6 EN COUVERTURE RETOUR EN FORCE MOINS D’UN AN APRÈS SON RETOUR «D’EXIL» AU QUÉBEC, ALAIN JUPPÉ PREND LES RÊNES D’UN SUPERMINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE AUX COMPÉTENCES TRÈS ÉLARGIES. Directsoir N°162 / Lundi 4 juin 2007 Alain Juppé De retour avec l’écologie © L. SAZY/FEDEPHOTO
© P. ANDRIEU/AFP www.directsoir.net La seule source <strong>de</strong> légitimité, c’est la confiance <strong>de</strong>s électeurs. Si je ne l’avais pas, j’en tirerais <strong>les</strong> conséquences.» Prononcées il y a quelques jours par Alain Juppé sur un petit marché bor<strong>de</strong>lais, ces <strong>de</strong>ux phrases laissent <strong>de</strong>viner l’importance <strong>de</strong>s législatives pour le numéro <strong>de</strong>ux <strong>du</strong> gouvernement. Le 17 juin prochain, le tout nouveau «super<strong>ministre</strong>» <strong>de</strong> l’Ecologie entend bien reconquérir son siège <strong>de</strong> député <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième circonscription <strong>de</strong> Giron<strong>de</strong>, abandonné en 2004. Avec un enjeu <strong>de</strong> taille, annoncé par François Fillon : tout <strong>ministre</strong> battu sera invité à quitter son poste. Le 6 mai <strong>de</strong>rnier, lors <strong>du</strong> scrutin prési<strong>de</strong>ntiel, Ségolène Royal est arrivée en tête à Bor<strong>de</strong>aux avec 54,6 % <strong>de</strong>s suffrages. «Je ne suis pas triomphaliste, ça n’est pas gagné, mais je pense que nous allons remonter notre handicap», prévoit Alain Juppé. En face, ses adversaires s’organisent, conscients <strong>de</strong> l’opportunité <strong>de</strong> faire chuter l’un <strong>de</strong>s poids lourds <strong>de</strong> l’équipe gouvernementale. A gauche, la socialiste Michèle Delaunay espère «transformer l’essai» marqué par Ségolène Royal. Mercredi 23 mai, François Hollan<strong>de</strong> a tenu le premier <strong>de</strong> ses meetings <strong>de</strong> campagne à Bor<strong>de</strong>aux. «Nous ne voulons pas <strong>de</strong> mal à Alain Juppé, a déclaré le premier secrétaire <strong>du</strong> PS, nous ne voulons pas le chasser <strong>du</strong> gouvernement, mais nous voulons tout simplement qu’il ne soit quand même pas trop accaparé.» Cette candidature revient «à servir <strong>de</strong> tuteur à Hugues Martin, vrai candidat et faux suppléant», dénonce Michèle Delaunay. «Nous sommes un peu interchangeab<strong>les</strong>», répond Alain Juppé. En cas <strong>de</strong> victoire <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier, Hugues Martin, député sortant, siégera donc à l’Assemblée. FAIBLE POPULARITÉ Alain Juppé compte bien conserver <strong>les</strong> rênes <strong>du</strong> ministère <strong>de</strong> l’Ecologie, <strong>du</strong> Développement et <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>du</strong>rable, un portefeuille bâti sur mesure qui englobe le transport et <strong>de</strong>s compétences sur le plan énergétique. A ceux qui doutent <strong>de</strong> sa préoccupation réelle pour l’environnement, le <strong>ministre</strong> d’Etat répond : «J’ai enten<strong>du</strong> certains s’émouvoir <strong>de</strong> ma conversion mais je crois que l’enthousiasme <strong>de</strong>s néophytes peut faire plus que la lassitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s vieux grognards un peu blasés.» Alain Juppé profite d’un accueil plutôt favorable <strong>de</strong> la part d’un certain nombre d’acteurs. La Fédération France nature environnement s’est dite «convaincue que le nouveau <strong>ministre</strong> peut renforcer <strong>les</strong> moyens et l’autorité <strong>de</strong> l’administration <strong>de</strong> l’écologie». «Pour la première fois, l’écologie apparaît au premier rang gouvernemental», se félicite Serge Lepeltier, l’un <strong>de</strong> ses prédécesseurs à ce poste. «Est-ce qu’Alain Juppé est l’homme <strong>de</strong> la situation ?, s’interroge Nicolas Hulot. L’avenir nous le dira. Ce qui m’intéresse, c’est que ce soit le numéro 2 <strong>du</strong> gouvernement et un <strong>ministre</strong> <strong>de</strong> tutelle, qui je l’espère pourra coordonner et planifier l’action publique.» Les sondages sont plus mesurés : le maire <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux arrive au cinquième rang <strong>de</strong>s <strong>ministre</strong>s <strong>les</strong> plus populaires avec un taux <strong>de</strong> satisfaction <strong>de</strong> 21% selon une enquête OpinionWay publiée le 19 mai <strong>de</strong>rnier sur le site Internet <strong>du</strong> Journal <strong>du</strong> dimanche. Devant Roselyne Bachelot et Xavier Bertrand, mais loin <strong>de</strong>rrière Jean-Louis Borloo (55%), Bernard Kouchner (51%) et