UNIVERSITÉ PARIS IV - LA SORBONNE THÈSE
UNIVERSITÉ PARIS IV - LA SORBONNE THÈSE
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<strong>UN<strong>IV</strong>ERSITÉ</strong> <strong>PARIS</strong> <strong>IV</strong> - <strong>LA</strong> <strong>SORBONNE</strong><br />
FACULTÉ des Lettres/Études germaniques<br />
<strong>THÈSE</strong><br />
Pour obtenir un titre académique<br />
<strong>UN<strong>IV</strong>ERSITÉ</strong> <strong>PARIS</strong> <strong>IV</strong> - <strong>LA</strong> <strong>SORBONNE</strong> - <strong>PARIS</strong> en cotutelle avec la<br />
FRIEDRICH - SCHILLER - UN<strong>IV</strong>ERSITÄT - JÉNA<br />
Soutenue et présentée publiquement par<br />
Béatrice Deffner<br />
le 6 juillet 2009<br />
L’art comme nature supérieure - Carl Ludwig Fernow et la recherche d’une<br />
esthétique idéale<br />
Directeur de recherches:<br />
M. le Professeur Roland Krebs<br />
JURY:<br />
M me le Professeur Elisabeth Décultot (ENS Paris)<br />
M. le Professeur Roland Krebs (Université Paris <strong>IV</strong> - la Sorbonne)<br />
M. le Professeur Klaus Manger (Université Friedrich Schiller Jéna)<br />
M. le Professeur Dieter Burdorf (Université de Leipzig)
JENA/<strong>PARIS</strong> 2010
3<br />
«L’intérêt porté au beau et à l’art qui nous élève vers un monde supérieur ne doit pas nous<br />
rendre indifférent au monde réel»<br />
(Carl Ludwig Fernow, Études romaines III, préface)
4<br />
REMERCIEMENTS<br />
En premier lieu, je voudrais remercier tous ceux qui, par leur aide ou leur soutien, ont<br />
contribué à la réalisation du présent travail de thèse.<br />
Tout d’abord, je tiens à exprimer ma sincère reconnaissance à mon directeur de thèse,<br />
Monsieur le Professeur Roland Krebs de l’Université de Paris <strong>IV</strong> - la Sorbonne, non<br />
seulement pour son soutien avisé mais également pour le temps consacré.<br />
De même, je voudrais remercier Monsieur le Professeur Klaus Manger, le co-directeur de<br />
recherches à la Friedrich-Schiller-Universität de Jéna, pour la coopération agréable et pour<br />
avoir accepté de superviser ce travail dans le cadre d’une cotutelle de thèse.<br />
Je tiens également à adresser des remerciements à Madame le Professeur Elisabeth Décultot,<br />
de l’École normale supérieure - Paris, Madame le Professeur Françoise Knopper de<br />
l’Université de Toulouse II, tout comme à Monsieur le Professeur Dieter Burdorf de<br />
l’Université de Leipzig.<br />
Un grand merci revient également à M elle Christelle Bony, enseignante au collège Robespierre<br />
de Saint-Pol-sur-Mer, pour sa patience concernant la relecture du travail, et surtout pour son<br />
amitié de longue date.<br />
Par ailleurs, je voudrais remercier, de tout mon cœur, ma tante, Madame Irmgard Buisson,<br />
pour le soutien moral.<br />
Et, last but not least, je voudrais exprimer ma grande gratitude envers l’association Pierre<br />
Grappin et, en particulier, Mme Pierre Grappin, pour la bourse de recherche qui m’a été<br />
accordé dans le cadre d’un séjour de courte durée en Allemagne tout en mettant en relief<br />
l’engagement de cette association en faveur du développement des études germaniques en<br />
France. Merci mille fois.
5<br />
SOMMAIRE<br />
Sigles.................................................................................................................................................6<br />
Introduction…...................................................................................................................................8<br />
I. La thèse classique ou les inspirations de l’homonomie classiciste:<br />
Fernow dans la continuité et discontinuité avec l’idéal classique<br />
1. Kant: «quelle richesse créatrice d’idées»…………………………………......................23<br />
2. Schiller: «le labyrinthe des belles apparitions»…………………………………….........44<br />
3. Le Winckelmann de Fernow: «la grandeur silencieuse et calme»………………………62<br />
II. L’antithèse de la critique de l’art ou la critique de l’hétéronomie artistique:<br />
La critique de l’industrie de l’art académique et l’esquisse de l’artiste idéal<br />
1. Ludovico Ariosto: «l’un des rares favoris des dieux»……………………………….........78<br />
2. Asmus Jakob Carstens: «le génie né pour les beaux-arts»……………………………......90<br />
3. Antonio Canova: «L’attrait plaisant et flatteur de Canova»…………………………….113<br />
III. La synthèse moderne ou le principe de l’autonomie esthétique:<br />
Les approches d’une esthétique ‘idéale’<br />
1. Du beau dans l’art: «le but ultime de l’art»...…................................................................127<br />
2. Du caractéristique: «ou la vérité de la représentation»…………….................................136<br />
3. De l’enthousiasme de l’artiste: «cette aspiration divine»……………………………......148<br />
<strong>IV</strong>. Conclusion: L’image idéale de l’Antiquité - un espace utopique des temps modernes? 161<br />
Bibliographie…………………………………………………………………………….164
1. ŒUVRES DE FERNOW<br />
6<br />
SIGLES<br />
RS Römische Studien, 3 vol., Éd. Gessner, Zurich, 1806.<br />
ARIOST Leben und Werk Ariosto’s des Götlichen, Éd. Gessner, Zurich, 1809.<br />
CARSTENS Leben des Künstlers Asmus Jakob Carstens, Éd. Hartknoch, Leipzig, 1806.<br />
CANOVA Über den Künstler Canova und seine Werke, Éd. Gessner, Zurich, 1806.<br />
2. TEXTES D’AUTEURS CITÉS FRÉQUEMMENT AU LONG DE NOTRE OUVRAGE<br />
KU Kant, Critik der Urtheilskraft, Éd. Preuβische Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1790.<br />
JS Johanna Schopenhauer, Carl Ludwig Fernow’s Leben, Éd. Cotta, Tübingen, 1810.<br />
IF Irmgard Fernow, Carl Ludwig Fernow als Ästhetiker - ein Vergleich mit der Kritik der<br />
Urteilskraft, Mayr, Würzburg, 1936 [thèse, Univ. Friedrich-Wilhelm, Bonn].<br />
HE Herbert von Einem, Carl Ludwig Fernow - Eine Studie zum deutschen Klassizismus,<br />
Deutscher Verein für Kunstgeschichte (Éd.), vol. III, Berlin, 1935.<br />
HT Harald Tausch, Entfernung der Antike - Carl Ludwig Fernow im Kontext der Kunsttheorie<br />
um 1800, Éd. Niemeyer, Tübingen, 1998.<br />
3. OUVRAGES COLLECTIFS<br />
VRW Von Rom nach Weimar - Carl Ludwig Fernow, Harald Tausch et Michael Knoche (Éd.),<br />
Éd. Narr, Tübingen, 1998.<br />
KAW Kunst als Wissenschaft - Carl Ludwig Fernow ein Begründer der Kunstgeschichte,<br />
Reinhard Wegner (Éd.), Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2005.<br />
4. MAGAZINES et JOURNAUX<br />
NTM Neuer Teutscher Merkur, C. M. Wieland (Éd.), Weimar, [1790-1810].<br />
JDM Journal des Luxus und der Moden, Friedrich Justin Bertuch, Weimar, [1787-1812].<br />
NDM Neues deutsches Magazin, C.U.D. Eggers, Hambourg (1791), Altona (dès 1792), [1791-1800].
7<br />
A part cela, il est à noter que l’utilisation de la mise en relief est systématique pour signaler la<br />
composition des mots, termes spécifiques et titres d’ouvrages étrangers, également à<br />
l’intérieur des citations.<br />
Les guillemets sont généralement employés pour souligner certains mots et noms propres dans<br />
le texte courant, et aussi pour délimiter les citations.<br />
Afin d’éviter les accumulations malencontreuses de signes de ponctuation, les mots<br />
importants situés dans des citations brèves déjà encadrées par des signes seront mis en relief<br />
par des guillemets simples ou par un espacement des lettres qui les composent.<br />
L’orthographe étrangère de certains mots ou expressions sera aussi indiquée, immédiatement<br />
après ou mis entre guillemets, lorsque cela s’avère nécessaire.<br />
Pour une bibliographie plus détaillée, le lecteur est prié de se reporter à la partie<br />
correspondante située à la fin du présent travail.<br />
La traduction, quant à elle, est généralement donnée immédiatement après la citation ou en<br />
bas de page, selon la longueur du texte, entre parenthèses et en caractères romains encadrés<br />
systématiquement par les guillemets, le cas échéant.<br />
Sauf indication contraire, l’auteur du présent travail est également à l’origine de toutes les<br />
traductions des mots d’emprunts étrangers et paraphrases des citations et celles-ci sont donc<br />
données sous réserve de réctification.
8<br />
INTRODUCTION<br />
Afin de justifier la démarche scientifique utilisée pour la bonne conduite de la présente<br />
enquête, nous avons choisi de centrer notre réflexion sur trois centres thématiques:<br />
1. La relation sujet-objet: c’est-à-dire la corrélation entre le représenté et le représentant en<br />
art. Ainsi, nous allons nous intéresser dans un premier temps à la question dans quelle mesure<br />
Fernow s’éloigne-t-il du principe classique d’égalité entre le sujet-objet (mimésis), pour<br />
valoriser la liberté de l’artiste (autonomie esthétique).<br />
2. L’unitas diversitatis: à savoir l’unité dans la diversité du tableau littéraire, 1 dont Fernow se<br />
sert aussi dans la monographie sur Carstens, afin de démontrer, suivant sa compréhension<br />
humaniste de l’histoire, comment celui-ci est «devenu ce qu’il est devenu.» 2<br />
3. La diversité idéelle - en partant du principe qu’il n’y a pas qu’une seule démarche<br />
scientifique propre au présent sujet de recherche, mais une multitude d’axes de recherche<br />
potentiels, dont nous avons pris connaissance au cours de l’élaboration du présent projet, mais<br />
qui dépasserait sans doute le cadre du présent travail, de sorte que nous sommes amenés à<br />
laisser leur exploration à des études futures. 3<br />
1 Annette Graczyk: Das literarische Tableau zwischen Kunst und Wissenschaft, Éd. Fink, Munich, 2004.<br />
2 Voir Carstens, Leben und Werke. Von K. L. Fernow, H. Riegel (Éd.), Hannovre, 1867, p. 185: „In dem Leben<br />
eines Künstlers von so entschiedenen Anlagen und so durchaus eigener, trotz den ungünstigesten Umständen<br />
glücklich durchgeführter Selbstbildung ist nichts merkwürdiger, als zu sehen, wie er ward, was er geworden.“<br />
3 Ou, selon les termes de Pierre Francastel: «J’ai cru qu’on ne pourrait comprendre le passé qu’à travers le<br />
présent, et réciproquement», et il ajoute: «je souhaite qu’on se souvienne toujours qu’à travers l’art<br />
contemporain, c’est la Renaissance que j’ai voulu saisir», dans: Peinture et société [1965], cité selon Daniel<br />
Lagoutte dans: Introduction à l’histoire de l’art, Éd. Hachette, Paris, 1997, p. 121.
9<br />
Afin d’évaluer l’importance de Fernow en tant que critique dans le cercle des Amis de l’art<br />
weimariens, il faut prêter une attention particulière au contexte historique. Au premier abord<br />
on constate, que l’idéal de l’art antique peut être considéré comme l’une des constantes du<br />
discours esthétique autour de 1800. Ce phénomène culturel qui, quoique conditionné par<br />
plusieurs facteurs d’ordre historique et sociologique, est généralement mis en rapport avec la<br />
crise de l’art 4 traditionnellement attribuée aux influences romantiques, qui se manifestent vers<br />
la fin du XVIII ème siècle; ce fait est bien connu. Afin de mieux cerner les arrière-plans qui ont<br />
mené à ce réveil à l’antique, 5 une rapide référence à l’art semble ici s’imposer. La réflexion<br />
dite esthétique relève d’une longue tradition en Occident et remonte au moins jusqu’à<br />
l’Antiquité grecque, 6 sans oublier les grandes étapes de l’histoire de l’art, comme par exemple<br />
le symbolisme du Moyen-âge, le naturalisme de la Renaissance et le sensualisme laïque de<br />
l’âge baroque. Du côté allemand, ce furent notamment les répercussions du siècle des<br />
Lumières venant de France ou d’Angleterre, qui eurent également une incidence importante<br />
sur les œuvres des philosophes de la Frühen Neuzeit, 7 et préparèrent ainsi le terrain à<br />
l’avènement d’un discours, à la fois historique et scientifique, sur l’art en Allemagne. Il en va<br />
de même sur le plan esthétique. Sous l’influence des thèses de Marmontel, 8 Gotthold Ephraim<br />
4<br />
Victoria von Flemming et Sebastian Schütze (Éd.): Ars naturam adiuvans. Festschrift für Matthias Winner zum<br />
2. März 1996, v. Zabern (Éd.), Mayence, 1996.<br />
5<br />
Cf. p. ex.: The Greek Revival, Éd. John Mordaunt Crook, Londres, 1972.<br />
6<br />
Cf. à ce sujet aussi Annie Becq: Genèse de l’esthétique française moderne 1680-1814, Éd. Albin Michel, Paris<br />
1994, p. 4: «S’il est vrai qu’une réflexion sur l’art et le beau existe en Occident depuis l’Antiquité grecque, elle ne<br />
se présente pas sous le nom d’esthétique, avant la publication de l’Aesthetica de Baumgarten en 1750, le fait est<br />
bien connu.»<br />
7<br />
Wolfgang Detel et Claus Zittel (Éd.): Wissensideale und Wissenskulturen in der frühen Neuzeit/Ideals and<br />
Cultures of Knowledge in Early Modern Europe, (Wissenskulturen und gesellschaftlicher Wandel, vol. 2), Éd.<br />
Akademie Verlag, Berlin, 2002, ainsi que: Kulturelle Orientierung um 1700: Traditionen, Programme,<br />
konzeptionelle Vielfalt, Sylvia Heudecker, Dirk Niefanger et Jörg Wesche (Éd.), Éd. Niemeyer, Tübingen, 2004.<br />
8<br />
D’après la théorie de J. G. Robertson Lessing pourrait avoir pris connaissance des thèses de Marmontel émises<br />
dans la Poétique françoise (1763) par le biais d’un article de recension paru dans la Bibliothek der schönen<br />
Wissenschaften und freien Künste [vol. XI, i, p. 13, p. 289 ss. et vol. XII, I, p. 42 s., (1764-65), Dyck, Leipzig<br />
(1765-1806)] qui auraient également inspiré le Laokoon. Cf.: “Lessing and Marmontel”, dans: The Modern<br />
Language Review, vol. 6, n° 2 (1911), ps. 216 ss.
10<br />
Lessing 9 va discuter pour la première fois la question de la connaissance humaine dans le<br />
contexte des différentes théories sur la perception par rapport à l’interaction entre la physis et<br />
la psyché, 10 en fondant ainsi l’herméneutique visuelle. 11 A cela s’ajoute également<br />
l’interrogation de la raison humaine et l’imagination artistique, aussi à l’égard des aspects<br />
anthropologiques. 12 Dans le sillage de la Querelle des Anciens et des Modernes, 13 Johann<br />
Christoph Gottsched 14 défend ainsi un point de vue conservateur, tandis que le moderne<br />
Leibniz 15 valorise la poésie dans le miroir de la force d’imagination. La vague de<br />
l’enthousiasme shakespearien, marque par la suite une «rupture avec la poésie normative» en<br />
faveur de la «langue du cœur» 16 , ce qui engendre un changement vis-à-vis de la<br />
compréhension de la nature et de l’art au sens d’une esthétique du génie. De même, Leibniz<br />
élabore un modèle métaphysique des monades qui constituent l’univers, et, ce faisant, il<br />
s’oppose à Spinoza 17 et à sa théorie panthéiste de l’esprit universel. Cette réflexion traduit<br />
également l’idéal de l’art classique, d’après lequel le beau dans l’art se manifeste à travers les<br />
objets comme un tout harmonieux, de manière quasi inductive, 18 en parfait repos. En<br />
9<br />
Monika Schrader: Laokoon -‘eine vollkommene Regel der Kunst.’ Ästhetische Theorien der Heuristik in der<br />
zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts: Winckelmann, (Mendelssohn, Lessing, Herder, Schiller, Goethe), (Reitel,<br />
vol. 42 Europaea Memoria), Hildesheim/Zurich/New York, Éd. Olms, 2005.<br />
10<br />
Hans Georg von Arburg et Caroline Welsh: Hirnhöhlenpoetiken. Theorien zur Wahrnehmung in Wissenschaft,<br />
Ästhetik und Literatur um 1800, (Litterae n° 114), Éd. Rombach, Fribourg/Brisgau, 2003. Gabriele Brandstetter<br />
et Gerhard Neumann: Romantische Wissenspoetik. Die Künste und die Wissenschaften um 1800, (Stiftung für<br />
Romantikforschung, vol. 26), Éd. Königshausen & Neumann, Wurzbourg, 2004.<br />
11<br />
David Wellbery: Lessing’s Laocoon. Semiotics and aesthetics in the age of reason, Éd. University Press,<br />
Cambridge, 1984, ainsi que Frederick Burwick: “Lessing’s Laokoon and the Rise of Visual Hermeneutics”, dans:<br />
Poetics Today, Éd. Porter Institute for Poetics and Semiotics, Los Angeles, 1999.<br />
12<br />
Jörn Steigerwald et Daniela Watzke (Éd.): Reiz - Imagination - Aufmerksamkeit. Erregung und Steuerung von<br />
Einbildungskraft im klassischen Zeitalter (1680-1830), Éd. Königshausen & Neumann, Wurzbourg, 2003.<br />
13<br />
Voir: Parallèle des Anciens et des Modernes, Éd. Arts et Sciences Jean Paul Coignard (Éd.), Paris, [1688-<br />
1697].<br />
14 4<br />
Johann Christoph Gottsched: Versuch einer Critischen Dichtkunst, [1730], Breitkopf, Leipzig, 1751.<br />
15<br />
Cf. les essais théoriques de Gottfried Wilhelm Leibniz au sujet de la perception humaine: Nouveaux essais sur<br />
l’entendement humain, [1704], Éd. Haude, Berlin 1936.<br />
16<br />
Voir à ce sujet également l’étude de Klaus Manger: „’Sprache des Herzens’ in der Hoftheaterkunst“, dans:<br />
Jahrbuch Mitteldeutsche Barockmusik 2004: Mitteldeutschland im musikalischen Glanz seiner Residenzen, Peter<br />
Wollny (Éd.), Éd. Ortus, Beeskow, 2005, ps. 11-26, ici: p. 11.<br />
17<br />
Baruch de Spinoza: Éthique [1661], Éd. Seuil, (Collection Points), Paris, 1999, p. 59. Cf. également Pierre<br />
Macherey: Introduction à l'Éthique de Spinoza, Éd. PUF, Paris, 1994-1998.<br />
18<br />
Theodor Fechner: Vorschule der Aesthetik, 2 vol., Leipzig, 1876. Voir également Michael Heidelberger: Die<br />
innere Seite der Natur. Gustav Theodor Fechners wissenschaftlich-philosophische Weltauffassung, Éd.<br />
Klostermann, Francfort/M., 1993.
11<br />
l’occurrence, David Hume 19 va, pour la première fois, dans la continuité de Isaac Newton, 20<br />
établir le lien entre les sciences naturelles et la nature humaine, tout en élevant, dans une<br />
certaine mesure, le principe de la force imaginative au-dessus de la raison. A ces deux<br />
positions de base s’ajoute aussi le point de vue empiriste des théoriciens suisses Johann Jakob<br />
Bodmer et Johann Jakob Breitinger. 21 Dans ce contexte il faut également mentionner<br />
l’influence des philosophes anglais tels que Thomas Hobbes, 22 John Locke 23 et Anthony<br />
Shaftesbury, 24 mais qui sont à délimiter nettement du sensualisme anglais et du Paradise<br />
Lost 25 de John Milton. Bodmer va, sous l’impression de ce dernier, contrecarrer les maîtres à<br />
penser français de Gottsched et le culte classiciste de l’Antiquité, en érigeant l’emphase du<br />
sentiment en nouvel idéal dans la poésie, ce qui déclenchera, en l’occurrence, un vif débat<br />
littéraire. De Gottsched à Leibniz en allant jusqu’à Lessing, 26 on assiste ainsi à une discussion<br />
idéologique autour d’une table d’échecs, sur la question de la perception, à savoir le conflit<br />
entre la psyché et la physis, à la lumière des différentes théories de la perception. D’une<br />
manière générale, on situe les débuts du discours esthétique en 1750, en même temps que la<br />
19 David Hume: Philosophical Essays Concerning Human Understanding, A. Millar (Éd.), Londres, 1748.<br />
20 Isaac Newton: Philosophiae Naturalis Principia Mathematica [1686], S. Pepys (Éd.), Londres, 1687.<br />
21 Johann Jakob Bodmer: Von dem Einfluβ und Gebrauche der Einbildungs-Krafft, Francfort/Leipzig, [s.n.],<br />
1727, ainsi que: Critische Abhandlung von dem Wunderbaren in der Poesie und dessen Verbindung mit dem<br />
Wahrscheinlichen, Conrad Orell & Comp., Zurich, 1740.<br />
22 Voir: The collected works of Thomas Hobbes, William Molesworth (Éd.), Éd. Thoemmes Press, Londres,<br />
1992.<br />
23 John Locke: An Essay Concerning Human Understanding [1690], 4 vol., Éd. A. et J. Churchill, Londres,<br />
1706.<br />
24 Anthony Ashley Cooper, third Earl of Shaftesbury: Characteristics of Men, Manners, Opinions, Times [1711-<br />
1714], Éd. Olms, Hildesheim/New York, 1978. Cf. Ästhetik, 4 vol., éd. Frommann-Holzboog, Stuttgart/Bad<br />
Cannstatt, 1981-1993 [édition intégrale].<br />
25 Le vers épique Paradise Lost de John Milton passe pour un chef d’œuvre de la poésie post-homérique. Le<br />
topos du paradis perdu transparaît dès les premières lignes: “Of mans first disobedience, and the fruit of that<br />
forbidden tree, whose mortal taste brought death in the world, and all our woe, with loss of Eden, till one reater<br />
man restore us, and regain the blissful seat sing heav’nly muse, that on the secret top of Oreb or Sinai, did inspire<br />
that shepherd, who first taught the chosen seed in the beginning of Heav’ns and earth, rose out of chaos […] ”,<br />
voir: Paradise lost - A poem written in ten books, Londres, [1667], Roy C. Flannagan (Éd.), Ohio, 1992.<br />
26 Gotthold Ephraim Lessing passe en raison de son rationalisme éclairé de ses écrits comme l’initiateur du<br />
classicisme allemand avec son traité portant sur la beauté dans l’art, le Laocoon. Cf. Le commentaire de Pierre<br />
Grappin à ce sujet dans Encyclopédia universalis (Éd.), vol. 13, Paris, 1995, p. 648 s.: «Lessing était trop<br />
rationaliste pour oser prophétiser; mais l'élargissement qu’il a su donner à la philosophie des Lumières, reçue<br />
d'Angleterre et de France, annonce les grands idéalistes de l'Allemagne classique.»
12<br />
parution de l’œuvre littéraire majeure d’Alexander Gottlieb Baumgarten 27 intitulée Aesthetica.<br />
Puis suivirent les écrits de Moses Mendelssohn 28 et de Friedrich Nicolai, 29 sans oublier le fait<br />
que le Suisse Jean-Pierre Crousaz 30 publia, antérieurement à Baumgarten mais sous une<br />
forme moins définitive, un traité comparable sur le beau dans l’art, plus précisément en 1715.<br />
Il reste toutefois à déterminer auquel des deux traités revient véritablement le statut d’écrit<br />
fondateur en matière d’esthétique. Cependant, il faut attendre Kant et sa Critique de la faculté<br />
de juger, 31 pour voir interrogées, pour la première fois, les possibilités et les limites du<br />
jugement esthétique, ouvrage auquel se référeront également les grands représentants de<br />
l’idéalisme allemand, dont les principaux acteurs sont Georg Friedrich Wilhelm Hegel, 32<br />
Johann Gottlieb Fichte 33 et Friedrich Wilhelm Joseph Schelling. 34 Relevant de la même<br />
importance quant aux questions de l’histoire de l’art, et en particulier celle du développement<br />
de l’esthétique comme science moderne propre à la culture, 35 ce sont les réflexions théoriques<br />
sur l’art de Karl Philipp Moritz au sujet De l’imitation plastique et la Théorie des ornements, 36<br />
qui, en raison de leur portée autonome dans le domaine de l’art, peuvent passer pour<br />
27 Alexander Gottlieb Baumgarten: Meditationes philosophicae de nonnullis ad poema pertinentibus, Éd. Halae<br />
Magdeburgicae, 1735 et Æsthetica, vol. I/II, Éd. Johannes Christian Kleyb, Francfort/Oder, 1750[-1758].<br />
28 En raison de l’orientation rationnelle des écrits Mendelssohn compte traditionnellement parmi les esthètes du<br />
rationalisme (parmi Baumgarten et Nicolai), qui vont statuer dans la perfection sensuelle une formule pour la<br />
beauté dans l’art.<br />
29 En collaboration avec Moses Mendelssohn Nicolai publiera à partir de 1759 la Bibliothèque de belles sciences<br />
et des arts libres (Bibliothek der schönen Wissenschaften und freien Künste) et, en collaboration avec Herder, la<br />
Bibliothèque générale allemande (Allgemeine Deutsche Bibliothek).<br />
30 Jean-Pierre de Crousaz: Traité du beau Traité du beau, où l’on montre en quoi consiste ce que l’on nomme<br />
ainsi, par des Exemples tirés de la plupart des Arts et des Sciences [1712], Éd. F. L’Honoré & Chatelain,<br />
Amsterdam, 1715. Cf. aussi André Bandelier et Sébastien Charles: «Actualité de Jean-Pierre Crousaz», dans:<br />
Revue de théologie et de Philosophie, (n° 136, 204), ps. 3-6.<br />
31 Voir Immanuel Kant: Critik der Urtheilskraft, première partie, vol. 5, Königlich Preußische Akademie der<br />
Wissenschaften (Éd.), in: Kant’s gesammelte Schriften, Éd. Reimer, Berlin, 1908 [réédition].<br />
32 Georg Friedrich Wilhelm Hegel: Système de l’idéalisme transcendantal, 1801.<br />
33 Johann Gottlob Fichte: Fichtes sämtliche Werke, Éd. de Gruyter, Berlin, 1971.<br />
34 Ce faisant, Schelling entend expliquer la philosophie fichtéenne et la réconcilier avec la réalité. Cf. à ce sujet<br />
Bernhard Barth: Schellings Philosophie der Kunst. Göttliche Imagination und ästhetische Einbildungskraft,<br />
(Symposion, vol. 92), Éd. Alber, Fribourg/Brisgau et Munich, 1991, [thèse, Univ. Fribourg/Brisgau, 1986].<br />
35 Friedrich Wilhelm Joseph Schelling: System des transcendentalen Idealismus, Éd. Cotta, Tübingen, 1800.<br />
Cf. Georg Eckhardt e. a. (Éd.): Anthropologie und empirische Psychologie um 1800 - Ansätze einer Entwicklung<br />
zur Wissenschaft, Éd. Böhlau, Cologne e. a, 2001.<br />
36 Voir à ce sujet également l’étude d’Alessandro Costazza: Schönheit und Nützlichkeit. Karl Philipp Moritz und<br />
die Ästhetik des 18. Jahrhunderts, (IRIS n° 10), Lang, Francfort/M., 1996 et idem: Genie und tragische Kunst.<br />
Karl Philipp Moritz und die Ästhetik des 18. Jahrhunderts, (IRIS n° 13), ibid., 1999.
13<br />
fondatrices quant au classicisme weimarien. Le discours esthétique des Amis de l’art<br />
weimariens, 37 dont le programme culturel et littéraire vise principalement à revaloriser l’art de<br />
l’héritage classique pour la modernité, se situe également devant cet arrière-plan historique et<br />
dans la continuité de la redécouverte de l’Antiquité par Winckelmann. Or, il faut aussi noter<br />
ici qu’il ne s’agit pas, comme longtemps présumé, d’un mouvement exclusivement allemand,<br />
mais, bien au contraire, d’un vaste réseau relationnel aux imbrications et interactions<br />
multiples des différentes aires culturelles, si bien que l’on peut parler à juste titre d’un courant<br />
esthétique à portée européenne. 38 Vu dans l’ensemble, on observe, vers la fin du XVIII ème<br />
siècle, un changement de paradigme qui va de la mimésis classique vers l’esthétique de la<br />
perception et celle de la représentation. On constatera ici également que, même si ce<br />
phénomène semble avoir été déjà bien analysé dans son ensemble, notamment par les<br />
philosophes, les écrivains et les chercheurs spécialisés en la matière, il faut également<br />
admettre que jusqu’à l’heure actuelle, un certain nombre d’axes de recherche potentiels<br />
restent encore à explorer de plus près. C’est particulièrement le cas d’un représentant secret<br />
du cercle des Amis de l’art weimariens agissant dans une «obscurité sacrée», 39 et qui va<br />
animer, des années durant, le discours esthétique de la scène culturelle en Allemagne autour<br />
de 1800. Il s’agit ici de Carl Ludwig Fernow, dont le rôle éminent, au sein des amis d’art<br />
weimariens, passe pour établi, du point de vue de la recherche moderne en études<br />
germaniques. Vu de près, le personnage de Fernow s’avère être non seulement l’une des<br />
37 Klaus Manger: „Fernow als Weimarischer Kunstfreund zwischen Goethe und Meyer“, VRW, 1998, ps. 20-37,<br />
et Helmut Holtzhauer: „Die Weimarschen Kunstfreunde“ dans: Goethe-Jahrbuch (vol. 29), ps. 1-26, ainsi que<br />
l’article d’Ines Boettcher et de Harald Tausch dans: Goethe-Handbuch, vol. 4/2: „Weimarische Kunstfreunde“,<br />
Hans-Dietrich Dahnke et Regine Otto (Éd.), Éd. Metzler, Stuttgart, 1998, ps. 702-706. Cf. également Joachim<br />
Berger (Éd.): Der ‚Musenhof’ Anna Amalias. Geselligkeit, Mäzenatentum, und Kunstliebhaberei im klassischen<br />
Weimar, Éd. Böhlau, Cologne e. a., 2001, et idem: Anna Amalia von Sachsen-Weimar-Eisenach, Denk- und<br />
Handlungsräume einer aufgeklärten Herzogin, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800: Ästhetische<br />
Forschungen, vol. 4), Klaus Manger (Éd.), Éd. Winter, Heidelberg, 2003.<br />
38 Cf. HT, p. 17: „Der Klassizismus Winckelmannscher Prägung wurde so zu einer Mode, die ganz Europa<br />
erfasste und die bis in die kleinsten Bereiche des täglichen Lebens hinein geschmacksbestimmend wurde.“<br />
39 Voir la correspondance de Wieland, Hans Werner Seiffert et Siegfried Scheibe (Éd.), vol. 5: Briefe der<br />
Weimarer Zeit (21 septembre 1772-1831), Éd. Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1983, p. 601: „heiligen<br />
Dunkel.“ Voir à ce sujet également l’étude de Klaus Manger: Das Ereignis Weimar-Jena aus<br />
literaturwissenschaftlicher Sicht, (Sächsische Akademie der Wissenschaften), vol. 139/cahier n° 5, Éd. P. Hirzel,<br />
Stuttgart/Leipzig, 2005, p. 3.
14<br />
personnalités les plus facétieuses des théoriciens secrets de l’événement culturel de Weimar-<br />
Jéna, mais également un homme de sciences à part, dont le large spectre d’activités et de<br />
centres d’intérêt révèle sans doute une ambition démesurée visant à l’universalité idéelle, qui<br />
peut être vu conforme à l’idéal de l’érudition humaniste.<br />
Ainsi, la ‘multifocalité’ des champs d’étude potentiels semble déjà justifier l’intérêt quasiment<br />
pluridisciplinaire manifesté de la part des germanistes à son égard.<br />
En ce qui concerne l’état actuel de la recherche fernowienne, on observe, depuis quelque<br />
temps, une certaine tendance à une redécouverte de son œuvre. Ceci est d’autant plus étonnant<br />
si l’on considère le fait que ses écrits étaient, depuis des années, parfaitement tombés dans<br />
l’oubli. Quant à la littérature de recherche portant sur Fernow, deux catégories ressortent<br />
d’emblée: ce sont les sources historico-biographiques d’un côté, et les études propres à la<br />
critique d’art, de l’autre.<br />
Concernant les sources historico-biographiques, on se référera en premier lieu à l’ouvrage de<br />
Johanna Schopenhauer 40 (1810), qui, en tant qu’amie et confidente de longue date, entend<br />
offrir au lecteur surtout une vue globale de la vie et de l’œuvre de l’écrivain Fernow, dont elle<br />
fait aussi le portrait dans son roman intitulé Gabriele sous les traits de la figure romanesque<br />
d’Ernesto. 41<br />
40 Johanna Schopenhauer: Carl Ludwig Fernow’s Leben, Éd. Cotta, Tübingen, 1810. L’auteur estime Fernow<br />
surtout comme «tête brillante» („trefflichen Kopf[es]“) et le considère comme «l’un des plus adorés et des plus<br />
chers» parmi ses hôtes („einer der von mir Geliebtesten und mich Liebendsten“, cf. JS, p. 52). Selon ses dires, elle<br />
passe ses deux dernières années de sa vie avec lui dans «les relations les plus belles d’amitié sacrée et de<br />
confidence mutuelle» („in den schönsten Verhältnissen heiliger Freundschaft und gegenseitigen Vertrauens“, ibid.,<br />
I). Voir à ce sujet également Achim von Arnim: „Carl Ludwig Fernow’s Leben, von Johanna Schopenhauer“, dans:<br />
Berliner Abendblätter, n° 25/26, 1811, ps. 98-111.<br />
41 Idem: Gabriele. Ein Roman, vol. 1-3, Éd. Brockhaus, Leipzig, 1819/20, ainsi que: Gabriele. In sämtlichen<br />
Schriften, vol. 7-9, Éd. Brockhaus et Sauerländer, Leipzig et Francfort/M., 1830. En dernière édition par<br />
Brockhaus, voir à ce sujet le commentaire figurant dans l’annexe de Stephan Koranyi, p. 416: „In der Figur des<br />
Ernesto lassen sich unschwer Züge des [von ihr] verehrten Fernow erkennen.“
15<br />
Suivant l’ordre chronologique, on mentionnera également l’étude de Livia Gerhardt 42 (1908),<br />
qui peut se référer à sa correspondance autobiographique, mais qui n’est plus accessible à la<br />
recherche actuelle. 43<br />
L’article de Fritz Fink, 44 quant à lui, porte essentiellement sur l’activité littéraire et le travail<br />
de Fernow en tant que bibliothécaire de la duchesse Anna Amalia durant ses années à<br />
Weimar.<br />
L’historien Georg Luck 45 , enfin, se concentre surtout, dans son ouvrage intitulé Carl Ludwig<br />
Fernow, sur une reconstruction descriptive du voyage en Suisse, tout en insérant des aspects<br />
d’ordre biographique.<br />
Pour ce qui est des études esthétiques, on se reportera en premier lieu à l’ouvrage d’Herbert<br />
von Einem 46 (1935), qui décrit de plus près les théories de Fernow à l’intérieur du classicisme<br />
allemand.<br />
Irmgard Fernow 47 se concentre également, dans sa thèse (1936), sur l’aspect esthétique, tout<br />
en présentant de manière synthétique les idées philosophiques de Fernow, à partir de la<br />
philosophie kantienne.<br />
Manfred Ebhardt 48 , lui, considère Fernow comme un théoricien de l’art et Deutschrömer, en<br />
le situant, dans son article portant sur l’interprétation de la peinture raphäélienne intitulé Die<br />
Deutung der Werke Raffaels in der deutschen Kunstliteratur (1972), au même rang que<br />
Goethe et Meyer.<br />
42<br />
Livia Gerhardt: Carl Ludwig Fernow, Éd. Haessel, Leipzig, 1908.<br />
43<br />
Voir également à ce sujet HT, p. 9: „Einige seiner Briefe, die von Johanna Schopenhauer und Livia Gerhardt<br />
noch eingesehen werden konnten, sind nicht mehr nachweisbar.“<br />
44<br />
Fritz Fink: Carl Ludwig Fernow. Der Bibliothekar der Herzogin Anna Amalia (1763-1808), Éd. Fink,<br />
Weimar, 1934.<br />
45<br />
Voir Georg Luck, Carl Ludwig Fernow, Éd. Hans Huber, Berne/Stuttgart/Toronto, 1984.<br />
46<br />
Herbert von Einem: Carl Ludwig Fernow - Eine Studie zum deutschen Klassizismus, Éd. Deutscher Verein für<br />
Kunstwissenschaft, Berlin, 1935.<br />
47<br />
Irmgard Fernow: Carl Ludwig Fernow als Ästhetiker - ein Vergleich mit der Kritik der Urteilskraft, Mayr,<br />
Würzburg, [thèse, Univ. Berlin].<br />
48<br />
Manfred Ebhardt: Die Deutung der Werke Raffaels in der deutschen Kunstliteratur, Éd. Körner, Baden-Baden,<br />
1972.
16<br />
La contribution de Harald Tausch 49 et de Lea Ritter Santini 50 (les deux datent de 1998) porte<br />
premièrement sur l’histoire de la collection de la bibliothèque fernowienne et, en particulier,<br />
sur celle de sa collection des gravures.<br />
Harald Tausch 51 (2000), dans son étude, s’intéresse en premier lieu à la question du rôle joué<br />
par Fernow en tant qu’homme des post-Lumières et classiciste ‘civil’, 52 en mettant l’accent<br />
majeur sur le contexte discursif de l’esthétique autonome autour de 1800.<br />
Parmi les publications plus récentes figure l’ouvrage de Janis Sarlak 53 (2003) qui examine de<br />
plus près la notion de style envisagée sous l’aspect d’un classicisme sentimental, aussi à<br />
l’égard de la peinture paysagiste, tout comme l’ouvrage de Franz Joachim Verspohl 54 (2004)<br />
qui s’intéresse en particulier à l’image de Winckelmann véhiculée par Fernow.<br />
De même, on lira avec intérêt les deux ouvrages collectifs rassemblant les actes des deux<br />
colloques consacrés à Fernow s’intitulant Von Rom nach Weimar 55 (1998) et Kunst als<br />
Wissenschaft - Carl Ludwig Fernow, ein Begründer der Kunstgeschichte (2005). 56 Les<br />
renvois littéraires que l’on citera ci-après se réfèrent exclusivement à ces deux ouvrages, dans<br />
lesquels nous avons discerné trois axes thématiques centraux:<br />
1. Les études linguistiques et dialectales (dans les Études romaines),<br />
2. les recherches historiques et littéraires (e. a. de I. Fernow, H. v. Einem et H. Tausch),<br />
3. les analyses philosophiques et esthétiques («Du beau dans l’art», «Du caractéristique» et<br />
«De l’enthousiasme de l’artiste»).<br />
49 Harald Tausch: „Fernows Kupferstichsammlung“, VRW, ps. 130-152.<br />
50 Ibid., Lea Ritter-Santini: „Tausend Bücher - Fernows Bibliothek“, ps. 114-129.<br />
51 Harald Tausch, Entfernung der Antike - Carl Ludwig Fernow im Kontext der Kunsttheorie um 1800, Éd.<br />
Niemeyer, Tübingen, 2000.<br />
52 Ibid., p. 4: „Fernows ziviler Klassizismus ist, so paradox dies auch klingen mag, das Ergebnis<br />
kunsthistorischen Denkens.“<br />
53<br />
Cf. Janis Sarlak: Die Rolle Carl Ludwig Fernows für die Entwicklung des kunsthistorischen Stilbegriffs<br />
‘Sentimentalischer Klassizismus’ im Hinblick auf die deutsche Landschaftsmalerei im 18. Jahrhundert, Éd.<br />
Niemeyer, Tübingen, 2003.<br />
54<br />
Cf. Franz-Joachim Verspohl: Carl Ludwig Fernows Winckelmann: Seine Edition der Werke, Winckelmann-<br />
Gesellschaft (Éd.), Stendal, 2004.<br />
55<br />
Harald Tausch/Michael Knoche (Éd.): Von Rom nach Weimar, Éd. Gunter Narr, Tübingen, 1998.<br />
56<br />
Reinhard Wegner (Éd.): Kunst als Wissenschaft - Carl Ludwig Fernow, ein Begründer der Kunstgeschichte,<br />
Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2005.
17<br />
En ce qui concerne les travaux linguistiques, on évoquera au premier abord l’étude de Herbert<br />
Izzo 57 (1975), qui s’intéresse à l’importance de Fernow en tant que latiniste et chercheur<br />
dialectal.<br />
Dans le même sillage, Jürgen Storost 58 (1990) le présente sous un jour nouveau en tant que<br />
«linguiste aux arguments descriptifs […] qui n’a pas pensé historiquement.» 59<br />
Par ailleurs, on attirera ici l’attention sur le recueil réalisé par Harald Thun 60 et Jörn<br />
Albrecht 61 (1998), qui offre également une vue globale des travaux linguistiques de Fernow.<br />
Quant aux études historico-littéraires, elles se concentrent principalement sur l’influence<br />
intellectuelle exercée par Fernow et son importance au sein de la société weimarienne, de<br />
même que son activité en tant que théoricien de l’art, qu’on ne peut pas toujours délimiter<br />
clairement des études esthétiques, étant donné que les frontières entre les deux s’avèrent<br />
parfois comme étant très floues.<br />
En ce qui concerne la troisième catégorie, Sabine M. Schneider 62 (1998) thématise dans son<br />
article les apories de l’esthétique schillérienne en établissant un lien avec les interprétations<br />
qu’en fait le kantien Fernow.<br />
Helmut Pfotenhauer 63 (1998) se focalise essentiellement sur le caractère à la fois<br />
monumentalisant-défenseur et compensatoire du projet fernowien consacré à l’œuvre de<br />
Winckelmann.<br />
57<br />
Herbert Izzo: Carl Ludwig Fernow as Italian Dialectologist and Romanist, dans: H. J. Niederehe/H. Hamann<br />
(Éd.): In memoriam Friedrich Diez. Akten des Kolloquiums zur Wissenschaftsgeschichte der Romanistik,<br />
Amsterdam, 1976, ps. 125-140.<br />
58<br />
Jürgen Storost: Zur Erforschung der italienischen Dialekte in der deutschen Sprachwissenschaft der ersten<br />
Hälfte des 19. Jahrhunderts, (Italienische Studien), 1990, ps. 55-69.<br />
59<br />
Ibid., p. 62: „ [Fernow] hatte noch keine Vorstellung von der historisch-vergleichenden Methode.“<br />
60<br />
Harald Thun: Die Entstehung einer wissenschaftlichen Gattung - die monographische Dialektübersicht bei<br />
Dante, Denina und Fernow, VRW, ps. 87-113.<br />
61<br />
Jörn Albrecht: „Fernow und die Anfänge der Italianistik in Deutschland“, VRW, ps. 69-86, „Carl Ludwig<br />
Fernow und Christian Joseph Jagemann“, dans: Italien in Germanien - Deutsche Italien-Rezeption von 1750 -<br />
1850, Éd. Gunter Narr, Tübingen, 1996, ainsi que, idem: „Die Italianistik in der Weimarer Klassik - Das Leben<br />
und Werk von Christian Joseph Jagemann (1735-1804)“, Éd. Gunter Narr, Tübingen, 2006, ps. 227-241.<br />
62<br />
Sabine M. Schneider: „Die Krise der Kunst und die Emphase der Kunsttheorie“, VRW, ps. 52-69.<br />
63<br />
Ibid., H. Pfotenhauer: „Fernow als Kunsttheoretiker in Kontinuität und Abgrenzung von Winckelmanns<br />
Klassizismus“, ps. 38-52.
