br />

Ils volent vers les gorges <strong>de</strong> l\1onsen, et elle lui signale<br />

les superbes casca<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Gcrri ; puis, à Capüella,<br />

à Espot cl à Biciherri, <strong>de</strong>s constellations ü'étangs<br />

}))eus ou verls. Les trois vallées <strong>de</strong> Pallars, qu'un<br />

nuage <strong>de</strong> bronillartl envclolJpe comme d'un manteau,<br />

lui font l'efl'ct <strong>de</strong> l:.trges sillons qu'une charrue<br />

colossale aurait ouverts aux trois bra11chcs <strong>de</strong> la<br />

Naguère.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

5.


LE CANIGOU 83<br />

Elle lui fait remarquer Bohi, cette fleur qui s'ouvre<br />

dans les entrailles d'un chaos <strong>de</strong> granit, et puis, <strong>de</strong>s<br />

ombres fantastiques qui se dressent dans celte forêt<br />

<strong>de</strong> pics : c'est le roc <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux Hommes-Ensorcelés (4 ).<br />

BientùL, làchanl les rènes aux daines impétueuses,<br />

Fleur-<strong>de</strong>-Neige gravit le sommet ùe Neto-le-Maudit,<br />

imilant celui qui, après avoir vu les parties basses<br />

d'une ville, monte sur les terrasses et les toits pour<br />

mieux la voir dans son ensemble.<br />

LE MONT MAUDIT<br />

( MALADETTA)<br />

Le voilà: voyez sa ho.uteur colossale; Vignemale et<br />

Ossau atteignent à p:;ine su ceinture ; le pic ù' Albe ct<br />

la Forca<strong>de</strong> ne dépassen L pas ses genoux. Au pied <strong>de</strong><br />

ce sapin olympique <strong>de</strong> la montn.gnc, les Albères sont<br />

<strong>de</strong>s saules, Carlit est un roseau, et le Canigou un<br />

jeune rejeton.<br />

Son immense glacière est la mère nourricière <strong>de</strong> la<br />

Garonne el <strong>de</strong> l'Essera; Aran, Lys et Vénasque pour·<br />

l'llicuL l'appeler leur père; Montblanc et Dhavalgiri<br />

peuvent le truiler ùc frère, ce mont qui servirait faci­<br />

lement d'ossature à ùa plus larges conlinenls, d'échelon '<br />

à l'ange pour remonter aux cieux, <strong>de</strong> trône à Jéhova<br />

lui-même.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


CAN!G6<br />

Un cedre cs Jo l'irene <strong>de</strong> portcntosa al0ada ;<br />

corn los aucclls, los poLies fan nin en sa brancada,<br />

d' honl cap vollol' <strong>de</strong> russes clesalloljal'los pol;<br />

quiscuna d' eixes serres, d' ahont la vida arranca<br />

son vol, d' aqueix superbo coJ6s es una branca,<br />

ell es lo cap <strong>de</strong> brot.<br />

Cabclill cs d' eix cxèrcit en ordc <strong>de</strong> halalla,<br />

la torra que domina la coloçal muralla,<br />

entre eixcs mil arestcs <strong>de</strong>l temple '1 campanar,<br />

Jo GoJiat d' eix rengle <strong>de</strong> filisleus <strong>de</strong>forme,<br />

d' aqueixos pits y braços l' alli vol front enorme<br />

que 's veu <strong>de</strong> mar tl mar.<br />

Al bes <strong>de</strong>l sollluhcixen son elm y sa coraça,<br />

l'un fel <strong>de</strong> neus etcrnes, l' allra cl' un lroç <strong>de</strong> glaça<br />

<strong>de</strong> dues horcs d'ample, <strong>de</strong> quatre o cinch <strong>de</strong> li arch ;<br />

los nüvols en so. espatlla son papallons que hi vol an,<br />

y eix quaùro, hontllums, tenebres y tinta y foch t·oùolan,<br />

té 1 firmament pcr march.<br />

1 Qué alti vola es sa calma (5) ! i qué C'splènùiùa sa roba!<br />

perque sia sa regia corona sempre nora<br />

argent li dona r alba, Jo sol son or més fi;<br />

bcsan son front, queùantshi per joycs, les eslrcllcs,<br />

y â. voltes diu que hi para, volant pe'l ccl cnlrc elles,<br />

10011 vol Jo serafi.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


T,l': C.\NlGOU<br />

___-- ·d d' a··<br />

su<br />

, . r ·L l'effet ll'un cc re une pro q;teuse<br />

L pvrcnec at . .<br />

e • opulations, comme <strong>de</strong>s Oiseaux, mchcnt<br />

1<br />

au e ' caux d'oil nul vautour <strong>de</strong> races ne peut<br />

r Chacune <strong>de</strong> ces chames, d ou la v1e prend<br />

st une branche <strong>de</strong> ce colosse superbe; ma1s<br />

son vo ,<br />

ce pic est le plus haut rameau.<br />

h t ur. es p<br />

sur ses ram • , , . .<br />

1 . 1<br />

}cs cc ogc · .<br />

l e<br />

Il est comme le général <strong>de</strong> celte armée rangée en<br />

bataille, la tour qui domine cette gigantesque muraille,<br />

le haut clocher qui s'élance an-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s mille flèches<br />

du temple, le Goliath <strong>de</strong> cette ligne irrégulière <strong>de</strong><br />

Pbilislins, le front altier et majestueux <strong>de</strong> ces gorges<br />

ct <strong>de</strong> ces bras, se montrant à tous les regards d'une<br />

mer à l'autre.<br />

Au premier baiser du soleil, on voit briller son<br />

heaume ct sa cuirasse, l'un formé <strong>de</strong> neiges élcrncl\cs,<br />

rautre d'un immense glaçon large <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux li eues sur<br />

qua.lrc ou cinq <strong>de</strong> longueur; les nuages qui flottent<br />

sur son épaule son l ses pa. pillons volants ; et cc tableau,<br />

où les ténèbres jouent avec la lumière, l'encre avec le<br />

feu, a pour cadre le firmament.<br />

Qu'e1le est élevée, sa plate-forme (tl) ! qu'il est riche,<br />

son vêlement! Afm que sa couronne royale soit toujours<br />

neuve ct bril\:mlc, l'aube lui prête l'éclat <strong>de</strong><br />

l'argent, et le soleil son or le plus fm; les étoiles baisent<br />

son front oü ellrs se 11oscnt en guise <strong>de</strong> joyaux, et<br />

l'on dit que le séraphin, volant au milieu d'elles, replie<br />

parfois ses ailes ct vient à son tour s'y reposer.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


90 CANir.o<br />

Bocins son <strong>de</strong> ringlrra, son ùssos <strong>de</strong> monlanya,<br />

carre us <strong>de</strong>l mur que allunya la França <strong>de</strong> l"Espanya,<br />

palets que ccrcarian los rabaçuls gegants<br />

si, envolls en rufagosa, maciça pedregaùa,<br />

l' Olimp prop <strong>de</strong> sa cima veyés aUra vegada<br />

lluytar <strong>de</strong>us y titans.<br />

i.Pcr què Dcu enlro o.bismos posù Lanlo. gro.nùcsa?<br />

Por què vclà do nüvols ln. torra. quo 'l ccl bcso.?<br />

Porque al baixo.r à terra. tingués un mü·o.dor<br />

ho nt l'home, bo ù mal angel sens :iles, no hi .fos nasa<br />

quant à sos peus sarnia la t-erra corn esposa<br />

Jo somni <strong>de</strong>l amor.<br />

Mes par son Den té sem pre la terra. alguna cspina :<br />

en hàbit pobrc, vcsln. ab que pc'l mon camina,<br />

un vcsprc u la cabo.nya trucava d' uns po.slors;<br />

ni llel, ni pa, ni ayguo., ni o.cullimenl li ùaron,<br />

per tram·cl ùc la plelo. los g-oços li aquissaren,<br />

los gqços lladradors.<br />

Un rabo.da, tan pobro quo dorm a la serena,<br />

sc lleva la samarra per abrigar sa esquona ;<br />

donanlli pa y llet dolça, li diu :-Menjo.u, bevcu.-­<br />

Quo. nt obre


C.\ XIG 1'1<br />

Fugi, y veyenl al pohre davant <strong>de</strong>saparèixer,<br />

mira la serra, l' altra ramacla no hi veu péixer:<br />

penyals son les ovelles, pcnyals los blanchs anyclls,<br />

Jo cabridct anyivol, Jo boch, lo goç d' atura,<br />

y ]Jurs pastors, que encara ne teuen la .Ogura,<br />

penyals eran corn ells.<br />

Dcsdc llavors, il vista <strong>de</strong>l espectacle horrible,<br />

girant lo cap sc seny a lo passatger sensible,<br />

Jo quadro al ensenyarli <strong>de</strong> lluny algun bover :<br />

la nor <strong>de</strong>ixa aquells mitrgens, l' aucell fuig d' aqncJ ayr···<br />

corn en les mitj-diadcs d' estiu fuig lo dallayrc<br />

<strong>de</strong> l' ombra <strong>de</strong>l noguer.<br />

Fugin també vosaltrcs, pastors y escursionistcs:<br />

corn les visions è histories, aqulles flors sont tristes,<br />

est hort <strong>de</strong> roses blanques cobrcix un gran fossar,<br />

<strong>de</strong>ssola carla llosa <strong>de</strong> marbre un clot sc bada,<br />

la neu es Jo sudari ab que lraydora fada<br />

vos vol amorlallar.<br />

A voltes clins ses coves <strong>de</strong> vidre sona y canta;<br />

Jo viatger ou mt'1sica suau sola sa plan la;<br />

jay d' cll! si no fa al cànlich <strong>de</strong> la sirena 'l sorl.;<br />

lo pont <strong>de</strong> neu sc trenca que amaga la gclcra<br />

y es la cJivella honl vèurcla somia, una ro<strong>de</strong>ra<br />

<strong>de</strong>l carro <strong>de</strong> la mort.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


Oô C.\.:'(1 G 0<br />

Passaren anys, passaren centuries <strong>de</strong> centuries<br />

ahans que s' abrigassen <strong>de</strong> terra y <strong>de</strong> boscuries<br />

aqueixes ossamenles <strong>de</strong>ls pl'imitius geganls,<br />

a bans que Lingués molsa la penya, flors les pra<strong>de</strong>s,<br />

ahans que les arbre<strong>de</strong>s tinguessen aucella<strong>de</strong>s,<br />

les auccUaùcs canls.<br />

Pe'l gel y rius oberla, prengué la cordiUcra<br />

agegantada forma <strong>de</strong> fulla <strong>de</strong> falgucra;<br />

corn solch sota l' m·aùa quant caùa vaU s' obri,<br />

quant al amor y vida la plana fou <strong>de</strong>sclosa,<br />

Deu corona la cima més alta y grandiosa<br />

d' eix Guayla gcganti.<br />

Y Espanya, que tenia ja un mar en cada esponn,<br />

sols per bre


100 \<br />

y anega la seva imima en los ùolços<br />

remors <strong>de</strong> rius, casca<strong>de</strong>s y boscuries,<br />

<strong>de</strong> rossinyols entre suaus canturies<br />

y musica ·y perfums <strong>de</strong> paradis.<br />

i, Què son los Pirineus? serpent <strong>de</strong>forme<br />

que, eixint encara <strong>de</strong> la mar d' Asturias,<br />

per beure l' aygua ahont se banya Ampurias,<br />

alravessa pe'l mitj un continent.<br />

Quant ja 6. la mar mediterrànea arriba,<br />

al mîrarla, potser, tan espantable,<br />

ab un copl <strong>de</strong> sa espasa formidable<br />

en dos lo mitj-parli l'Omnipotent.<br />

Entre sos clos bocins, que '1 colp allunya,<br />

vers França l' un si l' allre vers Castella,<br />

verda, soliua, agraciada y bella<br />

abre son si florit lu vaU d'Aran.<br />

Atrets per sa vcrclor fresca y gemada,<br />

los dos enamorats sovinl s' !li giran;<br />

mes prompte ses bellese no s' oviran,<br />

puix l' ombra <strong>de</strong> la nil los va abrigant.<br />

Vara 'ls turons <strong>de</strong> Monloliu y d' Orla<br />

s' abre 'l Pla <strong>de</strong> Beret à ses miracles,<br />

llibre format <strong>de</strong> dues serrala<strong>de</strong>s,<br />

que té lo Pirineu per faristol ;<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


102 CANrGu<br />

ses lletres son congestes argentines,<br />

y dos rius que bessons s' hi <strong>de</strong>spe<strong>de</strong>ixen<br />

distints rcalmcs {L regar partcixcn,<br />

l' un vers hont naix, l' nitre ahont mor lo sol.<br />

Ella scgueix les aygucs <strong>de</strong>l Nogucra,<br />

bellugadiç espill <strong>de</strong> les estrelles,<br />

enmirallantse, lot volant, entre elles<br />

al costal <strong>de</strong> son j ove ca v aller ;<br />

mes prompte <strong>de</strong> la riba que s' enfonza<br />

surt y fal<strong>de</strong>ja 'ls cingles <strong>de</strong> la esquerra,<br />

per mostrar a Genlill' aguda sena<br />

que du en son front la creu <strong>de</strong> Sant Vallier (7) .<br />

Coflens è Isilli ensenyan ses boscuries,<br />

sos verts pletius, farigolars y pra<strong>de</strong>s,<br />

sos llachs Aubé, vall d' Arce ses casca<strong>de</strong>s,<br />

cabellera <strong>de</strong> cingles y turons,<br />

torrents que <strong>de</strong>sdc 'ls nuvols a la terra<br />

per escala d' abismes se rcbaten<br />

al correch pregonlssim ho nt se baten<br />

ab l' esperit <strong>de</strong>l gorch a tomballons.<br />

A la tebia claror <strong>de</strong> la celistia,<br />

la lluna uneix ln. scvn. blanquinosn.,<br />

plujim <strong>de</strong> fullcs d' argentina rosa<br />

qnc ']puig copça ab la fulda <strong>de</strong> sa vall;<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LI" C .\NIGOü 105<br />

Les pins dorment enveloppés dans ce voije humi<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

br?uillard, et les gouttes <strong>de</strong> cristal s'échappant du<br />

rUisseau jouent avec ces rayons lumineux dans cc<br />

vase aux larges bords.<br />

Ils sont beaux, les trois lacs <strong>de</strong> Tristany, sc déversant<br />

l'un dans l'autre avec un doux murmure. Puig<br />

d'Albe et Fontargent sont éclatants <strong>de</strong> blancheur, avec<br />

leur manteau <strong>de</strong> neige qui ne se fond jamais. Les<br />

vallées d'lncles et d'Ordino sont pleines d'J1armonie,<br />

<strong>de</strong> songes et <strong>de</strong> mystère, quand elles reflètent les<br />

rayons qu'y laisse tomber l'hémisphère céleste, aile<br />

calme et Jllirc <strong>de</strong> celui qui réchauffe le mon<strong>de</strong> ...<br />

Bientôt, contournant les verts coteaux <strong>de</strong> la Coma<br />

d'Or, nos voyageurs suivent le torrent <strong>de</strong> Font-Vive,<br />

en remontant la montagne <strong>de</strong> Carlit par un côté <strong>de</strong><br />

sa rive verdoyante. Cette montagne est couronnée<br />

par quarante étangs à l'on<strong>de</strong> azurée, quarante lacs<br />

d'une eau pure ct virginale, dans chacun <strong>de</strong>squels<br />

les astres <strong>de</strong> la nuit se mirent dans toute leur<br />

beauté.<br />

Sous leurs pieds ailés ils voient glisser dos étoiles ;<br />

au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> leurs tètes, à travers les branches <strong>de</strong>s<br />

noirs sapins, ils voient fuir comme <strong>de</strong>s essaims <strong>de</strong><br />

perles blanches dans le ciel pur ; et en apercevant<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


CHANT CINQUIÈMÈ<br />

TAILLEFER<br />

Cependant, le comte Taillefer, aussi prompt que<br />

le vent, Vole à travers les hauteurs <strong>de</strong>s Pyrénées. A<br />

P_eiue avait-il, la veille au soir, laissé la foule du pèle­<br />

rtnage <strong>de</strong> Saint-Martin, qu'il était suivi par la file <strong>de</strong>s<br />

robustes montagnards (fallayres), frères <strong>de</strong>s chênes<br />

et <strong>de</strong>s sapins <strong>de</strong> ces âpres montagnes où ils furent<br />

nourris. Il sort par la porte Forane, il <strong>de</strong>scend à Castell,<br />

puis monte à Mariailles et à Collet-VerL; enfin,<br />

après avoir côtoyé les contours escarpés <strong>de</strong> 'rretze­<br />

Yents, il fait halte à l'ermitage <strong>de</strong> Saint-Guillaume.<br />

Lo saint anachorète est là, en prières, les bras éten­<br />

dus en croix, les yeux fixés vers le ciel. Entendant<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

7


110 CA :'-11 GO<br />

Trau lo cap a la porta tan tost lo sent:<br />

- i Oh comte Tallaferro ! no us atureu,<br />

que 'ls sarrahins saquejan Elna y Ceret.<br />

Mes veus aqui una espasa que es ùe bon lremp:<br />

<strong>de</strong> Castello en lo si ti la duya Otger;<br />

Otger morla en braços d' un avi meu<br />

que <strong>de</strong> l' espasa feuli gentil present;<br />

roliquies <strong>de</strong> Sant Jordi té dins la creu.<br />

« No la doncu, li <strong>de</strong>ya, sin6 a un guerrcr<br />

que talle 'l ferro verge com brols <strong>de</strong> cep. »<br />

Preneula, Tallaferro, no us atureu. -<br />

Lo comte no s' atura, <strong>de</strong>ixa 'l bon vell,<br />

que aixeca 'l toch solemne <strong>de</strong> sometent.<br />

La campana ab que hi toca no es <strong>de</strong> gran preu,<br />

no es <strong>de</strong> coure, ni bronza, d' or, ni cl' argent,<br />

sînù <strong>de</strong>l millor ferro cl'aquells mencrs;<br />

en ella no s'hi veuhen colps <strong>de</strong> martell,<br />

sols s' hi veuhen ditacles <strong>de</strong>l penitent.<br />

Un dia ana it la farga <strong>de</strong> Montferrer:<br />

- Fargayres, bon fargayres aixi us guard' Dcu.<br />

Com jo he feta una hcrmila dinlrc 'l <strong>de</strong>sert,<br />

les portes son <strong>de</strong> roure, l' altar <strong>de</strong> teix;<br />

so ls mc falla una cloLxa pel' son cloquer:<br />

pou da en les Lempeslcs Loci 'à bon temps,<br />

y en los guerres <strong>de</strong> moros à somcLcnL.<br />

l, Pcr férmela <strong>de</strong> ferro me 'n donarèu?<br />

-De la fornal prcnèusel; esta bullent.­<br />

Posant la mà it la fosa, Jo sant se 'l pren;<br />

la pasla com sa terra lo terriccr,<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


