3. - Biblioteca Nacional de Colombia
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©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
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LE CANIGOU<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
AVANT-P ROPOS<br />
DU<br />
TRADUCTEUH<br />
I<br />
Après avoir signalé au public français le premier poème<br />
éclos sous la puissante inspiration <strong>de</strong> D. Jacinto Verdaguer,<br />
nous voici en passe <strong>de</strong> faire connaltre, non plus<br />
simplement le sujet et l'affabulation, duns une pàle ana<br />
lyse, <strong>de</strong> la nouvelle création du poète, mais l"œuV!'e ell:!<br />
même, tJ'aduite, sinon sans l1ésiLation eL sans crainte, du<br />
moins sans prétention et avec l'unique préoccupation <strong>de</strong><br />
translater dans notre langue, comme à travers un miroir<br />
ll<strong>de</strong>!e, les beautés <strong>de</strong> J'original, dans leur gr·âce ou leur<br />
majesté, nous efforçant <strong>de</strong> reproduit-e l'ensemble du<br />
tableau, ct, autant que possible, <strong>de</strong> reuùrc les couleurs<br />
avec leur lumièr·e, rle façon à faire passer dans l'âme du<br />
lecteur français les émotions qui remplissent tout lecteur<br />
fam iliarisé avec la langue du poète.<br />
Nous n'avons pas it parler <strong>de</strong> l'accueil fait par· Je public<br />
it notre In o<strong>de</strong>s te Essai sm· I'ArLANT!UE; mais nous croyons<br />
pouvoir dire sans présomption qu'il n'e ·t pas passé inaperçu,<br />
cL qu'il a été utile pour faire connaitre et apprécier<br />
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«
DU TRADUCTEUR X liT<br />
moins avant la naissance <strong>de</strong> Gui l're, comme il est facile it<br />
chacun <strong>de</strong> le vérifle1·. On voit que l'édifice croule par la<br />
b::tsc. Inutile <strong>de</strong> relever tous les anachronismes qui, échap<br />
pés it ces divers annalistes, réduisent ù. néant leurs hypothèses<br />
ct leurs légen<strong>de</strong>s (1).<br />
Le lerleue connaîl maintenant (au moins sommairement)<br />
les <strong>de</strong>ux sources où a puisé le poèt.e, cl, s'il est<br />
permis <strong>de</strong> parler ainsi, les litres <strong>de</strong> son inspiration : la<br />
vérité historique, formant le fond du taùleau; ct, comme<br />
<strong>de</strong>ssin, la tradition plus ou moins altérée <strong>de</strong>s récits trans<br />
mis <strong>de</strong> siècle en sièrlc. Naturellement, le poète, sans<br />
répudier complètement l'histoire, s'est plus particulière<br />
ment inspi1·é <strong>de</strong> la légen<strong>de</strong>; et nul ne pourrait y trouver<br />
ù. redire, sous peine ùe couper les ailes ù. la poésie, qui<br />
vit plus ou moins rle fictions. Vcrdaguer a donc pu, en<br />
s'établissant dans Je domaine <strong>de</strong> la légen<strong>de</strong>, l'élargir<br />
cncor·e et la plier aux libres allures <strong>de</strong> son inspiration.<br />
Aussi ne ilevons-nous pas nous étonr1e1' si son principal<br />
pcl·sonnage, Gentil, se transforme sous Je souffle Ju poi•Lc<br />
ct dPvient une création nouvelle, quoique moins sympa<br />
thique. Mais ici, comme dans l'Atlantirte, ne l'oublions<br />
pas, cc n'est pas sur telle personnalité que doit sc con<br />
centrer l'inLérN ou sc fixer notr·c attention. Le sujet du<br />
poème, comme l'indique assez son titre, ce n'est ni_ Gentil,<br />
ni Gri elùa, ni f.uii'rc, ni Taillefer; c'est, pat' une assez<br />
rare hardiesse, Je lieu dans lequel sc déroulent les prin<br />
cipales scènes ct les plus émouvantes ùc la poétiqur<br />
legen<strong>de</strong> roussillonnaise.<br />
( l \L'étal <strong>de</strong> la question a élé savamment exposé par M. Pier·re<br />
Puip;g:u·i, d1tns une clisscrlation publiée en 1831, sous ce Litre:<br />
Xotices sur l'ancienne ablmyr <strong>de</strong> Sairlt-.l!a!"iir1 <strong>de</strong> Caniyo,<br />
lil'l'es rie rlocumeat.< aulhe,1lirtue.
xxx AYA:-;T-PROP(IS<br />
ment offrir <strong>de</strong> l'intérêt à un peuple déterminé ; mais il<br />
faut que ce peuple ait une place marquée dans le genre<br />
humain . Or, on ne pourrait revendiquer cette sorte d'in<br />
térêt général pour le Canigou, dont l'action est limitée à<br />
un sujet épisodique et légendaire qui se déroule dans un<br />
coin <strong>de</strong> terre quelque peu secondaire, il faut bien le Jire,<br />
sur la carte du globe.<br />
Dans le Ccmioou, comme dans l'Atlanti<strong>de</strong>, une antique<br />
légen<strong>de</strong> se trouve encadrée dans un. poème <strong>de</strong>scriptif, qui<br />
a pour sujet et pour titre, non point le nom d'un personnage,<br />
mais le nom du pays ou <strong>de</strong> la montagne qui est le<br />
théâtre <strong>de</strong> l'action. C'est ce qu'on a critiqué, comme si<br />
Le Tasse et Milton en avaient agi autrement. On s'est<br />
<strong>de</strong>mandé si la légen<strong>de</strong> ne fait pas tol't à l'élément <strong>de</strong>s<br />
criptif, et si, d'autre part, l'éclat sout.enn <strong>de</strong> ces grands<br />
tableaux, qui apparaissent comme le but principal elu<br />
poète, ne contribue pas à obscurcir ou embarrasser la<br />
marche <strong>de</strong> l'action qui fait mouvoir lrs dive1·s rescorts et<br />
déroule les péripéties <strong>de</strong> la légen<strong>de</strong>. Nous avons déjiL dit,<br />
au début <strong>de</strong> ces pages, que ces <strong>de</strong>ux éléments avaient été<br />
heureusement combinés par Je poète; aussi n'acceptons<br />
nous pas plus cette critique au sujet du Canigou que nous<br />
ne l'avons accueillie pom l'Atlanti<strong>de</strong>; ot nous ne pouvons,<br />
à cet égard, qu'en appeler au lecteur judicieux, en<br />
le renvoyant à nos précé<strong>de</strong>ntes considérations. Du reste,<br />
ccci retrouvera sa place quan1l nous nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rons<br />
s'il est vrai que la gran<strong>de</strong> loi <strong>de</strong> l'unité ait été méconnue<br />
ou violée par VcrJaguer.<br />
Le choix <strong>de</strong>s sujet constitue la principale différence<br />
<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux poèmes. Cc qui nous paraît certain, c'est rruc,<br />
si le Canigou ne produit pas l'éblouissement magique Je<br />
l'épopée <strong>de</strong> haut \·ol par laquelle se réYé]a notre grand<br />
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\
LYT 1 l' 1 XT-PI10POS<br />
les vers la charmante légen<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'illustre poète <strong>de</strong> Mail- 1<br />
Jane. Ccci nous remet en mémoire ces vers <strong>de</strong> Louis Veuil<br />
lot, un <strong>de</strong>s hommes qui, dans ce siècle, ont fait le plus<br />
merveilleux usage <strong>de</strong> cet admirable instrument qu'on<br />
appelle la prose française:<br />
0 Prose, noble oulil el bon anx fortes mains!<br />
Quand l'e prit veut ma1·cher, lu lui fais <strong>de</strong>s chemins.<br />
Sans Loi dans l'idéal il tlànc rL vagabon<strong>de</strong> ...<br />
Cela veut-il dire que l'œuvre d'une traduction en<br />
prose soit sans difflcullés? Hélas! qui oserait le pré<br />
tendre? Quant à nous, Lous nos efforts onL tendu ù bien<br />
comprt::udre d'abord Je poète, ct ù le rendre avec une<br />
clarté simple et scrupuleuse, sans nous dissimuler qu'une<br />
traduction, même bien réus ie, n'est qu'une estampe à<br />
laquelle manquera toujours le coloris du tableau, ou<br />
encore un tapis flamand vu il l'envers, qni présente bién<br />
les <strong>de</strong>s in et les figures, mais traversés par <strong>de</strong>s fils qui<br />
les obscurcissent, <strong>de</strong> sorte qu'on ne voit ni l'uni ni Je'<br />
brillant <strong>de</strong> la vraie face. Xous nous faisons encore, avec'<br />
je ne sais quel auteur, une autre idée <strong>de</strong> J'œuvre ch{ tl'a<br />
ducleur : celui-ci nous paraît procé<strong>de</strong>r ù un embaume<br />
ment; il pourra bien conserver la forme du corps, a1·ec<br />
ses caractère ct ses traits génél"aux; mais où seront les<br />
diverses alliLu<strong>de</strong>s du corps vivant? Où seront même les<br />
reflets <strong>de</strong> l'hermine du manteau? Où seront su t" LouL<br />
l'expression et le feu du regar·d? ...<br />
Nous nous sommes inspiré du mot <strong>de</strong> Cervantes, en<br />
nous appliquant à traduire « SAX5 RIEX )lETTRE xr RIEx<br />
ùliF.TTRE; »car nous ne connaissons pas <strong>de</strong> rai on sufli<br />
sante d'abandonner jamais, même au détriment du<br />
génie <strong>de</strong> notre langue, une lilléralité qui rend le Lexle,<br />
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\
AU TRADllCTEUR<br />
« Mo:'iSETGNEUR ET CIIEI\ co:sFIIÈRE,<br />
« Les poètes aslrés naiss
.\Il TIUDl'C:TECR<br />
Pyrénées dans la tasse du pàtre, ni g'oCtter au<br />
miel qui coule <strong>de</strong>s yeuses entr'ouvertes, voici,<br />
dans une coupe ciselée à plaisir par la main<br />
fl'un poète qui consent à sc faire le tratlucteur<br />
d'un autre, voici le lait, voici le miel du mont<br />
Jlymète calahn . .Je m'unis <strong>de</strong> loul. cœur aux<br />
applaudissements qui Yont accueillir en France<br />
la 11 Chanson du Canigou», gTàce à volre version<br />
aussi exacte que poéti><br />
« j[aillane (llouchcs-tlu-Rhôoe), 1 i fi:vric1· 1889. "<br />
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LE CANIGOU<br />
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CANIGO<br />
CANT PR IMER<br />
L' APLECJI<br />
Ab son germa, lo comte <strong>de</strong> Cerdanya,<br />
com àliga que à l' àliga acompanya,<br />
ùevalla Tallaferro <strong>de</strong> Canigo un mali;<br />
ve ab son fill ùe caçar en la boscuria,<br />
quant al sentirlti mistica canluria<br />
sc n' entra al hermitalge <strong>de</strong>vot <strong>de</strong> Sant :Marti.<br />
Lo Sanl, <strong>de</strong>scle '1 cavall, veslit <strong>de</strong> malla,<br />
encès d' amor, d' un colp d' cspasa talla,<br />
pcr abrigar ù un polJrc, son ribctaL mautcll;<br />
Gcutil, l' aligo tendre, sa armadura<br />
contempla, y, ab coratge que no dura:<br />
- lron pare,- diu, - voldrla scr cavalier com ell.<br />
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\
«N'ai-je pas fait la guerre avec vous contre Alman<br />
zor? L'ennemi a-t-il jamais vu seulement mon épaule?<br />
N'ai-je pas arrosé Je sol <strong>de</strong> mon sang ct du sang <strong>de</strong>s<br />
Sarrasins? Pourquoi donc me refuseriez-vous encore,<br />
à moi seul, à moi volre fils, Je heaume et le bouclier<br />
quo vous avez donnés à tant d'autres? ... Sentit-cc que<br />
les mères ne donnent plus le jour à <strong>de</strong>s guerriers et à<br />
<strong>de</strong>s paladins? ... »<br />
- « Mon i1ls, Loi qui es mon sang et l'héritier <strong>de</strong><br />
ma gloire, j'aime à t'entendre ainsi parler, et je suis<br />
fier <strong>de</strong> ta prière. Deman<strong>de</strong> à ton oncle s'il y applaudit<br />
comme moi. • - " Oui, vraiment, dil alors l'autre<br />
comte; il doit être vile armé chevalier, puisqu'il ne<br />
l'est pas encore. Qu'il fasse cette nuit sa veille d'armes,<br />
je l'armerai dès <strong>de</strong>main matin. •<br />
Amsitôt, Genlil sc retire dans la chapelle, pour y<br />
prier. On dirait une ahcille hourrlonnaut dans sa<br />
ruche. Il est accompagné d'une suite <strong>de</strong> comtes, <strong>de</strong><br />
pages ct d'écuyers. Il se prosterne sur la plus haute<br />
marche do l'autel, les yeux fixés sur le saint Evêque<br />
dont il contemple J'image, cl qui, avant ùc porter les<br />
insignes du pontife, avait 6té le modèle <strong>de</strong>s chevaliers.<br />
Les lueurs <strong>de</strong> l'aube le trouvent encore au pied do<br />
l'autel, oü l'on croirait Yoir une colombe au blanc<br />
plumage. Il s'enivre dn parfum <strong>de</strong>s pieuses inspira<br />
tions, conseils salutaires qui, avant peu, semblables<br />
à ùes papillons légers, s'envoleront dans les airs; et<br />
son cœur novice, h6lns l s'envolera connnc cu.· .. ,<br />
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6 CAN1G6<br />
· - l'er Den batalla, -l' hermilà li crida, -<br />
estima son honor més que la vida,<br />
com :ploma ta arma escriga per Lot la santa lley ;<br />
sias sempre capçal <strong>de</strong> l' ignocencia,<br />
si 't dobla un vent, que sia 'l <strong>de</strong> clemencia :<br />
escut si as pe'l po ble y espasa per lon rey. -<br />
Deixa <strong>de</strong>sprés la blanca veslitlura<br />
y li donan ù peces l' armadura,<br />
damunt lo camisollo plalejat perpunt;<br />
abriga ab Jo capmall sa tesla bella,<br />
son cos gallarl y fort ab la roclella<br />
que du les Quatre Bancs y un sol ixent damunt.<br />
Guifre, son oncle, 'ls esperons li posa,<br />
fenl una creu en son genoll, que arrosa<br />
ab una encesn llàgrima; l' espasa empunya apre ,<br />
que u .un raig <strong>de</strong> sollluheix damunt <strong>de</strong> l'ara,<br />
y
-------------<br />
L'ermitage, en ce moment, est plein comme un œuf:<br />
jeunes filles, jeunes gens et vieillards sont lù, invités<br />
à la fête par les allègres tintements <strong>de</strong> la cloche sonore.<br />
On croit y voir entrer, avec la jeunesse, toutes les<br />
fleurs <strong>de</strong> ces montagnes et <strong>de</strong> ces vallées, accourues<br />
pour baiser les pieds du saint qui semble leur sourire.<br />
Les jeunes filles cueillent sur la montagne les pois<br />
odoriférants, les violettes cL les coquelicots ; et, après<br />
en avoir empli leurs tabliers, elles entrent dans l'église,<br />
où, apercevant le chevalier Gentil, elles parlagent leur<br />
gerbe fleurie entre lui et le saint pontife, répandant à<br />
flots les fleurs sur leurs tètes, comme le mois d'avril<br />
couronne <strong>de</strong> myria<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fleurs les arbres qui parle·<br />
raut bientôt <strong>de</strong>s fruits.<br />
C'est aujourd'hui le jour du pieux ren<strong>de</strong>z-vous à<br />
l'ermitage. Tous, bien endimauché1:1, y vont en pèleri<br />
nage, propriétaires et travailleurs, bergers et gentils<br />
hommes; chacun d'eux a une faveur à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à<br />
saint Martin, qui, <strong>de</strong> bien bonne grâce, accor<strong>de</strong> aux<br />
villageois <strong>de</strong> bonnes récoltes et <strong>de</strong>s enfants à leur<br />
épouses.<br />
Les jeunes gens eL les jeunes filles ne font pas <strong>de</strong><br />
longues prières, attirés qu'ils sont par les mélodieuses<br />
ritournelles dont la verte cornemusc(i) fait retentir l'air<br />
sous les pins, ou par les modulations aiguës du galou<br />
)Jet, cl aussi par le coup <strong>de</strong> tambourin qui marque la<br />
mesure à l'essaim fleuri <strong>de</strong> jeunes filles accourues à<br />
cet appel.<br />
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1,
14 CAl\"1 G Ù \<br />
Aixis les !tores en ses d
LG CANJGOU 11:1<br />
C'est ainsi que les heures, dans leurs ron<strong>de</strong>s gracieuses,<br />
suivent la marche ca<strong>de</strong>ncée <strong>de</strong>s étoiles qui<br />
roulent constamment autour <strong>de</strong> l'étoile polaire. Loin<br />
<strong>de</strong> se ralentir au chant du coq, ces danses n'en<br />
<strong>de</strong>viennent que plus joyeuses; et quand le noir ri<strong>de</strong>au<br />
<strong>de</strong> la nuit chasse l'ombre et dissipe les ténèbres, les<br />
harmonies matinales <strong>de</strong> cette ron<strong>de</strong> céleste invitent<br />
la terre à s'éveiller.<br />
Dès que se séparent les anneaux <strong>de</strong> cette chaine<br />
dansante, semblables à <strong>de</strong>s perles qui tombent en<br />
s'égrenant, on voit s'en détacher la rose <strong>de</strong> cette guir<br />
lan<strong>de</strong>, Griselda, à tant gracieusement <strong>de</strong> son front sa<br />
couronne <strong>de</strong> reine <strong>de</strong> la fète ct courant la déposer entre<br />
les mains du nouveau chevalier.<br />
Mais, à peine arrivée auprès <strong>de</strong> lui, elle est arrèlée<br />
ct comme pétrifiée par le regard terrible <strong>de</strong> Taillefer,<br />
qui lui elit, dans son langage muet et cruel : - « Oü<br />
«vas-tu donc? n - La couronne lui lombe <strong>de</strong>s mains<br />
au moment oü elle allait l'offrir; et, comme le jeune<br />
homme se baissait pour la ramasser, il on tond son père<br />
qui lui crie d'une voix <strong>de</strong> tonnerre : - « Que fais-tu<br />
« donc? ...<br />
i8 CA:"! TG 0<br />
Les llums dr set cu sel pujan y baixaa,<br />
cinyells <strong>de</strong> flama los monlicols faixan<br />
y 's veu entre fuma<strong>de</strong>s lo bosch llampeguejar;<br />
surlen rius Je guspires <strong>de</strong> Lot cayre,<br />
com si 's vejessen entre terra y ayre<br />
los !lamps y los comeles en gucna sabrcjilr.<br />
Dels fallayrcs ill bailla gent s' alança,<br />
les nincs lleixan la primera dança,<br />
y un <strong>de</strong>ls joglars (5), al vèures lot sol ab los fadrins,<br />
llança, ab quimera mosseganlse 'l llabi,<br />
eixa cançô tle vcl'inos agravi,<br />
corn un grapat <strong>de</strong> vivorcs y negrcs escarpins:<br />
10 RAM SANTJOANENCTI<br />
Lo dia <strong>de</strong> Sant Joan<br />
n' cs dia llc festa grossa;<br />
les nines llcl Pirineu<br />
posun un ram it la porta,<br />
ù'ençit que una n' hi hagué<br />
ù' ulis blavcnclls y cellil rossa,<br />
tenia una eslrella al front<br />
y a callu galla una rosa.<br />
Un fallayre li ha caygut<br />
al ull, i malhaju lu brossa!<br />
n' apar un csparvcrot<br />
que fa l' alcla tt una lôrlora.<br />
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\
LE CA:-!IGOU<br />
On voit ces feux errants monter et <strong>de</strong>scendre par<br />
groupes <strong>de</strong> sept, et entourer les mamelons comme<br />
<strong>de</strong> ceintures <strong>de</strong> flammes. Divers points <strong>de</strong> la forêt<br />
s'illuminent tour à tour au milieu <strong>de</strong> colonnes <strong>de</strong><br />
fumée ; <strong>de</strong> tous côtés jaillissent <strong>de</strong>s traînées ou ruisseaux<br />
d'étincelles, comme si la foudre et les comètes<br />
engageaient un combat, à l'arme blanche, entre le<br />
ciel et 1 a terre.<br />
La foule s'approche <strong>de</strong> la ron<strong>de</strong> <strong>de</strong>s montagnards ;<br />
les jeunes filles laissent leur danse; et bientôt, un <strong>de</strong>s<br />
ménétriers (tl), se voyant seul avec les jeunes garçons,<br />
et se mordant les lèvres <strong>de</strong> dépil, lance dans l'air ce<br />
chant d'amère provocation, comme une poignée <strong>de</strong><br />
vipères et <strong>de</strong> noirs scorpions :<br />
LE RAMEAU DE LA SAINT-JEAN<br />
Le jour <strong>de</strong> la Saint-Jean est un jour <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> fète.<br />
Les jeunes filles <strong>de</strong>s Pyrénées mettent à leur porte un<br />
rameau vert, <strong>de</strong>puis l'histoire <strong>de</strong> celte jouvencelle<br />
aux yeux hleus et aux blonds sourcils, dont le front<br />
llrillait comme une étoile et don lies <strong>de</strong>ux joues étaient<br />
<strong>de</strong> vraies roses. Un montagnard lui est tombé dans<br />
l'œil; au diable l'importun!. . On dirait un jeune<br />
épervier faisant la cour à une tourterelle.<br />
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Hl
LE C.\NIGOt:<br />
Le jour <strong>de</strong> la Saint-Jean, <strong>de</strong> bon matin, la gente<br />
tourterelle prend son vol, elle vole vers le bord du<br />
ruisseau, pour chercher la bonne avenlu1·e. Elle y<br />
cueille ce qu'elle trouve <strong>de</strong> mieux en fait <strong>de</strong> bonne<br />
aventure: c'était un bouquet <strong>de</strong> fleurs <strong>de</strong> Saint-Jean,<br />
du thym et du romarin; elle les dispose en croix, et<br />
les applique en guise <strong>de</strong> couronnement au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong><br />
la porte du mas. Bientôt arrive son amoureux; mais<br />
il n'ose pas entrer.<br />
Alors, la jouvencelle, <strong>de</strong> l'intérieur:<br />
-«Pourquoi donc, lui dit-elle, restes-tu ainsi <strong>de</strong><br />
hors?>><br />
- « Parce que tu m'interdis l'entrée, gardée par les<br />
fleurs <strong>de</strong> ton bouquet. »<br />
- (( Comment! un bouquet te fait peur ? >><br />
- « C'est sa forme en sautoir qui m'arrête. »<br />
- « Mais point elu tout; il est on forme <strong>de</strong> croix;<br />
et si tu en as peur, c'est que tn n'cs pas une bonne<br />
chose. •<br />
-
-------<br />
LE C.\NIGOIJ<br />
Un vieux montagnard a entendu la chanson. Aussi-<br />
tôt, ennammé <strong>de</strong> colère, il lance au loin sa torche; et,<br />
débouchant d'un massif à l'improviste, il se prP.sente<br />
tout à coup en face du ménétrier, dont il écrase la<br />
cornemuse d'un vigoureux coup <strong>de</strong> poing. Notre ,jou<br />
gla1· saisit le montagnard; et sans plus tar<strong>de</strong>r, on<br />
Voit s'élever dans les airs comme une forèt branlante<br />
<strong>de</strong> bâtons <strong>de</strong> chênes verts.<br />
Le cri <strong>de</strong> guerre est sm· le point J'éclater, grand<br />
bieu! entre les jeunes villageois <strong>de</strong> la plaine et ceux<br />
<strong>de</strong> la montagne, quand une autre clameur plus ter<br />
rible apaise et rapproche les <strong>de</strong>ux camps: - « Les<br />
Maures sont à Elne (6)! leurs noirs bataillons tran<br />
chent déjà sur le sable, et quatorze galions en vomis<br />
sent encore sur le rivage ...<br />
- Courons les tailler en pièces, » s'écrie le comte<br />
Guifre, qui se lève tout cn1lammé, pendant que<br />
Taillefer, déjà sur son coursier, dit <strong>de</strong> son côté: -<br />
• Moi, je cours les cerner au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Port-Vendres:<br />
ne lar<strong>de</strong>z pas à me les livrer comme <strong>de</strong> tendres<br />
agneaux : ils rouleront bientôt dans les eaux du<br />
Tech.<br />
- «Je vous suis, » - lui crie le beau Gentil, qui<br />
l.'tche ans,;itôt la bri<strong>de</strong> à son c.;oursier . . Mais le comte<br />
Taillefer ; - cc Non, dit-il, ne vi eus pas encore; reste<br />
au moins un an ou <strong>de</strong>ux au service <strong>de</strong> celui qui<br />
naguère tc c.;réail chevalier; et surlout, mon fils, qu'il<br />
n'ail jamais à rougir <strong>de</strong> toi ! » -<br />
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2-l<br />
Diu, y jaromp com ùliga los ayrcs;<br />
tan sols per ferli llum alguns fallayres<br />
"------<br />
sc ·n du per companyia, los més Ucuger:; y forts.<br />
Gentil ab Guifre ù Cornelli dcvalla,<br />
lo rebull somiant <strong>de</strong> la hatalla,<br />
Jo bracejar tlels vius y ·r cabuçar ùcls morts.<br />
Pe'ls camins <strong>de</strong> Capcir y <strong>de</strong> Cerdrrnya<br />
ja Yolan missatgcrs à Ja campanya,<br />
Cl'idant it vclls y jovcs, peons y cavaliers,<br />
pcr sortir <strong>de</strong> Conllent en su <strong>de</strong> guerra,<br />
it l' horaen que somriu l alba a la terra,<br />
a l' hora en que it fer llenya sc 'n van los llenyaters.<br />
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CANT SEGON<br />
FLORDENEU<br />
Com resson a un huyrach ple ùc sage tes<br />
<strong>de</strong>l hallester en la robusta espallla,<br />
al peu <strong>de</strong>l niu <strong>de</strong> sos amors dolcissim<br />
quanù ronca la maror
38 CANICÔ<br />
vos <strong>de</strong> mon cor serlau robadora.<br />
- Gentil, ingrat Gentil, i, ja no 'm concixcs?<br />
jo so, jo so cixa fior <strong>de</strong> ta memoria;<br />
ton cor era lo gert que jo cm·cava<br />
quant véresme, alli baix, gerdcra hermosa,<br />
ab ma falùa vcssanta <strong>de</strong> macluixes,<br />
<strong>de</strong> jcçamins endormiscada ù l' ombra.<br />
Astre <strong>de</strong>l ccl, tan sols pcr l' amor Leva<br />
dcixi l' atzur <strong>de</strong> l' eslelada volta ;<br />
fada, pcr tu mc retalli les ales ;<br />
per tu 'm llevi, regina, la corona,<br />
y <strong>de</strong> mes mans cleixi csmunyir lo ceptre<br />
sols per posarte à tu ca<strong>de</strong>nas dolces,<br />
clolces ca<strong>de</strong>nes per l' amor forja<strong>de</strong>s,<br />
manilles cl' argent fi, grillons <strong>de</strong> roses.<br />