18<br />
En ce qui concerne la première catégorie, Klaus Manger 64 (1998) situe Fernow dans le cercle<br />
relationnel entre Goethe et Meyer, tout en mettant en lumière l’organisation structurelle et le<br />
programme de propagande des Amis de l’art weimariens qu’il désigne comme étant un<br />
apotropaion culturel dirigé contre le mouvement romantique.<br />
Jochen Golz 65 (1998) portraitise Fernow comme un homme des post-Lumières et auteur de<br />
lettres, ce qu’il démontre à partir des documents historiques de l’œuvre épistolaire, illustrant<br />
les contacts personnels durant les années 1804-1808.<br />
En l’occurrence, Reinhard Wegner 66 (2005) met l’accent scientifique principalement sur la<br />
position de Fernow dans le contexte des débuts de l’histoire de l’art, qui coïncide avec le<br />
deuxième séjour à Jéna, tout en prenant aussi en considération l’aspect de l’histoire de<br />
l’université.<br />
Dans la même optique, Harald Tausch 67 (2005) s’intéresse aux influences multiples que<br />
Fernow connaît dans le réseau relationnel tissé autour de Karl Leonhard Reinhold, Johann<br />
Gottlieb Fichte et Johann Benjamin Erhard durant son séjour à Jéna et démontre dans quelle<br />
mesure le contexte philosophique a une incidence sur l’évolution de sa pensée esthétique sur<br />
un art dit autonome.<br />
Johannes Grave 68 (2005) s’attache à reconstruire l’importance de Fernow et sa position<br />
philosophique dans le cercle restreint regroupé autour de Goethe, Schiller et Aloys Hirt, et les<br />
Schellingiens, tout en sondant de près son activité en tant que maître de conférences à Jéna.<br />
Markus Bertsch 69 (2005) s’interroge davantage sur la relation corrélative entre artiste et<br />
biographe, qu’il illustre à travers une comparaison contrastée entre Fernow/Johann Christian<br />
Reinhart et Goethe/Philipp Hackert.<br />
64 Cf. note n° 37, ibid., ainsi que, idem: „Das Italienbild des klassischen Weimar nach Jagemann: Carl Ludwig<br />
Fernow“ in: Die Italianistik in der Weimarer Klassik - Das Leben und Werk von Christian Joseph Jagemann<br />
(1735-1804), Jörn Albrecht und Günter Kofler (Éd.), Narr, Tübingen, 2006, ps. 227-241.<br />
65 Jochen Golz: „Fernow in Weimar“, VRW, ps. 1-19.<br />
66 Reinhard Wegner: „Fernow in Jena“, KAW, ps. 60-81.<br />
67 Ibid., Harald Tausch: „Von Jena nach Rom“, ps. 130-153.<br />
68 Johannes Grave: „Weimarer Versatzstücke in Carl Ludwig Fernows ‘Römischen Studien’“, KAW, ps. 82-97.<br />
69 Ibid., Markus Bertsch: „Fernow und Reinhart“, ps. 98-130.
19<br />
Klaus Manger 70 démontre à l’aide de la biographie de Carstens que la technique narrative de<br />
Fernow se trouve dans la tradition du Tableau de Paris par Louis-Sébastien Mercier, à la<br />
différence de Jean-Jacques Barthélémy dans son ouvrage Voyage du jeune Anarcharsis, ce<br />
qu’il identifie également comme un phénomène européen dans la littérature d’artistes. 71<br />
En l’occurrence, l’étude de Martin Dönike 72 soulève la question de l’authenticité du portrait<br />
que Fernow brosse de son ami à travers sa biographie consacrée à Carstens, ce qu’il examine<br />
à partir d’une comparaison entre les thèmes traditionaux et les structures spécifiques du roman<br />
d’artiste.<br />
Pour ce qui est de l’importance de la monographie d’artiste par rapport au développement des<br />
formes de publication modernes, le lecteur découvrira avec intérêt l’article de Karin Hellwig<br />
(2005), 73 qui montre dans quelle mesure le genre de la biographie d’artiste s’insère<br />
parfaitement dans la continuité des formes littéraires traditionnelles.<br />
En raison de divers champs d’activité de Fernow et la présence d’une partie mineure des corps<br />
de texte cohérents, il faut considérer quelques parties de son œuvre complexe comme étant<br />
peu explorées. Ainsi, nous voudrions esquisser ici brièvement des axes potentiels de<br />
recherche, qui pourraient faire l’objet de travaux futurs. 74<br />
Quant aux lettres classiques, il y a quelques aspects didactiques et pédagogiques dans les<br />
études de Fernow sur la langue italienne qui mériteraient encore une certaine attention,<br />
comme par exemple ses réflexions quant à la définition du signe linguistique 75 (evtl. Le signe<br />
70 Ibid., Klaus Manger: „Fernows literarische Formen“, ps. 166-183.<br />
71 Voir aussi idem (Éd.): „Italienbeziehungen des klassischen Weimar“, Éd. Niemeyer, Tübingen, 1991, ps. 181-<br />
196.<br />
72 Martin Dönike: „Fernows Carstens - ein treues Charakterbild?“, KAW, ps. 144-165 et idem: Pathos, Ausdruck<br />
und Bewegung. Zur Ästhetik des Weimarer Klassizismus, Éd. de Gruyter, Berlin, 2005, ps. 293-284.<br />
73 Ibid., Karin Hellwig: Carl Ludwig Fernows Bedeutung für die Künstlerbiographie der ersten Hälfte des 19.<br />
Jahrhunderts, ps. 131-143.<br />
74 Cf. HT, p. 12 s.<br />
75 Ainsi Fernow était à la recherche d’une sorte de clef universelle pour la systématisation des langues romaines,<br />
en prenant comme point de départ la clef des langues de Denina. Dans son article dédié à Uhden Sur les<br />
dialectes dans la langue italienne (RS, III, à partir de la page 209), il regrette de ne pas avoir terminé ses<br />
recherches, étant donné qu’il s’était surtout concentré, durant ses études linguistiques, sur le saisi global des<br />
dialectes italiens, les dramaturgies d’Allacci et les Cansonette romanze.
20<br />
esthétique?), au sujet de la grammatologie (Manuel de la langue italienne pour<br />
germanophones), ainsi que de la dialectologie (Des dialectes de la langue italiennes). On<br />
pourrait également faire une approche tenant compte des aspects poétologiques («De<br />
l’imitation des improvisateurs italiens» dans Prométhée). A part cela, une comparaison de la<br />
monographie d’artiste de Fernow Leben des Ludovico Ariosto’s des Götlichen avec l’ouvrage<br />
de Giovanni Andrea Barotti offre un aspect thématique potentiel, et Raccolti dei autori<br />
classici italianin (Dante, Pétrarque, Arioste, Tasso), de même qu’une analyse approfondie de<br />
l’image que Fernow brosse de l’Italie («Portraits des mœurs et de la culture à Rome», «Des<br />
improvisateurs»).<br />
Dans le domaine germanistique, quelques champs resteraient encore à explorer de près,<br />
comme par exemple le lyrisme (e. a. Thalia, Le livret de Heidelberg, L’almanach des muses et<br />
L’anthologie lyrique de Matthison), le commentaire (dans Les œuvres de Winckelmann et evtl.<br />
Raccolti dei autori classici), ainsi que la rhétorique des dédicaces (p. ex. le duc de Weimar, F.<br />
Brun, Wächter, Seume, Hirt etc.).<br />
L’étude de la critique fernowienne portée à l’art et à la culture dans ses œuvres et<br />
contributions, comme par exemple dans ses travaux archéologiques («La statue de Minerve à<br />
Cori», «Les affaires de pillage en Italie» et «Des théâtres amovibles de Kurio»), ainsi que la<br />
thématique de ses rapports journalistiques (dans: Les nouvelles en art et littérature), sans<br />
oublier les très nombreuses critiques littéraires (e. a. contenu dans le Mercure allemand, Le<br />
journal du luxe et des modes et le Journal général littéraire de Jéna) offriraient également un<br />
intérêt particulier. A part cela, une réédition de la correspondance de Fernow et d’un choix de<br />
ses lettres, ainsi qu’une sélection de ses écrits et essais propres à la critique d’art seraient très<br />
souhaitables. Harald Tausch élabore actuellement une telle édition de ses œuvres.<br />
Ainsi pouvons-nous dès maintenant, à l’égard de nos considérations précédentes, justifier le<br />
point de départ de la présente thèse portant sur la vie et l’œuvre de Carl Ludwig Fernow, qui a
21<br />
pour premier but de présenter sous un jour nouveau la genèse de ses idées sur la théorie de<br />
l’art, aussi en examinant les aspects socioculturels et anthropologiques de son temps.<br />
Pour ce qui est des principaux axes de recherche du présent travail de thèse, on tentera, en<br />
première partie, de reconstruire les sources philosophiques ayant nourri sa pensée esthétique<br />
et surtout les écrits de Kant, de Schiller et de Winckelmann, tout en opérant une sélection des<br />
textes les plus importants dont nous estimons qu’ils présentent un intérêt particulier pour la<br />
présente analyse. Ainsi, nous allons nous concentrer, dans une première partie, sur les sources<br />
à l’origine de sa compréhension de l’art (comme la philosophie transcendantale de Kant,<br />
l’idéalisme esthétique de Schiller et le classicisme de Winckelmann), tout en démontrant le<br />
détournement progressif opéré par Fernow de l’unilatéralité ou l’homonomie 76 de la pensée<br />
classiciste. Puis, nous nous demanderons dans quelle mesure les monographies d’artistes de<br />
Fernow comportent des thèses sociocritiques, dirigées seulement contre la politique de<br />
formation des académies, mais également contre l’hétéronomie de la production artistique de<br />
son temps. Cet aspect sera envisagé sous la forme d’une comparaison de la monographie<br />
d’Arioste à celles d’Antonio Canova et d’Asmus Jakob Carstens.<br />
A partir d’une analyse discursive de ses écrits sur la théorie de l’art, comme par exemple des<br />
contributions centrales portant sur l’esthétique contenues dans le premier tome des Études<br />
romaines, 77 intitulé «Du beau dans l’art», «Du caractéristique» et «De l’enthousiasme de<br />
l’artiste», nous tenterons, en troisième partie, de présenter de manière synthétique les traits<br />
fondamentaux de l’esthétique autonome de Fernow, en prenant en considération des passages<br />
de texte appropriés, afin de rendre justice, de façon cohérente et sous un nouveau jour, à la<br />
valeur propre de ses approches théoriques sur le terrain de l’esthétique.<br />
76 Par le néologisme d’homonomie que nous venons de créer (du grec ὁµο égal/νόµος principe législatif) nous<br />
entendons dans ce contexte généralement toute orientation unilatérale sur un horizon de référence normatif.<br />
77 Carl Ludwig Fernow: Römische Studien, vol. I-II, Éd. Gessner, Zurich, 1806.
22<br />
La thèse classique ou les inspirations de<br />
l’homonomie classiciste:<br />
Fernow dans la continuité et en délimitation avec l’idéal de l’art antique
23<br />
I. 1. Immanuel Kant: «…quelle richesse créatrice d’idées»<br />
Le philosophe qui a probablement façonné le plus la pensée esthétique de Fernow est sans<br />
doute Immanuel Kant. 78 Ainsi, nous proposons ici de nous intéresser, dans un premier temps,<br />
à son adaptation des thèses kantiennes afin d’examiner, dans un deuxième temps, dans quelle<br />
mesure on peut décrypter dans celles-ci des influences venant de l’idéalisme allemand. Dans<br />
deux lettres, adressées chacune à son ami et mécène Jens Baggesen 79 et à son ancien<br />
professeur Leonhard Reinhold, 80 Fernow manifeste son enthousiasme initial pour la<br />
philosophie de Kant, en se disant fasciné par sa «richesse intarissable d’idées», dans laquelle<br />
il croit déceler une «révélation pour l’esthétique», qui, selon ses dires, a pénétré son esprit<br />
avec une «clarté lumineuse»: […] je me réjouis indiciblement de découvrir chaque jour comme le<br />
développement kantien du beau et au fond tout ce qui est contenu dans la Critique de la faculté de juger s’avère<br />
comme étant tellement fructueux, en ce qui concerne l’application sur l’art et le jugement des œuvres d’art et<br />
quelle abondance, quelle richesse créatrice d’idées est fondée dans cette nouvelle apparition pour l’esthétique. 81<br />
Et, plus loin:<br />
[…] toutes mes études de l’art se concentrent sur la réduction des arts plastiques sur des principes<br />
philosophiques, et l’application réciproque de ceux-ci dans le jugement. Je ne puis vous dire comment cela me<br />
réjouit de me laisser convaincre à la fois par l’accord de l’expérience à maints égards avec les principes de base<br />
78 Nous nous concentrons ici principalement sur l’œuvre théorique majeure de Kant, la Critique de la faculté de<br />
juger, première partie, vol. 5, 1790. C’est le professeur Reinhold qui initie Fernow aux thèses de Kant.<br />
79 Jens Immanuel Baggesen rencontre à Weimar et Jéna des personnages littéraires et adeptes de la francmaçonnerie<br />
comme Wieland, Schiller, Jacobi, Klopstock, Bode, Voβ et Reinhold (cf.: Le labirinthe ou voyage en<br />
Suisse par l’Allemagne en Suisse, 1789). Dans ce même cercle de la loge de Gotha nommé A la boussole („zum<br />
Kompaβ“), il rencontre aussi Fernow en 1790, qui s’y essaie comme peintre. Ainsi, ce dernier fait le portrait de<br />
Baggesen en compagnie de sa femme Sophie. Cf. Luck, 1984, p. 15: „Fernow malte das junge Ehepaar und<br />
Baggesen, der ihn sofort lieb gewann, schlug ihm vor, gemeinsam eine Reise durch Schweiz nach Italien,<br />
Sizilien und Spanien zu unternehmen.“ Étant donné qu’il n’y plus de place dans le carrosse de Baggesen, Fernow<br />
finance son voyage en faisant de petits travaux qu’il trouve également par l’intermédiaire du Danois. Cf. aussi:<br />
Jens Baggesen und die deutsche Philosophie, Éd. Universitätsverlag, Leipzig, 1914.<br />
80 Voir à ce sujet: „Eine Reihenfolge von Briefen Fernow’s. An Reinhold in Jena und Kiel“, dans: Penelope -<br />
Taschenbuch für das Jahr 1844, Theodor Hell (Éd.), Éd. Hinrichs, Leipzig, 1844, ps. 313-385.<br />
81 Fernow, lettre adressée à Baggesen du 20 février 1795, cité selon Livia Gerhardt, 1908, p. 77: „[…] es freut<br />
mich unsäglich, täglich zu finden, wie die kantische Entwicklung des Schönen und überhaupt alles, was in seiner<br />
Kritik der Urteilskraft enthalten ist, in der Anwendung auf Kunst und Beurteilung von Kunstwerken so fruchtbar<br />
erscheint, und welche Fülle, welch ein unerschöpflicher Reichtum von Ideen […] in dieser neuen Offenbarung<br />
für die Ästhetik liegt.“
24<br />
a priori issues de la vérité kantienne, comme par l’examen de la justesse de mon essai de calcul […] j’ai<br />
réexaminé [à Rome] la critique du jugement et je puis bien dire que son esprit […] a pénétré le mien avec une<br />
clarté splendide. 82<br />
Afin de reconstruire le lien idéel entre Fernow et l’esthétique de Kant, il suffit déjà de jeter un<br />
regard dans l’immense collection des ses œuvres philosophiques, y compris les divers<br />
manuscrits et écrits esthétiques, qui sont pour la majorité sauvegardés dans les archives,<br />
dédiés à Goethe et Schiller. Parmi ces ouvrages de référence figure également une édition<br />
ancienne de l’œuvre de Kant, la Critique de la faculté de la raison pratique, 83 datant de 1788<br />
et qui est annotée par Fernow. Cette œuvre nous fournit de nombreux indices sur l’étude<br />
approfondie que Fernow a vouée à la lecture de la philosophie kantienne durant son séjour à<br />
Jéna. C’est par le biais du professeur Reinhold, 84 qui détient la chaire de philosophie dans ce<br />
même établissement, que Fernow entre pour la première fois en contact avec les idées<br />
kantiennes, pour lesquelles il s’enthousiasmera sa vie durant. A cela, il doit également sa<br />
réputation comme kantien au sens strict du terme. 85 Il faut cependant remettre en question la<br />
thèse selon laquelle on peut considérer Fernow, comme certains lui en firent reproche, comme<br />
«vulgarisateur des idées kantiennes», 86 «réciteur de Kant» 87 ou même comme «un kantien<br />
82<br />
Fernow, dans une lettre à Reinhold datant du 18 juillet 1796, à Johanna Schopenhauer, voir référence ailleurs,<br />
ps. 251 et 258.<br />
83<br />
Cette première édition de la Critique de la raison pratique de 1788, consultée et annotée par Fernow, est<br />
actuellement conservée à la bibliothèque Anna Amalia à Weimar.<br />
84<br />
Fernow est considérablement influencé par l’interprétation que Reinhold fait des thèses kantiennes, dont il a<br />
probablement pris connaissance par le biais de son ancien professeur Walther (l’ami de Reinhold et de Wieland),<br />
avant qu’une rencontre personnelle entre Fernow et Reinhold n’ait vraiment eu lieu pendant son séjour à Jéna<br />
(1803). La correspondance de Fernow témoigne également d’un important échange épistolaire avec Reinhold. Cf. la<br />
lettre de Fernow à Johann Gottlieb Carl Nauwerck datant du 16 novembre 1793, cité d’après Livia Gerhardt, 1908,<br />
p. 29: „Ich habe diesem Manne, dem edelsten, den ich je kannte, unendlich viel zu verdanken; er hat in meinem<br />
Kopfe gewaltig aufgeräumt, und ihm habe ich auch die Wendung meines Schicksals zu verdanken.“ Au sujet de<br />
Reinhold cf. également Ernst Cassirer: Das Erkenntnisproblem in der Philosophie und Wissenschaft der neuesten<br />
Zeit, III, Berlin, 1920, p. 33 ss.<br />
85<br />
Voir le commentaire de Fernow à ce sujet: „Ich bin bei einigen schon als ein Kantianer, d. h. bei ihnen als ein<br />
Mensch, der viele unverständliche Orakelsprüche und Spitzfindigkeiten in sein Kopf gepfropft hat, bekannt.“<br />
Voir: Aus Jens Baggesens Briefwechsel mit Karl Leonhard Reinhold und Friedrich Heinrich Jakobi, partie II,<br />
Leipzig, 1831, p. 376.<br />
86<br />
Voir la remarque de Gerhard von Rumohr au cours d’une table ronde au sujet de Kant, cité selon Atanazy<br />
Raczynski: Die neuere deutsche Kunst, vol. III, 1841: „Fernow hingegen entrückte die Ansichten Carstens […]<br />
indem er sie in die Schulsprache der Kantischen Philosophie (wohl vergeblich) zu übersetzen versuchte.“<br />
87<br />
Voir la remarque critique de Hegel au sujet des lectures de Fernow à Jéna, émise dans une lettre à August<br />
Wilhelm Schlegel du 16 novembre 1803: „[…] man sagt er lese Ihnen Kantische Defini[tionen] ab.“ Cf. à ce
25<br />
abstrait et prêcheur populaire», 88 tout comme la question de savoir si Fernow a vraiment mal<br />
compris le modèle, à la fois eschatologique et apocalyptique, 89 de l’histoire, 90 tel que Kant le<br />
conçoit sur la «fin de toutes les choses», 91 quand il tente de fonder de manière théorique une<br />
doctrine sur l’art qui se veut atemporel. 92 Il reste à souligner que Fernow envisage<br />
principalement «toute loi originaire de la conscience sur laquelle repose toute conception<br />
esthétique, toute notion de contenu de la nature ou de l’art», 93 en se servant des «principes<br />
kantiens […] pour saisir plus profondément qu’avant le contenu atemporel et éternel de l’art<br />
ancien et nouveau.» 94 Il est vrai, dans un premier temps, que Fernow s’inspire essentiellement<br />
des conceptions et des modèles de pensée kantiens. Or, dans un deuxième temps, on observe<br />
chez lui aussi un certain degré d’autonomie idéelle, car il quitte par moments délibérément le<br />
terrain kantien, afin de fonder sa propre théorie esthétique dite idéale, 95 qui se veut à la fois<br />
normative et autonome, mais qui n’a pas trouvé l’aboutissement concret dans une «œuvre<br />
sujet également une lettre d’Alexander von Humboldt adressée à Goethe datant du 28 janvier 1803, dans laquelle<br />
il parle de ses points de vue «bornés» („beschränkten Ansichten“). Voir H. Schmidt: Ein Jahrhundert römischen<br />
Lebens. Von Winckelmanns Romfahrt bis zum Sturz der weltlichen Papstherrschaft, Leipzig, 1904, p. 44.<br />
88<br />
Cf. lettre de Georg Zoëga adressée à Friederike Brun, 7. Prairial a. 6. [25 mai 1798], dans Welcker 1913, vol.<br />
2, p. 115 s.<br />
89<br />
Mike Sandbothe: „Von der Grundverfassung des Daseins zur Vielfalt der Zeit-Sprachspiele“, paru dans:<br />
Heidegger-Handbuch, Dieter Thomä (Éd.), Éd. Metzler, Stuttgart, 2003, ps. 87-92.<br />
90<br />
Manfred Riedel: „Geschichte als Aufklärung. Kants Geschichtsphilosophie und die Grundlagenkrise der<br />
Historiographie“, dans: Neue Rundschau, n° 84, (1973), ps. 289-308.<br />
91<br />
Immanuel Kant: „Das Ende aller Dinge“, dans: Kants sämmtliche kleine Schriften. Nach der Zeitfolge<br />
geordnet, vol. 3, Königsberg et Leipzig, 1797, p. 507: „Für ein Wesen, welches sich seines Daseyns und der<br />
Gröβe desselben (als Dauer) nur in der Zeit bewusst werden kann […] Denken aber ein Reflektiren enthält,<br />
welches selbst nur in der Zeit geschehen kann.“<br />
92<br />
HE, p. 83: „Fernows Kunstlehre macht den Versuch allgemeine und notwendige Gesetze für die Kunst<br />
aufzustellen, die für alle Zeiten gültig sind, und nach denen alle einzelnen Kunsterscheinungen gerichtet werden<br />
können.“<br />
93<br />
Ernst Cassirer: Kants Leben und Lehre, Berlin, 1921, ici p. 330: „[…] ursprüngliche[n] Gesetzlichkeit des<br />
Bewusstseins, auf welcher jedwede ästhetische Auffassung, jedwede Bezeichnung eines Inhalts der Natur oder<br />
der Kunst [beruht].“<br />
94<br />
HE, p. 82: „[…] die kantischen Prinzipien […] nur Hilfsmittel [sind], den überzeitlichen, ewigen Gehalt der<br />
alten und neuen Kunst tiefer, als es bisher möglich war zu erfassen.“<br />
95<br />
La notion d‘‘ idéalique’ est un élément de discours fréquemment employé dans les écrits esthétiques de<br />
Fernow, afin de décrire un art, qu’il oriente généralement à l’idéal de beauté de l’art caractéristique, Cf. RS, II, p.<br />
XII, au sujet du colorit: „Die bisherige Vieldeutigkeit der Ausdrücke ideal und idealisch deren wahrer Sin, bei<br />
dem mechanischem Treiben der Kunst, und bei dem steten Schwanken derselben zwischen geistloser<br />
Nachahmung des Wirklichen und gesezloser Willkür, fast ganz verloren gegangen war, hat auch in diesem Theile<br />
der Kunst die grösten Misbräuche veranlast und begünstigt, die nur durch eine gründliche Einsicht in das Wesen<br />
des Kolorits, und die Zurückführung des Studiums auf karakteristische Wahrheit in Ton und Materie, getilgt<br />
werden.“
26<br />
accomplie», 96 dont la théorie esthétique aurait pu s’insérer dans le cadre d’un système<br />
philosophique clos aux interconnexions cohérentes et logiques. Ceci a pour conséquence<br />
qu’on est amené à reconstruire la genèse de ses théories sur l’art à partir de ses essais<br />
esthétiques, et à les mettre en perspective à l’égard d’éventuelles influences liées au contexte<br />
historique. Tout d’abord, on remarquera dans ce contexte que, malgré l’hétérogénéité idéelle<br />
qui s’offre à première vue, on peut néanmoins distinguer une certaine homogénéité dans la<br />
pensée à ce sujet. L’une des constantes est sans doute la «pénétration idéelle» 97 de sa pensée<br />
esthétique par les principes kantiens, qui peut être décrite moins comme un «système d’une<br />
évolution idéelle», 98 mais plutôt comme une systématisation sous la forme d’une libre<br />
adaptation. Comme Irmgard Fernow le constate, il se sert ainsi à maintes reprises des<br />
«terminologies kantiennes» 99 et des notions similaires, ce qui, par moments, peut intriguer le<br />
lecteur. De même, Fernow suit toujours, dans son argumentation philosophique, le même<br />
triple pas argumentatif, c’est-à-dire une organisation triadique dans le traité philosophique<br />
que Kant privilégie également comme procédé synthétique avant l’analytique. 100 En outre,<br />
l’organisation idéelle de la conception fernowienne de l’art correspond tout à fait aux trois<br />
96 Irmgard Fernow, 1936, p. 14: „Von Fernows Ästhetik gilt im besonderen, was über sein Werk im allgemeinen<br />
gesagt wurde: er hat sie der Nachwelt nicht zu einem System verdichtet hinterlassen können.“<br />
97 Cf. Fernow, lettre à Reinhold datée 18 juillet 1796, citée selon Johanna Schopenhauer, 1810, p. 251 et p. 258.<br />
98 Cf. HE, p. 79: „Fernows Werk ist weniger die fortschreitende Entfaltung einer ihm eigenen, zunächst nur<br />
keimhaft vorhandenen Idee, sondern vielmehr die bewusste Anwendung einiger schon anfänglich feststehender,<br />
von ihm als richtig erkannter philosophischer Prinzipien auf ein bestimmtes geistiges Gebiet und seine<br />
Durchdringung mit diesen Prinzipien. Seine Entwicklung (wenn man überhaupt von ihr sprechen will) ist mehr<br />
eine stoffliche Bereicherung als ein gedankliches Fortschreiten.“<br />
99 Ibid., IF, p. 15: „Die Tatsache dieses Durchdrungenseins von kantischem Geist wird schon beim einfachen<br />
Lesen seiner Schriften evident; nicht allein dass er sich ständig kantischer Terminologie bedient, vermittelt er<br />
bisweilen - sich selbst scheinbar nicht unbewuβt - sätzeweis seine Ansichten in kantischen Wortlaut, so dass man<br />
sich fast an das Verhältnis Chatterton’s zu Chaucer erinnert fühlt.“<br />
100 Kant écrit dans la préface de la Critik der Urtheilskraft (voir réf. ailleurs): „Man hat es bedenklich gefunden,<br />
dass meine Einteilungen in der reinen Philosophie fast immer dreiteilig ausfallen. Das liegt aber in der Natur der<br />
Sache. Soll eine Einteilung a priori geschehen, so wird sie entweder analytisch sein, nach dem Satze des<br />
Widerspruchs; und da ist sie jederzeit zweiteilig (quodlibet ens est aut A aut non A). Oder sie ist synthetisch;<br />
und, wenn sie in diesem Falle aus Begriffen a priori (nicht, wie in der Mathematik, aus der a priori dem Begriffe<br />
korrespondierenden Anschauung) soll geführt werden, wo muβ, nach demjenigen, was zu der synthetischen<br />
Einheit überhaupt erforderlich ist, nämlich 1, Bedingung 2, ein Bedingtes 3, der Begriff, der aus der Vereinigung<br />
des Bedingten mit seiner Bedingung entspringt, die Einteilung notwendig Trichotomie sein.“
27<br />
complexes idéels formant également la clef de voûte théorique de l’esthétique transcendantale<br />
de Kant: 101<br />
1. La théorie sur le beau dans l’art,<br />
2. la théorie sur le sublime dans l’art,<br />
3. la théorie sur le génie artistique.<br />
A partir de Kant, Fernow va par la suite sanctionner le modèle de la triplicité esthétique, qui<br />
consiste à subordonner trois buts partiels à une finalité supérieure de l’art:<br />
Idéalité =<br />
beauté + caractère ⇒ Le but final de l’art<br />
Nous allons encore nous intéresser de plus près à l’organisation de ces thématiques complexes<br />
au cours du troisième chapitre du présent travail. Concentrons-nous ici principalement sur<br />
l’origine des idées et conceptions esthétiques de Fernow dans le contexte de la Critique de la<br />
faculté de juger. Comme Irmgard Fernow le souligne, le fait que Fernow sorte la partie<br />
portant sur la philosophie de l’art de son ancrage contextuel de l’œuvre philosophique de<br />
Kant, et la considère de façon isolée comme ‘esthétique’, représente une nouveauté dans le<br />
domaine de l’analyse scientifique. 102 La prise de distance consciente qui résulte de cette<br />
restriction thématique vis-à-vis des études traditionnelles sur Kant paraît en revanche comme<br />
une conséquence logique de ses propres ambitions philosophiques, mais qui reste toutefois<br />
ancrée dans le sillage des thèses kantiennes, étant donné que celles-ci comportent encore<br />
beaucoup d’aspects nouveaux 103 qu’il voudrait rendre accessible à l’esthétique. Au delà, il lui<br />
101 Ibid.<br />
102 Cf à ce sujet également IF, p. 18: „Der grundlegende Unterschied zwischen Kant und Fernow ist, daβ dieser -<br />
wie ja z. B. auch Schiller - die kantische Lehre für das Gebiet der Kunst allein nutzbar gemacht hat - also, von<br />
Kant aus gesehen, eine Beschränkung auf einen kleineren Bereich vorgenommen hat.“<br />
103 Cf. S[amuel] Ersch et J[ohann] [Gottfried] Gruber: Allgemeine Encyclopädie der Wissenschaften und Künste,<br />
I, 43, Leipzig, 1846, p. 169 s.: „Der Einfluβ der Kantischen Philosophie wird auch auf die Bildung des<br />
Geschmackes von schönen Kunstwerken wichtig sein, wenn ihre Grundsätze von kunsterfahrenen Kennern<br />
richtig angewendet werden. - Hier ist noch viel ungebautes Land, soviel auch über Kunst bisher geschrieben ist.“
28<br />
importe de «mettre en marche une critique de l’art plus approfondie.» 104 Ainsi, il juge comme<br />
«pitoyable et plat» 105 la «philosophie scolaire» 106 diffusée par des «causeurs d’art<br />
prétentieux», 107 qu’il considère avant tout comme étant homonome. A la différence de ces<br />
esthéticiens à la mode, Fernow cherche à légitimer une nouvelle doctrine de connaissance<br />
selon des critères objectifs, ce qu’il voudrait atteindre concrètement par l’abstraction des<br />
thèses kantiennes. Ainsi, le sentiment de l’art résulte chez Fernow, comme chez Kant, d’une<br />
disposition naturelle de l’esprit humain, 108 qui, de ce fait, est subjectif. 109 La difficulté, qui se<br />
pose d’emblée à Fernow est donc la quête d’un nouvel horizon de référence objectif, c’est-à-<br />
dire une base de légitimation se situant hors du subjectif, lui permettant d’objectiver ou de<br />
trouver des normes scientifiques propres au sentiment de l’art. Et nous voilà arrivés au<br />
problème principal de l’esthétique fernowienne. Herbert von Einem a déjà souligné la<br />
difficulté d’une telle entreprise scientifique reposant principalement sur la question de la<br />
légitimation objective d’une esthétique transcendantale. Une question s’impose d’emblée:<br />
Comment peut-on fonder la faculté de juger du sujet contemplant l’objet esthétique, qui, selon<br />
104 Cf. Aus Jens Baggesens Briefwechsel, voir ailleurs, p. 376: „Ich hoffe es dahin zu bringen, daβ wenigstens<br />
eine gründlichere Kunstkritik in Gang komme […].“<br />
105 Ibid., s.: „[…] denn die Begriffe von Kunst, Schönheit usw., die hier, selbst bei den Menschen von denen man<br />
etwas Besseres zu erwarten berechtigt ist, kursieren, sind erbärmlich und seicht. Die Antiquare sind, was das<br />
Wissen, was Belesenheit, Buchgelehrsamkeit und Gedächtnis betrifft, wahre Kolosse; sie haben ganze<br />
Bibliotheken. Zeit- und Namenregister, ich weiβ nicht im Kopf oder im Magen, aber sie sind Zwerge und<br />
Krüppel, sobald sie über irgend etwas raisonniren und nicht bloβ Gelerntes, sondern Gedachtes sagen sollen.“<br />
106 Cf. à ce sujet un autre commentaire de Fernow dans RS, I, p. 310 s.: „Das algemeine Geschwäz über die<br />
Künste, wie es in unseren Ästhetiken gewönlich getrieben wird, hat weder für den Künstler, noch für das<br />
Publikum den geringsten Nutzen, und dient blos, eine Menge seichter und anmaβender Kunstschwäzer zu<br />
bilden, die, mit den eben so leren Formeln ihrer erlernten Schulfilosofie ausgerüstet, sich zu Gesezgebern und<br />
Richtern des Geschmaks aufwerfen, und in der Anwendung ihrer hohlen Ästhetik auf die Kunst selbst die<br />
ungemeintesten Dinge vorbringen, die von der gläubigen Menge als Orakelsprüche aufgenommen und<br />
nachgebetet werden.“<br />
107 Ibid. Voir citation précédente.<br />
108 Kant définit l’esprit comme la faculté de la réprésentation des idées esthétiques comme force d’imagination,<br />
cf. § 49: Von den Vermögen des Gemüts, welche das Genie ausmachen, 192/193, A 190, p. 413: „Geist, in<br />
ästhetischer Bedeutung, heiβt das belebende Prinzip im Gemüte. Dasjenige aber, wodurch dieses Prinzip die<br />
Seele belebt, der Stoff, den es dazu anwendet, ist das, was die Gemütskräfte zweckmäβig in Schwung versetzt, d.<br />
i. ein solches Spiel, welches sich von selbst erhält und selbst die Kräfte dazu stärkt. Nun behaupte ich, dieses<br />
Prinzip sei nichts anders, als das Vermögen der Darstellung ästhetischer Ideen; unter einer ästhetischen Idee<br />
aber verstehe ich diejenige Vorstellung der Einbildungskraft, die viel zu denken veranlaβt […].“<br />
109 Cf. Denis Dumouchel: Kant et la subjectivité esthétique. Esthétique et philosophie avant la Critique de la<br />
faculté de juger, Éd. Vrin, Paris, 1999.
29<br />
Kant, est purement subjective, car elle dépend de la notion de goût, qui est fortement<br />
individuelle et donc variable, puisque propre à chacun, de manière objective? A première vue,<br />
une telle entreprise scientifique apparaît comme une quadrature du cercle. D’après un<br />
commentaire d’Herbert von Einem, il ne serait «ni hasard ni arbitraire que la théorie de l’art<br />
de Fernow a dû être influencée d’une manière décisive par Kant», 110 étant donné qu’au centre<br />
de l’esthétique kantienne on trouve aussi la question à laquelle Fernow s’est consacré de<br />
façon intense, à savoir celle de l’objectivité qui trouve son origine dans le sujet même. 111 Pour<br />
résoudre ce problème, qui réside notamment dans la causalité, Kant évoque dans un premier<br />
temps le jugement esthétique du goût d’un principe sur la perception sensualiste, 112 qui,<br />
d’après lui, est toujours lié à la volonté d’atteindre un but et la sensation d’une envie ou, au<br />
contraire, d’une désenvie. Celui-ci s’oriente d’abord vers l’intention, et est donc subjectif, car<br />
il obéit exclusivement à la faculté du jugement et du désir humains, et, de ce fait, doit se<br />
distinguer forcément de l’utilité pratique (=objective) de la nature. 113 Fernow tente en<br />
revanche d’annihiler cette antinomie existante par la sublimation de l’art comme une «nature<br />
supérieure.» 114 Par cette sublimation imaginaire, il accorde à l’art un caractère idéal qui<br />
n’obéit à aucune conceptualité et, de ce fait, s’avère comme étant diamétralement opposé aux<br />
110<br />
HE, p. 81: „kein Zufall und keine Willkür, daß Fernows Kunstlehre entscheidend von Kant bestimmt werden<br />
muβste.“<br />
111<br />
Schiller poursuit dans ses lettres adressées à Johann Gottfried Körner une intention similaire. Cf. aussi le<br />
commentaire de Goethe au propos de l’objectivité scientifique dans: „Versuch über die Vermittlung zwischen<br />
Subjekt und Objekt“, envoyé à Schiller le 17 janvier 1788, publié en 1823, dans les œuvres de Goethe: „Der<br />
Versuch als Vermittler von Objekt und Subjekt“, Hamburger Ausgabe [HA], Munich, 8 1981, vol. 13 (14), ps. 10-<br />
20.<br />
112<br />
KU, § 39: „Von der Mittelbarkeit einer Empfindung“, B 153, A 151, p. 386: „Wenn Empfindung, als das<br />
Reale der Wahrnehmung, auf Erkenntnis bezogen wird, so heiβt sie Sinnenempfindung; und das Spezifische<br />
ihrer Qualität lässt sich nur als durchgängig auf gleiche Art mitteilbar vorstellen, wenn man annimmt, daβ<br />
jedermann einen gleichen Sinn mit dem unsrigen habe: dieses lässt sich aber von einer Sinnesempfindung<br />
schlechterdings nicht voraussetzen.“<br />
113<br />
Ibid., VI.: „Von der Verbindung des Gefühls der Lust mit dem Begriffe der Zweckmässigkeit der Natur“, B<br />
XL, A XXXVII, p. 261: „Die Erreichung jeder Absicht ist mit dem Gefühle der Lust verbunden; und, ist die<br />
Bedingung der erstern eine Vorstellung a priori, wie hier ein Prinzip für die reflektierende Urteilskraft<br />
überhaupt, so ist das Gefühl der Lust auch durch einen Grund a priori und für jedermann gültig bestimmt; und<br />
zwar bloβ durch die Beziehung des Objekts auf das Erkenntnisvermögen, ohne dass der Begriff der<br />
Zweckmäβigkeit hier im mindesten auf das Begehrungsvermögen Rücksicht nimmt, und sich also von aller<br />
praktischen Zweckmäβigkeit der Natur gänzlich unterscheidet.“<br />
114<br />
RS, I, p. 319: „Sie [die Kunst] erscheint als eine höhere Natur […].“
30<br />
lois causales de la nature. Ainsi, Fernow élève l’art 115 (comme création de l’homme) au-<br />
dessus de la nature, afin de dissoudre cette opposition entre l’art et la nature dans une sorte de<br />
dualisme coexistant. Dans ce contexte, la finalité s’avère être un mot clef par rapport à la<br />
conception fernowienne. Dans une certaine mesure, Fernow présuppose, à la manière de Kant,<br />
un processus créatif à partir de l’opus (œuvre), en faisant la différence entre l’agere (agir) de<br />
la nature d’un côté, et le facere (faire) de l’artiste, de l’autre. 116 Or, en parallèle à cela, il part<br />
de la liberté de l’artiste (loin de l’intention de Kant !), car il distingue la productivité, à la<br />
différence du fonctionnement organique de la nature, qu’il ne voit conditionnée ni par la<br />
nécessité, ni par l’arbitraire ou d’autres lois externes. 117 De même, on peut envisager la<br />
conception fernowienne de l’artiste tout à fait au sens du Prométhée 118 goethéen. Suivant sa<br />
logique, l’artiste ne doit pas imiter le beau naturel, mais plutôt créer le beau dans l’art à partir<br />
de la nature. 119 Tandis que Kant rattache le principe exclusivement à l’homme (=genre), à la<br />
différence des animaux (=espèce), Fernow va encore plus loin en opérant une distinction, en<br />
ce qui concerne le caractère, entre l’espèce, le genre et l’individualité. 120 Mais, en règle<br />
générale, il définit, conformément à Kant, l’idée du beau comme étant issue d’un amalgame<br />
115 Concernant la relation art-nature chez Fernow, cf. aussi la citation suivante: „Aber das erquickende Gefühl<br />
eines reinen Naturgenusses, der uns für den Augenblick ganz genügt und beseeligt, ist, wie ich meine, wohl auch<br />
soviel werth, als das Namenlose Sehnen und Streben, welches eine Natur im Style und mit den Idealen der Kunst<br />
gegattet, in uns erregt“ (JS, p. 324).<br />
116 Cf. également IF, p. 19. Voir aussi KU, § 43, B 174/175, A 172, p. 401 s.: 1, „K u n s t wird von der N a t u r,<br />
wie Tun (facere) vom Handeln oder Wirken überhaupt (agere), und das Produkt oder die Folge der erstern als<br />
Werk (opus) von der letztern als Wirkung (effectus) unterschieden […] 2, Kunst als Geschicklichkeit des<br />
Menschen wird auch von der Wissenschaft unterschieden (Können vom Wissen) als praktisches vom<br />
theoretischen Vermögen, als Technik von der Theorie […] 3. Wird auch Kunst vom Handwerke unterschieden;<br />
die erste heiβt freie, die andere kann auch Lohnkunst heiβen.“<br />
117 RS, I, p. 303 s.: „[…] die Naturschönheiten […] bringt die Natur in ihrer groβen Werkstatt in unendlicher<br />
Mannigfaltigkeit hervor, zu welchen Zwecken? Ob zu eigenem Wohlgefallen, ob zu unserem? Ob aus<br />
Notwendigkeit, ob aus Willkür? Das wissen wir nicht […] das Kunstschöne [aber] bringt der Mensch nach<br />
vorgestellten Zwecken hervor.“<br />
118 Dans son poème Prométhée, Goethe conçoit le prototype de l’homme en tant qu’artiste-rebelle créateur, qui, à<br />
l’opposition de la sphère divine, joue le rôle de démiurge créateur: «N’était-ce pas toi, cœur sacré et embrasé, qui<br />
as tout achevé par toi-même», cité selon: Johann Wolfgang von Goethe - Gedichte, Bernd Witte (Éd.), Éd.<br />