114<br />

Dir.iau que ab ma forla Jo vent l'empeny,<br />

Jo vent do tramonlana canigonench.<br />

i Oh, Mangala <strong>de</strong> ferro, que don Roland<br />

plantà en mitj <strong>de</strong> la plaça roja <strong>de</strong> sanch!<br />

si '1 comte no t' arranca, ningü ho fal'a.<br />

Lo comte té ana espasa que més li val,<br />

ù' argent lé la creuh01·a, d' acer lo tall;<br />

los moras quand la vejan, lrcmolaran,<br />

com tremolan les messes prop <strong>de</strong> la falç.<br />

i Oh, Mangala <strong>de</strong> ferro <strong>de</strong> don Roland!<br />

it qui té aqueixa espasa lu no li plaus<br />

y esperona a sos hèroes al crit ù' avanl.<br />

Lo caslell <strong>de</strong> Cabrera los veu pujaJ',<br />

com serp que s' aforcsta, vers Paniçars.<br />

Dels Trofeus <strong>de</strong> Pompeyo (2) passan clevall,<br />

que, alçanl entre sure<strong>de</strong>s son front gegant,<br />

lo Rossello dominan y l' Ampunla.<br />

Rocaberti, entre pcnycs mal-amagat,<br />

vers Hequescns l' exèrcit mira cnlllar.<br />

Alli 'ls abels y alzines, roures y faigs<br />

se crcuhan com les lln.nces en un combat;<br />

lo comte it colps d' cspasa va obl'intse pas,<br />

<strong>de</strong>ixantnc gl'ans eslcscs cnça y enlia.<br />

Si 'ls moras le vcycsscu ùcstralcjal',<br />

Jo colp no esperadan <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>stral.<br />

La comte Tallaferro ja vou ses naus,<br />

lluhinl la milja Huna ùamunt <strong>de</strong>ls pals,<br />

astre do mal auguri pcr nostrcs cn.mps,<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


H6<br />

y exclama ab ulis encesos y braços n.lts :<br />

- Bon Deu, i, s' han fel pe'l moro ports catalans?­<br />

Aqui '1 Pirene alli vol abaixa 'l cap,<br />

corn monstre que s' abcura dinlre la mar.<br />

Lo comte Tallafcrro limbes avall<br />

<strong>de</strong>valla corn lo mivol <strong>de</strong>l temporal,<br />

prenyat <strong>de</strong> pedrcga<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> lrons y !lamps.<br />

Al extrcm <strong>de</strong> la serra <strong>de</strong> Puigneulos,<br />

punt al cap cl' una ratlla, s' alça un turo,<br />

un tur6 que centuries guardara '1 nom<br />

<strong>de</strong>l comte que 'n <strong>de</strong>valla fet un lleû.<br />

Fallayrcs lo scgucixcn, aufranys y corps<br />

que ja<strong>de</strong> carn humana senlen forlor.<br />

Lo comte diu al vèurels: - N' hi haura per tols, -<br />

y baixa per un cûrrech <strong>de</strong> drct al port.<br />

Los sarrahins que hi troba no son pas moHs;<br />

lo primer colp que venta sembla sortûs;<br />

apar que '1 moro fuja, les naus y tot.<br />

Qui pot ferir <strong>de</strong> sopte fereix dos colps;<br />

mes i ay! no era ell qui ho feya, que cra 'l traydor.<br />

Del puig <strong>de</strong> Tallaferro germa bcssû,<br />

un puig alça la tesla sola Salforl,<br />

que es rcpeu <strong>de</strong> la torra <strong>de</strong> Maùcloch.<br />

Cada nit los diables hi tenen corl<br />

y avuy n.b cils pujo.rcn moros y tot.<br />

Quant lo comte donavn. Jo primer colp,<br />

ardits per ses espatlles li feyan foch<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


120 CANIGO<br />

minyones son que ploran, les <strong>de</strong>l Vernet,<br />

les que sardanejavan ahi al aplech.<br />

Catives quant les Lroban, mes jay! com elis,<br />

les llagrimes que ploran bé son <strong>de</strong> fel !<br />

- Cantau, canlau,- los <strong>de</strong>y a moro hurle!', -<br />

les cançons que entonavau vora la Tet.<br />

-l Com cantarèm, Jo moro, cüm canLarèm,<br />

si sols tenim ca<strong>de</strong>nes en mans y peus?<br />

i Moros <strong>de</strong> .Moreria, malllamp vos crem! -<br />

Nos es mort Jo comte encara, sols cs ferit,<br />

es ferit <strong>de</strong> l' cspallla pcr arma vil ;<br />

no la mancjan nobles, sin6 assessins.<br />

No tant cam la ferida sent lo dcspit (3),<br />

quanL LoLs los se us ven caure y entre cncmichs;<br />

quanL ven que sc 'ls ne duhen, pensa morir!<br />

Catorze moros negros, bons per hutxins,<br />

ab ca<strong>de</strong>nes Jo lligan, corn un masli.<br />

Al alçarse <strong>de</strong> terra llança un sospir :<br />

-! Malehida la fletxa que m' ha ferit!<br />

l pcr què '1 cor no 'm passava <strong>de</strong> rnitj a milj?­<br />

A l' aygua sc l' en duhen, mes a y gua enclins.<br />

1 Ay pohlc <strong>de</strong> Colliurc, qué n' els <strong>de</strong> Lrist<br />

pc'l comte Tallaferro que Lens caliu,<br />

catiu dintre una barca ùe sarrahins!<br />

Neg1·oses son les on es, negra la niL,<br />

puix nuvols d' ales fosqucs la van cohrint,<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


CANT SIS]t<br />

NUVIATJE<br />

Gentil ja passa la Tet<br />

<strong>de</strong> la fada en la carro0a;<br />

i qué bonich cs y ben fel,<br />

qué aixericla ella y qué rossa!<br />

De la cova ùe Sirach<br />

ja 's rumbejan per l' cntrada,<br />

com una barca en un llach<br />

hontles gojcs fan bugada.<br />

De tosca son los Hacins ('!)<br />

hont la ensabonan y mauran;<br />

sembla en sos dits argentins<br />

que la platcjnn y dauran.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


CHANT SIXIÈME<br />

LES FIANÇAILLES<br />

Déjà Gentil traverse la Tet dans le char <strong>de</strong> la fée.<br />

Qu'il est beau et bien fait 1 qu'elle est charmante, et<br />

comme elle est blon<strong>de</strong>!<br />

Voilà qu'ils arrivent majestueusement près <strong>de</strong> l'entrée<br />

<strong>de</strong> la grotte <strong>de</strong> Sirach, comme une barque s'avan­<br />

Çilnl dans un lac oü les fées font la lessive:<br />

. Les Bassins \'1) où elles savonnent et pressent le<br />

1 1ll.ge sont en pierre ponce, et l'on dirait que leurs<br />

do,gts d'albâtre l'argentent et le dorent, plutôt qu'il<br />

ne le !avent.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


130 C.L\ lG Ù<br />

La volta dcixa 11la1'<br />

la tosca en estalactita,<br />

lins que la puja a besar<br />

amorosa estalacmita.<br />

En pilars alabastrins<br />

les ducs sc convertcixen,<br />

que aprés artistes divins<br />

enverniçan y puleixen.<br />

Ab capitells mal-rodons<br />

uns semblan tronchs <strong>de</strong> palmera<br />

esbaùiats en palmon ,<br />

archs <strong>de</strong> la volta !leu gera;<br />

palmercs d' cncantat bosch<br />

ùe soca entre blanca y bruna,<br />

<strong>de</strong>sprés d' entraùa ùe fosch,<br />

quant ja hi llambrega la !luna.<br />

Aitres en gmn dcsconccrt<br />

scmblan gcganls en batalla,<br />

batcntsc a ros dcscobcrt<br />


132 CANIGO<br />

D' eixa sala una altra 'n ve<br />

y aitres voltes s' hi <strong>de</strong>sclouhen,<br />

hont, corn boyra en cel serè,<br />

lleugeres ombres se mouhen.<br />

Un temple 's vcu més enllà<br />

ab son allar ù' alabaslre;<br />

fe la· ab cisell sobrehurnà,<br />

la imatge al miLj com un astre.<br />

La trona espera una veu,<br />

l' orga una ma que la inspira,<br />

fins apar que espera à Deu<br />

Jo sagrari que s' hi ovira.<br />

Lo camaril (2) sembla d' or<br />

<strong>de</strong> pùrfit la porlalada,<br />

se veuhen monjos al cbor<br />

y eslols <strong>de</strong> gent à l' entrada.<br />

Més enlia hi hà un claustre gran<br />

y Benels r1ue s' hi passejan<br />

en sos llibros lot rosant,<br />

honl los canlichs ja aletcjan.<br />

De la claustrn en un recci<br />

s' enfùa una escala ayrosa,<br />

un marbre cs cada graho<br />

vional <strong>de</strong> blanch y rosa.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


138 CA:'OGU<br />

Gegant ample d' espalllcs, al Lorb y a la Lcmpcsla<br />

y ais nùvols <strong>de</strong>ixa ferhi cada hivernada aplech;<br />

rn.rnaclcs Lé que viuhcn <strong>de</strong> romani y gin esla<br />

en cacla arruga csleses <strong>de</strong> sa rumba a vesta,<br />

y un poble en caùa plech.<br />

Alla cl' alla Colliurc, <strong>de</strong>l Pirineu dcrrera,<br />

se vou rojench è informe sortir lo sol naixent,<br />

com far que ab braç <strong>de</strong> ferro soslé la cordill et·a,<br />

y al nàixer ja ab sa rossa y eslesa cabellem<br />

s' abt·iga '1 lirmament.<br />

De son brcçol d' escumcs quant s' alça cadn. dia,<br />

son raig primer corona lo rey <strong>de</strong>l Hosscllù ;<br />

<strong>de</strong> jorn tot l' cnmantclla <strong>de</strong> llum y pcùrcria,<br />

y al pùnùres en Maranges encara un bes envia<br />

al front <strong>de</strong>l Canig6.<br />

A sa claror s' aixampln. rihent ln. plana hermosa,<br />

corn <strong>de</strong>svctlladn. n.ls dolços murmuris <strong>de</strong>l m ali;<br />

Jo pèlach h ses plantes dormiut, mùurcs 110 gosa,<br />

pcr· no dcsabcigal'la sa filla somniosa<br />

<strong>de</strong> sos llcnçols <strong>de</strong>lli.<br />

Té 6. esquerra les cendroses, villfcrcs Corbercs<br />

que al Pirineu, com hranqucs, sc pujau à cmpc!La l',<br />

ù drcta les floridcs, granitiques Alberes;<br />

lo Rossello es un arch <strong>de</strong> ducs corùillc1·cs<br />

que lé per corda 'l mar.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


140 C.INlGO<br />

Es un a immcnsa li ra que en eix a plal.ja es lesa<br />

vessanta ü'armonies üeixà algun <strong>de</strong>n mat·i,<br />

lo Canig6 es lo pom, les cor<strong>de</strong>s que 'l cerg besa<br />

son los tres rius que roncan lliscant pcr la <strong>de</strong>vcsa,<br />

lo Tech, la Tet, l'AgiL<br />

La Goja diu :--No semprc fou cixa vall dcsclosa;<br />

fou aygua lo que cs hel'ba, Jo que ara cs vert fou b]au;<br />

hramarcn les halenes hont l'rada avuy l'eposa,<br />

y 'ls claustres d'Elna muntan, cvori en corül-rosa,<br />

<strong>de</strong> Tèthis lo palau.<br />

Forçu-rcal y Pcna foren ses illes belles (4);<br />

<strong>de</strong>l Canigù en la soca fermitrcuse vaixclls ;<br />

volaren les ga vines cantant cançons novellcs<br />

en cixcs mar·gcnadcs, hont brcscanles abolies,<br />

ho nt j ugau los aoyclls.<br />

Es obra <strong>de</strong>l Pircnc gegant aqucixa lerra,<br />

<strong>de</strong>ls cims la <strong>de</strong>vallarcn les aygues <strong>de</strong> gra it gra,<br />

les pedros <strong>de</strong> la plana son ûssos <strong>de</strong> la serra,<br />

d'ahont un pas pcr seglc, com hoste que 's <strong>de</strong>sterr3,<br />

lo pèlach l'Ccul(l.<br />

A les Nerey<strong>de</strong>s, filles <strong>de</strong> Dùl'is, suplantaren<br />

les Nùyadcs joli nes, quo en Arles y Molitj<br />

<strong>de</strong> sa uygua sanitosa les urnes abocuren;<br />

les Driaùes clins l' arca <strong>de</strong>ls dolmens s' allotjaren<br />

<strong>de</strong>ls arbres enlremilj.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


f46 CANIGO<br />

A aiyxams aixi a trench cl' alba les aurees abelles<br />

murmurioses volan vers l' ametller florit.<br />

Oh ! mirales corn pujan, qué candi<strong>de</strong>s y belles !<br />

no son més aixericles al vespre les estrelles<br />

quant pujan al zenit. -<br />

MONTANYES REGALADES<br />

UNA GOJA'VO LA N'l'<br />

Jo veig una rosa vera,<br />

una rosa y un clavcll,<br />

clitxosa la primavera<br />

que pot furscn un ramell.<br />

Llur test d' or es la montanya,<br />

quln gcrro tan grandi6s !<br />

AUrHA. GOJA<br />

No volèm gayre, companya,<br />

ara que parlan tots dos.<br />

Mira alli la <strong>de</strong> :Mirmanda;<br />

i, Què farèm al arribar?<br />

LA G OJ A DE 1\IIUMANDA<br />

Voltèm lo cim en garlanda<br />

y posèmnos à canlar;<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


{54 CAN!GO<br />

que '1 Freser parteix es dos,<br />

à cuda banda <strong>de</strong> cingle<br />

tinch finestres y balcons,<br />

ab eureres per cortina,<br />

lligaboscos per fest6.<br />

De riba a riba abraçanlse<br />

vells rourcs me fan <strong>de</strong> pont,<br />

los que passarhi m'hi veuhen<br />

me prenen per un colom.<br />

Filla d' Amand(6) rey bagauda<br />

encantada alli visch jo,<br />

al valent que 'rn clesencante<br />

prometentli grans tresors,<br />

donarli vida més dolça<br />

y ferla franch <strong>de</strong> la mort.<br />

Mcntrcstant, gentil parclla,<br />

prenèu ma corona d' Ol'.<br />

CHOR DE GOJES<br />

Montanycs regala<strong>de</strong>s<br />

son les <strong>de</strong> Ca ni g6,<br />

elles tot l' any floreixen,<br />

primavera y larùor.<br />

LA DE BANYOLAS<br />

Tota la nit he filat<br />

vora l' estany <strong>de</strong> Banyolas,<br />

al cantar <strong>de</strong>l rossinyol,<br />

al refilar <strong>de</strong> les gojes.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LB CANIGOI! 1tl5<br />

ma vue s'étend <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux côtés par <strong>de</strong>s fenêtres et <strong>de</strong>s<br />

balcons encadrés dans <strong>de</strong>s ri<strong>de</strong>aux <strong>de</strong> lierre et <strong>de</strong>s<br />

festons <strong>de</strong> chèvrefeuille. De vieux chênes inclinés qui<br />

s'embrassent d'une rive à l'autre me servent <strong>de</strong> pont:<br />

ceux qui m'y voient passer me prennent pour une<br />

colombe.<br />

Pille d'Amand (6), roi bagau<strong>de</strong>, je vis là sous le<br />

charme, jusqu'à ce que vienne le brave à qui, pour<br />

prix <strong>de</strong> mon désenchantement, j'ai promis <strong>de</strong> grands<br />

trésors, la plus douce <strong>de</strong>s existences et l'immortalité.<br />

En attendant, ma belle compagne, prenez ma cou­<br />

ronne d'or.<br />

CHOEUR DE FÉES<br />

Montagnes délicieuses que celles du Canigou 1 On<br />

les voit en fleurs toule l'année, en automne comme<br />

en printemps.<br />

LA FÉE DE llANYOLAS<br />

J'ai filé toute la nuit sur les bords <strong>de</strong> l'étang <strong>de</strong> •<br />

Banyolas, ravie pat· le chant du rossignol elle gazouillement<br />

<strong>de</strong>s fées.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


HiG<br />

CaNrc u<br />

Ilion fil cra d'or,<br />

d' argent la fiJosa,<br />

los boscos vchins<br />

m' han pres pcr l' aurora.<br />

Per <strong>de</strong>vanar lo meu fU<br />

tinch ])elles <strong>de</strong>vanadores,<br />

les montanyes <strong>de</strong> Bagur,<br />

les <strong>de</strong> Bagur y Armen-Roc!a,<br />

les serres <strong>de</strong> Puigueulus,<br />

les <strong>de</strong>lllfon y Rocacorva.<br />

La plana <strong>de</strong>l Ampurdà<br />

may ha duyt millor corona,<br />

corona <strong>de</strong> raigs <strong>de</strong> llum<br />

trenats ab lliris y rose ;<br />

semblava un pago real<br />

obrint sa florida roda.<br />

l\Ion fil er a d'or,<br />

d'argent Ia l1losa,<br />

los boscos vehius<br />

m' han pres per 1 ·aurora.<br />

Corn lo fil era daut'at,<br />

les ma<strong>de</strong>ixes erau rosses,<br />

hermosos cahclls <strong>de</strong>l sol<br />

cncastats <strong>de</strong> boyra on boyra.<br />

De les Estuncs (7) al fons<br />

lo tcixian quatre alajos,<br />

llur teler cs do cri stal!,<br />

<strong>de</strong> vori la llançadora.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


Hi8 CANTGU<br />

Veusaqui 'l vel que han teixit<br />

tot esprés pcr una hoda.<br />

Mon fil era d'or,<br />

d'argent la fùosa,<br />

los boscos vehins<br />

m' han pres pcr l' aurora.<br />

CIIOR DE GOJES<br />

Montanyes regala<strong>de</strong>s<br />

son les <strong>de</strong> Canig6,<br />

elles tot l' any floreixen,<br />

primavera y tardor.<br />

LA FADA DE H.OSAS<br />

Qué honica n' es la mar,<br />

qué bon ica en nit serena!<br />

<strong>de</strong> tant mirar lo cel blau<br />

los ulis li blavejan.<br />

Hi <strong>de</strong>vallan cada nit<br />

ab la lluna les estrelles,<br />

y en son pit, que bat d' amor,<br />

gronxa<strong>de</strong>s se breçan.<br />

Tot escolLant l' infinit<br />

sa dolça musica ha apresa,<br />

n' apar lo mirail <strong>de</strong>l cel,<br />

lo cel <strong>de</strong> 1 a terra.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