Si vols volar pe'l cel, tiendras mos somnis;<br />
si pe'l fil <strong>de</strong> les serres, ma carroça.<br />
En Canig6 tu ols presoncr <strong>de</strong>s<strong>de</strong> ara ;<br />
mes Canigu l' Olimp es <strong>de</strong> les gojes. -<br />
Gentil, lligal per invisibles llaços,<br />
va scguintla Encantada, que, traydora,<br />
cstrafit la figura <strong>de</strong> Grisclda,<br />
son caminar suau y sa vou dolça,<br />
E-On mitj-riure <strong>de</strong> verge que somia,<br />
son ayre <strong>de</strong> palmera que 's gronxola,<br />
sos rinxos <strong>de</strong> cabcll esbullacliços,<br />
son Jlabi cora li y galtes <strong>de</strong> rosa:<br />
sobirana que <strong>de</strong>ixa son imperi<br />
y esclava 's fa <strong>de</strong> qui l' amor li roba.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU 3\:J<br />
fleurs, je verrais en vous la ravisseuse <strong>de</strong> mon<br />
cœur ... »<br />
- «Gentil, ingrat Gentil, tu ne me connais clone<br />
pas? Je suis, oui, je snis celte fleur <strong>de</strong> ton souvenir; et<br />
ton cœur était la framboise que je cherchais, quand tu<br />
mc voynis là-bas, belle framboisière, sommeillant à<br />
l'ombre <strong>de</strong>s jasmins, mon Lablier ployant sous le poids<br />
<strong>de</strong>s fraises. Autrefois étoile du ciel, si j'ai quitté l'azur<br />
<strong>de</strong> la voûle étoilée, c'est pour l'amour <strong>de</strong> toi. Devenue<br />
fée, pourtoij'ai coupé mes ailes; et reine, j'ai déposé<br />
pour toi ma couronne, laissant échapper le sceptre <strong>de</strong><br />
mes mains, uniquement pour te charger <strong>de</strong> chaînes<br />
bien douces, <strong>de</strong> ces douces chaînes forgées par l'amour,<br />
anneaux <strong>de</strong> roses, bracelets d'argent fin. Si tu veux<br />
voler à travers le ciel, tu auras mes songes; et s'il te<br />
plaît <strong>de</strong> gravir nos cimes, tu auras mon char. Dès ce<br />
jour, tu es prisonnier sur le Canigou; mais le Canigou<br />
est l'Olympe <strong>de</strong>s fées. »<br />
Gentil, enchalné par <strong>de</strong>s liens invisibles, s'attache<br />
aux pas <strong>de</strong> l'enchanteresse, qui a tr:ütreusement em<br />
prunté les traits <strong>de</strong> Griselda, sa démarche gracieuse et<br />
la douceur <strong>de</strong> sa voix, cc <strong>de</strong>mi-sourire <strong>de</strong> vierge<br />
rêveuse, son port do palme qui se balance, les boucles<br />
<strong>de</strong> ses cheveux flott:mt;;, eniln ses lèvres <strong>de</strong> corail et<br />
ses joues <strong>de</strong> rose : c'est une souveraine qui a reno noé<br />
it son royaume t•our <strong>de</strong>venir l'esclave <strong>de</strong> celui qui lui<br />
prend son amour.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU<br />
mouche dans la toile tressée par l'araignée; ct, quand<br />
il veut fuir, il se sent <strong>de</strong> tous cOtés retenu par une<br />
chaîne insurmontable <strong>de</strong> bras délicats, ct par <strong>de</strong>s<br />
purolcs d'amour qui le charment; enfin, il est subjugué<br />
11ar <strong>de</strong> profonds regards qui dirigent sur lui <strong>de</strong>s yeux<br />
d'azur, mer funeste qui engloutira dans un même<br />
n:mfragc le souvenir <strong>de</strong> Griselda, <strong>de</strong> son pays et <strong>de</strong> sa<br />
race ...<br />
Les sui van les <strong>de</strong> la fée, sur un signal <strong>de</strong> celle-ci,<br />
entourant notre chevalier, l'altachent avec <strong>de</strong>s liens et<br />
<strong>de</strong>s guirlan<strong>de</strong>s cle fleurs.<br />
Mais lui:<br />
- « Princesse , s'écrie-t-il, laissez-moi ma liberté;<br />
<strong>de</strong>ux cents archers m'allen<strong>de</strong>nt d::tns la plaine, qui<br />
m'appelleront tr::titre 1.t la paLric, si je ne les conduis<br />
pas au combat avant l'aurore.<br />
- « Un autre combat bien plus doux t'attend ici,<br />
répond-elle; c'est le combat <strong>de</strong> l'amour, où l'amour<br />
est vainqueur. Si la clwinc dont je t'ai lié sc trouva<br />
trop fragile, j'en ai d'autres encore, do fer, d'argent,<br />
ou d'or même. n<br />
Mais il sc sent pris eomme un oiseau qui, au milieu<br />
<strong>de</strong> son vol, est tombé tout ù coup dans les serres<br />
<strong>de</strong> l'aigle. Au contact do son haleine, cette âme<br />
pure se lernit comme un miroir dans les jours d'hi<br />
ver : le présent, comme un voile magique, dérobe<br />
ù ses yeux son propre nom, sa gloire et son hon-<br />
11eur; et le voiHt qui <strong>de</strong>scend vers le plateau <strong>de</strong> Cadi ,<br />
il cùlé <strong>de</strong> son enchanteresse, comme un œillet à côlé<br />
d'une rose blanche, au milieu d'un cercle <strong>de</strong> séduisantes<br />
jouvencelles.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE C.\NIGOU<br />
Ce plateau, aujourd'hui sec et désert, était alors<br />
une conque d'émerau<strong>de</strong>, ayant pour brillants vête<br />
ments <strong>de</strong>s pins tou[us, et pour bro<strong>de</strong>ries l'angélique<br />
el les jonquilles (3); il se mirait dans les eaux d'un<br />
étang qui occupait la moitié <strong>de</strong> l'immense coupe formée<br />
là par le Canigou.<br />
Les Estagnols, qui aujourd'hui encore argentent<br />
cette partie <strong>de</strong> la montagne, sont <strong>de</strong>s traces <strong>de</strong> cette<br />
pelite mer, et comme les débris dn miroir où se<br />
reflétait toute la voùte du firmament.<br />
Le Canigou tend la main à Batère, celle-ci à Treizevents<br />
et à Comala<strong>de</strong> ('•); et entre ces hauteurs, les entrailles<br />
vierges <strong>de</strong> cette montagne entr'ouvrent la<br />
plaine aux yeux du ciel d'azur, comme une corbeille<br />
<strong>de</strong> fleurs que soutiennent ces géants, les uns <strong>de</strong> leurs<br />
bras, les autres sur leur épaule : jardin délicieux, rafraicbi<br />
et fécondé par la sueur qui coule <strong>de</strong> leurs fronts<br />
sous forme <strong>de</strong> casca<strong>de</strong>s roulant <strong>de</strong> bassin en bassin<br />
comme <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés d'un escalier <strong>de</strong> cristal, jusqu'au<br />
plus large, qui, formant un vallon, sert <strong>de</strong> couronne<br />
au palais (l'albâtre.<br />
A voir ses tours <strong>de</strong> cristal <strong>de</strong> roche, dont les<br />
lumières mystérieuses se confon<strong>de</strong>nt avec celles <strong>de</strong>s<br />
étoiles immobiles, on dirait les colonnes massives <strong>de</strong><br />
la voûte azurée; el ses portiques, soutenus par cent<br />
pilliers <strong>de</strong> porphyre, apparaissent comme l'imposant<br />
belvédère <strong>de</strong> l'aurore.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
<strong>3.</strong>
LE l: .\NIGOU<br />
Le Canigou est un immense map;nolia qui s'épanouit<br />
sur un rejeton <strong>de</strong>s Pyrénées; ses abeilles sont les fées<br />
qui vont et viennent sur ses flancs; les cygnes et les<br />
aigles sont ses pn.rillons. Son calice est formé par<br />
<strong>de</strong>s rochers découverts, qu'argente l'hiver et que dore<br />
l'été, coupe majestueuse où l'étoile vient aspirer <strong>de</strong><br />
suaves parfums, qui donne à l'air <strong>de</strong> l'humidité et ùe<br />
l'eau aux nuages. Les massifs ùe pins sont ses ai<br />
grettes, les Estagnols sont ses gouttes <strong>de</strong> rosée, et son<br />
pistil est ce palais éclatant cl' or, rève <strong>de</strong> fée <strong>de</strong>scentluc<br />
du ciel.<br />
En face s'élend une île toujours verte, vrai bouquet<br />
<strong>de</strong> fleurs dans nn vase d'argent, séduisante oasis<br />
que rêve le bédouin traversant la mer <strong>de</strong> sable du<br />
Sahara.<br />
L'ombre lui est dispensée par les bouleaux au bril<br />
lant feuillage, les hètres et les sapins; la gentiane et<br />
le serpolet lui font un tapis, et les roses <strong>de</strong>s Alpes,<br />
au milieu <strong>de</strong>s lichens, figurent bien le vermillon <strong>de</strong><br />
ses joues.<br />
Une passerelle rustique <strong>de</strong> feuillages, ou plutôt un<br />
pont <strong>de</strong> fteurs, traverse par le milieu l'étang azuré,<br />
comme la voie lactée traverse le firmament.<br />
C'est là, sur un trône <strong>de</strong> verdure où l'œil ne sait pas<br />
sic'estlerhodo<strong>de</strong>ndron (5) ou l'émerau<strong>de</strong> qui domine,<br />
c'est là que viennent s'asseoir, rendus inséparables par<br />
l'enchantement qui les unit, Gentil et Fleur-<strong>de</strong>-Neige,<br />
l'un contemplant la fée, tandis que celle-ci tient ses<br />
yeux fixés sur le ciel. Le romarin leur envoie <strong>de</strong>s bas-<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
48 C_\ XIG Ù<br />
Olor <strong>de</strong> romani <strong>de</strong>ls boscos puja,<br />
<strong>de</strong>ls cims olor <strong>de</strong> regalccia baixa,<br />
gemechs <strong>de</strong> lires entre 'ls arbres s' ouhen,<br />
y en lo palau lo sospirar d' una arpa,<br />
dinlre l' estany canturies <strong>de</strong> sirena,<br />
y murmuri <strong>de</strong> ninfes en la platja,<br />
parrupar los tendons en la })oscur·ia,<br />
la geler a ch·ingar en la mon lanya,<br />
y en les coves <strong>de</strong> marbre, alll à la vora,<br />
los <strong>de</strong>gotiços ploradors <strong>de</strong> l' aygua<br />
corn enfilall <strong>de</strong> llevantines perles<br />
que clins aygueres <strong>de</strong> cri tall s' esgrana,<br />
y en lo cel blau cternes melodies<br />
<strong>de</strong> l' eslrella que naix ô que s' apaga,<br />
d' astres y sols y Hunes que hi rossolan,<br />
harrejant ses clarors en m6vil dança,<br />
sos rüssechs, cabelleres y coron cs<br />
y 'l suau aleteig <strong>de</strong> sa volada.<br />
Y, sens trencar lo jovo la ca<strong>de</strong>na<br />
que empz·esona al soldat lluny <strong>de</strong> sa palria,<br />
corn un ull virginal que s' esparpclla,<br />
en sa finestra d' or apunta l' alba,<br />
sembrant, corn jardinera <strong>de</strong>l Altissim,<br />
per terra y cellles roses <strong>de</strong> sa falda.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
CHANT TROISIÈME<br />
L'ENCHANTEMENT<br />
Genlil, fascitlé par J'amour, est endormi sous les<br />
arbres <strong>de</strong> l'He enc11antée, sur <strong>de</strong>s coussins moelleux<br />
ùe Lhym et <strong>de</strong> chèvrefeuille en fleurs.<br />
Les tendres et verts jasmins entourent sa couche<br />
<strong>de</strong> ù1:mcs festons, réun1s au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête en un<br />
llûme ou fumamenl étoi1é qui donne au zéphyr sou<br />
parfum ct leur miel aux abeilles.<br />
Comme un essaim ùe ces blon<strong>de</strong>s abeilles, les fées,<br />
aussilôt qu'elles l'aperço1vcnt, s'empressent ùe venir,<br />
alti rées par un charme secret; elles le regarùent, l'en<br />
tourent, voltigent autour <strong>de</strong> lui et le contemplent<br />
encore, comme ferait un joaillier <strong>de</strong>vant son brillant<br />
le plus précieux.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
52 r:_\)1 !G Ô<br />
Los dos anhs ùe ses celles llns y heJ'mosos<br />
r una retruu, l' a!Lra son ample front,<br />
l' a'ltra sos llabis ùe clavcll <strong>de</strong>sclosos<br />
hont Io somris placèvol may se forr;<br />
eixa 'l cabell <strong>de</strong> secla que rosseja<br />
corn la claror primera <strong>de</strong>l mali,<br />
s' escampa, 's ruLlla, s' csbadia, onoja,<br />
riu que trena ses ones ah or fi.<br />
Ab mà atreviùa una li trau l' espasa<br />
y en ella 's mira com en clar espill,<br />
corn nin que juga ab una ar<strong>de</strong>n la brasa,<br />
sos tendres dits posant en grou perill.<br />
Mes ja tallant les herbes que '1 sostenen<br />
y lestes sosteninlles pcr llm peu,<br />
al ca v aller totes plega<strong>de</strong>s prenen,<br />
signântlosho rihenta Florùeneu.<br />
De violers y mol rs Pn llitcra<br />
ab silenci lo ùuhcn al eslany<br />
hont friçosa una gondola l' espera,<br />
corn Jo ci sne <strong>de</strong> gehre clins son han y.<br />
Aix[ en son brcç <strong>de</strong> vlmels y riùorln,<br />
sens adonârscn son angèlich nin,<br />
una amorosa mare Jo transporta<br />
en placit son menlres esta dormint.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU<br />
La proue glissante <strong>de</strong> la gondole a été ciselée par<br />
le plus habile berger <strong>de</strong>s Pyrénées, elles bouquets <strong>de</strong><br />
fleurs qui l'enjolivent trahissent l'adresse <strong>de</strong>s mains<br />
d'or <strong>de</strong> Fleur-ùe-Neige.<br />
De chaque côlé rament trois nymphes, vêtues <strong>de</strong><br />
vert comme le mois 11'avril, et hissant flotter leurs<br />
soyeuses chevelures au gré du vent, pour tendre à<br />
Gentil <strong>de</strong>s pièges plus irrésistibles.<br />
Dès la première vogue <strong>de</strong> leurs rames, imprimant<br />
le mouvement le plus voluptueux, elles commencent<br />
tl gazouiller d'harmonieuses chansons ... Ainsi chan<br />
lero.icot six sirènes marines, dans l'éclat <strong>de</strong> leur beau té,<br />
entre les onùulations régulières <strong>de</strong>s flots.<br />
Elles cho.ntenl: - «Rêve, tant que le sommeil ne<br />
te quitte pas, ct laisse ton cœur s'envolet' dans <strong>de</strong><br />
doux rêves, comme l'oiseau s'envole <strong>de</strong> sa branche.<br />
'rru as <strong>de</strong>s eaux <strong>de</strong> neige pour tc hercer, <strong>de</strong>s cœurs<br />
tle vierges pour te veiller, et un essaim d'abeilles qui<br />
volent à la poursuite du tien.<br />
« Les songes sont <strong>de</strong>s ailes qui nous transportent<br />
dans l'É<strong>de</strong>n. Nous te bercerons, pendant que ces<br />
songes tc ren<strong>de</strong>nt heureux.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
« Nous te bercerons sur <strong>de</strong>s roses, en le chan lan t<br />
une douce barcarolle, penùant le jour le chant <strong>de</strong><br />
l'alouette, et la nuit celui du rossignoL<br />
« Rève, Gentil, tant que le sommeil ne te quille pas;<br />
laisse ton cœur s'envoler dans <strong>de</strong> doux rèves, eomme<br />
l'oiseau s'envole <strong>de</strong> sa 11ranche. >> -<br />
Le jeune chevalier entr'ouvre les yeux en souriant:<br />
son cœur est-il encore dans le sommeil ct dans le<br />
rève ? ... 1•1ais il voit les yeux <strong>de</strong> la fée si beaux, que<br />
l'amour ne tar<strong>de</strong> pas à tout expliquer à sa manière.<br />
Que la gondole in terrom po sa marche douce ou<br />
précipitée, et que le cœur <strong>de</strong> Gentil cesso <strong>de</strong> battre<br />
]10\.tr Fleur-<strong>de</strong>-Neige: cc cœm· trouvcr:l toujours assez<br />
d'autres écueils, comme ln. gondole trouvera assez cle<br />
bancs <strong>de</strong> sable.<br />
Dlljà la rame suspend son mouvement, et semble<br />
lJar moments 1wenùrc un ücmi-rc-pos, laissant nos <strong>de</strong>ux<br />
amants sc sourire ct rèver, comme nn rocher s'endort<br />
au milieu <strong>de</strong>s vagues contre lesquelles il est las <strong>de</strong><br />
lutter.<br />
Bienlùl la rame emeure l'argile, elle luth est cléposé<br />
sur le sable ... La gonùole, alors, t:lotte et glisse sans<br />
bruit avec l'agilité ù'une anguille s'efforçant ù'éviler<br />
les serres <strong>de</strong> l'aigle marine.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE C_\NIGOL"<br />
Comme un chêne forme plusieurs branches et rejetons,<br />
l'étang forme plusieurs bras, qui, semblables à<br />
ùe joyeux enfants folâtrant dans le verger, portent<br />
leurs eaux <strong>de</strong> tous côtés, et avec elles la fête et la vie;<br />
Elles baisent et rafraichissent les racines <strong>de</strong>s saules<br />
pleureurs, et couronnenlles oasis <strong>de</strong> verdure; parfois<br />
elles bondissent comme ùes agneaux <strong>de</strong> rocher en<br />
rocher, désaltérant la fleur <strong>de</strong> leurs perles liqui<strong>de</strong>s.<br />
Plus loin, ces eaux, dénouant leur chevelure, se<br />
partagent en ruisseaux limpi<strong>de</strong>s et frémissants, comme<br />
<strong>de</strong>s naïarles folâtres qui, clans leurs ébats, efil.eurent<br />
en nageant l'eau retenue dans <strong>de</strong>s rives <strong>de</strong> cristal.<br />
Tan tôt, la rivière serpente à travers le bocage : on<br />
dirait un orvet argenté ('1) allant retrouver son glte.<br />
Tantùt, ralentissant tt <strong>de</strong>mi son cours, elle forme un<br />
pelil lac: on croirait voir alors un œil bleu à travers<br />
le feuillage d'un ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> verclure.<br />
Mais on fixe les rames, rrui <strong>de</strong>viennent alors comme<br />
<strong>de</strong>s ailes au repos; et les doigts d'argent <strong>de</strong>s n-ymphes<br />
laissent voguer librement la barque, comme fait le<br />
cavalier dont le coursier connaît bien les lieux et les<br />
chemins.<br />
Sur le milieu <strong>de</strong> la gondole s'rlève une hampe d'ar<br />
gent; eiles y font flotter une voile tissue d'or, qu'on<br />
prendrait pour l'aile
60 CAN!GO<br />
Ses cor<strong>de</strong>s son garlan<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fullalgc<br />
trena<strong>de</strong>s per l' amor <strong>de</strong> bon mali;<br />
prencnllcs per viclalve <strong>de</strong>l boscatge,<br />
s' hi po san Jo vcrdum y 'l francoli.<br />
La barca ab ells papalloncja à estoncs,<br />
ùe ses csleles ab Jo floch d'argent<br />
lliganL <strong>de</strong> riba A riba en mar sens ones<br />
cixos oasis qnc no Lé l' Orient.<br />
. 'i s'amarra en lo marge alguna volta,<br />
dcsLlC la proa un braç la Lorna à solch,<br />
y !liure ·s balanceja y clesinvolla,<br />
du hent cslols <strong>de</strong> ninfes it rcmolch.<br />
Lliris d' aygua nemLs y maravellcs<br />
los ofereixen gots d' olor, suau,<br />
semblan pures y efimeres estrclles<br />
erne hi <strong>de</strong>ixà caure aquest mati 'l ccl blau.<br />
L'hermùs blauhet que entre nenüfars nla,<br />
vola gaudintsc al seu voltant joliu,<br />
r-amcllet 1lc gcmada pedreria<br />
que 's trame ton juganL l' herbey y '1 rlu.<br />
Los arbre
61<br />
Les cor<strong>de</strong>s et ralingues ùc cc mâl sont <strong>de</strong>s guirlan<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong> feuillage, tre.ssées à l'aube par les mains <strong>de</strong> l'amour ;<br />
le francolin et le verdier, les prenant pour <strong>de</strong>s branches<br />
<strong>de</strong> bryone ou <strong>de</strong> couleuvrée, viennent s'y poser.<br />
La barque semble par moments voltiger avec ces<br />
oiseaux et relier d'une rive à l'a'ltre, avec la traînée<br />
argentée <strong>de</strong> ses étoiles et sur une mer sans vagues,<br />
<strong>de</strong>s oasis tels que n'en a point l'Orient.<br />
S'il se produit un faux mouvement contre la berge,<br />
<strong>de</strong> la proue un coup <strong>de</strong> bras remet l'embarcation sur<br />
son sillon; et, reprenant ses libres allures, elle se<br />
balance gracieusement en remorquant loute une volée<br />
<strong>de</strong> nymphes.<br />
Les belles-<strong>de</strong>-nuit et les lis aux calices remplis<br />
d'eau <strong>de</strong> neige leur présentent comme <strong>de</strong>s coupes du<br />
parfum le plus suave, 1Jlanches et éphémères étoiles<br />
que le ciel bleu y a laissé tomber le matin.<br />
Le joli bleuet qui }Jousse au milieu <strong>de</strong>s nénuphars<br />
monlre sa tète riante dans cet ensemble si gracieux,<br />
vrai bouquet <strong>de</strong> riches pierreries que se renvoient en<br />
jouant le gazon ct le ruisseau.<br />
Les arbres, penché3 sur les caux, d6crivcnt <strong>de</strong>s<br />
11onls el ùcs berceaux. llo feuillage, cl laissent pleu<br />
voir, comme <strong>de</strong>s papillons, leurs Heurs I]Ui viennent<br />
tomber sur les fronts <strong>de</strong> nos amoureux.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU<br />
L'acacia en laisse tomber <strong>de</strong> jaunes, poussière <strong>de</strong><br />
paillette d'or du Potose; et du grenadier se détachent<br />
<strong>de</strong> rouges boutons en une pluie irisée <strong>de</strong> perles<br />
fines.<br />
Ils pénètrent dans les ombreux massifs <strong>de</strong> Batère<br />
et dans le cœur même d'un obélisque <strong>de</strong> glace, vaste<br />
gro-tte où dans un glacier transparent se réfléchit la<br />
lumière du ciel.<br />
Cette <strong>de</strong>meure enchantée est une aile du palais<br />
ensoleillé <strong>de</strong> la fée. En voyant, <strong>de</strong> l'escalier, ce magnifique<br />
palais, Gentil regrette moins la clarté du firma<br />
ment.<br />
Au <strong>de</strong>rnier baiser du soleil couchant, on aperçoit<br />
blanchoyer cette <strong>de</strong>meure, comme on voit une colombe<br />
à travers la verdure du feuillage ; mais, afin que les<br />
bergers ne puissent la voir <strong>de</strong> loin, elle est protégée<br />
<strong>de</strong>rrière un ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> nuages.<br />
Elle est au milieu même <strong>de</strong> l'étang, comme une<br />
étoile brillante au milieu du ciel <strong>de</strong> juillet, ou comme<br />
une nymphée grandiose qui se réveille et s'épanouit<br />
au baiser <strong>de</strong> l'écume et du soleil.<br />
Ses assises se relient aux rives ùe l'étang par quatre<br />
ponts <strong>de</strong> cristal, <strong>de</strong> ce cristal que la montagne renferme<br />
dans ses flancs <strong>de</strong> granit: on dirait <strong>de</strong>s branches<br />
<strong>de</strong> corail pàlc el transparent.<br />
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63
G\<br />
\_ - --<br />
Un d'elis al cim <strong>de</strong> Canigo encamina<br />
pcr viarauy ribetejul Je flors,<br />
que al pujarhi la Fada, llur reginll.,<br />
ll.bocll.n à sos peus tots sos olors.<br />
Es <strong>de</strong> marbre d' Tsübol (2) una Alhambra<br />
penjada entre la terra y flrmament;<br />
servir podria al sol mateix <strong>de</strong> camb1·a<br />
si lluny trobti.s son llil <strong>de</strong>l Occi<strong>de</strong>nt.<br />
Es tot ell d'arabesca arquitectura<br />
que d' Orient portaren les huris<br />
per distraure ab sa màgicll. hermosura<br />
ais que, romeus, pujam a1 paradis.<br />
Arca<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cristall sc succeheixen,<br />
aitres cleixantne vcurc cnç
--- ---------<br />
L'un va rejoindre un sentier abrupt qui conduit au<br />
pic du Canigou entre <strong>de</strong>ux haies <strong>de</strong> fleurs, fidèles à<br />
déverser tous les parfums au pied <strong>de</strong> la fée, quand<br />
celle-ci, la reine <strong>de</strong> ces lieux, gravit ces hauteurs.<br />
C'est un Alhambra <strong>de</strong> marbre d'Isobol (2) suspendu<br />
entre le ciel et la terre, et qui pourrait servir <strong>de</strong><br />
chambre <strong>de</strong> repos au soleil lui - même, s'il trouvait<br />
trop longue sa course vers l'Occi<strong>de</strong>nt.<br />
Son architecture, toute arabe, a été importée <strong>de</strong><br />
l'Orient par les houris, afin <strong>de</strong> nous distraire et <strong>de</strong><br />
nous éblouir par la magie <strong>de</strong> ses magnificences, nous<br />
tous qui, en cours <strong>de</strong> pèlerinage, montons au paradis.<br />
On y voit sc succé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s arca<strong>de</strong>s et portiques <strong>de</strong><br />
cristal, qui en laissent apercevoir un grand nombre<br />
d'autres <strong>de</strong>s divers côtés, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> blancs chapiteaux<br />
où fleurissent <strong>de</strong>s palmes qu'Avril a ornées <strong>de</strong><br />
ses joyaux.<br />
Des enfila<strong>de</strong>s <strong>de</strong> piliers, comme <strong>de</strong>s joncs <strong>de</strong> marbre,<br />
soutiennent et élèvent dans les airs <strong>de</strong>s coupoles do<br />
glace : ainsi le tronc d'un arbre porte son branchage,<br />
en laissant voir le ciel au milieu <strong>de</strong>s fruits et <strong>de</strong>s<br />
fleurs.<br />
Ces vo\ites couronnent la vaste salle où résonne la<br />
vaisselle d'or ct d'argent. La perdrix blanche y fait<br />
sentir son parfum, et la tendre chicorée y provoque<br />
l'appétit.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
....