Reclam, Stuttgart, 1998, p. 43 s.<br />
119 Cf. chapitre au sujet de Carstens.<br />
120 Nous allons revenir à cet aspect au cours de la troisième partie du présent travail.
31<br />
entre l’idée normale et l’idée rationelle. 121 Quant à l’homme, il part à l’opposé des<br />
dispositions innées de l’esprit, des soi-disant «sources cognitives originelles» 122 qui, d’après<br />
sa conviction, conditionnent les possibilités de connaissance empiriques du sujet. D’où résulte<br />
également chez Kant la séparation entre la connaissance, d’un côté, et le sentiment, de l’autre,<br />
dont il déduit l’exploration d’une «départition des capacités déjà considérées […] de l’esprit<br />
humain.» 123 Ces «lois originelles de la conscience» sont en grande partie liées au subjectif. En<br />
l’occurrence, Fernow, en tant qu’historien de l’art, considère l’esthétique avant tout comme<br />
un phénomène historique, et vise donc, pour ce qui est de la légitimation du jugement<br />
esthétique, l’aspect objectif. 124 Comme nous avons déjà pu le constater, Fernow fonde l’ordre<br />
des choses non pas sur l’ordre, mais sur le sujet empirique, qui se détache des possibilités de<br />
connaissance de la raison (connaissance = rationalisme = a priori), en obéissant uniquement à<br />
l’horizon émotionnel de l’expérience (sentiment = empirisme = a posteriori), dont il déduit<br />
également la subjectivité du jugement esthétique. Quant à la question de savoir si l’on<br />
parvient à la définition de l’idéal de beauté par une démarche a priori ou empirique, 125 il<br />
distingue ainsi, tout à fait dans le sens kantien, l’idée normale (fondée empiriquement) que la<br />
121 KU, § 17, „Vom Ideale der Schönheit“, B 55, A 54/55, p. 315: „Hiezu [sic] [zur Bestimmung des Schönen]<br />
gehören aber zwei Stücke: erstlich die ästhetische Normalidee, welche eine einzelne Anschauung (der<br />
Einbildungskraft) ist, die das Richtmaβ seiner Beurteilung, als eines zu einer besonderen Tierspezies gehörigen<br />
Dinges, vorstellt; zweitens die Vernunftidee, welche die Zwecke der Menschheit, sofern sie nicht sinnlich<br />
vorgestellt werden können, zum Prinzip der Beurteilung einer Gestalt macht, durch welche, als ihre Wirkung in<br />
der Erscheinung sich jene offenbaren.“<br />
122 KU, § 22: „Die Notwendigkeit der allgemeinen Beistimmung, die in einem Geschmacksurteil gedacht wird,<br />
ist eine subjektive Notwendigkeit, die unter der Voraussetzung eines Gemeinsinns als objektiv vorgestellt wird“,<br />
B 66/67, A 65/66, p. 322: „Wie sollten wir wohl a priori eine synthetische Einheit auf die Bahn bringen können,<br />
wären nicht in den ursprünglichen Erkenntnisquellen unseres Gemütes subjektive Gründe solcher Einheit a priori<br />
enthalten, und wären diese subjektiven Bedingungen nicht zugleich objektiv gültig, indem sie die Gründe der<br />
Möglichkeit sind, überhaupt ein Objekt in der Erfahrung zu erkennen.“<br />
123 Cf. Kant „Kritik des Geschmackes“, voir lettre à Reinhold, datée 28 décembre 1787, dans: Kant’s gesammelte<br />
Schriften, cf. référence ailleurs, vol. <strong>IV</strong>, p. 394: „[…] das die Zergliederung der vorher betrachteten Vermögen<br />
mich im menschlichen Gemüte hatte entdecken lassen, und welches zu bewundern und womöglich zu ergründen<br />
mir noch Stoff genug für den Überrest meines Lebens an die Hand geben wird.“<br />
124 Herbert von Einem définit le dualisme imminent entre Kant et Fernow comme suit: „Kant geht vom<br />
menschlichen Subjekt aus, und die Kunst interessiert ihn nur insofern und insoweit, als sie ein Akt des<br />
menschlichen Bewuβtseins ist. Seine Bemühung gilt der Begründung der Kunst von der subjektiven Seite. Sein<br />
Problem ist das Problem der Möglichkeit der Kunst. Fernow dagegen hat - selbst bei seinen dem Subjektiven<br />
gewidmeten Betrachtungen - doch immer das historische Phänomen der Kunst als einer objektiven Gegebenheit<br />
vor Augen. Sein Interesse ist mehr auf die Wirklichkeit als auf die Möglichkeit der Kunst gerichtet“ (voir HE, p.<br />
82).<br />
125 KU, § B55, A 54/55, p. 314.
32<br />
nature du beau «se développe et s’explique de manière satisfaisante et subjective avant tout<br />
par l’esprit humain», 126 il critique en même temps aussi l’insuffisance de cette approche<br />
explicative, étant donné que celle-ci ignore la cause objective. Mais qu’entend exactement<br />
Fernow par cette «trace objective»? 127 Afin de répondre à cette question, il faut avoir recours<br />
au principe sensualiste de Kant sur la perception, qui est basé sur la connaissance de l’objet<br />
par l’homme, suivant lequel la sphère du suprasensible n’est pas saisissable par les<br />
possibilités de la raison et doit donc être fondée de manière empirique, c’est-à-dire<br />
transcendantale (et non pas transcendentale!). La sensation du beau dans l’art reste donc, en<br />
tant qu’acte de la perception sensualiste de la nature de l’objet, 128 exclusivement conditionnée<br />
par le principe de l’envie, 129 tout en distinguant une perception à la fois subjective et<br />
intéressée 130 (=sensation de l’agréable) et celle à la fois objective et désintéressée 131<br />
(=sensation du beau). De plus, Kant subdivise le jugement esthétique en quatre moments<br />
(selon la qualité, la quantité, la relation et la modalité), 132 afin d’obtenir une définition plus<br />
précise du beau esthétique. Comme Herbert von Einem le constate, ces moments se retrouvent<br />
également dans les idées esthétiques de Fernow, 133 dont nous voudrions présenter ici une vue<br />
d’ensemble cohérente. Du premier moment, la qualité, Kant déduit le désintérêt 134 du goût du<br />
126 RS, I, p. 293 s.<br />
127 Ibid., Cf. aussi IF, p. 23: „objektive Spur.“<br />
128 KU, VII: „Von der ästhetischen Vorstellung der Zweckmässigkeit der Natur“, B XLIII, A XLI, p. 263: „Was<br />
an der Vorstellung eines Objekts bloβ subjektiv ist, d. i. ihre Beziehung auf das Subjekt, nicht auf den<br />
Gegenstand ausmacht, ist die ästhetische Beschaffenheit derselben […].“<br />
129 Ibid.: „Dasjenige Subjektive aber an einer Vorstellung, was gar kein Erkenntnisstück werden kann, ist die mit<br />
ihr verbundene Lust oder Unlust.“<br />
130 Cf. KU, § 3: „Das Wohlgefallen am Angenehmen ist mit Interesse verbunden“, B 7, A 7, p. 281: „Angenehm<br />
ist das, was den Sinnen in der Empfindung gefällt.“<br />
131 Ibid., § 2: „Das Wohlgefallen, welches das Geschmacksurteil bestimmt, ist ohne alles Interesse“, B 5/6, A 5/6,<br />
p. 280: „Interesse wird das Wohlgefallen genannt, was wir mit der Vorstellung der Existenz eines Gegenstandes<br />
verbinden.“<br />
132 Voir KU, „Analytik der ästhetischen Urteilskraft“, premier livre, § 1-22, 3-73.<br />
133 HE, p. 86.<br />
134 KU, § 1: „Das Geschmacksurteil ist ästhetisch“, B 17/18, A 17/18, p. 288: „Geschmack ist das<br />
Beurteilungsvermögen eines Gegenstandes oder einer Vorstellungsart durch ein Wohlgefallen, oder Missfallen,<br />
ohne alles Interesse. Der Gegenstand eines solchen Wohlgefallens heiβt schön.“
33<br />
deuxième, la quantité, le caractère général de la notion du beau, 135 du troisième, la relation,<br />
la conformité de l’objet 136 et du quatrième moment, la modalité, le principe du plaisir. 137 Dans<br />
le troisième moment du jugement de goût (relation), Kant évoque le principe de la force<br />
imaginative libre, 138 qu’il élève par rapport au génie au même rang que la faculté de<br />
connaissance productive, 139 et, par rapport au jugement de goût, associe à la sensation d’envie<br />
du sujet contemplant, qui n’est pas logique, mais exclusivement subjective 140 et étroitement<br />
liée à un processus cognitif, où les forces d’imagination se retrouvent dans un état de libre<br />
jeu. 141 Ce sentiment d’envie ou de désenvie reste cependant fondé empiriquement et donc a<br />
posteriori, 142 ce qui est également valable pour le jugement esthétique. 143 Chez Fernow, on ne<br />
trouve pas d’autres détails quant au principe d’envie de Kant. En ce qui concerne la force<br />
imaginative, on constate par contre plusieurs parallèles théoriques. Ainsi, Kant subordonne la<br />
libre force imaginative 144 à des lois autonomes, 145 dont résulte l’impossibilité des lois<br />
objectives par rapport au jugement de goût (raison=normativité). Or, celle-ci ne peut pas être<br />
autonome, car elle n’est pas soumise à des lois subjectives (à partir de la raison = liberté =/<br />
135<br />
Ibid., § 6: „Das Schöne ist das, was ohne Begriffe, als Objekt eines allgemeinen Wohlgefallens vorgestellt<br />
wird“, B 32, A 32, p. 298: „Schön ist das, was ohne Begriff allgemein gefällt.“<br />
136<br />
Ibid.: „Schönheit ist Form der Zweckmäβigkeit eines Gegenstandes, sofern sie, ohne Vorstellung eines<br />
Zwecks an ihm wahrgenommen wird.“<br />
137<br />
Ibid., § 18: „Was die Modalität eines Geschmacksurteils sei“, B 69, A 68, p. 324: „Schön ist, was ohne<br />
Begriff als Gegenstand eines notwendigen Wohlgefallens erkannt wird.“<br />
138<br />
Ibid.<br />
139<br />
KU, § 49: „Von den Vermögen des Gemüts welche das Genie ausmachen“, B (deuxième édition) 194, A<br />
(première édition) 191, p. 414: „Die Einbildungskraft (als produktives Erkenntnisvermögen) ist nämlich sehr<br />
mächtig in Schaffung gleichsam einer andern Natur, aus dem Stoffe, den ihr die wirkliche gibt.“<br />
140<br />
Ibid.<br />
141<br />
KU, § 9: „Untersuchung der Frage: ob im Geschmacksurteile das Gefühl der Lust vor der Beurteilung des<br />
Gegenstandes, oder diese vor jener vorhergehe“, B 27/28, A 27/28, p. 295.<br />
142<br />
Ibid., § 12: „Das Geschmacksurteil beruht auf Gründen a priori“, B 36/37, A 36, p. 301.<br />
143<br />
Ibid.: „Nun ist es auf ähnliche Weise mit der Lust im ästhetischen Urteile bewandt: nur daβ sie hier bloβ<br />
kontemplativ, und ohne ein Interesse am Objekt zu bewirken, im moralischen Urteil hingegen praktisch ist.“<br />
144<br />
KU, „Allgemeine Anmerkung zum ersten Abschnitte der Analytik“, B 69, A 68, p. 324: „Die Notwendigkeit<br />
der Allgemeinen Beistimmung die in einem Geschmacksurteil gedacht wird, ist eine subjektive Notwendigkeit,<br />
die unter der Voraussetzung eines Gemeinsinns als objektiv vorgestellt wird.“<br />
145<br />
Ibid., p. 325: „Allein daβ die Einbildungskraft frei und doch von selbst gesetzmäβig sei, d. i. dass sie eine<br />
Autonomie bei sich führe ist ein Widerspruch. Der Verstand allein gibt das Gesetz.“ Kant en déduit par la suite le<br />
principe de la libre causalité: „Es wird also keine Gesetzmäβigkeit ohne Gesetz, und eine subjektive<br />
Übereinstimmung der Einbildungskraft zum Verstande, ohne eine objektive, da die Vorstellung auf einen<br />
bestimmten Begriff von einem Gegenstande bezogen wird, mit der freien Gesetzmäβigkeit des Verstandes<br />
(welche auch Zweckmäβigkeit ohne Zweck genannt worden) und mit der Eigentümlichkeit eines<br />
Geschmacksurteils allein zusammen bestehen können.“
34<br />
autonomie). Dans la complexité de cette idée réside également le problème de l’opposition<br />
entre art et nature chez Kant. Ainsi, il juge ces deux principes (art/nature) comme<br />
inconciliables, étant donné que l’art, à la différence de la nature, suit les lois de la causalité 146<br />
(=nécessité + arbitraire), et, pour cette raison, ne peut pas, comme la morale, être soumis à la<br />
force de jugement réflexif, tandis que la nature de l’art ne peut être saisie que par le jugement<br />
de goût subjectif (résultant de la contemplation + force imaginative), qui, en l’occurrence,<br />
obéit à des lois libres. En revanche, Fernow considère l’imaginatio (de l’artiste)<br />
principalement comme une force à la fois libre et productive et ainsi comme un élément<br />
dynamique de la représentation idéale, qui s’oppose, comme instance autonome, à la causalité<br />
de la nature. 147 Par la suite, Kant accorde tout à fait, en ce qui concerne le jugement du goût<br />
(=subjectif), en se démarquant du jugement de connaissance (=logique), possible objectivité<br />
d’une conception empirique, hormis celle reposant sur l’envie ou la désenvie, 148 qu’il<br />
réconduit uniquement au sensus communis. 149 Pour lui, celui-ci a un caractère général<br />
uniquement subjectif (et donc pas objectif !) et passe ainsi pour une norme idéale, c’est-à-dire<br />
comme un barême général et non pas universel (!). 150 Ainsi, Kant conçoit la nécessité<br />
146 Kant modifie le principe de la causalité naturelle (apparence), en ayant recours au principe de liberté (la<br />
raison pure et pratique), c’est-à-dire la possibilité d’une expérience de la sphère de l’intelligible et du substrat<br />
suprasensuel de la nature à partir de l’homme (apparence de l’univers des sens), par laquelle celle-ci se trouve<br />
également ‘causalisée.’ Cf. KU, B LV, A LIII, p. 271.<br />
147 RS, I , p. 307 s. et IF, p. 18: „Keine der Schranken, welche die Natur an der vollkommenen Ausbildung […]<br />
hindern, hindert den Künstler an einer durch denselben veredelten Darstellung seiner Gestalten […] es hängt<br />
von ihm ab, nicht nur in seiner Einbildungskraft ein so vollkommenes Ideal der Menschengestalt<br />
hervorzubringen als er vermag […] sondern auch dasselbe in seinen Werken unter mannigfaltigen Charakteren<br />
ebenso rein und vollkommen wieder darzustellen, wie es seiner Einbildungskraft vorschwebt.“<br />
148 KU, „Allgemeine Anmerkung zum ersten Abschnitte der Analytik“, B 69, A 68, p. 324: „Alle Beziehung der<br />
Vorstellungen, selbst jene der Empfindungen, aber kann objektiv sein (und da bedeutet sie das Reale einer<br />
empirischen Vorstellung); nur nicht der die das Gefühl der Lust und Unlust, wodurch gar nicht ins Objekte<br />
bezeichnet wird, sondern in der das Subjekt, wie es durch die Vorstellung affiziert wird, sich selbst fühlt.“<br />
149 KU, § 20: „Die Bedingung der Notwendigkeit, die ein Geschmacksurteil vorgibt, ist die Idee eines<br />
Gemeinsinnes“, B 65, A 64, p. 321: „Also müssen sie ein subjektives Prinzip haben, welches nur durch Gefühl<br />
und nicht durch Begriffe, doch aber algemeingültig bestimme, was gefalle oder missfalle. Ein solches Prinzip<br />
aber könnte nur als ein G e m e i n s i n angesehen werden; welcher vom gemeinen Verstande, den man<br />
bisweilen auch Gemeinsinn (sensus communis) nennt, wesentlich unterschieden ist: indem letzterer nicht nach<br />
Gefühl, sondern jederzeit nach Begriffen, wiewohl gemeiniglich nur als nach dunkel vorgestellten Prinzipien,<br />
urteilt.“<br />
150 KU, § 22, A 67: „Also ist der Gemeinsinn, von dessen Urteil ich mein Geschmacksurteil hier als ein Beispiel<br />
angebe und weswegen ich ihm exemplarische Gültigkeit beilege, eine bloβe idealische Norm, unter deren<br />
Voraussetzung man ein Urteil, welches mit ihr zusammenstimmte und das in demselben ausgedrückte
35<br />
subjective de la définition, qui conditionne le jugement de goût, en présupposant une norme<br />
générale, hormis le caractère subjectif, dont il déduit par la suite la nature insaisissable du<br />
beau esthétique, qui, selon lui, s’affranchit de toute forme de conceptualité. 151 En<br />
conséquence, il distingue le goût esthétique du goût purement sensuel, tout en concédant la<br />
possibilité d’un principe (non valable objectivement!). 152 A partir du sensus communis<br />
présupposé comme étant à la fois général et subjectif, Fernow essaie en revanche de fonder<br />
théoriquement le caractère objectif de la faculté de juger (résultant du bon sens et de la<br />
raison). Le problème auquel il s’intéresse en particulier est alors celui de la recherche d’un<br />
nouvel horizon de référence, loin des systèmes référentiels normatifs qui sont la nature et<br />
l’histoire. La thèse selon laquelle Fernow opère de manière anhistorique 153 est justifiée dans<br />
le sens où il ne déduit l’esthétique ni des apparences de la nature, ni des événements<br />
historiques, mais à réfuter dans le sens où il lie le beau dans l’art tout à fait à de la beauté<br />
naturelle (=caractère idéal - mais non pas ART = NATURE!), et, ce faisant, déclare<br />
l’Antiquité, même si c’est sous réserve, comme norme idéal de la production créative. Quant à<br />
cette idée, on constate non seulement le problème de l’historicité, c’est-à-dire un idéal de l’art<br />
anhistorique à partir de l’antiquité (!), 154 mais aussi le danger d’un glissement vers le<br />
Wohlgefallen an einem Objekt, für jedermann mit Recht zur Regel machen könnte: weil zwar das Prinzip nur<br />
subjektiv, dennoch aber, für subjektiv-allgemein (eine jedermann notwendige Idee) angenommen, was die<br />
Einhelligkeit verschiedener Urteilenden betrifft, gleich einem objektiven, allgemeine Beistimmung fordern<br />
könnte; wann man nur sicher wäre, darunter richtig subsumiert zu haben.“<br />
151 KU, B 143, A 141, p. 379: „Unter einem Prinzip des Geschmacks würde man einen Grundsatz verstehen,<br />
unter dessen Bedingung man den Begriff eines Gegenstandes subsumieren, und alsdann durch einen Schluβ<br />
herausbringen könnte, daβ er schön sei. Das ist aber schlechterdings unmöglich.“<br />
152 Ibid.: „Wenn Geschmacksurteile (gleich den Erkenntnisurteilen) ein bestimmtes objektives Prinzip hätten, so<br />
würde der, welcher sie nach dem letztern fället, auf unbedingte Notwendigkeit seines Urteils Anspruch machen.<br />
Wären sie ohne alles Prinzip, wie die des bloβen Sinnengeschmacks, so würde man sich gar keine Notwendigkeit<br />
derselben in die Gedanken kommen lassen.“<br />
153 HE, p. 56: „Fernows Vorstellungswelt ist vollkommen unhistorisch“, ainsi que ibid., p. 83: „Fernows<br />
Kunstlehre macht den Versuch, allgemeine und notwendige Gesetze für die Kunst aufzustellen, die für alle<br />
Zeiten gültig sind, und nach denen alle einzelnen Kunsterscheinungen gerichtet werden können.“<br />
154 Le problème de l’histoire chez Fernow est un sujet très controversé. Ainsi, Fernow part, tout comme<br />
Winckelmann du principe selon lequel l’art des Anciens représente une norme esthétique atemporelle (antiquité<br />
éternité). La légitimation d’un principe artistique éternel, qui trouve pourtant son ancrage historique dans<br />
l’Antiquité, n’étant pas le sujet de notre travail et, par conséquent, nous ne nous y attarderons pas.
36<br />
subjectif, 155 étant donné que les lois objectives ne sont pas fondées à partir de l’extérieur, mais<br />
à partir de l’intérieur de l’homme. Pour résoudre ce problème, Fernow achève un grand écart<br />
esthétique qui prend comme point de départ la ‘désindividualisation’ 156 de l’homme. Nous<br />
reviendrons à cet aspect dans le contexte de la conception du caractère esthétique. A part le<br />
terme de ‘caractéristique’, celui d’‘idéal’ constitue un élément discursif récurrent des écrits<br />
esthétiques. En règle générale, Fernow le conçoit comme le principe de la beauté esthétique<br />
sublime, en se référant à la définition de Kant établie par l’idéalité comme «un être adéquat à<br />
l’idée» 157 et s’oriente à la fois vers la raison et vers l’utilité, 158 et, par rapport à Schiller,<br />
pourrait également s’appliquer à l’homme en tant qu’anthropologicum. 159 Fernow part d’une<br />
idée analogue, en acceptant l’idée normale de Doryphore comme règle idéale, 160 mais en<br />
prenant en considération le caractère spécifique comme autre critère esthétique. 161 A part cela,<br />
la question s’impose à lui de savoir comment définir le beau mathématique, qu’il envisage à<br />
partir de l’analytique de Kant. 162 Dans son ouvrage, Kant sépare strictement art et<br />
mathématique, en considérant tout ce qui est «régulier et rigide» 163 comme étant dépourvu de<br />
goût, vu qu’il ne contient rien de caractéristique ou de spécifique par rapport à la personne. 164<br />
155<br />
HE, p. 83: „Die Gefahr einer solchen Einstellung ist das Abgleiten ins Subjektive.“<br />
156<br />
Ibid.: „Voraussetzung des Fernowschen Weges ist daher die Zugrundelegung eines Begriffes vom Menschen,<br />
aus dem alle individuellen Züge ausgeschieden sind, eines Menschenbildes von strenger Allgemeingültigkeit und<br />
Notwendigkeit. Das ist, wie wir gesehen haben, bei Fernow auch wirklich der Fall.“<br />
157<br />
KU, § 17: „Vom Ideale der Schönheit“, B 55, A 54/55, p. 314: „Idee bedeutet eigentlich einen<br />
Vernunftbegriff, und Ideal die Vorstellung eines einzelnen als einer Idee adäquaten Wesens.“<br />
158<br />
Ibid.<br />
159<br />
Ibid., s.<br />
160<br />
Ibid.: „Analytik des Schönen“, B 57/58, A 59, p. 317. Cf. au sujet de l’histoire de la réception: Polykleitos, the<br />
Doryphoros and tradition, (Wisconsin studies in classics), Éd. University Press, Wisconsin, 1989.<br />
161<br />
Cf. RS, I, p. 356.<br />
162<br />
KU, „Allgemeine Anmerkung zum ersten Abschitte der Analytik“, B 70, A 69, p. 325: „Nun werden<br />
geometrisch-regelmäβige Gestalten, eine Zirkelfigur, ein Quadrat, ein Würfel u.s.w von Kritikern des<br />
Geschmacks gemeiniglich als die einfachsten und unzweifelhaftesten Beispiele der Schönheit angeführt; und<br />
dennoch werden sie eben darum regelmäβig genannt, weil man sie nicht anders vorstellen kann als so, daβ sie für<br />
bloβe Darstellungen eines bestimmten Begriffs, der jeder Gestalt die Regel vorschreibt (nach der sie allein<br />
möglich ist), angesehen werden.“<br />
163<br />
Ibid., p. 317: „Analytik des Schönen - Allgemeine Anmerkung“, B 72/73, A 71/72, p. 327: „Alles Steif-<br />
Regelmäβige (was der mathematischen Regelmäβigkeit nahe kommt) hat das Geschmackwidrige an sich: dass es<br />
keine lange Unterhaltung mit der Betrachtung desselben gewährt sondern sofern es nicht ausdrücklich die<br />
Erkenntnis oder einen bestimmten praktischen Zweck zur Absicht hat, lange Weile macht.“<br />
164<br />
Cf. également la note de Kant sur la régularité physiognomique, ibid., B 57/58, A 57, p. 317: „Man wird<br />
finden, dass ein vollkommen regelmäβiges Gesicht, welches der Maler ihm zum Modell zu sitzen bitten möchte,
37<br />
La conception de Fernow par rapport au caractère esthétique d’une représentation<br />
mathématique est analogue. Ainsi, il part comme Kant du principe qu’une représentation<br />
adéquate de l’image normale comme «l’idéal d’une utilité extérieure», 165 sous la forme d’une<br />
«figure géométrique sans faille», 166 est pensable; or, en l’occurrence, il trouve que l’idéal<br />
d’une utilité intérieure (=nature) est à priori impossible à représenter. Ce faisant, il n’exclut<br />
pas l’union entre l’art et la régularité mathématique, mais, d’une manière générale, il les<br />
sépare rigoureusement. Dans ce contexte, le parallèle qu’on peut établir entre Fernow et les<br />
thèses pertinentes de Simondon 167 et Pierre Francastel, 168 dont la logique argumentative du<br />
raisonnement par rapport à l’esthétique à travers la technique est similaire, s’avère frappant.<br />
Un autre point, qui mérite également une certaine attention à l’égard de sa controverse avec<br />
Kant, est la dimension socioculturelle. Quel rôle joue Fernow en tant que médiateur<br />
intellectuel quant à la diffusion de la philosophie kantienne dans l’espace européen?<br />
Ce sont notamment les rédactions philosophiques de Fernow, qui vont susciter l’intérêt de<br />
Madame de Staël, 169 dont le salon littéraire peut tout à fait être considéré comme l’emblème<br />
de l’aspiration cosmopolitique à la sociabilité littéraire 170 à l’issue du XVIII ème siècle, et ainsi<br />
contribuer par la suite à la diffusion des idées kantiennes en Italie 171 comme en France. Cette<br />
gemeiniglich nichts sagt; weil es nichts Charakteristisches enthält, also mehr die Idee der Gattung, als das<br />
Spezifische einer Person ausdrückt.“<br />
165<br />
RS, I, p. 347.<br />
166<br />
Ibid.<br />
167<br />
Cf. à ce sujet Simondon: Du mode d’existence des objets techniques, Éd. Aubier, Paris, 1958, p. 183: «La<br />
réalité esthétique ne peut en effet être dite ni proprement objet ni proprement sujet; certes, il y a une relative<br />
objectivité des éléments de cette réalité; mais la réalité esthétique n’est pas détachée de l’homme et du monde<br />
comme un objet technique […].»<br />
168<br />
Pierre Francastel: Art technique aux XIXe et XXe siècles, (Collection, vol. n° 131), Éd. Denoël, Paris, 1991.<br />
169<br />
Ghislain de Diesbach: Madame de Staël, Éd. Perrin, Paris, 1983, ainsi que Béatrice Didier: Madame de Staël,<br />
Éd. Ellipses, Paris, 1999. De même, il est intéressant de savoir que Mme Staël est issue de la même ligne de<br />
descendance que Susanne von Necker ou Madame Suschen (la marraine et mécène de Fernow durant son enfance<br />
à Blumenhagen), cf. L. Gerhardt, 1908, p. 2. Il est possible que Fernow ait porté cette coïncidence à la<br />
connaissance de Madame de Staël.<br />
170<br />
Wolfgang Adam e. a. (Éd.): Geselligkeit und Bibliothek. Lesekultur im 18. Jahrhundert, (Études de la<br />
Gleimhaus Halberstadt, vol. 4), Éd. Wallstein, Göttingen, 2005. Cf. par ailleurs l’étude de Gerhard Neumann et<br />
Sigrid Weigel (Éd.): Die Lesbarkeit der Kultur. Literaturwissenschaften zwischen Kulturtechnik und<br />
Ethnographie, Éd. Fink, Munich, 2000.<br />
171<br />
IF, III, p. 49: „Die Bedeutung der Kantschülerschaft Fernows für die K u n s t besteht, wie im ersten Teil<br />
dieser Arbeit erhellt wurde, darin, dass Fernow, indem er für die i d e a l i s c h e Kunst plädierte, im Verein mit<br />
Carstens, die später von Thorwaldsen fortgeführte neue Epoche in der Kunst einleitete. Und für die P h i l o s o p
38<br />
dernière lui demande aussi de lui faire parvenir les rédactions en question qu’elle étudie,<br />
probablement avec Benjamin Constant, 172 comme les écrits de Schelling. 173 Ainsi, il est fort<br />
probable que c’est indirectement par l’intermédiaire de Fernow que les idées de Kant trouvent<br />
également leur entrée dans le cercle illustre de Madame de Staël, 174 d’où elles sont<br />
retransmises, grâce à l’imbrication intense des salons littéraires 175 à la mode depuis<br />
Diderot. 176 Il est curieux que ce même salon de Madame de Staël constitue cette scène<br />
littéraire, où la religion de l’art, 177 qui sera par la suite celle du XIX ème siecle, trouve sa<br />
véritable origine. Il faut aussi souligner dans ce contexte la participation réelle de Fernow à<br />
ces soirées de discussion au cours desquelles Henry Crabb Robinson, 178 Constant 179 et Mme<br />
de Stäel vont poser le fondement intellectuel du discours sur l’autonomie esthétique. Mais ce<br />
qui est sûr, c’est qu’une rencontre personnelle entre Constant et Fernow a véritablement eu<br />
lieu le 22 janvier 1804, et à laquelle assista aussi Crabb Robinson, qui fréquentait à cette<br />
époque les conférences de Schelling sur l’esthétique à Jéna. Constant décrit Fernow comme<br />
suit: «[…] professeur à Jéna, dont on dit qu’il est spirituel et érudit.» 180 Ce qui est<br />
intéressant, c’est que ce même Robinson est un élève que Fernow, qui lors d’une rencontre<br />
h i e [war es Fernow], der den kantischen Ideen, der kritischen Philosophie, auch in Italien erstmalig den Boden<br />
bereitete.“<br />
172 Le Cahier rouge de Benjamin Constant, Louise Estournelles Constant de Rebecque (Éd), Éd. C. Lévy, Paris,<br />
1907.<br />
173 Fernow cité d’après Livia Gerhardt, 1908, p. 53: „Ich musste ihr [Mme de Staël] versprechen, einige<br />
philosophische Aufsätze, die ich in italienischer Sprache geschrieben habe zu übersenden.“ Cf. ici et par la suite<br />
aussi Tausch, 1998, p. 41.<br />
174 Cf. Julia von Rosen: Kulturtransfer als Diskurstransformation - die Kantische Ästhetik in der Interpretation<br />
Mme de Staëls (Studia Romanica, vol. 120), Éd. Winter, Heidelberg, 2004.<br />
175 Cf. aussi Brunhilde Wehinger: Conversation um 1800. Salonkultur und literarische Autorschaft bei Germaine<br />
de Staël, (Gender Studies Romanistik, vol. 7), Éd. tranvía e. Frey, Berlin, 2002, ainsi que: L'Allemagne et la<br />
France des Lumières. Deutsche und Französische Aufklärung: Mélanges offerts à Jochen Schlobach par ses<br />
élèves et amis, Michel Delon et Jean Mondot (Éd.), Paris, Éd. Honoré Champion, Paris, 2003.<br />
176 Denis Diderot: Salon de peinture de l’Académie royale de peinture et de sculpture (1759-81), Essais sur la<br />
peinture, (1767). Cf. à ce sujet également: Les salons, 3 vol., Seznec et J. Adhémar (Éd.), Paris, 1963.<br />
177 Cf. Bernd Auerochs: Die Entstehung der Kunstreligion, (Palaestra, vol. 323), Éd. Vandenhoeck & Ruprecht,<br />
2006.<br />
178 Hertha Marquardt: Henry Crabb Robinson und seine deutschen Freunde, Brücke zwischen England und<br />
Deutschland im Zeitalter der Romantik, Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, 2 vol., Göttingen 1964/1967. A part cela,<br />
il est probable que la conversion de Robinson à Kant est aussi en partie due à l’influence intellectuelle de<br />
Fernow.<br />
179 Cf. note n° 174.<br />
180 Cf. Benjamin Constant: Journaux intimes, Alfred Roulin et Charles Roth (Éd.), Éd. Gallimard, Paris, 1961, p.<br />
58.
39<br />
avec Constant avait fait un exposé sur l’esthétique de Kant, ce qui amène par ailleurs ce<br />
dernier à noter cette remarque dans son Journal intime: «Des idées inouïes. L’art pour l’art.<br />
Sans but. Tout but dénature l’art.» 181 Les essais de Fernow au sujet de la philosophie de Kant<br />
livrent ainsi les impulsions intellectuelles qui vont mener par la suite au fondement du<br />
mouvement de l’art pour l’art, 182 ce qui peut tout à fait être considéré comme «l’exemple<br />
riche en conséquences du transfert culturel franco-allemand.» 183<br />
Vu dans l’ensemble, on peut ainsi constater par rapport à Kant que Fernow formule en partie<br />
quelques-unes de ses thèses sur l’esthétique transcendantale soit de façon identique, soit en les<br />
examinant sous un angle critique ou en les empruntant aux signes inverses, de telle sorte<br />
qu’on peut parler globalement d’une adaptation libre.<br />
Intéressons-nous maintenant dans ce qui suit à la question de savoir dans quel sens on peut<br />
établir, à partir de Kant et en le dépassant, d’autres parallèles intellectuels avec Fernow et les<br />
autres représentants du courant de l’idéalisme allemand. On constate, dans un premier temps,<br />
que les deux vont essayer de colmater cette lacune théorique qui se trouve dans la philosophie<br />
transcendantale de Kant, à savoir le problème de la nature du ‘moi’ créateur. Ainsi, Fichte<br />
prend, comme Fernow, l’‘ego’ artistique comme point d’accroche méthodique de ses<br />
réflexions esthétiques. Ce dernier est productif dans le sens où il se crée, à partir des objets de<br />
sa perception, un monde imaginaire d’objets. Par la suite, on oppose à cet ego autopuissant de<br />
l’artiste un non-ego fictif, et, dans ce contexte, l’opposition entre sujet-objet, similaire au<br />
principe de l’autogenèse, forme le moment de départ idéel d’un processus créateur<br />
181<br />
Ibid. s.: «Idées très ingénieuses. L’art pour l’art, et sans but. Tout but dénature l’art.»<br />
182<br />
Cf. à ce sujet également Albert Cassagne: La théorie de l’art pour l’art chez les derniers romantiques et les<br />
premiers réalistes, Paris, 1997.<br />
183<br />
Cf. au sujet du développement par la suite du discours sur l’autonomie esthétique: L’art pour l’art: der<br />
Beginn der modernen Kunstdebatte in französischen Quellen der Jahre 1818 bis 1847, Roman Luckscheiter<br />
(Éd.), Éd. Aisthesis, Bielefeld, 2003, p. 9: „Ideengeschichtlich erweist sich das l’art pour l’art also nicht nur als<br />
schillerndes Bindeglied zwischen Aufklärung und Romantik, sondern auch als folgenreiches Exempel des<br />
deutsch-französischen Kulturtransfers, zumal gegen Ende des 19. Jahrhunderts wiederum eine eminente<br />
Rückwirkung der französischen l’art pour l’art-Schule auf die Herausbildung des Aesthetizismus in der<br />
deutschen Literatur zu konstatieren ist“, et ibid. p. 12: „Die eigentlichen Pioniere des l’art pour l’art hieβen<br />
jedoch Moritz, Kant und Schiller.“
40<br />
dialectique. Après la suppression de la chose en soi selon Kant, Schelling élève dans sa<br />
philosophie naturelle le moi créateur comme instance régulatrice dont l’activité, incessante et<br />
contradictoire (comparable à une table rase), englobe la totalité du savoir comme l’unique<br />
saississable, et ce faisant, crée un système. Tandis que Fichte considère le moi comme<br />
proprement humain et strictement personnel, Schelling affirme, en l’occurrence, son caractère<br />
général et absolu, tout en subdivisant l’activité artistique en réel (‘inconscient’, c.-à-d. dans<br />
l’état naturel) et idéal (l’état d’esprit conscient), en concevant l’idéal, à côté du réel, comme<br />
étant les mêmes parties constituantes du moi dans sa totalité. Le système de connaissance<br />
schellingien peut par ailleurs être subdivisé en deux périodes temporelles. Dans la première<br />
phase (philosophie=science rationelle), la philosophie est envisagée sous l’angle d’une<br />
instance immanente, c’est-à-dire qui fait partie de l’intrinsèque de la raison, dont les causes<br />
sont nécessaires, et, de ce fait, indispensables. Dans la deuxième phase (philosophie=science<br />
positive), la philosophie est vue au sens d’une instance transcendante, qui se situe au-dessus<br />
de la raison, dont les causes dépendent, à la différence de la causalité naturelle,<br />
principalement du vouloir ou du non-vouloir et sont donc libres et fondées empiriquement, en<br />
tant qu’expérience résultant d’une corrélation entre l’histoire et la révélation. De par cette<br />
déduction de tout être de la nature (natura naturata) de l’absolu (inconscient) comme le<br />
principe réel agissant (natura naturans), Schelling fonde par la suite les lois cosmiques sous<br />
la forme d’un dualisme de la nature positif-négatif, à l’instar d’un perpetuum mobile des<br />
forces d’esprit opposées, qui produisent à la fois la matière (positif, matérialisant), comme la<br />
contemplation (négatif, formalisant). En l’occurrence, Fernow considère cette approche<br />
comme étant trop abstraite et «seulement digeste pour les têtes brillantes» et ainsi, il pense,<br />
dès son arrivée à Jéna, à ramener le système schellingien «dans la sphère de la raison<br />
humaine.» 184 De même, il est tout à fait conscient du fait que les défenseurs de Schelling vont<br />
184 JS, p. 318: „Ja noch mehr [will ich], sobald meine Zeit es erlaubt, das Schellingsche System studiren; denn ich<br />
halte es für Pflicht, es zu kennen wenn es mich auch nicht überzeugen sollte. Wenn ich etwas Wahres und Gutes
41<br />
être «peu ravis» 185 des thèses kantiennes, ce qui ne l’empêche pas pour autant d’oser quelques<br />
tentatives d’orientations dans le réseau des Schellingiens, 186 afin de sélectionner le vrai et le<br />
bon. 187 La relation avec son concurrent intellectuel Friedrich Ast 188 joue, dans ce contexte,<br />
indubitablement un rôle non-négligeable, ce dont témoigne une lettre de Böttiger. Malgré sa<br />
critique au sujet de la «sagesse surnaturelle» de ces «prophètes de la nouvelle<br />
philosophie», 189 il est toutefois probable que Fernow ait eu pris connaissance de la théorie<br />
esthétique d’Ast déjà avant la rédaction des Études romaines. 190 Mais il demeure incertain 191<br />
dans quelle mesure il se laisse vraiment inspirer par le système schellingien, étant donné qu’il<br />
reste toujours ferme sur sa position antimétaphysique, 192 bien que les deux s’enthousiasment<br />
darin finde, wie ich nicht zweifle, so werde ich Gebrauch davon zu machen wissen, und es in die verständliche<br />
Sphäre des menschlichen Verstandes herabzubringen trachten, damit es den Menschenkindern sammt und<br />
sonders nützlich werden könne. Schellings Philosophie ist nur für sehr gute Köpfe verdaulich, für Schwachköpfe<br />
aber verrückend, benebelt ihnen das Oberstübchen. Aber der Schwindel wird sich schon wieder geben, wenn die<br />
Narrheit vorüber ist. Dann wird die Selbsterkenntnis der Dummheit schon von selbst eintreten.“<br />
185<br />
Au sujet de la relation de Fernow avec les Schellingiens, voir la citation suivante dans une lettre à Böttiger<br />
(datée Jéna, 20 novembre 1803), citée selon JS, p. 318: „Ich weiβ nicht eigentlich, wie das allgemeine Urtheil<br />
oder das pluralistische der Studierenden über meine Vorlesungen ausgefallen ist. Bis jetzt ist darüber noch keine<br />
Stimme zu mir gedrungen, alle Schellingianer werden wohl wenig von mir erbaut seyn, da ich Sachen vortrage,<br />
oder vielmehr bis jetzt vorgetragen habe, die so unendlich tief unter ihrem Horizonte der Region des gesunden<br />
Verstandes liegen. Aber das soll mich nicht irre machen; ich werde meiner Ueberzeugung folgen und dieser auch<br />
ganz; denn selbst da, wo ich mit Kant, dem ich sonst im Ganzen folge, nicht zusammenstimme, verlasse ich ihn.“<br />
D’après le registre des conférences de l’université de Jéna [n° 38, ss. 297-302, (1804)], Fernow fait plusieurs<br />
exposés pendant le semestre d’hiver 1803/04 et celui de l’été de 1803/4 e. a. au sujet de l’archéologie („Von den<br />
vorzüglichsten aus dem Alterthume übrig gebliebenen Statuen“) et de l’esthétique („Ästhetik“ comme<br />
„Geschichte der Baukunst, Bildhauerkunst und Mahlerey der Alten“). Également parus dans: Intelligenzblatt der<br />
Jenaischen Allgemeinen Literatur-Zeitung, n° 195 (1803), paragraphes 1593-1597.<br />
186<br />
Cf. à ce sujet aussi l’article de Johannes Grave: Weimarer Versatzstücke in Carl Ludwig Fernows ‘Römischen<br />
Studien’ - Zu Fernows Orientierungsversuchen im Geflecht von Hirt, Goethe, Schiller und den ‘Schellingianern’,<br />
KAW, ps. 82-97.<br />
187<br />
Cf. lettre à Böttiger, op. cit.<br />
188<br />
Friedrich Ast: System der Kunstlehre oder Lehr- und Handbuch der Aesthetik zu Vorlesungen und zum<br />
Privatgebrauche entworfen, Éd. Hinrichs, Leipzig, 1805. Dans la bibliothèque de Fernow se trouvait un<br />
exemplaire de cette édition, dans laquelle Ast résume la doctrine schellingienne à partir des conférences tenues<br />
durant le semestre d’hiver 1802/03 et 1804/05.<br />
189<br />
Voir la lettre de Fernow adressée à Böttiger, datée 4 août 1805, citée d’après JS, p. 349.<br />
190<br />
VRW, p. 87.<br />
191<br />
Cf. JS, p. 319: „[Ich habe] ‘nichts Neues’ in der ‘Schellingschen Lehre’ gefunden, daβ man in einer<br />
eigentlichen Unrichtigkeit geziehen hätte. Mit einem Worte, was ich jetzt noch nicht davon weiβ, will ich, sobald<br />
ich kann, kennen lernen und Alles zu meinem Nutzen und Gebrauch treulich anwenden.“<br />
192<br />
On constate des analogies entre Fernow et Schelling surtout par rapport à la comparaison quant aux arts<br />
plastiques, l’importance historique de Michel-Ange, la notion de l’imitation de la nature, ainsi que<br />
l’interprétation de la doctrine classique d’electio. En ce qui concerne ‘l’artiste véritable’, leurs points de vue<br />
divergent, ce qui est surtout déductible du point anti-métaphysique de Fernow.