1û0 CANIGO<br />

Ahi' vesprc la veji<br />

com dormia 0n la maresma,<br />

com dormla cah<strong>de</strong>llanl<br />

escuma y arena.<br />

Los coralers <strong>de</strong> Bagm<br />

coralan clins llur harqucla.<br />

- Coralers, si m' hi voleu<br />

farèu bona pesca.<br />

Si volcu sa ber qui so,<br />

so una fada ampurdanesa,<br />

les fa<strong>de</strong>s <strong>de</strong>l Pirineu<br />

me diuhen Sir·cna. -<br />

Quant ells se tiran al fons<br />

jo 'n sonia ab les mans plenes,<br />

clis trauhcn rams <strong>de</strong> coral,<br />

jo aquest ram <strong>de</strong> perles.<br />

CIJOR DE GOJES<br />

1\!onlanyes regala<strong>de</strong>s<br />

son les <strong>de</strong> Canig6,<br />

elles lot l' any Ooreixen,<br />

prima vera y tarclor.<br />

LA FADA DE FONTARCE;-{'1'<br />

De Fonlargent u Oriege<br />

n'he baixada aquest mati<br />

pel rost <strong>de</strong> Clola Florida<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


CANlGO<br />

elles tot l' any Jloreixen,<br />

primavera y tardot',<br />

LA DE J.ANOS<br />

Sols per fervos un present,<br />

<strong>de</strong> llevant fins ù ponant<br />

he seguit la terra mla;<br />

vos ne porLo una arpa d' or<br />

que fa passar la tristor,<br />

que fa venir l' alegria.<br />

Cada colp que la toqueu<br />

vos hi respondrà nna ven,<br />

la ven <strong>de</strong> l'l'mima mia.<br />

CIIOll DE COJES<br />

Montanyes t·egala<strong>de</strong>s<br />

son les <strong>de</strong> Canigo,<br />

elles tot J' any noreixen,<br />

primavera y tardor.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


LE CANIGOU 165<br />

les voit en fleurs toute l'année, en automne comme<br />

en printemps.<br />

LA FÉE DE LANOS<br />

Dans l'unique but <strong>de</strong> vous faire un présent, j'ai<br />

P.arcouru tous mes domaines du levant jusques à l'oc-<br />

01?ent. Je vous apporte une harpe d'or qui chasse la<br />

lrJstess t . . . 1<br />

t e e appelle la JOie. Chaque fo1s que vous a<br />

.oueherez, une voix vous répondra, la voix <strong>de</strong> mon<br />

ame.<br />

1<br />

CHOEUR DE FÉES<br />

Mon lagnes délicieuses, que celles du Canigou ! On<br />

es Voit en fleurs toute l'année, en automne comme en<br />

Printemps.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


CANT SETÉ<br />

DESENCAN1'AMJŒT<br />

FLORDENEU<br />

Gentil meu, jo què 't daré<br />

si tant mes fa<strong>de</strong>s tc donan 1<br />

De què jo 't corono.1·é<br />

si d' or elles tc coronan?<br />

Te donaré lo meu cor,<br />

lo cor y la ma d' csposa,<br />

jo scré ta dolça fior,<br />

tu seras ma abella hermosa.<br />

Companyes, montres me 'n vaig<br />

a vestir ma verda vesta,<br />

com les boscuries pc'I maig<br />

<strong>de</strong>l am or per la gran fcsta;<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


170 CANIGO<br />

;, Sera que un vent ha foses les neus <strong>de</strong> l'alta cima,<br />

y a rius env lan ara ses a y gues a la VaU?<br />

;, Serà un estol <strong>de</strong> feres que ve mudant <strong>de</strong> elima,<br />

'l ürfol torb que espolsa sa crin com un ca val!;<br />

lo torb, aqueixa mànega <strong>de</strong> vents que arrasaclora<br />

traboca les cabanyes, los llachs y rius <strong>de</strong>vora,<br />

capola '1 tronch <strong>de</strong>ls arbres com ceps la poclaclora,<br />

a feixos cstimbantlos ab fort terrabastall?<br />

Es lo torrent cl' Annibal; ab grans <strong>de</strong>strals y serres<br />

li van obrint passatge cleu mil trebaliaclors,<br />

lo puig son front s'abaixa, la vaU s' umple <strong>de</strong> terres,<br />

lo pont d' una gambada passant rius bramadors.<br />

Les penyes, si fan nosa, y' ls grenys <strong>de</strong>l cami trauhcn i<br />

al colp <strong>de</strong>ls llenyatayres arrcu los arbres cauhen,<br />

los faigs y les muixeres son canyres que s' ajauhcn,<br />

los vellaners son herbes als peus <strong>de</strong>ls dalladors.<br />

Los balears (2) penjada duhen al hraç la fona,<br />

trenada ab tres hadies <strong>de</strong> canem y <strong>de</strong> pell,<br />

quant <strong>de</strong> sa roda encesa, que força y foch li dona,<br />

la pedra surt brunzenta, à aterra à fa portell.<br />

Lo cos <strong>de</strong>ls sagitaris segucix l' immensa rua;<br />

buyrachs feixuchs ressonan clamunt sa espatlla nua,<br />

l'Ltblerts tots <strong>de</strong> sagetcs <strong>de</strong> vcl'inosa pua<br />

q uc en sa volacla trcnca les ales <strong>de</strong>l aucell.<br />

Y, avall, onaùes cl' hùmcns à onacles succeheixen,<br />

ones <strong>de</strong> ferro à ouacles d' acer sense parar ;<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


C.\NTGO<br />

corn may encara 'n surten al cim, y ja cobreixen<br />

lo pla, les <strong>de</strong>l Massana seguint cap à la mar.<br />

1\lostrant al sol sa escala d' argent que lluhenteja<br />

aparl serpent enorme que corre y anguileja,<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Banyuls a Salces, <strong>de</strong> Salces fins à Osseja<br />

po<strong>de</strong>nt dues vega<strong>de</strong>s lo Rossellu faixar,<br />

En mitj <strong>de</strong> la boyrada <strong>de</strong> pols que 'ls acompanya<br />

lluhir se veuhen armes d' acer y escuts d' aram,<br />

com al tronar en vespres d' esliu en la monlanya<br />

se vou dins negres nüvols cohetejar lo llamp.<br />

Feixugues s' arrossegan les màquines <strong>de</strong> guerra,<br />

com si rodant cayguessen esberles <strong>de</strong> la serra,<br />

y, fent cacla rodada trontollejar la terra,<br />

rosegan ab Jlurs rocles la roca <strong>de</strong> Mon bram.<br />

Cent elefants segueixen, corn serres que caminan,<br />

formant grans siluetes al dors <strong>de</strong>l Pirineu ;<br />

per ferlas pa los roures <strong>de</strong> trescents anys s' inclinan,<br />

los castanyers se rompen, més llonjos que llur peu.<br />

Damunt <strong>de</strong>l més altlvol, en torra cisellada,<br />

Annibal atravessa l' immensa serralada;<br />

al vèurel jo <strong>de</strong>ls nüvols baixar, à no sor fada,<br />

<strong>de</strong> genollons en terra l'ha ur la pres per cleu.<br />

Gegant <strong>de</strong> peclra que umple la Vall y la domina,<br />

lo gros Monbram, d'Annibal als peus, sembla petit,<br />

a par que al vèurel dobla sa testa gegantina,<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


i74 CANIGO<br />

que sols lo llamp, eix glavi <strong>de</strong>ls nuvols, ha ferit.<br />

Es alt, ample d' espallles, <strong>de</strong> colossal. figura,<br />

un perpunt d' or abri ga son pit y sa cinlura :<br />

<strong>de</strong>ls joves <strong>de</strong> Cartago té l' ayre y la esLatura;<br />

té <strong>de</strong>ls Ileons <strong>de</strong>l Atlas lo lronador rugit.<br />

Una legi6 sagrada <strong>de</strong> nobles lo corona,<br />

seguintlo, corn al carro <strong>de</strong>l sollo resplandor ;<br />

ab una adarga abrigan son cos ampla y rodona,<br />

ses armes y sa ttinica son una llauna d' or.<br />

Derrera d' eUs les tribus <strong>de</strong> l' Africa negrejan,<br />

y 'ls espanyols sa espasa llarguissima manejan;<br />

quant los romans en Cannas llampeguojar la vejan,<br />

han <strong>de</strong> <strong>de</strong>ixar per ella llur ensis Lallador.<br />

Ans cl' arribarhi, una altra muralla los espera,<br />

<strong>de</strong> gran contramuralla Ji fan los Pirineus :<br />

<strong>de</strong>ls Alpes es l' abrupla suprema corùillera,<br />

munLada per una allra do glaces y <strong>de</strong> neus.<br />

Entre ells, en ample fosso, lo Rose fa sa via,<br />

serpent que ab una onacla l' cxèrcit dosfarJa,<br />

gran monstre <strong>de</strong> set hoqucs quo lot ho engoliria,<br />

sos olcfanls, ses al'mos, sos homens y sos <strong>de</strong>us.<br />

Per forta rcraçaga vint mil ca valls segueixen,<br />

tots clls fills <strong>de</strong>l Sahara, germans <strong>de</strong>l Simoün;<br />

com los ccnLauros, seUa ni brida no coneixen<br />

los eLiops que 'ls munLan, poltro y jenet fenL un.<br />

Al vèurels, claU <strong>de</strong>ls Alpes, la terra italiana<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


iïû GAN !GO<br />

elira lo C[UC al Pi rene sembla ara die la plana :<br />

CayenL d' eixcs allures, aqueixa allau humana<br />

<strong>de</strong>ls po bles que jo abri go me 'n ve a xafar algun!<br />

Des<strong>de</strong> 'ls murs <strong>de</strong> Ruscino, que allà cl' allà ncgrejan,<br />

umplirse cl' armes miran llur terra los sardons,<br />

tranquils miran les messes <strong>de</strong> Mart corn hi onejan,<br />

los elcfan ts, los pollros, les llances y 'ls penons.<br />

- Alsùuvos contra Annibal,- ahi"ls romans los clcyn 11 ·<br />

- Alsàuvos contra Annibal,- y il bell esclat ells rey an,<br />

clavant <strong>de</strong> la riuhacla com canycs ells sc veyan,<br />

y ab canyes no s' atura lo riu <strong>de</strong> les nacions.<br />

- Donàumc pas,- d'Annibal los missatgcrs los diuhC 11<br />

avuy;- jo vaig a Italia, so amich, no us fassa po'._..<br />

Ells ouhcn lo missatge pru<strong>de</strong>nts y no sc 'n riuhen:<br />

- Que passe,- li responen, tancantsc en RosselJ6.<br />

Y tot un jorn vejercn per sola sa mu ralla<br />

passar peons, fonèvols y carros <strong>de</strong> hatalla,<br />

arqucrs ab sa ballesta, dallayres ab sa cl alla.<br />

Què hi vc à ccrcar à Emopa <strong>de</strong> l' Afl'ica '1 lleo?<br />

1, Què hi vc U. cercar? ve à bhtros ab l'ali ga romana,<br />

la terra no cs prou ampla per dos rivais tan forts;<br />

vc à traure <strong>de</strong> son trono <strong>de</strong>l mon la sobirana,<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


178 CANTGO<br />

à Roma ô a CarLago ve a obrir lo camp <strong>de</strong>ls morts.<br />

Per què à morir vola vau aixis, tribus guerrcres?<br />

Per què pas tors no us feyau d' aqueixes torrenteres?<br />

Les fa<strong>de</strong>s <strong>de</strong> lVIirmanda, <strong>de</strong> Rossell6 y Alboras<br />

dançavam aqucll dia clins lo Bosquet <strong>de</strong>ls Horls.<br />

LA DE F0;'1TARGENT<br />

NOGUERA Y GARONA<br />

De Beret l' immcnsa plana<br />

té la forma do broçol,<br />

Lé monlanyos por harana<br />

hont com marc aguayta 'l sol.<br />

Té per alLa capçalcra<br />

la montanya <strong>de</strong> Crabera.<br />

La geganla corclillcm,<br />

pcr breçar sos IJ!Js la vol.<br />

La Nogucra y Jo Garoua<br />

son los tllls quo Deu li clona,<br />

que ja al naixer s' ompaytarcn,<br />

corregucrcn y salLaren,<br />

corn dos nins joguincjant.<br />

Nogucra per alôs<br />

tot joguin6s,<br />

Garoua pol' Aran<br />

tot rondinant.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


Hlû CA;>lGÛ<br />

La Noguera Pallarcsa<br />

sc lle1'A més <strong>de</strong> mati;<br />

quant <strong>de</strong>l nort la vista ha prcsa<br />

<strong>de</strong> mitjorn pren Jo cami.<br />

Son germ[t, que anava à Espanya,<br />

veu al allre que l' enganya,<br />

qne li <strong>de</strong>ixa sols monlanya,<br />

fentsc scu tollo janli,<br />

Corn volula que sc 'n torna<br />

en lot vert plafo que adorna,<br />


182 CANJGO<br />

mal-clavaùa en un llis d' herba,<br />

ha ovirat fèrrea y superba<br />

la gran Maça <strong>de</strong> Roland.<br />

Noguera pcr Alos,<br />

tot jognin6s,<br />

Garona per Aran<br />

tot rondinant.<br />

Espanyol que s' afrancesa,<br />

lo Garona, mal paysù,<br />

elu 6. la França la ri


LE C.I:\'TGOU<br />

encastré dans un gazon uni: c'est la gran<strong>de</strong> massue <strong>de</strong><br />

Roland.<br />

Naguère par Alos en sautillant, et Garonne par<br />

Aran en murmurant.<br />

Espagnole qui <strong>de</strong>vient française, la Garonne, patriote<br />

infidèle, apporte en France les richesses qu'elle<br />

a amassees en Espagne; et, I1ous voyant pauvres en<br />

sources, elle Ya porter son superflu ù l'Atlantique,<br />

pendant que l'autre déverse dans la Méditerranée quelques<br />

eaux rares et saumàtres.<br />

Ah 1 ces <strong>de</strong>ux jumelles, comme une gerbe mal liée,<br />

remettent en mémoire l'histoire ùc bien d'autres jumeaux<br />

qui s'entendant entre eux comme chien ct<br />

chut.<br />

Garonne par Aran en nmrmuran t, ct Naguère par<br />

Alos en se jouant (3).<br />

CHOEUR DE FÉES<br />

Bt toi, Naïa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Lan os, toi


JSG<br />

quant la té dinlrc <strong>de</strong>lllaç<br />

cati va se la emmnava;<br />

no li valcn, no, l' aruh d' or,<br />

ni les sagclcs <strong>de</strong> plata,<br />

ni sos ulis negros, rruc son<br />

més homici<strong>de</strong>s encara.<br />

Mes no sé qui cs lo caliu,<br />

Jo moro o la cristiana;<br />

si n' es la lilla <strong>de</strong>l duch,<br />

lo cativcri li agl'atla;<br />

si no l1o es, cs que 'ls grillons<br />

ù son robador posava.<br />

- Robadora <strong>de</strong>l amor,<br />

princesa <strong>de</strong> l' Aquilania,<br />

què vols ? - lo moro li diu, -<br />

mes que si a la mcva ùnima.<br />

-La leva anima cs pcr Deu,<br />

jo sols vullla tcva espasa,<br />

que abans feresca 'l ntcu cor<br />

que '1 cor <strong>de</strong> ma dolc;a palria. -<br />

Entre Abü-Nczah y lo duch<br />

pau clerna s' esjurada,<br />

llaç <strong>de</strong> floJ's ab qt1c 1' amal'<br />

uncix lo niu y la branca,<br />

Jo moro y Jo cJ·isLià,<br />

lo Llenguadoch y l' Arabia,<br />

uncix Jo dla y la niL<br />

ab una estrella per gara.<br />

Llaç <strong>de</strong> flors que 'ls ltas lligat,<br />

Deu le tlô llaJ'"It clurada.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE C.\NIGOU<br />

'18ï<br />

l'a prise dans ses lacets, il a amené sa prisonnière,<br />

sans qu'olle pùt se prévaloir ni <strong>de</strong> son arc d'or, ni <strong>de</strong><br />

sos flèches d'argent, ni <strong>de</strong> sos yeux noirs encore plus<br />

meurtriers. Mais je ne sais vraiment quel est le pri­<br />

sonnier, du Maure ou <strong>de</strong> la chrétienne. Si c'est la fille<br />

du duc, l'esclavage lui plaît; dans le cas contraire,<br />

c'est alors ello-mème qui avait dressé Je piège et pré­<br />

paré les chaînes à son ravisseur. - « Ravisseuse <strong>de</strong><br />

• l'amour, princesse d'Aquitaine, lui dit le Maure,<br />

« que veux-tu? Deman<strong>de</strong>, quand ce serait mou âme . "<br />

- • Ton âme est à Dien ; je ne veux que ton épée :<br />

• qu'clio perce mon propre cœur, plutôt que <strong>de</strong> se<br />

• tourner jamais contre ma douce patrie! »<br />

Dne éternelle paix avait été conclue entre le duc et<br />

Ahu-N ézah, nœud enguirlandé <strong>de</strong> ne urs qui rattache<br />

le nid à la branche, le Maure ot le chrétien, le Lan- -<br />

guedoc ot l'Arabie, qui enon unit le jour et la nuit,<br />

ayant pour ag·rafe une étoile. Nœud fleuri qui les as<br />

rapprochés, que Dieu tc fasse durer longtemps l<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


i88 C.IN JG 0<br />

li<br />

Ab<strong>de</strong>rraman ho ha sabut,<br />

vol veure si '1 <strong>de</strong>sfaria,<br />

al cri t <strong>de</strong> i muyra '1 traydor !<br />

vers Catalunya camina,<br />

Yint mil hàmens du <strong>de</strong> peu,<br />

cleu mil <strong>de</strong> cavalieri a;<br />

pcr davanter va Zcyan,<br />

brau aclalit <strong>de</strong> la Siria.<br />

En Jo camp cs un corccr,<br />

en los ri us es un a an gu il a,<br />

en lo combat un llc6<br />

<strong>de</strong>ls <strong>de</strong> sa terra nadiua.<br />

Abü-Nezah no 'n sab res,<br />

massa fort l' amor lo lliga;<br />

quina nit tindrà, si dorm !<br />

quin <strong>de</strong>spcrtar, si som la!<br />

Ab ell dormen sos soldats<br />

dintrc 'l fort <strong>de</strong> Julia- Llivia.<br />

Oh, Julia-Llivia ! à tu y cils<br />

la hora fatal vos arriba.<br />

Jal' cncmich cs aqui,<br />

ja té les claus <strong>de</strong> la vila.<br />

Los clefensors son coval'ts,<br />

n' hi ha gran escampacliça;<br />

los uns fugen cap à Llo,<br />

los aitres cap a Anguslrina.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


-------- --<br />

II<br />

Ab<strong>de</strong>rraman a tout appris, et veut tenter <strong>de</strong> faire<br />

essuyer une défaite au gouverneur. Au cri <strong>de</strong> « Mort<br />

au traître ! >> il s'avance vers la Catalogne avec<br />

vingt mille fantassins et <strong>de</strong>ux mille cavaliers. A l'a­<br />

vant-gar<strong>de</strong> marche Zeyan, brave et farouche général<br />

syrien: c'est un coursier sur le champ <strong>de</strong> bataille, une<br />

anguille dans les rivières, et enfin dans le feu du<br />

combat c'est un lion <strong>de</strong> ceux quo produit sa terre<br />

natale. Abu-Nézah ignore tout encore ; l'amour le tient<br />

trop fortement enlacé dans sos liens. Quelle nuit v::t­<br />

t-il avoir, s'il dort 1 et s'il rêve, quel réveil! ... Auprès<br />

<strong>de</strong> lui reposent ses soldats, dans le fort <strong>de</strong> Julia Llivia.<br />

Ah 1 Jnlia Llivia! l'heure fatale va sonner pour eux<br />

et pour toi. Voilà l'ennemi qui arrive, et d6jà il a les<br />

clos <strong>de</strong> la ville. Les d6fenscurs se montrent sans cou-<br />

rage, et sc dispersent <strong>de</strong> tous cùt6s en fuyards, les<br />

uns ilu côté <strong>de</strong> Llo, les nuLrcs du côtô d'Angoustrine.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

Il.


