PROGRAMME - Opéra Théâtre de Saint-Etienne
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12<br />
cendrillon<br />
« On va l'enfermer, elle est folle ! » dit Pandolfe <strong>de</strong> sa femme ; « Suis-je<br />
folle ? » se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à plusieurs reprises Cendrillon, que l'on va retrouver<br />
plus tard au lit sortant d'un délire fiévreux : « tu riais, tu pleurais, sans motif<br />
et sans trêve... ». Les indications scéniques et l'écriture musicale vont dans<br />
ce sens : une “crise <strong>de</strong> nerfs” trois fois répétée agite Madame la Haltière et<br />
ses filles, et même la Fée et ses acolytes finissent la scène <strong>de</strong> joie du départ<br />
au bal « toutes dans un cri ». On peut ajouter à cela un fréquent recours<br />
(tout à fait absent du conte <strong>de</strong> Perrault) à l'hypnose et à la suggestion,<br />
mots médicaux à la mo<strong>de</strong>, que la Fée cherche à exercer sur Cendrillon...<br />
et Jules Massenet sur son public, emmené vers <strong>de</strong>s « beaux pays bleus »<br />
pleins d'une inquiétante bien que ravissante étrangeté.<br />
retour Des cenDres<br />
Le théâtre entretient dans son lexique <strong>de</strong>s rapports avec le feu : les<br />
spectateurs patientent au “foyer”, on “brûle les planches” <strong>de</strong>vant les “feux<br />
<strong>de</strong> la rampe”. De ces instants éphémères, il ne reste que <strong>de</strong>s cendres :<br />
« Je suis le rêve et dois passer sans qu'il en reste trace » (Cendrillon, acte II).<br />
Ce sentiment <strong>de</strong> l'éphémère <strong>de</strong>s voix et <strong>de</strong>s corps n'a été rendu que<br />
plus aigu par l'arrivée du cinématographe et du phonographe. Les<br />
chanteurs donnant leur voix à l'immense cornet ont conscience <strong>de</strong> leur<br />
mort prochaine : « je suis un mort qui vous parle » nous dit un cylindre<br />
<strong>de</strong> l'époque. En 1909, une délégation très officielle, habillée comme pour<br />
un enterrement, enferma au fond <strong>de</strong>s caves <strong>de</strong> l'<strong>Opéra</strong> <strong>de</strong> Paris les voix<br />
connues <strong>de</strong> l'époque dans <strong>de</strong>s urnes scellées à l'amiante, en attente <strong>de</strong><br />
leur résurrection cent ans plus tard.<br />
Donner cet opéra à succès, après tant <strong>de</strong> reprises (mais peu <strong>de</strong> parisiennes),<br />
dans le lieu même <strong>de</strong> sa création, est une occasion exceptionnelle <strong>de</strong> faire<br />
surgir les gestes et les voix <strong>de</strong> ces cendres, <strong>de</strong> les re-coloriser comme on<br />
le faisait au pochoir sur les films en noir et blanc, <strong>de</strong> montrer la brillance<br />
du charme, loin <strong>de</strong> la désuétu<strong>de</strong> qu'on lui prête, mais aussi la merveilleuse<br />
complexité d'une œuvre hors du temps et à l'entrée <strong>de</strong> nos temps mo<strong>de</strong>rnes.<br />
BenJaMin lazar Metteur en scÈne