42<br />
de la même façon pour Kant 193 et, par la suite, fréquentent les mêmes cercles intellectuels à<br />
Jéna. De même, la rencontre suggérée par Schiller entre «Hegel et Fernow» 194 n’a<br />
vraisemblablement jamais eu lieu. Par ailleurs, il s’est avéré que Fernow connaissait la<br />
dialectique 195 de Hegel déjà avant la publication de la Phénoménologie de l’esprit, 196 étant<br />
donné qu’il conçoit, encore avant lui, un modèle dialectique 197 du paragone, 198 qui évalue de<br />
manière critique la production de l’art de son temps. Ayons ici également présent à l’esprit le<br />
modèle de l’histoire selon Hegel, qui s’applique également au domaine de l’esthétique, au<br />
sens de l’avènement, du développement et de la décadence des arts au sein d’une culture.<br />
Suivant la logique hégélienne, l’ère classique incarne l’image 199 d’un idéal disparu<br />
(thèse=normatif), tout au contraire de l’époque classiciste, qui introduit une phase diminutive<br />
de la production artistique (antithèse = a-normatif), tandis que l’âge romantique représente<br />
une floraison de l’art (synthèse = normatif + a-normatif). Si l’on essayait maintenant d’insérer<br />
la conception historique de l’art fernowienne, à partir de Hegel, dans la logique d’un système<br />
193 Voir lettre de Schiller à Körner, datée 3 mars 1791 et redigée à Marbach, citée selon Helmut Koopmann<br />
„Kleine Schriften nach der Begegnung mit Kant“, in Schiller-Handbuch, Éd. Kröner, Stuttgart, 1998, ps. 575-<br />
585.<br />
194 Schiller suggère cela dans une lettre adressée à Goethe, datant du 30 novembre 1803, dans: Briefwechsel<br />
zwischen Schiller und Goethe, Emil Staiger (Éd.), Francfort/M., 1977, p. 105 s. Dans le journal de Goethe, on<br />
trouve sous la date 26. 11. 1803 une note correspondante, qui témoigne d’une rencontre réelle: „Dr. Hegel, Prof.<br />
Schelver, Hofr. Stark, Prof. Fernow.“ Voir Goethes Tagebücher, Weimarer Ausgabe [WA], III, 3, ps. 1801-<br />
1808. Le résultat de cette rencontre au cas où elle aurait vraiment eu lieu n’est malheureusement transmise nulle<br />
part.<br />
195 Suivant l’approche dialectique, la logique fournit les bases théoriques, tandis que la philosophie de nature<br />
évalue les données scientifiques (bases physiques, chimiques et biologiques), et l’esprit la sphère socio-humaine<br />
(surtout la politique et l’histoire du monde).<br />
196 Dans la bibliothèque de Fernow, on trouve également une édition de l’ouvrage de Hegel (System der<br />
Wissenschaft/ vol. 3, Phänomenologie des Geistes, Bamberg/Wurzbourg, 1807), ainsi que celui au sujet de<br />
Fichte (Differenz des Fichte’schen und Hegel’schen Systems der Philosophie, Jéna, 1801). Cf. à ce sujet<br />
également: Differenz des Fichteschen und Schellingschen Systems der Philosophie, Marcel Méry (Éd.), Éd.<br />
Ophyrys, Paris, 1964.<br />
197 [Hegel:] Ästhetik, Friedrich Bassenge (Éd.), 2 vol., Francfort/M., voir l’essai introductif de George Lucács, p.<br />
11: „Hegels Ästhetik bedeutet auf dem Gebiete der Kunstphilosophie den Gipfelpunkt des bürgerlichen<br />
Denkens, der fortschrittlich bürgerlichen Traditionen […] sein tiefer und feiner Sinn für die Eigenthümlichkeiten<br />
und Widersprüche der historischen Entwicklung, die dialektischen Verknüpfung der historischen Probleme mit<br />
den theoretischen und systematischen Fragen der allgemein objektiven Gesetzmäßigkeiten erkennbares Ganzes<br />
zu bilden.“<br />
198 Otto Pöggeler: Die Frage nach der Kunst, Éd. Alber, Fribourg/Munich, 1984. Pöggeler part d’un échange<br />
intellectuel à la fois réciproque et très riche, et atteste à Fernow par ailleurs une «surprenante parenté avec<br />
Hegel» („überraschende Hegel-nähe“/ ibid., p. 178).<br />
199 Harald Tausch: „Literaturtheorien des Klassizismus“, dans: Metzlers Literaturlexikon - Literatur- und<br />
Kulturtheorie, Ansgar Nünning (Éd.), Stuttgart, 1998, ps. 261-264.
43<br />
dialectique, on parviendrait peut-être au schéma suivant, qui met au clair les différents points<br />
de départs théoriques: 200<br />
Hegel<br />
thèse art classique/symbolisme architecture<br />
antithèse classicisme sculpture<br />
synthèse romantisme musique, peinture, poésie<br />
Fernow<br />
thèse ère classique sculpture<br />
antithèse romantisme musique, peinture, poésie<br />
synthèse esthétique autonome arts plastiques<br />
Comme il ressort nettement de la juxtaposition ci-dessus, les points de vue de Hegel et de<br />
Fernow s’avèrent généralement comme étant diamétralement opposés. Un lien entre les deux<br />
approches de systèmes pourrait pourtant être établi à travers la définition du beau dans l’art<br />
comme amalgame d’idée et d’idéal, 201 traduisant également les convictions esthétiques de<br />
Fernow, et dans ce contexte, l’esthétique idéale de Schiller offrirait «un point de fuite de<br />
perspective commun», 202 ce qui sera le sujet du prochain chapitre.<br />
200<br />
Nous avons ici recours au schéma de Daniel Lagoutte comme modèle idéel de dans: Introduction à l’histoire<br />
de l’art, Éd. Hachette, Paris, 1997, p. 122.<br />
201<br />
Cf. Le traité de Hegel Die Idee des Kunstschönen oder das Ideal, op. cit.: „Die Idee des Kunstschönen aber ist<br />
die Idee mit der näheren Bestimmung, wesentlich individuelle Wirklichkeit zu sein, sowie eine individuelle<br />
Gestaltung der Wirklichkeit mit der Bestimmung in sich wesentlich die Idee erscheinen zu lassen […] So gefaßt<br />
ist die Idee als mit ihrem Begriff gemäß gestaltete Wirklichkeit das Ideal.“<br />
202<br />
S. M. Schneider, VRW, p. 53: „[…] Schillers ästhetische Theorie wäre demzufolge das notwendige<br />
Bindeglied zwischen der transzendentalen, rein an Subjektvermögen interessierten Ästhetik der ‚Kritik der<br />
Urteilskraft’ und einer objektiven Kunstlehre Fernows, welche die Kantischen Dichotomien überwindend zu<br />
einer Synthese von Stoff und Form gelangte und diese Objektivierung zu einer systematischen und normativklassizistischen<br />
Gattungsästhetik ausbaute. Der perspektivische Fluchtpunkt dieser Triade Kant, Schiller, Fernow<br />
wäre dann Hegel, der in seiner Ästhetik Schiller das Verdienst zuschreibt ‚die Kantische Subjektivität und<br />
Abstraktion des Denkens durchbrochen und den Versuch gewagt zu haben, über die sie hinaus die Einheit und<br />
Versöhnung denkend als das Wahre zu fassen und künstlerisch zu verwirklichen’.“ Voir la citation de Hegel<br />
dans: Werke, Eva Moldenhauer et Markus Michel (Éd.), 13 vol., Vorlesungen über Ästhetik, ici: vol. 1,<br />
Francfort/M., 1973, p. 89.
I. 2. Friedrich Schiller: «…s’élancer vers des sphères supérieures»<br />
44<br />
Si nous avons, au chapitre précédent, vu de plus près le lien entre Fernow et Kant, surtout par<br />
rapport à l’idéalisme allemand, nous voudrions maintenant, à partir des observations que nous<br />
avons faites jusqu’ici, établir le parallèle idéel avec Schiller. Dans un premier temps, on<br />
constate que les deux hommes se sont personnellement rencontrés, 203 à deux moments<br />
différents de leur vie: entre 1791 et 1793, lorsque Fernow fait des études de philosophie à<br />
Jéna, et à partir de 1803, quand, de retour d’Italie, il est nommé professeur à l’université de<br />
Jena. Par l’intermédiaire de Goethe, dont l’intérêt pour Fernow a surtout été suscité par le<br />
travail de ce dernier comme rapporteur pour le ‘Mercure allemand’, et, en tant que<br />
cosmopolite, 204 s’intéresse surtout à sa collection des grands classiques italiens, Fernow est<br />
nommé bibliothécaire à la cour 205 de la duchesse Anna Amalia. Or, cette rencontre littéraire<br />
n’aboutit pas à un échange intellectuel ou à une amitié de longue durée, mais il faut<br />
néanmoins partir de l’hypothèse que leur relation, aussi à cause de leur faible écart d’âge<br />
(quatre années seulement les séparent), est tout à fait harmonieuse, étant donné que Fernow,<br />
suivant sa route en Italie, rend personnellement visite à Schiller à Ludwigslust en 1793. Le<br />
lien idéel à Schiller est au contraire marqué par une relation ambivalente, qui se concrétise par<br />
une oscillation constante entre l’admiration et le refus, surtout en ce qui concerne des<br />
questions philosophiques. 206 Au sujet de l’esthétique, on remarque que la philosophie de Kant<br />
est le point commun entre Schiller et Fernow. Vu dans l’ensemble, on a toutefois l’impression<br />
que Fernow est toujours soucieux de ‘rékantiser’ les conceptions schillériennes, qui étaient<br />
203 Cf. ici dans ce qui suit HE, ps. 115-126, voir pour la présente citation p. 115: „Beschränkt sich Fernows<br />
Verhältnis zu Schiller auf den nachhaltigen Einfluβ eines bestimmten Werkes [Kritik der Urteilskraft], so ist<br />
dagegen bei seinem Verhältnis zu Schiller auβer nach dem Einfluβ verschiedener Schriften auch nach der<br />
Einwirkung der Persönlichkeit zu fragen.“<br />
204 Cf. également Klaus Manger: Goethe und die Weltkultur, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800:<br />
Ästhetische Forschungen, vol. 1), Éd. Winter, Heidelberg, 2003.<br />
205 Cf. également à ce sujet l’étude de Fritz Fink: Fernow als höfischer Bibliothekar der Anna Amalia, Éd. Fink,<br />
Weimar, 1934.<br />
206 Ibid.
45<br />
censées s’émanciper de Kant, 207 ce qui constitue une contradiction et qui a pour conséquence<br />
ce durcissement du système, empêchant finalement Fernow d’amalgamer les idées de Schiller<br />
et Kant, en les développant sur le plan intellectuel. Mais la question de savoir si Fernow, en<br />
raison de son conservatisme théorique, peut en effet être considéré comme un auteur peu<br />
productif, 208 doit pourtant être mise en doute. Concentrons-nous avant tout, dans ce contexte,<br />
sur le point de départ initial de Fernow. Dans une lettre adressée à Christoph Martin<br />
Wieland, 209 il se montre tout d’abord très critique au sujet du style littéraire de Schiller, qu’il<br />
qualifie de façon peu respectueuse de «baratin de philosophie tarabiscotée.» 210 Deux ans plus<br />
tard, dans deux lettres adressées 211 chacune à Reinhold et Baggesen, il manifeste cependant<br />
son enthousiasme au sujet des «Idées concernant l’éducation esthétique de l’homme» et «De<br />
la grâce et dignité» publiées dans les Heures. 212 Au centre des deux traités est l’idée de la<br />
perfectibilité humaine 213 vue dans le contexte de la représentation esthétique idéale, la grâce.<br />
Cette dernière dispose d’une longue tradition, notamment dans la philosophie anglaise. Ainsi,<br />
William Hogarth conçoit, dans son traité Analysis of Beauty, 214 la grâce (l’équivalent de<br />
207<br />
Au sujet du lien entre Schiller et Kant, cf. la citation dans une lettre à Jacobi, datant du 29 juillet 1795, Fritz<br />
Jonas (Éd.), <strong>IV</strong>, p. 200: „Da, wo ich bloβ niederreiβe und gegen andere Lehrmeinungen offensiv verfahre, bin<br />
ich streng kantisch, nur da, wo ich aufbaue, befinde ich mich in Opposition gegen Kant.“ Cf. à ce sujet<br />
également Cathleen Muehleck-Müller: Schönheit und Freiheit. Die Vollendung der Moderne in der Kunst.<br />
Schiller und Kant, Wurzbourg, 1989.<br />
208<br />
HE, p. 106: „[…] daβ Fernow im Grunde eine unschöpferische Natur war.“ Cf. par ailleurs au sujet de la<br />
problématique du connaisseur et de l’amateur l’étude de Andrea Heinz et Stefan Blechschmidt: Dilettantismus<br />
um 1800, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800: Ästhetische Forschungen, vol. 16), Heidelberg, 2007.<br />
209<br />
Christoph Martin Wieland engage Fernow comme rapporteur pour le Mercure allemand pendant son séjour<br />
en Italie. Fernow admire Wieland comme poète de la nation et lui dédie, en témoignage de son admiration, la<br />
monographie d’Arioste (voir deuxième partie du présent travail).<br />
210<br />
Fernow dans sa lettre à Wieland [1795], cf. aussi Wielands Briefwechsel, op. cit.<br />
211<br />
Cf. Livia Gerhardt, 1908, p. 85 s., ainsi que: lettre à Reinhold (Rome, le 18 juillet 1796), dans: Sämmtliche<br />
Schriften von Johanna Schopenhauer, vol. I: Carl Ludwig Fernow’s Leben, deuxième partie, Leipzig, 1830, ps.<br />
18-32; ainsi que: Fernow à Baggesen (Rome, le 15 décembre 1796), dans: Penelope - Taschenbuch für das Jahr<br />
1844, Theodor Hell (Éd.), N. F., 4 ème année, Leipzig, 1844, ps. 374-385.<br />
212 ère<br />
Voir „Über die Ästhetische Erziehung des Menschen“, dans: Die Horen. Eine Monatsschrift, vol. I, 1 année<br />
(1795), 1 ère pièce, ps. 7-48; 2 ème pièce, ps. 51-94; vol. 2, 1 ère année (1795), 6 ème pièce, ps. 45-124, „Über das<br />
Naive“, vol. 4, 1 ère année, (1795), 11 ème pièce, ps. 43-76, ainsi que: „Die sentimentalischen Dichter“, vol. 4, 1 ère<br />
année (1795), 12 ème pièce, ps. 1-55; vol. 5, 2 ème année (1796), ps. 75-122. Cf. également Hans-Heino Ewers: Die<br />
schöne Individualität. Zur Genesis des bürgerlichen Kunstideals, Éd. Metzler, Stuttgart, 1978 [thèse, Univ.<br />
Francfort/M., 1976].<br />
213<br />
Cf. à ce sujet également Ernst Behler: Unendliche Perfektibilität - Europäische Romantik und Französische<br />
Revolution, Éd. Schöningh, Paderborn, 1989.<br />
214<br />
Dorothy George: Hogarth to Cruikshank: Social Change in Graphic Satire, Éd. Viking Press, New Ed, 1987.
46<br />
grace) comme ligne de beauté harmonieuse (linea serpentinata), ce qui sera plus tard discuté<br />
e. a. par Edmund Burke, 215 qui s’inspire du sublime. Shaftesbury 216 entreprend ensuite la<br />
moralisation de la conception du beau, une approche, qui sera par la suite reprise par Wieland,<br />
Schiller et Fernow. Ce dernier distingue par principe le ‘sensual’ et ‘moral grace’, ce qu’il<br />
cherche à légitimer à partir de la comparaison entre la Vénus Urania (=spiritual love),<br />
incarnant la morale idéale, et celle plutôt ‘laïque’ Vénus Pandémos (=worldly love). 217 En<br />
l’occurrence, dans le discours français (la grâce, la désinvolture ou la délicatesse), c’est plutôt<br />
l’aspect mathématique qui est dominant. Tandis que François de La Rochefoucauld 218 définit<br />
la grâce en règle générale comme un phénomène insaisissable («Je ne sais quoi») et une<br />
symétrie secrète («symétrie dont on ne connaît pas les règles»), Schiller élargit la notion à<br />
l’échelle éthique et anthropologique, en envisageant toujours la perfection par rapport à<br />
l’homme, en distinguant la beauté, la morale, la raison et la sensualité, et, en analogie, la<br />
grâce, la dignité, le sublime et la volupté. Fernow se trouve surtout en osmose intellectuelle<br />
avec ses thèses au sujet de la nature idéaliste, qu’il compare cependant toujours à la<br />
conception kantienne, en jugeant finalement l’explication schillérienne comme «plus<br />
satisfaisante.» 219 Quatre ans plus tard, on trouve dans le magazine d’Egger 220 un autre<br />
215 Edmund Burke: A Philosophical Enquiry into the Origin of our Ideas of the Sublime and Beautiful, Londres,<br />
(1757), 1759 2 [Neuauflage: J. T. Houton (Éd.), Routledge, Londres, 1958].<br />
216 Schiller s’inspire indirectement des thèses de Shaftesbury par l’interprétation que fait Wieland de ces<br />
dernières, en adoptant un point de vue plutôt holistique que gnostique, c’est-à-dire rationnel, ce qui conduit<br />
inévitablement à une distorsion de la notion de kalokagathia chez Shaftesbury, qui - quant à elle - est strictement<br />
stoïcienne. Cf. Frederic Beiser in: Schiller as a philosopher - A Re-examination, Éd. University Press, Oxford,<br />
2005, p. 94: “Once we take into account Wieland’s influence, another mystery resolves itself. We can understand<br />
why Shaftesbury has been so persistently misread as the father of Schiller’s concept of aesthetic education. The<br />
reason is that Wieland himself interpreted Shaftesbury in support of his own ideals, Wieland made Shaftesbury’s<br />
concept of the virtuoso the inspiration for his programme of aesthetic education. It proved to be a seminal<br />
confusion.”<br />
217 Cf. les réflexions de Wieland au sujet de la Venus Anadyomene, p. ex. Simon Richter: “Wieland and the<br />
Phallic Breast”, dans: German Life and Letters, vol. n° 52, édition n° 2, 1999, ps. 136-150.<br />
218 François de La Rochefoucauld: Réflexions ou Sentences et maximes morales, (1664), G. Duplessis, Paris,<br />
5 1678. Cf. par ailleurs Kai-Ulrich Hartwich: Untersuchungen zur Interdependenz von Moralistik und höfischer<br />
Gesellschaft am Beispiel La Rochefoucaulds, (Abhandlungen zur Sprache und Literatur, n° 113), Éd.<br />
Romanistischer Verlag, Bonn, 1997 [thèse, Univ. Cologne, 1996].<br />
219 Fernow à Baggesen, 15 décembre 1796, voir référence ailleurs: „Durch Schillers Briefe und übrigen Aufsätze<br />
in den ‚Horen’ bin ich groβentheils mit ihm auch wegen der in der Schrift über Anmut und Würde in Eintracht<br />
gebracht worden. Ich hoffe, daβ auch Sie […] die Schönheit nun weniger zweideutig ansehen werden als<br />
ehedem, nachdem Schiller die rein idealische Natur auf den erhabensten aller Standpunkte, den der vollendeten
47<br />
passage qui, comme on peut facilement le déceler, fait de toute évidence allusion à la nouvelle<br />
du collectionneur 221 que Goethe rédigea en collaboration avec Schiller. En l’occurrence, cette<br />
«fantaisie philosophante» se réfère aux métaphysiciens et idéalistes; il ne reste qu’à deviner<br />
qui peut vraiment correspondre à ce surdoué, qui «vole à grande vitesse sur des ailes<br />
puissantes» et «qui perce l’obscurité avec le rayon d’éclair du génie», c’est-à-dire qui crée<br />
l’événement avec ses théories novatrices quant aux questions esthétiques. Suivant la logique<br />
d’un clavis scientiae, 222 on constate indubitablement des similitudes avec le philosophe de la<br />
nouvelle du collectionneur, 223 et donc Schiller. Toutefois, il reste difficile de savoir qui se<br />
cache concrètement derrière le nous collectif, qui relève ici plutôt d’un sens rhétorique. A part<br />
cela, on ne peut que soupçonner que Fernow brosse, à travers l’image du sceptique restant,<br />
son autoportrait littéraire: comme celui d’un Dédalus kantien qui reste bien ‘les pieds sur<br />
terre’, 224 qui, contrairement à l’‘Icare’ schillérien, évite sagement de tels vols dans les<br />
Menschheit gestellt hat. […] Beim Lichte besehen ist seine Erklärung […] keine andere, als die von Kant<br />
aufgestellte, nur, dass er, was Kant an Besonderem gezeigt hat, am Allgemeinen zeigt. Kants freie<br />
Übereinstimmung der Einbildungskraft mit dem Verstande und Schillers Harmonie der sinnlichen und<br />
vernünftigen Triebe sind im Grunde ein- und dasselbe; und durch beide in einem Punkt zusammentreffende<br />
Erklärungsarten ist der Gegenstand nur um so besser ins Licht gestellt, und besonders die Schönheit der<br />
Gesinnung, wo gewiβ nicht Einbildungskraft und Verstand, sondern Neigung und Pflicht frei zusammenstimmen<br />
müssen - ,befriedigender’ erklärt.“<br />
220 Voir RS, I, „Über das Kunstschöne“ (ps. 291-450), première parution dans le Deutsches Magazin de Egger<br />
(1799): „Wer seinen Flug noch höher richten und auf den Fittichen einer filosofirenden Fantasie, oder einer<br />
fantasirenden Vernunft (in der Sprache der Eingeweihten intellektuelle Anschauung genannt) sich zu den<br />
überirdischen Sfären emporschwingen, und das Urschöne in Gott, oder im Universum aufsuchen, und im<br />
Absoluten erkennen wil, dem wünschen wir eine glükliche Reise, und er sol uns gegrüst seyn, wenn er uns aus<br />
den Regionen des Lichts nicht dunkle Orakelsprüche, sondern klare, heitere, für die Theorie der Kunst und für<br />
die Anwendung fruchtbare, klare Einsichten zurückbringt. Wir wollen ihn hier unten erwarten.“ La notion du<br />
beau originel se réfère apparemment à Schelling.<br />
221 [Johann Wolfgang v. Goethe:] „Der Sammler und die Seinigen“, nouvelle parue dans: Propyläen. Eine<br />
Monatsschrift, ( 2 1799), Goethe (Éd.), deuxième pièce, ps. 26-122. Une lettre de Fernow datant du 14 avril 1805<br />
témoigne de son rapport avec Goethe; il parle de son inquiétude «qu’une étoile principale de notre art et du goût<br />
allemand va s’éteindre» vu la maladie de Goethe, mettant sa vie en danger („[ein] Angelstern unserer Kunst und<br />
des teutschen Geschmacks untergeht“/cité d’après JS, p. 343). De même, il mentionne dans ce contexte sa<br />
relation étroite avec Schiller, son «frère de Titane» („Titanenbruder“) avec lequel il vit dans «l’amitié la plus<br />
sincère» („in der genauesten Freundschaft lebt“, ibid.).<br />
222 A partir de la notion de littérature de clef et la relation communicative entre l’auteur et le récepteur<br />
concernant d’un message sous-jacent, cf. l’étude de Gertrud Maria Rösch: Clavis Scientiae. Studien zum<br />
Verhältnis von Faktizität und Fiktionalität am Fall der Schlüsselliteratur, Éd. Niemeyer, Tübingen, 2004.<br />
223 Denise Blondeau: „Goethes Novelle Der Sammler und die Seinigen als ‚doppelte Ästhetik’“, in: Klassiken<br />
Klassizismen, Klassizität, Sektion 21, Lang, Francfort/M., ps. 19-24. Cf. pour les citations suivantes note n° 211<br />
ebd.<br />
224 Voir note ci-dessus.
48<br />
‘sphères’ de l’abstraction. Intéressons-nous davantage, dans ce contexte, au point de départ<br />
schillérien, à savoir le point de vue idéaliste. 225<br />
On peut d’emblée déceler trois tendances basiques: 1. L’aspect scientifique 226 2. L’aspect<br />
(socio-)politique 227 et 3. L’aspect (esthético-) philosophique. 228 Cette différenciation est<br />
également importante par rapport à la conception esthétique de Fernow. Concernant la<br />
première tendance, il faut partir du principe que l’anticonformisme intellectuel 229 de Schiller<br />
et sa position initialement prorévolutionnaire, 230 traduisent également en partie les<br />
convictions (cosmo-)politiques’ 231 de Fernow. A l’égard de la politisation des arts sous la<br />
forme d’une mission éthique, on constate cependant une divergence d’esprit. Tandis que<br />
Schiller est toujours soucieux de subordonner celle-ci à des fins collectives au sens d’un<br />
programme éducatif, 232 Fernow, quant à lui, reste plutôt sceptique. Considérons maintenant de<br />
plus près les deux points de départ. Schiller essaie de démontrer à partir des considérations<br />
d’ordre historique, 233 et par allusion aux conséquences de la Révolution française que le<br />
problème politique ne peut être résolu ni dans une société naturelle ni dans une société divisée<br />
ou artificiellement produite, étant donné que la pulsion et la raison s’y confrontent<br />
225 Berghahn Klaus L.: Ansichten eines Idealisten, Éd. Athenäum, Francfort/M., 1986.<br />
226 Klaus Manger et Gottfried Willems (Éd.): Schiller im Gespräch der Wissenschaften, (Ereignis Weimar-Jena.<br />
Kultur um 1800: Ästhetische Forschungen, vol. 11), Éd. Winter, Heidelberg, 2005.<br />
227 Ernst Cassirer: „Die Methodik des Idealismus in Schillers philosophischen Schriften“, in: Idee und Gestalt,<br />
Berlin 1921, ainsi que Klaus Berghahn: Ästhetik und Politik im Werk Schillers, (Monatshefte, vol. 66), Éd. Lang,<br />
Francfort/M., 1974, ps. 401-421.<br />
228 Lukács Georg: „Zur Ästhetik Schillers“, in: Beiträge zur Geschichte der Ästhetik, Berlin, 1954, ps. 11-96,<br />
ainsi que Kerry Stanley: Schiller’s Writings on Aeshetics, Éd. University Press, Manchester, 1961.<br />
229 Voir l’article de Roland Krebs: «Le jeune Schiller face au matérialisme français», dans: Revue d’études<br />
germaniques internationale, n° 22, 2004, ps. 25-42.<br />
230 Ibid. Jean Mondot: «Schiller et la Révolution française - D’un silence, l’autre», ps. 87-102.<br />
231 Cf. Ulrich Floss: Kunst und Mensch in den ästhetischen Schriften Friedrich Schillers. Versuch einer<br />
kritischen Interpretation, Cologne/Vienne, 1989, ainsi que Teresa R. Cadete: Schillers Ästhetik als<br />
Synchronisierung seiner anthropologischen und historischen Erkenntnisse, (Weimarer Beiträge), cahier n° 6,<br />
Weimar, 1991, ps. 839-852.<br />
232 Entre 1795 et 1805 Schiller s’intéressa surtout, en dehors de l’écriture de drames (Don Carlos), à la rédaction<br />
d’écrits théoriques («De l’éducation esthétique de l’homme», «De la poésie naïve et sentimentale»), qui sont<br />
généralement attribués au classicisme weimarien. Schiller préconise, comme programme dirigé contre la<br />
révolution et en se délimitant de la politique actuelle, non seulement la création pacifique d’un état idéal, mais<br />
également l’éducation esthétique de l’homme, dont la raison et la sensualité forment une corrélation<br />
harmonieuse. Cf. Rüdiger Safranski: Friedrich Schiller oder die Erfindung des deutschen Idealismus, Éd.<br />
Hanser, Munich, 2004.<br />
233 Cf. Thomas Prüfer: Die Bildung der Geschichte. Friedrich Schiller und die Anfänge der modernen<br />
Geschichtswissenschaft (Geschichtskultur, vol. 24), Éd. Böhlau, Cologne/Weimar/Vienne, 2002.
49<br />
réciproquement. Comme alternative à cet état de nature ou état de nécessité, Schiller conçoit<br />
ainsi un état de raison ou état idéal, «comme c’est la beauté par laquelle on accède à la<br />
liberté.» 234 Suivant cette logique, l’art prend la place d’un élément consolidant qui dépasse les<br />
divisions sociales, et qui peut donc être employé comme catalyseur afin de réaliser la société<br />
idéale, à l’exemple de la polis grecque. 235 La dimension utopique de cette approche est<br />
manifeste. 236 Sous l’impression des effets violents de la Révolution française, Schiller associe<br />
le présent à une dégradation des mœurs et une culture appauvrie, tandis qu’il voit dans Les<br />
Dieux de la Grèce 237 l’Antiquité comme l’exemple par excellence d’une société morale<br />
hautement civilisée où les arts fleurissent, qui ressent naturellement, à l’opposé de celle qui<br />
ne ressent que le naturel. 238 Pour cette raison, son utopie sociale vise à mettre «de manière<br />
rationnelle une Grèce» au monde. 239 Fernow défend un idéal antique similaire, quoique<br />
modéré, qui conçoit l’art moins comme un don naturel, que comme «le produit d’une culture<br />
nationale.» 240 Dans ce contexte, il n’exclut pas la possibilité d’un retour à une époque<br />
234 Voir: Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, Robert Leroux (Éd.), Éd. Aubier, 1992 (dans ce qui suit<br />
raccourci SBE), 2 ème lettre, p. 90: „Dem Griechen ist die Natur nie bloβ Natur; darum darf er auch nicht erröten,<br />
sie zu ehren; ihm ist die Vernunft niemals bloβ Vernunft: darum darf er auch nicht zittern, unter ihren Maβstab zu<br />
treten. Natur und Sittlichkeit, Materie und Geist, Erde und Himmel flieβen wunderbar schön in seinen<br />
Dichtungen zusammen.“<br />
235 SBE, lettre n° 10, p. 163: „Man beruft sich, zuversichtlich genug, auf das Beispiel der gesittesten aller<br />
Nationen des Altertums, bei welcher das Schönheitsgefühl zugleich seine höchste Entwicklung erreichte, und auf<br />
das entgegengesetzte Beispiel jener teils wilden, teils barbarischen Völker, die ihre Unempfindlichkeit für das<br />
Schöne mit einem rohen oder doch austeren Charakter büssen.“<br />
236 Cf. Walter Hinderer: „Utopische Elemente in Schillers ästhetischer Anthropologie“, dans: Literarische<br />
Utopie-Entwürfe, Hiltrud Gnüg (Éd.), Francfort/M., 1981, ps. 173-186, ainsi que Klaus L. Berghahn:<br />
„Ästhetische Reflexion als Utopie des Ästhetischen. Am Beispiel Schillers“, dans: Utopieforschung.<br />
Interdisziplinäre Studien zur neuzeitlichen Utopie, (Éd.) Voβkamp, vol. 3, Éd. Metzler, Stuttgart, 1982, ps. 146-<br />
171.<br />
237 Voir l’hymne panégyrique de Schiller Die Götter Griechenlandes, (1788): „Da ihr noch die schöne Welt<br />
regieret, an der Freude leichtem Gängelband selige Geschlechter noch geführet, schöne Wesen aus dem<br />
Fabelland! Ach, da euer Wonnedienst noch glänzte, wie ganz anders, anders war es da! Da man deine Tempel<br />
noch bekränzte, Venus Amathusia!“, cité selon [Friedrich Schiller:] Sämtliche Gedichte, Éd. Insel, Francfort/M.,<br />
1991, ps. 190-194.<br />
238 Voir: „Über naive und sentimentalische Dichtung“, dans: Schillers Werke, Nationalausgabe [NA], vol. 20,<br />
Benno v. Wiese (Éd.), (1962), p. 431. Cf. à ce sujet Bernhard Fischer: „Goethes Klassizismus und Schillers<br />
Poetologie der Moderne: Über naive und sentimentalische Dichtung“, in: Zeitschrift für deutsche Philologie, (n°<br />
113/2), (1994), ps. 225-245: „Sie empfanden natürlich; wir empfinden das natürliche.“<br />
239 Voir la lettre de Schiller à Goethe, écrite le 23 août 1794, dans: Briefwechsel zwischen Schiller und Goethe,<br />
Emil Staiger (Éd.), Francfort/M., 1977, p. 34: „auf rationalem Wege ein Griechenland [zu] gebären.“<br />
240 RS, I, p. 414: „Wir wollen bildende Kunst haben; die Grichen hatten sie wirklich; bei ihnen war sie ein<br />
natürliches Erzeugnis der Nazionalkultur, und ihre ganze Verfassung aufs innigste verwebt: Wann sie das einst
50<br />
florissante de culture, mais, à la différence de Schiller, il est tout à fait conscient de la<br />
problématique d’une telle renaissance intellectuelle. Alors que Fernow, à l’égard du rapport<br />
de l’état grec, insiste sur l’emphase du sentiment, Schiller vise surtout l’aspect socio-critique.<br />
Ainsi, ce même attire l’attention sur le fait que l’histoire offre également suffisamment d’anti-<br />
exemples quant à l’échec de la ‘symbiose culturelle’ au sens de la corrélation entre la<br />
politique et l’état à l’antique, comme l’illustre par exemple la chute du Saint Empire romain.<br />
Or, on remarque, qu’en règle générale, il établit toujours une relation directe entre l’art et la<br />
politique. Contrairement à cela, Fernow se prononce clairement, malgré les problèmes<br />
d’orientation métaphysique qu’il a au début, 241 pour une séparation nette entre les deux<br />
sphères, car selon lui, cela correspond plus à l’utilité idéale de l’art. 242 En revanche, en ce qui<br />
concerne la controverse schillérienne, à savoir la problématique du présent et l’esquisse d’un<br />
ordre futur idéal, Fernow s’accorde avec lui principalement sur le point que l’art constitue<br />
«une pulsion esthétique» 243 qui peut engendrer une amélioration des conditions. 244 Ainsi il<br />
approuve, au moins en principe, la conception schillérienne d’une mission éthique de l’art,<br />
dont il va cependant se distancier par la suite dans le sens où il ne croit pas à l’art comme<br />
moyen servant à l’éducation du genre humain, 245 et pour cette raison, il décline strictement<br />
toute sorte d’instrumentalisation de celui-ci. Concentrons-nous alors ici surtout sur l’aspect<br />
esthétique, c’est-à-dire celui qui est propre à la philosophie de l’art. Dans un premier temps,<br />
on constate que Fernow, à l’instar de Schiller, cherche toujours «la notion objective du<br />
wieder bei uns seyn wird, dann werden vielleicht auch wir eine bildende Kunst haben, die ihrem Zwecke<br />
entspricht. Last uns also wenigstens fühlen und richtig erkennen, was wir nicht hervorzubringen vermögen.“<br />
241<br />
Cf. lettre de Fernow à Johann Pohrt datant du 17 décembre 1796, citée selon Harald Tausch KAW, p. 41.<br />
Impressionné par la philosophie de Fichte, Fernow envisage tout à fait la possibilité d’une politisation des arts,<br />
mais qu’il ne conçoit pas en opposition à ces propres idées sur l’autonomie.<br />
242<br />
RS, III, „Über Rafaels Teppiche“, ps. 115-210. Voir pour la présente citation la préface, dédiée «Au peintre<br />
historique Gerhard von Kügelgen de Dresde» („Den Historienmaler Gerhard von Kügelgen in Dresden“): „Du<br />
sahest ein, dass jene jetzt von allen Banden religiöse und politische Zwecken abgelöste, sich selbst überlassene<br />
Malerei ernstlicher als je streben müsse, ihre Selbstständigkeit auf eine bedeutende, würdige dem idealen<br />
Zwecke der Kunst entsprechende Weise zu behaupten […].“<br />
243<br />
SBE, lettre n° 16, p. 342.<br />
244<br />
SBE, lettre n° 9, p. 29: „[…] von allem, was positiv ist, und was menschliche Konventionen einführten [... ]<br />
losgesprochen [ist].“<br />
245<br />
Pierre Grappin (Éd.) [G. E. Lessing:] Erziehung des Menschengeschlechts: Gespräche über Freimaurer, Apel<br />
(Éd.), Kulturverlag, Hambourg, 1948.
51<br />
beau.» 246 Par ailleurs, il emprunte de la philosophie kantienne un principe de base: celui de la<br />
«liberté de la force d’imagination», tout en soumettant l’esprit exclusivement au<br />
déterminisme de la sensation humaine. Contrairement à l’abstraction de Kant, Schiller<br />
concrétise ces approches ‘transcendantales’ dans sa doctrine de l’homme comme nature<br />
double, 247 sous la forme d’un individu oscillant constamment entre la raison et la sensualité et<br />
n’obéissant qu’à sa nature rationnelle. 248 Il y parvient notamment en opérant une distinction<br />
entre la pulsion matérielle (sentiment) d’un côté, et la pulsion formelle (raison) de l’autre, qui<br />
se trouvent toujours en contradiction. A l’opposé du modèle rationnel, Schiller essaie ainsi de<br />
transgresser le dualisme de l’être non pas par l’élévation de l’esprit au-dessus du corps, mais<br />
par l’union entre la ratio et le sensus (chez Schiller l’obligation et le talent), sous la forme<br />
d’une pulsion au jeu (=pulsion formelle + pulsion matérielle). 249 Ce faisant, l’unité forme le<br />
principe de base quant à l’accord des sens, 250 qui non seulement influence les états d’âme,<br />
mais porte également atteinte à la raison. 251 De même, Schiller distingue l’homme rationnel<br />
de l’homme spirituel, et parallèlement à cela, la forme et la matière. 252 Un problème principal<br />
qui s’impose ici est celui de la légitimation du beau mouvement par une culture basée sur<br />
l’éthique et l’esthétique. A ce propos, Schiller comme Fernow s’opposent à la conception de<br />
morale rigoureuse de Kant, étant donné qu’il considère la morale et la sensualité comme étant<br />
deux principes inconciliables. 253 A l’opposé de Schiller, Fernow est aussi d’avis que c’est<br />
246<br />
Schiller, lettre à Körner, du 21 décembre 1792, Nationalausgabe [NA] 26, p. 170 s.: „Den objectiven Begriff<br />
des Schönen, der sich eo ipso auch zu einem objectiven Grundsatz des Geschmacks qualificirt, und an welchem<br />
Kant verzweifelt, glaube ich gefunden zu haben. Ich werde meine Gedanken darüber ordnen, und in einem<br />
Gespräch Kallias, oder über die Schönheit, auf die kommenden Ostern herausgeben.“<br />
247<br />
AW, p. 102: „Der Mensch unterdrückt die Forderungen seiner sinnlichen Natur […] um sich den höhern<br />
seiner vernünftigen gemäβ zu verhalten; oder er kehrt es um und ordnet den vernünftigen Teil seines Wesens<br />
dem sinnlichen unter und folgt als bloβ dem Stoβe, womit ihn die Naturnotwendigkeit gleich den andern<br />
Erscheinungen forttreibt; oder die Triebe des letztern setzen sich mit den Gesetzen des erstern in Harmonie, und<br />
der Mensch ist einig mit sich selbst.“<br />
248<br />
Ibid.: „Nicht um sie wie eine Last wegzuwerfen oder wie eine grobe Hülle von sich abzustreifen, nein, um sie<br />
aufs innigste mit seinem höheren Selbst zu vereinbaren, ist seiner reinen Geisternatur eine sinnliche beigestellt.“<br />
249<br />
SBE, lettre n° 14, p. 208.<br />
250<br />
SBE, lettre n° 15, p. 214.<br />
251<br />
Ibid.<br />
252<br />
SBE, lettre n° 18, p. 244.<br />
253<br />
KU, § 39, „Von der Schönheit als Symbol der Sittlichkeit“, B 254, A 250/251, p. 461.