LE CANIGOU 191.<br />

Quand tombe le ehêne <strong>de</strong> la forêt, les oiseaux aban­<br />

donnent leurs niùs. Abu-Nézah détale à son tour, seul<br />

avec la fille du ùuc Eu<strong>de</strong>s; il fuit sans savoir où il va,<br />

comme un aveug·le sans gui<strong>de</strong>. Zeyan court à sa piste<br />

avec sa meute <strong>de</strong> Maures. Aussitôt que leurs clameurs<br />

parviennent aux oreilles <strong>de</strong> Lampégie, elle s'écrie en<br />

versant <strong>de</strong>s larmes <strong>de</strong> sang, et s'adressant à son époux:<br />

- > - « Non,<br />

Lampégie, la vie m'abandonnera avant que je t'aban­<br />

donne. » - Ils s'arrêtent tout près d'une fontaine,<br />

appelée aujourd'hui Funtaine <strong>de</strong> la Reine ... lis onl<br />

soif, mais ils ne boivent pas, l'eau leur serait trop<br />

amère; ils ont sommeil, mais ils ne peuvent dormir,<br />

les fleurs ùu sol leur semblent <strong>de</strong>s orties ... C'est là<br />

que l'ennemi les surprend. Elle se penche sur son<br />

époux, comme se couche une plante <strong>de</strong> basilic quand<br />

olle a été foulée ... do son corps comme d'une aile, et<br />

ile son épée il la protège, laissant pleuvoir sur lui les<br />

coups ùo cimeterre ct <strong>de</strong> poignard, jusqu'à ce qu'il<br />

tombe sur le gazon <strong>de</strong>jà rougi <strong>de</strong> son sang: on dirait<br />

un tapis vert semé <strong>de</strong> rubis. Hélas! si le fer ne l'avait<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


102 C:.\ N 1 G cl<br />

Si 'l ferro no ho hagués fet,<br />

lo dolor lo malaria·<br />

al vèuresen emportar<br />

sa enamorada cativa,<br />

la coloma pe'l mila,<br />

pc'l porcellla margarida.<br />

En gropa <strong>de</strong>l scu corcer,<br />

Zeyan la porta al califa,<br />

al califa Ahclerraman,<br />

que al peu <strong>de</strong>l Pircne arriba.<br />

Ell aixeca 'ls ulis al cel<br />

y 1 nom cl' Alah pronuncia,<br />

pronuncia 'l nom d' Alah :<br />

- La Dlla J' Eu<strong>de</strong>s m' encisa.<br />

Es la flor <strong>de</strong>l Pirineu<br />

en lo ple <strong>de</strong> sa llorüla,<br />

es la corona-<strong>de</strong>-rcy (4) ;<br />

un rey sc 'n coronaria.<br />

Sera en l' harem <strong>de</strong> Damasch<br />

<strong>de</strong> l' hermosura regina,<br />

la rosa d' aquell jardl,<br />

la perla d' aquella riba.­<br />

Allnfeliç aymador<br />

li donan tomba llnhida<br />

cl' un triangle coronat<br />

ab CLipula damasquina,<br />

dins lo poblc <strong>de</strong> Planés,<br />

a quatre lleugucs <strong>de</strong> Llivia.<br />

Los vincnts escatirü.n<br />

si es mausoleu ô mcçquita.<br />

si l' han fcta cristians<br />

ô moras <strong>de</strong> i\foreria;<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


l\14-<br />

C.l NIC Ù<br />

mes en la tomba <strong>de</strong>l moro<br />

los cri tians cliuhen missa,<br />

que ja era milj crislià<br />

qui en mans <strong>de</strong> moros morla (5).<br />

CHORDE FADES<br />

Si no fosscm al cim d' una montanya,<br />

pcr sircna 't pendriam <strong>de</strong> lu mar;<br />

mes, plega, plega ta canru, oh company a !<br />

l' historia <strong>de</strong> Lampegia 'ns fa plorar.<br />

Y Lu, Gentil hcrmos, pcr qui s' acosta<br />

l' hora d' amor, pàrlans cl' amor si 't plan;<br />

la Jlor ne parla al riu, al mar la costa,<br />

y ri us y mars ne parlan al ccl blan.<br />

i\Jnda dorm en Los braços l' arpa hermosa<br />

fJ uc 't reg a là la fada <strong>de</strong> Lanùs;<br />

sobre lon pil cstrenyla com esposa<br />

y llanr,a al vent un cantich amorus.<br />

CAN'f DE GEN'l'IL<br />

Amor, amor, hunt me pujares '1<br />

hunt sou, amichs? hunt sou, mos pares'?<br />

y jo matcix, ùigaumc, hünt so?<br />

Digasmho tu, Grisclda bella,<br />

ma hermosa e trclla<br />

ùe Canigù.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


J()(j<br />

Y tu, els <strong>de</strong>l cel guspirn. eterna<br />

ô sols fanlàsticn.lluhema?<br />

tins al infern ô al paradis?<br />

Mes es aci tan dolç Jo viure,<br />

veyent somriure<br />

ton ull blaviç!<br />

Què se me 'n dona <strong>de</strong> la terra<br />

si ·t Linch aci, en est cim <strong>de</strong> serra?<br />

Mes càm nos mira '1 sol naixenl !<br />

Pùrlam vers hont surt com poncella<br />

que s'esba<strong>de</strong>lla<br />

pe'l firmament.<br />

Dtlsme vers honl los ulls va il. clourc<br />

<strong>de</strong> sa carroça l' or fent plourc,<br />

rey que 's retira à son palau,<br />

y <strong>de</strong> son golf al golf d' eslrelles<br />

voguèm entre elles<br />

per lo cel blau.<br />

Pt'tjn.m amunt, <strong>de</strong> b1·n.nca en branca,<br />

<strong>de</strong>s<strong>de</strong> hont lo mon cam arl)I'C ananca<br />

11ns al cimal entre 'l fruyt d' or;<br />

püjam amunl, y mnunt encara,<br />

màstram la cant<br />

<strong>de</strong>l Criador.<br />

i\Ies si jo 't linch, per què m' anyoro?<br />

'i tu 'm som ri us, donchs, <strong>de</strong> què ploro?<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


:W4 CAN!GÙ<br />

Del color se vesteix ab que l\lahuma<br />

solla veure en somnis les huris;<br />

ao son vesliL <strong>de</strong> virolatla ploma<br />

no es lan herm6s l' aucell <strong>de</strong>l paradis.<br />

Del estany se contempla en l' aygua clara,<br />

que s' atura per ferli <strong>de</strong> mirall,<br />

<strong>de</strong> sos ulls dolços y rihonta cura<br />

cntretenint l' imatge on son cristall.<br />

De roses porta al front una coronu<br />

am mate ix cullitles al verger,<br />

culli<strong>de</strong>s per l' amor que l' osperona,<br />

fcnl florir en sa cat·a a ttre roser.<br />

Cap al jardi, com <strong>de</strong> son rusch l' a bella,<br />

amatenta sorlia <strong>de</strong>l palau,<br />

quant <strong>de</strong> son cel l' esmorluhida estrella<br />

<strong>de</strong> congostn. en congcsta als pcus li cau.<br />

Sos ulls son plens <strong>de</strong> neu, d' ombra y polcina,<br />

sa cara es <strong>de</strong> cadavre, sos cabclls,<br />

ma<strong>de</strong>in <strong>de</strong> ru d' or i ay! pul'pmina,<br />

rosscja en rochs y mates à cabdclls.<br />

Encastarcnshi a riuxos ses garlanùcs,<br />

sa gonella ùc scda y suu brial,<br />

les poeles it cnûlaJls, los llot:hs y mntles<br />

tlo sa gemada vesta uupcial.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


200 CANlCÛ<br />

Ella cauli damunt, y ses companyes<br />

los ploraren lres dies a Lots dos,<br />

dihentse ab safareigs, colls y monLanycs :<br />

- Ay t l' astre que se 'ns pou fou ben hermas ! -<br />

A la tercera aurora ella 's retorna,<br />

son plor aixuga ab sos sedosos rulls,<br />

no volùria plorar, mes sempre hi Lorna,<br />

b què poùeu fer sin6 plorar sos ulls?<br />

Fa posar aquell cos dintre la barca,<br />

barca que es i ai t sepulcre <strong>de</strong> recorts !<br />

per ultima vegada ab ell s' embarca,<br />

y acompanya sa vida al camp <strong>de</strong>ls morts.<br />

A cada banda vogan tres remeres,<br />

negres estan sos cors com sos veslits,<br />

no jugan ja ah lo vent &cs cabellcres,<br />

que 'ls cauhen, cam les llagrimes, als pits.<br />

Cantarli cftnlichs <strong>de</strong> Lristor voltlrian<br />

y 's posan lotes sis à sospirar,<br />

quant recordan aquells que li pluvian<br />

cam cànLichs <strong>de</strong> sirencs <strong>de</strong> la mar.<br />

Aquells torrents scgueixcn d' oua en onu,<br />

UlfUeJls prats anyorivoh; d' un a un,<br />

cam un iJI'il!anL ca y gu L clc sa corona<br />

ella cnsenyanllos son gojat di!'unt.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


208 C.\ :\1 G Ù<br />

_ , --<br />

Lo mostra à les estrelles que 'ls ulis clouhen,<br />

com Flor<strong>de</strong>neu tranzi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> plorar,<br />

als aucellets joyosos que 'ls <strong>de</strong>sclouhen<br />

tan <strong>de</strong> mati sentintla gemegar.<br />

Lo mostra als jeçamins qLJe l' ombrejaren<br />

y, esflorant ses corones sobre d' el!,<br />

<strong>de</strong> tlors al bes <strong>de</strong>l ayre l' arruixaren,<br />

i era tan jove, Lan ayros y bell !<br />

Als miosotis l' ensenya <strong>de</strong> la riba,<br />

a les glebes <strong>de</strong> gel que ou sospirar,<br />

d' argent y <strong>de</strong> crislall il la font viva<br />

que .cie les gojes es l' espill més clar.<br />

De glaça les cavernes que sengloLan,<br />

d' hont, com perles en beyres argentins,<br />

<strong>de</strong> fil a filles llagrimes <strong>de</strong>gotan,<br />

pe'ls ayres escampant remors divins.<br />

A y! en re torn, cada tur6, cada arbre,<br />

l'herba que naix, l' cstrella que florcix,<br />

li sembla que li moslra ab cor do marbre<br />

do son vcstiL do noces un esqui cx.<br />

Ella 'ls <strong>de</strong>mana d' un a un vcnjança<br />

contra Guifre, y ab boyr·es <strong>de</strong> tardo'<br />

<strong>de</strong>l cel esborra l' iris <strong>de</strong> bonança<br />

que coronar solia 'l Canigo :<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


210<br />

CA"' I G 0<br />

aL branlfues <strong>de</strong> llorcr l' aygua tranquiJa<br />

hat <strong>de</strong>l estany, y, ab ses mateixes mans,<br />

congria 'l torb d' ales <strong>de</strong> foch y apila<br />

ülos nvols sobre 'ls mivols udolanls.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


LE CANIGOU :21'1<br />

--------------------------------------<br />

1<br />

, De ses puissantes mains <strong>de</strong> fée, elle agite ct trouLie<br />

eau <strong>de</strong> l'étang avec un rameau <strong>de</strong> laurier, elle appelle<br />

le tourbillon aux ailes <strong>de</strong> feu, et anoncelle les nns sur<br />

les autres les nuaO'es dont les gron<strong>de</strong>ments ne tar<strong>de</strong>nt<br />

P . "'<br />

as a se faire entendre.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


C.\ N 1 Gtl<br />

mes ay ! mentre ell cstimba son fill hermos !<br />

Sos ulls aixis que ho vcuhcn semblan <strong>de</strong> boig,<br />

sa cara se trasmucla com ùe qui 's mor.<br />

Llavors se clona compte <strong>de</strong>l sen pccaL,<br />

Jo concix y s' esglaya; mes ay! ja cs tart.<br />

Plantat daJt rle la cima com pil.ra-llamps,<br />

11e <strong>de</strong>mana un als nüvols, no ·n hnixa cap !<br />

Com qui cerca meLzines al fons d' un vas,<br />

mira 1 fons <strong>de</strong>l abisme <strong>de</strong>sesperil.t,<br />

negra gola <strong>de</strong> monstre que 'l va xuclant.<br />

l, Sc llevani la vitla com un covart,<br />

seguint Jo herm us cadavre côrrechs ava!J?<br />

l, Se liraru al feréstech gorch <strong>de</strong> Balaig?<br />

Bé ho faràu prou los moros si 's vol matar,<br />

no 'ls mancan cimitarres, los sobran clarls,<br />

y clc llanccs se 'n vcuhcn tot un canyar.<br />

J a baixa ùe la cima Lot csvarat,<br />

donan t cnsopegaJcs com cmbriach.<br />

Part d' amunt tle Valmanya fa rcssonar<br />

la trompa que son avi dnya al combat.<br />

No tri gan a respondre per les afraus<br />

los jôvrns capcinesos, los vells cerdans,<br />

aucclls que ù la tempesla s' han csbullat.<br />

Cami <strong>de</strong> Serrahona (l) va atravcssant<br />

los rierons que regan l' hort <strong>de</strong> Vinçà ;<br />

oàsis que eixes serres lenen tencil.t<br />

pcr·que no 'ls lo marcescnl' ayrc ùe mar.<br />

Del Canigù los Aspres son l' arrclam<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


216 CA:'; LGO<br />

<strong>de</strong> serres que enlrelligu cap a !levant ;<br />

en llur <strong>de</strong>rrera onada s' alça un to


230 CA ;>;J GU<br />

En Jo cel sercnissim <strong>de</strong> la gloria<br />

il-luminal pel sol <strong>de</strong> la victoria,<br />

veu Tallafcrro un nt'1vol ncgrejar,<br />

com en lu cnrs <strong>de</strong> la di vina historia<br />

sc veu l' ombra <strong>de</strong> Judas apunlar.<br />

No ob lanl, entre 'l lemor y l' csperança,<br />

ab . os gcrmans vers Canigo se llança,<br />

<strong>de</strong>sitjùs d' arribar a Sant Marli;<br />

no '1 dislrauhen un punl ùe sa frisança<br />

la volta blava ni '1 verùos cami;<br />

los l.l.sp•·es cims ni les humils comellcs<br />

hont baixan a jugar les fontanelles<br />

fr·isos es <strong>de</strong> lornarse ricrons,<br />

----<br />

ni 'ls eslanys que 11ls paslors y à les eslrelles<br />

fan rle mirall ab llur clarissim fons ;<br />

la mùsica <strong>de</strong>ls asL•·es y armonia,<br />

a qu11l suau remor dorm y somia<br />

sola r l.l.la <strong>de</strong>l celll.l. terra hu mil,<br />

ni la fageù11 honl la nalura cria<br />

aucell · y !lors, amor ùc maig y abri! ;<br />

ni <strong>de</strong>ls aucells les ùolccs canticeles,<br />

ni <strong>de</strong>ls Lurons les vrrdcs Luniceles<br />

que ab ses conaesles cmbelleix la neu,<br />

com lluhenlcs y blanques llenticueles<br />

<strong>de</strong> feslivol veslil t[UC 'ls posa Dcu.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


232 c.1 :-; rr. 6<br />

Enlre 'Js dos comtes caminanL Oliva<br />

al front <strong>de</strong> la guerreracomiLiva,<br />

com davant la buyratla ltermùs este},<br />

esLrany presentimenl en ell s' aviva,<br />

dinlre son cor fenl <strong>de</strong>got.arhi fel.<br />

Al veure, menLrestanL, que may tornava,<br />

al bell Genlil son escULler cercava,<br />

guiaL entre cingleres pe'ls pasl.ors;<br />

eslona havia que pe'l bosch roclava<br />

t[uant senli més amunl sospirs y plors.<br />

La riera scguinl <strong>de</strong> Comalada,<br />

arriba a un gorclt que aplcga la suada<br />

<strong>de</strong>l fl'onl escardalcnch <strong>de</strong> TreLzevcnLs;<br />

una congcsla hi hu damunl gclada,<br />

que may vcjcrcn fosa lo vivenls.<br />

En gran anfllealrc la limhera<br />

s' arqucja cap al cingle <strong>de</strong> Balera,<br />

y, gola immensa <strong>de</strong>l fcrreny Lita,<br />

Jo que cs avuy un gorch y ampla gclera<br />

tal voiLa fou lo cràler ù' un volca.<br />

La neu alli al hivern s' arremolina,<br />

glaçantse en l'escalada gegantina<br />

d' aqucll roquer, faulastich colisscu,<br />

y avuy nl dcsglaçarse sa ruhina,<br />

l' apsis apar <strong>de</strong> troccjada cu,<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


