PROGRAMME - Opéra Théâtre de Saint-Etienne

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24 le Mage Le projet de composer un nouvel ouvrage pour l’Opéra de Paris germe probablement en 1887. Massenet vient de terminer Werther et s’apprête à composer Esclarmonde pour l’Opéra Comique tout en cherchant un nouveau livret. De premiers échanges avec Victorien Sardou autour d’une intrigue centrée sur le Mexique et la conquête espagnole demeurent infructueux, mais l’idée d’un sujet exotique s’impose. Sur les conseils des directeurs de l’Opéra et de son éditeur, Massenet s’associe en 1888 à Jean Richepin (1849-1926) pour lequel il avait déjà composé la musique de scène de la pièce Nana-Sahib en 1883. L’idée est d’autant plus séduisante qu’elle permet d’associer un compositeur à un véritable écrivain, préfigurant ainsi les collaborations de Maeterlinck avec Debussy ou de Zola avec Bruneau. Richepin propose à Massenet de mettre en musique un épisode fictif situé à l’époque de la naissance du zoroastrisme dans la Bactriane (région désormais à cheval sur plusieurs pays dont l’Iran) environ 2500 ans avant l’ère chrétienne, comme le stipule le livret. Zoroastre va développer le culte mazdéen qui concentre deux principes opposés, le bien, représenté par le feu et la lumière, et le mal dont le mensonge serait la pire incarnation. En s’inspirant de cette religion, Richepin confia avoir voulu « montrer la prééminence de l’idée de vérité parvenant à subjuguer le cœur et à conquérir l’esprit. » Son livret, riche en formules lyriques parfois conventionnelles, reste cependant tributaire d’une tradition et de situations dramatiques convenues où se mêlent diverses influences parmi lesquelles celles de L’Africaine ou d’Aida que Massenet appréciait particulièrement. Aussi ce dernier ne pouvait-il qu’être séduit par un sujet exotique traitant par ailleurs aussi bien de l’emprise psychique des religions que des passions amoureuses qu’il avait déjà abordées, notamment dans Le Roi de Lahore puis Hérodiade. Entre mars et décembre 1889, Massenet compose son opéra dont il modifie la fin en mars suivant : l’incendie de la Djahi se substitue à une scène plus intimiste où Varedha expirait après avoir obtenu le pardon d’Anahita et de Zarâstra. Il mène ensuite l’orchestration avec ardeur jusqu’en août peu avant les premières répétitions. Composer pour l’Opéra de Paris impose certaines règles auxquelles Massenet ne déroge pas d’autant que le livret n’évite pas certains clichés.

Au contraire : le musicien s’est soumis sans scrupule aux critères du grand opéra dont les rouages dramatiques et les principes structurels apparaissent pourtant démodés au regard de la révolution établie par Wagner. Bâti sur un livret en 5 actes dominés par une action intensément dramatique, Le Mage comporte le traditionnel ballet, de vastes ensembles (de type concertato à l’acte II) et d’importantes masses chorales soutenues par un orchestre largement enrichi en cuivres et en percussions dont certaines apportent une touche exotique particulièrement prononcée dans les danses. L’opéra exige aussi des chanteurs de premier plan dont les suraigus sont par ailleurs souvent sollicités. Le rôle-titre, sans doute pensé pour Jean de Reszké, est dévolu à un ténor vaillant similaire à celui d’Éléazar (La Juive). De même, les rôles d’Anahita et de Varedha sont respectivement distribués à un soprano dramatique colorature et un grand soprano (ou un mezzo doté d’aigus solides). Dans un cas, on peut songer aux rôles de la princesse Eudoxie (La Juive) ou, dans une certaine mesure, de Lakmé ; dans l’autre, les références les plus immédiates sont celles d’Hérodiade mais aussi… d’Ortrude (Lohengrin), de Kundry (Parsifal) ou de Lady Macbeth, quatre personnages marqués par une même noirceur dévastatrice. Massenet reste également fidèle aux formes vocales closes, tels l’air ou le duo, dont certains, comme celui de Varedha et Amrou (acte II), adoptent une coupe italienne et un style qu’un Verdi n’aurait pas reniés. Zarâstra est naturellement privilégié avec deux importants solos : le premier se situe à l’acte II avec l’air « Soulève l’ombre de ces voiles », que Gounod aurait pu signer, et le second au début de l’acte III où Zarâstra et le chœur sont rassemblés dans une grande scène mystique ponctuée d’effets harmoniques et orchestraux richement colorés (sa matière musicale provient d’une cantate pour ténor et orchestre, Apollon aux muses, créée en Grande-Bretagne en 1884). Cette scène spectaculaire trouve son pendant à la fin de l’opéra avec l’embrasement de la statue de la Djahi suite aux invocations de Varedha que certains n’ont pas manqué d’associer au finale de La Walkyrie alors qu’elle peut tout aussi bien rendre hommage au finale de La Muette de Portici. Le Mage constitue ainsi l’ouvrage de Massenet qui se glisse le plus parfaitement dans le moule du grand opéra, genre typiquement français. le Mage 25