52<br />
plutôt une culture sensuelle qui favorise cette première, 254 en prenant clairement ses distances<br />
du modèle de l’art schillérien. Celui-ci est à la fois influencé par la doctrine kantienne (ratio)<br />
et rousseauiste 255 (‘nature’) mais pourtant émancipé de ces deux systèmes et à vocation<br />
idéale, 256 dans le sens où la contemplation esthétique, 257 suite à une disposition esthétique de<br />
l’âme, 258 devient le point de départ d’une considération morale.<br />
De même, Schiller essaie d’éliminer la différence entre la pulchritudo vaga et la pulchritudo<br />
adhaerens, 259 en attribuant néanmoins à Kant le mérite d’avoir séparé la logique de<br />
l’esthétique, 260 en ayant séparé la forme du contenu, et, ce faisant, produit l’unité de la forme<br />
et de la matière. Au delà, il applique ce postulat non-logique à l’homme: si Kant parlait<br />
encore du bien moral, Schiller élargit la notion au beau moral (kalokagathie), qu’il voit<br />
uniquement légitimé par le beau mouvement. Après les Lettres de Kallias, 261 Schiller ébauche<br />
en conséquence, dans son traité Sur la grâce et la dignité, cette théorie sur la perfection<br />
esthétique, 262 d’après laquelle la beauté représente le reflet de l’idéal de liberté dans le monde<br />
du mouvement: «La liberté de l’apparition» présupposée par la «technique dans la liberté». 263<br />
254 HE, p. 115 ss.<br />
255 Jean-Jacques Rousseau: Traité sur l’origine de l’inégalité entre les hommes, [de Moses Mendelssohn avec une<br />
lettre au Monsieur le magistre Lessing et enrichie d’une lettre de Voltaire à son auteur], Éd. C. Voss, Berlin,<br />
1756. Cf. également Jean-Marie Paul: «Rousseau et Kant: de l’utilité de la civilisation», dans: La volonté de<br />
comprendre, hommage à Roland Krebs, Maurice Godé et Michel Grunewald (Éd.), Éd. Paul Lang, Francfort/M.,<br />
2005.<br />
256 Pierre Hartmann: «La question esthético-politique chez Rousseau et Schiller», in: Revue internationale<br />
d’études germaniques, n° 22, 2004, ps. 119-132.<br />
257 Schiller voit la disposition esthétique de l’âme („ästhetische Stimmung des Gemüts“) comme le fondement de<br />
l’être humain.<br />
258 Cf. Klaus Manger en collaboration avec Nikolas Immer: Der ganze Schiller - Programm ästhetischer<br />
Erziehung, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800: Ästhetische Forschungen, vol. 15), Heidelberg, 2006.<br />
259 Voir Kant, KU, § 16, B 49, A 49, p. 310.<br />
260 Cf. lettre de Schiller à Körner, datée 25 janvier 1793, Godeke II, p. 6 et HE, p. 108 s. Au sujet de la<br />
correspondance de Schiller avec Körner cf. l’étude de Theodor Wilhelm Danzel: „Über Schillers Briefwechsel<br />
mit Körner“, dans: Zur Literatur und Philosophie der Goethezeit [1855], Hans Meyer (Éd.), Stuttgart, 1962.<br />
261 Victor Basch: «Le Kallias de Schiller, in: Mélanges Henri Lichtenberger», Éd. Vrin, Paris, 1934, ps. 99-121,<br />
ainsi que J. M. Ellis: Schiller’s Kalliasbriefe an the Study of his Aesthetic Theory, Éd. Mouton, Den Haag, 1969.<br />
262 Kenneth Parmelee Wilcox: Die Dialektik der menschlichen Vollendung bei Schiller, Éd. Lang, Francfort/M.,<br />
1981.<br />
263 Cf. la correspondance de Schiller, op. cit., y compris la lettre de Schiller à Körner, datée Jéna, le 23 février<br />
1793 [dimanche]: „Freiheit in der Erscheinung ist eins mit der Schönheit“, et idem dans: Über Anmut und<br />
Würde, Éd. Reclam, Stuttgart, (1971), 2003, p. 37: „Der Grund der Schönheit ist überall Freiheit in der<br />
Erscheinung. Der Grund unserer Vorstellung von Schönheit ist Technik in der Freiheit.“
53<br />
L’homme incarne cette beauté du mouvement, 264 car il unit dans son être la personne et le<br />
caractère (avec les états d’âme correspondants) et ainsi, il peut sélectionner ses apparitions,<br />
et, dans ce contexte, Schiller distingue par la suite également la beauté architectonique et de<br />
la beauté amovible. 265 Par rapport à l’homme, il élargit la beauté naturelle, par ce même<br />
indice, au principe de liberté, comme étant cette cause, qui change selon ses propres<br />
raisons. 266 Suivant cette logique, il établit par la suite une différence entre deux formes du<br />
mouvement: la forme sympathique (consciente) et la forme arbitraire (inconsciente). Cela<br />
déclenche de vives polémiques de la part de Fernow. Dans une lettre à Baggesen, ce dernier<br />
annonce une contre-déclaration à ce propos, 267 qu’il expose dans sa lettre suivante, en<br />
considérant l’expression de la beauté selon Schiller comme étant impure, étant donné qu’elle<br />
implique trop d’éléments hétérogènes (moral, sensuel, gracieux, émouvant etc.). 268 De même,<br />
il constate que dans les deux moments du beau mouvement, la grâce ou la délicatesse<br />
(attitude morale et sensuelle) et la dignité (expression d’une attitude sublîme), que l’idéal<br />
esthétique kantien ou bien spinoziste du désintérêt n’est de toute évidence pas réalisé, étant<br />
donné que les deux principes obéissent exclusivement aux sphères d’intérêt propres à<br />
l’homme. En l’occurrence, le postulat schillérien de beauté se réfère d’abord à l’homme et<br />
l’état de la belle apparence qui se destine aux fins collectives, qu’il croit reconnaître dans<br />
chaque âme délicate comme étant l’expression de la grâce. 269 A la différence de Schiller,<br />
264<br />
Cette notion de la beauté vivante remonte à Lessing, Cf. citation: „Schönheit ist Reiz in Bewegung“, dans:<br />
Laokoon oder über die Grenzen der Mahlerey und Poesie, Éd. Reclam, XXI, p. 157.<br />
265<br />
Voir: „Über Anmut und Würde“, Klaus L. Berghahn (Éd.), Éd. Reclam, Stuttgart, 1994; (sigle raccourci dans<br />
ce qui suit AW), ici p. 84.<br />
266<br />
Ibid., p. 83: „Aber mit der Willkür tritt der Zufall in ihre Schöpfung ein, und obgleich die Veränderungen,<br />
welche sie unter dem Regiment der Freiheit erleidet, nach keinen andern als ihren eignen Gesetzen erfolgen, so<br />
erfolgen sie doch nicht mehr aus diesen Gesetzen.“<br />
267<br />
Voir lettre de Fernow à Baggesen écrite à Rome, le 20 février 1795, voir référence ailleurs, p. 371: „Ich habe<br />
einen kleinen Aufsatz über die Schönheit der Bewegung fertig liegen, worin ich nicht ganz der Schiller’schen<br />
beistimmen kann, der die Erklärung derselben nicht rein genug gibt, sondern noch heterogene Theile mit<br />
aufnimmt.“<br />
268<br />
Ibid.: „So wie der Körper die Materie ist, woran die Schönheit der Gestalt hervorgebracht wird, so ist der<br />
Ausdruck, er mag nun sittlich oder sinnlich, anmutig oder liebreizend usw. sein, unstreitig die Materie der<br />
Bewegung, und die Schönheit ist nicht ganz rein, wenn ihr irgend etwas von solchem Ausdrucke anklebt.“<br />
269<br />
Cf. Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (sigle SBE), lettre n° 27, p. 372: „Existiert aber auch ein<br />
solcher Staat des schönen Scheins, und wo ist er zu finden? Dem Bedürfnis nach existiert er in jeder
54<br />
Fernow remplace par ailleurs cette notion de grâce par celle de la belle conduite comme degré<br />
d’expression, qu’il considère comme étant la beauté du mouvement. 270 De même, il approuve<br />
la théorie schillérienne de la Gestalt vivante 271 uniquement comme expression de la beauté<br />
modifiée, car, selon lui, ce n’est que la forme et non pas la matière, à la différence des attraits<br />
de la nature (comme p. ex. des couleurs, des tons), qui puisse être soumise à une<br />
idéalisation. 272 Est-ce que Fernow ignore ici vraiment le problème de personne 273 et le<br />
principe kantien de la beauté utile, 274 en esquissant une notion trop capricieuse de la Gestalt 275<br />
et des arts plastiques, 276 où, contrairement à Schiller, l’expression des arts plastiques est<br />
également transposée dans la sphère humaine de l’apparition (=mouvement)? 277 Faut-il<br />
concevoir, ce que Schiller considère comme l’apparence esthétique, uniquement à partir de<br />
l’ontologie (à savoir l’existence) ou la phénoménologie (c'est-à-dire l’apparence)? Schiller<br />
laisse ce choix au juge de l’art rigoureux auquel Fernow peut être identifié. Cette libération<br />
de l’idéal de toute forme du subjectivisme va chez lui, comme chez Goethe, de pair avec la<br />
feingestimmten Seele […] wo nicht die geistlose Nachahmung fremder Sitten, sondern eine eigne schöne Natur<br />
das Betragen lenkt, wo der Mensch durch die verwickeltsten Verhältnisse mit kühner Einfalt und ruhiger<br />
Unschuld geht, und weder nötig hat, fremde Einheit zu kränken, um die seinige zu behaupten, noch seine Würde<br />
wegzuwerfen, um Anmut zu zeigen.“<br />
270 Voir lettre n° 16, ibid.: Unter dem Anstand verstehe ich […] den Stil der persönlichen Selbstdarstellung, die<br />
der Mensch, insofern er das Kunstprodukt seiner eigenen Ausbildung ist, an sich selbst hervorbringt […] aber<br />
nur in dem schönen ist die Schönheit der Bewegung rein enthalten.“<br />
271 Le terme de la Gestalt est synonyme de forme, silhouette, ou apparence. Cf. à ce sujet également l’idée de<br />
Pygmalion chez Schiller, voir SBE, lettre n° 15, p. 214.<br />
272 Ibid.: „[man nur die Form] nicht die Materie idealisieren und verschönern [kann].“ Fernow se réfère ici<br />
également à Kant et du problème du coloris comme sensation de sens de la belle nature. Voir KU, § 40, A 171.<br />
273 Cf.: Über Anmut und Würde, op. cit., p. 92.<br />
274 Voir Kant: „Allgemeine Anmerkung zum ersten Abschnitte der Analytik“, A 68 ss.: „[…] und das<br />
Wohlgefallen ruht nicht unmittelbar auf dem Anblicke der Gestalt, sondern der Brauchbarkeit derselben zu<br />
allerlei möglicherlei Absicht.“<br />
275 D’après Fernow l’art est capable d’exprimer «l’idéal de la perfection et beauté humaines» („[…] das Ideal<br />
menschlicher Vollkommenheit und Schönheit“) de façon complète, en mettant l’accent soit sur l’idéal de<br />
l’apparence („das Ideal der Gestalt“) soit sur l’idéal du caractère („das Ideal des Karakters“). Ensuite, il définit<br />
l’art plastique comme «la Gestalt et l’expression visible du même» („Gestalt und sichtbaren Ausdrucke<br />
derselben“/ voir RS, II, p. 23). De même, Fernow opère, à partir de Kant, une distinction stricte entre le<br />
mouvement et la Gestalt comme les «deux formes les plus générales de la contemplation [l’espace et le temps]»<br />
(„beiden algemeinsten, den beiden Formen der Anschauung (dem Raume und der Zeit)“/ RS, II, p. 19).<br />
276 Fernow au sujet de l’idéal plastique dans RS, I, p. 101: „Bestimtheit der Formen, eine feste Stellung und<br />
Haltung sol[l] dem bildenden Künstler vor allem wichtig seyn, und sie lassen sich mit der grösten Zartheit und<br />
Grazie jugendlicher Naturen verbinden.“<br />
277 SBE, lettre n° 26, p. 350.
55<br />
quête d’un unique style pur, 278 en se délimitant de toute forme de maniérisme, 279 duquel<br />
Fernow se distancie également de manière décisive. 280 Que cela ait pour première<br />
conséquence une interprétation unilatérale de la notion d’art, qui peut être décrite comme un<br />
durcissement du système théorique, paraît évident. Un autre aspect, qui mérite par rapport à<br />
Schiller et Fernow d’être mentionné, est le problème de la séparation des arts. La question<br />
concrète que les deux se posent est la suivante: comment peut-on délimiter ces genres<br />
différents (à savoir la musique, la poésie, les arts plastiques) les uns par rapport aux autres?<br />
Schiller ébauche, à ce propos, un modèle de fusion d’après lequel la musique, «sa perfection<br />
sublime» devient Gestalt, «l’art plastique dans sa perfection sublime» devient musique, et la<br />
poésie, «dans sa formation parfaite», intrigue, comme l’art musical, «de manière puissante»,<br />
mais, en même temps, entoure «avec la clarté silencieuse comme les arts plastiques.» 281<br />
Fernow, se concentrant moins sur le caractère unique de l’art, critique au contraire le principe<br />
de l’hétéronomie artistique, qu’il voit surtout propagée par les «peintres allégorisants et les<br />
musiciens qui peignent», 282 qui, au sens de la poésie universelle progressive émise par<br />
Schlegel, 283 cherchent à unir tous les genres d’art de par leur activité en tant qu’amateur.<br />
278 Ainsi, Fernow part, en ce qui concerne le style, d’un type idéal d’après lequel l’artiste ne devrait «pas<br />
inventer», mais «s’approprier l’esprit et le style de l’idéal» („nicht erfinden“ et „sich den Geist und Stil des<br />
Ideals zu eigen“/RS, II, p. 41): „[…] dass er aus ihnen die schönen Verhältnisse lerne, welche demselben zum<br />
Grunde liegen; dass er an ihnen seine Einbildungskraft zur Anschauung der algemeinen Geseze der Natur<br />
erhebe, und so den Tipus in sich erzeuge, welcher seinen eigenen idealischen Schöpfungen zum Vorbilde dient.“<br />
279 Schiller envisage toujours par rapport à la grâce humaine l’idéal de la belle grâce, tandis que Fernow parle,<br />
par rapport à l’homme, uniquement des belles manières. Il se peut que Fernow associe à la grâce exclusivement<br />
«l‘attrait doux et flatteur» („lieblichen, schmeichelnden Reiz“/ cf. chapitre au sujet de Canova), qu’il ne peut pas<br />
admettre en tant que classiciste sévère.<br />
280 Cf. JS, p. 362.<br />
281 Voir lettre n° 22, XII, p. 84: „Die Musik in ihrer höchsten Veredelung muβ Gestalt werden und mit der<br />
ruhigen Macht der Antike auf uns wirken; die bildende Kunst in ihrer höchsten Vollendung muss Musik werden<br />
und uns durch unmittelbare sinnliche Gegenwart rühren; die Poesie in ihrer vollkommensten Ausbildung muβ<br />
uns, wie die Tonkunst, mächtig fassen, zugleich aber, wie die Plastik mit ruhiger Klarheit umgeben.“ Cf.<br />
également, pour de plus amples informations au sujet de l’histoire de l’esthétique musicale l’étude de Dénis<br />
Zoltai: è- und Affekt. Geschichte der philosophischen Musikästhetik von den Anfängen bis zu Hegel, Éd.<br />
Akademie Verlag, Berlin, 1970 [traduction allemande].<br />
282 RS, II, X: „[der] so hoch gepriesenen musikalischen Poeten, allegorisierenden Maler und malenden Musiker<br />
samt ihren wundersamen Werken sowie das lose Geschwäz jener Phantasten, die gerne alle Künste untereinander<br />
verirren.“ Fernow fait allusion à ce phénomène du courant romantique visant à l’universalisation des<br />
arts, que Schiller, à l’opposé, rejette avec véhémence.<br />
283 Cf. Friedrich Schlegel: Athenäum. Eine Zeitschrift von August Wilhelm Schlegel und Friedrich Schlegel, vol.<br />
I, deuxième pièce, Berlin, Éd. Friedrich Vieweg l’ancien, 1798, n° I, ps. 3-146 [sans noms d’auteurs]. Parue en
56<br />
Selon lui, seuls les artistes peuvent transgresser les différents arts de par leur traitement de la<br />
matière. Or, cette dernière doit toujours présenter le contenu et la forme, la beauté et la Gestalt<br />
dans une relation équilibrée, orientée vers l’idéal, et qui ne doit ni être exagérée, ni être trop<br />
schématique. 284 A l’opposé de Fernow, Schiller élève la forme au-dessus du contenu, étant<br />
donné que «c’est la forme seule qui […] agit sur l’homme dans son ensemble, tandis que le<br />
contenu n’agit que sur des forces isolées.» 285 Dans Les frontières des beaux-arts, Schiller<br />
sanctionne par la suite l’art comme étant la symbiose entre l’apparence et la nécessité. De là<br />
résulte le traçage des limites entre les genres artistiques, en respectant l’utilité générale, qui<br />
correspond en effet tout à fait aux convictions de Fernow d’une séparation des arts. 286 Ainsi,<br />
ce dernier opère une distinction entre l’art musical, l’art poétique et rhétorique, et<br />
l’imagination poétique, qu’il définit comme étant la représentation dans le temps, où le moyen<br />
est à chaque fois le mouvement, qui ne peut qu’ « equisser les apparences», hantant «le sens<br />
intérieur» et, pour cette raison, ne peut «donner des images», mais seulement «éveiller celles<br />
qui sont déjà présentes.» 287 Toutefois, il reste à savoir si Fernow distord vraiment le principe<br />
reédition sous le titre ’Äthenäums’-Fragmente und andere Schriften, Éd. Reclam, Stuttgart, 1978, p. 90: „Die<br />
romantische Poesie ist eine progressive Universalpoesie. Ihre Bestimmung ist nicht bloβ, alle getrennte<br />
Gattungen der Poesie wieder zu vereinigen, und die Poesie mit der Philosophie und Rhetorik in Berührung zu<br />
setzen. Sie will, und soll auch Poesie und Prosa, Genialität und Kritik, Kunstpoesie und Naturpoesie bald<br />
mischen, bald verschmelzen, die Poesie lebendig und gesellig, und das Leben und die Gesellschaft poetisch<br />
machen, den Witz poetisieren, und die Formen der Kunst mit gediegnem Bildungsstoff jeder Art anfüllen und<br />
sättigen, und durch die Schwingungen des Humors beseelen.“<br />
284 Fernow s’exprime à ce sujet en détail dans son essai: „Über den Zwek, das Gebiet und die Grenzen der<br />
dramatischen Malerei“, RS II, p. 11. Dans ce contexte, il critique non seulement les «positions et distorsions<br />
exagérées du corps» („übertriebenen Stellungen und Verdrehungen des Körpers“), mais également «l’imitation<br />
sans esprit des formes antiques» („geistlose Nachahmung antiker Formen“), qui se manifeste chez les nouveaux<br />
artistes non seulement à travers la forme «les positions académiques et le groupement théâtral» („akademischen<br />
Stellungen und theatralischem Gruppenbau“), mais également dans le choix des couleurs «l’art d’aveugler par<br />
des coups de pinceau et un effet de couleurs frappant» („Kunst zu pinseln und durch auffallende Farbenwirkung<br />
zu blenden“).<br />
285 Cf. SBE, 22 ème lettre, p. 188 ss.: „Und nicht bloβ die Schranken, welche der spezifische Charakter einer<br />
Kunstgattung mit sich bringt, auch diejenige, welche dem besondern Stoffe, den er bearbeitet, abhängig sind,<br />
muss der Künstler durch die Behandlung überwinden. In einem wahren Kunstwerke soll der Inhalt nichts, die<br />
Form aber alles tun, denn durch die Form allein wird auf das ganze im Menschen, durch den Inhalt hingegen nur<br />
auf einzelne Kräfte gewirkt.“<br />
286 Cf. troisième partie du présent travail.<br />
287 RS, II, p. 20: „nur schon vorhandene wecken könne.“
57<br />
schillérien de la poésie naïve et sentimentale 288 quand il considère l’idéal comme notion de<br />
raison, 289 en assimilant l’idéal au naturel, et non pas au sentimental. 290 De toute façon il est<br />
sûr que pour Fernow, tout comme pour Schiller, en ce qui concerne la question de l’idéalité<br />
dans l’art, 291 la plasticité, au sens que lui confère Herder, 292 constitue un point de fuite<br />
commun. 293 Globalement, on peut alors faire un lien entre Schiller et Fernow, surtout à<br />
l’égard de l’idée d’autonomie et la conception du génie. Or, une congruence parfaite ne peut<br />
être constatée que par moments et, le cas échéant, seulement sous forme d’approches. La<br />
thèse selon laquelle les convictions esthétiques de Fernow et de Schiller pourraient être<br />
égalisées par l’idéalisme romantique 294 ne peut donc pas être soutenue. Quoique la définition<br />
schillérienne sur le beau dans l’art comme synthèse entre le beau et le vrai traduise aussi les<br />
convictions théoriques de Fernow, ce dernier se distancie également délibérément de la<br />
mission, à la fois morale et éthique, déclarée dans les lettres intitulées «Sur la grâce et la<br />
288 HE, p. 124: „[…] Fernow [hat] den Grundgedanken der Schrift über das Naive und Sentimentalische sich<br />
nicht […] zu eigen machen können [da er ihn] offensichtlich nicht verstanden hat.“ Il reste à savoir si Fernow,<br />
comme le constate von Einem ignore le problème fondamental du traité schillérien („das Grundproblem der<br />
Schillerschen Abhandlung fremd geblieben ist“), étant donné qu’il confond de toute évidence le topos antique et<br />
sentimental (p. ex. le Torquato Tasso de Goethe), en limitant les arts plastiques seulement à l’Antiquité (HE, p.<br />
125).<br />
289 RS, I, p. 339 s.: „[das Ideal sei ein] Vernunftbegrif, dem kein Gegenstand in der Wirklichkeit ganz entspricht,<br />
und den kein Streben, sich wirklich zu machen, ganz erreicht, weil er ein Unendliches, Unbedingtes enthält.“<br />
290 Lettre du 15 déc. 1796, cité selon Penelope, p. 377: „Ich glaube, dass sich über das Naive nichts Wahreres<br />
und Besseres sagen läβt, und daß Schiller diesen Gegenstand erschöpft hat. Nur wünschte ich, daß Schiller […]<br />
die sentimentalischen Dichter anders getauft hätte [...] Das Idealische steht dem Natürlichen, welches den<br />
naiven Charakter ausmacht, besser entgegen als das Sentimentale, welches Wort weder die Sache selbst richtig<br />
ausdrückt noch einen so weiten Umfang hat als der Begriff des Idealen.“<br />
291 La question de la normativité de l’idéal esthétique, ou l’idéalité, est un élément de discours très récurrent dans<br />
les écrits esthétiques de Fernow. Suivant une logique similaire, Henri Bergson utilise la notion d’idéalisme afin<br />
de mettre en relief l’impact propre à la perception exercé par un art orienté vers la realité sur le spectateur, qu’il<br />
comprend comme un moyen pour l’expérience de la réalité: «Ainsi, qu’il soit en peinture, sculpture, poésie ou<br />
musique, l’art n’a d’autre objet que d’écarter les symboles pratiquement utiles, les généralités<br />
conventionnellement et socialement acceptées, enfin tout ce qui nous masque la réalité, pour nous mettre en face<br />
à face avec la réalité même […] C’est d’un malentendu sur ce point qu’est né le débat entre le réalisme et<br />
l’idéalisme dans l’art. L’art n’est sûrement qu’une vision plus directe de la réalité, cf. Henri Bergson: «Le Rire»,<br />
dans: Quadrige, Éd. PUF, 1940, ps. 115-120, ici p. 120.<br />
292 Pour Herder, le toucher est le sens le plus mémorable pour la perception. Ainsi s’explique pour lui aussi la<br />
priorité de la vérité des formes des arts plastiques avant la densité superficielle (‘Flächigkeit’). Cf. Herder und<br />
die Anthropologie der Aufklärung, vol. II, Éd. Carl Hanser, Munich, 1987, p. 410 s.: „Der Körper der das Auge<br />
sieht, ist Fläche: die Fläche, die das Gefühl tastet, ist Körper […] Der Liebhaber, der eine schöne Statue sah, -<br />
sah, als ob er sie fühlte; sieht sie noch im Kupferstiche wieder; wieder als Bildsäule, und nicht bloβ als Gemälde:<br />
sieht sie, als fühle er sie noch. So der entzückte Liebhaber seine gegenwärtige und noch in ihrem Bilde seine<br />
abwesende Schöne - hier kann sich jeder Leser, Beispiele, die im gegenwärtig sind, denken.“<br />
293 Cf. S. M. Schneider, VRW, p. 60: „Was Schiller ‘Natur’ oder ‘Naives’ nennt, ist dasselbe, was für Fernow die<br />
Plastizität der Antike ist.“<br />
294 Ibid., p. 52.
58<br />
dignité», qu’il considère comme étant une transgression illicite du champ esthétique. Suivant<br />
son approche utopique, la mission de l’art consiste sutout à propulser le spectateur vers un<br />
monde idéel, 295 en constituant un palliatif vis-à-vis des «peines et petitesses» de la vie, mais<br />
qui, en même temps, ne doit nullement, au sens aristotélien 296 ou platonicien, 297 rendre<br />
indifférent «au monde réel», mais plutôt, comme vérité de l’art, y sensibiliser. 298 A l’opposé,<br />
Schiller envisage, pour ce qui est de la contemplation de l’art, premièrement la réception<br />
stimulante ou tranquillisante, qui dépend de la disposition spirituelle du spectateur (relaxant,<br />
stressant, énergique ou touchant), qui ne préserve l’homme ni de «la barbarie ou de la<br />
cruauté», ni de «la mollesse ou l’hystérie.» 299 De même, l’intérêt renforcé que Fernow et<br />
Schiller accordent aux questions d’anthropologie 300 constitue un maillon commun quant au<br />
conflit idéologique entre le matérialisme et l’idéalisme, 301 étant donné que les deux essaient<br />
295 RS, III, p. V: „Vor allem ist die Idealwelt der Kunst fähig, den Geist der oft feindselig auf uns eindringenden<br />
Gegenwart zu entführen, und ihn zu den ewig heiteren Regionen des Schönen emporzutragen, wo der Tumult der<br />
tief unter ihm kämpfenden Leidenschaften nicht hinreicht.“<br />
296 Aristotèle voit par exemple la poésie (poiètike) comme le résultat de la mimésis, en considérant cette dernière<br />
moins au sens traditionnel d’une imitation de la nature, que comme une fiction divertissante et dissipante (libre<br />
imitation de la nature). Ainsi, le poète (poieta), contrairement au philosophe de la nature (physiologon), peut<br />
enchanter son public moins par la forme de la présentation que par la représentation, le contenu, et la vivacité de<br />
la mise en scène (diégestai). Cf. [Aristoteles:] Poetik, Manfred Fuhrmann [Éd.], Éd. Reclam, Stuttgart, 1982,<br />
ainsi que Jörg Schönig: Mimesis - Repräsentation - Imagination: Positionen von Aristoteles bis zum Ende des 18.<br />
Jhd., Éd. de Gruyter, Berlin, 1994.<br />
297 Platon: ΠΟΛΙΤΕΙΑ (III), (Œuvres complètes), Émile Chambry (Éd.), Éd. Les belles lettres, Paris, 1989, p. 110<br />
(398/a/IX). En traduction allemande par Rudolf Rufener et Thomas Alexander Szlezák (Éd.), Éd. Artemis et<br />
Winkler, Düsseldorf et Zurich, 2003. Concernant la littérature de recherche, voir p. ex. Ulrike Zimbrich: Mimesis<br />
bei Platon, (Europäische Hochschulschriften, collection n° 15, vol. 28), Éd. Lang, Francfort/M. e. a., 1984<br />
[thèse, Univ. Francfort/M.], ainsi que Cornelius Grupen: Die Speisung der Seele: Platons trophologische<br />
Psychologie, Hambourg, 1998 [thèse, Univ. Hambourg].<br />
298 RS, III, préface et JS, p. 342: „Die Beschäftigung mit dem Schönen und der Kunst, die uns in eine ideelle<br />
Welt erhebt, darf uns für die wirkliche nicht versteinern, sondern sie soll Muth geben, die Plackereien und<br />
Armseligkeiten derselben froh zu ertragen. Die Künste leisten uns keinen schlimmern Dienst, als wenn ihr Genuβ<br />
uns verwöhnt, und für die Disharmonien des wirklichen Lebens, die sie auslosen sollen, nur noch empfänglicher<br />
macht.“ Cf. à ce sujet également Goethe „Über die Wahrheit und Wahrscheinlichkeit von Kunstwerken“, (WA,<br />
I, ps. 255-266), ainsi que la théorie de Henri Bergson sur l’art en tant que moyen de percevoir la réalité. Cf. à ce<br />
sujet également l’idéalisme d’Auguste Rodin, comme il l’exprime par exemple dans des œuvres comme La<br />
pensée (1893-95), L’hiver (1895) et La main de Dieu (1884). Voir aussi Antoinette le Normand-Romain: Rodin,<br />
Éd. Flammarion, 1997.<br />
299 SEB, 16 ème lettre, p. 230: „Die energische Schönheit kann den Menschen ebenso wenig vor einem gewissen<br />
Überrest von Wildheit und Härte bewahren, als ihn die schmelzende vor einem gewissen Grade der Weichlichkeit<br />
und Entnervung schützt.“<br />
300 Dans une lettre à Johann Pohrt (cité HE), Fernow déplore ainsi le fait qu’Izt ne se soit pas inspiré de<br />
l’esthétique schillérienne qui, selon lui, aurait sans doute enrichi son anthropologie: „[Izt habe] Schillers<br />
ästhetische Arbeiten noch nicht gekannt […] sonst würde er noch mehr in diese Dinge eingedrungen sein.“<br />
301 De façon similaire Fernow s’était prononcé plus tard sur les études anthropologiques du fondateur de la<br />
phrénologie, Franz-Joseph Gall, qu’il loue au sujet des «découvertes anatomiques» („anatomischen
59<br />
de faire ressortir ce que Kant appelle humaniora 302 de son abstraction, et, à la différence des<br />
philosophes naturelles, 303 le fonder d’une nouvelle façon. Ainsi, la définition de Kant<br />
concernant la question d’une propédeutique esthétique comme fondée non pas ‘par des<br />
règles’, mais dans la ‘culture des forces de l’âme’, s’applique à Schiller comme à Kant. De<br />
même, le postulat kantien sur la volonté sous la forme d’un nosce te ipsum est transféré par<br />
les deux sur le terrain esthétique au sens d’un nosce naturam. La différence décisive y repose<br />
sur une interprétation réciproque de la notion de nature à l’égard des idées des Lumières. Un<br />
autre point commun entre les deux systèmes consiste en la déduction de la notion classiciste<br />
de l’art à partir d’une «expérience d’absence et d’altérité», 304 c’est-à-dire l’utopie de<br />
l’Antiquité comme étant l’emblème de la perfection humaine, un idéal, qu’on cherche à<br />
réaliser à partir d’une «construction transcendantale» 305 dans l’art moderne. Fernow, comme<br />
Schiller, n’est pas indifférent au paradoxe que représente l’idéal atemporel du classicisme,<br />
tout comme de cette césure d’époque sur le plan sociopolitique que devait introduire la<br />
Entdeckungen“) et qu’il considère ainsi comme une «doctrine sur les organes irrefutée» („unangefochtene<br />
Organenlehre“/cf. lettre datant de Weimar, 20 septembre 1805): „Sie stimmt mit dem, was ich sonst wohl über<br />
die Natur unsers Wesens geahnet und vermuthet habe, und was zwischen Materialismus und Idealismus in der<br />
Mitte liegt, recht gut überein […] Gewiβ ist seine Lehre ein Theil eines groβen Ganzen, wozu eben so notwendig<br />
die Empirie, als die transcendente Naturphilosophie gehören und einander in gebührenden Ehren halten<br />
möchten. Leider! Schimpft Gall auf die Philosophie ohne sie zu kennen, und die Naturphilosophen schimpfen<br />
auf Gall, und wollen den menschlichen Schädel nach ihrem dreibeinigen Triangel construieren“, cité d’après JS,<br />
p. 350.<br />
302 Kant, AA XVI, L § 53/54, ainsi que X 45-46. Cf. [Polyhistorie, humaniora, 11-13]. Cf. également HE, p.<br />
105: „Was die Erziehung zur Kunst anbelangt, so betont Kant, daβ sie „nicht in Vorschriften, sondern in der<br />
Kultur der Gemütskräfte durch diejenigen Vorkenntnisse […], welche man humaniora nennt, zu liegen habe.<br />
Daβ Fernow diese humaniora in besonderem Maβe in Kants Philosophie ausgedrückt fand, bezeugt noch einmal<br />
die Bedeutung, die diese Philosophie als Ganzes für Fernow hat.“<br />
303 Fernow se distancie décidément, en tant que kantien professé des métaphysiciens jenensiens. De même, la<br />
relation entre Schiller et Fichte est d’une nature plutôt ambiguë; ce premier approuve, dans les lettres sur<br />
l’esthétique, tout à fait les théories sur la connaissance énoncées par Fichte, mais, en même temps, il critique<br />
leur caractère abstrait.<br />
304 Cf. dans ce qui suit S. M. Schneider, VRW, p. 60: „Fernow und Schiller gewinnen den Begriff der Kunst aus<br />
einer Absenz- und Alteritätserfahrung, die konstitutiv für die Idee der Kunst ist.“<br />
305 Ibid.: „Die Melancholie, die im Schluβbild von Winckelmanns ‘Geschichte der Kunst des Alterthums’ die<br />
historische Distanz zu einer unverständlich gewordenen Antike entdeckt und dort bereits die normative<br />
Ausrichtung des Klassizismus hintertreibt, ist in Schillers und Fernows transzendentaler Konstruktion der Kunst<br />
der Moderne als Paradox eingeschrieben.“
60<br />
commercialisation 306 de l’art, et ainsi l’aliénation 307 de l’artiste. Ainsi, on assiste,<br />
parallèlement au triomphe du positivisme 308 initié par Auguste Comte et l’industrialisation 309<br />
commençante, à la valorisation de l’activité créatrice de l’homme, qui va de pair avec la<br />
séparation de la valeur artisanale et marchande, qui sera désormais évaluée d’après le contenu<br />
(comme étant le produit de la raison) et la forme (comme produit de la matière), ce qui va par<br />
ailleurs entraîner l’avènement d’une industrie de l’art orientée principalement vers la valeur<br />
marchande. 310 Schiller et Fernow en sont tout à fait conscients et cherchent donc à améliorer<br />
les conditions à l’égard des données historiques, surtout socioculturelles, en respectant des<br />
changements religieux et politiques. Malgré les points communs, basés sur la quête d’un<br />
nouvel idéal de l’art à partir d’une considération sobre d’une esthétique du présent ressentie<br />
comme étant inproductive, les conceptions de l’art de Fernow et de Schiller sont pourtant<br />
fondamentalement différentes. Si Fernow considère Schiller comme un théoricien flottant<br />
dans des ‘sphères supérieures’, en le juxtaposant ainsi aux défenseurs métaphysiques qu’il<br />
qualifie de fantaisistes, cela apparaît non seulement comme une démarcation idéologique,<br />
mais plutôt comme une distance sociologique. 311 Si l’on résumait maintenant les conceptions<br />
306 Cf. à ce sujet l’étude de J. Xirau, dans: «Le problème de l’être et l’autonomie des valeurs», dans: Actualités<br />
scientifiques et industrielles, (IX. Congrès international de philosophie), vol. X, Paris, Éd. Hermann, 1937, p.<br />
110.<br />
307 Martin Dönike, KAW, idem, p. 62: „Eine Epochenzäsur trennt den modernen Ausstellungskünstler in der Tat<br />
von dem Auftragskünstler für Hof und Kirche, und kaum einer der Zeitgenossen spricht dies so nüchtern und<br />
hellsichtig aus wie Carl Ludwig Fernow, der in Rom die konkreten Auswirkungen auf Künstler wie Asmus Jakob<br />
Carstens oder Johann Christian Reinhart [sehen konnte]. In Schillers [ästhetischen] Briefen […] wird die<br />
Entfremdungserfahrung, der kunstfeindliche Charakter des Zeitalters, allgemein als Kulturkritik formuliert.“<br />
Nous reviendrons à cet aspect au cours de la deuxième partie du présent travail.<br />
308 Auguste Comte: Rede über den Geist des Positivismus, [titre original: Discours sur l'esprit positif],<br />
(Philosophische Bibliothek, vol. 468), Éd. Meiner Verlag, Hambourg, 1994 et l’étude socio-critique de Max<br />
Horkheimer: „Kulturindustrie. Aufklärung als Massenbetrug“, in idem: Dialektik der Aufklärung. Philosophische<br />
Fragmente, Éd. Querido, Amsterdam, 1947, ps. 144-198. Cf. par ailleurs également Bernhard Plé: ’Die Welt’ aus<br />
den Wissenschaften. Der Positivismus in Frankreich, England und Italien von 1848 bis ins zweite Jahrzehnt des<br />
20. Jahrhunderts, eine wissenssoziologische Studie, Éd. Klett-Cotta, Stuttgart, 1996.<br />
309 Hans-Werner Hahn: Die industrielle Revolution in Deutschland, Éd. Wiss. Verlag, Oldenburg, 2005.<br />
310 Werner Hofmann: „Der Tod der Götter“, dans: John Flaxman. Mythologie und Industrie, (catalogue de la<br />
Hamburger Kunsthalle, 1979), Éd. Prestel, Munich, 1979.<br />
311 Cette distance se réfère surtout à la popularité de Schiller, que Fernow a cherché toute sa vie durant. Fernow<br />
en est tout à fait conscient quand il quitte, au bout d’un an de professorat, l’université de Jéna et ainsi le champ<br />
de bataille du discours esthétique, pour s’installer à Tiefurt, où il va se consacrer intensément à ses études<br />
linguistiques et à l’écriture des monographies.
61<br />
théoriques de Kant, Schiller et Fernow sous la forme d’une comparaison à partir de la relation<br />
objet-sujet, on observait donc une transition graduelle vers l’esthétique autonome:<br />
1. Kant - L’idéalisme transcendantal, fondé subjectivement, porté sur la causalité.<br />
2. Schiller - L’idéalisme esthétique, orienté à la fois au sujet-objet, autonome-subjectif.<br />
3. Fernow - L’autonomie esthétique idéale (inachevée), à la vocation objective.<br />
D’après cette vue d’ensemble, il paraît donc tout à fait légitime de placer Fernow, non<br />
seulement d’un point de vue historique mais également philosophique, dans la continuité<br />
intellectuelle directe de Kant et de Schiller, vu que sa conception de l’esthétique autonome<br />
offre une option théorique qui se situant à mi-chemin entre les deux systèmes. Toutefois, la<br />
notion de «perfection historique» 312 nécessite d’être modifiée dans la mesure où il s’agit bien,<br />
surtout par rapport à Kant, d’un héritage idéel, mais nullement d’une perfection ou d’un<br />
pérfectionnement d’un système philosophique. Les aspirations émancipatoires de Fernow en<br />
tant que théoricien de l’art vont encore se concrétiser à l’égard de Winckelmann, comme nous<br />
allons encore le voir au chapitre suivant.<br />
312 Cf. note n° 306, ibid.: „[…] System historischer Vollendung.“
I. 3. Le Winckelmann de Fernow: «Noble simplicité, grandeur calme et silencieuse»<br />
62<br />
Si on se demande dans quelle mesure Fernow apporte de nouveaux élans au discours<br />
esthétique dominé par l’art classiciste autour de 1800, une étude des écrits winckelmanniens<br />
s’avère comme étant un point de départ tout à fait favorable. Dans ce contexte, il paraît<br />
évident de situer Fernow à la fois dans la continuité et la discontinuité de Winckelmann. Cette<br />
double perspective dans l’analyse nous permettra également de présenter la valeur propre de<br />
la pensée esthétique de Fernow dans son contexte philosophique. Parallèlement à l’Analysis of<br />
Beauty 313 de Hogarth paraît en Allemagne, quoique dans le temps décalé et différent quant à<br />
son orientation thématique, le traité de Johann Joachim Winckelmann intitulé Pensées sur<br />
l’imitation des œuvres grecques dans la peinture et les arts plastiques. Cette circonstance est<br />
d’autant plus étonnante quand on considère le fait que Winckelmann s’intéresse initialement<br />
moins au domaine des arts plastiques, qu’à la poésie d’Homère. Cette ‘transition’ lui pose des<br />
problèmes au départ et ne devient possible que par l’intermédiaire du peintre et sculpteur<br />
Adam Friedrich Oeser 314 qui, selon sa conviction, lui ouvre les yeux pour ce qui est de<br />
l’intérêt de la peinture et de la sculpture. Lorsque l’ouvrage en question paraît en 1755 à un<br />
tirage de seulement cinquante exemplaires, Winckelmann est alors un auteur parfaitement<br />
inconnu, et cela non seulement dans les milieux d’experts. Afin d’attirer une plus grande<br />
attention sur son texte, il a recours à une ruse, en inventant une controverse d’érudits, au<br />
cours de laquelle il attaque avec véhémence son propre texte sous la forme d’une dépêche,<br />
parue anonymement. Cette tactique littéraire lui sert ensuite de point d’accroche, afin de<br />
réfuter ces mêmes reproches critiques dans une déclaration personnelle. En ce qui concerne le<br />
contenu de ce texte, on constate tout à fait des similitudes avec la conception de Hogarth,<br />
alors que, vu dans l’ensemble, l’écho critique qui transparaît dans les deux ouvrages est pour<br />
313 Dorothy George: Hogarth to Cruikshank: Social Change in Graphic Satire, Éd. Viking Press, New Ed, 1987.<br />
314 Friedrich Schulze: Adam Friedrich Oeser - Der Vorläufer des Klassizismus, Éd. Köhler & Amelang, Leipzig,<br />
1950.