Alli grogueja la daurada bresca<br />
<strong>de</strong> regalada mel <strong>de</strong> romani ;<br />
alli escumeja llet <strong>de</strong> ùayna fresca,<br />
més blanca que la gebre <strong>de</strong>l mali.<br />
Lo préssech d' llla (3) corn pom d' or rosseja,<br />
no tant corn Jo rahim <strong>de</strong> Tarasc6;<br />
la cü·era d'arbus hi vermelleja<br />
ab Jo ginjol rihent y l' amelll6.<br />
La magrana ple<strong>de</strong>ja nb la maduixa<br />
a qui lraura rués ensucrats rubins,<br />
que un brollador d' aygua d' olors arruixa,<br />
umplint la sala <strong>de</strong> remors divins.<br />
A ca da corn <strong>de</strong> tau! a ltimnes en lon a<br />
<strong>de</strong> donzelles un chor ab ven su au,<br />
lo clavicimbol que entre lires sona<br />
umple <strong>de</strong> rius <strong>de</strong> müsica '1 palau.<br />
Los ancells à les citares responen,<br />
naluralesa y art danlse la ma,<br />
entre columnes y arbres que confonen<br />
Jo remor <strong>de</strong>l convit ab Jo boscù.<br />
Monocordis responen à les merles,<br />
ù la tenora 'l tendre rossinyol,<br />
llan anl les notes corn ruixals <strong>de</strong> pel'les<br />
que l' orella <strong>de</strong>l cor cull en son vol.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE C.\NIGOU<br />
Le miel succulent <strong>de</strong> romarin s'y conserve en rayons<br />
dorés, et la daine fournit un lait écumant dont la<br />
blancheur et la fraicheur le disputent à celles du<br />
givre matinal.<br />
La pêche d'Ille (3) y brille comme une pomme d'or<br />
veloutée <strong>de</strong> rose, à côté d'abondantes grappes <strong>de</strong> raisin<br />
<strong>de</strong> Tarascon ; et l'arbousier y montre son fruit<br />
vermeil, avec l'aman<strong>de</strong> fraîche et la douce jujube.<br />
La grena<strong>de</strong> et la fraise se disputent pour savoir à<br />
qui revient l'honneur <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s rubis plus sucrés,<br />
pendant qu'un jet d'eau les arrose <strong>de</strong> liqui<strong>de</strong>s<br />
odoriférants, et que la salle résonne <strong>de</strong> célestes mélodies.<br />
A chacune <strong>de</strong>s extrémités ùe la table, <strong>de</strong>s chœurs<br />
<strong>de</strong> nymphes entonnent d'harmonieux cantiques, ct<br />
tout le palais est comme inondé <strong>de</strong>s flots <strong>de</strong> musique<br />
produits par le frémissement <strong>de</strong>s lyres et les doux<br />
accords du clavecin.<br />
Les oiseaux répon<strong>de</strong>nt aux cithares; l'ou voit ainsi<br />
la nature et l'art se donner la main, nn milieu <strong>de</strong>s<br />
arbres et <strong>de</strong>s colonnes, el les bourdonnements du<br />
festin sc confondre over les mille bruits <strong>de</strong> la cam<br />
pagne.<br />
Au merle répond le monocor<strong>de</strong>, et à 1a. ténora le<br />
tenJre rossignol, qui lance ses notes comme une averse<br />
<strong>de</strong> perles avi<strong>de</strong>ment recueillies, au milieu <strong>de</strong> leur<br />
vol, par l'oreille du cœur.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
ûS C.\:"11 G LI<br />
Mes per Gentil son müsica més dolça<br />
los balements <strong>de</strong>l cor <strong>de</strong> Flor<strong>de</strong>neu,<br />
d' aqueixa lira virginal que ell polça<br />
en l' albada felis <strong>de</strong>l amor scu.<br />
Eo1luhcrnat pe'l sol <strong>de</strong> sa bellesa,<br />
s' arros se ga tt sos peus com un esclan,<br />
y, en lo cel <strong>de</strong> sos ulis sa anima presa,<br />
Jo cel herm6s li sembla menos blau.<br />
Respira los perfums d' aqueixa rosa,<br />
efluvi <strong>de</strong>l E<strong>de</strong>n embriagado!';<br />
i pobre Gentil i bé massa l' has <strong>de</strong>sclosa<br />
La imima bella u son primer amor !<br />
Quant l'astre rey, cansat <strong>de</strong> sa canera,<br />
baixa à cloure los ulis en Occi<strong>de</strong>nt,<br />
la reyna <strong>de</strong> les fa<strong>de</strong>s encisera<br />
diu à Gentil <strong>de</strong>l seu amor se<strong>de</strong>nt :<br />
-Vina à la tcbia Hum <strong>de</strong>i hemisfeJ·i<br />
ùe nostre amor sens mida conversant,<br />
les Dtes à seguir <strong>de</strong> nostre imperi;<br />
vèjas si 'l lrobas prou herm6s y gmu.<br />
Vosaltres, - diu, loL I.Jaix, à ses companyes, -<br />
penyores mc darèu <strong>de</strong> voslrc amor,<br />
per ri us, eslanys, planicies y monLanyes<br />
cercant quiscuna son joyel1 mill or;<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
70 c.1 xrr; ù<br />
y d' eixa serra en la més alla cima,<br />
al ressortir lo sol en Orient,<br />
quant jo 'm clcspose ab qui 'l meu cor estima,<br />
siau <strong>de</strong>mà mati Li. férlin pl'Cscnl. -<br />
Volta '1 palau mal'mc.\rca galel'in<br />
que sestenen dos rongles <strong>de</strong> pilal's,<br />
tot <strong>de</strong> cristal! scmbrat <strong>de</strong> pctlreria,<br />
tribut que tluhen cixos rius ais mars.<br />
Aèrea escala u cada cap s' esbranca,<br />
baixantse a unir les dues aljardi'<br />
es com la neu sa pedru menos blanca,<br />
los po ms <strong>de</strong> la baran11, d' argen L fi.<br />
Arriat per set daynes amansicl s,<br />
alli 'ls espera un carro volador;<br />
pren, al pujarhi, Flor<strong>de</strong>neu les bri<strong>de</strong>s<br />
y se 'n porta à volar son aymador.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU<br />
• Et <strong>de</strong>main matin, dès que le soleil reparaîtra à<br />
l'Orient, sur la cime <strong>de</strong> cette montagne, venez l'offrir<br />
à celui que mon cœur aime et à qui je donnerai ma<br />
foi.»-<br />
· Le palais est entouré d'une galerie <strong>de</strong> marbre, soutenue<br />
par <strong>de</strong>ux rangées <strong>de</strong> piliers, faits <strong>de</strong> cristal parsemé<br />
ùc picereries qui forment le tribut envoyé à la<br />
mer pur les ruisseaux <strong>de</strong> ces mon lagnes.<br />
Là, un escalier aérien se divise en <strong>de</strong>ux autres es<br />
caliers qui vont se réunir au ja.rdin. La pierre qui a<br />
servi à sa construction est un peu moins blanche que<br />
la neige, et les poignées <strong>de</strong> la balustra<strong>de</strong> sont eu<br />
argent fin.<br />
C'est là que les attend un char léger attelé <strong>de</strong> sept<br />
daines apprivoisées. Fleur-<strong>de</strong>-Neige y monte; et, pre<br />
nant les rênes, elle emporte son amant dans le vol<br />
<strong>de</strong> son char ailé.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
\<br />
CANT QUART<br />
10 PIRINEU<br />
D' or verge cs fcla la real canol'fl<br />
com à ca<strong>de</strong>na aurillca uu bl'illanl.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
C liANT Q U .\THIÈMg<br />
LES PYRÉNÉES<br />
Ls carrosse royal est en or brut, damasquiné à<br />
ramages d'argent, <strong>de</strong> perles et d'ivoire. Sept génies<br />
employèrent sept ans à fabriquer ce char dans un<br />
palais <strong>de</strong> fées en Orient. Sa roue à sept rayons vole<br />
légère en effleurant les cimes <strong>de</strong>s Pyrénées, sans laisser<br />
trace <strong>de</strong> la plus JJCtite ornière sur le gazon ni sur la<br />
neige, comme le char du soleil dans sa eourse aérienne<br />
ù travers le firmament.<br />
Partis du palais d'albâtre, nos <strong>de</strong>ux voyageurs <strong>de</strong>s<br />
ccn<strong>de</strong>nl aux verdoyants coteaux <strong>de</strong> Pla Gui!!em ('1),<br />
s'éloignant duns leur vol <strong>de</strong>s ari<strong>de</strong>s lJas-fonds d
LE CANIGOli<br />
En les voyant passer <strong>de</strong> cime en cime sur la mon<br />
tagne, la val1ée d'Eyne, la jardinière fleuriste <strong>de</strong> ces<br />
contrées, leur étalait sa conque émaillée <strong>de</strong> fleurs que<br />
verse dans ce coin <strong>de</strong> la Cerdagne l'aurore <strong>de</strong> chaque<br />
jour d'avril; ct, ùistraites par leurs propos d'amour,<br />
ses oreilles sc reconnaissaient indignes d'entendre vos<br />
cantiques, ô séraphins, qui, en ce moment même,<br />
éleviez un camaril à Notre-Dame <strong>de</strong> Nuria.<br />
Pourquoi, frais Camprodon , 1e caches-tu, comme<br />
une violette ùes champs, sur les rives verdoyantes <strong>de</strong><br />
tes eaux? Tu ne veux 1lonc ras faire arriver jusqu'à<br />
eux: les douces sen tc urs q_n· exhalent les coteaux où<br />
règne un éternel printemps? Et toi aussi, va1lée <strong>de</strong><br />
Uibas, bergère <strong>de</strong>s Pyrénées, qui viens mirer ton visage<br />
dans les caux du Freser, ne veux-tu point qu'ils con<br />
templcn t ta beauté? Si vous n'êtes encore que <strong>de</strong>s<br />
boutons, vous vous laisserez bien voir quand vous<br />
serez <strong>de</strong>s fleurs ...<br />
Ils volent <strong>de</strong> sommet en sommet, par le Coll ùe<br />
Finestrelles, à la haute cin10 <strong>de</strong> Puigmal. De là on voit,<br />
semblables aux vagues <strong>de</strong> la mer, les contrées montagneuses<br />
que mon cœur aime : Olot et Vich, Ampurias<br />
et Gérone; et un peu plus loin, au cœur même <strong>de</strong> la<br />
marche espagnole, le Montserrat, comme une fuste à<br />
quatre mâts qui est venue là nous porter la perle<br />
d'Orient.<br />
Le mont Pyrénéc est un arbre couché qui voit sa<br />
puissante ramure s'étendre ct se prolonger ùc Roses<br />
à Valence, s'enlaçant tour à tour à <strong>de</strong>s coteaux ou à<br />
<strong>de</strong>s rochers, contre lesrruels sont assis ou suspendus,<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
ïD
7u C.-I.NIGO<br />
honL penja, corn ses !lors immuslehibles,<br />
les blanques caseries y vila.tges<br />
y, més aprop <strong>de</strong>l ccl, los hermilal"C ,<br />
que 'u semblan, alli dall, los escalons.<br />
Perla montanya d' honL lo Segre ])roUa<br />
van a Tosas florit y al Pla ù' Anyella,<br />
honL troba flors la petonera abella,<br />
rcgalècia balsùmica l' anyell;<br />
y, com jay que pcr ni us sc ùcixa vèncer,<br />
ù llur carroc;a d' or l' cspatlla abaixa<br />
l' .Alp geganll, que una pineda. faixa<br />
com cap <strong>de</strong> monjo un CC'rcle <strong>de</strong> cabell.<br />
Lo Clot <strong>de</strong> Moixero (2) verdos y ombrivol<br />
ùe sos abcts y pins entre les brangues<br />
los v eu passar, com dues perdi us blanques,<br />
<strong>de</strong>l eslèril Cadi per Jo crcsLall,<br />
hont l' eslrampol isarL per refrigeri<br />
Lroba sols, ab lo liqucn <strong>de</strong> l' aHura,<br />
les perles <strong>de</strong> l' aurora y l' aygua pura<br />
<strong>de</strong> la font regalada <strong>de</strong>l Cristal!.<br />
Es <strong>de</strong>l Cadi la serralaùa enorme<br />
ciclùpich mur en forma <strong>de</strong> montanya,<br />
que scrva '1 terraplè <strong>de</strong> la Ccrùanya<br />
pcr hont lo Segre va enfondinL son llil..<br />
nesclosa fora un temps d' csLany amplissim<br />
ahont, en llur fogosa joveucsa,<br />
itr]ncixos cims miraran la hcllL'"il<br />
<strong>de</strong> son aiL front avuy cslJJarHJIIChil.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
ï8<br />
Avuy l' eslany no hi cs, y alla muralla<br />
ù' un caslcll ùc lilan cs cixa serr.a,<br />
per escudar la calulana terra<br />
fet sobre '1 dors <strong>de</strong>l Pirincu altiu.<br />
Noufonts, Carlit y Canig6 y Maranges<br />
son ses quatre ciclùpiques lorrellcs<br />
y son eixos lurons ses sentinelles<br />
honL encara les uligucs fau niu.<br />
Lo vell Puigmal d' cspallla rabaçuda<br />
cs l' a1·x d' aqueixa alliva fortalesa,<br />
que en seicenls anys Jo sarr·al!i no ha presa,<br />
fcnlhi bocins la llança fulgurant.<br />
Prop d' hont Cadi ab lo Cadincll (3) cncaixa<br />
s' al ça 'l doble tur6 <strong>de</strong> Pcdraforca;<br />
es <strong>de</strong>l castelli' in<strong>de</strong>rrocable forca,<br />
fela, si cal, a mida ù' un gcgant.<br />
Alravessant lo Sicoris aurifer,<br />
la carroça ·s <strong>de</strong>svia vers Salaria;<br />
la Scu d' Urgel!, com p
LF. CANIGOU 79<br />
L'étang a disparu, et cette chaine s'élève comme la<br />
haute muraille d'une forteresse <strong>de</strong> Titans que la terre<br />
catalane aurait élevée pour sa dé[ense sur le revers du<br />
sourcilleux mont Pyrénée. Noufonts, Carlit, le Canigou<br />
et Maranges sont ses quatre tourelles, dont les<br />
rocs cyclopéens avec leurs nids d'aigles se dressent<br />
comme <strong>de</strong> vigilantes senlinelles.<br />
Le vieux Puigmal à l'épaule massive est la cita<strong>de</strong>lle<br />
(m·.c) <strong>de</strong> cette haute forteresRe, qui, pendant le long<br />
espace <strong>de</strong> sept cents ans, il toujours résisté aux nombreux<br />
assauts <strong>de</strong>s Sarrasins, dont les lances meurtrières<br />
sonl venues se briser contre ces murailles. Non<br />
loin du lieu gui relie le Cadi au Cadincll (3), s'élève la<br />
double cime <strong>de</strong> Peclraforca, fourche in<strong>de</strong>structible ou<br />
potence elu chàleau fort, faite, au besoin, à l'usage<br />
d'un géanl.<br />
Aj)rès avoir franl)hi le Sicoris (Sègre) qui roule <strong>de</strong>s<br />
paillettes d'or, le carrosse tourne vers Salo ria; et<br />
hien lot on voit briller, avec ses souvenirs <strong>de</strong> gloire,<br />
l11 Seu J'Urgell, au milieu d'tm tapis <strong>de</strong> soyeuses et<br />
vertes 1wairies. Le Sègre et le Valira s'unissent pour<br />
émailler ce l)ays Je vignettes d'argent, et lui tresser<br />
<strong>de</strong>s couronnes ùe verdure, œuvre combinée du ciel et<br />
<strong>de</strong> la terre.<br />
Le j une chevalier admire les bocages et les terrasses,<br />
ct surlout, tlcrrière les jolies prairies <strong>de</strong> la reine<br />
<strong>de</strong> ces contrées, une émeraud on forme <strong>de</strong> coquille<br />
remplie Je perles cl do [leurs : c'cslle ravissant vallon<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
81) CANrr.(J<br />
cs la vall <strong>de</strong>lilosa <strong>de</strong> Seluria;<br />
quant ab son bes primer l' alba la arrosa,<br />
sembla l' lmrca couqnilla en que flayrosa<br />
<strong>de</strong>l mar isqué la reyna <strong>de</strong>ls amors.<br />
Lo riu <strong>de</strong> Santa l\fagdalcna ombrivol<br />
cap i Occi<strong>de</strong>nt la Fada ribcrcja,<br />
passanL pe·l bosch, porque Gentil no vcja<br />
ùc Sant Joan <strong>de</strong>l Herm los hcrmitans.<br />
De cim en cim va <strong>de</strong> Ruhio a Pcntina,<br />
y, sota Bresca en Collegats, li ensenya<br />
la rica Argenleria que en la penya<br />
para algun geni ab enciseres mans.<br />
Corlinatgcs <strong>de</strong> losca y brodadures,<br />
casca<strong>de</strong>s cl' argent fos en l' ayrc proses,<br />
garlan<strong>de</strong>s d'cura en richs calals suspeses,<br />
d' alguna fada fineslro divi,<br />
<strong>de</strong> Iliri d' aygua y <strong>de</strong> roser poncelles,<br />
com ulls closos <strong>de</strong> vèrgens que hi somian,<br />
lot hi cs blanch, com los coloms que hi nian,<br />
papallones gentils ù" aquell jardi.<br />
Volant ais cingles <strong>de</strong> Monsèn, li ensenya<br />
les casca<strong>de</strong>s bellissimes <strong>de</strong> Gcrri,<br />
y en Cabdclla, en Espot y Biciberri<br />
constelacions d' cslanys ù' alzur y vert :<br />
les tres valls ùc Pallars, que la caljtja<br />
<strong>de</strong> boyrina ab son ru sccb cmmantclla,<br />
li semblan solchs que gcgantina rclla<br />
à les tres hranqucs dr! :'l!ogucrn ha obcrl.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU 81<br />
<strong>de</strong> Seturia, qui, rafraîchi par la rosée dès le premier<br />
baiser <strong>de</strong> l'aube, pourrait êlre pris pour la conClue d'or<br />
embaumée qui parlait la reine <strong>de</strong>s amours quand elle<br />
sortit du sein <strong>de</strong> l'on<strong>de</strong>.<br />
En côtoyant les ombrages qui <strong>de</strong>ssinent le cours du<br />
ruisseau <strong>de</strong> Sainte-Ma<strong>de</strong>leine du côté <strong>de</strong> l'Occi<strong>de</strong>nt,<br />
la fée a soin Je tourner par le bois, afin <strong>de</strong> cacher aux<br />
regards <strong>de</strong> Gentilles ermites <strong>de</strong> Saint-Jean <strong>de</strong> l'Herm.<br />
Son carrosse passe, <strong>de</strong> sommet en sommet, <strong>de</strong> Rubio<br />
à Pen tina; ct quand il se trouve à Collegats au-<strong>de</strong>ssous<br />
<strong>de</strong> Bresca, elle signale à son compagnon <strong>de</strong> voyage la<br />
riche Argenterie que la main d'un génie ou d'une fée<br />
put seule élaler sur le roc.<br />
Ricleaux <strong>de</strong> pierre ponce brodés en festons; casca<strong>de</strong>s<br />
d'argent fondu solidifiées dans les airs; guirlan<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
lierre suspendues en riches berceaux et formant<br />
comme les célestes ri<strong>de</strong>aux <strong>de</strong> quelque fée; fleurs du<br />
nénuphar el boutons <strong>de</strong> rose, tout cela est blanc et<br />
pur, comme les colombes qni font là leurs niüs et qui<br />
sonlles papillons üc ce jardin enchanteur.<br />
Ils volent vers les gorges <strong>de</strong> l\1onsen, et elle lui signale<br />
les superbes casca<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Gcrri ; puis, à Capüella,<br />
à Espot cl à Biciherri, <strong>de</strong>s constellations ü'étangs<br />
}))eus ou verls. Les trois vallées <strong>de</strong> Pallars, qu'un<br />
nuage <strong>de</strong> bronillartl envclolJpe comme d'un manteau,<br />
lui font l'efl'ct <strong>de</strong> l:.trges sillons qu'une charrue<br />
colossale aurait ouverts aux trois bra11chcs <strong>de</strong> la<br />
Naguère.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
5.
LE CANIGOU 83<br />
Elle lui fait remarquer Bohi, cette fleur qui s'ouvre<br />
dans les entrailles d'un chaos <strong>de</strong> granit, et puis, <strong>de</strong>s<br />
ombres fantastiques qui se dressent dans celte forêt<br />
<strong>de</strong> pics : c'est le roc <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux Hommes-Ensorcelés (4 ).<br />
BientùL, làchanl les rènes aux daines impétueuses,<br />
Fleur-<strong>de</strong>-Neige gravit le sommet ùe Neto-le-Maudit,<br />
imilant celui qui, après avoir vu les parties basses<br />
d'une ville, monte sur les terrasses et les toits pour<br />
mieux la voir dans son ensemble.<br />
LE MONT MAUDIT<br />
( MALADETTA)<br />
Le voilà: voyez sa ho.uteur colossale; Vignemale et<br />
Ossau atteignent à p:;ine su ceinture ; le pic ù' Albe ct<br />
la Forca<strong>de</strong> ne dépassen L pas ses genoux. Au pied <strong>de</strong><br />
ce sapin olympique <strong>de</strong> la montn.gnc, les Albères sont<br />
<strong>de</strong>s saules, Carlit est un roseau, et le Canigou un<br />
jeune rejeton.<br />
Son immense glacière est la mère nourricière <strong>de</strong> la<br />
Garonne el <strong>de</strong> l'Essera; Aran, Lys et Vénasque pour·<br />
l'llicuL l'appeler leur père; Montblanc et Dhavalgiri<br />
peuvent le truiler ùc frère, ce mont qui servirait faci<br />
lement d'ossature à ùa plus larges conlinenls, d'échelon '<br />
à l'ange pour remonter aux cieux, <strong>de</strong> trône à Jéhova<br />
lui-même.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
CAN!G6<br />
Un cedre cs Jo l'irene <strong>de</strong> portcntosa al0ada ;<br />
corn los aucclls, los poLies fan nin en sa brancada,<br />
d' honl cap vollol' <strong>de</strong> russes clesalloljal'los pol;<br />
quiscuna d' eixes serres, d' ahont la vida arranca<br />
son vol, d' aqueix superbo coJ6s es una branca,<br />
ell es lo cap <strong>de</strong> brot.<br />
Cabclill cs d' eix cxèrcit en ordc <strong>de</strong> halalla,<br />
la torra que domina la coloçal muralla,<br />
entre eixcs mil arestcs <strong>de</strong>l temple '1 campanar,<br />
Jo GoJiat d' eix rengle <strong>de</strong> filisleus <strong>de</strong>forme,<br />
d' aqueixos pits y braços l' alli vol front enorme<br />
que 's veu <strong>de</strong> mar tl mar.<br />
Al bes <strong>de</strong>l sollluhcixen son elm y sa coraça,<br />
l'un fel <strong>de</strong> neus etcrnes, l' allra cl' un lroç <strong>de</strong> glaça<br />
<strong>de</strong> dues horcs d'ample, <strong>de</strong> quatre o cinch <strong>de</strong> li arch ;<br />
los nüvols en so. espatlla son papallons que hi vol an,<br />
y eix quaùro, hontllums, tenebres y tinta y foch t·oùolan,<br />
té 1 firmament pcr march.<br />
1 Qué alti vola es sa calma (5) ! i qué C'splènùiùa sa roba!<br />
perque sia sa regia corona sempre nora<br />
argent li dona r alba, Jo sol son or més fi;<br />
bcsan son front, queùantshi per joycs, les eslrcllcs,<br />
y â. voltes diu que hi para, volant pe'l ccl cnlrc elles,<br />
10011 vol Jo serafi.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
T,l': C.\NlGOU<br />
___-- ·d d' a··<br />
su<br />
, . r ·L l'effet ll'un cc re une pro q;teuse<br />
L pvrcnec at . .<br />
e • opulations, comme <strong>de</strong>s Oiseaux, mchcnt<br />
1<br />
au e ' caux d'oil nul vautour <strong>de</strong> races ne peut<br />
r Chacune <strong>de</strong> ces chames, d ou la v1e prend<br />
st une branche <strong>de</strong> ce colosse superbe; ma1s<br />
son vo ,<br />
ce pic est le plus haut rameau.<br />
h t ur. es p<br />
sur ses ram • , , . .<br />
1 . 1<br />
}cs cc ogc · .<br />
l e<br />
Il est comme le général <strong>de</strong> celte armée rangée en<br />
bataille, la tour qui domine cette gigantesque muraille,<br />
le haut clocher qui s'élance an-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s mille flèches<br />
du temple, le Goliath <strong>de</strong> cette ligne irrégulière <strong>de</strong><br />
Pbilislins, le front altier et majestueux <strong>de</strong> ces gorges<br />
ct <strong>de</strong> ces bras, se montrant à tous les regards d'une<br />
mer à l'autre.<br />
Au premier baiser du soleil, on voit briller son<br />
heaume ct sa cuirasse, l'un formé <strong>de</strong> neiges élcrncl\cs,<br />
rautre d'un immense glaçon large <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux li eues sur<br />
qua.lrc ou cinq <strong>de</strong> longueur; les nuages qui flottent<br />