236 C.\ :-.; 1 GO<br />

Com faig <strong>de</strong>l Pirincu que '1 llamp alcrra,<br />

lo comte Tallaferro cau à terra;<br />

lo cadavre que estreny li gela 'l pit ;<br />

son cos du vint fcridcs <strong>de</strong> la gucrra,<br />

mes aqucsta arribà à SOJl cspeeit.<br />

De prompte sc t:ef'à y, punyil. perl' iea,<br />

al scu voltant los ulis encesos gil'a :<br />

-;, Qni ha mort mon Jlll?- cridanl ab vcu <strong>de</strong> teo;<br />

Yees l' hermitori Guifre e relira,<br />

mes confus y lleal responli : - Jo!-<br />

Com un llampC'ch, <strong>de</strong> Tallafcrro ar<strong>de</strong>n ta<br />

la cspasa vola vers sou cot· lluhenla,<br />

mes ja, rohan llo tt son cruel <strong>de</strong>silj,<br />

Oliva al asscssi dona una crnpcnla,<br />

posant lu porta y à ell malcix en milj.<br />

Per la sagcla <strong>de</strong>l tlolor ferida<br />

cerva, cau à ses plantes l' homicida,<br />

son crim csgarrifus pcr confessat' ;<br />

per ben perd uLla té i olt dolot'! sa vitla,<br />

mes, cristià, vol l' ànima salvar.<br />

Com una maça on lo tiù que estella,<br />

cauhcn uns punys damunt la porla vclla,<br />

que ab cruixiùora y gc•mogül' rospon ;<br />

al primer colp la fusla sc clivclla,<br />

mes goll'os y muntants <strong>de</strong> fctTO son.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


Oliva conclolgut ab elis sospira,<br />

C.\:XIGÙ -----<br />

ab més plors apagant lo foch <strong>de</strong> r ira,<br />

y ab més cendra l' ardor <strong>de</strong>l esperil,<br />

y uninlse les tres !lames 1lc la pira,<br />

fctn sola un a oracio lola la niL.<br />

Y la dolça oracio cl' una volada<br />

puja al bon Dcu, damunl sa aJa inllamada,<br />

tres espcrits lligals pcr un amoe;<br />

aixis tres gotcs <strong>de</strong> suau rosada<br />

s' aplegan clins Jo c;\lzcr d' una flor.<br />

Al primer raig cle Hum que la parpella<br />

fel'eix <strong>de</strong>l Oncslral


244 C.l :\1 G ,·,<br />

Sospira ab hùmen,; y al'brcs la campana,<br />

corn plora 'l gcrmu mort una germana,<br />

pcr qui canlava ùolçamcnl ahi',<br />

al cenyirse l' espasa ceretana<br />

aqueix que com un lronch jau ara aqui.<br />

Al pregon <strong>de</strong> l' arrau lo llop ndola,<br />

lo vent xiula entre 'ls pins y lorniola,<br />

les gales lrocejanl <strong>de</strong>l mes <strong>de</strong> maig,<br />

ab son nüvol més negre '1 cel s' endola<br />

y ploran sos ul,ls blaus à raig, à raig.<br />

La Font <strong>de</strong>l Comte raja gota a gota,<br />

apar una cncantada que senglola,<br />

amagada <strong>de</strong> l' cura en la verclor;<br />

prou canta 'l rossinyol, mes cada nota<br />

es un gemech que fa pm·lir Jo cor.<br />

Com qui remou los ùssos d'un ossari.<br />

grossos penyals pcr côclols font roclarhi,<br />

fuig pla avall la ricra <strong>de</strong> Cadi.<br />

Lo cel no sembla 'l cel, cmbla un sutlari,<br />

si la terra un caLlavre geganli.<br />

De llarclt à llarch l' cslenen en la fossa;<br />

mes ahans d' entcrrar sa lesta rossa<br />

que besacles <strong>de</strong> goja han arrosat,<br />

l' abal-bisbe mo lranlloslo ab la croça :<br />

\<br />

--<br />

- Tol, -exclama, -en lo mt'Jn cs vanilal;<br />

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240 c.1:; re 6<br />

hcr·mosura, plah0rs, somnis <strong>de</strong> gloria,<br />

noms que ara apren pcr oblidar l' h istoria,<br />

les corones y ceptres, l' or y ar·gent,<br />

tot ho esborm una llosa mortuoriu;<br />

cap al no-res lot se 'n ho porta '1 vent.<br />

Mes no lot l'home en lo fossar s' esbul la;<br />

<strong>de</strong> erisaliùa hi <strong>de</strong>ixa la <strong>de</strong>spulla<br />

quant s' enarbora al regne <strong>de</strong> la llum;<br />

aixis <strong>de</strong>ls lliri-jonchs que 1 vent esfulla<br />

al ccl s' enlayra 'l regalat perfum.<br />

Alli a Gentil podrèm reveurc un dia;<br />

men tres per cil lo càlzer oferia,<br />

cu l' ayre he vist passar son cspcril,<br />

mirant aquella sanch que rcntaria<br />

son cor <strong>de</strong> terra pc"l clolor ferit. -<br />

L' enterraclor cumplcix ah son oflc i ;<br />

pe'l pobre Tallaferro i quin suplici<br />

vcurc colgar aqucll amal tresor !<br />

com victima mcnada al sacrifici,<br />

està trist, capflcat, csglayatlo1'.<br />

Lo comte Guifrc, <strong>de</strong> gcnolls en terra,<br />

al milj colgat miny6 cncara s' afcrra,<br />

ùemananlli perdu <strong>de</strong>l sen pecat.<br />

Los aUros cavaliers al que s' cnlena<br />

miran, quiscü en sa llança rcpenjal.<br />

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LE C.I.NlGOU 249<br />

Seul, s'efforçant d'alléger la douleur ùe tous, Oiiva<br />

conserve la sérénité <strong>de</strong> son âme. A son exemple, ils<br />

lèvent souvent les yeux au ciel, à cet heureux port <strong>de</strong><br />

l'âme qui a souffert, là oü la fleur n'a plus d'épine et<br />

le cœur plus <strong>de</strong> fiel.<br />

- « Je veux rester auprès <strong>de</strong> lui sur cette mont> - s'écrie le comte <strong>de</strong> Cerdagne d'un ton.<br />

résolu; - « si la couche est dure, il ne convient<br />

«pas qu'il y repose seul. Je sens que mon âme est<br />

• déjà compag·ne <strong>de</strong> la sienne, et dès aujourd'hui elle<br />

«dormira dans son tombeau.<br />

«Mon fils Haymond saura gouverner mes domaines .<br />

« Quant iJ. moi, je veux faire ici-même un monastèrr,<br />

« pour y terminer mes jours dans la pénitence. Puis­<br />

" que je n'ai pas su pratiquer la science <strong>de</strong> la vic.<br />

« laissez-moi apprendre ici le secret <strong>de</strong> mourir. )l -<br />

Oliva lui répond alors : - « S'il doit y avoir un<br />

« asile <strong>de</strong> moines dans ces forêts om hreuses, empruntez<br />


LE C.\NIGOU<br />

EXALADA<br />

Charlemagne, en ce lemps-là, sc trouvait ù Aix-la­<br />

Chapelle. Ce soleil <strong>de</strong> l'histoire, alors au midi <strong>de</strong> sa<br />

puissance, était sur un trône d'or, entouré <strong>de</strong> la fleur<br />

<strong>de</strong>s princes ct ducs ùe toutes les nations, qui ne rou­<br />

gissaient pas <strong>de</strong> courber <strong>de</strong>vant lui leurs nobles têtes.<br />

Cinq vieux moines, pauvrement vêtus <strong>de</strong> leurs robes<br />

<strong>de</strong> bure, se présentèrent au grand empereur, ct lui<br />

tinrent cc lang·age, souvent entrecoupé <strong>de</strong> soupirs et<br />

<strong>de</strong> larmes:<br />

- « Roi adoré, que Dieu a donné au mon<strong>de</strong> pour<br />

étendre son règne, souverain plus granù par le cœur<br />

que p:u· l'éclat du sceptre et <strong>de</strong> la couronne, nous<br />

Vous en supplions, écOLJtez notre prière. Ilier encore,<br />

nous étions relig·ieux à Exalacla, près ùu chemin qui<br />

conduit <strong>de</strong> Llivia à Pra<strong>de</strong>s. Nous avions lù église ct<br />

monastère, jardins en Ileurs, vieux parchemins que Je<br />

cœur ne sam·ail oublier, livres d'église que nous con-<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


servions avec un soin plus religieux que l'or, autels <strong>de</strong><br />

marl.Jre, cloîtres où un grossier ciseau, dans un style<br />

primitif et barbare, avait sculpté les animaux, sauvages<br />

habitants <strong>de</strong> notre bois voisin. Nous ne manquions<br />

ni <strong>de</strong> logements ni <strong>de</strong> ressources, et le pauvre pouvait<br />

trouver chez nous asile et secours contre le froid el 'la<br />

faim. Mais, ô grand désastre ! <strong>de</strong> tout cela il ne reste<br />

plus aucune trace : un instant a suffi pour que la<br />

crue d'un torrent ait tout emporté, si bien qu'on<br />

ne reconnaît même plus la place oü fut le monastère.<br />

''Dans la vallée ensoleillée que domine la tour Cer­<br />

ùane, vivait le chevalier d'Envetg, trop adonné aux<br />

plaisirs. Sa malheureuse épouse, attristée <strong>de</strong> ses cou­<br />

Pables amours, ne cessait <strong>de</strong> prier Dieu qu'il vou] ù t<br />

bion lui rendre le cœur <strong>de</strong> son mari, trop épris <strong>de</strong> la<br />

charmeuse <strong>de</strong> Lanos, <strong>de</strong>puis le jour oü il la vit sc bai­<br />

gnant dans le lac, semblable à un nénuphar épanoui.<br />

Il tomba dans ses bras, ct oublia bien vite, hélas !<br />

dans la prison que ces liens lui avaient faite, ses fils,<br />

son épouse ct son foyer. La rivière <strong>de</strong> la 'l'cl, qui <strong>de</strong>puis<br />

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15


L 1:: C .\ N 1 G o 1<br />

Lnnos coule en se jouant, comme un ruban d'argenl<br />

qui mltache à Ja plaine l'âpre montatjne <strong>de</strong> Puig<br />

Pedros, vient lécher <strong>de</strong> ses eaux les ruines du monas­<br />

tère. Or, <strong>de</strong> temps en temps, le chevalier suivait jus­<br />

qu'au Capcir Je cours limpi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la capricieuse rivière;<br />

il chassait, poursuivant sans pitié le canard sauvage<br />

aux ailes célestes ct au bec jaune et noir, qui, en<br />

PrcnaJJt son vol joyeux, fait l'dfct, bien plus qu'un<br />

oiseau aux ailes peintes <strong>de</strong> mille couleurs, d'un vrai<br />

joyau <strong>de</strong> pierres fines ciselé par les mains <strong>de</strong> sylphi<strong>de</strong>s<br />

ct 1l'ondines. Un jour, notre prieur, le rencontrant<br />

avec son amante, lui dit amicalement:« Souffrez que<br />

• je vous le dise: vous ne <strong>de</strong>vriez pas, comme vous le<br />

( faites, dédaigner volre épouse pour une fée ... '' Son<br />

lltlloureusc, qui entendit ce propos, sc mit à trépigner<br />

•le colère, et jura par tous les dieux <strong>de</strong> l'Orient qu'elle<br />

voulait en finir avec les moiues ct le monastère, en<br />

écrasant sous son pied le nid avec tonte sa nichée.<br />

• Dans Je large outonnoir <strong>de</strong> Barrès, il'! avait, en<br />

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25() CANJGÔ<br />

un llach hi havia<br />

<strong>de</strong>l astr·e rey mirall <strong>de</strong> dia,<br />

mirail iloril<br />

<strong>de</strong> les esteelles â la niL<br />

y <strong>de</strong> la lluna.<br />

Prou se 'n recorda la Llacuna,<br />

poblc gentil,<br />

que en una roca scya humil,<br />

<strong>de</strong>l llach a vora,<br />

com adormiùa pescadora<br />

que l' eu<strong>de</strong>mà<br />

sens peix ni aygua 's lrolJaril..<br />

La goja, encesa,<br />

diu : cc Del aygurrl vull scr jo presa,<br />

o aquesla nil<br />

Lindrân l' eslauy pcr cobro-llil<br />

dauslro y üapcl.lcs,<br />

y '1 rusch, la mel y les abclles,<br />

al dcspcrlar,<br />

roùolarau eup il la mar. •<br />

Diu y Jo guia,<br />

à la clerrcra Hum <strong>de</strong>l elia,<br />

fins à la vall<br />

ahonlla Tet, eom uu eavull<br />

en sa carrera,<br />

dt' rochs s' alura en la har-rera<br />

t[UC hi pos[t Dcu<br />

quant aixccava 'll'ieineu.<br />

De sa ca<strong>de</strong>ntt<br />

l' aygua, mil au ys, gr a là l' aren a,<br />

gcalanL, gralant<br />

los forts anells aou aOuixanl<br />

y ù' eix a sena<br />

ne resla sols Ull mur do lerra.<br />

En son Ct'estall<br />

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\


L 1-: c .\ 'ir G 0 l"<br />

resta do celte mon tagno. Sur sa crêlo, le chevalier<br />

enfonce un pic qui désagrèg-e les roches ; à chaque<br />

coup, l'enceinte massive s'amoindrit. Des coups répétés<br />

renversent un géant. Par celte écluse sc fait jour une<br />

source au cours impétueux, qui <strong>de</strong>vient rivière; celle­<br />

ci, en grossissant, sc montre plus fière et <strong>de</strong>vient mer<br />

il son tour, avec la désastreuse puissance <strong>de</strong> couvrir et<br />

tle ravager les populations ct les campagnes.<br />

Hélas! la <strong>de</strong>rnière nuit est arrivée pour Exalada!<br />

Nous venions à peine <strong>de</strong> nous en1lormir 1l:ms lt• mo­<br />

nastère, quand le fracas nous réveilla tous rn snrsau t.<br />

Nous quittons précipitamment nos lits, ct à <strong>de</strong>mi<br />

VMus nous <strong>de</strong>scendons au chmur. La chapelle nous fit<br />

l'effet d'un œil à la paupière cio e; c'était un nid enve­<br />

loppé <strong>de</strong> ténèbres. Ce n'est pa tout: pour augmenter<br />

encore l'horreur <strong>de</strong> Ja situation, il la pàlo lueur <strong>de</strong><br />

la petite lampe qui s'éteint, nous voyons sortir <strong>de</strong> sa<br />

tombe l'ombre d'Otger, nous montrant la porte qu'il<br />

ouvre rl'un coup <strong>de</strong> sa robuste massue. Nous n'1\tions<br />

L\ que cinq: nous le suivons, nous sortons à la hâte<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE CANrGOl" 2ù1<br />

du couvent, en proie à la plus vive épouvante, et nous<br />

fuyons vers les sommets <strong>de</strong> la montagne.<br />

« L'apparition s'évanouit. Nous regardons alors<br />

<strong>de</strong>rrière nous. Hélas 1 le monastère n'existait déjà<br />

plus; la violence Jes eaux l'entraînait dans Je fond<br />

<strong>de</strong> la vallée ; tout roulait avec un horrible fracas :<br />

moines, église, tourelles, autels et marbres <strong>de</strong> toute<br />

sorte, troupeaux, champs, arbres et colonnes. C'est à<br />

peine si on entendit un cri, dans cette tempête qui,<br />

éclatant au milieu <strong>de</strong> la nuit, fit tout rouler au loin,<br />

ct sema partout la mort avanL d'avoir cu le temps d'y<br />

semer l'agonie et l'effroi ...<br />

« Adieu, doux compagnons <strong>de</strong> notre paradis, heu­<br />

reuse cellule, chers livres, autel béni , tabernacle<br />

mystique Ju Très-Haut. Paisible monastère, que ne<br />

nous a-t-il été donné <strong>de</strong> périr alors avec toi, ne fût-ce<br />

que pour ne pas voir l'aurore prochaine éclairer les<br />

ruines du saint asile ct le charnier <strong>de</strong> nos malheureux<br />

frères ! ...<br />

u Nous recueillimes leurs restes informes, dispersés<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

l::i.


