10.01.2013 Views

PROGRAMME - Opéra Théâtre de Saint-Etienne

PROGRAMME - Opéra Théâtre de Saint-Etienne

PROGRAMME - Opéra Théâtre de Saint-Etienne

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Certes, Massenet, après avoir emprunté d'autre voies, semble vouloir<br />

renouer avec la définition classique <strong>de</strong> l'opéra, issue <strong>de</strong> la tragédie lyrique<br />

à machines et vols : « Le merveilleux est le fonds <strong>de</strong> l'opéra français »<br />

(Encyclopédie <strong>de</strong> Di<strong>de</strong>rot, article Enchantement).<br />

Allant dans ce sens, le prologue (supprimé par Albert Carré) propose aux<br />

spectateurs d'assister à ce conte « pour échapper au noir <strong>de</strong>s choses trop<br />

réelles » ; il nous invite à « re<strong>de</strong>venir enfant » et à croire « au fabuleux ». à la<br />

fin <strong>de</strong> l'opéra, les chanteurs quittent leur personnage pour conclure : « on<br />

a fait <strong>de</strong> son mieux / pour vous faire envoler vers les beaux pays bleus. » Nous<br />

sommes loin <strong>de</strong>s dogmes du théâtre naturaliste à la Zola qui fait école au<br />

même moment : la Cendrillon fiévreuse et délirante <strong>de</strong> l'acte iv est plus<br />

proche <strong>de</strong> la Mélisan<strong>de</strong> <strong>de</strong> Pelléas que <strong>de</strong> la Mimi <strong>de</strong> La Bohème - œuvres<br />

achevées dans la même année 1895.<br />

Mais, comme d'ailleurs dans le théâtre symboliste, est-ce uniquement<br />

d'évasion et <strong>de</strong> rêve qu'il s'agit ? Dépaysement, effets fabuleux et états<br />

d'enfance existent bel et bien dans cet opéra ; mais Cendrillon n'échappe<br />

pas à son époque, et ce merveilleux est empreint <strong>de</strong> toutes les obsessions<br />

et hantises <strong>de</strong> l'homme à la bascule entre <strong>de</strong>ux siècles. Comme dans<br />

l'enfance, l'émerveillement n'est pas loin <strong>de</strong> l'inquiétu<strong>de</strong>, et le rire <strong>de</strong>s<br />

larmes (« Je ris! Je pleure et je ris! » chante Cendrillon).<br />

Attentifs à leur temps, ou traversés par lui, Massenet et Cain peignent un<br />

portrait <strong>de</strong> femme - ou plutôt <strong>de</strong> femmes si l'on compte, aux côtés <strong>de</strong><br />

Cendrillon, la Fée, Madame <strong>de</strong> la Haltière, ses filles et même le Prince,<br />

femme travestie parcourue <strong>de</strong> « doux frissons » - qui est aussi le tableau<br />

d'une époque. Car à Paris, en cette fin <strong>de</strong> siècle, on propose une nouvelle<br />

clef <strong>de</strong> lecture du mystère féminin. à l'hôpital <strong>de</strong> la Salpétrière, le professeur<br />

Charcot a créé un quartier spécial consacré à l'hystérie et dont les patientes<br />

sont <strong>de</strong>venus les “stars” <strong>de</strong> l'établissement : montrées lors <strong>de</strong> conférences<br />

publiques, photographiées, leurs crises et leurs poses, provoquées parfois<br />

par la musique, le son d'un gong ou d'un grand diapason, suscitent<br />

crainte, admiration et curiosité. à l'opéra, la patiente-artiste trouve son<br />

miroir dans la cantatrice poussée dans <strong>de</strong>s états proches du cas clinique :<br />

cendrillon<br />

11

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!