sur son épaule son l ses pa. pillons volants ; et cc tableau,<br />
où les ténèbres jouent avec la lumière, l'encre avec le<br />
feu, a pour cadre le firmament.<br />
Qu'e1le est élevée, sa plate-forme (tl) ! qu'il est riche,<br />
son vêlement! Afm que sa couronne royale soit toujours<br />
neuve ct bril\:mlc, l'aube lui prête l'éclat <strong>de</strong><br />
l'argent, et le soleil son or le plus fm; les étoiles baisent<br />
son front oü ellrs se 11oscnt en guise <strong>de</strong> joyaux, et<br />
l'on dit que le séraphin, volant au milieu d'elles, replie<br />
parfois ses ailes ct vient à son tour s'y reposer.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
90 CANir.o<br />
Bocins son <strong>de</strong> ringlrra, son ùssos <strong>de</strong> monlanya,<br />
carre us <strong>de</strong>l mur que allunya la França <strong>de</strong> l"Espanya,<br />
palets que ccrcarian los rabaçuls gegants<br />
si, envolls en rufagosa, maciça pedregaùa,<br />
l' Olimp prop <strong>de</strong> sa cima veyés aUra vegada<br />
lluytar <strong>de</strong>us y titans.<br />
i.Pcr què Dcu enlro o.bismos posù Lanlo. gro.nùcsa?<br />
Por què vclà do nüvols ln. torra. quo 'l ccl bcso.?<br />
Porque al baixo.r à terra. tingués un mü·o.dor<br />
ho nt l'home, bo ù mal angel sens :iles, no hi .fos nasa<br />
quant à sos peus sarnia la t-erra corn esposa<br />
Jo somni <strong>de</strong>l amor.<br />
Mes par son Den té sem pre la terra. alguna cspina :<br />
en hàbit pobrc, vcsln. ab que pc'l mon camina,<br />
un vcsprc u la cabo.nya trucava d' uns po.slors;<br />
ni llel, ni pa, ni ayguo., ni o.cullimenl li ùaron,<br />
per tram·cl ùc la plelo. los g-oços li aquissaren,<br />
los gqços lladradors.<br />
Un rabo.da, tan pobro quo dorm a la serena,<br />
sc lleva la samarra per abrigar sa esquona ;<br />
donanlli pa y llet dolça, li diu :-Menjo.u, bevcu.-<br />
Quo. nt obre
C.\ XIG 1'1<br />
Fugi, y veyenl al pohre davant <strong>de</strong>saparèixer,<br />
mira la serra, l' altra ramacla no hi veu péixer:<br />
penyals son les ovelles, pcnyals los blanchs anyclls,<br />
Jo cabridct anyivol, Jo boch, lo goç d' atura,<br />
y ]Jurs pastors, que encara ne teuen la .Ogura,<br />
penyals eran corn ells.<br />
Dcsdc llavors, il vista <strong>de</strong>l espectacle horrible,<br />
girant lo cap sc seny a lo passatger sensible,<br />
Jo quadro al ensenyarli <strong>de</strong> lluny algun bover :<br />
la nor <strong>de</strong>ixa aquells mitrgens, l' aucell fuig d' aqncJ ayr···<br />
corn en les mitj-diadcs d' estiu fuig lo dallayrc<br />
<strong>de</strong> l' ombra <strong>de</strong>l noguer.<br />
Fugin també vosaltrcs, pastors y escursionistcs:<br />
corn les visions è histories, aqulles flors sont tristes,<br />
est hort <strong>de</strong> roses blanques cobrcix un gran fossar,<br />
<strong>de</strong>ssola carla llosa <strong>de</strong> marbre un clot sc bada,<br />
la neu es Jo sudari ab que lraydora fada<br />
vos vol amorlallar.<br />
A voltes clins ses coves <strong>de</strong> vidre sona y canta;<br />
Jo viatger ou mt'1sica suau sola sa plan la;<br />
jay d' cll! si no fa al cànlich <strong>de</strong> la sirena 'l sorl.;<br />
lo pont <strong>de</strong> neu sc trenca que amaga la gclcra<br />
y es la cJivella honl vèurcla somia, una ro<strong>de</strong>ra<br />
<strong>de</strong>l carro <strong>de</strong> la mort.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
Oô C.\.:'(1 G 0<br />
Passaren anys, passaren centuries <strong>de</strong> centuries<br />
ahans que s' abrigassen <strong>de</strong> terra y <strong>de</strong> boscuries<br />
aqueixes ossamenles <strong>de</strong>ls pl'imitius geganls,<br />
a bans que Lingués molsa la penya, flors les pra<strong>de</strong>s,<br />
ahans que les arbre<strong>de</strong>s tinguessen aucella<strong>de</strong>s,<br />
les auccUaùcs canls.<br />
Pe'l gel y rius oberla, prengué la cordiUcra<br />
agegantada forma <strong>de</strong> fulla <strong>de</strong> falgucra;<br />
corn solch sota l' m·aùa quant caùa vaU s' obri,<br />
quant al amor y vida la plana fou <strong>de</strong>sclosa,<br />
Deu corona la cima més alta y grandiosa<br />
d' eix Guayla gcganti.<br />
Y Espanya, que tenia ja un mar en cada esponn,<br />
sols per bre
100 \<br />
y anega la seva imima en los ùolços<br />
remors <strong>de</strong> rius, casca<strong>de</strong>s y boscuries,<br />
<strong>de</strong> rossinyols entre suaus canturies<br />
y musica ·y perfums <strong>de</strong> paradis.<br />
i, Què son los Pirineus? serpent <strong>de</strong>forme<br />
que, eixint encara <strong>de</strong> la mar d' Asturias,<br />
per beure l' aygua ahont se banya Ampurias,<br />
alravessa pe'l mitj un continent.<br />
Quant ja 6. la mar mediterrànea arriba,<br />
al mîrarla, potser, tan espantable,<br />
ab un copl <strong>de</strong> sa espasa formidable<br />
en dos lo mitj-parli l'Omnipotent.<br />
Entre sos clos bocins, que '1 colp allunya,<br />
vers França l' un si l' allre vers Castella,<br />
verda, soliua, agraciada y bella<br />
abre son si florit lu vaU d'Aran.<br />
Atrets per sa vcrclor fresca y gemada,<br />
los dos enamorats sovinl s' !li giran;<br />
mes prompte ses bellese no s' oviran,<br />
puix l' ombra <strong>de</strong> la nil los va abrigant.<br />
Vara 'ls turons <strong>de</strong> Monloliu y d' Orla<br />
s' abre 'l Pla <strong>de</strong> Beret à ses miracles,<br />
llibre format <strong>de</strong> dues serrala<strong>de</strong>s,<br />
que té lo Pirineu per faristol ;<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
102 CANrGu<br />
ses lletres son congestes argentines,<br />
y dos rius que bessons s' hi <strong>de</strong>spe<strong>de</strong>ixen<br />
distints rcalmcs {L regar partcixcn,<br />
l' un vers hont naix, l' nitre ahont mor lo sol.<br />
Ella scgueix les aygucs <strong>de</strong>l Nogucra,<br />
bellugadiç espill <strong>de</strong> les estrelles,<br />
enmirallantse, lot volant, entre elles<br />
al costal <strong>de</strong> son j ove ca v aller ;<br />
mes prompte <strong>de</strong> la riba que s' enfonza<br />
surt y fal<strong>de</strong>ja 'ls cingles <strong>de</strong> la esquerra,<br />
per mostrar a Genlill' aguda sena<br />
que du en son front la creu <strong>de</strong> Sant Vallier (7) .<br />
Coflens è Isilli ensenyan ses boscuries,<br />
sos verts pletius, farigolars y pra<strong>de</strong>s,<br />
sos llachs Aubé, vall d' Arce ses casca<strong>de</strong>s,<br />
cabellera <strong>de</strong> cingles y turons,<br />
torrents que <strong>de</strong>sdc 'ls nuvols a la terra<br />
per escala d' abismes se rcbaten<br />
al correch pregonlssim ho nt se baten<br />
ab l' esperit <strong>de</strong>l gorch a tomballons.<br />
A la tebia claror <strong>de</strong> la celistia,<br />
la lluna uneix ln. scvn. blanquinosn.,<br />
plujim <strong>de</strong> fullcs d' argentina rosa<br />
qnc ']puig copça ab la fulda <strong>de</strong> sa vall;<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LI" C .\NIGOü 105<br />
Les pins dorment enveloppés dans ce voije humi<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
br?uillard, et les gouttes <strong>de</strong> cristal s'échappant du<br />
rUisseau jouent avec ces rayons lumineux dans cc<br />
vase aux larges bords.<br />
Ils sont beaux, les trois lacs <strong>de</strong> Tristany, sc déversant<br />
l'un dans l'autre avec un doux murmure. Puig<br />
d'Albe et Fontargent sont éclatants <strong>de</strong> blancheur, avec<br />
leur manteau <strong>de</strong> neige qui ne se fond jamais. Les<br />
vallées d'lncles et d'Ordino sont pleines d'J1armonie,<br />
<strong>de</strong> songes et <strong>de</strong> mystère, quand elles reflètent les<br />
rayons qu'y laisse tomber l'hémisphère céleste, aile<br />
calme et Jllirc <strong>de</strong> celui qui réchauffe le mon<strong>de</strong> ...<br />
Bientôt, contournant les verts coteaux <strong>de</strong> la Coma<br />
d'Or, nos voyageurs suivent le torrent <strong>de</strong> Font-Vive,<br />
en remontant la montagne <strong>de</strong> Carlit par un côté <strong>de</strong><br />
sa rive verdoyante. Cette montagne est couronnée<br />
par quarante étangs à l'on<strong>de</strong> azurée, quarante lacs<br />
d'une eau pure ct virginale, dans chacun <strong>de</strong>squels<br />
les astres <strong>de</strong> la nuit se mirent dans toute leur<br />
beauté.<br />
Sous leurs pieds ailés ils voient glisser dos étoiles ;<br />
au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> leurs tètes, à travers les branches <strong>de</strong>s<br />
noirs sapins, ils voient fuir comme <strong>de</strong>s essaims <strong>de</strong><br />
perles blanches dans le ciel pur ; et en apercevant<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
CHANT CINQUIÈMÈ<br />
TAILLEFER<br />
Cependant, le comte Taillefer, aussi prompt que<br />
le vent, Vole à travers les hauteurs <strong>de</strong>s Pyrénées. A<br />
P_eiue avait-il, la veille au soir, laissé la foule du pèle<br />
rtnage <strong>de</strong> Saint-Martin, qu'il était suivi par la file <strong>de</strong>s<br />
robustes montagnards (fallayres), frères <strong>de</strong>s chênes<br />
et <strong>de</strong>s sapins <strong>de</strong> ces âpres montagnes où ils furent<br />
nourris. Il sort par la porte Forane, il <strong>de</strong>scend à Castell,<br />
puis monte à Mariailles et à Collet-VerL; enfin,<br />
après avoir côtoyé les contours escarpés <strong>de</strong> 'rretze<br />
Yents, il fait halte à l'ermitage <strong>de</strong> Saint-Guillaume.<br />
Lo saint anachorète est là, en prières, les bras éten<br />
dus en croix, les yeux fixés vers le ciel. Entendant<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
7
110 CA :'-11 GO<br />
Trau lo cap a la porta tan tost lo sent:<br />
- i Oh comte Tallaferro ! no us atureu,<br />
que 'ls sarrahins saquejan Elna y Ceret.<br />
Mes veus aqui una espasa que es ùe bon lremp:<br />
<strong>de</strong> Castello en lo si ti la duya Otger;<br />
Otger morla en braços d' un avi meu<br />
que <strong>de</strong> l' espasa feuli gentil present;<br />
roliquies <strong>de</strong> Sant Jordi té dins la creu.<br />
« No la doncu, li <strong>de</strong>ya, sin6 a un guerrcr<br />
que talle 'l ferro verge com brols <strong>de</strong> cep. »<br />
Preneula, Tallaferro, no us atureu. -<br />
Lo comte no s' atura, <strong>de</strong>ixa 'l bon vell,<br />
que aixeca 'l toch solemne <strong>de</strong> sometent.<br />
La campana ab que hi toca no es <strong>de</strong> gran preu,<br />
no es <strong>de</strong> coure, ni bronza, d' or, ni cl' argent,<br />
sînù <strong>de</strong>l millor ferro cl'aquells mencrs;<br />
en ella no s'hi veuhen colps <strong>de</strong> martell,<br />
sols s' hi veuhen ditacles <strong>de</strong>l penitent.<br />
Un dia ana it la farga <strong>de</strong> Montferrer:<br />
- Fargayres, bon fargayres aixi us guard' Dcu.<br />
Com jo he feta una hcrmila dinlrc 'l <strong>de</strong>sert,<br />
les portes son <strong>de</strong> roure, l' altar <strong>de</strong> teix;<br />
so ls mc falla una cloLxa pel' son cloquer:<br />
pou da en les Lempeslcs Loci 'à bon temps,<br />
y en los guerres <strong>de</strong> moros à somcLcnL.<br />
l, Pcr férmela <strong>de</strong> ferro me 'n donarèu?<br />
-De la fornal prcnèusel; esta bullent.<br />
Posant la mà it la fosa, Jo sant se 'l pren;<br />
la pasla com sa terra lo terriccr,<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
114<br />
Dir.iau que ab ma forla Jo vent l'empeny,<br />
Jo vent do tramonlana canigonench.<br />
i Oh, Mangala <strong>de</strong> ferro, que don Roland<br />
plantà en mitj <strong>de</strong> la plaça roja <strong>de</strong> sanch!<br />
si '1 comte no t' arranca, ningü ho fal'a.<br />
Lo comte té ana espasa que més li val,<br />
ù' argent lé la creuh01·a, d' acer lo tall;<br />
los moras quand la vejan, lrcmolaran,<br />
com tremolan les messes prop <strong>de</strong> la falç.<br />
i Oh, Mangala <strong>de</strong> ferro <strong>de</strong> don Roland!<br />
it qui té aqueixa espasa lu no li plaus<br />
y esperona a sos hèroes al crit ù' avanl.<br />
Lo caslell <strong>de</strong> Cabrera los veu pujaJ',<br />
com serp que s' aforcsta, vers Paniçars.<br />
Dels Trofeus <strong>de</strong> Pompeyo (2) passan clevall,<br />
que, alçanl entre sure<strong>de</strong>s son front gegant,<br />
lo Rossello dominan y l' Ampunla.<br />
Rocaberti, entre pcnycs mal-amagat,<br />
vers Hequescns l' exèrcit mira cnlllar.<br />
Alli 'ls abels y alzines, roures y faigs<br />
se crcuhan com les lln.nces en un combat;<br />
lo comte it colps d' cspasa va obl'intse pas,<br />
<strong>de</strong>ixantnc gl'ans eslcscs cnça y enlia.<br />
Si 'ls moras le vcycsscu ùcstralcjal',<br />
Jo colp no esperadan <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>stral.<br />
La comte Tallaferro ja vou ses naus,<br />
lluhinl la milja Huna ùamunt <strong>de</strong>ls pals,<br />
astre do mal auguri pcr nostrcs cn.mps,<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
H6<br />
y exclama ab ulis encesos y braços n.lts :<br />
- Bon Deu, i, s' han fel pe'l moro ports catalans?<br />
Aqui '1 Pirene alli vol abaixa 'l cap,<br />
corn monstre que s' abcura dinlre la mar.<br />
Lo comte Tallafcrro limbes avall<br />
<strong>de</strong>valla corn lo mivol <strong>de</strong>l temporal,<br />
prenyat <strong>de</strong> pedrcga<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> lrons y !lamps.<br />
Al extrcm <strong>de</strong> la serra <strong>de</strong> Puigneulos,<br />
punt al cap cl' una ratlla, s' alça un turo,<br />
un tur6 que centuries guardara '1 nom<br />
<strong>de</strong>l comte que 'n <strong>de</strong>valla fet un lleû.<br />
Fallayrcs lo scgucixcn, aufranys y corps<br />
que ja<strong>de</strong> carn humana senlen forlor.<br />
Lo comte diu al vèurels: - N' hi haura per tols, -<br />
y baixa per un cûrrech <strong>de</strong> drct al port.<br />
Los sarrahins que hi troba no son pas moHs;<br />
lo primer colp que venta sembla sortûs;<br />
apar que '1 moro fuja, les naus y tot.<br />
Qui pot ferir <strong>de</strong> sopte fereix dos colps;<br />
mes i ay! no era ell qui ho feya, que cra 'l traydor.<br />
Del puig <strong>de</strong> Tallaferro germa bcssû,<br />
un puig alça la tesla sola Salforl,<br />
que es rcpeu <strong>de</strong> la torra <strong>de</strong> Maùcloch.<br />
Cada nit los diables hi tenen corl<br />
y avuy n.b cils pujo.rcn moros y tot.<br />
Quant lo comte donavn. Jo primer colp,<br />
ardits per ses espatlles li feyan foch<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
120 CANIGO<br />
minyones son que ploran, les <strong>de</strong>l Vernet,<br />
les que sardanejavan ahi al aplech.<br />
Catives quant les Lroban, mes jay! com elis,<br />
les llagrimes que ploran bé son <strong>de</strong> fel !<br />
- Cantau, canlau,- los <strong>de</strong>y a moro hurle!', -<br />
les cançons que entonavau vora la Tet.<br />
-l Com cantarèm, Jo moro, cüm canLarèm,<br />
si sols tenim ca<strong>de</strong>nes en mans y peus?<br />
i Moros <strong>de</strong> .Moreria, malllamp vos crem! -<br />
Nos es mort Jo comte encara, sols cs ferit,<br />
es ferit <strong>de</strong> l' cspallla pcr arma vil ;<br />
no la mancjan nobles, sin6 assessins.<br />
No tant cam la ferida sent lo dcspit (3),<br />
quanL LoLs los se us ven caure y entre cncmichs;<br />
quanL ven que sc 'ls ne duhen, pensa morir!<br />
Catorze moros negros, bons per hutxins,<br />
ab ca<strong>de</strong>nes Jo lligan, corn un masli.<br />
Al alçarse <strong>de</strong> terra llança un sospir :<br />
-! Malehida la fletxa que m' ha ferit!<br />
l pcr què '1 cor no 'm passava <strong>de</strong> rnitj a milj?<br />
A l' aygua sc l' en duhen, mes a y gua enclins.<br />
1 Ay pohlc <strong>de</strong> Colliurc, qué n' els <strong>de</strong> Lrist<br />
pc'l comte Tallaferro que Lens caliu,<br />
catiu dintre una barca ùe sarrahins!<br />
Neg1·oses son les on es, negra la niL,<br />
puix nuvols d' ales fosqucs la van cohrint,<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
CANT SIS]t<br />
NUVIATJE<br />
Gentil ja passa la Tet<br />
<strong>de</strong> la fada en la carro0a;<br />
i qué bonich cs y ben fel,<br />
qué aixericla ella y qué rossa!<br />
De la cova ùe Sirach<br />
ja 's rumbejan per l' cntrada,<br />
com una barca en un llach<br />
hontles gojcs fan bugada.<br />
De tosca son los Hacins ('!)<br />
hont la ensabonan y mauran;<br />
sembla en sos dits argentins<br />
que la platcjnn y dauran.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
CHANT SIXIÈME<br />
LES FIANÇAILLES<br />
Déjà Gentil traverse la Tet dans le char <strong>de</strong> la fée.<br />
Qu'il est beau et bien fait 1 qu'elle est charmante, et<br />
comme elle est blon<strong>de</strong>!<br />
Voilà qu'ils arrivent majestueusement près <strong>de</strong> l'entrée<br />
<strong>de</strong> la grotte <strong>de</strong> Sirach, comme une barque s'avan<br />
Çilnl dans un lac oü les fées font la lessive:<br />
. Les Bassins \'1) où elles savonnent et pressent le<br />
1 1ll.ge sont en pierre ponce, et l'on dirait que leurs<br />
do,gts d'albâtre l'argentent et le dorent, plutôt qu'il<br />
ne le !avent.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
130 C.L\ lG Ù<br />
La volta dcixa 11la1'<br />
la tosca en estalactita,<br />
lins que la puja a besar<br />
amorosa estalacmita.<br />
En pilars alabastrins<br />
les ducs sc convertcixen,<br />
que aprés artistes divins<br />
enverniçan y puleixen.<br />
Ab capitells mal-rodons<br />
uns semblan tronchs <strong>de</strong> palmera<br />
esbaùiats en palmon ,<br />
archs <strong>de</strong> la volta !leu gera;<br />
palmercs d' cncantat bosch<br />
ùe soca entre blanca y bruna,<br />
<strong>de</strong>sprés d' entraùa ùe fosch,<br />
quant ja hi llambrega la !luna.<br />
Aitres en gmn dcsconccrt<br />
scmblan gcganls en batalla,<br />
batcntsc a ros dcscobcrt<br />
132 CANIGO<br />
D' eixa sala una altra 'n ve<br />
y aitres voltes s' hi <strong>de</strong>sclouhen,<br />
hont, corn boyra en cel serè,<br />
lleugeres ombres se mouhen.<br />
Un temple 's vcu més enllà<br />
ab son allar ù' alabaslre;<br />
fe la· ab cisell sobrehurnà,<br />
la imatge al miLj com un astre.<br />
La trona espera una veu,<br />
l' orga una ma que la inspira,<br />
fins apar que espera à Deu<br />
Jo sagrari que s' hi ovira.<br />
Lo camaril (2) sembla d' or<br />
<strong>de</strong> pùrfit la porlalada,<br />
se veuhen monjos al cbor<br />
y eslols <strong>de</strong> gent à l' entrada.<br />
Més enlia hi hà un claustre gran<br />
y Benels r1ue s' hi passejan<br />
en sos llibros lot rosant,<br />
honl los canlichs ja aletcjan.<br />
De la claustrn en un recci<br />
s' enfùa una escala ayrosa,<br />
un marbre cs cada graho<br />
vional <strong>de</strong> blanch y rosa.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
138 CA:'OGU<br />
Gegant ample d' espalllcs, al Lorb y a la Lcmpcsla<br />
y ais nùvols <strong>de</strong>ixa ferhi cada hivernada aplech;<br />
rn.rnaclcs Lé que viuhcn <strong>de</strong> romani y gin esla<br />
en cacla arruga csleses <strong>de</strong> sa rumba a vesta,<br />
y un poble en caùa plech.<br />
Alla cl' alla Colliurc, <strong>de</strong>l Pirineu dcrrera,<br />
se vou rojench è informe sortir lo sol naixent,<br />
com far que ab braç <strong>de</strong> ferro soslé la cordill et·a,<br />
y al nàixer ja ab sa rossa y eslesa cabellem<br />
s' abt·iga '1 lirmament.<br />
De son brcçol d' escumcs quant s' alça cadn. dia,<br />
son raig primer corona lo rey <strong>de</strong>l Hosscllù ;<br />
<strong>de</strong> jorn tot l' cnmantclla <strong>de</strong> llum y pcùrcria,<br />
y al pùnùres en Maranges encara un bes envia<br />
al front <strong>de</strong>l Canig6.<br />
A sa claror s' aixampln. rihent ln. plana hermosa,<br />
corn <strong>de</strong>svctlladn. n.ls dolços murmuris <strong>de</strong>l m ali;<br />
Jo pèlach h ses plantes dormiut, mùurcs 110 gosa,<br />
pcr· no dcsabcigal'la sa filla somniosa<br />
<strong>de</strong> sos llcnçols <strong>de</strong>lli.<br />
Té 6. esquerra les cendroses, villfcrcs Corbercs<br />
que al Pirineu, com hranqucs, sc pujau à cmpc!La l',<br />
ù drcta les floridcs, granitiques Alberes;<br />
lo Rossello es un arch <strong>de</strong> ducs corùillc1·cs<br />
que lé per corda 'l mar.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
140 C.INlGO<br />
Es un a immcnsa li ra que en eix a plal.ja es lesa<br />
vessanta ü'armonies üeixà algun <strong>de</strong>n mat·i,<br />
lo Canig6 es lo pom, les cor<strong>de</strong>s que 'l cerg besa<br />
son los tres rius que roncan lliscant pcr la <strong>de</strong>vcsa,<br />
lo Tech, la Tet, l'AgiL<br />
La Goja diu :--No semprc fou cixa vall dcsclosa;<br />
fou aygua lo que cs hel'ba, Jo que ara cs vert fou b]au;<br />
hramarcn les halenes hont l'rada avuy l'eposa,<br />
y 'ls claustres d'Elna muntan, cvori en corül-rosa,<br />
<strong>de</strong> Tèthis lo palau.<br />
Forçu-rcal y Pcna foren ses illes belles (4);<br />
<strong>de</strong>l Canigù en la soca fermitrcuse vaixclls ;<br />
volaren les ga vines cantant cançons novellcs<br />
en cixcs mar·gcnadcs, hont brcscanles abolies,<br />
ho nt j ugau los aoyclls.<br />
Es obra <strong>de</strong>l Pircnc gegant aqucixa lerra,<br />
<strong>de</strong>ls cims la <strong>de</strong>vallarcn les aygues <strong>de</strong> gra it gra,<br />
les pedros <strong>de</strong> la plana son ûssos <strong>de</strong> la serra,<br />
d'ahont un pas pcr seglc, com hoste que 's <strong>de</strong>sterr3,<br />
lo pèlach l'Ccul(l.<br />
A les Nerey<strong>de</strong>s, filles <strong>de</strong> Dùl'is, suplantaren<br />
les Nùyadcs joli nes, quo en Arles y Molitj<br />
<strong>de</strong> sa uygua sanitosa les urnes abocuren;<br />
les Driaùes clins l' arca <strong>de</strong>ls dolmens s' allotjaren<br />
<strong>de</strong>ls arbres enlremilj.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
f46 CANIGO<br />
A aiyxams aixi a trench cl' alba les aurees abelles<br />
murmurioses volan vers l' ametller florit.<br />