63<br />
le moins contradictoire. Ainsi, Winckelmann conçoit le plaisir de l’art généralement comme<br />
un délice de l’œil ou de l’oreille, déclenché par des incitations optiques ou acoustiques<br />
(comme p. ex. des plaisirs gourmands, le décor, la danse, etc.), en évitant de manière<br />
fondamentale tout ce qui est trop radical ou extrême. En ce qui concerne la forme, il voit le<br />
principe de beauté idéale principalement réalisé dans la ligne ondulante ou serpentée (linea<br />
serpentinata), qui se concrétise par l’harmonie des transitions douces, discrètes et variables<br />
(‘variety’), qu’il distingue à la fois de la monotonie d’une ligne droite, comme de<br />
l’immédiateté des changements de direction arbitraires. Ce sont surtout ces transitions<br />
discrètes qu’Hogarth érige, non seulement par rapport à l’art, mais également dans le domaine<br />
humain, comme idéal de l’harmonie. Ainsi, en tant qu’élève de la société baroque de la cour,<br />
il n’exige de l’art que l’amusement, tandis que Winckelmann, en tant que classicistes sévère, y<br />
voit principalement une instance morale et cathartique. Dans sa formule, souvent citée,<br />
portant sur la définition de la beauté esthétique comme ‘simplicité noble et calme grandeur’<br />
on voit donc surtout l’aspiration d’élever l’art au-dessus d’une pure délectation des sens, en le<br />
considérant comme un médium transcendantal de l’existence humaine. La ‘noble simplicity’<br />
remonte initialement au peintre et théoricien de l’art anglais Jonathan Richardson, 315 qui<br />
développe dans ses écrits, pour la première fois, un système critique pour l’évaluation et le<br />
jugement des œuvres d’art. Par la suite, Lessing va prendre en considération l’exactitude du<br />
moment représenté, alors que Winckelmann va se concentrer essentiellement sur la<br />
«simplicité noble, grandeur calme.» Contrairement à cela, Fernow va, par rapport à la<br />
discussion propre au Laokoon et conformément à sa conception de l’art sublime comme une<br />
«nature supérieure», mais qui ne doit pas «rendre indifférent à la réalité», 316 élargir cette<br />
315 Jonathan Richardson: An Essay on the whole Art of Criticism et An Argument in Behalf of the Science of a<br />
Connoisseur (1719). Cf. à ce sujet l’étude de Carol Gibson-Wood: Jonathan Richardson - Art Theorist of the<br />
English Enlightenment, Éd. University Press, Yale, 2000.<br />
316 Voir pour la présente citation: RS, III, préface et JS, p. 342.
64<br />
formule à la «grandeur calme et silencieuse.» 317 Ce changement de paradigme apparaît en<br />
l’occurrence comme une conséquence logique d’un changement dans l’histoire des idées.<br />
Déjà à l’âge de la Renaissance 318 on commence à s’orienter, à l’égard du classicisme français,<br />
à l’issue du XVII ème siècle, vers les fragments de la sculpture antique, en voyant formulées les<br />
règles éternelles de l’art dans l’Antiquité. Par la suite, on va assister, au cours de la Querelle<br />
des Anciens et des Modernes, 319 à une discussion sur la possibilité d’un dépassement de l’âge<br />
classique, qui va de pair avec la question d’une éventuelle temporalisation du goût. De même<br />
nous ne voudrions pas ici passer inaperçu le fait que Winckelmann entreprend dans ses écrits<br />
une migration constante entre les points de vue antique et moderne, 320 mais qu’on le situe<br />
habituellement comme défenseur classiciste du côté des Anciens, car il finit par faire culminer<br />
le culte antique par la formule de «devenir inimitable», 321 de par l’imitation des Anciens. Ce<br />
paradoxe que constitue le principe de l’imitation comme théorème a-référentiel (éternité),<br />
mais en même temps référentiel (Antiquité), auquel il s’est manifestement peu heurté, et qui<br />
constitue au fond le point faible de son idéal de l’art, ne sera relevé par la critique d’art que<br />
tardivement. L’idée de base de sa conception de l’art est justement ce caractère modèle de<br />
l’Antiquité grecque: l’imitation de la nature serait une pure copie, un dédoublement du monde<br />
sans esprit; en l’occurrence, la vraie beauté dans l’art réside dans le perfectionnement,<br />
l’idéalisation, voire le dépassement de l’existant, ce qui est également érigé en idéal<br />
d’humanité d’après le modèle grec, 322 auquel se joint également Fernow. Ainsi, il place le<br />
317 Cf. troisième chapitre du présent travail.<br />
318 Andreas Tönnemann: Die Kunst der Renaissance, Éd. Beck, Munich, 2007.<br />
319 Voir: Parallèle des Anciens et des Modernes, Éd. Arts et Sciences Jean Paul Coignard, Paris, 1688-1697.<br />
320 Voir à ce sujet en détail Elisabeth Décultot: Untersuchungen zu Winckelmanns Exzerptheften. Ein Beitrag zur<br />
Genealogie der Kunstgeschichte im 18. Jahrhundert, (Stendaler Winckelmann-Forschungen, vol. 2), Éd. Franz<br />
Philipp Rutzen, Ruhpolding, 2004.<br />
321 Voir Winckelmanns Gedancken zur Nachahmung der griechischen Wercke in der Mahlerey und Bildhauer-<br />
Kunst, 1755, cité d’après Fernow dans Winckelmanns Werke, Dresde, 1808 (siglé WW), p. 7: „Der einzige Weg<br />
für uns, groß, ja, wenn es möglich ist, unnachahmlich zu werden, ist die Nachahmung der Alten, und was jemand<br />
vom Homer gesagt, dass derjenige ihn bewundern lernet, der ihn wohl verstehen gelernet, gilt auch von den<br />
Kunstwerken der Alten sonderlich der Griechen.“<br />
322 [Hegel:] Ästhetik, Friedrich Bassenge (Éd.), Francfort/M., 2 vol., 1955, p. 11: „Diesen Menschen zu gestalten,<br />
ist in den Augen Hegels die große Aufgabe der Kunst. Natürlichkeit schafft dieses Ideal der Humanität das
65<br />
deuxième tome de ses études romaines sous le vers d’Horace «Vos exemplaria Graeca -<br />
Nocturna versate manu, versate diurna.» 323 De même, Winckelmann voit la Grèce antique<br />
comme l’emblème de l’âge d’or, ce temps de floraison en art et culture déjà loué par Hésiode<br />
et Ovide, qu’il voit surtout favorisé par l’existence de facteurs favorables, comme le climat<br />
méditerranéen, et le lien des Grecs avec la nature (p. ex. le culte du corps et l’athlétisme),<br />
l’absence des maladies de civilisation et des clichés moraux modernes. Nous ne voudrions pas<br />
nous attarder ici davantage sur la question relevée par Wolfgang Ullrich, 324 à savoir dans<br />
quelle mesure l’approche winckelmannienne peut être, vue au sens d’un eugénisme, fondée à<br />
la fois biologiquement et de par la race. De toute façon, de ce statut de culte de l’Antiquité<br />
résulte un autre paradoxe: plus celle-ci est déclarée un événement historique unique, plus elle<br />
paraît être inaccessible dans le présent, et doit probablement l’être, car de cette façon, elle<br />
peut en effet le mieux inspirer les mondes imaginaires des classicistes. 325 L’élégie Pompeji et<br />
l’Herculanum (1796) offre un exemple pour le culte de l’Antiquité stimulant la force<br />
imaginaire poétique, dans laquelle Schiller, quoiqu’il n’ait jamais vu de ses propres yeux les<br />
fouilles des villes campaniennes, exprime sa fascination vis-à-vis des reliques antiques: «Rien<br />
n’est perdu, la terre l’a conservé fidèlement.» 326 Une vision chimérique similaire du<br />
classiciste Jean Clair 327 atteste également Heyne, Caylus 328 et Fernow, étant donné que ceux-<br />
ci se prononcent toujours de manière critique quant aux procédés de restauration destinés au<br />
sauvetage des statues. A cette position conservatrice s’ajoute également le point de vue pro-<br />
absolute Kriterium für die Bewertung jedes künstlerischen Stils, jeder Kunstgattung oder eines einzelnen<br />
Werkes.“<br />
323<br />
RS, II, préface.<br />
324<br />
Wolfgang Ullrich: Was war Kunst? Biographien eines Begriffs, Éd. Fischer, Munich, 2005, p. 57.<br />
325<br />
Thorsten Fitzon: Reisen in das befremdliche Pompeji. Antiklassizistische Antikenwahrnehmung deutscher<br />
Italienreisender 1750-1870, (Quellen und Forschungen zur Literatur- und Kulturgeschichte, vol. 29), Éd. de<br />
Gruyter, Berlin/New York, 2004.<br />
326<br />
Voir „ Herculanum und Pompeji“, dans [Friedrich Schiller:] Sämtliche Gedichte und Balladen, Georg<br />
Kurscheidt (Éd.), Éd. Insel, Leipzig, 2004.<br />
327 e<br />
Jean Clair: Génie et folie en occident, Éd. Gallimard, Paris, 2005, ici p. 346: «Jusqu’au XVIII siècle, les<br />
procédés de restauration s’appliquaient surtout à la peinture. Cependant, certains antiquaires se prononcent<br />
clairement contre ceux de la statuaire; c’est le cas de Caylus, de Heyne et de Fernow. Canova déclare en 1821<br />
que ce serait un crime que de restaurer les sculptures du Parthenon.»<br />
328<br />
Cf. commentaire de Fernow WJ, p. 57: „Graf Caylus, ein französischer Altertumsforscher, der aber Italien<br />
bereist hatte, trug ebenfalls viel zu einer richtigen Kenntnis des Geistes und Kunstwerkes der Altertümer bei.“
66<br />
monumental, comme le défendent par exemple Quatremère de Quincy 329 et Viollet-le-Duc, 330<br />
qui se déclarent en règle générale pour des mesures restauratrices, à condition que le caractère<br />
original soit préservé. Chez Winckelmann, cet éloge 331 du classicisme va de pair avec un<br />
pessimisme de l’époque, qui est non seulement conscient des limites de ses propres<br />
possibilités artistiques, mais également de la fin, qui se dessinait, de l’iconographie, 332 et qui,<br />
pour cette raison, compense son désir de ce qui est cru perdu 333 à travers le rêve du paradis<br />
perdu. 334 Le culte du corps esthétisant et l’idéal de la liberté humaine: on pourrait de toute<br />
évidence ramener l’idéal d’art winckelmannien à cette formule courte, dont l’approche<br />
utopique réside justement dans le culte de l’Antiquité, qui font de lui un précurseur du<br />
néoclassicisme européen, 335 au même titre qu’une figure centrale du néohumanisme 336<br />
allemand. Pour mieux cerner le statut idéel de Winckelmann en Allemagne à l’issue du<br />
XVIII ème siècle, il faudrait également prendre en considération d’autres facteurs d’ordre<br />
sociopolitique. Ainsi, on peut tout à fait considérer son ambition de vouloir déclencher un<br />
renouveau artistique dans l’esprit antique comme étant une réaction vis-à-vis des conditions<br />
329<br />
Antoine Chrysostome Quatremère, appelé Quatremère de Quincy: Canova et ses ouvrages (1834) et Lettres<br />
sur les préjudices qu’occasionnerait aux arts et à la science le déplacement des monuments de l'art de l'Italie<br />
(1796). Cf. à ce sujet aussi René Schneider: L'esthétique classique chez Quatremère de Quincy (1805-1823), Éd.<br />
Hachette, Paris, 1910, et idem: Quatremère de Quincy et son intervention dans les arts (1788-1850).<br />
330<br />
Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc: «Restaurer un édifice, ce n’est pas l'entretenir, le réparer ou le refaire,<br />
c'est le rétablir dans un état complet qui peut n'avoir jamais existé à un moment donné», cité selon le<br />
Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XI e au XVI e siècle (1854 à 1868), vol. 8, voir le chapitre<br />
intitulé: «Réstauration.» Cf. à ce sujet également Jean-Paul Midant: Au Moyen Âge avec Viollet-le-Duc, Éd.<br />
Parangon, Lyon, 2001.<br />
331<br />
Cf. note n° 336, ibid.<br />
332<br />
Erwin Panofsky: Ikonographie und Ikonologie. Eine Einführung in die Kunst der Renaissance, dans le même<br />
ouvrage: Sinn und Deutung in der bildenden Kunst, Éd. Dumont, Cologne, 1975, ainsi que Peter Schmidt: Aby<br />
Warburg und die Ikonologie, Wuttke (Éd.), Wiesbaden, 2 1993, Georges Didi-Huberman: L'image survivante:<br />
histoire de l'art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Éd. Les Éditions de Minuit, Paris, 2002, et Silvia<br />
Ferreti: Cassirer, Panofsky and Warburg: Symbol, Art and History, Yale University Press, Londres/New Haven,<br />
1980.<br />
333<br />
Raimund M. Fridrich: Sehnsucht nach dem Verlorenen. Winckelmanns Ästhetik und ihre frühe Rezeption, Éd.<br />
Lang, Francfort/M., 2003.<br />
334<br />
Cf. p. ex. WW, p. 12 s.<br />
335<br />
Horst Rüdiger: «L’accession à l’humanité par la beauté», dans: Encyclopédia Universalis (Éd.), vol. 23, Paris,<br />
1995, p. 863: «[…] précurseur du néoclassicisme européen.»<br />
336<br />
Ibid.: «À l'encontre de l'humanisme et du classicisme des pays latins, notamment de la France, qui se<br />
réclament principalement de l'héritage romain, Winckelmann proclame l'évangile des Grecs qui, grâce à lui et à<br />
ses disciples, Herder, Goethe, Hölderlin et même Nietzsche, est devenu le modèle du néo-humanisme allemand.»
67<br />
socioculturelles de l’époque. 337 D’un autre côté, dans le déclin de l’art diagnostiqué par lui se<br />
reflète le mécontement d’une époque, qui laisse clairement transparaître la glorification de<br />
l’Antiquité comme étant un réflexe de compensation face à ces tendances peu saluées<br />
attribuées à l’esprit du temps. Devant cet arrière-plan historique, Winckelmann est ainsi<br />
assimilé par les amis de l’art weimariens à l’idéal du penseur antique, en raison du caractère<br />
universel de ses écrits. Par moments, cela dupait même le lecteur quant aux fautes formelles et<br />
propres au contenu, comme par exemple le mélange de sa pensée esthétique avec une volonté<br />
excessive de mission pédagogique et pseudo-érotique, 338 qui traverse par ailleurs aussi toute<br />
son œuvre comme un fil rouge. Ce culte défensif-monumentalisant 339 autour de sa personne<br />
sera célébré par ses adeptes, parmi lesquels se trouve Friedrich August Wolf, 340 qui va aussi<br />
formuler pour la première fois le désidérata d’une réédition des œuvres de Winckelmann, qui,<br />
en l’occurrence, sera réalisée par Fernow. Le contexte historique est également d’une<br />
importance particulière en ce qui concerne l’évaluation des ambitions littéraires et<br />
propagandistes que Goethe poursuit à travers sa publication des écrits winckelmanniens. 341<br />
Ainsi, l’année de parution est assombrie d’emblée par deux événements négatifs: la mort de<br />
Schiller d’un côté, et la fin des Propylées, de l’autre, qui devait en même temps introduire la<br />
fin des «Amis de l’art weimariens.» Face à ce fiasco culturel qui s’annonçait, l’héritage<br />
classique devait être revitalisé pour la postérité, afin de faire barrage à l’entrée menaçante du<br />
mouvement romantique. Comment aurait-on pu mieux y parvenir que par le manifeste à<br />
l’honneur de Winckelmann, visant à la réanimation de l’héritage culturel classique, en<br />
conférant, en même temps, une nouvelle légitimation au mouvement de l’art weimarien après<br />
337<br />
Cf. Conrad Wiedemann: „Römische Staatsnation und griechische Kulturnation“ (1986) dans: Griechenland<br />
als Ideal. Winckelmann und seine Rezeption in Deutschland, Ludwig Uhlig, Tübingen (Éd.), 1988, ps. 173-178.<br />
338<br />
Cf. note n° 337, ci-dessus, ibid.: «mission pédagogique pseudo-érotique.»<br />
339<br />
Helmut Pfotenhauer, VRW, p. 40.<br />
340<br />
Friedrich August Wolf est surtout connu comme philologue et chercheur dans le domaine des études antiques<br />
et passe également pour le fondateur du néohumanisme allemand. En accord avec Schiller, Goethe et Wilhelm<br />
von Humboldt, il voit dans la philologie classique l’idéal de formation, qui, selon sa conviction, permet à<br />
l’homme l’épanouissement harmonieux dans le monde.<br />
341<br />
Cf. Klaus Manger: Johann Joachim Winckelmann. Seine Wirkung in Weimar und Jena, (Schriften der<br />
Winckelmann-Gesellschaft/vol. 27), Stendal, 2007, ps. 29-40.
68<br />
la mort de Schiller? Des événements importants sur le plan historique, qui ont pu avoir une<br />
incidence sur son écriture, présentent également un intérêt particulier. Dans ce contexte, il<br />
faut mentionner surtout les guerres napoléoniennes et la bataille de Jéna et Auerstedt. 342<br />
Fernow est témoin de l’incident des troupes françaises à Jéna. On ne peut que soupçonner<br />
l’impact traumatique que le vécu a dû exercer sur lui en tant qu’historien. Ainsi, il paraît tout<br />
à fait probable qu’il cherchait, par le biais de l’engagement littéraire, une sorte d’effet<br />
thérapeutique, afin de se remettre mentalement de la catastrophe nationale. Vu dans le<br />
contexte de la philosophie de Herder, 343 le projet fernowien de Winckelmann ne pourrait être<br />
plus antagoniste. Ce premier traduit surtout deux objectifs principaux: c’est le désir d’une<br />
nouvelle fondation d’état d’un côté, et la quête de l’identité nationale, de l’autre. Entre 1805<br />
et 1808, Fernow s’occupe intensément de l’héritage intellectuel winckelmannien, ce dont<br />
témoigne également sa contribution à l’ouvrage collectif de Goethe Winckelmann et son siècle<br />
portant le titre «Remarques d’un ami» 344 qui prend le relais de l’ouvrage précédent de Johann<br />
Heinrich Meyer 345 intitulé «Ésquisse d’une histoire de l’art du dix-huitième siècle.» A<br />
l’origine du projet éditorial de Goethe on trouve l’intention de publier pour la première fois la<br />
correspondance inédite de Winckelmann avec le secrétaire secret du duc Hieronymus Dietrich<br />
Berendis, sous la forme d’un ouvrage colectif. L’œuvre comporte par ailleurs une dédicace<br />
adressée à la duchesse Anna Amalia, une préface (les deux redigées par Goethe), les déjà<br />
342 Voir „Briefe von Fernow an Böttiger“, dans: Der Neue Teutsche Merkur vom Jahre 1809, vol. I, ps. 69- 82 et<br />
ps. 116-124. Cf. égalment Hans-Joachim Widmann: Die Schlacht bei Jena und das Ende der Weimarer Klassik:<br />
Ein Moment der Weltgeschichte - und wie der Frankfurter Bürger und Weimarer Geheime Rat Johann Wolfgang<br />
von Goethe ihn erlebte, Éd. Davos, 2006 [à l’occasion du 200 ème anniversaire de la bataille à Jéna].<br />
343 [Johann Gottfried Herder:] Werke, vol. III, Wolfgang Proß (Éd.), ainsi que: Ideen zur Philosophie der<br />
Geschichte der Menschheit, Éd. Carl Hanser, Munich, 2002.<br />
344 Voir: „Die Bemerkungen eines Freundes“, dans: Winckelmann und sein Jahrhundert. In Briefen und<br />
Aufsätzen, Goethe (Éd.), Tübingen, 1805, ps. 132-195 (siglé WJ). A ce sujet, Fernow rédige un article critique<br />
correspondant [voir Jenaische Allgemeine Literatur-Zeitung/ n° 128, 30 mai 1805 et n° 29, 31 mai 1805], mais<br />
qui, comme l’œuvre en elle-même, fait une sortie très peu remarquée: „Als aber das […] Werk erschien, war die<br />
Aufnahme durch das Leserpublikum recht zurückhaltend. Die Künstler- und Ästhetenkreise, gegen die es<br />
gerichtet war, reagierten mit Totschweigen. Die Rezension Fernows in der ‘Jenaischen Allgemeinen<br />
Literaturzeitung’ vom 30 Mai 1805 konnte nicht recht zählen, da sie von einem Mitverfasser stammte“ (ibid., p.<br />
20).<br />
345 Cf. Jochen Klauβ: Der ‘Kunschtmeyer’. Johann Heinrich Meyer. Orakel Goethes, Éd. Hermann Böhlaus<br />
Nachf., Weimar, 2001.
69<br />
mentionnés «Esquisse de l’histoire de l’art au dix-huitième siècle» par Meyer, les<br />
«Remarques d’un ami», et les trois «Esquisses de déscription au sujet de Winckelmann»<br />
(Goethe, Meyer et Wolf), auquel s’ajoute un «Manuel de l’Antiquité au dix-huitième siècle»<br />
(Meyer et par ailleurs Humboldt 346 ), ainsi que «Les études de Winckelmann par Friedrich<br />
August Wolf», que suivent les vingt-sept lettres adressées à Berendis, ainsi qu’un registre qui<br />
mentionne les lettres winckelmanniennes déjà éditées. Goethe écrit au sujet de ce projet dans<br />
les Cahiers du jour et de l’année: Afin de représenter ce qui pourrait servir de multiples façons à la<br />
description d’un homme extraordinaire, j’ai consulté mes chers amis, Wolf à Halle, Meyer à Weimar, Fernow à<br />
Jéna, et ainsi s’est formé, peu à peu, un ouvrage comprenant huit volumes, tel qu’il est parvenu par la suite aux<br />
mains du public. 347 Au premier regard, on constate que dans les «Remarques d’un ami» la sous-<br />
partition en trois périodes temporelles est similaire, mais pourtant pas égale. Ainsi, dans<br />
l’esquisse de la première moitié du XVIII ème siècle, les sous-rubriques peinture de portrait,<br />
peinture de bataille et mosaïque sont traitées, alors que l’analyse de la deuxième période<br />
(1750 jusqu’en 1775) est beaucoup plus courte et d’autres notions sont d’ailleurs légèrement<br />
modifiées. La considération de la troisième période temporaire (1775 jusqu’en 1800) est la<br />
plus détaillée et s’achève par la sous-rubrique «Littérature, méthodes et opinions de 1775<br />
jusqu’en 1800», au lieu du diagnostique précédent de «L’état en goût et en art», ce qui, en<br />
l’occurrence, peut être tout à fait compris au sens du tournant s’opèrant autour de 1800 pour<br />
ce qui de est la compréhension de l’art. Vu dans l’ensemble, Fernow essaie, en réponse à<br />
Meyer, de fonder, à partir de cette présentation panoramique de l’histoire de l’art, les<br />
conditions générales qui encadrent l’épanouissement des beaux-arts au sein d’une société. 348<br />
Cette intention devient manifeste dès les premières lignes, dans lesquelles l’enthousiasme<br />
religieux est désigné comme paramètre général quant au progrès de la culture: Que les arts<br />
346 La correspondance vive entre Goethe et Humboldt s’avère également comme étant fructueuse par rapport aux<br />
études des Anciens. Voir lettre de Humboldt à Goethe du 23 août 1804 intitulée: Alterthum, Kunst und deutsche<br />
Literatur. Cf. également Klaus Manger, op. cit., p. 67 note n° 342.<br />
347 WA, partie I, vol. 35, p. 181.<br />
348 Voir WJ, p. 228: „[…] von welchen Ursachen das Steigen und Fallen der Künste abhänge.“
70<br />
plastiques se développent seulement chez un peuple quand ceux-ci sont devenus une nécessité pour ce qui est du<br />
développement de sa culture, que les religions des peuples se servent de préférence de ces arts comme moyen de<br />
la représentation de leurs mythes et que l’enthousiasme religieux ait toujours été l’une des motivations les plus<br />
importantes de leur formation, leur diffusion et leur perfection – personne ne le niera probablement. 349<br />
Suivant la logique de paragone, Fernow parvient par la suite, au cours de sa considération, à<br />
la conclusion que la priorité de la peinture vis-à-vis des arts plastiques n’est pas due à<br />
l’influence de l’art religieux, étant donné que le refus conscient d’une représentation trop<br />
immanente (=plastique) s’expliquerait par une disposition naturelle de l’homme, se<br />
manifestant par sa quête de transcendance, qui s’exprime le mieux dans l’ekphrasis de l’art.<br />
Le classiciste, qui a érigé justement cette représentation immédiate en principe majeur de son<br />
idéal de l’art, se défend ainsi contre les influences romantiques et le principe de la poésie<br />
pittoresque 350 qu’il juge comme trop sentimentale. Cela s’explique aussi par l’influence du<br />
romantisme depuis les Épanchements d’un moine épris de l’art (1796/97) de Wackenroder et<br />
les discussions sur la peinture parues dans l’Athénée (1798-1800) des frères Schlegel. On peut<br />
observer le début d’un changement par rapport au goût de l’art, au cours duquel l’art chrétien<br />
de la pré-renaissance et du XVI ème siècle prend le relais du culte de l’Antiquité jusque-là<br />
dominant dans l’espace germano-néerlandais. Au cours de ce processus, les hiéroglyphes<br />
infinis de la poésie pittoresque s’opposent ainsi aux formes traditionnelles, tendance à<br />
laquelle répondront à nouveau les classicistes weimariens par un retour aux formes idéales de<br />
la sculpture antique. Dans Winckelmann et son siècle, le classiciste est érigé en grand<br />
classique, 351 ce qu’on pourrait concevoir, d’un point de vue littéraire, comme étant une pure<br />
prétention ou aussi comme une propagande classiciste. Certes, cette volonté de mission des<br />
amis d’art weimariens à faire sonner une nouvelle époque (=néoclassiciste), en formant en<br />
349 Ibid., p. 132 s.<br />
350 Helmut Pfotenhauer, Klassik und Klassizismus, Éd. Verlag Deutscher Klassiker, Francfort/M., 1995, p. 826.<br />
351 Cf. ici et dans ce qui suit idem, VRW, p. 39 s.: „Wie ist gegenüber dieser historischen Tendenz die Autorität<br />
des Plastischen als Inbild des Klassischen dennoch zu retten? Indem der Klassizist selbst zum Klassiker ernannt<br />
wird! Derjenige der im Zeichen der Vergangenheit des Ideals von Kunstschönheit reflektierend an es erinnert,<br />
wird selbst zum Ideal und verbindlichen Muster der Kunstauffassung.“
71<br />
même temps une société conforme à l’idéal goethéen et schillérien d’humanité et d’érudition,<br />
peut paraître idéaliste et parfaitement anachronique. Pourtant, le problème se pose d’une<br />
manière beaucoup plus complexe, étant donné que les adeptes du mouvement weimarien sont<br />
en effet plutôt partagés sur les possibilités d’une telle ‘relance’ du mouvement classique.<br />
Alors que Fernow parle de Winckelmann encore en termes d’esprit classique de<br />
l’Antiquité, 352 Goethe évite encore une telle désignation. Dans son écrit «Du sansculottisme<br />
littéraire», 353 il met aussi bien en évidence que la création des chef-d’œuvres classiques est<br />
réductible aux circonstances extérieures propices et constitue donc le résultat des grands<br />
événements historiques ayant marqué le destin d’une nation, et elle est donc unique, alors que<br />
de telles «subversions» 354 ne seraient pas forcément souhaitables dans une Allemagne privée<br />
d’identité et de consensus nationaux. Ainsi, Winckelmann représente pour Goethe toutefois<br />
une «nature antique», 355 qui «a dépassé l’éphémère de la vie et la contingence» 356 et, pour<br />
cette raison, sa mémoire restera à «l’image de la fraîcheur juvénile» 357 dans la pensée<br />
collective, mais pas l’esprit classique au sens propre du terme, contrairement à Fernow. Alors<br />
que son ouvrage intitulé Les œuvres de Winckelmann 358 doit prendre le relais de l’édition<br />
352 Voir WJ, p. 195: „Winckelmann war, möchte man sagen, mit dem Geist des Altertums verwandt. Beseelt,<br />
durchdrungen von demselben, das groβe rechte Ziel vor Augen, berührte er überall bloβ die höchsten Punkte,<br />
unbekümmert alles, was dazwischen lag.“<br />
353 Johann Wolfgang von Goethe: „Über literarischen Sanscülottismus“, [1795], [Hamburger Ausgabe], intitulée<br />
Werke, Munich, 1988, vol. XII, ps. 239-44.<br />
354 Ibid., p. 241: „Wir wollen die Umwälzungen nicht wünschen, die auch in Deutschland klassische Werke<br />
vorbereiten könnten.“<br />
355 Voir Pfotenhauer, VRW, 1998, p. 43: „Winckelmann ist für ihn daher Jahre später, im mittelpunkts- und<br />
identitätslosen Deutschland, zwar eine antike Natur, die zu den Griechen zurückkehre, aber selber klassisch ist<br />
ihm der Klassizist nicht.“ Cf. à ce sujet également: Winkelmann und sein Jahrhundert, op. cit., article intitulé<br />
„Skizze zu einer Schilderung Winkelmann’s“, p. 211 sous la rubrique „Antikes“: „Hatte er [Winckelmann] nun<br />
im Leben einen wirklich altertümlichen Geist, so blieb ihm derselbe auch in seinen Studien getreu […] so hat ein<br />
Neuerer im ähnlichen Falle ein noch gewagteres Spiel, indem er bei der einzelnen Ausarbeitung des<br />
mannigfaltigen Wiβbaren sich zu zerstreuen, in unzusammenhängenden Kenntnissen sich zu verlieren, in Gefahr<br />
kommt, ohne, wie es den Alten glückte, das Unzulängliche durch das Vollständige seiner Persönlichkeit zu<br />
vergüten.“<br />
356 Ibid.<br />
357 Voir WJ, préface: „Dass Winckelmann die Hinfälligkeit des Lebens und die Kontingenz überwunden habe.<br />
Sein plötzlicher Tod habe ihm das Glück beschert, nicht alt werden zu müssen, und so präge sich das Bild der<br />
unvergänglichen Jugendfrische dem Andenken ein.“<br />
358 Le plan de l’édition prévoyait initialement la publication d’une série winckelmannienne comportant douze<br />
volumes; de son vivant, Fernow arrive seulement à terminer deux tomes; après sa mort, Heinrich Meyer et<br />
Johann Schulze se chargeront de la suite de la publication en collection libraire.
72<br />
goethéenne, 359 elle est en même temps censée la compléter par des écrits inédits. 360 De cette<br />
manière, on voulait achever une nouvelle édition, 361 qui, contrairement à la publication<br />
goethéenne, 362 présentait une édition complète des œuvres winckelmanniennes, jusque-là<br />
jamais réalisée. Par ailleurs, on y a ajouté, à l’issue d’un « examen soigné », 363 une annexe<br />
critique 364 sur laquelle nous allons encore revenir au cours de ce chapitre. De même, l’édition<br />
fernowienne des œuvres de Winckelmann se distingue de l’ouvrage goethéen dans l’ensemble<br />
par sa conception. Ainsi, Fernow place, pour ce qui est du contenu, le personnage de<br />
Winckelmann au centre de son ouvrage, non seulement de par son importance historique,<br />
mais également de par son parcours extraordinaire, qu’il met par ailleurs en exergue par ordre<br />
chronologique comme une «brève esquisse de la vie de Winckelmann» 365 à l’édition des<br />
sources du premier tome, alors que Goethe se limite, dans son ouvrage, uniquement à<br />
l’impression de deux lettres de Berendis suivies à la fin d’une présentation personnelle de<br />
359<br />
Goethe salue ce projet éditorial comme étant «l’un de ses vœux les plus chers» („einer [s]einer liebsten<br />
Wünsche“ - voir lettre à Voigt du 1 er mai 1807, Weimarer Ausgabe [WA], division <strong>IV</strong>, vol. 19, p. 316).<br />
360<br />
L’éditeur Walther formule, dans sa dédicace adressée au roi de Saxe Friedrich Auguste („Dem<br />
Allerdurchlauchigsten Groβmächtigsten Fürsten und Herrn Herrn Friedrich August Könige von Sachsen,<br />
Herzoge von Warschau“) son plan éditorial comme suit: „Zu diesem Unternehmen hat sich Professor Fernow,<br />
nach einem vieljährigen Aufenthalte in Rom, verbunden mit einigen Freunden, entschlossen, und wir dürfen<br />
hoffen, daβ diese Arbeit auch binnen zwey Jahren beendiget seyn werde. Es wird diese neue Original-Ausgabe<br />
vor allen Französischen und Italienischen Uebersetzungen, besonders wegen der Vollständigkeit, den Vorzug<br />
haben.“<br />
361<br />
WW, p. 3.<br />
362<br />
Ibid., p. 2.<br />
363<br />
Ibid., p. 6: „Das Interesse der Alterthumskunde fordert demnach, dass man diese Bemerkungen, nach<br />
vorhergegangener, sorgfältiger Prüfung, in den Noten mit beibringe.“<br />
364<br />
Ibid. s. Fernow se réfère surtout, dans son commentaire de l’ouvrage, à la version condensée en italien de<br />
l’édition winckelmannienne par Fea: „Damit aber nicht Noten auf Noten gehäuft das Werk über die Gebür<br />
anschwellen, so hat man aus den Anmerkungen, mit welchen der Abate Fea die italiänische Uebersetzung der<br />
Geschichte der Kunst und einiger andern Winckelmannischen Schriften in seiner Ausgabe so reichlich<br />
ausgestattet hat, nur das zur Sache Gehörige ausgehoben, und auch die beigebrachten Bemerkungen Anderer in<br />
zweckmäβiger Kürze zusammengefasst.“ Aux éditions de Dresde et Vienne déjà mentionnées, Fernow oppose<br />
également la traduction de Fea: „Sachkundige fanden sogar, dass die italiänische, von Fea herausgegebene<br />
Uebersetzung der Geschichte der Kunst in manchen Stellen des Textes einen besseren Zusammenhang hatte, und<br />
überdem noch mit vielen schäzbaren, besonders den eigentlich gelehrten Theil betreffenden Noten und<br />
Berichtigungen, und mit den erforderlichen Kupferstichen zur Erläuterung reichlich ausgestattet, folglich<br />
brauchbarer war, als eine der deutschen Ausgaben; es trat also hier der sonderbare Fall ein, daβ ein klassisches<br />
Werk der deutschen Literatur in Deutschland selbst lieber in der Uebersetzung als im Originals studirt, und von<br />
den Alterthumsforschern in ihren Schriften angeführt wurde.“<br />
365<br />
WW, I.: „Kurze[n] Abriβ von Winckelmann’s Leben.“<br />
368<br />
Ibid., ps. 208-231: „Winckelmann wurde am 9ten Dec. 1717 zu Stendal in der Altmark gebohren. Er war der<br />
einzige Sohn eines armen Schumachers daselbst […] Bey der groβen Armuth seiner Eltern musste<br />
Winckelmann, dessen Neigung zum Studiren früh erwachte, seine Jugend in äuβerster Dürftigkeit hinbringen,<br />
und sich mühsam durch Noth und Hindernisse hindurch winden, um endlich in der zweiten Hälfte seines Lebens<br />
das Ziel seiner Bestrebungen zu erreichen.“
73<br />
Winckelmann sous la forme des «Esquisses à une description de Winckelmann». 366 En ce qui<br />
concerne l’aspect formel, on remarque, dans un premier temps, que Fernow commence la<br />
biographie de Winckelmann, de façon similaire comme dans ses monographies sur Arioste,<br />
Carstens et Canova, par une situation du milieu d’origine: Winckelmann est né le 9 déc. 1717 à<br />
Stendal dans l’Altmark. Il était le fils unique d’un pauvre cordonnier […] Vu la grande pauvreté de ses parents,<br />
Winckelmann, dont le talent pour les études se réveillait de manière précoce, devait passer sa jeunesse dans une<br />
extrême précarité, en se frayant péniblement un chemin entre la nécessité et les obstacles, afin d’atteindre enfin,<br />
durant la deuxième moitié de sa vie, le but de ses ambitions. 367<br />
Lorsqu’on se concentre dans un deuxième temps sur la mise en scène littéraire de la<br />
description biographique, on constate d’emblée la vivacité de l’extrait narratif et<br />
l’accentuation sur la psychologie de l’individu comme étant des éléments frappants. De cette<br />
manière, le lecteur doit se faire une image de Winckelmann en tant qu’homme, en prenant<br />
aussi en considération les circonstances de vie peu propices et les conditions du cadre<br />
historique, ayant également conditionné sa gloire posthume. De par cette mise en scène<br />
consciemment classiciste, Winckelmann est quasiment érigé, autrement que chez Goethe, en<br />
figure emblématique sur le piédestal idéel du mouvement de l’art weimarien. Cela peut être<br />
considéré soit comme réflexe de résignation à l’égard de la production de l’art autour de 1800,<br />
ou alors comme une génialisation atemporelle de ‘l’esprit classique.’ Mais Fernow est aussi<br />
tout à fait conscient du fait qu’en raison de quelques inexactitudes d’ordre formel et propres<br />
au contenu, qu’il, suivant sa démarche critique-historique, cherche par ailleurs à corriger dans<br />
l’annexe en question, l’œuvre winckelmannienne ne peut pas revendiquer le statut d’un chef<br />
d’œuvre littéraire. Or, il souligne en même temps, en guise de son plaidoyer, que la perfection<br />
366 Voir à ce sujet p. 77 ibid. et WJ, ps. 208-231.<br />
367 Ibid. Voir également la version goethéenne au sujet de «L’entrée» („Eintritt“), WJ, p. 210: „Eine niedrige<br />
Kindheit, unzulänglicher Unterricht in der Jugend, zerrissenen, zerstreute Studien im Jünglingsalter, der Druck<br />
eines Schulamtes, und was in einer solchen Laufbahn Ängstliches und Beschwerliches erfahren wird, hatte er mit<br />
vielen andern geduldet. Er war dreiβig Jahr alt geworden, ohne irgendeine Gunst des Schicksals genossen zu<br />
haben, aber in ihm selbst lagen die Keime eines wünschenswerten, möglichen Glücks.“
74<br />
artistique, au sens de l’idéal classique, ne pourrait pas être atteinte aux temps présents. 368 De<br />
même, il faut noter ici que Fernow n’adapte pas, comme certains de ses contemporains lui en<br />
firent le reproche par rapport à Kant, les idées winckelmanniennes, mais qu’il sonde plutôt de<br />
manière critique ces derniers. Dans sa préface, il loue ainsi les écrits winckelmanniens en<br />
raison de leur «simple dignité» et de «grand sens», 369 qui font de lui également un découvreur<br />
des secrets de l’art, 370 au même titre qu’un grand explorateur de l’Antiquité. 371 Or, il met<br />
clairement en relief, dans le premier tome des Études romaines, le fait qu’il ne considère pas<br />
que la formule universelle winckelmannienne sur «la grandeur simple et calme» en tant que<br />
«caractère de l’idéalité», comme il l’appelle, puisse desservir «la fin ultime de l’art.» 372 Dans<br />
ce contexte, on se heurte également à la question de savoir si Fernow dirige l’idéal des<br />
Anciens délibérément contre la production de l’art de son temps, et si l’on peut considérer<br />
cela comme une volonté d’émancipation vis-à-vis de Goethe, voire comme une légère<br />
tentative de sa part, afin de refonder un mouvement classiciste de provenance<br />
winckelmannienne? C’est qui est sûr, c’est que cette prise de distance critique, il réalise une<br />
œuvre qui se distingue des publications winckelmanniennes précédentes non seulement dans<br />
le sens où elle contient également, hormis l’édition intégrale de ses écrits jusque-là inédits,<br />
l’annexe détaillée en question, dans laquelle il soulève, sous un jour nouveau et de façon<br />
équitable, des questions propres à la théorie de l’art, comme par exemple à propos de<br />
368<br />
Ibid.: „Klassisch ist hier nicht das Werk selbst, insofern es eine vollkommene Gestalt erreicht hat; der<br />
Kunstgeschichte ist dieser Abschnitt nicht vergönnt. Klassisch ist vielmehr der Geist antiker Grösse und<br />
Einfachheit der sich in seinen Werken mit origineller Kraft auspräge.“<br />
369<br />
Voir préface WW, p. 1: „Schon seit ihrer ersten Erscheinung wurden Winkelmann’s Schriften, wegen der<br />
einfachen Würde ihrer Schreibart, und wegen des grossen Sinnes, mit welchem er seine Gegenstände immer von<br />
einem höheren Standpunkte betrachtet, und Ideen gemäss behandelt, nicht nur von den Deutschen, für die er<br />
zunächst geschrieben, sondern auch von allen andern Nazionen, die auf Kunstliebe und Geschmack Anspruch<br />
machen, und denen besonders das Hauptwerk unseres grossen Landsmannes, die Geschichte der Kunst, durch<br />
Übersetzungen mitgetheilt worden, als klassisch anerkannt.“<br />
370<br />
WJ, p. 195: „Von den Geheimnissen der alten Kunst hatte Winckelmann den Schleier weggezogen und<br />
gleichsam eine neue Welt entdeckt.“<br />
371<br />
Ibid.: „[…] als Künstler und Altertumsforscher Vorzügliches leistete.“ De même, Fernow mentionne dans ce<br />
contexte Winckelmann en même temps que le philologue antique Carl Theodor Reiffenstein, dont il approuve<br />
surtout «la méthode s’élevant par étapes» („stufenweis sich erhebende Methode“) de la genèse progressive de<br />
l’artiste.<br />
372<br />
RS, I, p. 432.
75<br />
l’allégorie. Dans une lettre adressée à Böttiger, Fernow mentionne Meyer comme l’auteur<br />
d’une majeure partie des annotations, alors que des critères argumentatifs et thématiques<br />
plaident plutôt pour lui comme étant le véritable rédacteur, d’une partie au moins, des<br />
annotations, ce qui reste à déterminer, bien entendu. Abstraction faite de quelques remarques<br />
plus ou moins pertinentes, la critique fernowienne se rapporte surtout à l’ «Essai sur<br />
l’allégorie.» 373 Dans ce contexte, il accuse Winckelmann, entre autres, de ne pas séparer<br />
nettement les notions d’ornement, allégorie et symbole et d’avoir tendance à privilégier<br />
l’expression allégorique. A l’opposé, Fernow voit dans le symbole le vrai signe esthétique<br />
auto-référentiel, qui, comme signifié, peut exprimer adéquatement la sémantique de l’art, en<br />
ayant un caractère universel, alors que l’allégorie, en étant le signifiant, ne représente qu’une<br />
idée et, de ce fait, n’a qu’un caractère général: «La représentation allégorique ne signifie<br />
qu’une notion différente d’elle», 374 et, pour cette raison, ne devrait pas être confondue avec les<br />
figures héroïques au caractère symbolique, comme, par moments, le pratique<br />
Winckelmann. 375 Un autre point de critique est l’ambition de ce dernier, de vouloir toujours<br />
déchiffrer minutieusement des allégories nominales, 376 alors qu’il ne s’agit pour la plupart que<br />
d’ornements signifiants. Ainsi, Winckelmann distingue définitivement l’allégorie, l’ornement<br />
et la décoration au caractère symbolique. D’après lui, c’est seulement le symbole qui est<br />
capable d’exprimer de façon adéquatement le plus grand talent créateur. Tout à fait au sens<br />
373 Voir annexe critique vol. II.<br />
374 Ibid. p. 701. Cf. également la critique fernowienne de Winckelmann par rapport à son interprétation du lion<br />
de Leonidas’: „Die Alten liebten dergleichen Allegorien bloβer Zeichen, die wenn sie treffend sind, durch das<br />
Einfache [...] Der Löwe des Leonidas, den wir keinesfalls wie Winckelmann unter die Namenallegorien rechnen,<br />
gehört dazu.“ La description de Winckelmann en question inspire par ailleurs Jean-Louis David à son tableau:<br />
Léonidas aux Thermopyles (1814), en empruntant en grande partie les détails pittoresques de la narration Voyage<br />
d’Anarcharsis de l’Abbé Barthélémy.<br />
375 D’une façon générale, Meyer et Fernow font une distinction entre des allégories et des héros au caractère<br />
symbolique comme Jupiter (image de la dignité suprême), Minerve (sagesse intelligente), Hercule (force),<br />
Vénus (amour) et ainsi de suite. Voir Winkelmann’s Werke, II, p. 685: „[…] also Charaktere von der höchsten<br />
Art, oder allgemeine von der Kunst verkörperte Begriffe nennt man, zum Unterschiede von allgemeinen<br />
Allegorien, S y m b o l e.“<br />
376 Cf. à ce sujet également l’étude plus spécifique de Gérard Raulet et Burghart Schmidt: Kritische Theorie des<br />
Ornaments, Éd. Böhlau, Vienne, 1993. L’étude offre une vue globale sur le développement de l’ornement à<br />
travers les époques, comme étant le synonyme pour parerga, où la relation entre ergon et parerga est mise en<br />
évidence, et le parergonal devient le point de départ d’une considération à la fois philosophique et culturelle.