:26:-l<br />

c.à et];\ avec leurs coules. Nous découvrîmes en même<br />

temps le cadavre du chevalier ù'Envetg, qui s'était<br />

trouvé pris au milieu <strong>de</strong> sa tùche odieuse et clou(><br />

avec son pic fatal. Puis, suivant la Tet et nous dl-ri­<br />

geant vers le ravissant vallon cle Codalet, nous alltt­<br />

mes saluer, comme une étoile dans notre ciel bien<br />

obscurci, l'image <strong>de</strong> saint Michel , pierre fine s'om­<br />

blable à celles que la lame dépose sur ln plage. Seule,<br />

elle a échappé à co déluge ... 0 vous qui régnez sur<br />

le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis Erin jusqu'au Vésuve, accor<strong>de</strong>z­<br />

nous d'élever un monastère où nous puissions vivre<br />

nuit et jour en compag-nir dr l'archange. • --<br />

L'empereur, attendri, leur r/•pond en essuyant ses<br />

larmes: - « Serviteurs dr Dieu, c'est sa main (JUi<br />

« vous a gauvés <strong>de</strong> cette gran<strong>de</strong> tempête en submer­<br />

« geant votre nef. Oui, domain vous aurez chapelle ct<br />

« cloître dans le vallon <strong>de</strong> Cuxa, puisoJIIC la belle<br />

« image <strong>de</strong> saint i\lichcl ù'Exn.lada n. voulu s'y abriter •<br />

« ct y choisir sa nouvelle <strong>de</strong>mcure(1 ). C'est lui qui, du<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


26'•<br />

C.\ 1'i Il; Ô<br />

Ell cncamine <strong>de</strong>s<strong>de</strong> '1 ccl<br />

la meva armada<br />

com un aucell sa novcllada. ll<br />

Lo monestir<br />

no trigu a n&ixer y a florir,<br />

com olivera<br />

<strong>de</strong>l riu Litron en la ribera.<br />

Cel <strong>de</strong> Cuxa,<br />

l <strong>de</strong> quimta estrella t' enjoya<br />

l' abat Gari,<br />

ab Pere Urséolo, Mari<br />

Jo rrran asceta<br />

y Romualdo anacoreta ?<br />

Lo Rossellû<br />

no ha vist més gran constclaci6<br />

d' astres <strong>de</strong> gloJ•ia<br />

en Jo mitj-dia <strong>de</strong> sa historia.<br />

Ab eix planter<br />

que umpli <strong>de</strong> sanls lo môn scncei·,<br />

vostre ascetm·i<br />

si plantau vos, cam Jo saHcri<br />

d' cixes afraus<br />

les umplira d' bimncs suaus.<br />

- Que prompte, prompte<br />

sc faça, donchs, - respon Jo comte. -<br />

Porque mon vot<br />

sia ett sufragi <strong>de</strong>l nebot,<br />

prop <strong>de</strong> Ja seva<br />

jo cava1·é la fossa mcva,<br />

corn un esclau<br />

que <strong>de</strong> son amo als pcus , ' ajau. -<br />

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\


LE CANIGOü 265<br />

« haut du ciel, dirige et conduit mon armée comme<br />

« l'oiseau sa jeune nichée. >> -<br />

« Le monastère ne tarda guère à naître et à pro­<br />

duire <strong>de</strong>s fleurs, pareil à l'Olivier sur la rive du Litron.<br />

Ciel <strong>de</strong> Cuxa, <strong>de</strong> combien d'étoiles sont venus t'em­<br />

bellir l'abbé Guérin avec Pierre Urséolo, Marin le<br />

grand ascète et l'ermite Romuald? Non, le Roussillon<br />

n'a pas vu <strong>de</strong> plus brillante constellation d'astres <strong>de</strong><br />

gloire dans le midi <strong>de</strong> son histoire.<br />

• Si donc (continua Oliva,) vous choisissez dans<br />

cette pépinière qui a rempli <strong>de</strong> saints le mon<strong>de</strong> entier<br />

les premiers plants <strong>de</strong> votre monastère, ils formeront<br />

comme le psaltérion <strong>de</strong> ces déserts, qu'ils feront reten­<br />

tir <strong>de</strong> leurs doux et pieux cantiques. » -<br />

- «Qu'on mette alors vite, bien vite la main à<br />


CHANT DIXIÈME<br />

GUIS LA<br />

Le corn le Gui l're <strong>de</strong>scend il Corneilla, pour faire ses<br />

adieux à la comtesse. Qu'il les retrouve tristes, ces<br />

lieux oü le soleil <strong>de</strong> l'amour, hier encore, éclairait cl<br />

réjouissait tout <strong>de</strong> ses rayons! A entendre le bruisse­<br />

ment <strong>de</strong>s arbres balançant leurs branches, il s'ima­<br />

gine qu'ils lui parlent <strong>de</strong> son crime; et les oiseaux<br />

qui sautillent gaiement lui semblent fuir sa présence<br />

avec effroi, en ,e faisant l'un il l'autre le récit <strong>de</strong><br />

son homici<strong>de</strong>, qui ne se prête guère ù leur ramage<br />

mélodieux. Le verdier à la belle parure violette ne<br />

fn.it plus entendre ses gazouillements variés, et les<br />

chants dn rossignol sont plutôt <strong>de</strong>s gémissements<br />

qu'il tire <strong>de</strong> sa hnrpe, d'oü tout accent joyeux est<br />

hanni ct où reste seule lu cor<strong>de</strong> tle la tristesse. Le<br />

vent qui semblait sommeiller dans la feuillôc, se<br />

lève lout. à coup ol renvoie Je sourd gron<strong>de</strong>ment <strong>de</strong><br />

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268 CAI'I re o<br />

s' ouhen lladruchs sinistres clins lo corrccb,<br />

y damunt <strong>de</strong>ls teulats can ts dl) x a vecu,<br />

y <strong>de</strong> nüvol en nüvol pel' los ayros<br />

t'odar lo Ll'o, pt'elucli <strong>de</strong> tcmpesta.<br />

Quant <strong>de</strong> sos avis al palau s' acosta,<br />

vcu sa Guisla gentil a la lineSL!'U,<br />

entre 'ls dos genos <strong>de</strong> clavells que à t·iur<br />

surLen


2i0<br />

à Dcu, que 'rn t.orna compassiu la villa,<br />

bé Ji puch oferir lo qu • mc 'n t'Oslo.! -<br />

ncspondrc vol sa dcsolada esposa,<br />

mes cslit <strong>de</strong> neguil sa


272 CA N l G 0<br />

ùc lamés Dna y prcciosa tcla.<br />

Les Barres Catalanes bi dibuixa (3),<br />

semhrant sos entrcmitjs ù' nlguna eslrcll


LE CANIGOU<br />

Elle y <strong>de</strong>ssiue les Barres catalanes t3) au milieu d'un<br />

semé d'étoiles, comme pour figurer que les rêves du<br />

ciel venaient la visiter en se mêlant aux rêves <strong>de</strong> la<br />

terre el <strong>de</strong> son foyer : sa couronne cl.e comtesse surmonte<br />

l'écusson, au-<strong>de</strong>ssous duquel elle trace son<br />

nom en brillants caractères. A chaque point que<br />

donne son aiguille d'or, elle lève vers le monastère<br />

naissanl ses yeux d'où s'échappe une larme qui pour­<br />

rait s'enchâsser dans la bro<strong>de</strong>rie comme une perle.<br />

Ses suivantes voudraienL la distraire; mais elle s'obs­<br />

tine à tenir son esprit dominé par la plus profon<strong>de</strong><br />

tristesse, et son souvenir s'attache aux plus intimes<br />

ct plus douloureuses impressions, comme le lierre<br />

aux pans ruinés d'un vieux manoir. 'l'out lui rappelle<br />

Guifre et lui parle <strong>de</strong> lui : les montagnes où il<br />

aimait à chasser les bêtes sauvages, la fontaine<br />

oü elle se rendait pour le recevoir à son retour et<br />

lui présenter sa douce main en guise <strong>de</strong> coupe,<br />

la verte prairie oü ensemble ils cueillaient <strong>de</strong>s<br />

fleurs, les fraîches rives elu ruisseau oü ils avaient<br />

coutume <strong>de</strong> s'asseoir en regardant couler à leurs<br />

Pieds l'eau claire et tranquille comme les jours <strong>de</strong><br />

leur jeunesse, le saule qui les abritait <strong>de</strong>rrière son<br />

épais ri<strong>de</strong>au, les pins qui sc balançaient sur le<br />

sommet do la colline en gémissant comme les cor<strong>de</strong>s<br />

sonores d'un psaltérion que pincerait le ru<strong>de</strong> génie<br />

du mislra.l; enfin, les notes aériennes <strong>de</strong>s oiseaux,<br />

les bruissements mystérieux ùc la forêt, le doux<br />

murmure do l'air dans la feuillée, tout cola lui repré-<br />

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280 C.\ N 1 rJ1<br />

les roses <strong>de</strong> ses galles satallcs. \<br />

En braços sc la 'n duhcn ses donzelles<br />

vers Jo pnlau cl' hont en mal punt hn cix.illa,<br />

comme cnrlavrc vivent cnp ;'tla tomba,<br />

dcscle honl <strong>de</strong>l scu amor la tomba ovira.<br />

Plora '1 Conflent, sos pugcsius y pohlcs,<br />

plorn. en son niu la t6rlora soliua,<br />

y 'J ccl, ahont esclata la lcmpcsla,<br />

cs, com sos ulls, <strong>de</strong> llii.grimcs fonl viva.<br />

'\o pot plorar aixls Grisclùa hrrmosa,<br />

que, senzilla com cs, lot ho cndcvina;<br />

no pol plorar aix.is, que scmprc cs scca<br />

la més crua tcmpesla <strong>de</strong> la vida ;<br />

y no podcnt sa pen a rlcsfogarsc,<br />

va ù cnlcl'iJOiir sa testa joYcnivola<br />

f'cnf.li perdre lo seny, ]Jcrmosa cslrclln<br />

que s' acluca en ln nil <strong>de</strong> la folliil.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE CANIGOU 281<br />

les roses purpurines <strong>de</strong> ses joues ne sonl plus que <strong>de</strong>s<br />

roses blanches ...<br />

Ses suivantes s'empressent <strong>de</strong> la recevoir dans leurs<br />

bras, en reprenant le chemin du château d'où elle<br />

avait eu la malheureuse idée <strong>de</strong> sortir. On l'emporte,<br />

comme un cadavre vivant vers la tomLe, dans celle<br />

<strong>de</strong>meure d'où ses yeux aperçoivent cc qui doit ètre le<br />

tombeau <strong>de</strong> son époux. Là, dans son nid solitaire,<br />

cette tourterelle abandonnée pleure le Conflent, ses<br />

villages et ses métairies; le ciel lui-même, où éclate<br />

l'orage, semble vouloir pleurer avec elle, et ouvrir<br />

aussi une source vive <strong>de</strong> larmes comme celle <strong>de</strong> ses<br />

yeux. La belle Griselda ne peut pleurer ainsi : dans<br />

sa naïveté, elle a tout compris; mais elle ne peut pleurer,<br />

parce que la plus furieuse tcmpète <strong>de</strong> notre vic<br />

nous laisse toujours secs et extérieurcmcn t insensibles.<br />

Aussi, une si poignante douleur ne pouvant s'épancher,<br />

elle jet le le trouble dans cette jeune tèle, lui fait<br />

Perdre la raison, et cette brillante étoile s'éclipse dans<br />

la nuit <strong>de</strong> la folie ...<br />

·w.<br />

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CANT ONZÉ<br />

OLIVA (1)<br />

Posant les mans en la sagrada fcyna,<br />

cleixan la cspasa los guct·r·crs pcr l' eyna<br />

<strong>de</strong>l manobre, la llança pc'l magall,<br />

y en Jo scrral ahonl sola una llosa<br />

en sùn elerna '1 hcll Gentil reposa,<br />

bellugueja l' exèrci l tl cl lreball.<br />

En temps d' estiu (,heu vi stes les formigues,<br />

quant daurn. '1 sol y esgranales cspigucs,<br />

anar·, venir y cùrrer pe'l rosloll?<br />

l' uua 'l gr·a abasta, l'ultra se '1 carrega,<br />

esta l' enrp ny,


CHANT ONZIÈME<br />

OLIVA ('1)<br />

Bientôt, mettant la main ù J'œuvre ponr la pieuse<br />

entreprise, les guerriers laissent l'épée pour prrndrc<br />

les outils ùu manœuvre, la lance p0ur la pioche, et<br />

l'on voit s'agiter à l'envi toute une armée <strong>de</strong> travailleurs<br />

sur le pla leau oü le beau Gentil repose sons une<br />

Pierre dans so11 sommeil éternel.<br />

Quand le soleil dore et ùgrène les épis, avez-vous<br />

vu, pendant l'été, les fourmis aller ct venir en courant<br />

nn milieu <strong>de</strong>s blés? L'une fait la provision, une autre<br />

l'e1nportc, celle-ci pousse la charge, celle-là la trainc<br />

ct amnsse le grain après l'avoir dépouillé do son enveloppe<br />

...<br />

Ainsi font nos travailleurs : pendant que run mcsure<br />

plus exactement lfl superficie du terrain en pente,<br />

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284 CANlGCl<br />

ù dona un fosso als fonaments pcr llit;<br />

pins atm·ra y abets lo llcnyatayre<br />

que 'l serrador qnadreja, y fa' l peclrayre<br />

Jo maLeix ab lo marbre y lo granit.<br />

De miLjd ia en l' horrible precipici<br />

pcnja son peu <strong>de</strong> pedru l' erlifici<br />

que fa glatir l' ahismc <strong>de</strong>vorant,<br />

y ab l' altre ferm en roca més segura,<br />

CI'eix y s' aixcca en la espadacla aHura,<br />

noy lflle ha do for croixença <strong>de</strong> gegant.<br />

Com 6. un Loch <strong>de</strong> clari tropa Jleugera,<br />

Jo clausLt'e ses columnes afllera,<br />

coronanlles <strong>de</strong> rùstichs capitclls,<br />

hont it la vou <strong>de</strong>l escultor sc para,<br />

entre fullcs <strong>de</strong> palma y d' etzevara,<br />

tot un aixam <strong>de</strong> fores y cl' aucells.<br />

Li l'a costat soteniaua y tosca<br />

l' csglesta <strong>de</strong> la Verge; es cega y fosca,<br />

mes eix astre <strong>de</strong>l cel li fa claror.<br />

Quant ja hi flamcja la pregaria ar<strong>de</strong>nta,<br />

un nltrc temple al scu ùamunt s' assenta,<br />

en peanya cl' argent imaLge d' or.<br />

Granitiques columtles <strong>de</strong>sinvoltes<br />

damunt sos fronts


LB CANIGOU 287<br />

c'est un clocher qui se dresse à côté, comme un g·éant<br />

Veillant sur une jeune fille.<br />

De proportions larges et massives, ce clocher, grâce<br />

à sa hauteur gigantesque, domine la montagne et les<br />

<strong>de</strong>ux vallées; car il a été fait <strong>de</strong> plusieurs étages<br />

superposés. C'est ù la fois un clocher el une tour <strong>de</strong><br />

défense; enfin, c'est un travail titanique <strong>de</strong> la terre<br />

Pour se rapprocher un peu ùu paradis.<br />

Les cellules, vraies cellules d'abeilles <strong>de</strong> cette céleste<br />

ruche, sont belles, quoique petites : la douceur et la<br />

joie en sont le miel; et ce miel, les vingt moines qui<br />

viennent habiter le monastère le puisent dans l'orai­<br />

son et dans le saint Tabernacle, dans les fleurs <strong>de</strong> la<br />

terre et dans les fleurs du ciel.<br />

Ces fleurs, ils les sèment sur les cor<strong>de</strong>s <strong>de</strong> leur psaltérion<br />

('2) et en en lourent leur couvent ; en sortant Ju<br />

temple, l'encens et la lavan<strong>de</strong> mêlent leur parfum,<br />

qui montent en une seule nuée jusqu'à l'autel majes­<br />

Lueux <strong>de</strong>s monts el <strong>de</strong>s astres.<br />

Au milieu <strong>de</strong> ce chaos <strong>de</strong> rocs bouleversés, et penché<br />

sur l'embouchure béante <strong>de</strong> l'abîme, s'élève le<br />

111 onastère, semblable à un spectre, ou plutôt à une<br />

fleur semée là par le tourbillon, et que les siècles<br />

Verront en pleine iloraison pour Ie ciel, si le ciel lui<br />

envoie sa fécondante rosée.<br />

Guifre, voyant son œuvre achevée, la contemple,<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


290<br />

CANIGO<br />

es lo lt'e pol aixô que prens per soslre,<br />

sota eix abisme udola 'l <strong>de</strong>l in fern. ,<br />

Esferehit la celda <strong>de</strong>shabila<br />

y al nort s' allotja en alt.ra més pelila,<br />

niu <strong>de</strong>l temple posal més à rcdôs;<br />

y ab l' oraci6 'l bon Deu y ab Jo cilici,<br />

corn ab ses mans, l' arranca <strong>de</strong>l suplici,<br />

lornantli ses dia<strong>de</strong>s <strong>de</strong> repùs.<br />

Mes i ay! un jorn, reobriulli la [eriùa,<br />

<strong>de</strong> Sant Guillem senti conlar la vida.<br />

Quant feya sa capella en Vallespir,<br />

los pastors y pagcsos li ajudavan<br />

y, pcr sou, que 'ls vullii.s, Ji ùemanavan<br />

ab sos camps y ramatles benehir.<br />

Cansal <strong>de</strong> dnr un gros carreu, un dia,<br />

un <strong>de</strong>ls manobres scus lo malchia:<br />

l' hcrmilii. li di gué : - Llança aqueix roch,<br />

no faria en mon Lcmple parcL bona,<br />

un mal flor6 malcja un a corona:<br />

llitnr;al ben lluny ù torn al {t son lloch. -<br />

'' Oonchs jo so aqueixa pcdt·a malchida<br />

en la casa <strong>de</strong> Ocu que ltc conslruhiüa, »<br />

digué lo comLc-monjo sospirant.<br />

''De vi ure ab s1.nls lo pecador no cs digne,<br />

no fan bona varella '1 corb y 'l cigne,<br />

lo carb6 no s' avé ab lo diamant. »<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


L 8 C .\N 1 Gu U 291<br />

-• tiens ; ce que tu prends pour le sol est un toit : sous<br />

• cet abime gron<strong>de</strong> celui <strong>de</strong> l'enfer ... »<br />

Épouvanté, il abandonne sa cellule, et s'établit dans<br />

une autre, plus petite, du côté du nord, nid plus 11brité<br />

à l'ombre du temple : là le bon Dieu l'arrache à son<br />

martyre, avec l'oraison et le cilice, comme avec ses<br />

mains divines, et lui rend ses jours <strong>de</strong> calme.<br />

Mais, hélas! un jour, il sentit se rouvrir sa blessure,<br />

en entendant raconter la vic <strong>de</strong> saint Guillaume.<br />

Quand ce saint anachorète lJàtissait sa chapelle dans<br />

le Vallespir, avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s villageois et <strong>de</strong>s bergers<br />

<strong>de</strong> la contrée, ceux-ci, pour tout salaire, lui <strong>de</strong>man­<br />

daient <strong>de</strong> les bénir, eux, leurs champs ct leurs trou­<br />

Peaux.<br />

Un jour, trouvant bien lour<strong>de</strong> la charg·e d'un énorme<br />

moellon, un <strong>de</strong>s travailleurs se mit à maudire la pierre;<br />

l'ermite lui dit : - cc Laisse là cette pierre, qui ne<br />

« serait pas bonne pour le mur <strong>de</strong> mon église; un vi­<br />

« lain fleuron déprécie une couronne. Jette-la donc bien<br />

• loin,ou remets-la à la place qu'elle occupait. » -<br />

- « C'est moi, dit le comte-moine en soupirant,<br />

'' oui, c'est moi qui suis cette pierre maudite dans le<br />

• lemple que j'ai élevé lt Dieu. Le pécheur 11'est pas<br />

• digne <strong>de</strong> vivre avec <strong>de</strong>a saints; le cyg·ne et le cor­<br />

" heau'ne sauraient s'accoupler, ni le charbon s'appa­<br />

• l'ciller avec le diamant. »<br />

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LE CANIGOU 291:)<br />

rivières; et il se prend pour un mort écoutant les<br />

accents terriflants du Dl·es iTre dans une chapelle ar<strong>de</strong>nte<br />

étoilée d'innombrables cierges.<br />

Sa fosse est Je roc <strong>de</strong> la montagne f{éante, et il a<br />

pour mausolée la voûte transparente, qu'il contemple<br />

tour à tour dans ses rêves, prosterné aux pieds elu Toul­<br />

Puissant que le mon<strong>de</strong> adore, et cherchant, au milieu<br />

<strong>de</strong>s âmes qu'il regrette et qu'il pleure, l'âme <strong>de</strong> Gentil<br />

qui lui est si chère.<br />

Lorsque son rêve se détache <strong>de</strong> ces hauteurs, il<br />

s'arrête alors et se repose comme un oiseau, auprès <strong>de</strong><br />

cette autre tombe, pour y contempler le corps qui fut<br />

uni à cette âme; et les ar<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> son cruel martyre<br />