Oh ! mirales corn pujan, qué candi<strong>de</strong>s y belles !<br />
no son més aixericles al vespre les estrelles<br />
quant pujan al zenit. -<br />
MONTANYES REGALADES<br />
UNA GOJA'VO LA N'l'<br />
Jo veig una rosa vera,<br />
una rosa y un clavcll,<br />
clitxosa la primavera<br />
que pot furscn un ramell.<br />
Llur test d' or es la montanya,<br />
quln gcrro tan grandi6s !<br />
AUrHA. GOJA<br />
No volèm gayre, companya,<br />
ara que parlan tots dos.<br />
Mira alli la <strong>de</strong> :Mirmanda;<br />
i, Què farèm al arribar?<br />
LA G OJ A DE 1\IIUMANDA<br />
Voltèm lo cim en garlanda<br />
y posèmnos à canlar;<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
{54 CAN!GO<br />
que '1 Freser parteix es dos,<br />
à cuda banda <strong>de</strong> cingle<br />
tinch finestres y balcons,<br />
ab eureres per cortina,<br />
lligaboscos per fest6.<br />
De riba a riba abraçanlse<br />
vells rourcs me fan <strong>de</strong> pont,<br />
los que passarhi m'hi veuhen<br />
me prenen per un colom.<br />
Filla d' Amand(6) rey bagauda<br />
encantada alli visch jo,<br />
al valent que 'rn clesencante<br />
prometentli grans tresors,<br />
donarli vida més dolça<br />
y ferla franch <strong>de</strong> la mort.<br />
Mcntrcstant, gentil parclla,<br />
prenèu ma corona d' Ol'.<br />
CHOR DE GOJES<br />
Montanycs regala<strong>de</strong>s<br />
son les <strong>de</strong> Ca ni g6,<br />
elles tot l' any floreixen,<br />
primavera y larùor.<br />
LA DE BANYOLAS<br />
Tota la nit he filat<br />
vora l' estany <strong>de</strong> Banyolas,<br />
al cantar <strong>de</strong>l rossinyol,<br />
al refilar <strong>de</strong> les gojes.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LB CANIGOI! 1tl5<br />
ma vue s'étend <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux côtés par <strong>de</strong>s fenêtres et <strong>de</strong>s<br />
balcons encadrés dans <strong>de</strong>s ri<strong>de</strong>aux <strong>de</strong> lierre et <strong>de</strong>s<br />
festons <strong>de</strong> chèvrefeuille. De vieux chênes inclinés qui<br />
s'embrassent d'une rive à l'autre me servent <strong>de</strong> pont:<br />
ceux qui m'y voient passer me prennent pour une<br />
colombe.<br />
Pille d'Amand (6), roi bagau<strong>de</strong>, je vis là sous le<br />
charme, jusqu'à ce que vienne le brave à qui, pour<br />
prix <strong>de</strong> mon désenchantement, j'ai promis <strong>de</strong> grands<br />
trésors, la plus douce <strong>de</strong>s existences et l'immortalité.<br />
En attendant, ma belle compagne, prenez ma cou<br />
ronne d'or.<br />
CHOEUR DE FÉES<br />
Montagnes délicieuses que celles du Canigou 1 On<br />
les voit en fleurs toule l'année, en automne comme<br />
en printemps.<br />
LA FÉE DE llANYOLAS<br />
J'ai filé toute la nuit sur les bords <strong>de</strong> l'étang <strong>de</strong> •<br />
Banyolas, ravie pat· le chant du rossignol elle gazouillement<br />
<strong>de</strong>s fées.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
HiG<br />
CaNrc u<br />
Ilion fil cra d'or,<br />
d' argent la fiJosa,<br />
los boscos vchins<br />
m' han pres pcr l' aurora.<br />
Per <strong>de</strong>vanar lo meu fU<br />
tinch ])elles <strong>de</strong>vanadores,<br />
les montanyes <strong>de</strong> Bagur,<br />
les <strong>de</strong> Bagur y Armen-Roc!a,<br />
les serres <strong>de</strong> Puigueulus,<br />
les <strong>de</strong>lllfon y Rocacorva.<br />
La plana <strong>de</strong>l Ampurdà<br />
may ha duyt millor corona,<br />
corona <strong>de</strong> raigs <strong>de</strong> llum<br />
trenats ab lliris y rose ;<br />
semblava un pago real<br />
obrint sa florida roda.<br />
l\Ion fil er a d'or,<br />
d'argent Ia l1losa,<br />
los boscos vehius<br />
m' han pres per 1 ·aurora.<br />
Corn lo fil era daut'at,<br />
les ma<strong>de</strong>ixes erau rosses,<br />
hermosos cahclls <strong>de</strong>l sol<br />
cncastats <strong>de</strong> boyra on boyra.<br />
De les Estuncs (7) al fons<br />
lo tcixian quatre alajos,<br />
llur teler cs do cri stal!,<br />
<strong>de</strong> vori la llançadora.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
Hi8 CANTGU<br />
Veusaqui 'l vel que han teixit<br />
tot esprés pcr una hoda.<br />
Mon fil era d'or,<br />
d'argent la fùosa,<br />
los boscos vehins<br />
m' han pres pcr l' aurora.<br />
CIIOR DE GOJES<br />
Montanyes regala<strong>de</strong>s<br />
son les <strong>de</strong> Canig6,<br />
elles tot l' any floreixen,<br />
primavera y tardor.<br />
LA FADA DE H.OSAS<br />
Qué honica n' es la mar,<br />
qué bon ica en nit serena!<br />
<strong>de</strong> tant mirar lo cel blau<br />
los ulis li blavejan.<br />
Hi <strong>de</strong>vallan cada nit<br />
ab la lluna les estrelles,<br />
y en son pit, que bat d' amor,<br />
gronxa<strong>de</strong>s se breçan.<br />
Tot escolLant l' infinit<br />
sa dolça musica ha apresa,<br />
n' apar lo mirail <strong>de</strong>l cel,<br />
lo cel <strong>de</strong> 1 a terra.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
1û0 CANIGO<br />
Ahi' vesprc la veji<br />
com dormia 0n la maresma,<br />
com dormla cah<strong>de</strong>llanl<br />
escuma y arena.<br />
Los coralers <strong>de</strong> Bagm<br />
coralan clins llur harqucla.<br />
- Coralers, si m' hi voleu<br />
farèu bona pesca.<br />
Si volcu sa ber qui so,<br />
so una fada ampurdanesa,<br />
les fa<strong>de</strong>s <strong>de</strong>l Pirineu<br />
me diuhen Sir·cna. -<br />
Quant ells se tiran al fons<br />
jo 'n sonia ab les mans plenes,<br />
clis trauhcn rams <strong>de</strong> coral,<br />
jo aquest ram <strong>de</strong> perles.<br />
CIJOR DE GOJES<br />
1\!onlanyes regala<strong>de</strong>s<br />
son les <strong>de</strong> Canig6,<br />
elles lot l' any Ooreixen,<br />
prima vera y tarclor.<br />
LA FADA DE FONTARCE;-{'1'<br />
De Fonlargent u Oriege<br />
n'he baixada aquest mati<br />
pel rost <strong>de</strong> Clola Florida<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
CANlGO<br />
elles tot l' any Jloreixen,<br />
primavera y tardot',<br />
LA DE J.ANOS<br />
Sols per fervos un present,<br />
<strong>de</strong> llevant fins ù ponant<br />
he seguit la terra mla;<br />
vos ne porLo una arpa d' or<br />
que fa passar la tristor,<br />
que fa venir l' alegria.<br />
Cada colp que la toqueu<br />
vos hi respondrà nna ven,<br />
la ven <strong>de</strong> l'l'mima mia.<br />
CIIOll DE COJES<br />
Montanyes t·egala<strong>de</strong>s<br />
son les <strong>de</strong> Canigo,<br />
elles tot J' any noreixen,<br />
primavera y tardor.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
LE CANIGOU 165<br />
les voit en fleurs toute l'année, en automne comme<br />
en printemps.<br />
LA FÉE DE LANOS<br />
Dans l'unique but <strong>de</strong> vous faire un présent, j'ai<br />
P.arcouru tous mes domaines du levant jusques à l'oc-<br />
01?ent. Je vous apporte une harpe d'or qui chasse la<br />
lrJstess t . . . 1<br />
t e e appelle la JOie. Chaque fo1s que vous a<br />
.oueherez, une voix vous répondra, la voix <strong>de</strong> mon<br />
ame.<br />
1<br />
CHOEUR DE FÉES<br />
Mon lagnes délicieuses, que celles du Canigou ! On<br />
es Voit en fleurs toute l'année, en automne comme en<br />
Printemps.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
CANT SETÉ<br />
DESENCAN1'AMJŒT<br />
FLORDENEU<br />
Gentil meu, jo què 't daré<br />
si tant mes fa<strong>de</strong>s tc donan 1<br />
De què jo 't corono.1·é<br />
si d' or elles tc coronan?<br />
Te donaré lo meu cor,<br />
lo cor y la ma d' csposa,<br />
jo scré ta dolça fior,<br />
tu seras ma abella hermosa.<br />
Companyes, montres me 'n vaig<br />
a vestir ma verda vesta,<br />
com les boscuries pc'I maig<br />
<strong>de</strong>l am or per la gran fcsta;<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
170 CANIGO<br />
;, Sera que un vent ha foses les neus <strong>de</strong> l'alta cima,<br />
y a rius env lan ara ses a y gues a la VaU?<br />
;, Serà un estol <strong>de</strong> feres que ve mudant <strong>de</strong> elima,<br />
'l ürfol torb que espolsa sa crin com un ca val!;<br />
lo torb, aqueixa mànega <strong>de</strong> vents que arrasaclora<br />
traboca les cabanyes, los llachs y rius <strong>de</strong>vora,<br />
capola '1 tronch <strong>de</strong>ls arbres com ceps la poclaclora,<br />
a feixos cstimbantlos ab fort terrabastall?<br />
Es lo torrent cl' Annibal; ab grans <strong>de</strong>strals y serres<br />
li van obrint passatge cleu mil trebaliaclors,<br />
lo puig son front s'abaixa, la vaU s' umple <strong>de</strong> terres,<br />
lo pont d' una gambada passant rius bramadors.<br />
Les penyes, si fan nosa, y' ls grenys <strong>de</strong>l cami trauhcn i<br />
al colp <strong>de</strong>ls llenyatayres arrcu los arbres cauhen,<br />
los faigs y les muixeres son canyres que s' ajauhcn,<br />
los vellaners son herbes als peus <strong>de</strong>ls dalladors.<br />
Los balears (2) penjada duhen al hraç la fona,<br />
trenada ab tres hadies <strong>de</strong> canem y <strong>de</strong> pell,<br />
quant <strong>de</strong> sa roda encesa, que força y foch li dona,<br />
la pedra surt brunzenta, à aterra à fa portell.<br />
Lo cos <strong>de</strong>ls sagitaris segucix l' immensa rua;<br />
buyrachs feixuchs ressonan clamunt sa espatlla nua,<br />
l'Ltblerts tots <strong>de</strong> sagetcs <strong>de</strong> vcl'inosa pua<br />
q uc en sa volacla trcnca les ales <strong>de</strong>l aucell.<br />
Y, avall, onaùes cl' hùmcns à onacles succeheixen,<br />
ones <strong>de</strong> ferro à ouacles d' acer sense parar ;<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
C.\NTGO<br />
corn may encara 'n surten al cim, y ja cobreixen<br />
lo pla, les <strong>de</strong>l Massana seguint cap à la mar.<br />
1\lostrant al sol sa escala d' argent que lluhenteja<br />
aparl serpent enorme que corre y anguileja,<br />
<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Banyuls a Salces, <strong>de</strong> Salces fins à Osseja<br />
po<strong>de</strong>nt dues vega<strong>de</strong>s lo Rossellu faixar,<br />
En mitj <strong>de</strong> la boyrada <strong>de</strong> pols que 'ls acompanya<br />
lluhir se veuhen armes d' acer y escuts d' aram,<br />
com al tronar en vespres d' esliu en la monlanya<br />
se vou dins negres nüvols cohetejar lo llamp.<br />
Feixugues s' arrossegan les màquines <strong>de</strong> guerra,<br />
com si rodant cayguessen esberles <strong>de</strong> la serra,<br />
y, fent cacla rodada trontollejar la terra,<br />
rosegan ab Jlurs rocles la roca <strong>de</strong> Mon bram.<br />
Cent elefants segueixen, corn serres que caminan,<br />
formant grans siluetes al dors <strong>de</strong>l Pirineu ;<br />
per ferlas pa los roures <strong>de</strong> trescents anys s' inclinan,<br />
los castanyers se rompen, més llonjos que llur peu.<br />
Damunt <strong>de</strong>l més altlvol, en torra cisellada,<br />
Annibal atravessa l' immensa serralada;<br />
al vèurel jo <strong>de</strong>ls nüvols baixar, à no sor fada,<br />
<strong>de</strong> genollons en terra l'ha ur la pres per cleu.<br />
Gegant <strong>de</strong> peclra que umple la Vall y la domina,<br />
lo gros Monbram, d'Annibal als peus, sembla petit,<br />
a par que al vèurel dobla sa testa gegantina,<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
i74 CANIGO<br />
que sols lo llamp, eix glavi <strong>de</strong>ls nuvols, ha ferit.<br />
Es alt, ample d' espallles, <strong>de</strong> colossal. figura,<br />
un perpunt d' or abri ga son pit y sa cinlura :<br />
<strong>de</strong>ls joves <strong>de</strong> Cartago té l' ayre y la esLatura;<br />
té <strong>de</strong>ls Ileons <strong>de</strong>l Atlas lo lronador rugit.<br />
Una legi6 sagrada <strong>de</strong> nobles lo corona,<br />
seguintlo, corn al carro <strong>de</strong>l sollo resplandor ;<br />
ab una adarga abrigan son cos ampla y rodona,<br />
ses armes y sa ttinica son una llauna d' or.<br />
Derrera d' eUs les tribus <strong>de</strong> l' Africa negrejan,<br />
y 'ls espanyols sa espasa llarguissima manejan;<br />
quant los romans en Cannas llampeguojar la vejan,<br />
han <strong>de</strong> <strong>de</strong>ixar per ella llur ensis Lallador.<br />
Ans cl' arribarhi, una altra muralla los espera,<br />
<strong>de</strong> gran contramuralla Ji fan los Pirineus :<br />
<strong>de</strong>ls Alpes es l' abrupla suprema corùillera,<br />
munLada per una allra do glaces y <strong>de</strong> neus.<br />
Entre ells, en ample fosso, lo Rose fa sa via,<br />
serpent que ab una onacla l' cxèrcit dosfarJa,<br />
gran monstre <strong>de</strong> set hoqucs quo lot ho engoliria,<br />
sos olcfanls, ses al'mos, sos homens y sos <strong>de</strong>us.<br />
Per forta rcraçaga vint mil ca valls segueixen,<br />
tots clls fills <strong>de</strong>l Sahara, germans <strong>de</strong>l Simoün;<br />
com los ccnLauros, seUa ni brida no coneixen<br />
los eLiops que 'ls munLan, poltro y jenet fenL un.<br />
Al vèurels, claU <strong>de</strong>ls Alpes, la terra italiana<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
iïû GAN !GO<br />
elira lo C[UC al Pi rene sembla ara die la plana :<br />
CayenL d' eixcs allures, aqueixa allau humana<br />
<strong>de</strong>ls po bles que jo abri go me 'n ve a xafar algun!<br />
Des<strong>de</strong> 'ls murs <strong>de</strong> Ruscino, que allà cl' allà ncgrejan,<br />
umplirse cl' armes miran llur terra los sardons,<br />
tranquils miran les messes <strong>de</strong> Mart corn hi onejan,<br />
los elcfan ts, los pollros, les llances y 'ls penons.<br />
- Alsùuvos contra Annibal,- ahi"ls romans los clcyn 11 ·<br />
- Alsàuvos contra Annibal,- y il bell esclat ells rey an,<br />
clavant <strong>de</strong> la riuhacla com canycs ells sc veyan,<br />
y ab canyes no s' atura lo riu <strong>de</strong> les nacions.<br />
- Donàumc pas,- d'Annibal los missatgcrs los diuhC 11<br />
avuy;- jo vaig a Italia, so amich, no us fassa po'._..<br />
Ells ouhcn lo missatge pru<strong>de</strong>nts y no sc 'n riuhen:<br />
- Que passe,- li responen, tancantsc en RosselJ6.<br />
Y tot un jorn vejercn per sola sa mu ralla<br />
passar peons, fonèvols y carros <strong>de</strong> hatalla,<br />
arqucrs ab sa ballesta, dallayres ab sa cl alla.<br />
Què hi vc à ccrcar à Emopa <strong>de</strong> l' Afl'ica '1 lleo?<br />
1, Què hi vc U. cercar? ve à bhtros ab l'ali ga romana,<br />
la terra no cs prou ampla per dos rivais tan forts;<br />
vc à traure <strong>de</strong> son trono <strong>de</strong>l mon la sobirana,<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
178 CANTGO<br />
à Roma ô a CarLago ve a obrir lo camp <strong>de</strong>ls morts.<br />
Per què à morir vola vau aixis, tribus guerrcres?<br />
Per què pas tors no us feyau d' aqueixes torrenteres?<br />
Les fa<strong>de</strong>s <strong>de</strong> lVIirmanda, <strong>de</strong> Rossell6 y Alboras<br />
dançavam aqucll dia clins lo Bosquet <strong>de</strong>ls Horls.<br />
LA DE F0;'1TARGENT<br />
NOGUERA Y GARONA<br />
De Beret l' immcnsa plana<br />
té la forma do broçol,<br />
Lé monlanyos por harana<br />
hont com marc aguayta 'l sol.<br />
Té per alLa capçalcra<br />
la montanya <strong>de</strong> Crabera.<br />
La geganla corclillcm,<br />
pcr breçar sos IJ!Js la vol.<br />
La Nogucra y Jo Garoua<br />
son los tllls quo Deu li clona,<br />
que ja al naixer s' ompaytarcn,<br />
corregucrcn y salLaren,<br />
corn dos nins joguincjant.<br />
Nogucra per alôs<br />
tot joguin6s,<br />
Garoua pol' Aran<br />
tot rondinant.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
Hlû CA;>lGÛ<br />
La Noguera Pallarcsa<br />
sc lle1'A més <strong>de</strong> mati;<br />
quant <strong>de</strong>l nort la vista ha prcsa<br />
<strong>de</strong> mitjorn pren Jo cami.<br />
Son germ[t, que anava à Espanya,<br />
veu al allre que l' enganya,<br />
qne li <strong>de</strong>ixa sols monlanya,<br />
fentsc scu tollo janli,<br />
Corn volula que sc 'n torna<br />
en lot vert plafo que adorna,<br />
182 CANJGO<br />
mal-clavaùa en un llis d' herba,<br />
ha ovirat fèrrea y superba<br />
la gran Maça <strong>de</strong> Roland.<br />
Noguera pcr Alos,<br />
tot jognin6s,<br />
Garona per Aran<br />
tot rondinant.<br />
Espanyol que s' afrancesa,<br />
lo Garona, mal paysù,<br />
elu 6. la França la ri
LE C.I:\'TGOU<br />
encastré dans un gazon uni: c'est la gran<strong>de</strong> massue <strong>de</strong><br />
Roland.<br />
Naguère par Alos en sautillant, et Garonne par<br />
Aran en murmurant.<br />
Espagnole qui <strong>de</strong>vient française, la Garonne, patriote<br />
infidèle, apporte en France les richesses qu'elle<br />
a amassees en Espagne; et, I1ous voyant pauvres en<br />
sources, elle Ya porter son superflu ù l'Atlantique,<br />
pendant que l'autre déverse dans la Méditerranée quelques<br />
eaux rares et saumàtres.<br />
Ah 1 ces <strong>de</strong>ux jumelles, comme une gerbe mal liée,<br />
remettent en mémoire l'histoire ùc bien d'autres jumeaux<br />
qui s'entendant entre eux comme chien ct<br />
chut.<br />
Garonne par Aran en nmrmuran t, ct Naguère par<br />
Alos en se jouant (3).<br />
CHOEUR DE FÉES<br />
Bt toi, Naïa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Lan os, toi
JSG<br />
quant la té dinlrc <strong>de</strong>lllaç<br />
cati va se la emmnava;<br />
no li valcn, no, l' aruh d' or,<br />
ni les sagclcs <strong>de</strong> plata,<br />
ni sos ulis negros, rruc son<br />
més homici<strong>de</strong>s encara.<br />
Mes no sé qui cs lo caliu,<br />
Jo moro o la cristiana;<br />
si n' es la lilla <strong>de</strong>l duch,<br />
lo cativcri li agl'atla;<br />
si no l1o es, cs que 'ls grillons<br />
ù son robador posava.<br />
- Robadora <strong>de</strong>l amor,<br />
princesa <strong>de</strong> l' Aquilania,<br />
què vols ? - lo moro li diu, -<br />
mes que si a la mcva ùnima.<br />
-La leva anima cs pcr Deu,<br />
jo sols vullla tcva espasa,<br />
que abans feresca 'l ntcu cor<br />
que '1 cor <strong>de</strong> ma dolc;a palria. -<br />
Entre Abü-Nczah y lo duch<br />
pau clerna s' esjurada,<br />
llaç <strong>de</strong> floJ's ab qt1c 1' amal'<br />
uncix lo niu y la branca,<br />
Jo moro y Jo cJ·isLià,<br />
lo Llenguadoch y l' Arabia,<br />
uncix Jo dla y la niL<br />
ab una estrella per gara.<br />
Llaç <strong>de</strong> flors que 'ls ltas lligat,<br />
Deu le tlô llaJ'"It clurada.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE C.\NIGOU<br />
'18ï<br />
l'a prise dans ses lacets, il a amené sa prisonnière,<br />
sans qu'olle pùt se prévaloir ni <strong>de</strong> son arc d'or, ni <strong>de</strong><br />
sos flèches d'argent, ni <strong>de</strong> sos yeux noirs encore plus<br />
meurtriers. Mais je ne sais vraiment quel est le pri<br />
sonnier, du Maure ou <strong>de</strong> la chrétienne. Si c'est la fille<br />
du duc, l'esclavage lui plaît; dans le cas contraire,<br />
c'est alors ello-mème qui avait dressé Je piège et pré<br />
paré les chaînes à son ravisseur. - « Ravisseuse <strong>de</strong><br />
• l'amour, princesse d'Aquitaine, lui dit le Maure,<br />
« que veux-tu? Deman<strong>de</strong>, quand ce serait mou âme . "<br />
- • Ton âme est à Dien ; je ne veux que ton épée :<br />
• qu'clio perce mon propre cœur, plutôt que <strong>de</strong> se<br />
• tourner jamais contre ma douce patrie! »<br />
Dne éternelle paix avait été conclue entre le duc et<br />
Ahu-N ézah, nœud enguirlandé <strong>de</strong> ne urs qui rattache<br />
le nid à la branche, le Maure ot le chrétien, le Lan- -<br />
guedoc ot l'Arabie, qui enon unit le jour et la nuit,<br />
ayant pour ag·rafe une étoile. Nœud fleuri qui les as<br />
rapprochés, que Dieu tc fasse durer longtemps l<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
i88 C.IN JG 0<br />
li<br />
Ab<strong>de</strong>rraman ho ha sabut,<br />
vol veure si '1 <strong>de</strong>sfaria,<br />
al cri t <strong>de</strong> i muyra '1 traydor !<br />
vers Catalunya camina,<br />
Yint mil hàmens du <strong>de</strong> peu,<br />
cleu mil <strong>de</strong> cavalieri a;<br />
pcr davanter va Zcyan,<br />
brau aclalit <strong>de</strong> la Siria.<br />
En Jo camp cs un corccr,<br />
en los ri us es un a an gu il a,<br />
en lo combat un llc6<br />
<strong>de</strong>ls <strong>de</strong> sa terra nadiua.<br />
Abü-Nezah no 'n sab res,<br />
massa fort l' amor lo lliga;<br />
quina nit tindrà, si dorm !<br />
quin <strong>de</strong>spcrtar, si som la!<br />
Ab ell dormen sos soldats<br />
dintrc 'l fort <strong>de</strong> Julia- Llivia.<br />
Oh, Julia-Llivia ! à tu y cils<br />
la hora fatal vos arriba.<br />
Jal' cncmich cs aqui,<br />
ja té les claus <strong>de</strong> la vila.<br />
Los clefensors son coval'ts,<br />
n' hi ha gran escampacliça;<br />
los uns fugen cap à Llo,<br />
los aitres cap a Anguslrina.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
-------- --<br />
II<br />
Ab<strong>de</strong>rraman a tout appris, et veut tenter <strong>de</strong> faire<br />
essuyer une défaite au gouverneur. Au cri <strong>de</strong> « Mort<br />
au traître ! >> il s'avance vers la Catalogne avec<br />
vingt mille fantassins et <strong>de</strong>ux mille cavaliers. A l'a<br />
vant-gar<strong>de</strong> marche Zeyan, brave et farouche général<br />
syrien: c'est un coursier sur le champ <strong>de</strong> bataille, une<br />
anguille dans les rivières, et enfin dans le feu du<br />
combat c'est un lion <strong>de</strong> ceux quo produit sa terre<br />
natale. Abu-Nézah ignore tout encore ; l'amour le tient<br />
trop fortement enlacé dans sos liens. Quelle nuit v::t<br />
t-il avoir, s'il dort 1 et s'il rêve, quel réveil! ... Auprès<br />
<strong>de</strong> lui reposent ses soldats, dans le fort <strong>de</strong> Julia Llivia.<br />
Ah 1 Jnlia Llivia! l'heure fatale va sonner pour eux<br />
et pour toi. Voilà l'ennemi qui arrive, et d6jà il a les<br />
clos <strong>de</strong> la ville. Les d6fenscurs se montrent sans cou-<br />
rage, et sc dispersent <strong>de</strong> tous cùt6s en fuyards, les<br />
uns ilu côté <strong>de</strong> Llo, les nuLrcs du côtô d'Angoustrine.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
Il.