Rachida Dati (46%). La prise en main d’un ministère très médiatisé lui permettrat-il <strong>de</strong> refaire son retard ? «L’attente est forte dans l’opinion publique et la volonté est gran<strong>de</strong> au sommet <strong>de</strong> l’Etat», a-t-il déclaré lors <strong>de</strong> sa prise <strong>de</strong> fonctions. C’est avec «enthousiasme, curiosité et détermination» qu’il entend mener son action. DIALOGUE ET CONFLITS Depuis le 16 mai, Alain Juppé est sur tous <strong>les</strong> fronts : «L’Allemagne vient <strong>de</strong> suspendre l’autorisation <strong>du</strong> MON810 (une variété <strong>de</strong> maïs OGM, ndlr). Dans ce cas précis, il faut s’inspirer <strong>du</strong> cas allemand», déclarait-il le 25 mai dans <strong>les</strong> colonnes <strong>du</strong> quotidien Le Parisien. «Excellente nouvelle», selon Greenpeace ; «danger» aux yeux <strong>de</strong> l’assemblée générale <strong>de</strong>s pro<strong>du</strong>cteurs <strong>de</strong> maïs. Il faut «se donner le temps <strong>de</strong> la réflexion avant une décision» et «ne pas se précipiter», tempère Christine Lagar<strong>de</strong>, en charge <strong>de</strong> l’Agriculture. Premières escarmouches ? Les intéressés calment le jeu et annoncent que la question sera discutée la semaine suivante en Conseil <strong>de</strong>s <strong>ministre</strong>s. EN COUVERTURE A peine nommé à la tête d’un ministère <strong>de</strong> l’Ecologie aux compétences très éten<strong>du</strong>es, Alain Juppé veut reconquérir son siège <strong>de</strong> député <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième circonscription <strong>de</strong> Giron<strong>de</strong>, sous peine <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir quitter le gouvernement plus tôt que prévu. «Pour la première fois, l’écologie apparaît au premier rang gouvernemental» Serge Lepeltier Je souhaite le rencontrer. Je pense que, sur beaucoup <strong>de</strong> dossiers, mon expérience peut lui être utile. Dominique Voynet, candidate <strong>de</strong>s Verts à l’élection prési<strong>de</strong>ntielle <strong>de</strong> 2007 Le candidat Alain Juppé (à droite) et son suppléant, Hugues Martin, dans <strong>les</strong> rues <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux. Reste qu’un certain nombre <strong>de</strong> ses collègues pourraient estimer bien vite que le numéro <strong>de</strong>ux <strong>du</strong> gouvernement est un peu trop présent. Transport aérien, taxe à l’essieu pour <strong>les</strong> camions, aménagement <strong>du</strong> territoire : <strong>les</strong> compétences <strong>du</strong> nouveau ministère sont, d’après l’intéressé, «considérab<strong>les</strong>». Mais ce n’est pas tout. Le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la région Guyane, Antoine Karam, a <strong>de</strong>mandé à Alain Juppé <strong>de</strong> diligenter une «mission conjointe» <strong>de</strong> l’inspection générale <strong>de</strong> l’administration et <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> l’environnement concernant une mine d’or ; François Fillon a confirmé que son <strong>ministre</strong> «aura son mot à dire» sur l’éventuelle fusion GDF-Suez. Quel rôle l’ancien patron <strong>du</strong> Quai d’Orsay jouera-t-il dans <strong>les</strong> négociations internationa<strong>les</strong> à venir sur le climat ? Elément <strong>de</strong> réponse <strong>de</strong> l’intéressé : son ministère aura «une mission d’évaluation transversale <strong>de</strong>s politiques publiques au regard <strong>du</strong> développement 7 <strong>du</strong>rable». Nul n’est donc à l’abri <strong>de</strong> voir le <strong>ministre</strong> <strong>de</strong> l’Ecologie user <strong>de</strong> son droit d’ingérence. «Le temps est à l’action», a déclaré Nicolas Sarkozy, il y a dix jours, lors <strong>de</strong> rencontres avec <strong>les</strong> militants écologistes. Alain Juppé entend profiter <strong>du</strong> souffle <strong>du</strong> prési<strong>de</strong>nt pour pousser le «gros bateau» comme il définit luimême son ministère. Avec un grand ren<strong>de</strong>z-vous dès la rentrée. «Le Grenelle <strong>de</strong> l’environnement est bien parti», annonce-t-il sur son blog*, avant d’expliquer pourquoi cette référence aux gran<strong>de</strong>s négociations socia<strong>les</strong> <strong>de</strong> 1968 a été choisie pour ces rencontres sur l’environnement, prévues «au plus tard dans la <strong>de</strong>uxième quinzaine d’octobre». Il promet «solennité», «partenariat» et «négociation». «Nous partons <strong>de</strong> positions qui sont parfois proches, mais parfois aussi éloignées. Certains sujets sont particulièrement sensib<strong>les</strong> : je pense à l’énergie ou © PATRICK BERNARD/ABACA