76<br />
de l’esthétique référentielle, Fernow érige ainsi, en conséquence, la valeur symbolique 377 en<br />
postulat majeur d’une création premièrement orientée vers l’idéal. 378 Or, la critique<br />
winckelmannienne de Fernow sera ensuite nuancée par la remarque qu’on ne pourrait pas lui<br />
reprocher de ne pas distinguer entre la symbolique, l’allégorie et la notion emblématique,<br />
étant donné que les champs de l’histoire de l’art ne sont pas encore explorés avec une justesse<br />
philosophique, 379 ce qu’il laisse par ailleurs aux auteurs suivants. 380 Vue dans l’ensemble,<br />
l’édition fernowienne représente alors moins le mémorium d’un personnage historique, mais<br />
plutôt le plaidoyer de son héritage intellectuel, ou, selon les termes de Fernow: Il n’a pas eu le<br />
bonheur de produire l’œuvre classique, qui l’aurait préservée pour son immortalité, sous une nouvelle forme<br />
plus achevée […] pour que sa perte irremplaçable reste d’autant plus perceptible pour la postérité. 381<br />
377<br />
Goethe: Über die Wahrheit und Wahrscheinlichkeit von Kunstwerken (1798), Weimarer Ausgabe, [WA], I,<br />
ps. 255-266, ici p. 261.<br />
378<br />
RS, I, p. 355: „Jede wirkliche Darstellung individualisiert notwendig das Allgemeine […] das Geheimnis des<br />
Künstlerischen besteht gerade darin, dass im Individuellen das Allgemeine nicht aufgehoben ist.“<br />
379<br />
Voir le commentaire de Fernow dans: Winckelmann’s Werke, II, p. 675 s.: „Hätte Winckelmann auf den<br />
Unterschied zwischen Symbolik, Allegorie und emblematischer Bezeichnung Rücksicht genommen, so würde<br />
wahrscheinlich die Eintheilung dieses Werkes und die Klassifikation der von ihm als Beispiele beigebrachten<br />
Kunstwerke anders ausgefallen sein. Aber wir dürfen ihm diesen Mangel nicht zum Vorwurfe machen, als auch<br />
jetzt diese verschiedenen Felder der Kunstdarstellung noch nicht gehörig gesondert, und ihre mannigfaltig<br />
ineinander laufenden Grenzlinien mit philosophischer Genauigkeit bestimmt sind.“<br />
380<br />
Ibid, p. 676: „Nur bemerken wir, dass der, welcher in der Folge eine wohlgeordnetes und gründliches<br />
Lehrbuch der Allegorie zu verfassen unternähme, diesen Zweck ohne eine genauere Unterscheidung und<br />
Bestimmung jener nahe verwandten und doch zugleich verschiedenen Begriffe, nicht wohl erreichen würde.“<br />
381<br />
WW, p. XL, s.: „Ihm ward nicht vergönnt das klassische Werk, welches vor allen seine Unsterblichkeit<br />
begründet, in erneuter vollkommnerer Gestalt herzustellen, damit sein unersetzlicher Verlust auch der Nachwelt<br />
um so fühlbarer bliebe.“ 381
77<br />
La critique de l’hétéronomie esthétique:<br />
La critique de l’art contemporain et l’esquisse d’un nouvel idéal d’artiste:<br />
Ludovico Ariosto ou Carstens versus Canova
78<br />
II. 1. L’Arioste de Fernow: «L’un des rares favoris des dieux»<br />
En tant qu’amateur d’art et collectionneur bibliophile, Fernow rapporte, dès son retour<br />
d’Italie, une collection considérable d’œuvres classiques italiennes, 382 qui devait finalement<br />
arriver à Weimar en 1804, au terme des mois d’odyssée par voie navale. 383 C’est précisément<br />
à cette époque-là que Fernow commence pour la première fois à s’intéresser intensément à la<br />
monographie d’artiste, et à en passer à l’écriture. Au départ, il projette la réédition de huit<br />
ouvrages en langue allemande portant sur la vie et l’œuvre des personnalités italiennes en art<br />
(Raphaël, le Titien, Leonardo de Vinci ainsi que Michel-Ange) et littérature (Dante,<br />
Pétrarque, le Tasse et Arioste). Or, ce projet littéraire ambitieux, qui devait comporter au total<br />
huit projets partiels ordonnés selon quatre complexes thématiques, et subdivisés en deux<br />
tétralogies, ne verra jamais le jour, tout comme le lexique étymologique des langues romanes<br />
qu’il avait prévu de rédiger. 384 Ainsi, l’œuvre consacrée à Dante reste en grande partie<br />
inachevée; celle au sujet de Torquato Tasso 385 n’a probablement jamais été commencée; les<br />
382 Dans une lettre adressée à Böttiger et écrite en août 1802, Fernow annonce son arrivée de la façon suivante:<br />
„Ich bringe mir eine etwa tausend Bände starke italienische Bibliothek mit, welche nebst den Schriftstellern<br />
dieser Nation auch die vorzüglichsten Werke zur Geschichte und Literatur dieses Landes enthält, die sich<br />
wahrscheinlich in Deutschland nicht so leicht finden wird“ (JS, p. 77). Ainsi, Goethe devait également avoir été<br />
au courant de l’immense collection de Fernow, probablement une raison de plus pour lui de convoquer<br />
l’émigrant italien Fernow au terme d’un séjour de neuf ans à Rome à Weimar; d’autant plus que les trésors<br />
littéraires de Fernow enrichissaient considérablement la collection des œuvres étrangères de la bibliothèque<br />
Anna Amalia. Voir au sujet de la bibliothèque de Fernow l’article de Lea Ritter-Santini: Tausend Bücher -<br />
Fernows Bibliothek, (VRW, ps. 114-129). Cf. au sujet du fonds fernowien à la bibliothèque Anna Amalia à cette<br />
époque: Catalog der Bibliothek des Hrn. Professors Fernow, gefertiget im Febr. und Maerz 1809, [HAAB, Loc.<br />
A. N. 5/6].<br />
383 L’odyssée aventureuse des livres de Fernow (en passant e. a. par Rome et Livourne, au havre de Tönning<br />
jusqu’à Weimar) dont les frais du voyage s’élèvent à environ 417 Taler, dure de l’été 1803 jusqu’au début de<br />
l’année 1804. Les mois d’attente mettent la patience de Fernow à dure épreuve, étant donné qu’il craigne par<br />
moments que ses «trésors littéraires […] étaient tombés dans les mains de pirates chrétiens» („literarischen<br />
Schätze […] christlichen Freibeutern zum Opfer gefallen“/(JS, p. 302), et ainsi, étaient perdus pour toujours.<br />
Déjà en juillet 1803, il confia à Böttiger ses peurs à ce propos: „Beten sie indessen mit mir zum Gott der Musen,<br />
daβ er meine literarischen Schätze in seine Obhut nähme“ (voir JS, p. 81).<br />
384 Fernow formule ce projet dans une lettre, datant de Weimar, le 10 février 1805, citée d’après JS, p. 335 s.:<br />
„[die lateinischen Termini in den romanischen Sprachen (italienisch, spanisch, portugiesisch, französisch)<br />
sollen] unter einem Gesichtspunkt, etymologisch unter ihre Stammwörter geordnet [ein] vollständiges Polyglott<br />
der von der Lateinischen abstammenden Töchtersprachen [ergeben].“ Fernow mentionne dans ce contexte<br />
également le projet d’une réédition des œuvres classiques chez la maison d’édition Cotta, dont il espère<br />
l’effacement de ses dettes.<br />
385 Fernow fut particulièrement fasciné par le poème de Torquato Tasso: «La Gerusalemme liberata.» De même,<br />
il est possible d’établir un parallèle entre l’art poétique d’Arioste et celui du Tasse, voir à ce sujet l’étude de
79<br />
éditions au sujet de Pétrarque 386 et la monographie de Ludovico Ariosto sont les seuls<br />
ouvrages qui se trouvent sous une forme finie. En ce qui concerne les techniques narratives de<br />
la mise en scène littéraire, on constate au premier abord qu’on retrouve dans son écriture<br />
monographique toujours la même structure formelle et de contenu. Ainsi il s’ensuit<br />
généralement, après une dédicace, un passage détaillé d’introduction (numéroté en lettres<br />
romaines), dans lequel il esquisse brièvement les buts qu’il envisage, en ce qu’il souhaite, par<br />
cet ouvrage, apporter au lecteur. La véritable monographie commence par une reconstruction<br />
minutieuse de la généalogie de la famille d’Arioste, dont les sources historiques utilisées sont<br />
décrites en détail à l’aide de nombreux renvois littéraires. 387 La biographie d’Arioste, quant à<br />
elle, est rapportée de façon très précise, l’auteur étant toujours soucieux de mettre en parallèle<br />
le parcours de l’homme et son activité littéraire. Ainsi, le lecteur découvre, au terme d’un<br />
chapitre d’introduction (numéroté en lettres arabes), la biographie de l’artiste, dans la<br />
tradition vasarienne, 388 depuis sa plus tendre enfance; ce faisant, Fernow attache une grande<br />
importance à l’authenticité littéraire. A part cela, il prête une attention particulière à la<br />
portraitisation individuelle de l’artiste en ayant recours au contexte sociologique. 389<br />
Intéressons-nous maintenant de manière beaucoup plus précise aux différents points que nous<br />
Lanfranco Caretti: Ariosto et Tasso, Turin, 1961. Au sujet de l’intérêt porté à la poésie d’Arioste et du Tasse<br />
dans le Mercure allemand, voir également l’étude de Peter Kofler: Ariost und Tasso in Wielands Merkur, Éd.<br />
Österreichischer Studien Verlag, Innsbruck, 1994, ainsi qu’Achim Aurnhammer: Torquato Tasso im deutschen<br />
Barock, (Frühe Neuzeit vol. 13), Éd. Niemeyer, Tübingen, 1994, et, idem: Torquato Tasso in Deutschland. Seine<br />
Wirkung in Literatur, Kunst und Musik seit der Mitte des 18. Jahrhunderts, (catalogue du musée de Goethe), Éd.<br />
Manutius, Heidelberg, 1995.<br />
386<br />
C. L. Fernow: Francesco Petrarca: Nebst d. Leben d. Dichters u. ausführl. Ausgabenverzeichnissen, Ludwig<br />
Hain (Éd.), Leipzig, 1818.<br />
387<br />
Dans l’annexe de l’œuvre on trouve au total deux cent seize annotations, que suivent un registre détaillé des<br />
œuvres d’Arioste, qui est subdivisé selon les catégories suivantes: I. L’Orlando Furioso II. Commedie III. Le<br />
Satire <strong>IV</strong>. Le Rime V. Erbolato VI. Poesie latine.<br />
388<br />
L’œuvre de Giorgio Vasari Vite de’più eccellenti pittori, scultori e architettori (1550-1568), parue pour la<br />
première fois en 1550 (en deuxième édition en 1568), passe pour le modèle littéraire du roman traditionnel<br />
d’artiste. Fernow possède aussi un exemplaire qui sera considéré par la suite comme ouvrage successif, Le vite<br />
de’ pittori, scultori, ed architetti moderni, co’loro riratti al naturale (1664) de Giovanni Pietro Bellori, en<br />
deuxième édition de l’œuvre romaine de 1728. En raison du transfert culturel France-Italie l’ouvrage contient<br />
indirectement les thèses ekphrastiques d’André Félibien, dont Fernow a ainsi probablement pris connaissance.<br />
Cf. Oskar Bätschmann: „Giovanni Pietro Belloris Bildbeschreibungen“, dans: Beschreibungskunst -<br />
Kunstbeschreibung. Ekphrasis von der Antike bis zur Gegenwart, Gottfried Boehm et Helmut Pfotenhauer (Éd.),<br />
Éd. Fink, Munich, 1995.<br />
389<br />
Cf. Daniel Lagoutte «La contribution de l’anthropologie», in: Introduction à l’histoire de l’art, Éd. Hachette,<br />
1997 (2001).
80<br />
venons d’énumérer, à l’aide des passages que nous avons choisis. Fernow place, en exergue<br />
de son Arioste, une dédicace 390 à laquelle il ajoute la remarque «honnêtement dévoué», 391 qui<br />
s’adresse à son mécène et employeur, Monsieur le conseiller de la cour Wieland à Weimar:<br />
A qui pourrais-je dédier la vie d’Ariosto avec plus de droit et de justesse qu’au poète de notre nation, qui a<br />
enlevé le premier la muse de l’epos romantique de sa patrie méridionale et qui, le premier, a transféré le ton<br />
épique à la fois léger et gracieux d’Ariosto, qui, jusque là, n’a jamais été atteint avec plus de justesse et de<br />
beauté? Il a su lui conférer un si beau son qui, jusque là, n’a guère été modifié, le chanteur immortel du Nouvel<br />
Amadis, d’Idris, d’Obéron et de beaucoup d’autres contes charmants: ainsi suis-je aussi tout à fait conscient du<br />
fait que ce travail ne peut que très peu et d’une manière insatisfaisante rendre justice à ce destin honorable. 392<br />
Et Fernow ne se contente nullement de porter des louanges à l’art poétique de Wieland, 393<br />
mais il fait par la suite l’éloge de sa personne, à l’instar d’un héros de l’Antiquité:<br />
Que la déesse de l’éternelle jeunesse couronne votre digne chef encore pendant longtemps avec les roses non<br />
fanées de la santé, en égayant le soir de votre vie glorieuse avec les jolies images d’un plus beau passé. 394<br />
Cette louange adressée au «poète de la nation» a certainement suscité la sympathie de<br />
l’éditeur du Teutsche Merkur. 395 De même, il demande de façon diplomatique à Wieland «une<br />
390 Voir Klaus Manger: Fernows literarische Formen, KAW, p. 68 s. Grâce à la diplomatie des dédicaces<br />
Fernow peut se construire un vaste réseau de contacts, auquel appartiennent e. a. Friederike Brun, Hirt, Genelli,<br />
Reinhart, Seume et Uhden.<br />
391 Cf. préface ARIOST: „ehrergiebigst zugeeignet.“<br />
392 Voir supra, ibid.: „Wem könnte ich das Leben Ariosto’s mit mêr Fug und Recht zueignen, als dem Dichter<br />
unserer Nazion, welcher zuerst die Muse des romantischen Epos ihrer südlichen Heimat entfürte, welcher zuerst<br />
den leichten, anmutigen Erzälungston Ariosto’s in einer von keinem andern mêr erreichten Volkommenheit und<br />
Schönheit in unsere Sprache übertrug, und ihr einen bis dahin kaum geänderten Wolklang zu entlocken wuste,<br />
dem unsterblichen Sänger des NEUEN AMADIS, des IDRIS, OBERON und so vieler anderer reizender<br />
Erzälungen und Märchen: wäre ich mir nicht zugleich lebhaft bewust, wie wenig diese geringe Arbeit einer so<br />
ehrenvollen Bestimmung genügend entspricht.“<br />
393 Cf. le commentaire de Fernow au sujet de la version allemande de J. D. Gries Lodovico Ariosto’s Rasender<br />
Roland (1804), dans: Jenaische Allgemeine Litteratur-Zeitung (1805), n° 27-29, tab. 227: „Unsere Sprache<br />
besitzt keine vollkommneren Muster für den erzählenden Ton des romantischen Epos, und dürfte so leicht auch<br />
wohl keines erhalten, welches die Leichtigkeit, die Anmuth, und das blühende Colorit Ariosts gelungener<br />
wiedergäbe, als Wielands Oberon und Idris, obgleich die in freyeren Stanzenformen, die dieser, in der Harmonie<br />
und anmuthigen Bewegung des gereimten Verses noch von keinem erreichte, Dichter seinem Genius und seiner<br />
Dichterlaune am angemessensten fand.“ De même, Fernow s’essaya comme réciteur des poèmes d’Arioste dans<br />
l’esprit des Improvisti, ce qui amusait les membres du cercle littéraire de Tiefurt et révele également les qualités<br />
de Fernow en tant que homme de compagnie, que Goethe lui-même estimait comme «inestimable»<br />
(„unschätzbar») «au sein de cette petite société ci-rassemblée» („die daselbst sich versammelnde Societät“).<br />
Voir également à ce sujet la lettre de Goethe adressée à Humboldt, datant du 30 juillet 1804, citée d’après<br />
l’édition weimarienne, quatrième section, vol. 17, Éd. Böhlau, 1895, p. 172.<br />
394 Ibid.: „Möge die Göttin ewiger Jugend noch lange Ihr ehrwürdiges Haupt mit unverwelklichen Rosen der<br />
Gesundheit umkränzen, und durch liebliche Bilder einer schöneren Vorzeit den Abend Ihres ruhmvollen Lebens<br />
erheitern!“
81<br />
réception indulgente», 396 quand il ose «mettre son honorable nom en exergue» 397 de son<br />
ouvrage, tout en exprimant son véritable vœu, à savoir de pouvoir aussi compter sur la<br />
«sympathie personnelle» 398 de son employeur et mécène pour le futur. De même, Fernow<br />
annonce clairement, dans la préface de son Arioste, ses motivations en tant que biographe.<br />
Ainsi revendique-t-il a priori dans son œuvre qui, d’après lui, «a été rédigée d’après les<br />
meilleures sources», 399 le statut de l’authenticité littéraire, ce qu’il cherche à légitimer par le<br />
fait de se concentrer principalement, en dehors des sources habituelles, sur les témoignages<br />
provenant de la famille d’Arioste 400 et d’autres documents historiques du même type. Dans ce<br />
contexte, il est aussi intéressant de voir que Fernow présente au lecteur, déjà dans la préface,<br />
les biographies des auteurs des œuvres précédentes consacrées à Arioste, et que, ce faisant, il<br />
examine scrupuleusement leurs compétences en tant qu’historiens. Tout d’abord, il constate<br />
qu’ «aucun parmi les hommes nommés n’était tout à fait contemporain de notre poète», 401 ce<br />
qui implique également qu’il ne puisse y avoir en aucun cas une historiographie synchrone, ce<br />
qui met en doute l’authenticité des biographes en question. En règle générale, Fernow opère,<br />
par rapport à la bibliographie critique, une distinction entre les écrivains anciens 402 comme<br />
395<br />
Pour plus d’informations concernant l’histoire de la réception et le spectre d’action du Mercure allemand cf.<br />
l’étude de Andrea Heinz (Éd.): Der Teutsche Merkur - die erste deutsche Kulturzeitschrift?, (Ereignis Weimar-<br />
Jena. Kultur um 1800: Ästhetische Forschungen“, vol. 2), Éd. Winter, Heidelberg, 2003.<br />
396<br />
Ibid. ss.: „nachsichtsvolle Aufnahme.“<br />
397<br />
Ibid.: „verehrten Namen.“<br />
398<br />
Ibid.: „persönliche[s] Wohlwollen.“ Fernow rédigea comme correspondant allemand de ce dernier un certain<br />
nombre d’articles pour le Mercure allemand, dont Wieland fut le directeur et qui l’invita aux salons littéraires de<br />
Tiefurt, où Fernow fit également la connaissance du gendre de Wieland, l’éditeur Gessner, qui l’aida à publier le<br />
Canova en 1806. De même, il s’essaya comme son peintre-portraitiste, dont témoignent les propos suivants de<br />
Wieland, issus de sa correspondance avec le philosophe Karl Leonhard Reinhold, qui fut également le professeur<br />
de Fernow, datée 28 septembre 1793: „[…] H. Fernow verlangt mein altes runzlichtes Angesicht noch eine g a n<br />
z e S t u n d e lang zu sehen. Tant pis pour lui! Hingegen wird das Bild, das er nach selbigem zu zeichnen<br />
angefangen hat allerdings dabey [sic] gewinnen.“ Voir Wielands Briefwechsel, op. cit. Le portrait en question<br />
n’y figure pas (voir le commentaire de Klaus Gerlach). C’est cet hommage à Wieland que Johann Gottlieb Karl<br />
Nauwerck a dû avoir présent à l’esprit quand il désigne Fernow comme adepte de la philosophie aristipienne<br />
(„Adepten der aristippischen Lebensweisheit“, voir l’article de Fritz Fink: Carl Ludwig Fernow - Der<br />
Bibliothekar der Herzogin Anna Amalia, Éd. Fink, Weimar, 1934, p. 40 et cf. également JS, p. 44.<br />
399<br />
ARIOST, voir l’appel du titre: „nach den besten Quellen verfasst.“<br />
400<br />
Comme les témoignages de son frère Gabriele et de son fils Virginio etc.<br />
401<br />
Ibid., p. XV: „keiner der genanten Männer […] völlig gleichzeitigen Geschlechts mit unserm Dichter [war].“<br />
402 A savoir les écrivains avant le XVI ème siècle.
82<br />
Pigna, 403 Fornari 404 et Garofalo, 405 et Mazzucchelli, 406 ainsi que les écrivains postérieurs, 407<br />
tels que Barotti, 408 Frizzi 409 et Tiraboschi. 410 D’après l’évaluation de Fernow, ni les<br />
représentants du premier groupe, ni ceux du deuxième ne rendent tout à fait justice au postulat<br />
de la représentation authentique. Sa critique se réfère surtout à la précision insuffisante, qu’il<br />
constate surtout par rapport aux auteurs anciens:<br />
Ces trois biographies plus anciennes d’Arioste ont non seulement en commun un manque de précision<br />
considérable, mais aussi le défaut que la plupart des faits ci-énoncés ne sont pas définis en détail et que le récit<br />
ne respecte pas avec justesse la suite temporelle des événements; c’est pour cette raison que beaucoup de choses<br />
dans leurs récits restent obscures et inconnues, même si, au fond, les faits y sont énoncés avec justesse. 411<br />
Par la suite, Fernow déduit, de par cette constatation, sa propre légitimation en tant que<br />
‘biographe authentique’, qui, à la différence des anciens comme des plus récents biographes<br />
d’Arioste, cherche à présenter au lecteur surtout l’individualité artistique, à savoir le<br />
„caractère humain du poète“, 412 en faisant également la lumière sur l’entourage social, c’est-<br />
à-dire les «circonstances de vie de ces poètes», 413 car, d’après sa conviction «sans la<br />
connaissance de celles-ci plusieurs passages dans leurs œuvres ne pouvaient être compris et<br />
expliqués avec justesse.» 414 A part cela, Fernow met un accent majeur sur la considération des<br />
œuvres en elles-mêmes, qui, selon sa conception, reflètent le mieux l’introspection du poète:<br />
La source la plus sûre et particulièrement riche en détails concernant la vie intérieure du poète (reflétant son<br />
403<br />
ARIOST, p. XVIII.<br />
404<br />
Ibid., XIX s.<br />
405<br />
Ibid.<br />
406<br />
Ibid., XXII.<br />
407<br />
Ibid., XXI.<br />
408<br />
Ibid., XXIII.<br />
409<br />
Ibid., s.<br />
410<br />
Ibid., XXV.<br />
411<br />
Ibid. XXI.<br />
412<br />
Ibid, p. XI: „menschlichen Karakter des Dichters.“<br />
413<br />
Ibid.: „die Lebensumstände jener Dichter.“<br />
414<br />
Ibid., p. X: „[…] one die Kenntnis derselben, merere Stellen in ihren Werken nicht gehörig verstanden und<br />
richtig erklärt werden konten.“
83<br />
caractère, sa pensée, ses circonstances de vie, ses talents et ses désirs) sont indubitablement les œuvres en elles-<br />
mêmes. 415<br />
Ce qui est intéressant, c’est que cette focalisation sur la psyché de l’artiste dans le contexte de<br />
ses œuvres sera également développée au XX ème siècle par les études de Ernst Kris 416 et Otto<br />
Kurz, 417 qui, succédant à Freud, démontrent dans leurs études non seulement les liens entre la<br />
psychose et le génie artistique, mais recensent également de manière critique la création d’un<br />
mythe artistique dans la littérature. En l’occurrence, Ernst Gombrich 418 va, se fondant sur les<br />
études de Kris, formuler par la suite la théorie de la régression, d’après laquelle le<br />
primitivisme des formes expressives en art est dû à la psychose des temps modernes. Suivant<br />
une logique similaire, mais de façon moins drastique, Fernow veut avant tout présenter au<br />
lecteur le parcours de l’artiste, aussi à l’égard de la genèse de ses œuvres:<br />
Je me suis volontairement soustrait à ce genre de recherches; car qu’est-ce qui pourrait être plus attirant et plus<br />
enrichissant que de s’intéresser à l’évolution de la formation d’esprits exceptionnels; et bientôt ceux-ci m’ont fait<br />
un si grand effet que je suis allé plus loin que l’aboutissement à de telles fins l’aurait requis. 419<br />
De même, Fernow cherche, par le biais de la monographie d’Arioste, à montrer au lecteur la<br />
corrélation existante entre l’esprit humain et le génie divin, à l’égard du disegno interno: 420<br />
Lorsque dans la force la plus miraculeuse et la plus irrationnelle de l’esprit humain l’apparition du divin est<br />
admise au sens exact, il faut admettre que les Italiens, en ce qui concerne sa reconnaissance, ont été plus sévères<br />
que trop généreux envers leurs grands poètes et artistes, mais en même temps, extrêmement justes. 421<br />
415<br />
Ibid., X<strong>IV</strong>: „Die zuverläβsigste und besonders für des Dichters inneres Leben, für seine Gesinnung, seine<br />
Denkweise über viele Angelegenheiten des Lebens, für seine Neigungen und Wünsche wichtige, und<br />
reichhaltigste Quelle sind unstreitig dessen Werke selbst […].“<br />
416<br />
Ernst Kris: „Die Charakterköpfe des Franz Xaver Messerschmidt - Versuch einer historischen und<br />
psychologischen Deutung“, dans: Jahrbuch der Kunsthistorischen Sammlungen in Wien, nouvelle série, vol. VI,<br />
Wien 1932, ps. 169-228, idem: „Ein geisteskranker Bildhauer…“, dans: Imago, vol. XIX, Vienne, 1933.<br />
417<br />
Ernst Kris, Otto Kurz: Die Legende vom Künstler: ein geschichtlicher Versuch, Éd. Krystall, Vienne, 1934,<br />
paru en édition élargie avec une préface de E. H. Gombrich, en traduction allemande: Éd. Suhrkamp,<br />
Francfort/M., 1980.<br />
418<br />
Ernst Gombrich: Art and Illusion. A Study in the Psychology of Pictorial Representation, Éd. University<br />
Press, Princeton, 1972.<br />
419<br />
ARIOST, p. XI: „Gern unterzog ich mich diesen Forschungen; denn was kann anziehender und lehrreicher<br />
sein, als dem Entwickelungs- und Bildungsgange auβserordentlicher Geister nachzuspüren; und bald gewannen<br />
sie so groβsen Reiz für mich, dass ich darin weiter ging als das Bedürfnis jener Zwecke forderte.“<br />
420<br />
Vasari fut le premier à distinguer le disegno esterno du disegno interno, en insistant sur l’aspect extérieur<br />
(l’aspect extérieur d’un tableau) et intérieur (comme reflet de la vie intérieure de l’artiste) d’une œuvre d’art.
84<br />
Cette glorification de la création humaine comme apparition du divin est un moment récurrent<br />
dans l’écriture monographique et correspond parfaitement à la conception classique d’Idéa,<br />
qui est traditionnellement attribuée au sculpteur Phidias. 422 La réception italienne de l’art de la<br />
Renaissance, à laquelle Fernow fait ici manifestement allusion, illustre par contre la quête<br />
d’un art national et, liée à cela, l’emphase de la personnalité d’artiste, un phénomène que<br />
Hegel interprète comme étant un principe logique de l’histoire des idées et que Jacob<br />
Burckhardt 423 thématise à l’exemple de l’imperium romanum. La réflexion d’André Chastel 424<br />
va dans une direction similaire; l’histoire de l’art a pour lui premièrement pour fonction, de<br />
par la caractérisation d’un art national, de mettre en relief la particularité d’un pays, et, ce<br />
faisant, de consolider le sentiment d’appartenance nationale. A l’opposé, Fernow ne met<br />
qu’un accent en marge sur l’emphase de la personnalité d’artiste et la valorisation de l’art<br />
national, mais insiste surtout sur la genèse d’artiste, ce qu’illustre son œuvre dédiée à Arioste.<br />
Ainsi, l’historien Fernow s’insère parfaitement dans la lignée herdérienne 425 du changement<br />
de la perception 426 de son temps, car il insiste moins sur la simple énumération des<br />
événements historiques, en mettant plutôt l’accent sur la synthèse qui en résulte, à savoir la<br />
philosophie de l’histoire. 427 En ce qui concerne la deuxième ambition de Fernow en tant<br />
421 Ibid., p. XXXII: „Wenn also in dem wunderbarsten und unbegreiflichsten Wirken des menschlichen Geistes<br />
die Erscheinung des Götlichen überhaupt zugegeben wird, so mus man gestehen, dass die Italiäner, in der<br />
Anerkennung desselben, gegen ihre grosen Dichter und Künstler vielmer zu strenge als zu freigebig, aber<br />
zugleich höchst gerecht, gewesen sind.“<br />
422 Cf. Karl-Heinz Simon et Martin Pfänder: Polyklet und Phidias: von Helden aus Marmor und Bronze,<br />
(Zeitreise durch die Kunstgeschichte), Éd. Klett, Stuttgart, Düsseldorf, Leipzig, 1999.<br />
423 Jacob Burckhardt: Zivilisation in der italienischen Renaissance, 1860.<br />
424 André Chastel: Introduction à l’histoire de l’art français, Flammarion, (coll. Champs), Paris, 1993.<br />
425 Il convient ici également de noter ici qu’entre Fernow et Herder, il y a eu un contact personnel au sein du<br />
cercle littéraire regroupé autour de la duchesse Anna Amalia (cf. le commentaire de Fernow au sujet de ceux<br />
qu’il appelle les «prêtres muses» et «hôtes de maison» („Musenpriestern“ et „Hausgenossen“) dont parmi eux<br />
„[…] Wieland, Göthe, Herder, Schiller“, cité selon JS, p. 325).<br />
426 Au sujet de la notion du changement de perception (Wahrnehmungswandel), voir l’étude détaillée de Klaus<br />
Manger: Das Ereignis Weimar-Jena aus literaturwissenschaftlicher Sicht, (Sächsische Akademie der<br />
Wissenschaften), vol. 139/cahier 5, Éd. S. Hirzel, Stuttgart/Leipzig, 2005, p. 12.<br />
427 Cf. Concernant la fonction de la philosophie de l’histoire chez Herder, voir les études de Ralf Simon:<br />
Das Gedächtnis der Interpretation. Gedächtnistheorie als Fundament für Hermeneutik, Ästhetik und<br />
Interpretation bei Johann Gottfried Herder, Éd. Meiner, Hamburg 1998, ainsi que celle de Franz-Josef Deiters:<br />
„…über einem Brette, auf offnem allweiten Meere…Johann Gottfried Herders Konzept der Dichtung als<br />
Medium der kulturellen Identität und das Problem einer Hermeneutischen Kulturanthropologie“, in: Estudios<br />
Filológicos Alemanes, n° 8, Fernando Magallanes Latas (Éd.), Sevilla, 2005, ps. 155-168.
85<br />
qu’auteur, à savoir celle de l’individualisation, on peut constater que celle-ci se présente en<br />
association avec la tendance humaniste se manifestant alors dans l’écriture historique: ainsi,<br />
ce n’est plus l’historicité de manière isolée comme pure évaluation des événements<br />
historiques, mais plutôt la présentation de l’individu, à savoir «l’homme entier» 428 et «l’esprit<br />
nu», 429 dans son opposition entre nature et culture, 430 qui seront désormais au centre d’une<br />
analyse historique, 431 anthropologique 432 et encyclopédique. 433 Cela est en premier lieu dû à<br />
l’évolution de l’anthropologie comme science indépendante basée sur la nature dualiste de<br />
l’homme (homo/animal), qui est en même temps à focaliser comme réponse à la scission<br />
cartésienne de l’homme en res cogitans et res extensa. La véritable origine de la philosophia<br />
anthropologica se trouve déjà dans les tendances des Lumières, comme par exemple la<br />
naturalisation, sensualisation et psychologisation de l’homme, qui a sans doute préparé le<br />
chemin à une exploration physio-médicale. Dans le domaine des beaux-arts, des réflexions<br />
anthropologiques jouent également un rôle important, aussi à l’égard des débuts de<br />
l’esthétique autonome à cette époque, qui seront surtout conditionnés par les discours de<br />
l’anthropologie littéraire (exempla anthropologica). Dans ce contexte, la pensée humaniste 434<br />
de Herder s’avère en contrepartie comme étant décisive pour la métaschématisation graduelle<br />
428 Cf. Der ganze Mensch - Anthropologie und Literatur im 18. Jahrhundert, DFG-Symposium, Hans Jürgen<br />
Schings (Éd.), Éd. Metzler, Stuttgart/Weimar, 1992.<br />
429 Hans et Mickaël Eysenck: «L’esprit nu», in : Mercure de France, Paris, 1981.<br />
430 Daniel Lagoutte: «La contribution de l’anthropologie», dans: Introduction à l’histoire de l’art, ps. 42-50, Éd.<br />
Hachette, 1997 (2001), ici p. 43: «Derrière chaque artiste, et indépendamment de lui, il y a d’abord un homme.<br />
C’est lui que l’anthropologue, celui qui étudie l’ensemble des conduites humaines, interroge d’abord.<br />
L’anthropologie traite essentiellement de l’opposition nature/culture.»<br />
431 Voir, pour ce qui est de la Individualsemantik dans le contexte du tournant historique qui survient dans<br />
l’écriture biographique l’étude de Helmut Scheuer: Biographie. Studien und Funktion und zum Wandel einer<br />
literarischen Gattung vom 18. Jahrhundert bis zur Gegenwart, Éd. Metzler, Stuttgart, 1979.<br />
432 Voir note n° 431, ibid., p. 49: «[…] il est évident que chaque homme est une totalité bio-psycho-sociologique.<br />
L’homme est un être culturel par nature parce qu’il est un être naturel par culture» (Edgar Morin).<br />
433 Ulrich Schulz-Buschhaus: „Bourget und die ‘multiplicité du moi’“, dans: Die Modernisierung des Ich.<br />
Studien zur Subjektkonstitution in der Vor- und Frühmoderne, Manfred Pfister (Éd.), Éd. Rothe, Passau, 1989,<br />
ps. 53-63.<br />
434 Fernow professe ailleurs sa foi profonde en l’humanité („feste[n] Glaube[n] an Humanität in der<br />
Menschheit“, RS, III, préface). Cf. les lettres herdériennes: Briefe zur Beförderung der Humanität [10<br />
collections, (1791-1797)] qui auraient pu inspirer cette confession d’humanité, cf. la citation de Herder:<br />
„Betrachten wir die Menschheit, wie wir sie kennen, nach den Gesetzen, die in ihr liegen, so kennen wir nichts<br />
Höheres, als Humanität im Menschen; denn selbst wenn wir uns Engel oder Götter denken, denken wir sie uns<br />
nur als idealistische, höhere Menschen.“ Cf. également l’étude de Michael Zaremba: Johann Gottfried Herder -<br />
Prediger der Humanität, 2002.
86<br />
de l’individu. 435 Cependant, il faut également relever le fait que Herder, à l’opposé de Fernow,<br />
ne considère pas l’art comme le privilège de quelques esprits fortunés (bevorzugter Geister),<br />
mais plutôt comme un don à la fois mondial et propre aux peuples (Welt- und Völkergabe). A<br />
part cela, on peut également, suivant cette logique de la pensée humaniste, faire un<br />
rapprochement entre l’Orlando d’Arioste, l’Obéron de Wieland et l’Arioste de Fernow à<br />
l’échelle de l’histoire des idées. Étant donné que l’épopée chevaleresque, l’epos en vers<br />
romantique et la monographie d’artiste dite ‘moderne’ ont en commun le fait qu’on retrouve<br />
au centre de la présentation biocursive un protagoniste disposant des facultés supra-humaines.<br />
Cette référence transcendantale est, dans le premier cas, le monde post-médiévale des sagas,<br />
pour ce qui est du second, l’univers romantique du merveilleux et, quant au troisième, l’espace<br />
utopique classique de l’Antiquité. Georges Dumézil part d’une réflexion analogue, d’après<br />
laquelle le ‘mythe du génie’ trouve d’une manière générale son application dans le contexte<br />
militaire, religieux et artistique, de sorte que les délimitations entre le héros, le missionnaire<br />
et le génie se dissolvent, étant donné que tous ces personnages dépassent leur contingence<br />
existentielle pour accéder à la sphère transcendante. A partir de cette double perspective, à la<br />
fois authentique et individuelle, l’œuvre de Fernow portant sur Arioste illustre ainsi non<br />
seulement le développement du genre littéraire de la biographie d’artiste après Vasari, 436<br />
mais encore le changement de paradigme ‘individualiste’ dans la littérature des ‘Vite’, 437 allant<br />
de pair avec la recherche de l’anthropologisation littéraire 438 et la visualisation définie par<br />
435 D’après la théorie herdérienne, l’homme est déjà ‘métaschématisé’ de par sa perception psycho-empirique;<br />
voir à ce sujet les études en question qui anticipent, de manière frappante, la Gestalttheorie moderne (cf. W.<br />
Köhler, Psychologie der Form, 1929). Dans le même sillage, Schiller prend manifestement le contrepied de la<br />
théorie de la connaissance de Kant, voir la Metakritik zur Kritik der reinen Vernunft et Kalligone [Éd.<br />
Hartknoch, Leipzig, 1799 et 1800]. Cf. à ce sujet également W. Köhler, Psychologie der Form, Éd. Bergmann,<br />
Munich, 1929.<br />
436 Cf. Hans-Martin Kruckis: „Biographie als literaturwissenschaftliche Darstellungsform im 19. Jahrhundert“,<br />
dans: Wissenschaftsgeschichte der Germanistik im 19. Jahrhundert, Jürgen Fohrmann et Wilhelm Voβkamp<br />
(Éd.), Éd. Metzler, Stuttgart & Weimar, 1994.<br />
437 Pour ce qui est la genèse du genre littéraire de la biographie d’artiste dans l’espace germanophone, voir<br />
l’étude de Karin Hellwig: Von der Vita zur Künstlerbiographie, Éd. Akademie Verlag, Berlin, 2005.<br />
438 Cf. Helmut Pfotenhauer: Literarische Anthropologie. Selbstbiographien und ihre Geschichte - am Leitfaden<br />
des Leibes, (Germanistische Abhandlungen n° 62), Éd. Metzler, Stuttgart, 1987.
87<br />
Erwin Panofsky 439 de l’artiste en tant qu’homme. Dans ce contexte, Jean Clair relève<br />
également la question, de savoir dans quelle mesure la genèse de l’histoire de l’art peut être<br />
considérée comme l’histoire des idées, à savoir le „point de vue anthropographique“<br />
comparaison ethnographique des cultures, qui se situe, du point de vue scientifique, entre<br />
l’herméneutique et la psychanalyse. Dans ce contexte, il constate, entre autres, que celle-ci<br />
reflète l’histoire de l’homme, et pas seulement celle d’un développement formel, et de par<br />
cela, doit être vue dans le contexte de l’histoire des sciences et du progrès technique.<br />
Cette recherche d’un déchiffrement rationnel de l’art herméneutique universel, 440 est<br />
également à mettre en perspective en étroite corrélation avec le souci scientifique d’un<br />
décodage empirique de l’homme dans son entité, 441 qu’il cherche d’ailleurs à réaliser sur le<br />
plan littéraire. Ut homo rerum natura ou scientia poetica: 442 l’objet est désormais la<br />
représentation de l’homme lui-même, à l’égard des circonstances extérieures, comme l’illustre<br />
également le personnage d’Orlando dans le Roland furieux:<br />
Son grand poème captive le lecteur par cette richesse infinie de vie, qui s’impose de façon complexe au regard<br />
du lecteur, de manière qu’il se perde dans le labyrinthe des événements en constant changement, qui, comme le<br />
fil d’un textile artistique, se rejoignent dans une diversité bariolée. Stupéfié, il regarde ainsi le génie géant, qui a<br />
su donner naissance à un tel monde, en représentant, comme s’il se livrait à un jeu léger, dans l’ordre un sujet<br />
énorme recouvrant mille étoffes à une entité artistique, dont le contenu et la dimension perturbent même le<br />
439 Erwin Panofsky: Meaning in the Visual Arts, Doubleday, New York, 1955 et Jean Clair: Méduse,<br />
(Connaissance de l’inconscient), Gallimard, Paris, 1989. Quant à l’élaboration successive de l’herméneutique au<br />
sens d’une «anthropologie du visuel», à partir de la metapsychologie freudienne et la somatique, cf. l’étude de<br />
Rosalind Kraus: The Optical Unconscious, The MIT Press, New York, 1993. Voir également Georges Didi-<br />
Huberman: Devant l’image - Questions posées aux fins d’une histoire de l’art, Éditions de minuit, Paris, 1990,<br />
ps. 219 s.: «Au modèle ordinaire de visibilité auquel l’historien se sacrifie le plus spontanément, nous avons<br />
tenté de substituer une exigence de nature plus anthropologique, une exigence que nous abordons à travers le<br />
terme de visuel.»<br />
440 Ruth Peter: Hermeneutica universalis. Die Entfaltung der historisch-kritischen Vernunft im frühen 18.<br />
Jahrhundert, (Frankfurter Hochschulschriften zur Sprachtheorie und Literaturästhetik, vol. 12), Éd. Lang,<br />
Francfort/M., 2002.<br />
441 Cf. le commentaire fictif de Goethe attribué au philosophe dans Le collectionneur et les siens, qui se réfère à<br />
Schiller: „Aber der Mensch ist nicht bloβ ein denkendes, er ist zugleich ein empfindendes Wesen. Er ist ein<br />
Ganzes, eine Einheit vielfacher, innig verbundender Kräfte und zu diesem Ganzen des Menschen muβ das<br />
Kunstwerk reden, es muβ dieser reichen Einheit, dieser einigen Mannigfaltigkeit in ihm entsprechen.“<br />
442 Cf. Norbert Elsner et Werner Frick (Éd.): Scientia poetica - Literatur und Naturwissenschaft, Éd. Wallstein,<br />
Göttingen, 2004. L’étude a pour objet de démontrer comment l’antagonisme entre les sciences naturelles et<br />
humaines formulé par J. P. Snow s’applique aussi à la littérature.