LE CANIGOU 191.<br />
Quand tombe le ehêne <strong>de</strong> la forêt, les oiseaux aban<br />
donnent leurs niùs. Abu-Nézah détale à son tour, seul<br />
avec la fille du ùuc Eu<strong>de</strong>s; il fuit sans savoir où il va,<br />
comme un aveug·le sans gui<strong>de</strong>. Zeyan court à sa piste<br />
avec sa meute <strong>de</strong> Maures. Aussitôt que leurs clameurs<br />
parviennent aux oreilles <strong>de</strong> Lampégie, elle s'écrie en<br />
versant <strong>de</strong>s larmes <strong>de</strong> sang, et s'adressant à son époux:<br />
- > - « Non,<br />
Lampégie, la vie m'abandonnera avant que je t'aban<br />
donne. » - Ils s'arrêtent tout près d'une fontaine,<br />
appelée aujourd'hui Funtaine <strong>de</strong> la Reine ... lis onl<br />
soif, mais ils ne boivent pas, l'eau leur serait trop<br />
amère; ils ont sommeil, mais ils ne peuvent dormir,<br />
les fleurs ùu sol leur semblent <strong>de</strong>s orties ... C'est là<br />
que l'ennemi les surprend. Elle se penche sur son<br />
époux, comme se couche une plante <strong>de</strong> basilic quand<br />
olle a été foulée ... do son corps comme d'une aile, et<br />
ile son épée il la protège, laissant pleuvoir sur lui les<br />
coups ùo cimeterre ct <strong>de</strong> poignard, jusqu'à ce qu'il<br />
tombe sur le gazon <strong>de</strong>jà rougi <strong>de</strong> son sang: on dirait<br />
un tapis vert semé <strong>de</strong> rubis. Hélas! si le fer ne l'avait<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
102 C:.\ N 1 G cl<br />
Si 'l ferro no ho hagués fet,<br />
lo dolor lo malaria·<br />
al vèuresen emportar<br />
sa enamorada cativa,<br />
la coloma pe'l mila,<br />
pc'l porcellla margarida.<br />
En gropa <strong>de</strong>l scu corcer,<br />
Zeyan la porta al califa,<br />
al califa Ahclerraman,<br />
que al peu <strong>de</strong>l Pircne arriba.<br />
Ell aixeca 'ls ulis al cel<br />
y 1 nom cl' Alah pronuncia,<br />
pronuncia 'l nom d' Alah :<br />
- La Dlla J' Eu<strong>de</strong>s m' encisa.<br />
Es la flor <strong>de</strong>l Pirineu<br />
en lo ple <strong>de</strong> sa llorüla,<br />
es la corona-<strong>de</strong>-rcy (4) ;<br />
un rey sc 'n coronaria.<br />
Sera en l' harem <strong>de</strong> Damasch<br />
<strong>de</strong> l' hermosura regina,<br />
la rosa d' aquell jardl,<br />
la perla d' aquella riba.<br />
Allnfeliç aymador<br />
li donan tomba llnhida<br />
cl' un triangle coronat<br />
ab CLipula damasquina,<br />
dins lo poblc <strong>de</strong> Planés,<br />
a quatre lleugucs <strong>de</strong> Llivia.<br />
Los vincnts escatirü.n<br />
si es mausoleu ô mcçquita.<br />
si l' han fcta cristians<br />
ô moras <strong>de</strong> i\foreria;<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
l\14-<br />
C.l NIC Ù<br />
mes en la tomba <strong>de</strong>l moro<br />
los cri tians cliuhen missa,<br />
que ja era milj crislià<br />
qui en mans <strong>de</strong> moros morla (5).<br />
CHORDE FADES<br />
Si no fosscm al cim d' una montanya,<br />
pcr sircna 't pendriam <strong>de</strong> lu mar;<br />
mes, plega, plega ta canru, oh company a !<br />
l' historia <strong>de</strong> Lampegia 'ns fa plorar.<br />
Y Lu, Gentil hcrmos, pcr qui s' acosta<br />
l' hora d' amor, pàrlans cl' amor si 't plan;<br />
la Jlor ne parla al riu, al mar la costa,<br />
y ri us y mars ne parlan al ccl blan.<br />
i\Jnda dorm en Los braços l' arpa hermosa<br />
fJ uc 't reg a là la fada <strong>de</strong> Lanùs;<br />
sobre lon pil cstrenyla com esposa<br />
y llanr,a al vent un cantich amorus.<br />
CAN'f DE GEN'l'IL<br />
Amor, amor, hunt me pujares '1<br />
hunt sou, amichs? hunt sou, mos pares'?<br />
y jo matcix, ùigaumc, hünt so?<br />
Digasmho tu, Grisclda bella,<br />
ma hermosa e trclla<br />
ùe Canigù.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
J()(j<br />
Y tu, els <strong>de</strong>l cel guspirn. eterna<br />
ô sols fanlàsticn.lluhema?<br />
tins al infern ô al paradis?<br />
Mes es aci tan dolç Jo viure,<br />
veyent somriure<br />
ton ull blaviç!<br />
Què se me 'n dona <strong>de</strong> la terra<br />
si ·t Linch aci, en est cim <strong>de</strong> serra?<br />
Mes càm nos mira '1 sol naixenl !<br />
Pùrlam vers hont surt com poncella<br />
que s'esba<strong>de</strong>lla<br />
pe'l firmament.<br />
Dtlsme vers honl los ulls va il. clourc<br />
<strong>de</strong> sa carroça l' or fent plourc,<br />
rey que 's retira à son palau,<br />
y <strong>de</strong> son golf al golf d' eslrelles<br />
voguèm entre elles<br />
per lo cel blau.<br />
Pt'tjn.m amunt, <strong>de</strong> b1·n.nca en branca,<br />
<strong>de</strong>s<strong>de</strong> hont lo mon cam arl)I'C ananca<br />
11ns al cimal entre 'l fruyt d' or;<br />
püjam amunl, y mnunt encara,<br />
màstram la cant<br />
<strong>de</strong>l Criador.<br />
i\Ies si jo 't linch, per què m' anyoro?<br />
'i tu 'm som ri us, donchs, <strong>de</strong> què ploro?<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
:W4 CAN!GÙ<br />
Del color se vesteix ab que l\lahuma<br />
solla veure en somnis les huris;<br />
ao son vesliL <strong>de</strong> virolatla ploma<br />
no es lan herm6s l' aucell <strong>de</strong>l paradis.<br />
Del estany se contempla en l' aygua clara,<br />
que s' atura per ferli <strong>de</strong> mirall,<br />
<strong>de</strong> sos ulls dolços y rihonta cura<br />
cntretenint l' imatge on son cristall.<br />
De roses porta al front una coronu<br />
am mate ix cullitles al verger,<br />
culli<strong>de</strong>s per l' amor que l' osperona,<br />
fcnl florir en sa cat·a a ttre roser.<br />
Cap al jardi, com <strong>de</strong> son rusch l' a bella,<br />
amatenta sorlia <strong>de</strong>l palau,<br />
quant <strong>de</strong> son cel l' esmorluhida estrella<br />
<strong>de</strong> congostn. en congcsta als pcus li cau.<br />
Sos ulls son plens <strong>de</strong> neu, d' ombra y polcina,<br />
sa cara es <strong>de</strong> cadavre, sos cabclls,<br />
ma<strong>de</strong>in <strong>de</strong> ru d' or i ay! pul'pmina,<br />
rosscja en rochs y mates à cabdclls.<br />
Encastarcnshi a riuxos ses garlanùcs,<br />
sa gonella ùc scda y suu brial,<br />
les poeles it cnûlaJls, los llot:hs y mntles<br />
tlo sa gemada vesta uupcial.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
200 CANlCÛ<br />
Ella cauli damunt, y ses companyes<br />
los ploraren lres dies a Lots dos,<br />
dihentse ab safareigs, colls y monLanycs :<br />
- Ay t l' astre que se 'ns pou fou ben hermas ! -<br />
A la tercera aurora ella 's retorna,<br />
son plor aixuga ab sos sedosos rulls,<br />
no volùria plorar, mes sempre hi Lorna,<br />
b què poùeu fer sin6 plorar sos ulls?<br />
Fa posar aquell cos dintre la barca,<br />
barca que es i ai t sepulcre <strong>de</strong> recorts !<br />
per ultima vegada ab ell s' embarca,<br />
y acompanya sa vida al camp <strong>de</strong>ls morts.<br />
A cada banda vogan tres remeres,<br />
negres estan sos cors com sos veslits,<br />
no jugan ja ah lo vent &cs cabellcres,<br />
que 'ls cauhen, cam les llagrimes, als pits.<br />
Cantarli cftnlichs <strong>de</strong> Lristor voltlrian<br />
y 's posan lotes sis à sospirar,<br />
quant recordan aquells que li pluvian<br />
cam cànLichs <strong>de</strong> sirencs <strong>de</strong> la mar.<br />
Aquells torrents scgueixcn d' oua en onu,<br />
UlfUeJls prats anyorivoh; d' un a un,<br />
cam un iJI'il!anL ca y gu L clc sa corona<br />
ella cnsenyanllos son gojat di!'unt.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
208 C.\ :\1 G Ù<br />
_ , --<br />
Lo mostra à les estrelles que 'ls ulis clouhen,<br />
com Flor<strong>de</strong>neu tranzi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> plorar,<br />
als aucellets joyosos que 'ls <strong>de</strong>sclouhen<br />
tan <strong>de</strong> mati sentintla gemegar.<br />
Lo mostra als jeçamins qLJe l' ombrejaren<br />
y, esflorant ses corones sobre d' el!,<br />
<strong>de</strong> tlors al bes <strong>de</strong>l ayre l' arruixaren,<br />
i era tan jove, Lan ayros y bell !<br />
Als miosotis l' ensenya <strong>de</strong> la riba,<br />
a les glebes <strong>de</strong> gel que ou sospirar,<br />
d' argent y <strong>de</strong> crislall il la font viva<br />
que .cie les gojes es l' espill més clar.<br />
De glaça les cavernes que sengloLan,<br />
d' hont, com perles en beyres argentins,<br />
<strong>de</strong> fil a filles llagrimes <strong>de</strong>gotan,<br />
pe'ls ayres escampant remors divins.<br />
A y! en re torn, cada tur6, cada arbre,<br />
l'herba que naix, l' cstrella que florcix,<br />
li sembla que li moslra ab cor do marbre<br />
do son vcstiL do noces un esqui cx.<br />
Ella 'ls <strong>de</strong>mana d' un a un vcnjança<br />
contra Guifre, y ab boyr·es <strong>de</strong> tardo'<br />
<strong>de</strong>l cel esborra l' iris <strong>de</strong> bonança<br />
que coronar solia 'l Canigo :<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
210<br />
CA"' I G 0<br />
aL branlfues <strong>de</strong> llorcr l' aygua tranquiJa<br />
hat <strong>de</strong>l estany, y, ab ses mateixes mans,<br />
congria 'l torb d' ales <strong>de</strong> foch y apila<br />
ülos nvols sobre 'ls mivols udolanls.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
LE CANIGOU :21'1<br />
--------------------------------------<br />
1<br />
, De ses puissantes mains <strong>de</strong> fée, elle agite ct trouLie<br />
eau <strong>de</strong> l'étang avec un rameau <strong>de</strong> laurier, elle appelle<br />
le tourbillon aux ailes <strong>de</strong> feu, et anoncelle les nns sur<br />
les autres les nuaO'es dont les gron<strong>de</strong>ments ne tar<strong>de</strong>nt<br />
P . "'<br />
as a se faire entendre.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
C.\ N 1 Gtl<br />
mes ay ! mentre ell cstimba son fill hermos !<br />
Sos ulls aixis que ho vcuhcn semblan <strong>de</strong> boig,<br />
sa cara se trasmucla com ùe qui 's mor.<br />
Llavors se clona compte <strong>de</strong>l sen pccaL,<br />
Jo concix y s' esglaya; mes ay! ja cs tart.<br />
Plantat daJt rle la cima com pil.ra-llamps,<br />
11e <strong>de</strong>mana un als nüvols, no ·n hnixa cap !<br />
Com qui cerca meLzines al fons d' un vas,<br />
mira 1 fons <strong>de</strong>l abisme <strong>de</strong>sesperil.t,<br />
negra gola <strong>de</strong> monstre que 'l va xuclant.<br />
l, Sc llevani la vitla com un covart,<br />
seguint Jo herm us cadavre côrrechs ava!J?<br />
l, Se liraru al feréstech gorch <strong>de</strong> Balaig?<br />
Bé ho faràu prou los moros si 's vol matar,<br />
no 'ls mancan cimitarres, los sobran clarls,<br />
y clc llanccs se 'n vcuhcn tot un canyar.<br />
J a baixa ùe la cima Lot csvarat,<br />
donan t cnsopegaJcs com cmbriach.<br />
Part d' amunt tle Valmanya fa rcssonar<br />
la trompa que son avi dnya al combat.<br />
No tri gan a respondre per les afraus<br />
los jôvrns capcinesos, los vells cerdans,<br />
aucclls que ù la tempesla s' han csbullat.<br />
Cami <strong>de</strong> Serrahona (l) va atravcssant<br />
los rierons que regan l' hort <strong>de</strong> Vinçà ;<br />
oàsis que eixes serres lenen tencil.t<br />
pcr·que no 'ls lo marcescnl' ayrc ùe mar.<br />
Del Canigù los Aspres son l' arrclam<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
216 CA:'; LGO<br />
<strong>de</strong> serres que enlrelligu cap a !levant ;<br />
en llur <strong>de</strong>rrera onada s' alça un to
230 CA ;>;J GU<br />
En Jo cel sercnissim <strong>de</strong> la gloria<br />
il-luminal pel sol <strong>de</strong> la victoria,<br />
veu Tallafcrro un nt'1vol ncgrejar,<br />
com en lu cnrs <strong>de</strong> la di vina historia<br />
sc veu l' ombra <strong>de</strong> Judas apunlar.<br />
No ob lanl, entre 'l lemor y l' csperança,<br />
ab . os gcrmans vers Canigo se llança,<br />
<strong>de</strong>sitjùs d' arribar a Sant Marli;<br />
no '1 dislrauhen un punl ùe sa frisança<br />
la volta blava ni '1 verùos cami;<br />
los l.l.sp•·es cims ni les humils comellcs<br />
hont baixan a jugar les fontanelles<br />
fr·isos es <strong>de</strong> lornarse ricrons,<br />
----<br />
ni 'ls eslanys que 11ls paslors y à les eslrelles<br />
fan rle mirall ab llur clarissim fons ;<br />
la mùsica <strong>de</strong>ls asL•·es y armonia,<br />
a qu11l suau remor dorm y somia<br />
sola r l.l.la <strong>de</strong>l celll.l. terra hu mil,<br />
ni la fageù11 honl la nalura cria<br />
aucell · y !lors, amor ùc maig y abri! ;<br />
ni <strong>de</strong>ls aucells les ùolccs canticeles,<br />
ni <strong>de</strong>ls Lurons les vrrdcs Luniceles<br />
que ab ses conaesles cmbelleix la neu,<br />
com lluhenlcs y blanques llenticueles<br />
<strong>de</strong> feslivol veslil t[UC 'ls posa Dcu.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
232 c.1 :-; rr. 6<br />
Enlre 'Js dos comtes caminanL Oliva<br />
al front <strong>de</strong> la guerreracomiLiva,<br />
com davant la buyratla ltermùs este},<br />
esLrany presentimenl en ell s' aviva,<br />
dinlre son cor fenl <strong>de</strong>got.arhi fel.<br />
Al veure, menLrestanL, que may tornava,<br />
al bell Genlil son escULler cercava,<br />
guiaL entre cingleres pe'ls pasl.ors;<br />
eslona havia que pe'l bosch roclava<br />
t[uant senli més amunl sospirs y plors.<br />
La riera scguinl <strong>de</strong> Comalada,<br />
arriba a un gorclt que aplcga la suada<br />
<strong>de</strong>l fl'onl escardalcnch <strong>de</strong> TreLzevcnLs;<br />
una congcsla hi hu damunl gclada,<br />
que may vcjcrcn fosa lo vivenls.<br />
En gran anfllealrc la limhera<br />
s' arqucja cap al cingle <strong>de</strong> Balera,<br />
y, gola immensa <strong>de</strong>l fcrreny Lita,<br />
Jo que cs avuy un gorch y ampla gclera<br />
tal voiLa fou lo cràler ù' un volca.<br />
La neu alli al hivern s' arremolina,<br />
glaçantse en l'escalada gegantina<br />
d' aqucll roquer, faulastich colisscu,<br />
y avuy nl dcsglaçarse sa ruhina,<br />
l' apsis apar <strong>de</strong> troccjada cu,<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
236 C.\ :-.; 1 GO<br />
Com faig <strong>de</strong>l Pirincu que '1 llamp alcrra,<br />
lo comte Tallaferro cau à terra;<br />
lo cadavre que estreny li gela 'l pit ;<br />
son cos du vint fcridcs <strong>de</strong> la gucrra,<br />
mes aqucsta arribà à SOJl cspeeit.<br />
De prompte sc t:ef'à y, punyil. perl' iea,<br />
al scu voltant los ulis encesos gil'a :<br />
-;, Qni ha mort mon Jlll?- cridanl ab vcu <strong>de</strong> teo;<br />
Yees l' hermitori Guifre e relira,<br />
mes confus y lleal responli : - Jo!-<br />
Com un llampC'ch, <strong>de</strong> Tallafcrro ar<strong>de</strong>n ta<br />
la cspasa vola vers sou cot· lluhenla,<br />
mes ja, rohan llo tt son cruel <strong>de</strong>silj,<br />
Oliva al asscssi dona una crnpcnla,<br />
posant lu porta y à ell malcix en milj.<br />
Per la sagcla <strong>de</strong>l tlolor ferida<br />
cerva, cau à ses plantes l' homicida,<br />
son crim csgarrifus pcr confessat' ;<br />
per ben perd uLla té i olt dolot'! sa vitla,<br />
mes, cristià, vol l' ànima salvar.<br />
Com una maça on lo tiù que estella,<br />
cauhcn uns punys damunt la porla vclla,<br />
que ab cruixiùora y gc•mogül' rospon ;<br />
al primer colp la fusla sc clivclla,<br />
mes goll'os y muntants <strong>de</strong> fctTO son.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
Oliva conclolgut ab elis sospira,<br />
C.\:XIGÙ -----<br />
ab més plors apagant lo foch <strong>de</strong> r ira,<br />
y ab més cendra l' ardor <strong>de</strong>l esperil,<br />
y uninlse les tres !lames 1lc la pira,<br />
fctn sola un a oracio lola la niL.<br />
Y la dolça oracio cl' una volada<br />
puja al bon Dcu, damunl sa aJa inllamada,<br />
tres espcrits lligals pcr un amoe;<br />
aixis tres gotcs <strong>de</strong> suau rosada<br />
s' aplegan clins Jo c;\lzcr d' una flor.<br />
Al primer raig cle Hum que la parpella<br />
fel'eix <strong>de</strong>l Oncslral
244 C.l :\1 G ,·,<br />
Sospira ab hùmen,; y al'brcs la campana,<br />
corn plora 'l gcrmu mort una germana,<br />
pcr qui canlava ùolçamcnl ahi',<br />
al cenyirse l' espasa ceretana<br />
aqueix que com un lronch jau ara aqui.<br />
Al pregon <strong>de</strong> l' arrau lo llop ndola,<br />
lo vent xiula entre 'ls pins y lorniola,<br />
les gales lrocejanl <strong>de</strong>l mes <strong>de</strong> maig,<br />
ab son nüvol més negre '1 cel s' endola<br />
y ploran sos ul,ls blaus à raig, à raig.<br />
La Font <strong>de</strong>l Comte raja gota a gota,<br />
apar una cncantada que senglola,<br />
amagada <strong>de</strong> l' cura en la verclor;<br />
prou canta 'l rossinyol, mes cada nota<br />
es un gemech que fa pm·lir Jo cor.<br />
Com qui remou los ùssos d'un ossari.<br />
grossos penyals pcr côclols font roclarhi,<br />
fuig pla avall la ricra <strong>de</strong> Cadi.<br />
Lo cel no sembla 'l cel, cmbla un sutlari,<br />
si la terra un caLlavre geganli.<br />
De llarclt à llarch l' cslenen en la fossa;<br />
mes ahans d' entcrrar sa lesta rossa<br />
que besacles <strong>de</strong> goja han arrosat,<br />
l' abal-bisbe mo lranlloslo ab la croça :<br />
\<br />
--<br />
- Tol, -exclama, -en lo mt'Jn cs vanilal;<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
240 c.1:; re 6<br />
hcr·mosura, plah0rs, somnis <strong>de</strong> gloria,<br />
noms que ara apren pcr oblidar l' h istoria,<br />
les corones y ceptres, l' or y ar·gent,<br />
tot ho esborm una llosa mortuoriu;<br />
cap al no-res lot se 'n ho porta '1 vent.<br />
Mes no lot l'home en lo fossar s' esbul la;<br />
<strong>de</strong> erisaliùa hi <strong>de</strong>ixa la <strong>de</strong>spulla<br />
quant s' enarbora al regne <strong>de</strong> la llum;<br />
aixis <strong>de</strong>ls lliri-jonchs que 1 vent esfulla<br />
al ccl s' enlayra 'l regalat perfum.<br />
Alli a Gentil podrèm reveurc un dia;<br />
men tres per cil lo càlzer oferia,<br />
cu l' ayre he vist passar son cspcril,<br />
mirant aquella sanch que rcntaria<br />
son cor <strong>de</strong> terra pc"l clolor ferit. -<br />
L' enterraclor cumplcix ah son oflc i ;<br />
pe'l pobre Tallaferro i quin suplici<br />
vcurc colgar aqucll amal tresor !<br />
com victima mcnada al sacrifici,<br />
està trist, capflcat, csglayatlo1'.<br />
Lo comte Guifrc, <strong>de</strong> gcnolls en terra,<br />
al milj colgat miny6 cncara s' afcrra,<br />
ùemananlli perdu <strong>de</strong>l sen pecat.<br />
Los aUros cavaliers al que s' cnlena<br />
miran, quiscü en sa llança rcpenjal.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE C.I.NlGOU 249<br />
Seul, s'efforçant d'alléger la douleur ùe tous, Oiiva<br />
conserve la sérénité <strong>de</strong> son âme. A son exemple, ils<br />
lèvent souvent les yeux au ciel, à cet heureux port <strong>de</strong><br />
l'âme qui a souffert, là oü la fleur n'a plus d'épine et<br />
le cœur plus <strong>de</strong> fiel.<br />
- « Je veux rester auprès <strong>de</strong> lui sur cette mont> - s'écrie le comte <strong>de</strong> Cerdagne d'un ton.<br />
résolu; - « si la couche est dure, il ne convient<br />
«pas qu'il y repose seul. Je sens que mon âme est<br />
• déjà compag·ne <strong>de</strong> la sienne, et dès aujourd'hui elle<br />
«dormira dans son tombeau.<br />
«Mon fils Haymond saura gouverner mes domaines .<br />
« Quant iJ. moi, je veux faire ici-même un monastèrr,<br />
« pour y terminer mes jours dans la pénitence. Puis<br />
" que je n'ai pas su pratiquer la science <strong>de</strong> la vic.<br />
« laissez-moi apprendre ici le secret <strong>de</strong> mourir. )l -<br />
Oliva lui répond alors : - « S'il doit y avoir un<br />
« asile <strong>de</strong> moines dans ces forêts om hreuses, empruntez<br />
LE C.\NIGOU<br />
EXALADA<br />
Charlemagne, en ce lemps-là, sc trouvait ù Aix-la<br />
Chapelle. Ce soleil <strong>de</strong> l'histoire, alors au midi <strong>de</strong> sa<br />
puissance, était sur un trône d'or, entouré <strong>de</strong> la fleur<br />
<strong>de</strong>s princes ct ducs ùe toutes les nations, qui ne rou<br />
gissaient pas <strong>de</strong> courber <strong>de</strong>vant lui leurs nobles têtes.<br />
Cinq vieux moines, pauvrement vêtus <strong>de</strong> leurs robes<br />
<strong>de</strong> bure, se présentèrent au grand empereur, ct lui<br />
tinrent cc lang·age, souvent entrecoupé <strong>de</strong> soupirs et<br />
<strong>de</strong> larmes:<br />
- « Roi adoré, que Dieu a donné au mon<strong>de</strong> pour<br />
étendre son règne, souverain plus granù par le cœur<br />
que p:u· l'éclat du sceptre et <strong>de</strong> la couronne, nous<br />
Vous en supplions, écOLJtez notre prière. Ilier encore,<br />
nous étions relig·ieux à Exalacla, près ùu chemin qui<br />
conduit <strong>de</strong> Llivia à Pra<strong>de</strong>s. Nous avions lù église ct<br />
monastère, jardins en Ileurs, vieux parchemins que Je<br />
cœur ne sam·ail oublier, livres d'église que nous con-<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
servions avec un soin plus religieux que l'or, autels <strong>de</strong><br />
marl.Jre, cloîtres où un grossier ciseau, dans un style<br />
primitif et barbare, avait sculpté les animaux, sauvages<br />
habitants <strong>de</strong> notre bois voisin. Nous ne manquions<br />
ni <strong>de</strong> logements ni <strong>de</strong> ressources, et le pauvre pouvait<br />
trouver chez nous asile et secours contre le froid el 'la<br />
faim. Mais, ô grand désastre ! <strong>de</strong> tout cela il ne reste<br />
plus aucune trace : un instant a suffi pour que la<br />
crue d'un torrent ait tout emporté, si bien qu'on<br />
ne reconnaît même plus la place oü fut le monastère.<br />
''Dans la vallée ensoleillée que domine la tour Cer<br />
ùane, vivait le chevalier d'Envetg, trop adonné aux<br />
plaisirs. Sa malheureuse épouse, attristée <strong>de</strong> ses cou<br />
Pables amours, ne cessait <strong>de</strong> prier Dieu qu'il vou] ù t<br />
bion lui rendre le cœur <strong>de</strong> son mari, trop épris <strong>de</strong> la<br />
charmeuse <strong>de</strong> Lanos, <strong>de</strong>puis le jour oü il la vit sc bai<br />
gnant dans le lac, semblable à un nénuphar épanoui.<br />
Il tomba dans ses bras, ct oublia bien vite, hélas !<br />
dans la prison que ces liens lui avaient faite, ses fils,<br />
son épouse ct son foyer. La rivière <strong>de</strong> la 'l'cl, qui <strong>de</strong>puis<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
15
L 1:: C .\ N 1 G o 1<br />
Lnnos coule en se jouant, comme un ruban d'argenl<br />
qui mltache à Ja plaine l'âpre montatjne <strong>de</strong> Puig<br />
Pedros, vient lécher <strong>de</strong> ses eaux les ruines du monas<br />
tère. Or, <strong>de</strong> temps en temps, le chevalier suivait jus<br />
qu'au Capcir Je cours limpi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la capricieuse rivière;<br />
il chassait, poursuivant sans pitié le canard sauvage<br />
aux ailes célestes ct au bec jaune et noir, qui, en<br />
PrcnaJJt son vol joyeux, fait l'dfct, bien plus qu'un<br />
oiseau aux ailes peintes <strong>de</strong> mille couleurs, d'un vrai<br />
joyau <strong>de</strong> pierres fines ciselé par les mains <strong>de</strong> sylphi<strong>de</strong>s<br />
ct 1l'ondines. Un jour, notre prieur, le rencontrant<br />
avec son amante, lui dit amicalement:« Souffrez que<br />
• je vous le dise: vous ne <strong>de</strong>vriez pas, comme vous le<br />
( faites, dédaigner volre épouse pour une fée ... '' Son<br />
lltlloureusc, qui entendit ce propos, sc mit à trépigner<br />
•le colère, et jura par tous les dieux <strong>de</strong> l'Orient qu'elle<br />
voulait en finir avec les moiues ct le monastère, en<br />
écrasant sous son pied le nid avec tonte sa nichée.<br />
• Dans Je large outonnoir <strong>de</strong> Barrès, il'! avait, en<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
25() CANJGÔ<br />
un llach hi havia<br />
<strong>de</strong>l astr·e rey mirall <strong>de</strong> dia,<br />
mirail iloril<br />
<strong>de</strong> les esteelles â la niL<br />
y <strong>de</strong> la lluna.<br />
Prou se 'n recorda la Llacuna,<br />
poblc gentil,<br />
que en una roca scya humil,<br />
<strong>de</strong>l llach a vora,<br />
com adormiùa pescadora<br />
que l' eu<strong>de</strong>mà<br />
sens peix ni aygua 's lrolJaril..<br />
La goja, encesa,<br />
diu : cc Del aygurrl vull scr jo presa,<br />
o aquesla nil<br />
Lindrân l' eslauy pcr cobro-llil<br />
dauslro y üapcl.lcs,<br />
y '1 rusch, la mel y les abclles,<br />
al dcspcrlar,<br />
roùolarau eup il la mar. •<br />
Diu y Jo guia,<br />
à la clerrcra Hum <strong>de</strong>l elia,<br />
fins à la vall<br />
ahonlla Tet, eom uu eavull<br />
en sa carrera,<br />
dt' rochs s' alura en la har-rera<br />
t[UC hi pos[t Dcu<br />
quant aixccava 'll'ieineu.<br />
De sa ca<strong>de</strong>ntt<br />
l' aygua, mil au ys, gr a là l' aren a,<br />
gcalanL, gralant<br />
los forts anells aou aOuixanl<br />
y ù' eix a sena<br />
ne resla sols Ull mur do lerra.<br />
En son Ct'estall<br />
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\
L 1-: c .\ 'ir G 0 l"<br />
resta do celte mon tagno. Sur sa crêlo, le chevalier<br />
enfonce un pic qui désagrèg-e les roches ; à chaque<br />
coup, l'enceinte massive s'amoindrit. Des coups répétés<br />
renversent un géant. Par celte écluse sc fait jour une<br />
source au cours impétueux, qui <strong>de</strong>vient rivière; celle<br />
ci, en grossissant, sc montre plus fière et <strong>de</strong>vient mer<br />
il son tour, avec la désastreuse puissance <strong>de</strong> couvrir et<br />
tle ravager les populations ct les campagnes.<br />
Hélas! la <strong>de</strong>rnière nuit est arrivée pour Exalada!<br />
Nous venions à peine <strong>de</strong> nous en1lormir 1l:ms lt• mo<br />
nastère, quand le fracas nous réveilla tous rn snrsau t.<br />
Nous quittons précipitamment nos lits, ct à <strong>de</strong>mi<br />
VMus nous <strong>de</strong>scendons au chmur. La chapelle nous fit<br />
l'effet d'un œil à la paupière cio e; c'était un nid enve<br />
loppé <strong>de</strong> ténèbres. Ce n'est pa tout: pour augmenter<br />
encore l'horreur <strong>de</strong> Ja situation, il la pàlo lueur <strong>de</strong><br />
la petite lampe qui s'éteint, nous voyons sortir <strong>de</strong> sa<br />
tombe l'ombre d'Otger, nous montrant la porte qu'il<br />
ouvre rl'un coup <strong>de</strong> sa robuste massue. Nous n'1\tions<br />
L\ que cinq: nous le suivons, nous sortons à la hâte<br />
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LE CANrGOl" 2ù1<br />
du couvent, en proie à la plus vive épouvante, et nous<br />
fuyons vers les sommets <strong>de</strong> la montagne.<br />
« L'apparition s'évanouit. Nous regardons alors<br />
<strong>de</strong>rrière nous. Hélas 1 le monastère n'existait déjà<br />
plus; la violence Jes eaux l'entraînait dans Je fond<br />
<strong>de</strong> la vallée ; tout roulait avec un horrible fracas :<br />
moines, église, tourelles, autels et marbres <strong>de</strong> toute<br />
sorte, troupeaux, champs, arbres et colonnes. C'est à<br />
peine si on entendit un cri, dans cette tempête qui,<br />
éclatant au milieu <strong>de</strong> la nuit, fit tout rouler au loin,<br />
ct sema partout la mort avanL d'avoir cu le temps d'y<br />
semer l'agonie et l'effroi ...<br />
« Adieu, doux compagnons <strong>de</strong> notre paradis, heu<br />
reuse cellule, chers livres, autel béni , tabernacle<br />
mystique Ju Très-Haut. Paisible monastère, que ne<br />
nous a-t-il été donné <strong>de</strong> périr alors avec toi, ne fût-ce<br />
que pour ne pas voir l'aurore prochaine éclairer les<br />
ruines du saint asile ct le charnier <strong>de</strong> nos malheureux<br />
frères ! ...<br />
u Nous recueillimes leurs restes informes, dispersés<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
l::i.