éprouvent un doux rafraîchissement en apercevant<br />

l'ange solitaire <strong>de</strong> ce champ <strong>de</strong>s morts protéger les<br />

<strong>de</strong>ux tombes do son aile étendue.<br />

Souvent retentit jusqu'à la ru<strong>de</strong> et funèbre cellule<br />

le cri sauvage <strong>de</strong> Griselda, la pauvre folle, qui ne<br />

cesse d'appeler:-« Gentil! Gentil!..»- et qui, li­<br />

vrant sa blon<strong>de</strong> chevelure au ca priee <strong>de</strong>s vents, v_ient, <strong>de</strong><br />

sa main <strong>de</strong> neige, frapper à sa tombe, sur laquelle le<br />

mois d'avril ne verra plus à l'avenir s'élever d'autre<br />

fleur ...<br />

Bien <strong>de</strong>s fois, sans donner le temps <strong>de</strong> lui répondre,<br />

elle reprend sa course efl'arée sur la montag·ne, et<br />

réveille Je noble moine rar ses cris:- cc Bon religieux,<br />

( lui dit-elle, quel est donc l'arbre sous lequel dort ce-<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE CANIGOU 297<br />

• lui que je regrette? Ne vous étonnez pas <strong>de</strong> me<br />

«voir pleurer: hélas! il y a tant <strong>de</strong> jours que je le<br />

« cherche ! » -<br />

Cependant, Oliva visite le saint asile et le temple,<br />

il examine tout sans rien oublier. Il va jet er à Ri poli<br />

les fondations d'un nouveau monastère; et dès à pré­<br />

sent il étudie, pour en faire son profit, ces branches<br />

<strong>de</strong> pierre et ces moulures dH feuillage si bien faites<br />

pour provoquer les baisers du zéphyr.<br />

Tout cela, <strong>de</strong>puis le sommet <strong>de</strong> la girouetle jusqu'aux<br />

bancs du jardin, il le transporte par la pensée dans sa<br />

chère solitu<strong>de</strong>; il change, ajoute, combine, et son ima­<br />

gination conçoit bientôt un monument qui, avant<br />

même <strong>de</strong> voir le jour, prend naissance, développe son<br />

tronc, étend ses rameaux et donne <strong>de</strong>s fleurs.<br />

Il voit tout: son œuvre <strong>de</strong> marbre est dans sa pensée<br />

comme un arbre superbe est dans son germe, comme<br />

une ravissante fleur est contenue dans son impercep­<br />

tible graine. Il voit déjà tout fait; il ne lui manque<br />

que la faça<strong>de</strong>, qui doit former le couronnement <strong>de</strong><br />

l'édifice, et comme la belle figure <strong>de</strong> cette image d'or.<br />

En artiste épris <strong>de</strong> son œuvre, il en fait, la nuit,<br />

l'objet <strong>de</strong> ses rêves, et le jour, le sujet <strong>de</strong>s esquisses<br />

sans nombre qu'il jette au feu le len<strong>de</strong>main en y re­<br />

portant ses regards; en fin, ne pouvant trouver ailleurs<br />

une distraction pour sa pensée, il ébauche <strong>de</strong> nouveaux<br />

plans <strong>de</strong>stinés à retomber dans l'oubli comme une<br />

pierre qui roule au fond <strong>de</strong> la mer.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

17.


LT': CANIGOU 299<br />

Un jour, à l'heure <strong>de</strong> la récrflation, il appelle ses<br />

religieux sous les arbres <strong>de</strong> l'avenue: c'est là que,<br />

<strong>de</strong>p11is trois jours, seul avec lui-même, il trace ses<br />

plans avec son bâton, pour les effacer et les refaire<br />

encore, semblables aux mille contours que laissent<br />

sur le sable, ponr les faire bientôt disparaitre, les lames<br />

<strong>de</strong> la mer doucement hcrrées pnr la brise.<br />

- « Regar<strong>de</strong>z, la voilà! )) - leur elit-il; et ils con­<br />

templent cette façaue <strong>de</strong>ssinée par son génie. Il y a<br />

li:t toute l'histoire <strong>de</strong> la sainte religion écrite sur la<br />

pierre par la main <strong>de</strong> Home; un bàton pastoral a sr.rvi<br />

<strong>de</strong> plume, et le pnpicr a été un <strong>de</strong>s lianes du Canigou .<br />

Le poème se compose rlc sept chants mystiques,<br />

autant <strong>de</strong> fleurons qui brilleront au front <strong>de</strong> Sainte­<br />

Marie <strong>de</strong> Ripoll, comme sept cieux <strong>de</strong> pure et divine<br />

beauté; en un mot, la Bible imprimée au cœur même<br />

<strong>de</strong> la Catalogue, et retraçant le passé, le présent ct<br />

l'avenir du mon<strong>de</strong>.<br />

La gloire est ia première page ct comme la dédicace<br />

<strong>de</strong> cette création : le divin agneau, sur son trone<br />

étoilé, lient ouvert elevant ltti le livre <strong>de</strong> vic, qu'il<br />

oxplitJue, en disant à toute la race humaine qu'il<br />

a rachetée : -


LE CANTGOU 303<br />

Sur la face du cintre que soutiennent ces <strong>de</strong>ux<br />

piliers, les vies <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux apôtres, décrites en douze<br />

médaillons, vont en montant s'unir aux pieds du divin<br />

agneau: leurs âmes n'étaient-elles pas dfjà en union<br />

avec lui, quand, durant leur vie mortelle, ils parcou­<br />

raient le mon<strong>de</strong> en faisant une guerre impitoyable à<br />

l'erreur et au vice?<br />

Au pied <strong>de</strong> l'agneau, on voit couché un dragon<br />

farouche, vomi par les noirs abimes: c'est le dragon<br />

<strong>de</strong> la gentilité; <strong>de</strong>ux aigles s'abattent sur la terre<br />

pour refouler les bouillonnements <strong>de</strong> sa fureur: pen­<br />

dant que l'un le tient entre ses serres puissantes, l'autre<br />

<strong>de</strong> son bec lui crève les yeux.<br />

Ici Oliva leur montre doux lions qui luttent avec<br />

furie et s'enlre-déchirent cruellement: un centaure<br />

lance sur eux une flèche en fuyant; mais l'homme, à<br />

qui les passions ont donné la figure d'un monstre,<br />

s'affranchit toujours bien tard <strong>de</strong> cotte chaine impure.<br />

Plus loin, on voit l'habile cavalier, très hien vêtu et<br />

équipé, qui, maître <strong>de</strong> son coursier, sait en même<br />

temps maîtriser ses passions: il attaque sans peur les<br />

hèles féroces; il n'a même qu'à leur présenter la pointe<br />

<strong>de</strong> sa lance, pour que, rarlouciee, elles viennent se<br />

coucher à ses pieds.<br />

Au plan le plus inférienr, on voit Lucifer tomber<br />

du ciel, et Adam chassé du Paradis; puis, le condamné<br />

sur un lit <strong>de</strong> feu inexlinA·uible, nouveau Laocoon dont<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE CANIGOU 305<br />

les bras et les genoux sont enroulés dans les cruelles<br />

étreintes du monstre apocalyptique <strong>de</strong> l'enfer.<br />

La parole enflammée <strong>de</strong> l'architecte fait surgir <strong>de</strong><br />

terre le plan colossal, saints ct monstres, chanteurs et<br />

guerriers; on croit voir s'ouvrir ces yeux et ces lèvres<br />

<strong>de</strong> pierre; on croit entendre ces archets se promener<br />

sur les cor<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s violons et la musique céleste verser<br />

<strong>de</strong>s flots d'harmonie.<br />

Le christianisme a son arc-<strong>de</strong>-triomphe, que la<br />

Catalogne élève à Jésus-Christ en secouant le joug<br />

pesant du mahométisme. Celui qui pas era sous cette<br />

arca<strong>de</strong> grandiose, pourra bien dire qu'il a vu là, dans<br />

une gran<strong>de</strong> synthèse sacrée, le mon<strong>de</strong>, le temps et<br />

l'éternité ( 4 ).<br />

0 toi, .Jofre le Velu, premier comte <strong>de</strong> Barcelone.<br />

quel Panthéon, quelle couronne te sont là réservés!<br />

Aucun roi du mon<strong>de</strong> n'a une plus belle couche funèbre.<br />

Mais, hélas! en élevant cette nécropole à ceux qui ont<br />

déjà vécu, le sage prélat ignore qu'en ce moment il<br />

en meurt qui sont d'illustres rejetons <strong>de</strong> ce même<br />

arbre!<br />

11 y a peu <strong>de</strong> temps encore, le comte Taillefer sui­<br />

vait la route <strong>de</strong> Beaucaire; il voulait fiancer son fils<br />

Guillaume à une damoiselle provençale, à qui ses<br />

frères donnaient le nom d'Adèle et les nouveaux trou­<br />

badours celui <strong>de</strong> Fleur-d'Oranger.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LB CANIGOU 30ï<br />

Or, pendant qu'Oliva lisait son épopée, un messager<br />

arrive en habits <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil et portant un message <strong>de</strong><br />

tristesse et <strong>de</strong> larmes:- « Il est mort ! le comte 'rail-<br />

• lefer est mort! toute la Provence se prépare triste-<br />

• ment à la cérémonie <strong>de</strong> ses funérailles, et le ciel<br />

• même semble se fondre en pleurs ...<br />

« Un soir, à la brune, il voulut traverser le Rhône.<br />

• Mais tout à coup le fleuve grossit démesurément, la<br />

• terre manque sous les pieds <strong>de</strong> son cheval impé­<br />

< tu eux, q11i, excité par l'éperon, se redresse, renverse<br />

• son cavalier, qu'il précipite avec lui dans les eaux<br />

«du fleuve ...<br />

«En cherchant à reprendre son coursier, qui lutte<br />

« avec la morl, le malheureux comte se débat et lutte<br />

• <strong>de</strong> son côté ; mais sa lour<strong>de</strong> armure l'embarrasse <strong>de</strong><br />

« plus en plus et l'entraîne, et bientôt il agonise et<br />

• exhale son <strong>de</strong>rnier souffle. Une heure après, cette rive<br />

• funeste voyait mon maître sans vie reposer à l'ombre<br />

• d'un saule et sous sa verdoyante chevelure 1 »-<br />

Oliva partit pour Ripoll, accablé <strong>de</strong> tristesse et<br />

priant le Très-Haut pour l'âme <strong>de</strong> son frère. Lorsque,<br />

quelque temps après, il revint au monastère <strong>de</strong> Conflent,<br />

il trouva gravement mala<strong>de</strong> le seul frère qui<br />

lui restait en ce mon<strong>de</strong>, étoile larmoyante <strong>de</strong> ce ciel si<br />

riant.<br />

- • C'est Dieu qui t'envoie, • lui dit Guifrc. • Comme<br />

• Taillefer, je vais quitter ce terrestre exil: Ah! si du<br />

• moins j'en partais l'àme innocente comme lui! Celle<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


\<br />

GANT DOTZÉ<br />

LA CHEU DE CANIGO ('l)<br />

C IIOI! IJE .110.\.IOS, SOT.\ LA .\10.\TA:\'Y,\<br />

Abans que '1 comte moria,<br />

pujèm, pujèm al cim <strong>de</strong> Cauigo,<br />

ab to signe sagraL <strong>de</strong> la. victoria<br />

à coronur lo J'J·ont <strong>de</strong>l Hossello.<br />

La nuvolada oiJscul'a,<br />

lllortul!a immcnsa d' un gegant difunt,<br />

abri gaja la al tura,<br />

apagant d' una iL nua les es trefles;<br />

mes nos gui a la Ct·cu mGs alta que elles;<br />

en nom <strong>de</strong> Dcu, a mu nt.<br />

Cilllll ll t·; F ,\ Il ES ll \L 'l'<br />

Pcr los ulivols Jo lt·o y pcr les moutanyes<br />

va rodolanL com cat·ro que s' estimba,<br />

aprop d' aci rcssonan veus cstranycs,<br />

mcnlrcs la uostra min va.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


312<br />

CANJGÙ<br />

i,A profanar nostre palau qui puja?<br />

i, Caldrà per el ls que fuja,<br />

bt·esques y ruschs <strong>de</strong>ixantlos, nostre aixam?<br />

Cau damunt seu, tempesta que t'odolus,<br />

i oh nllvol que braholas!<br />

<strong>de</strong>senvayna Jo ;:lavi <strong>de</strong> ton llamp.<br />

CIIOH Ill\ .\IO:'l.IOS<br />

Com un volcà que esclata, la Lempesla<br />

<strong>de</strong>l Canigô la cima ha somoguda,<br />

s' adreça sollevada la conges ta,<br />

<strong>de</strong>l torb perl' ala bal.egant rompuda.<br />

que brunz com una roda<br />

<strong>de</strong> corcers e verats prr Ia bul.uda.<br />

Esb1·osta 'l bosch corn vinya en lemps rie poda,<br />

gl'ossos penyals ùe llur sient <strong>de</strong>sbanca,<br />

remou, ca.pgit·a, arrauca,<br />

ab lerratrèmol, J'etes niu <strong>de</strong> furies,<br />

preguntan les boscuries<br />

si, ab sos cimals <strong>de</strong> neu y arrels <strong>de</strong> marbre,<br />

com un esqueix <strong>de</strong>l arhrc,<br />

llel Pirineu lo Canigo s' eshranca.<br />

Pero la C1·en nos guia,<br />

<strong>de</strong> nostra companyia<br />

ni <strong>de</strong> noslrcs cabells no 'n caut·à un ;<br />

ni maures pot la fuHa<br />

sense que Dcu ho vulla.<br />

En nom <strong>de</strong> Deu, amunl.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


- ---<br />

LI> CANIGOU 313<br />

semblent sans écho? Qui serait assez audacieux pour<br />

monter jusqu'à nous el venir profaner notre palais?<br />

l"audra-t-il que, <strong>de</strong>vant eux, notre essaim prenne la<br />

fuite, abandonnant ruches et rayons <strong>de</strong> miel ? Eclate<br />

donc d'un haut, tempête qui gron<strong>de</strong>s! Et toi, nuage<br />

qui tonnes, dégaine la flamboyante épée <strong>de</strong> ta foudre ...<br />

CHOEUR DE MOINES<br />

La tempête a ébranlé la cime du Canigou, comme<br />

un volcan qui éclate. D'énormes blocs <strong>de</strong> glaces se<br />

dressent ct s'entassent après avoir été arrachés à leur<br />

glacier par l'aile puissante <strong>de</strong> la bourrasque, avec un<br />

bruit sourd semblable à celui que fait la roue massive<br />

sur les gerbes <strong>de</strong> l'aire quand les chevaux sont affolés.<br />

Voilà que les arbres <strong>de</strong> la forêt sont ébranchés, comme<br />

la vigne cruancl elle est émondée ; <strong>de</strong>s rocs énormes<br />

sont violemment déplacés et jetés au loin, ils roulent<br />

et sc brisent avec un fracas qui fait trembler le sol.<br />

Les massifs <strong>de</strong> forêts, <strong>de</strong>venus le refuge <strong>de</strong>s Furies, se<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt si le Canigou se délache comme un reje­<br />

ton du tronc <strong>de</strong>s Pyrénées, avec ses sommets neigeux<br />

ct ses assises <strong>de</strong> marbre. Mais lu Croix nous gui<strong>de</strong> ct<br />

nous protèg·e : aucun <strong>de</strong> nous no sera aLtcinL, pas<br />

même un cheveu <strong>de</strong> notre tète; car une feuille ne<br />

l'leut s'agiter saris la permission d'en haut. En avant,<br />

ct montons, au nom du Seigneur.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

18


318<br />

CANTGO<br />

Carlos Jo Many un dia,<br />

guiant la scva armada,<br />

corn al poblc <strong>de</strong> Dcu l' arca sagt'ada,<br />

nua imaLgc <strong>de</strong> bronzo <strong>de</strong> Maria.<br />

La set que 's bcu la sanch dintrc ses venes<br />

l' cstoch fa caure <strong>de</strong> srs mans morcncs.<br />

Mes Caries sc 'n at!ona,<br />

cau <strong>de</strong> gcnolls als pens <strong>de</strong> sa PaLJ-ona<br />

y clava sa Joyosa rn 1111 conren,<br />

cl' honl. brol1111' ayg11a pnt·a<br />

que nou <strong>de</strong>lit los doJJa<br />

pcr lraure <strong>de</strong> l' allut·a<br />

l' encmich <strong>de</strong> sa patria y <strong>de</strong> son Den.<br />

D' aqucst prodirri en rternal mrmoria<br />

fnnd{t en Jo Camp Jo noslrt' monastir;<br />

y la Mnre <strong>de</strong> Dcu <strong>de</strong> la Victoria,<br />

cstrclla <strong>de</strong> sa gloria,<br />

csser volgué l' Estrclla


322<br />

pujant los t.raginers prr lo caini,<br />

y '1 pastoret que vctlla en la boscuria<br />

en la ribera estesos<br />

rnos 1ovallons no ovirarû al mati.<br />

May més cl' amor encc. os<br />

vinclni.n los cavallers il aquella Cova<br />

que sols l' amor obrl;<br />

si alg1'1 mon nin reLJ·nba,<br />

lo lrobarà sens mi !<br />

En eixes valJs il relJevar ma fuma,<br />

vesLit <strong>de</strong> foch y flama,<br />

ja ve '1 Comte l' Arnau;<br />

boscos, soleys, masies que '1 cor ama,<br />

per sempre acleu siau !<br />

0 L 1 VA<br />

Si ve 'l Comte l' AnHtu, altre ne venen :<br />

la creu en sa ma tenen<br />

y l' amor <strong>de</strong> Jès1'1s dintrc <strong>de</strong>l cor,<br />

y ab aqueix foch divi la LeJ·r·a rncencn,<br />

fcntnc l' astre flnmmiger <strong>de</strong>l n.mor.<br />

L' esbart <strong>de</strong>l cel 1le Monagals eixin<br />

qunntja la marejada<br />

<strong>de</strong> moros d creixia<br />

y ahont nasqné Ripoll, à la bcsad11.<br />

<strong>de</strong>l Ter y <strong>de</strong>l Frcscr,<br />

en ilia gerda eix mones tir bastia,<br />

rle Cn.talunya haluar·t primer.<br />

Fets imgels <strong>de</strong> la patria, alli guardaren<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE CANIGOU 323<br />

chemin; et le petit berger qui veille à l'ombre du bo­<br />

cage ne verra plus, le matin, ma nappe étendue sur le<br />

gazon <strong>de</strong> la rive. Oucques plus <strong>de</strong>s chevaliers, brûlés<br />