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le Mage<br />

Le projet <strong>de</strong> composer un nouvel ouvrage pour l’<strong>Opéra</strong> <strong>de</strong> Paris germe<br />

probablement en 1887. Massenet vient <strong>de</strong> terminer Werther et s’apprête<br />

à composer Esclarmon<strong>de</strong> pour l’<strong>Opéra</strong> Comique tout en cherchant un<br />

nouveau livret. De premiers échanges avec Victorien Sardou autour d’une<br />

intrigue centrée sur le Mexique et la conquête espagnole <strong>de</strong>meurent<br />

infructueux, mais l’idée d’un sujet exotique s’impose. Sur les conseils <strong>de</strong>s<br />

directeurs <strong>de</strong> l’<strong>Opéra</strong> et <strong>de</strong> son éditeur, Massenet s’associe en 1888 à Jean<br />

Richepin (1849-1926) pour lequel il avait déjà composé la musique <strong>de</strong> scène<br />

<strong>de</strong> la pièce Nana-Sahib en 1883. L’idée est d’autant plus séduisante qu’elle<br />

permet d’associer un compositeur à un véritable écrivain, préfigurant ainsi<br />

les collaborations <strong>de</strong> Maeterlinck avec Debussy ou <strong>de</strong> Zola avec Bruneau.<br />

Richepin propose à Massenet <strong>de</strong> mettre en musique un épiso<strong>de</strong> fictif<br />

situé à l’époque <strong>de</strong> la naissance du zoroastrisme dans la Bactriane (région<br />

désormais à cheval sur plusieurs pays dont l’Iran) environ 2500 ans avant<br />

l’ère chrétienne, comme le stipule le livret. Zoroastre va développer le culte<br />

mazdéen qui concentre <strong>de</strong>ux principes opposés, le bien, représenté par<br />

le feu et la lumière, et le mal dont le mensonge serait la pire incarnation.<br />

En s’inspirant <strong>de</strong> cette religion, Richepin confia avoir voulu « montrer la<br />

prééminence <strong>de</strong> l’idée <strong>de</strong> vérité parvenant à subjuguer le cœur et à conquérir<br />

l’esprit. » Son livret, riche en formules lyriques parfois conventionnelles,<br />

reste cependant tributaire d’une tradition et <strong>de</strong> situations dramatiques<br />

convenues où se mêlent diverses influences parmi lesquelles celles <strong>de</strong><br />

L’Africaine ou d’Aida que Massenet appréciait particulièrement. Aussi<br />

ce <strong>de</strong>rnier ne pouvait-il qu’être séduit par un sujet exotique traitant par<br />

ailleurs aussi bien <strong>de</strong> l’emprise psychique <strong>de</strong>s religions que <strong>de</strong>s passions<br />

amoureuses qu’il avait déjà abordées, notamment dans Le Roi <strong>de</strong> Lahore<br />

puis Hérodia<strong>de</strong>. Entre mars et décembre 1889, Massenet compose<br />

son opéra dont il modifie la fin en mars suivant : l’incendie <strong>de</strong> la Djahi<br />

se substitue à une scène plus intimiste où Varedha expirait après avoir<br />

obtenu le pardon d’Anahita et <strong>de</strong> Zarâstra. Il mène ensuite l’orchestration<br />

avec ar<strong>de</strong>ur jusqu’en août peu avant les premières répétitions.<br />

Composer pour l’<strong>Opéra</strong> <strong>de</strong> Paris impose certaines règles auxquelles<br />

Massenet ne déroge pas d’autant que le livret n’évite pas certains clichés.

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