:26:-l<br />
c.à et];\ avec leurs coules. Nous découvrîmes en même<br />
temps le cadavre du chevalier ù'Envetg, qui s'était<br />
trouvé pris au milieu <strong>de</strong> sa tùche odieuse et clou(><br />
avec son pic fatal. Puis, suivant la Tet et nous dl-ri<br />
geant vers le ravissant vallon cle Codalet, nous alltt<br />
mes saluer, comme une étoile dans notre ciel bien<br />
obscurci, l'image <strong>de</strong> saint Michel , pierre fine s'om<br />
blable à celles que la lame dépose sur ln plage. Seule,<br />
elle a échappé à co déluge ... 0 vous qui régnez sur<br />
le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis Erin jusqu'au Vésuve, accor<strong>de</strong>z<br />
nous d'élever un monastère où nous puissions vivre<br />
nuit et jour en compag-nir dr l'archange. • --<br />
L'empereur, attendri, leur r/•pond en essuyant ses<br />
larmes: - « Serviteurs dr Dieu, c'est sa main (JUi<br />
« vous a gauvés <strong>de</strong> cette gran<strong>de</strong> tempête en submer<br />
« geant votre nef. Oui, domain vous aurez chapelle ct<br />
« cloître dans le vallon <strong>de</strong> Cuxa, puisoJIIC la belle<br />
« image <strong>de</strong> saint i\lichcl ù'Exn.lada n. voulu s'y abriter •<br />
« ct y choisir sa nouvelle <strong>de</strong>mcure(1 ). C'est lui qui, du<br />
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26'•<br />
C.\ 1'i Il; Ô<br />
Ell cncamine <strong>de</strong>s<strong>de</strong> '1 ccl<br />
la meva armada<br />
com un aucell sa novcllada. ll<br />
Lo monestir<br />
no trigu a n&ixer y a florir,<br />
com olivera<br />
<strong>de</strong>l riu Litron en la ribera.<br />
Cel <strong>de</strong> Cuxa,<br />
l <strong>de</strong> quimta estrella t' enjoya<br />
l' abat Gari,<br />
ab Pere Urséolo, Mari<br />
Jo rrran asceta<br />
y Romualdo anacoreta ?<br />
Lo Rossellû<br />
no ha vist més gran constclaci6<br />
d' astres <strong>de</strong> gloJ•ia<br />
en Jo mitj-dia <strong>de</strong> sa historia.<br />
Ab eix planter<br />
que umpli <strong>de</strong> sanls lo môn scncei·,<br />
vostre ascetm·i<br />
si plantau vos, cam Jo saHcri<br />
d' cixes afraus<br />
les umplira d' bimncs suaus.<br />
- Que prompte, prompte<br />
sc faça, donchs, - respon Jo comte. -<br />
Porque mon vot<br />
sia ett sufragi <strong>de</strong>l nebot,<br />
prop <strong>de</strong> Ja seva<br />
jo cava1·é la fossa mcva,<br />
corn un esclau<br />
que <strong>de</strong> son amo als pcus , ' ajau. -<br />
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\
LE CANIGOü 265<br />
« haut du ciel, dirige et conduit mon armée comme<br />
« l'oiseau sa jeune nichée. >> -<br />
« Le monastère ne tarda guère à naître et à pro<br />
duire <strong>de</strong>s fleurs, pareil à l'Olivier sur la rive du Litron.<br />
Ciel <strong>de</strong> Cuxa, <strong>de</strong> combien d'étoiles sont venus t'em<br />
bellir l'abbé Guérin avec Pierre Urséolo, Marin le<br />
grand ascète et l'ermite Romuald? Non, le Roussillon<br />
n'a pas vu <strong>de</strong> plus brillante constellation d'astres <strong>de</strong><br />
gloire dans le midi <strong>de</strong> son histoire.<br />
• Si donc (continua Oliva,) vous choisissez dans<br />
cette pépinière qui a rempli <strong>de</strong> saints le mon<strong>de</strong> entier<br />
les premiers plants <strong>de</strong> votre monastère, ils formeront<br />
comme le psaltérion <strong>de</strong> ces déserts, qu'ils feront reten<br />
tir <strong>de</strong> leurs doux et pieux cantiques. » -<br />
- «Qu'on mette alors vite, bien vite la main à<br />
CHANT DIXIÈME<br />
GUIS LA<br />
Le corn le Gui l're <strong>de</strong>scend il Corneilla, pour faire ses<br />
adieux à la comtesse. Qu'il les retrouve tristes, ces<br />
lieux oü le soleil <strong>de</strong> l'amour, hier encore, éclairait cl<br />
réjouissait tout <strong>de</strong> ses rayons! A entendre le bruisse<br />
ment <strong>de</strong>s arbres balançant leurs branches, il s'ima<br />
gine qu'ils lui parlent <strong>de</strong> son crime; et les oiseaux<br />
qui sautillent gaiement lui semblent fuir sa présence<br />
avec effroi, en ,e faisant l'un il l'autre le récit <strong>de</strong><br />
son homici<strong>de</strong>, qui ne se prête guère ù leur ramage<br />
mélodieux. Le verdier à la belle parure violette ne<br />
fn.it plus entendre ses gazouillements variés, et les<br />
chants dn rossignol sont plutôt <strong>de</strong>s gémissements<br />
qu'il tire <strong>de</strong> sa hnrpe, d'oü tout accent joyeux est<br />
hanni ct où reste seule lu cor<strong>de</strong> tle la tristesse. Le<br />
vent qui semblait sommeiller dans la feuillôc, se<br />
lève lout. à coup ol renvoie Je sourd gron<strong>de</strong>ment <strong>de</strong><br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
268 CAI'I re o<br />
s' ouhen lladruchs sinistres clins lo corrccb,<br />
y damunt <strong>de</strong>ls teulats can ts dl) x a vecu,<br />
y <strong>de</strong> nüvol en nüvol pel' los ayros<br />
t'odar lo Ll'o, pt'elucli <strong>de</strong> tcmpesta.<br />
Quant <strong>de</strong> sos avis al palau s' acosta,<br />
vcu sa Guisla gentil a la lineSL!'U,<br />
entre 'ls dos genos <strong>de</strong> clavells que à t·iur<br />
surLen
2i0<br />
à Dcu, que 'rn t.orna compassiu la villa,<br />
bé Ji puch oferir lo qu • mc 'n t'Oslo.! -<br />
ncspondrc vol sa dcsolada esposa,<br />
mes cslit <strong>de</strong> neguil sa
272 CA N l G 0<br />
ùc lamés Dna y prcciosa tcla.<br />
Les Barres Catalanes bi dibuixa (3),<br />
semhrant sos entrcmitjs ù' nlguna eslrcll
LE CANIGOU<br />
Elle y <strong>de</strong>ssiue les Barres catalanes t3) au milieu d'un<br />
semé d'étoiles, comme pour figurer que les rêves du<br />
ciel venaient la visiter en se mêlant aux rêves <strong>de</strong> la<br />
terre el <strong>de</strong> son foyer : sa couronne cl.e comtesse surmonte<br />
l'écusson, au-<strong>de</strong>ssous duquel elle trace son<br />
nom en brillants caractères. A chaque point que<br />
donne son aiguille d'or, elle lève vers le monastère<br />
naissanl ses yeux d'où s'échappe une larme qui pour<br />
rait s'enchâsser dans la bro<strong>de</strong>rie comme une perle.<br />
Ses suivantes voudraienL la distraire; mais elle s'obs<br />
tine à tenir son esprit dominé par la plus profon<strong>de</strong><br />
tristesse, et son souvenir s'attache aux plus intimes<br />
ct plus douloureuses impressions, comme le lierre<br />
aux pans ruinés d'un vieux manoir. 'l'out lui rappelle<br />
Guifre et lui parle <strong>de</strong> lui : les montagnes où il<br />
aimait à chasser les bêtes sauvages, la fontaine<br />
oü elle se rendait pour le recevoir à son retour et<br />
lui présenter sa douce main en guise <strong>de</strong> coupe,<br />
la verte prairie oü ensemble ils cueillaient <strong>de</strong>s<br />
fleurs, les fraîches rives elu ruisseau oü ils avaient<br />
coutume <strong>de</strong> s'asseoir en regardant couler à leurs<br />
Pieds l'eau claire et tranquille comme les jours <strong>de</strong><br />
leur jeunesse, le saule qui les abritait <strong>de</strong>rrière son<br />
épais ri<strong>de</strong>au, les pins qui sc balançaient sur le<br />
sommet do la colline en gémissant comme les cor<strong>de</strong>s<br />
sonores d'un psaltérion que pincerait le ru<strong>de</strong> génie<br />
du mislra.l; enfin, les notes aériennes <strong>de</strong>s oiseaux,<br />
les bruissements mystérieux ùc la forêt, le doux<br />
murmure do l'air dans la feuillée, tout cola lui repré-<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
280 C.\ N 1 rJ1<br />
les roses <strong>de</strong> ses galles satallcs. \<br />
En braços sc la 'n duhcn ses donzelles<br />
vers Jo pnlau cl' hont en mal punt hn cix.illa,<br />
comme cnrlavrc vivent cnp ;'tla tomba,<br />
dcscle honl <strong>de</strong>l scu amor la tomba ovira.<br />
Plora '1 Conflent, sos pugcsius y pohlcs,<br />
plorn. en son niu la t6rlora soliua,<br />
y 'J ccl, ahont esclata la lcmpcsla,<br />
cs, com sos ulls, <strong>de</strong> llii.grimcs fonl viva.<br />
'\o pot plorar aixls Grisclùa hrrmosa,<br />
que, senzilla com cs, lot ho cndcvina;<br />
no pol plorar aix.is, que scmprc cs scca<br />
la més crua tcmpesla <strong>de</strong> la vida ;<br />
y no podcnt sa pen a rlcsfogarsc,<br />
va ù cnlcl'iJOiir sa testa joYcnivola<br />
f'cnf.li perdre lo seny, ]Jcrmosa cslrclln<br />
que s' acluca en ln nil <strong>de</strong> la folliil.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU 281<br />
les roses purpurines <strong>de</strong> ses joues ne sonl plus que <strong>de</strong>s<br />
roses blanches ...<br />
Ses suivantes s'empressent <strong>de</strong> la recevoir dans leurs<br />
bras, en reprenant le chemin du château d'où elle<br />
avait eu la malheureuse idée <strong>de</strong> sortir. On l'emporte,<br />
comme un cadavre vivant vers la tomLe, dans celle<br />
<strong>de</strong>meure d'où ses yeux aperçoivent cc qui doit ètre le<br />
tombeau <strong>de</strong> son époux. Là, dans son nid solitaire,<br />
cette tourterelle abandonnée pleure le Conflent, ses<br />
villages et ses métairies; le ciel lui-même, où éclate<br />
l'orage, semble vouloir pleurer avec elle, et ouvrir<br />
aussi une source vive <strong>de</strong> larmes comme celle <strong>de</strong> ses<br />
yeux. La belle Griselda ne peut pleurer ainsi : dans<br />
sa naïveté, elle a tout compris; mais elle ne peut pleurer,<br />
parce que la plus furieuse tcmpète <strong>de</strong> notre vic<br />
nous laisse toujours secs et extérieurcmcn t insensibles.<br />
Aussi, une si poignante douleur ne pouvant s'épancher,<br />
elle jet le le trouble dans cette jeune tèle, lui fait<br />
Perdre la raison, et cette brillante étoile s'éclipse dans<br />
la nuit <strong>de</strong> la folie ...<br />
·w.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
CANT ONZÉ<br />
OLIVA (1)<br />
Posant les mans en la sagrada fcyna,<br />
cleixan la cspasa los guct·r·crs pcr l' eyna<br />
<strong>de</strong>l manobre, la llança pc'l magall,<br />
y en Jo scrral ahonl sola una llosa<br />
en sùn elerna '1 hcll Gentil reposa,<br />
bellugueja l' exèrci l tl cl lreball.<br />
En temps d' estiu (,heu vi stes les formigues,<br />
quant daurn. '1 sol y esgranales cspigucs,<br />
anar·, venir y cùrrer pe'l rosloll?<br />
l' uua 'l gr·a abasta, l'ultra se '1 carrega,<br />
esta l' enrp ny,
CHANT ONZIÈME<br />
OLIVA ('1)<br />
Bientôt, mettant la main ù J'œuvre ponr la pieuse<br />
entreprise, les guerriers laissent l'épée pour prrndrc<br />
les outils ùu manœuvre, la lance p0ur la pioche, et<br />
l'on voit s'agiter à l'envi toute une armée <strong>de</strong> travailleurs<br />
sur le pla leau oü le beau Gentil repose sons une<br />
Pierre dans so11 sommeil éternel.<br />
Quand le soleil dore et ùgrène les épis, avez-vous<br />
vu, pendant l'été, les fourmis aller ct venir en courant<br />
nn milieu <strong>de</strong>s blés? L'une fait la provision, une autre<br />
l'e1nportc, celle-ci pousse la charge, celle-là la trainc<br />
ct amnsse le grain après l'avoir dépouillé do son enveloppe<br />
...<br />
Ainsi font nos travailleurs : pendant que run mcsure<br />
plus exactement lfl superficie du terrain en pente,<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
284 CANlGCl<br />
ù dona un fosso als fonaments pcr llit;<br />
pins atm·ra y abets lo llcnyatayre<br />
que 'l serrador qnadreja, y fa' l peclrayre<br />
Jo maLeix ab lo marbre y lo granit.<br />
De miLjd ia en l' horrible precipici<br />
pcnja son peu <strong>de</strong> pedru l' erlifici<br />
que fa glatir l' ahismc <strong>de</strong>vorant,<br />
y ab l' altre ferm en roca més segura,<br />
CI'eix y s' aixcca en la espadacla aHura,<br />
noy lflle ha do for croixença <strong>de</strong> gegant.<br />
Com 6. un Loch <strong>de</strong> clari tropa Jleugera,<br />
Jo clausLt'e ses columnes afllera,<br />
coronanlles <strong>de</strong> rùstichs capitclls,<br />
hont it la vou <strong>de</strong>l escultor sc para,<br />
entre fullcs <strong>de</strong> palma y d' etzevara,<br />
tot un aixam <strong>de</strong> fores y cl' aucells.<br />
Li l'a costat soteniaua y tosca<br />
l' csglesta <strong>de</strong> la Verge; es cega y fosca,<br />
mes eix astre <strong>de</strong>l cel li fa claror.<br />
Quant ja hi flamcja la pregaria ar<strong>de</strong>nta,<br />
un nltrc temple al scu ùamunt s' assenta,<br />
en peanya cl' argent imaLge d' or.<br />
Granitiques columtles <strong>de</strong>sinvoltes<br />
damunt sos fronts
LB CANIGOU 287<br />
c'est un clocher qui se dresse à côté, comme un g·éant<br />
Veillant sur une jeune fille.<br />
De proportions larges et massives, ce clocher, grâce<br />
à sa hauteur gigantesque, domine la montagne et les<br />
<strong>de</strong>ux vallées; car il a été fait <strong>de</strong> plusieurs étages<br />
superposés. C'est ù la fois un clocher el une tour <strong>de</strong><br />
défense; enfin, c'est un travail titanique <strong>de</strong> la terre<br />
Pour se rapprocher un peu ùu paradis.<br />
Les cellules, vraies cellules d'abeilles <strong>de</strong> cette céleste<br />
ruche, sont belles, quoique petites : la douceur et la<br />
joie en sont le miel; et ce miel, les vingt moines qui<br />
viennent habiter le monastère le puisent dans l'orai<br />
son et dans le saint Tabernacle, dans les fleurs <strong>de</strong> la<br />
terre et dans les fleurs du ciel.<br />
Ces fleurs, ils les sèment sur les cor<strong>de</strong>s <strong>de</strong> leur psaltérion<br />
('2) et en en lourent leur couvent ; en sortant Ju<br />
temple, l'encens et la lavan<strong>de</strong> mêlent leur parfum,<br />
qui montent en une seule nuée jusqu'à l'autel majes<br />
Lueux <strong>de</strong>s monts el <strong>de</strong>s astres.<br />
Au milieu <strong>de</strong> ce chaos <strong>de</strong> rocs bouleversés, et penché<br />
sur l'embouchure béante <strong>de</strong> l'abîme, s'élève le<br />
111 onastère, semblable à un spectre, ou plutôt à une<br />
fleur semée là par le tourbillon, et que les siècles<br />
Verront en pleine iloraison pour Ie ciel, si le ciel lui<br />
envoie sa fécondante rosée.<br />
Guifre, voyant son œuvre achevée, la contemple,<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
290<br />
CANIGO<br />
es lo lt'e pol aixô que prens per soslre,<br />
sota eix abisme udola 'l <strong>de</strong>l in fern. ,<br />
Esferehit la celda <strong>de</strong>shabila<br />
y al nort s' allotja en alt.ra més pelila,<br />
niu <strong>de</strong>l temple posal més à rcdôs;<br />
y ab l' oraci6 'l bon Deu y ab Jo cilici,<br />
corn ab ses mans, l' arranca <strong>de</strong>l suplici,<br />
lornantli ses dia<strong>de</strong>s <strong>de</strong> repùs.<br />
Mes i ay! un jorn, reobriulli la [eriùa,<br />
<strong>de</strong> Sant Guillem senti conlar la vida.<br />
Quant feya sa capella en Vallespir,<br />
los pastors y pagcsos li ajudavan<br />
y, pcr sou, que 'ls vullii.s, Ji ùemanavan<br />
ab sos camps y ramatles benehir.<br />
Cansal <strong>de</strong> dnr un gros carreu, un dia,<br />
un <strong>de</strong>ls manobres scus lo malchia:<br />
l' hcrmilii. li di gué : - Llança aqueix roch,<br />
no faria en mon Lcmple parcL bona,<br />
un mal flor6 malcja un a corona:<br />
llitnr;al ben lluny ù torn al {t son lloch. -<br />
'' Oonchs jo so aqueixa pcdt·a malchida<br />
en la casa <strong>de</strong> Ocu que ltc conslruhiüa, »<br />
digué lo comLc-monjo sospirant.<br />
''De vi ure ab s1.nls lo pecador no cs digne,<br />
no fan bona varella '1 corb y 'l cigne,<br />
lo carb6 no s' avé ab lo diamant. »<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
\
L 8 C .\N 1 Gu U 291<br />
-• tiens ; ce que tu prends pour le sol est un toit : sous<br />
• cet abime gron<strong>de</strong> celui <strong>de</strong> l'enfer ... »<br />
Épouvanté, il abandonne sa cellule, et s'établit dans<br />
une autre, plus petite, du côté du nord, nid plus 11brité<br />
à l'ombre du temple : là le bon Dieu l'arrache à son<br />
martyre, avec l'oraison et le cilice, comme avec ses<br />
mains divines, et lui rend ses jours <strong>de</strong> calme.<br />
Mais, hélas! un jour, il sentit se rouvrir sa blessure,<br />
en entendant raconter la vic <strong>de</strong> saint Guillaume.<br />
Quand ce saint anachorète lJàtissait sa chapelle dans<br />
le Vallespir, avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s villageois et <strong>de</strong>s bergers<br />
<strong>de</strong> la contrée, ceux-ci, pour tout salaire, lui <strong>de</strong>man<br />
daient <strong>de</strong> les bénir, eux, leurs champs ct leurs trou<br />
Peaux.<br />
Un jour, trouvant bien lour<strong>de</strong> la charg·e d'un énorme<br />
moellon, un <strong>de</strong>s travailleurs se mit à maudire la pierre;<br />
l'ermite lui dit : - cc Laisse là cette pierre, qui ne<br />
« serait pas bonne pour le mur <strong>de</strong> mon église; un vi<br />
« lain fleuron déprécie une couronne. Jette-la donc bien<br />
• loin,ou remets-la à la place qu'elle occupait. » -<br />
- « C'est moi, dit le comte-moine en soupirant,<br />
'' oui, c'est moi qui suis cette pierre maudite dans le<br />
• lemple que j'ai élevé lt Dieu. Le pécheur 11'est pas<br />
• digne <strong>de</strong> vivre avec <strong>de</strong>a saints; le cyg·ne et le cor<br />
" heau'ne sauraient s'accoupler, ni le charbon s'appa<br />
• l'ciller avec le diamant. »<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU 291:)<br />
rivières; et il se prend pour un mort écoutant les<br />
accents terriflants du Dl·es iTre dans une chapelle ar<strong>de</strong>nte<br />
étoilée d'innombrables cierges.<br />
Sa fosse est Je roc <strong>de</strong> la montagne f{éante, et il a<br />
pour mausolée la voûte transparente, qu'il contemple<br />
tour à tour dans ses rêves, prosterné aux pieds elu Toul<br />
Puissant que le mon<strong>de</strong> adore, et cherchant, au milieu<br />
<strong>de</strong>s âmes qu'il regrette et qu'il pleure, l'âme <strong>de</strong> Gentil<br />
qui lui est si chère.<br />
Lorsque son rêve se détache <strong>de</strong> ces hauteurs, il<br />
s'arrête alors et se repose comme un oiseau, auprès <strong>de</strong><br />
cette autre tombe, pour y contempler le corps qui fut<br />
uni à cette âme; et les ar<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> son cruel martyre<br />
éprouvent un doux rafraîchissement en apercevant<br />
l'ange solitaire <strong>de</strong> ce champ <strong>de</strong>s morts protéger les<br />
<strong>de</strong>ux tombes do son aile étendue.<br />
Souvent retentit jusqu'à la ru<strong>de</strong> et funèbre cellule<br />
le cri sauvage <strong>de</strong> Griselda, la pauvre folle, qui ne<br />
cesse d'appeler:-« Gentil! Gentil!..»- et qui, li<br />
vrant sa blon<strong>de</strong> chevelure au ca priee <strong>de</strong>s vents, v_ient, <strong>de</strong><br />
sa main <strong>de</strong> neige, frapper à sa tombe, sur laquelle le<br />
mois d'avril ne verra plus à l'avenir s'élever d'autre<br />
fleur ...<br />
Bien <strong>de</strong>s fois, sans donner le temps <strong>de</strong> lui répondre,<br />
elle reprend sa course efl'arée sur la montag·ne, et<br />
réveille Je noble moine rar ses cris:- cc Bon religieux,<br />
( lui dit-elle, quel est donc l'arbre sous lequel dort ce-<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU 297<br />
• lui que je regrette? Ne vous étonnez pas <strong>de</strong> me<br />
«voir pleurer: hélas! il y a tant <strong>de</strong> jours que je le<br />
« cherche ! » -<br />
Cependant, Oliva visite le saint asile et le temple,<br />
il examine tout sans rien oublier. Il va jet er à Ri poli<br />
les fondations d'un nouveau monastère; et dès à pré<br />
sent il étudie, pour en faire son profit, ces branches<br />
<strong>de</strong> pierre et ces moulures dH feuillage si bien faites<br />
pour provoquer les baisers du zéphyr.<br />
Tout cela, <strong>de</strong>puis le sommet <strong>de</strong> la girouetle jusqu'aux<br />
bancs du jardin, il le transporte par la pensée dans sa<br />
chère solitu<strong>de</strong>; il change, ajoute, combine, et son ima<br />
gination conçoit bientôt un monument qui, avant<br />
même <strong>de</strong> voir le jour, prend naissance, développe son<br />
tronc, étend ses rameaux et donne <strong>de</strong>s fleurs.<br />
Il voit tout: son œuvre <strong>de</strong> marbre est dans sa pensée<br />
comme un arbre superbe est dans son germe, comme<br />
une ravissante fleur est contenue dans son impercep<br />
tible graine. Il voit déjà tout fait; il ne lui manque<br />
que la faça<strong>de</strong>, qui doit former le couronnement <strong>de</strong><br />
l'édifice, et comme la belle figure <strong>de</strong> cette image d'or.<br />
En artiste épris <strong>de</strong> son œuvre, il en fait, la nuit,<br />
l'objet <strong>de</strong> ses rêves, et le jour, le sujet <strong>de</strong>s esquisses<br />
sans nombre qu'il jette au feu le len<strong>de</strong>main en y re<br />
portant ses regards; en fin, ne pouvant trouver ailleurs<br />
une distraction pour sa pensée, il ébauche <strong>de</strong> nouveaux<br />
plans <strong>de</strong>stinés à retomber dans l'oubli comme une<br />
pierre qui roule au fond <strong>de</strong> la mer.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
17.