<strong>de</strong>s feux <strong>de</strong> l'amour, ne viendront à cette grotte qui<br />

ne s'ouvrit qu'à l'amour; ou si quelqu'un retrouve<br />

mon nid, il le trouvera sans moi ! Déjà le comte<br />

Arnaud, tout brillant <strong>de</strong> flamme et <strong>de</strong> feu, se montre<br />

dans ces vallées pour y effacer mon renom. Bosquets<br />

délicieux, versants ensoleillés, métairies que mon cœur<br />

aime, adieu pour toujours !<br />

OLIVA<br />

Si le comte Arnaud arrive, il y en a d'autres aussi<br />

qui viennent: ils montent, la croix à la main et l'a­<br />

mour <strong>de</strong> Jésus dans le cœur, et ils embrasent le mon<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> ce feu divin dont ils font le soleil ct le foyer <strong>de</strong> l'amour.<br />

C'est lorsque la hor<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Maures <strong>de</strong>venait<br />

moins envahissante que l'essaim céleste vint <strong>de</strong> Mona­<br />

gals ; et c'est au lieu même où <strong>de</strong>vait naiLre Ripoll, à<br />

l'endroit où le 'l'er et le Freser se donnent un fraternel<br />

baiser, dans une ile verdoyante, qu'il fonda cc monastère,<br />

premier boulevard <strong>de</strong> la Catalogne. C'est là que<br />

ces religieux, <strong>de</strong>venus les anges gardiens <strong>de</strong> la patrie 1<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


LE C.L'i l C 0 L"<br />

conservèrent son histoire et son 1résor, et qu'ils hersèrent<br />

son esprit naissant en l'endormant au chant<br />

<strong>de</strong>s antirrues récits.<br />

LA FÉE DE FONTARGENT<br />

Je ne reviendrai plus vous voir, ombrages <strong>de</strong> l'An­<br />

dorre, ruisseaux <strong>de</strong> Fontalba, étangs <strong>de</strong> Fontargent;<br />

ct je ne puis pas vous dire au revoi1·, à vous non<br />

plus, montagnes catalanes que je vois fuir, fuir vers<br />

l'occi<strong>de</strong>nt!. ..<br />

L'EH.JI.l!TE DE ill ÉRITXE L L<br />

La fée abandonne très à rropos ces vallées ; elles<br />

ont trouvé à Méritxcll une meilleure reine et maitresse<br />

(3). Leurs plantes reçoivent les eaux et goûtent<br />

l'harmonieux murmure du Valira, qui, cl'Orùino à<br />

Salùcu, a la forme d'une immense lyre aux bras <strong>de</strong><br />

cristal. Au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> son front miroitent les douze<br />

étangs PcssoJts (-1·), belle couronne <strong>de</strong> brillants ct <strong>de</strong><br />

pierreries dont lui font hommage ces cimes sm lesquelles<br />

Je ciel repose, magniflque coutonne d'Ariane<br />

qui, détachée du zénith, est reslée là suspendue entre<br />

le ciel et la terre.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

JI)


C.l ;\ IG Ù<br />

<strong>de</strong>ls o!'fancts y viLHles tl les ve'us,<br />

<strong>de</strong>ix;J. son asceteri<br />

y 1 monstre esganifus raygué tL sos peus.<br />

L 0 S DE S .Di 'l' P E n E JH: 1\ 0 Il.\<br />

Quant <strong>de</strong> Cosrocs l' cspasa f1amcjanla<br />

crcmava <strong>de</strong> David let ciulat santa,<br />

en son clcrn, intlCA'rocahlc sol i<br />

lt·cmoliL la ciutat tlcl Capiloli.<br />

l.o papa 13onifaci, rn ha.rca ayrosa,<br />

lo ca.p clcl Princrp <strong>de</strong>ls apùslols posa,<br />

pcnyora que a Ln 'L f.ia,<br />

i oh Calalunya, oh


LE CA)IIGOU<br />

et <strong>de</strong>s orphelins, consentit à quitlcr sa solitu<strong>de</strong>; et on<br />

vil le monstre, fiéa.u <strong>de</strong> la. contrée, tomber à ses<br />

pieds.<br />

LES RELIGIEUX DE SAINT-PIERRE DE RODE.<br />

Quand l'épée flamboyante <strong>de</strong> Chosroës mettait le<br />

feu à la cité sainte <strong>de</strong> David, la ville du Capitole trem­<br />

hh sur son lrrîne anx: assises éternelles. Alors, le pape<br />

Boniface, ayant fait préparer une barque dignement<br />

ornée, y plaça le chef du Prince <strong>de</strong>s Apôtres, précieux<br />

trésor qu'il tc confia, ô Catalogne, ma douce j)atrie !<br />

La. mer, avec un respectueux amour, dirigea l'embar­<br />

cation vers los premières ondulations <strong>de</strong>s Pyrénées,<br />

au pied mèmc do cc cap qui, après avoir été un jour<br />

Je trône <strong>de</strong> Vénus, fut protégé et dominé par la Croix.<br />

C'est au pied <strong>de</strong> cette croix que les mn.rinicrs cachèrent<br />

pieusement la précieuse et sainte relique. Dès<br />

qu'on vit sourire et briller l'D.rc-on-ciel <strong>de</strong> la paix, ils<br />

y retournèrent, et retrouvèrent le reliquaire élégam­<br />

ment entouré <strong>de</strong> vertes guirlan<strong>de</strong>s: le lierre l'emeloppait<br />

sous un manteau <strong>de</strong> feuillage, ct la clématite<br />

avec le liseron lui formaiont un céleste reposoir que<br />

les anges faisaient fleurir. En voyanl quo saint Pierre<br />

avait daigné choisir le Vcr<strong>de</strong>rarium pour son reliquaire,<br />

on lui éleva là une chapelle, germe d'oü est<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


3:10 CA:'\ 1 G tJ<br />

•l' honl hrotù, com la nol' tle la poncclla,<br />

Lle SanL Pero 1lc Horlu ·1 mom•'st.ir (û).<br />

L.\ GO.JA IlE L.\NOS<br />

Atlcu, Lena ccrLlana,<br />

mon paradis un dia,<br />

rru é n' cts i ay ! d' anyorivola por mi,<br />

d' ença que en La Solana,<br />

veq;cl' <strong>de</strong> J' iliTIOl' mia,<br />

lots los nw11s snmnis Psflomr vrji!<br />

L 0 S l'.\ Il 0 H Tl lE S ll E .'\ 1<br />

Sc sont alg1i CJllr plant<br />

VCJ'R Font-romeu y Noria,<br />

J Il 1 \ Y P 0 :\ 'r - Il 0 11 E l'<br />

dr lr•s nlojofi cs l' rshal'l qnr nçlnrn.<br />

nostra suau ranturia.<br />

Canlùm, cantùm, llnr ro sl'n. nil <strong>de</strong>clina<br />

ais 1·uigs ÙP vos! ra aurol'a,<br />

i oh Esl.rella malulina<br />

rle Nuria y Fonl-J·omcu !<br />

sian vos la Hcgina<br />

<strong>de</strong> noslr·r Pirinru.<br />

C!J!II\ rn; GO.IES<br />

Ani•mscn, Jilor·i[erlf•u; ""J'ulla en f11ll rt<br />

vos i.I' Ii. corona il' or sr va dcsft• n 1,<br />

lo vol <strong>de</strong> nostrcs ilusions s' csbulla<br />

om nn csharl <strong>de</strong> papallons al vcnl.<br />

Dcix i·m ar rn cixn. cirn:t SU IJir ·n. nn,<br />

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LE CANIGOU ::.133<br />

gardant le souvenir <strong>de</strong> cette terre catalane, allons<br />

mourir dans une <strong>de</strong> ces iles <strong>de</strong>s mers lointaines qui<br />

peut-être nous virent naîlro, il y a plusieurs siècles!<br />

F LEU Il-DE-NEIGE<br />

C'était à pareil jour, et à pareille heure, il y a quel­<br />

ques années; je mc trouvais ici même, avec Gentil.<br />

Les baisers <strong>de</strong> l'aurore volaient sur son front, comme<br />

les abeilles voltigent sur le front <strong>de</strong>s boulons <strong>de</strong> roses<br />

qu'entr'ouvrent les haleines d'avril au milieu <strong>de</strong>s<br />

branches. Et aujourd'hui, je dois dire adieu à ce même<br />

sommet qui conserve l'empreinte <strong>de</strong> ses pas et à qui<br />

mon cœur a donnû toul son amour ! Délicieuses mon­<br />

tagnes quo colles du Canigou! Oh! oui, elles le furent<br />

pour moi; mais aujourd'hui, non, hélas! elles ne le<br />

sont plus! ...<br />

LES FÉES, e1t s"e11 allctnl.<br />

Quand approche novembre qui voit tomber les<br />

feuilles, les hiron<strong>de</strong>lles se rassemblent sur le rivage,<br />

sc disposant à traverser la mer. De mème, ù ma ùouce<br />

Cnlalog·nc, nous niions prendre notre vol cL nous<br />

éloigner <strong>de</strong> Loi. Bientôt, nous no pourrons que tour­<br />

ner <strong>de</strong> loin nos yeux vers toi en laissant couler nos<br />

Hl.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


3:lR<br />

v 111ls, muller" rcanc, cruant tenia,<br />

lot ho dcixlper eix rer•! dl' Cl'!.<br />

Sovint fins ;il' UUJ'OI'a<br />

0 ·' " \<br />

un èxtasis divl 'm lligava fora;<br />

quan 1. l' al bad ella (8) me CI·idava al ch or.<br />

un dl'mali, la parla ora tancuda;<br />

jo <strong>de</strong>manava enlrada,<br />

ningti 'm senti, ning•l, sin6 '1 Senyor.<br />

Ell m' envià dos imgrls amorosos<br />

ab una escala d' or.<br />

Ditxosos, i oh ! rlilxosos<br />

los que pujan, i oh Creu ! pcr La Llorida<br />

brancatla, arbre <strong>de</strong> vida,<br />

que '1 fruyL <strong>de</strong>l cel nos du ;<br />

por pujrtr do la Gloria al goig srns mida<br />

l' escala d' or ets Lu !<br />

GHOR Illlcs al>rigan dPI VallrspiP,<br />

iJ01·iL niu <strong>de</strong> I'CJ1Ôs holll volgui viure.<br />

S.\.H .\,\HGIS<br />

f:nordau Jo mur <strong>de</strong> l' immorLal Gironn.<br />

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LE C .\\1 G 0 li<br />

SAINTE EULALIE<br />

Placez-vous sur l'écusson <strong>de</strong> Barcelone.<br />

SAINTS LUCIEN ET l\IARCIEN<br />

Posez-vous aussi sur le cœur d'Ausone notre mère,<br />

et faites-lui produire <strong>de</strong>s fleurs <strong>de</strong> science et <strong>de</strong><br />

piétû.<br />

SAINT DA.\L\SE<br />

Et faites mourir le Coran aux pieds ùe Jésus-Christ,<br />

en faisant revivre ct refleurir sa foi et sa doctrine Jans<br />

l'Ampourùan, le H.oussillon cl la Cerdagne, dans lu<br />

Catalogne et dans toute l'Espagne.<br />

OLl VA<br />

Enten<strong>de</strong>z-vous le triste tin te ment ct com mc les sanglots<br />

<strong>de</strong> la cloche <strong>de</strong> notre mouastèrc? J\Ion cœur<br />

s'unit it elle ct vous <strong>de</strong>manLlc une prière pour mon<br />

frère qui se meurt.<br />

C!IOEUH DE fiELIGIEUX(ù genoux).<br />

Pa1'le::., iime ch1·étienne ... Rompant les liens du<br />

corps, quittez co mon<strong>de</strong>, immortelle chrysali<strong>de</strong>. 0<br />

mon Dieu, recevez cette àme dans vos bras comme une<br />

epouse, et délivrez-la tlu gouffre inl'cmnl comme vous<br />

délivrùtes Lolh <strong>de</strong> l'incendie <strong>de</strong> Sodome, Daniel <strong>de</strong>s<br />

griifes du lion, saint Pierre ct saint Paul c.les chaines<br />

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LE CANIGOU<br />

Hélas! tout s'est éteint, les cantiques comme les<br />

lumières; on a vu s'effeuiller la rose, et après elle le<br />

rosier tout entier; les hymmes saints se sont endormis<br />

sur la harpe muette, comme <strong>de</strong>s verdiers qui meurent<br />

dans leur niù après avoir rempli le bocage <strong>de</strong> leurs<br />

ravissants concerts.<br />

C'est en vain qu'on cherche une trace <strong>de</strong>s anciens<br />

autels romans. H.ien ne subsiste du cloitre byzantin.<br />

Pas une <strong>de</strong>s statues d'albâtre n'est restée <strong>de</strong>bout, et<br />

la lampe <strong>de</strong> l'antique sanctuaire s'est éteinte comme<br />

un astre dont l'éclat ne doit jamais plus resplendir,<br />

hélas! sur le Canigou! ...<br />

Semblables à <strong>de</strong>ux géants d'une légion sainte, seuls<br />

sont encore <strong>de</strong>bout <strong>de</strong>ux clochers : on croirait voir les<br />

<strong>de</strong>rniers moines <strong>de</strong> cet aulique désert, qui, avant <strong>de</strong> dis­<br />

paraître, contemplent une <strong>de</strong>rnière fois les débris <strong>de</strong><br />

ces autels en ruines.<br />

Ce sont <strong>de</strong>ux sentinelles colossales que l'éternité a<br />

placées sur les limites du Conflent. A côté d'elles les<br />

chênes ne sont que <strong>de</strong>s buissons, et les bergeries d'a­<br />

lentour font l'eJret <strong>de</strong> petites brebis entourant ce pas­<br />

teur géant.<br />

..<br />

*<br />

C'était Jans les ténèbres d'une profon<strong>de</strong> nnit. Le<br />

clocher <strong>de</strong> Cuxa


LG CANIGOL'<br />

a: Je pleurais avec eux, et jo pleure encore; mais,<br />

hélas! sans aucun espoir d'ètre consolé, puisque l'ob­<br />

jet <strong>de</strong> mes rogrols m'a fui sans retour, ct quo moi­<br />

même je me flétris et m'effeuille tous les jours; je suis<br />

comme une ruche qui a vu mourir son essaim do<br />

bourdonnantes abeilles. »<br />

- « Nous tomberons ensemble, reprend celui <strong>de</strong><br />

Cuxa. J'avais jadis à mon côté un autre clocher, dont<br />

ln tète majestueuse s'élevû.it au niveau <strong>de</strong>s hautes<br />

cimes, et dont la voix douce ou terrible imitait et rap­<br />

pelait tour à tour le son mâle du clairon ou le gron­<br />

<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la tempête.<br />

« Comme moi il comptait neuf cents ans d'exis­<br />

tence; mais cc nouveau Mathusalem a vu son <strong>de</strong>rnier<br />

jour, comme le vieux Patriarche; et lorsqu'il reçut le<br />

coup mortel, comme Goliath il tomba couché <strong>de</strong> toute<br />

sa longueur ; eL <strong>de</strong>puis lors, son cadavre gigantesque<br />

<strong>de</strong>meuré sans sépulture semble m'appeler ct me mar­<br />

quer ù sos côtés la place do ma couche funèbre (1) ...<br />

« Avant peu, l'on verra la masse blanchâtre <strong>de</strong><br />

mon squelette en dissolution couchée dans la vallée<br />

ùc Codalet. Je sens que le poids <strong>de</strong> ma tète augmenle<br />

ùe plus on plus; e1 chaque soir, la lune elle-même,<br />

en faisant son apparition dans la contrée, s'étonne<br />

<strong>de</strong> mo trouver encore <strong>de</strong>bout.<br />

re Je vais donc bientôt me coucher dans mon sépul­<br />

cre; tu <strong>de</strong>scendras <strong>de</strong> ta mon tagno pour vrnir parla­<br />

ger mon repos; ct bientôt, hélas! Je laboureur, en<br />

con1luisant la charrue sur la terre •qui nous reconvrira,<br />

ne saura plus nppecndro mn ùgcs futurs où fttront<br />

SainL-Micbell'l Saint-Murlin!>><br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


3:iô C.\ N 1 G 0<br />

• Aixis un vcsprc 'ls dos cloqucrs parlavan;<br />

mes, rcn<strong>de</strong>mà mati, al sortir lo sol,<br />

re0omensant los cànLichs qucr ells acaban;<br />

los Lodons ab l'eurem conversavan,<br />

ab l'esLrella <strong>de</strong>l dia 'l rossinyol.<br />

Sonrigué la montanya ongallardida<br />

corn si esLrenàs son ver<strong>de</strong>janL manlell ;<br />

moslris com nu via <strong>de</strong> joyclls gnarnida,<br />

y do ses mil cong slrs la llorirla<br />

blanca cslJandi com tarongcr naveil.<br />

Lo que un segle basti, l'altre ho alm·ra;<br />

mes resta scmprc 'l monument <strong>de</strong> Deu,<br />

y lu lem pesta, '1 torb, l'odi y la gucrra<br />

al Canigù no '1 Liraràn [t LeiTa,<br />

no csbrancaràn por ara '1 Pirineu.<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

\


LEC\NlGOt:<br />

'1'-"-<br />

i)()/<br />

Ainsi s'entretenaient, llll soir. les llcux clochers.<br />

Le lcnllcmain, au lever du soleil, les cantiques, qu'ils<br />

achevaient à la fin du jour, étaient repris par les<br />

ramiers conversant avec le lierre, ct par le rossignol<br />

avec l'étoile du matin.<br />

On voyait sourire la montagne dans tout son éclat,<br />

comme si elle eût revètu pour la première fois son<br />

brillant manteau ùe verdure ; olle apparaissait sem­<br />

blable à une nouvelle mariée parée <strong>de</strong> ses joyaux, et<br />

ses blancs tapis ùe neige s'épanouissaient comme les<br />

Heurs ùe l'oranger nouvellement écloses.<br />

Co qu'un siècle avait élevé, un aulre siècle le ren­<br />

verse. Mais Je monument qui est l'œuvre rio Dieu dcmeurn<br />

indcstruclible: aussi, ni la tcmpôle, ni le tourbillon,<br />

ni la haine, ni lu guerre, rien ne pourra dl•ra·<br />

ciner le Canigou, rion ne pourrtt mutiler le Pyrénée ...<br />

©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>


©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />

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