LT': CANIGOU 299<br />
Un jour, à l'heure <strong>de</strong> la récrflation, il appelle ses<br />
religieux sous les arbres <strong>de</strong> l'avenue: c'est là que,<br />
<strong>de</strong>p11is trois jours, seul avec lui-même, il trace ses<br />
plans avec son bâton, pour les effacer et les refaire<br />
encore, semblables aux mille contours que laissent<br />
sur le sable, ponr les faire bientôt disparaitre, les lames<br />
<strong>de</strong> la mer doucement hcrrées pnr la brise.<br />
- « Regar<strong>de</strong>z, la voilà! )) - leur elit-il; et ils con<br />
templent cette façaue <strong>de</strong>ssinée par son génie. Il y a<br />
li:t toute l'histoire <strong>de</strong> la sainte religion écrite sur la<br />
pierre par la main <strong>de</strong> Home; un bàton pastoral a sr.rvi<br />
<strong>de</strong> plume, et le pnpicr a été un <strong>de</strong>s lianes du Canigou .<br />
Le poème se compose rlc sept chants mystiques,<br />
autant <strong>de</strong> fleurons qui brilleront au front <strong>de</strong> Sainte<br />
Marie <strong>de</strong> Ripoll, comme sept cieux <strong>de</strong> pure et divine<br />
beauté; en un mot, la Bible imprimée au cœur même<br />
<strong>de</strong> la Catalogue, et retraçant le passé, le présent ct<br />
l'avenir du mon<strong>de</strong>.<br />
La gloire est ia première page ct comme la dédicace<br />
<strong>de</strong> cette création : le divin agneau, sur son trone<br />
étoilé, lient ouvert elevant ltti le livre <strong>de</strong> vic, qu'il<br />
oxplitJue, en disant à toute la race humaine qu'il<br />
a rachetée : -
LE CANTGOU 303<br />
Sur la face du cintre que soutiennent ces <strong>de</strong>ux<br />
piliers, les vies <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux apôtres, décrites en douze<br />
médaillons, vont en montant s'unir aux pieds du divin<br />
agneau: leurs âmes n'étaient-elles pas dfjà en union<br />
avec lui, quand, durant leur vie mortelle, ils parcou<br />
raient le mon<strong>de</strong> en faisant une guerre impitoyable à<br />
l'erreur et au vice?<br />
Au pied <strong>de</strong> l'agneau, on voit couché un dragon<br />
farouche, vomi par les noirs abimes: c'est le dragon<br />
<strong>de</strong> la gentilité; <strong>de</strong>ux aigles s'abattent sur la terre<br />
pour refouler les bouillonnements <strong>de</strong> sa fureur: pen<br />
dant que l'un le tient entre ses serres puissantes, l'autre<br />
<strong>de</strong> son bec lui crève les yeux.<br />
Ici Oliva leur montre doux lions qui luttent avec<br />
furie et s'enlre-déchirent cruellement: un centaure<br />
lance sur eux une flèche en fuyant; mais l'homme, à<br />
qui les passions ont donné la figure d'un monstre,<br />
s'affranchit toujours bien tard <strong>de</strong> cotte chaine impure.<br />
Plus loin, on voit l'habile cavalier, très hien vêtu et<br />
équipé, qui, maître <strong>de</strong> son coursier, sait en même<br />
temps maîtriser ses passions: il attaque sans peur les<br />
hèles féroces; il n'a même qu'à leur présenter la pointe<br />
<strong>de</strong> sa lance, pour que, rarlouciee, elles viennent se<br />
coucher à ses pieds.<br />
Au plan le plus inférienr, on voit Lucifer tomber<br />
du ciel, et Adam chassé du Paradis; puis, le condamné<br />
sur un lit <strong>de</strong> feu inexlinA·uible, nouveau Laocoon dont<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU 305<br />
les bras et les genoux sont enroulés dans les cruelles<br />
étreintes du monstre apocalyptique <strong>de</strong> l'enfer.<br />
La parole enflammée <strong>de</strong> l'architecte fait surgir <strong>de</strong><br />
terre le plan colossal, saints ct monstres, chanteurs et<br />
guerriers; on croit voir s'ouvrir ces yeux et ces lèvres<br />
<strong>de</strong> pierre; on croit entendre ces archets se promener<br />
sur les cor<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s violons et la musique céleste verser<br />
<strong>de</strong>s flots d'harmonie.<br />
Le christianisme a son arc-<strong>de</strong>-triomphe, que la<br />
Catalogne élève à Jésus-Christ en secouant le joug<br />
pesant du mahométisme. Celui qui pas era sous cette<br />
arca<strong>de</strong> grandiose, pourra bien dire qu'il a vu là, dans<br />
une gran<strong>de</strong> synthèse sacrée, le mon<strong>de</strong>, le temps et<br />
l'éternité ( 4 ).<br />
0 toi, .Jofre le Velu, premier comte <strong>de</strong> Barcelone.<br />
quel Panthéon, quelle couronne te sont là réservés!<br />
Aucun roi du mon<strong>de</strong> n'a une plus belle couche funèbre.<br />
Mais, hélas! en élevant cette nécropole à ceux qui ont<br />
déjà vécu, le sage prélat ignore qu'en ce moment il<br />
en meurt qui sont d'illustres rejetons <strong>de</strong> ce même<br />
arbre!<br />
11 y a peu <strong>de</strong> temps encore, le comte Taillefer sui<br />
vait la route <strong>de</strong> Beaucaire; il voulait fiancer son fils<br />
Guillaume à une damoiselle provençale, à qui ses<br />
frères donnaient le nom d'Adèle et les nouveaux trou<br />
badours celui <strong>de</strong> Fleur-d'Oranger.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LB CANIGOU 30ï<br />
Or, pendant qu'Oliva lisait son épopée, un messager<br />
arrive en habits <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil et portant un message <strong>de</strong><br />
tristesse et <strong>de</strong> larmes:- « Il est mort ! le comte 'rail-<br />
• lefer est mort! toute la Provence se prépare triste-<br />
• ment à la cérémonie <strong>de</strong> ses funérailles, et le ciel<br />
• même semble se fondre en pleurs ...<br />
« Un soir, à la brune, il voulut traverser le Rhône.<br />
• Mais tout à coup le fleuve grossit démesurément, la<br />
• terre manque sous les pieds <strong>de</strong> son cheval impé<br />
< tu eux, q11i, excité par l'éperon, se redresse, renverse<br />
• son cavalier, qu'il précipite avec lui dans les eaux<br />
«du fleuve ...<br />
«En cherchant à reprendre son coursier, qui lutte<br />
« avec la morl, le malheureux comte se débat et lutte<br />
• <strong>de</strong> son côté ; mais sa lour<strong>de</strong> armure l'embarrasse <strong>de</strong><br />
« plus en plus et l'entraîne, et bientôt il agonise et<br />
• exhale son <strong>de</strong>rnier souffle. Une heure après, cette rive<br />
• funeste voyait mon maître sans vie reposer à l'ombre<br />
• d'un saule et sous sa verdoyante chevelure 1 »-<br />
Oliva partit pour Ripoll, accablé <strong>de</strong> tristesse et<br />
priant le Très-Haut pour l'âme <strong>de</strong> son frère. Lorsque,<br />
quelque temps après, il revint au monastère <strong>de</strong> Conflent,<br />
il trouva gravement mala<strong>de</strong> le seul frère qui<br />
lui restait en ce mon<strong>de</strong>, étoile larmoyante <strong>de</strong> ce ciel si<br />
riant.<br />
- • C'est Dieu qui t'envoie, • lui dit Guifrc. • Comme<br />
• Taillefer, je vais quitter ce terrestre exil: Ah! si du<br />
• moins j'en partais l'àme innocente comme lui! Celle<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
\<br />
GANT DOTZÉ<br />
LA CHEU DE CANIGO ('l)<br />
C IIOI! IJE .110.\.IOS, SOT.\ LA .\10.\TA:\'Y,\<br />
Abans que '1 comte moria,<br />
pujèm, pujèm al cim <strong>de</strong> Cauigo,<br />
ab to signe sagraL <strong>de</strong> la. victoria<br />
à coronur lo J'J·ont <strong>de</strong>l Hossello.<br />
La nuvolada oiJscul'a,<br />
lllortul!a immcnsa d' un gegant difunt,<br />
abri gaja la al tura,<br />
apagant d' una iL nua les es trefles;<br />
mes nos gui a la Ct·cu mGs alta que elles;<br />
en nom <strong>de</strong> Dcu, a mu nt.<br />
Cilllll ll t·; F ,\ Il ES ll \L 'l'<br />
Pcr los ulivols Jo lt·o y pcr les moutanyes<br />
va rodolanL com cat·ro que s' estimba,<br />
aprop d' aci rcssonan veus cstranycs,<br />
mcnlrcs la uostra min va.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
312<br />
CANJGÙ<br />
i,A profanar nostre palau qui puja?<br />
i, Caldrà per el ls que fuja,<br />
bt·esques y ruschs <strong>de</strong>ixantlos, nostre aixam?<br />
Cau damunt seu, tempesta que t'odolus,<br />
i oh nllvol que braholas!<br />
<strong>de</strong>senvayna Jo ;:lavi <strong>de</strong> ton llamp.<br />
CIIOH Ill\ .\IO:'l.IOS<br />
Com un volcà que esclata, la Lempesla<br />
<strong>de</strong>l Canigô la cima ha somoguda,<br />
s' adreça sollevada la conges ta,<br />
<strong>de</strong>l torb perl' ala bal.egant rompuda.<br />
que brunz com una roda<br />
<strong>de</strong> corcers e verats prr Ia bul.uda.<br />
Esb1·osta 'l bosch corn vinya en lemps rie poda,<br />
gl'ossos penyals ùe llur sient <strong>de</strong>sbanca,<br />
remou, ca.pgit·a, arrauca,<br />
ab lerratrèmol, J'etes niu <strong>de</strong> furies,<br />
preguntan les boscuries<br />
si, ab sos cimals <strong>de</strong> neu y arrels <strong>de</strong> marbre,<br />
com un esqueix <strong>de</strong>l arhrc,<br />
llel Pirineu lo Canigo s' eshranca.<br />
Pero la C1·en nos guia,<br />
<strong>de</strong> nostra companyia<br />
ni <strong>de</strong> noslrcs cabells no 'n caut·à un ;<br />
ni maures pot la fuHa<br />
sense que Dcu ho vulla.<br />
En nom <strong>de</strong> Deu, amunl.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
- ---<br />
LI> CANIGOU 313<br />
semblent sans écho? Qui serait assez audacieux pour<br />
monter jusqu'à nous el venir profaner notre palais?<br />
l"audra-t-il que, <strong>de</strong>vant eux, notre essaim prenne la<br />
fuite, abandonnant ruches et rayons <strong>de</strong> miel ? Eclate<br />
donc d'un haut, tempête qui gron<strong>de</strong>s! Et toi, nuage<br />
qui tonnes, dégaine la flamboyante épée <strong>de</strong> ta foudre ...<br />
CHOEUR DE MOINES<br />
La tempête a ébranlé la cime du Canigou, comme<br />
un volcan qui éclate. D'énormes blocs <strong>de</strong> glaces se<br />
dressent ct s'entassent après avoir été arrachés à leur<br />
glacier par l'aile puissante <strong>de</strong> la bourrasque, avec un<br />
bruit sourd semblable à celui que fait la roue massive<br />
sur les gerbes <strong>de</strong> l'aire quand les chevaux sont affolés.<br />
Voilà que les arbres <strong>de</strong> la forêt sont ébranchés, comme<br />
la vigne cruancl elle est émondée ; <strong>de</strong>s rocs énormes<br />
sont violemment déplacés et jetés au loin, ils roulent<br />
et sc brisent avec un fracas qui fait trembler le sol.<br />
Les massifs <strong>de</strong> forêts, <strong>de</strong>venus le refuge <strong>de</strong>s Furies, se<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt si le Canigou se délache comme un reje<br />
ton du tronc <strong>de</strong>s Pyrénées, avec ses sommets neigeux<br />
ct ses assises <strong>de</strong> marbre. Mais lu Croix nous gui<strong>de</strong> ct<br />
nous protèg·e : aucun <strong>de</strong> nous no sera aLtcinL, pas<br />
même un cheveu <strong>de</strong> notre tète; car une feuille ne<br />
l'leut s'agiter saris la permission d'en haut. En avant,<br />
ct montons, au nom du Seigneur.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
18
318<br />
CANTGO<br />
Carlos Jo Many un dia,<br />
guiant la scva armada,<br />
corn al poblc <strong>de</strong> Dcu l' arca sagt'ada,<br />
nua imaLgc <strong>de</strong> bronzo <strong>de</strong> Maria.<br />
La set que 's bcu la sanch dintrc ses venes<br />
l' cstoch fa caure <strong>de</strong> srs mans morcncs.<br />
Mes Caries sc 'n at!ona,<br />
cau <strong>de</strong> gcnolls als pens <strong>de</strong> sa PaLJ-ona<br />
y clava sa Joyosa rn 1111 conren,<br />
cl' honl. brol1111' ayg11a pnt·a<br />
que nou <strong>de</strong>lit los doJJa<br />
pcr lraure <strong>de</strong> l' allut·a<br />
l' encmich <strong>de</strong> sa patria y <strong>de</strong> son Den.<br />
D' aqucst prodirri en rternal mrmoria<br />
fnnd{t en Jo Camp Jo noslrt' monastir;<br />
y la Mnre <strong>de</strong> Dcu <strong>de</strong> la Victoria,<br />
cstrclla <strong>de</strong> sa gloria,<br />
csser volgué l' Estrclla
322<br />
pujant los t.raginers prr lo caini,<br />
y '1 pastoret que vctlla en la boscuria<br />
en la ribera estesos<br />
rnos 1ovallons no ovirarû al mati.<br />
May més cl' amor encc. os<br />
vinclni.n los cavallers il aquella Cova<br />
que sols l' amor obrl;<br />
si alg1'1 mon nin reLJ·nba,<br />
lo lrobarà sens mi !<br />
En eixes valJs il relJevar ma fuma,<br />
vesLit <strong>de</strong> foch y flama,<br />
ja ve '1 Comte l' Arnau;<br />
boscos, soleys, masies que '1 cor ama,<br />
per sempre acleu siau !<br />
0 L 1 VA<br />
Si ve 'l Comte l' AnHtu, altre ne venen :<br />
la creu en sa ma tenen<br />
y l' amor <strong>de</strong> Jès1'1s dintrc <strong>de</strong>l cor,<br />
y ab aqueix foch divi la LeJ·r·a rncencn,<br />
fcntnc l' astre flnmmiger <strong>de</strong>l n.mor.<br />
L' esbart <strong>de</strong>l cel 1le Monagals eixin<br />
qunntja la marejada<br />
<strong>de</strong> moros d creixia<br />
y ahont nasqné Ripoll, à la bcsad11.<br />
<strong>de</strong>l Ter y <strong>de</strong>l Frcscr,<br />
en ilia gerda eix mones tir bastia,<br />
rle Cn.talunya haluar·t primer.<br />
Fets imgels <strong>de</strong> la patria, alli guardaren<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU 323<br />
chemin; et le petit berger qui veille à l'ombre du bo<br />
cage ne verra plus, le matin, ma nappe étendue sur le<br />
gazon <strong>de</strong> la rive. Oucques plus <strong>de</strong>s chevaliers, brûlés<br />
<strong>de</strong>s feux <strong>de</strong> l'amour, ne viendront à cette grotte qui<br />
ne s'ouvrit qu'à l'amour; ou si quelqu'un retrouve<br />
mon nid, il le trouvera sans moi ! Déjà le comte<br />
Arnaud, tout brillant <strong>de</strong> flamme et <strong>de</strong> feu, se montre<br />
dans ces vallées pour y effacer mon renom. Bosquets<br />
délicieux, versants ensoleillés, métairies que mon cœur<br />
aime, adieu pour toujours !<br />
OLIVA<br />
Si le comte Arnaud arrive, il y en a d'autres aussi<br />
qui viennent: ils montent, la croix à la main et l'a<br />
mour <strong>de</strong> Jésus dans le cœur, et ils embrasent le mon<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> ce feu divin dont ils font le soleil ct le foyer <strong>de</strong> l'amour.<br />
C'est lorsque la hor<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Maures <strong>de</strong>venait<br />
moins envahissante que l'essaim céleste vint <strong>de</strong> Mona<br />
gals ; et c'est au lieu même où <strong>de</strong>vait naiLre Ripoll, à<br />
l'endroit où le 'l'er et le Freser se donnent un fraternel<br />
baiser, dans une ile verdoyante, qu'il fonda cc monastère,<br />
premier boulevard <strong>de</strong> la Catalogne. C'est là que<br />
ces religieux, <strong>de</strong>venus les anges gardiens <strong>de</strong> la patrie 1<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE C.L'i l C 0 L"<br />
conservèrent son histoire et son 1résor, et qu'ils hersèrent<br />
son esprit naissant en l'endormant au chant<br />
<strong>de</strong>s antirrues récits.<br />
LA FÉE DE FONTARGENT<br />
Je ne reviendrai plus vous voir, ombrages <strong>de</strong> l'An<br />
dorre, ruisseaux <strong>de</strong> Fontalba, étangs <strong>de</strong> Fontargent;<br />
ct je ne puis pas vous dire au revoi1·, à vous non<br />
plus, montagnes catalanes que je vois fuir, fuir vers<br />
l'occi<strong>de</strong>nt!. ..<br />
L'EH.JI.l!TE DE ill ÉRITXE L L<br />
La fée abandonne très à rropos ces vallées ; elles<br />
ont trouvé à Méritxcll une meilleure reine et maitresse<br />
(3). Leurs plantes reçoivent les eaux et goûtent<br />
l'harmonieux murmure du Valira, qui, cl'Orùino à<br />
Salùcu, a la forme d'une immense lyre aux bras <strong>de</strong><br />
cristal. Au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> son front miroitent les douze<br />
étangs PcssoJts (-1·), belle couronne <strong>de</strong> brillants ct <strong>de</strong><br />
pierreries dont lui font hommage ces cimes sm lesquelles<br />
Je ciel repose, magniflque coutonne d'Ariane<br />
qui, détachée du zénith, est reslée là suspendue entre<br />
le ciel et la terre.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
JI)
C.l ;\ IG Ù<br />
<strong>de</strong>ls o!'fancts y viLHles tl les ve'us,<br />
<strong>de</strong>ix;J. son asceteri<br />
y 1 monstre esganifus raygué tL sos peus.<br />
L 0 S DE S .Di 'l' P E n E JH: 1\ 0 Il.\<br />
Quant <strong>de</strong> Cosrocs l' cspasa f1amcjanla<br />
crcmava <strong>de</strong> David let ciulat santa,<br />
en son clcrn, intlCA'rocahlc sol i<br />
lt·cmoliL la ciutat tlcl Capiloli.<br />
l.o papa 13onifaci, rn ha.rca ayrosa,<br />
lo ca.p clcl Princrp <strong>de</strong>ls apùslols posa,<br />
pcnyora que a Ln 'L f.ia,<br />
i oh Calalunya, oh
LE CA)IIGOU<br />
et <strong>de</strong>s orphelins, consentit à quitlcr sa solitu<strong>de</strong>; et on<br />
vil le monstre, fiéa.u <strong>de</strong> la. contrée, tomber à ses<br />
pieds.<br />
LES RELIGIEUX DE SAINT-PIERRE DE RODE.<br />
Quand l'épée flamboyante <strong>de</strong> Chosroës mettait le<br />
feu à la cité sainte <strong>de</strong> David, la ville du Capitole trem<br />
hh sur son lrrîne anx: assises éternelles. Alors, le pape<br />
Boniface, ayant fait préparer une barque dignement<br />
ornée, y plaça le chef du Prince <strong>de</strong>s Apôtres, précieux<br />
trésor qu'il tc confia, ô Catalogne, ma douce j)atrie !<br />
La. mer, avec un respectueux amour, dirigea l'embar<br />
cation vers los premières ondulations <strong>de</strong>s Pyrénées,<br />
au pied mèmc do cc cap qui, après avoir été un jour<br />
Je trône <strong>de</strong> Vénus, fut protégé et dominé par la Croix.<br />
C'est au pied <strong>de</strong> cette croix que les mn.rinicrs cachèrent<br />
pieusement la précieuse et sainte relique. Dès<br />
qu'on vit sourire et briller l'D.rc-on-ciel <strong>de</strong> la paix, ils<br />
y retournèrent, et retrouvèrent le reliquaire élégam<br />
ment entouré <strong>de</strong> vertes guirlan<strong>de</strong>s: le lierre l'emeloppait<br />
sous un manteau <strong>de</strong> feuillage, ct la clématite<br />
avec le liseron lui formaiont un céleste reposoir que<br />
les anges faisaient fleurir. En voyanl quo saint Pierre<br />
avait daigné choisir le Vcr<strong>de</strong>rarium pour son reliquaire,<br />
on lui éleva là une chapelle, germe d'oü est<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
3:10 CA:'\ 1 G tJ<br />
•l' honl hrotù, com la nol' tle la poncclla,<br />
Lle SanL Pero 1lc Horlu ·1 mom•'st.ir (û).<br />
L.\ GO.JA IlE L.\NOS<br />
Atlcu, Lena ccrLlana,<br />
mon paradis un dia,<br />
rru é n' cts i ay ! d' anyorivola por mi,<br />
d' ença que en La Solana,<br />
veq;cl' <strong>de</strong> J' iliTIOl' mia,<br />
lots los nw11s snmnis Psflomr vrji!<br />
L 0 S l'.\ Il 0 H Tl lE S ll E .'\ 1<br />
Sc sont alg1i CJllr plant<br />
VCJ'R Font-romeu y Noria,<br />
J Il 1 \ Y P 0 :\ 'r - Il 0 11 E l'<br />
dr lr•s nlojofi cs l' rshal'l qnr nçlnrn.<br />
nostra suau ranturia.<br />
Canlùm, cantùm, llnr ro sl'n. nil <strong>de</strong>clina<br />
ais 1·uigs ÙP vos! ra aurol'a,<br />
i oh Esl.rella malulina<br />
rle Nuria y Fonl-J·omcu !<br />
sian vos la Hcgina<br />
<strong>de</strong> noslr·r Pirinru.<br />
C!J!II\ rn; GO.IES<br />
Ani•mscn, Jilor·i[erlf•u; ""J'ulla en f11ll rt<br />
vos i.I' Ii. corona il' or sr va dcsft• n 1,<br />
lo vol <strong>de</strong> nostrcs ilusions s' csbulla<br />
om nn csharl <strong>de</strong> papallons al vcnl.<br />
Dcix i·m ar rn cixn. cirn:t SU IJir ·n. nn,<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU ::.133<br />
gardant le souvenir <strong>de</strong> cette terre catalane, allons<br />
mourir dans une <strong>de</strong> ces iles <strong>de</strong>s mers lointaines qui<br />
peut-être nous virent naîlro, il y a plusieurs siècles!<br />
F LEU Il-DE-NEIGE<br />
C'était à pareil jour, et à pareille heure, il y a quel<br />
ques années; je mc trouvais ici même, avec Gentil.<br />
Les baisers <strong>de</strong> l'aurore volaient sur son front, comme<br />
les abeilles voltigent sur le front <strong>de</strong>s boulons <strong>de</strong> roses<br />
qu'entr'ouvrent les haleines d'avril au milieu <strong>de</strong>s<br />
branches. Et aujourd'hui, je dois dire adieu à ce même<br />
sommet qui conserve l'empreinte <strong>de</strong> ses pas et à qui<br />
mon cœur a donnû toul son amour ! Délicieuses mon<br />
tagnes quo colles du Canigou! Oh! oui, elles le furent<br />
pour moi; mais aujourd'hui, non, hélas! elles ne le<br />
sont plus! ...<br />
LES FÉES, e1t s"e11 allctnl.<br />
Quand approche novembre qui voit tomber les<br />
feuilles, les hiron<strong>de</strong>lles se rassemblent sur le rivage,<br />
sc disposant à traverser la mer. De mème, ù ma ùouce<br />
Cnlalog·nc, nous niions prendre notre vol cL nous<br />
éloigner <strong>de</strong> Loi. Bientôt, nous no pourrons que tour<br />
ner <strong>de</strong> loin nos yeux vers toi en laissant couler nos<br />
Hl.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
3:lR<br />
v 111ls, muller" rcanc, cruant tenia,<br />
lot ho dcixlper eix rer•! dl' Cl'!.<br />
Sovint fins ;il' UUJ'OI'a<br />
0 ·' " \<br />
un èxtasis divl 'm lligava fora;<br />
quan 1. l' al bad ella (8) me CI·idava al ch or.<br />
un dl'mali, la parla ora tancuda;<br />
jo <strong>de</strong>manava enlrada,<br />
ningti 'm senti, ning•l, sin6 '1 Senyor.<br />
Ell m' envià dos imgrls amorosos<br />
ab una escala d' or.<br />
Ditxosos, i oh ! rlilxosos<br />
los que pujan, i oh Creu ! pcr La Llorida<br />
brancatla, arbre <strong>de</strong> vida,<br />
que '1 fruyL <strong>de</strong>l cel nos du ;<br />
por pujrtr do la Gloria al goig srns mida<br />
l' escala d' or ets Lu !<br />
GHOR Illlcs al>rigan dPI VallrspiP,<br />
iJ01·iL niu <strong>de</strong> I'CJ1Ôs holll volgui viure.<br />
S.\.H .\,\HGIS<br />
f:nordau Jo mur <strong>de</strong> l' immorLal Gironn.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE C .\\1 G 0 li<br />
SAINTE EULALIE<br />
Placez-vous sur l'écusson <strong>de</strong> Barcelone.<br />
SAINTS LUCIEN ET l\IARCIEN<br />
Posez-vous aussi sur le cœur d'Ausone notre mère,<br />
et faites-lui produire <strong>de</strong>s fleurs <strong>de</strong> science et <strong>de</strong><br />
piétû.<br />
SAINT DA.\L\SE<br />
Et faites mourir le Coran aux pieds ùe Jésus-Christ,<br />
en faisant revivre ct refleurir sa foi et sa doctrine Jans<br />
l'Ampourùan, le H.oussillon cl la Cerdagne, dans lu<br />
Catalogne et dans toute l'Espagne.<br />
OLl VA<br />
Enten<strong>de</strong>z-vous le triste tin te ment ct com mc les sanglots<br />
<strong>de</strong> la cloche <strong>de</strong> notre mouastèrc? J\Ion cœur<br />
s'unit it elle ct vous <strong>de</strong>manLlc une prière pour mon<br />
frère qui se meurt.<br />
C!IOEUH DE fiELIGIEUX(ù genoux).<br />
Pa1'le::., iime ch1·étienne ... Rompant les liens du<br />
corps, quittez co mon<strong>de</strong>, immortelle chrysali<strong>de</strong>. 0<br />
mon Dieu, recevez cette àme dans vos bras comme une<br />
epouse, et délivrez-la tlu gouffre inl'cmnl comme vous<br />
délivrùtes Lolh <strong>de</strong> l'incendie <strong>de</strong> Sodome, Daniel <strong>de</strong>s<br />
griifes du lion, saint Pierre ct saint Paul c.les chaines<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
LE CANIGOU<br />
Hélas! tout s'est éteint, les cantiques comme les<br />
lumières; on a vu s'effeuiller la rose, et après elle le<br />
rosier tout entier; les hymmes saints se sont endormis<br />
sur la harpe muette, comme <strong>de</strong>s verdiers qui meurent<br />
dans leur niù après avoir rempli le bocage <strong>de</strong> leurs<br />
ravissants concerts.<br />
C'est en vain qu'on cherche une trace <strong>de</strong>s anciens<br />
autels romans. H.ien ne subsiste du cloitre byzantin.<br />
Pas une <strong>de</strong>s statues d'albâtre n'est restée <strong>de</strong>bout, et<br />
la lampe <strong>de</strong> l'antique sanctuaire s'est éteinte comme<br />
un astre dont l'éclat ne doit jamais plus resplendir,<br />
hélas! sur le Canigou! ...<br />
Semblables à <strong>de</strong>ux géants d'une légion sainte, seuls<br />
sont encore <strong>de</strong>bout <strong>de</strong>ux clochers : on croirait voir les<br />
<strong>de</strong>rniers moines <strong>de</strong> cet aulique désert, qui, avant <strong>de</strong> dis<br />
paraître, contemplent une <strong>de</strong>rnière fois les débris <strong>de</strong><br />
ces autels en ruines.<br />
Ce sont <strong>de</strong>ux sentinelles colossales que l'éternité a<br />
placées sur les limites du Conflent. A côté d'elles les<br />
chênes ne sont que <strong>de</strong>s buissons, et les bergeries d'a<br />
lentour font l'eJret <strong>de</strong> petites brebis entourant ce pas<br />
teur géant.<br />
..<br />
*<br />
C'était Jans les ténèbres d'une profon<strong>de</strong> nnit. Le<br />
clocher <strong>de</strong> Cuxa
LG CANIGOL'<br />
a: Je pleurais avec eux, et jo pleure encore; mais,<br />
hélas! sans aucun espoir d'ètre consolé, puisque l'ob<br />
jet <strong>de</strong> mes rogrols m'a fui sans retour, ct quo moi<br />
même je me flétris et m'effeuille tous les jours; je suis<br />
comme une ruche qui a vu mourir son essaim do<br />
bourdonnantes abeilles. »<br />
- « Nous tomberons ensemble, reprend celui <strong>de</strong><br />
Cuxa. J'avais jadis à mon côté un autre clocher, dont<br />
ln tète majestueuse s'élevû.it au niveau <strong>de</strong>s hautes<br />
cimes, et dont la voix douce ou terrible imitait et rap<br />
pelait tour à tour le son mâle du clairon ou le gron<br />
<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la tempête.<br />
« Comme moi il comptait neuf cents ans d'exis<br />
tence; mais cc nouveau Mathusalem a vu son <strong>de</strong>rnier<br />
jour, comme le vieux Patriarche; et lorsqu'il reçut le<br />
coup mortel, comme Goliath il tomba couché <strong>de</strong> toute<br />
sa longueur ; eL <strong>de</strong>puis lors, son cadavre gigantesque<br />
<strong>de</strong>meuré sans sépulture semble m'appeler ct me mar<br />
quer ù sos côtés la place do ma couche funèbre (1) ...<br />
« Avant peu, l'on verra la masse blanchâtre <strong>de</strong><br />
mon squelette en dissolution couchée dans la vallée<br />
ùc Codalet. Je sens que le poids <strong>de</strong> ma tète augmenle<br />
ùe plus on plus; e1 chaque soir, la lune elle-même,<br />
en faisant son apparition dans la contrée, s'étonne<br />
<strong>de</strong> mo trouver encore <strong>de</strong>bout.<br />
re Je vais donc bientôt me coucher dans mon sépul<br />
cre; tu <strong>de</strong>scendras <strong>de</strong> ta mon tagno pour vrnir parla<br />
ger mon repos; ct bientôt, hélas! Je laboureur, en<br />
con1luisant la charrue sur la terre •qui nous reconvrira,<br />
ne saura plus nppecndro mn ùgcs futurs où fttront<br />
SainL-Micbell'l Saint-Murlin!>><br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
3:iô C.\ N 1 G 0<br />
• Aixis un vcsprc 'ls dos cloqucrs parlavan;<br />
mes, rcn<strong>de</strong>mà mati, al sortir lo sol,<br />
re0omensant los cànLichs qucr ells acaban;<br />
los Lodons ab l'eurem conversavan,<br />
ab l'esLrella <strong>de</strong>l dia 'l rossinyol.<br />
Sonrigué la montanya ongallardida<br />
corn si esLrenàs son ver<strong>de</strong>janL manlell ;<br />
moslris com nu via <strong>de</strong> joyclls gnarnida,<br />
y do ses mil cong slrs la llorirla<br />
blanca cslJandi com tarongcr naveil.<br />
Lo que un segle basti, l'altre ho alm·ra;<br />
mes resta scmprc 'l monument <strong>de</strong> Deu,<br />
y lu lem pesta, '1 torb, l'odi y la gucrra<br />
al Canigù no '1 Liraràn [t LeiTa,<br />
no csbrancaràn por ara '1 Pirineu.<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong><br />
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LEC\NlGOt:<br />
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Ainsi s'entretenaient, llll soir. les llcux clochers.<br />
Le lcnllcmain, au lever du soleil, les cantiques, qu'ils<br />
achevaient à la fin du jour, étaient repris par les<br />
ramiers conversant avec le lierre, ct par le rossignol<br />
avec l'étoile du matin.<br />
On voyait sourire la montagne dans tout son éclat,<br />
comme si elle eût revètu pour la première fois son<br />
brillant manteau ùe verdure ; olle apparaissait sem<br />
blable à une nouvelle mariée parée <strong>de</strong> ses joyaux, et<br />
ses blancs tapis ùe neige s'épanouissaient comme les<br />
Heurs ùe l'oranger nouvellement écloses.<br />
Co qu'un siècle avait élevé, un aulre siècle le ren<br />
verse. Mais Je monument qui est l'œuvre rio Dieu dcmeurn<br />
indcstruclible: aussi, ni la tcmpôle, ni le tourbillon,<br />
ni la haine, ni lu guerre, rien ne pourra dl•ra·<br />
ciner le Canigou, rion ne pourrtt mutiler le Pyrénée ...<br />
©<strong>Biblioteca</strong> <strong>Nacional</strong> <strong>de</strong> <strong>Colombia</strong>
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