88<br />
regard le plus scrutateur et le plus complexe. C’est ici que se révèle l’artiste, de par la grandeur de sa création,<br />
comme un être surhumain. 443<br />
Il est intéressant que cette thématique renvoie également à la dix-neuvième lettre de Schiller<br />
sur l’esthétique, dans laquelle on trouve une métaphore similaire, à la différence que Fernow<br />
remplace l’univers schillérien des apparitions 444 par celui des événements changeants.<br />
D’après lui, le génie d’Arioste se manifeste non seulement dans la légèreté de jeu<br />
caractérisant son écriture, mais également par rapport à la diversité idéelle, qui, malgré la<br />
richesse en facettes, laisse transparaître une unité littéraire de l’ensemble. On pensera<br />
notamment à la technique du décousu de Diderot dans son œuvre Le rêve d’Alembert, qui<br />
excelle par l’enchaînement arbitraire des transitions, à la fois rapides et légères, au cours<br />
d’une conversation ou d’une correspondance littéraire. De même, Yves Belaval 445 voit dans<br />
cette construction de toute évidence spontanée, mais pourtant bien réfléchie, non seulement la<br />
preuve pour le savoir-faire littéraire de Diderot et l’illustration de son enthousiasme artistique,<br />
mais également la preuve de son véritable génie. Fernow aspire également à cette unité dans<br />
la diversité dans le corpus littéraire, même s’il reste toujours fidèle au fil rouge dans sa<br />
narration, à la fois à l’égard chronologique et topologique. Mais pourtant, ce serait sous-<br />
estimer l’œuvre de Fernow, que de réduire son contenu à la simple genèse du génie classique,<br />
étant donné que Fernow rend tout à fait justice à ces deux postulats en tant qu’auteur critique:<br />
c’est la revendication de l’authenticité littéraire, d’un côté, et la volonté de la mise en scène de<br />
l’individualité artistique, de l’autre. Vu sous cet aspect, il paraît aussi moins hyperbolique de<br />
constater que Fernow réussit à réaliser, au niveau littéraire, quelque chose de comparable à ce<br />
443 ARIOST, p. XII s.<br />
444 AW, p. 102.<br />
445 Yves Belaval in Encyclopédie universalis, version Cd-Rom, 2005: «C'est le décousu de la conversation avec<br />
ses ‘liaisons rapides et légères’, soit dans un groupe, soit cette conversation imite la conversation; cet<br />
enthousiasme s’écoute. Ce décousu exige une grande maîtrise, et la maîtrise nous renvoie toujours à l'unité de<br />
quelque pensée forte. Il suffit de se laisser aller à ces sortes de rêve: un d'Alembert y engendre toujours un<br />
monde à partir du chaos.» Cf. à ce sujet les études de Yves Belaval: L'Esthétique sans paradoxe de Diderot, Éd.<br />
Armand Colin, Paris, 1950, et par ailleurs Jacques Chouillet: La Formation des idées esthétiques de Diderot, Éd.<br />
Gallimard, Paris, 1973, et: Diderot. Poète de l'énergie , Éd. PUF, Paris, 1984.
89<br />
qu’il admire chez son idole: la multiperspectivité ou la plurifocalité de la présentation, non<br />
seulement vue sous la forme d’une anthologie poétique, mais également comme<br />
agglomération épique, qui se joint, malgré l’hétérogénéité des parties, à une entité homogène.<br />
Si Fernow insère ainsi Arioste à la fin de son ouvrage parmi les favoris des dieux, non<br />
seulement le titre en ajout «Le divin» 446 s’explique, mais également le cercle des poetae<br />
laureatae se clot: Wieland et Arioste sont éternisés comme pairs dans l’Olympe littéraire de<br />
Fernow, en servant quasiment de modèle à la genèse de génie de Carstens, comme nous allons<br />
le voir dans le chapitre suivant.<br />
446 Cf. ARIOST, titre.
90<br />
II. 2. Asmus Jakob Carstens: «Le génie né pour les beaux-arts»<br />
Tout d’abord, on remarque que l’ouvrage de Fernow dédié à La vie et l’œuvre d’Asmus Jakob<br />
Carstens suscite, dès sa première parution en 1806, aussi de l’intérêt en France, car le premier<br />
chapitre apparaît en traduction française déjà en 1808, dans le journal artistique intitulé<br />
Magasin encyclopédique de l’éditeur Louis-Aubin Millin de Grandmaison, 447 qui est réputé<br />
comme germanophil et ami proche de Baggesen. 448 Cette circonstance est peut-être en partie<br />
déductible au postulat original de l’auteur, qui revendique dans son œuvre, entre autres, une<br />
authenticité parfaite dans la représentation biographique, étant donné qu’il peut se faire<br />
prévaloir «de plusieurs années vécues en confidence avec celui-ci», à côté de nombreux<br />
propos qu’il prétend pouvoir rapporter «de sa propre bouche» (XIII). Ainsi, Fernow<br />
représente quasiment un intermédiaire en tant que porte-parole fictif de Carstens, 449 à qui il<br />
fait raconter à la première personne une partie de la description de sa propre vie, depuis sa<br />
formation précoce jusqu’à son retour du voyage en Italie. En l’occurrence, le véritable centre<br />
d’intérêt de l’œuvre réside non pas dans la biographie de l’artiste, mais plutôt dans la genèse<br />
d’artiste «comme celui-ci est devenu ce qu’il est devenu.» Dans la préface, Fernow esquisse<br />
ainsi sa conception du vrai génie, dont il voit l’épanouissement créatif surtout conditionné par<br />
des facteurs extérieurs, d’ordre socio-économique comme socioculturel, qui peuvent s’avérer<br />
à la fois comme étant propices ou défavorables à la formation de son talent:<br />
447 Fernow: Leben des Künstlers Asmus Jakob Carstens, ein Beitrag zur Kunstgeschichte des achtzehnten<br />
Jahrhunderts, Éd. Hartknoch, Leipzig, 1806.<br />
448 Voir à ce sujet Geneviève Espagne et Bénédicte Savoy (Éd.): Aubin-Louis Millin et l'Allemagne. Le Magasin<br />
encyclopédique - Les lettres à Karl August Böttiger, Série Europaea Memoria (Studien und Texte zur Geschichte<br />
der europäischen Ideen, n° 41), Éd. Olms/Weidmannsche Verlagsbuchhandlung, Hildesheim, 2005.<br />
449 Cf. Joachim Rees: „Jenseits des vielfach beschworenen freundschaftlichen Verhältnisses zeigt sich doch auch<br />
eine agonale Struktur, die dem eloquenten Kritiker die Definitionsmacht über den ‘stummen Künstler’ einräumt.<br />
Wenn der Biograph dem Künstler buchstäblich seine Worte in den Mund legt, und diese seitenweise in<br />
wörtlicher Rede berichten lässt, was doch genuine Stoffgestaltung des Autor ist, so ist dies jenseits aller<br />
Vitentopik auch ein Schritt zur ‘Fiktionalisierung’ des Künstlers.“ Voir la h-net review, à consulter sur:<br />
http://www.hnet.org/reviews/showrev.cgi?path 99941045849201, (H-Arthist/update: juillet 2002/ consultée le<br />
14. 03. 2009).
91<br />
La vraie vie d’artiste consiste dans la formation de ses dons et dans l’exercice de son talent. Les circonstances<br />
extérieures qui l’accompagnent ne sont bizarres que dans la mesure où elles empêchent ou favorisent le<br />
développement de ces facultés, qui ont donné au génie telle ou telle direction, par laquelle le caractère bizarre de<br />
ses œuvres, comme produit uni de son talent inné et de sa formation, a aussi été défini en grande partie. 450<br />
D’après cette définition de la spécificité artistique comme «produit unie du talent et de la<br />
formation», Fernow démontre à partir d’une considération historique, que ce sont uniquement<br />
des artistes d’exception qui ont trouvé une entrée dans l’histoire de l’art. 451 Suivant son<br />
raisonnement, le vrai génie reposerait principalement sur la spécificité du caractère ou la<br />
«finalité supérieure ou subordonnée de l’art.» Cela signifie notamment une prise de distance<br />
de l’esthétique d’imitation au sens de l’esthétique de production moderne. 452 Dans l’œuvre<br />
d’art autonome (=lieu de la pure visibilité), la vérité extérieure (réalité) est ainsi relayée par la<br />
vérité intérieure (vérité de l’artiste=sujet à l’origine de la perception). Fernow se prononce à<br />
maintes reprises contre la «pure imitation de l’habituel et du réel», 453 en faveur de la<br />
«véritable originalité.» 454 Dans ce contexte, il déplore par la suite le fait que beaucoup<br />
d’artistes qui, selon lui, n’ont «rien produit d’exceptionnel» (VII) aient trouvé leur entrée dans<br />
l’histoire de l’art, ce qu’il déduit de la circonstance que ceux-ci appartenaient à des académies<br />
de l’art, ces «instituts de serre artificiels de luxure et de pompe» (VIII), qui, comme il le<br />
450 CARSTENS, p. V, s.: „Das wahre Leben eines Künstlers besteht in der Ausbildung seiner Anlagen und in der<br />
Ausübung seines Talents. Die äusseren Umstände, die es begleiten sind nur in sofern bedeutend und merkwürdig,<br />
als sie auf die Enwickelung seines Vermögens hindernd oder fördernd einwirkten, als sie seinem Genius dies<br />
oder jene Richtung gaben, durch welche der eigenthümliche Karakter seiner Werke, als vereintes Erzeugnis der<br />
Naturanlage und Bildung, groβsentheils mitbestimmt.“<br />
451 Ibid., p. VII: „Da nun in der Kunstgeschichte nur das wissenswürdig ist, was irgend einen für ihre<br />
theoretische und praktische, ihre technische und ästhetische Entwickelung und Fortbildung fruchtbar gewesen<br />
ist, was sie richtig geleitet oder irre geführt hat: so kann auch nur solcher Künstler Leben der Geschichte<br />
angehören, welche durch eine ausgezeichnete Eigenthümlichkeit der Anlagen, oder durch eine hohe Stufe der<br />
Ausbildung irgend eines Theils der Kunst, oder durch eine besondere Richtung des Geschmaks, ihre<br />
Selbstständigkeit an den Tag gelegt, und so auf irgend eine Weise, sei es durch Hervorbringung vorzüglicher<br />
Werke oder durch Einführung einer besondern Methode, oder durch ihr ernstliches Hinstreben auf einen höheren<br />
oder untergeordneten Kunstzwek, ihr Dasein für die Kunst entweder förderlich und nüzlich, oder durch eine<br />
zwekwidrige Richtung des Geschmaks nachtheilig und verderblich, erwiesen haben.“<br />
452 Konrad Fiedler: Schriften zur Kunst, 2 vol., Gottfried Boehm (Éd.), Munich, 1971. Cf. également Friedrich<br />
Weltzien: „Produktionsästhetik und Zeitlichkeit. Zur Dynamisierung des Kunstbegriffs bei Konrad Fiedler“, in:<br />
Momente im Prozess. Zeitlichkeit im künstlerischen Schaffensprozess, Martin Peschken et Karin Gludovatz<br />
(Éd.), Berlin, 2004, ps. 43-56.<br />
453 RS, II, p. 83.<br />
454 RS, I, p. 51.
92<br />
constate, les ont soutenus de manière décisive. A cela il oppose de façon antagoniste l’élan du<br />
génie authentique, la soi-disant «vraie pulsion de l’art» (IX), qui est aussi capable de résister<br />
à des circonstances peu propices:<br />
La vraie pulsion de l’art se manifeste d’une façon particulièrement frappante, là, où des circonstances peu<br />
propices se sont opposées à son épanouissement et elle brille avec d’autant plus d’éclat là où tout se réunit, afin<br />
de l’exterminer. Ainsi observons-nous, de temps à autre, dans le nord peu accueillant et hostile à l’art, loin de<br />
tout ce qui est capable de réveiller et de nourrir la pulsion de l’art somnolente, resurgir le grand talent qui,<br />
dépourvu de tous les moyens d’aide, se développe à partir de soi-même. 455<br />
D’après la théorie dialectique fernowienne, le génie se manifeste surtout là où il se heurte à<br />
une résistance. La résistance, c’est l’entourage social, la famille et le milieu. 456 Cette<br />
introduction esquisse déjà la thématique de base de la biographie de Carstens, dont le but est<br />
de démontrer, dans un esprit d’amitié, 457 le parcours d’une vie d’artiste dont l’épanouissment<br />
créatif a été arraché aux conditions peu favorables «au nord peu accueillant et hostile à<br />
l’art» 458 et, par la suite, a dû se développer, loin du mécénat de l’église et des académies, de<br />
455 Ibid., p. VII: „Der echte Kunsttrieb offenbart sich besonders auffallend, wo ungünstige Umstände sich seiner<br />
Entwickelung widersetzen, und er glänzt da um so heller empor, wo alles sich vereint, ihn auszulöschen. So<br />
sehen wir zuweilen im kunstlosen unfreundlichem Norden, fern von Allem, was fähig wäre den schlummernden<br />
Trieb zu wecken und zu nähren, ein groβses Talent hervorgehen, und von allen Hülfsmitteln entblöβst sich aus<br />
sich selbst entwickeln.“<br />
456 Johanna Schopenhauer va, dans la biographie dédiée à Fernow, entreprendre une stylisation similaire du génie<br />
de l’art, cf. JS, préface, III-<strong>IV</strong>: „Aber es ist möglich, daß manches Junge Gemüth, in welchem, wie einst in ihm,<br />
der göttliche Funke glüht, das wie er einst gegen den gewaltigen Druck der äußern Umstände ankämpfen muß,<br />
um zu dem hohen Ziel zu gelangen, zu welchem auch er strebte, angespornt durch sein Beispiel, gestärkt durch<br />
die klare Anschauung seines Gelingens, mit erneueter Kraft vorwärts bringt, und Muth fasst, wo es vielleicht<br />
sonst hoffnungslos unterläge.“<br />
457 Cf. l’homélie de Fernow consacrée à Carstens devant la pyramide de Cestius, citée selon JS, p. 426: „Geist<br />
und Staub des Entschlafenen! Theurer geliebter Bruder und Freund! Ich trenne mich auf immer von Dir. Du<br />
kehrst zurück in den Schoos [sic] der ewigen Natur, wohin auch wir einst früher oder später Dir folgen. Ich<br />
trenne mich auf immer von Dir, aber Deine Freundschaft, Deine Liebe, Dein strebender Geist und Dein redliches<br />
Herz werden mir und Allen, Die dich kannten, unvergeßlich sein.“<br />
458 Cf. à ce sujet la dédicace de Fernow adressée au peintre Reinhart à Rome in: „Über die Landschaftmalerei“ ,<br />
RS II, ps. 11-130: „Es scheint, dass der Sinn für Formenschönheit nur da sich gedeihlich entwickelt, wo die<br />
Natur selbst mit Liebe schönere Formen gebildet hat, im glüklichen Süden. Darum Freund, bleiben Sie dort, im<br />
Lande des Schönen; aber lassen sie öfter die ihres Genius diesseits der Alpen erscheinen.“ Par ailleurs, Fernow<br />
constate par rapport au colorit, RS II, p. 19: „Der blonde Nordländer hat ein anderes Kolorit, als der<br />
Südeuropäer.“ La polarité nord-sud devient, à partir de Herder, également un thème de l’anthropologie culturelle<br />
moderne et de l’ethnologie, en s’élargissant, au cours du XIX ème siècle, à l’esthétique. Cf.: La tension Nord/Sud:<br />
aspects historiques, anthropologiques, esthétiques: essai d’étude diachronique, Jean Mondot (Éd.), Toulouse,<br />
2001.
93<br />
façon autonome «à partir de soi-même», 459 étant donné «qu’il ne pouvait plus porter les<br />
attaches […] qu’il pouvait briser.» 460 Dans ce contexte, Fernow reconstruit en détail, comme<br />
déjà dans la biographie d’Arioste, la véritable genèse d’artiste. Multiples y sont les influences<br />
que Carstens connut dès sa plus tendre enfance, à commencer par la mère-artiste talentueuse,<br />
les premières impressions, que Carstens recut dans la cathédrale de Slésvig, en contemplant<br />
les travaux de Jurian Ovens, 461 jusqu’à la fascination qu’exerceront sur lui par la suite les<br />
œuvres de Rembrandt, 462 Rubens 463 et Michel-Ange. 464 Par contre, le véritable événement clef<br />
demeure pour lui la visite dans la salle des antiques à Copenhague, où il voit «le plus grand et<br />
le plus excellent», 465 et, ce faisant, se rend finalement compte de sa véritable vocation<br />
artistique. La rencontre qu’il fait au hasard avec un peintre de toile anonyme l’amène à faire<br />
un premier dessin en détail d’après une tête de Minerve de Giuseppe d’Arpino. 466 Il s’ensuit la<br />
recherche d’un mentor, et le refus d’une formation coûteuse chez des peintres renommés<br />
comme Tischbein 467 ou Ipsen, 468 un stage qu’il fait contre son gré chez un marchand de vin à<br />
Eckernförde, jusqu’à son admission comme boursier à l’académie à Copenhague. 469<br />
459<br />
RS, I, p. 51.<br />
460<br />
CARSTENS, p. 17: „Fesseln die er zerreißen konnte […] nicht mehr tragen konnte.“<br />
461<br />
Gertrud Schlüter-Göttsche: Jürgen Ovens: ein schleswig-holsteinischer Barockmaler, Éd. Westholsteinische<br />
Verlagsanstalt Boyens, Heide in Holstein, 1978.<br />
462<br />
Sarah Miano: Rembrandt van Rijn, Éd. Fischer, Francfort/M., 2007, ainsi que Michael Bockemühl:<br />
Rembrandt (1606-1669), Éd. Taschen, Cologne, 2007.<br />
463<br />
Eveliina Juntunen: Bildimplizite Kunsttheorie in ausgewählten mythologischen Historien, Éd. Imhof,<br />
Petersberg, 2005, ainsi que Nils Büttner: Rubens, Éd. Beck, Munich, 2007.<br />
464<br />
Cf. Antonio Forcellino: Michelangelo - eine Biographie, Éd. Pantheon, Munich, 2007.<br />
465<br />
CARSTENS, p. 19.<br />
466<br />
Herwarth Roettgen: Il cavalier Giuseppe Cesari d’Arpino. Un grande pittore nello splendore della fama e<br />
nella incostanza della cultura, Ugo Bozzi (Éd.), Rome, 2002.<br />
467<br />
Carstens projette de faire un stage dans l’atelier de Tischbein, mais il y renonce finalement, non seulement à<br />
cause des coûts considérables que cela représente, mais également en raison de la demande de Tischbein, qui<br />
requiert de ses élèves de lui rendre service en tant que cocher et homme de main, ce que Carstens considère<br />
comme inadmissible. Heinrich Wilhelm Tischbein: Aus meinem Leben, Kuno Mittelstädt (Éd.), Éd. Henschel,<br />
Berlin, 1956 et par ailleurs Petra Maisak (Éd.): Goethe und Tischbein in Rom, Éd. Insel, Francfort/M. et Leipzig,<br />
2004.<br />
468<br />
Povl Ipsen, frère de Jakob Ipsen, cohabite avec Carstens jusqu’en 1796, qui lui fait rencontrer Fernow. Parmi<br />
ses travaux les plus connus compte également son portrait du général de Slésvig Jakob Georg et le Hofpriester<br />
von Glucksburg, Philip Ernst Liider, qui date de 1784, et qui passe en 1796 en possession de Carstens.<br />
469<br />
Fernow mentionne dans ce contexte également que Carstens fréquente, à cette époque-là, les lectures en<br />
danois sur l’anatomie du professeur Wiedehaupt, et s’intéresse aussi en détail aux théories de l’esthète anglais<br />
Daniel Webb (à côté de l’étude de Kröker et Diepenbeck). Cf. Daniel Webb: Untersuchung des Schönen in der<br />
Mahlerey, und der Verdienste der berühmtesten alten und neuern Mahlern, Éd. Orell Geßner et Comp., Zurich,<br />
1766 [trad. all.].
94<br />
Cependant, Fernow éclipse par moments généreusement le fait que cette dernière accorde à<br />
Carstens une aide financière qu’il touchera pendant plusieurs années. A part cela, il parvient à<br />
mettre en scène une certaine authenticité littéraire, notamment en documentant le litige<br />
académique berlinois dans lequel Carstens a été impliqué avec le ministre Freiherr von<br />
Heinitz, 470 à l’aide des passages de lettres citées d’après la correspondance originale. Ce<br />
faisant, il prétend rapporter les faits de façon objective et d’un point de vue neutre, ce qui ne<br />
signifie pas pour autant que sa propre position soit impartiale. Ainsi, Fernow cherche à<br />
démontrer au lecteur comment Carstens, de par son aspiration à la liberté artistique et<br />
personnelle, est peu à peu devenu la victime du complot von Heynitz. 471 De surcroît, des<br />
critères du contenu ainsi que l’argumentation pointue de la correspondance laissent<br />
soupçonner que non pas Carstens, mais plutôt Fernow est l’auteur, du moins de la dernière<br />
lettre, étant donné qu’il constate ailleurs que Carstens, en raison de son tempérament<br />
artistique très émotif, est plus doté de sens rhétorique que de talent littéraire:<br />
Comme Carstens ne comprenait rien à l’art d’exprimer ses pensées par des propos clairs et neutres, mais qu’il<br />
disait, à l’écrit comme à l’oral, tout directement comme il le pensait, sa franchise pouvait paraître au ministre,<br />
qui n’était pas habitué à entendre un tel langage, rien d’autre qu’extrêmement prétentieuse et maladroite. 472<br />
Ainsi, le naturel artistique de Carstens et sa façon de parler spontanée ne peuvent, selon la<br />
conviction fernowienne, que brusquer un non-artiste comme Heinitz. Au moins la phrase<br />
finale fulminante de la correspondance, dans laquelle Carstens exprime de manière solennelle<br />
sa volonté d’abandonner à jamais l’académie de Berlin, rend tout à fait justice au stéréotype<br />
de l’artiste rebelle:<br />
470 Johannes Mager: „Friedrich Anton von Heynitz (1725-1802): Streiflichter aus seinem Leben und familiären<br />
Umfeld“, dans: Der Aufschnitt (vol. 55, cahier 1, ps. 2-27), Éd. Glückauf, Essen, 2003, ainsi que: Benno von<br />
Heynitz: Beiträge zur Geschichte der Familie von Heynitz und ihrer Güter, partie I-III, Kirchrode, 2 1971.<br />
471 Cité d’après: Frank Büttner: Der Briefwechsel zwischen Asmus Jakob Carstens und Minister Friedrich Anton<br />
von Heinitz, in: Asmus Jakob Carstens, Slésvig, 1992, ps. 75-95.<br />
472 Ibid., p. 159: „Da Carstens nichts von der Kunst verstand, seine Gedanken in glatte, unmasgebliche Worte zu<br />
kleiden, sondern schriftlich wie mündlich gerade heraus sagte, was und wie er es dachte, so konnte seine<br />
Freimüthigkeit dem Minister, der eine solche Sprache nicht zu hören gewöhnt war, nicht anders als höchst<br />
anmaβsend und dünkelhaft erscheinen.“
95<br />
D’ailleurs je dois dire à votre excellence que je n’appartiens pas à l’académie de Berlin, mais au genre<br />
humain. 473<br />
Ainsi Fernow va prendre l’exemple de Carstens comme point de départ, afin d’exprimer sa<br />
critique de la société et il ne s’arrête pas, après sa parade contre l’académie de Berlin, avant le<br />
public, qui, d’après lui «n’a pas laissé libre cours à sa volée de comète» (XX). Par la suite, il<br />
érige le génie au-dessus des conventions de la société:<br />
Le génie né pour l’art est plus directement et étroitement lié à la nature que l’homme utile, ordinaire, qui est<br />
destiné à être citoyen et servir fidèlement les fins diverses de la société. 474<br />
Afin de donner un autre exemple pour une telle situation de conflit entre la «nécessité<br />
intérieure et l’arbitraire extérieur» (XIX), il se ne réfère dans ce qui suit à personne d’autre<br />
que Schiller et son implication dans le conflit avec le duc Carl August:<br />
N’en allait-il pas de même avec notre Schiller, qui en brisant de façon violente les liens qui l’attachaient à sa<br />
patrie et à son empereur, qui compte même parmi les amateurs d’art, a dû conquérir sa vie de poète, qui lui a<br />
valu une gloire immortelle et une splendeur supérieure à notre littérature? 475<br />
Le génie de Carstens est ainsi mis à égalité avec celui de Schiller, tout en attirant l’attention<br />
sur les problèmes sociopolitiques auxquels les deux ont dû faire face:<br />
Il y a parmi les institutions de nos constitutions sociales et politiques des contradictions inconciliables, quelques-<br />
unes, où seule une faille dans la disproportion entre la nature et le code civil ou entre la nécessité intérieure et<br />
l’arbitraire extérieure puisse réconcilier le conflit existant entre celles-ci. 476<br />
Fernow critique surtout l’existante «disproportion entre la nature et le code civil», qu’il<br />
ramène aussi à la religion. Ainsi, il érige «de façon catégorique et kantienne» le postulat de<br />
l’art libéré 477 en maxime dans la production créatrice, qu’il lie à trois conditions sociales:<br />
473<br />
Ibid., p. 205: „Übrigens muβ ich Euer Excellenz sagen, daβ ich nicht der Berliner Akademie, sondern der<br />
Menschheit angehöre.“<br />
474<br />
Ibid., p. XXI: „Das zur schönen Kunst geborene Genie ist unmittelbarer und enger mit der Natur verbunden,<br />
als der gewöhnliche, zum Staatsbürger und getreuen Unterthan bestimmte, und zu mannigfaltigen Zwecken der<br />
Geselschaft brauchbare Mensch.“<br />
475<br />
Ibid., p. XIX: „Muste nicht [...] auch unser Schiller sein Dichterleben, das ihm unsterblichen Ruhm und<br />
unserer Litteratur einen höheren Glanz gab, erst durch eine gewaltsame Zerreiβung der Bande, die ihn an sein<br />
Vaterland und an seinen Fürsten knüpften, der sogar unter die kunstliebenden gezält wird, erringen?“<br />
476<br />
Ibid.: „Es giebt in den Einrichtungen unserer geselschaftlichen und politischen Verfassungen der<br />
unvereinbaren Gegensätze so manche, wo nur ein Ris durch das Misverhältnis zwischen Natur und bürgerlicher<br />
Verfassung, oder zwischen innerer Nothwendigkeit und äuβerer Wilkür den Streit derselben schlichten<br />
kann.“[sic]
1. La libération de l’artiste de la contrainte de conditions conventionnelles,<br />
2. la liberté universelle de l’artiste appartenant à l’ensemble du genre humain,<br />
3. le soutien de l’artiste d’après le principe libéral du désintérêt parfait.<br />
96<br />
Anticonformisme, universalité et liberté - par ces mots clefs pourrait-on alors résumer dans<br />
l’ensemble la nouvelle conception de l’artiste selon Fernow. En gros, ses postulats tendent<br />
vers un retrait de l’artiste du public dans la sphère privée, 478 en marquant ainsi le passage de<br />
l’art financé par l’État vers l’art libre reposant sur lui-même. Un problème sur lequel vont<br />
aussi se pencher par la suite Hegel, 479 Stendal 480 et Karl Marx. 481 En l’occurrence, cette<br />
stylisation de l’artiste comme «citoyen du monde indépendant» (XXV) traduit clairement les<br />
convictions franc-maçonnes 482 de Fernow. Dans ce contexte, des parallèles éventuels avec les<br />
477<br />
Ibid., p. XX: „die freigewordene Kunst, der Stütze aber auch zugleich des Zwanges der Religion enthoben,<br />
mus hinfort auf sich selbst ruhen […].“<br />
478<br />
Werner Hofmann: Das entzweite Jahrhundert - Kunst zwischen 1750 und 1830, Éd. Beck, Munich, 1995.<br />
479<br />
Hegel thématise également le problème de l’artiste moderne, qui est affranchi de l’église, du clergé et de l’état<br />
en soulignant que cela aura pour conséquence un réflexe de compensation idéel: „Selbst der ausübende Künstler<br />
ist nicht etwa nur durch die um ihn her laut werdende Reflexion, durch die allgemeine Gewohnheit des Meinens<br />
und Urteilens über die Kunst verleitet und angesteckt, in seine Arbeiten selbst mehr Gedanken hineinzubringen;<br />
sondern die ganze geistige Bildung ist von der Art, daß er selber innerhalb solcher reflektierenden Welt und ihrer<br />
Verhältnisse steht und nicht etwa durch Willen und Entschluß davon abstrahieren oder durch besondere<br />
Erziehung oder Entfernung von den Lebensverhältnissen sich eine besondere, das Verlorene wieder ersetzende<br />
Einsamkeit erkünsteln und zuwege bringen könnte“ (cf. Ästhetik, n° 25, Éd. Suhrkamp, Francfort/M.), cité selon<br />
Angelo Raciti: Möglichkeiten des Daseins. Eine gesellschaftliche Analyse des ‘Kunstgesprächs’ in Büchners<br />
Lenz, in: PhiN 3/1998.<br />
480<br />
Les thèses pertinentes (feu de saillie) de l’écrivain et théoricien de l’art Stendal, de son vrai nom Henri Beyle,<br />
vont marquer, de par leur portée sociocritique et morale, la rupture avec les théories de Chateaubriand, Mme de<br />
Staël et les romantiques allemands. Ainsi, Stendal ne considère pas la grandeur physique des statues antiques<br />
(force physique) comme le seul idéal artistique, mais réclame surtout l’expression des sentiments<br />
(expressivisme). Cf. Patrizia Lombardo: Stendal et l'idéal moderne, (Nineteenth Century French Studies), vol.<br />
35, n° 1, 2006, ps. 226-246.<br />
481<br />
Karl Marx va également thématiser cette problématique dans sa dissertation: „[…] so sucht der<br />
Nachtschmetterling, wenn die allgemeine Sonne untergegangen, das Lampenlicht des Privaten“ (1840). Werner<br />
Hofmann (cf. note n° 478, ci-dessus) interprète cela comme l’introduction de l’époque non-hégélienne („nachhegelianische[n]<br />
Epoche“/p. 645), en décrivant la mise au service successive de l’artiste par l’état: „Eine<br />
Mischung aus Ehrgeiz und Engagement treibt sie den staatlichen Auftraggebern in die Arme, die genau wissen,<br />
daß Kunstwerke ihre Legitimität bekräftigen und dem Bürger anschaubar machen. Dieser Prozeß führt zu<br />
verschiedenen Formen der Re-Integration, welche die Spannungen vergessen machen möchten, die wir unter<br />
dem Gesichtspunkt von Desintegration und Plurifokalität kennengelernt haben. Konversion und Versöhnung<br />
sind angesagt. Nicht nur Ingres’ Apotheose Homers ist davon geprägt“ (ibid.).<br />
482<br />
JS, p. 85: „Er [Baggesen] fragte mich unter anderm, ob ich Maurer sey? Und freute sich sehr, als ich es<br />
bejahen konnte.“ De même, on trouve dans le registre de la Bertuch’schen Buchhandlung des chants pour Francmaçons<br />
redigés par Fernow („zum Gebrauche aller Teutschen Logen“), Friedrich Justin Bertuch (Éd.), imprimé<br />
pour la Loge Anna Amalia zu den drei Rosen, [3], VIII, 324 p. -- 16°. Voir note suivante de HAAB: les chants<br />
contenus dans cette publication proviennent e. a. de: F. J. Bertuch, J. A. Blumauer, M. Claudius, C. L. Fernow, J.<br />
W. L. Gleim, J. W. v. Goethe, J. G. v. Herder, L. H. C. Hölty, A. v. Kotzebue, F. v. Schiller, F. L. Graf zu<br />
Stolberg, J. P. Uz, J. H. Voß et C. M. Wieland. Autopsie des exemplaires de la HAAB, signatures: Bh 224 et 39,
97<br />
théories propres à la philosophie naturelle de Jean-Jacques Rousseau 483 ne sont pour le moins<br />
absurdes. Or, en même temps, il souligne également que le génie de l’art est capable de<br />
s’élever au-dessus des contraintes institutionnelles et économiques: 484<br />
[…] comme la nature du grand talent, qui, dans la pulsion de la compétition dispose d’assez de courage et de<br />
force, pour briser ses chaînes. Et tandis que l’État, dans les institutions entretenues de manière artificielle et très<br />
coûteuse, cherche en vain à éduquer de grands artistes, il va les perdre tous ou laisser crever misérablement, ceux<br />
qui, seuls, étaient capables de le devenir. 485<br />
Ce faisant, Fernow critique non seulement le mécénat forcé des «serres académiques», 486<br />
mais encore les méthodes rigides adoptées pour l’éducation des jeunes artistes, qu’il réduit au<br />
simple principe de «l’imitation désappropriée» (XXVI) qui consiste, selon lui, dans un pur<br />
remplissage de normes conformes, par laquelle «l’autonomie du talent est plutôt supprimée<br />
qu’exercée, et seulement la main d’œuvre d’art est promulguée.» 487 Par ailleurs, il attaque la<br />
passivité créative de la pédagogie académique, un phénomène, qu’il voit encore favorisé par<br />
la sécularisation 488 et la muséalisation 489 des arts. 490 Selon sa conviction l’imitation fidèle à<br />
8: 13, ainsi que l’exemplaire de la bibliothèque de Goethe (Ruppert), signature: 1915, cf. également Tausch,<br />
KAW, p. 36, et par ailleurs Joachim Bauer et Gerhard Müller: Des Maurers Wandeln, es gleicht dem Leben -<br />
Tempelmaurerei, Aufklärung und Politik im klassischen Weimar, Éd. Hain, Rudolstadt, 2000.<br />
483 Voir Jean-Jacques Rousseau: Traité sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes et leurs causes, [traduit en<br />
allemand par Moses Mendelssohn et contenant un envoi pour Monsieur le magistrat Lessing et complété par une<br />
lettre adressé à Voltaire], Éd. Voss, Berlin, 1756. Cf. également Jean-Marie Paul: «Rousseau et Kant: de l’utilité<br />
de la civilisation», in: La volonté de comprendre, Maurice Godé et Michel Grunewald (Éd.), Éd. Lang,<br />
Francfort/M., 2005.<br />
484 Cf. CARSTENS, préface.<br />
485 Ibid.: „ [...] als die Natur ein groβses Talent hervorbringt, das im Drange dieses Widerstreits Muth und Kraft<br />
genug hat, seine Fesseln zu zerbrechen. Und wärend der Staat in künstlichen, mit groβen Kosten unterhaltenen<br />
Anstalten vergebens groβse Künstler zu erziehen bemüht ist, wird er die verlieren oder kümmerlich zu Grunde<br />
gehen lassen, die es allein werden konten.“<br />
486 Ibid., p. XVIII: „akademischen Treibhausanstalten.“<br />
487 Ibid., ps. XXVI-XXXVII: „Selbstständigkeit des Talents vielmehr unterdrükt als geübt, und blos das<br />
Handwerk der Kunst gefördert wird […] Diese bequeme Art mit leerem Kopf ein Künstler zu werden,<br />
begünstigen vornehmlich groβse Kunstsammlungen und Gallerien. Wie im Leben groβser Reichthum und zu viel<br />
Bequemlichkeit der Geistesbildung eher schädlich als nüzlich zu sein pflegen, so findet vielleicht ein Gleiches in<br />
der Kunst statt.“<br />
488 Christina von Braun (Éd.): Bilanz und Perspektiven einer umstrittenen These, Éd. Münster, Berlin, 2007.<br />
489 Ulrich Borsdorf (Éd. e. a.): Musealisierung und Geschichte, Éd. Transcript, Bielefeld, 2004. Les différentes<br />
contributions de l’ouvrage se focalisent autour des différents aspects de l’interaction complexe entre la<br />
muséalisation et l’histoire de l’art à partir d’une perspective, à la fois interdisciplinaire et culturelle, qui est<br />
centrée sur le musée, vu sous l’aspect d’une institution.<br />
490 RS, I, ps. XXVI-XXXVII: „Diese bequeme Art mit leerem Kopf ein Künstler zu werden begünstigen<br />
vornehmlich groβse Kunstsammlungen und Gallerien. Wie im Leben groβser Reichthum und zu viel
98<br />
l’original présente un obstacle à l’épanouissement de la créativité artistique, auquel il oppose<br />
le principe de la «main sûre du maître», 491 également valable pour la poésie et la technique de<br />
la traduction. A part cela, il considère que la contemplation continuelle des mêmes œuvres<br />
d’art porte atteinte à la motivation de base de l’artiste:<br />
Le regard continuel des mêmes [œuvres d’art], et la légèreté de se les approprier, affaiblit l’enthousiasme<br />
animé. 492<br />
De même, il faut noter ici que l’interprétation unilatérale que Fernow fait de l’imitation<br />
comme étant un acte à la technique et reproductif, présente manifestement une «déformation<br />
historique» 493 de la notion de mimésis désignant à l’origine le jeu de la liberté artistique. 494<br />
Pour aller à l’encontre de la théorie d’après laquelle le concept de la pure imitation de la<br />
nature n’aurait connu aucun changement de la Frühe Neuzeit jusqu’au préclassicisme, 495 il<br />
faut, d’après les connaissances les plus récentes, plutôt partir du principe que la notion d’art<br />
mimétique et allégorique est à comprendre non pas au sens d’un simple principe de l’imitation<br />
de la nature, mais plutôt, selon sa signification depuis l’âge industriel, comme «maîtrise de la<br />
nature», quasiment comme la célébration de l’«utopie de la liberté humaine», subissant donc<br />
Bequemlichkeit der Geistesbildung eher schädlich als nüzlich zu sein pflegen, so findet vielleicht ein Gleiches in<br />
der Kunst statt.“<br />
491 Cf. Andrea Heinz et Stefan Blechschmidt: Dilettantismus um 1800, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800:<br />
Ästhetische Forschungen), vol. 16), Éd. Winter, Heidelberg, 2007, ibid., voir l’article de Daniel Ulbrich:<br />
Mittelmäßiges Übersetzen. Übersetzerpositionen zwischen (professionalisierter) Liebhaberei und (genialischer)<br />
Professionalität im 18. Jahrhundert, ps. 141-160, ici p. 159: „In Fernows Skizze von 1804 sollen diese beiden<br />
Lager mit ihren zum Teil gegensätzlichen Legaten in dem Begriff der ‘sicheren Meisterhand’, als der Einheit<br />
von sprachlich-sachlicher Angemessenheitund veredelnder Tendenz erneut miteinander versöhnt werden. Würde<br />
sich Fernows Position hierauf reduzieren, so bliebe freilich ein Problem bestehen: Mit dem Insistieren auf einer<br />
institutionalisierten Trennung zwischen rezeptivem und produktivem Aktionsfeld ist über die Rolle von Genie<br />
als Vermögen dichterischer Spontaneität im Übersetzungsprozeß noch nichts gesagt.“<br />
492 Ibid., p. XXVII: „Der stete Anblik derselben [Kunstwerke], und die Leichtigkeit sich ihn zu verschaffen,<br />
schwächt den belebten Enthusiasmus.“ Par ailleurs, Fernow distingue entre l’enthousiasme vivant de l’artiste et<br />
l’enthousiasme vive du public (RS, II, p. 305).<br />
493 Voir PhiN, 18/2001, p. 52.<br />
494 Ansgar M. Cordie: „Mimesis bei Aristoteles und in der Frühen Neuzeit“, dans: Kunst und Natur in Diskursen<br />
der Frühen Neuzeit, Éd. Laufhütte, Wiesbaden, ps. 277-288: „[Mimesis bedeutet dass] der freie Mensch im<br />
freien Spiel den freien Menschen nachahmt.“<br />
495 Peter-André Alt: Begriffsbilder. Studien zur literarischen Allegorie zwischen Opitz und Schiller, Éd.<br />
Niemeyer, Tübingen, 1995.
99<br />
un changement décisif en tant qu’«acte productif de la réception reproductive.» 496 De même,<br />
on constate que Fernow ne se limite nullement à la seule représentation d’une genèse de génie<br />
classique, étant donné qu’il prend aussi en considération des aspects propres à la critique<br />
d’art. Ainsi, il mentionne par exemple les défauts humains et les maladresses artistiques de<br />
Carstens, qu’il passe scrupuleusement à la loupe, ce qui, en l’occurrence, doit souligner sa<br />
crédibilité et ses aptitudes en tant que théoricien de l’art, tout en tenant compte de façon<br />
tactique de sa réception par le lecteur. En ce qui concerne la présentation formelle de<br />
l’ouvrage, Helmut Pfotenhauer 497 a déjà souligné l’effort entrepris par Fernow pour établir un<br />
schéma subdivisé en rubriques, que par ailleurs Goethe esquisse dans son Laokoon, 498 d’après<br />
le modèle du catalogue classique de règles. Ainsi, Carstens classifie la recension des œuvres<br />
carstensiennes en neuf catégories, d’après le style, le dessin, le choix du sujet, l’expression, le<br />
coloris, la draperie, les accessoires, la formation de l’esprit et l’ambition à l’art. En ce qui<br />
concerne le premier critère, il faut d’abord mettre en relief le fait que la question du style<br />
déclenche, à la différence de la notion que Goethe donne de la manière, 499 une véritable<br />
controverse dans le discours de l’art autour de 1800. Qu’est-ce que le style? L’homme<br />
même, 500 comme expression d’un savoir-faire objectif ou plutôt le résultat d’une mise en scène<br />
subjective? D’une manière générale, Fernow considère le style comme un mode de<br />
représentation comportant «toutes les parties de la représentation» 501 qui est «fixé sur la<br />
496<br />
Cf. note n° 496, ci-dessus, ibid.: „Naturbeherrschung“, „Utopie menschlicher Freiheit“, „produktiver Akt<br />
reproduktiver Rezeption.“ Ansgar M. Cordie se réfère ici au discours Post festum d’Aristotèle, qui conçoit l’art<br />
mimétique au sens d’une libre imitation de la nature comme réaction à la perte d’une autorité politique.<br />
497<br />
Cf. Helmut Pfotenhauer: Klassik und Klassizismus, Éd. Deutscher Klassiker, Francfort/M., 1995, p. 826, ibid.,<br />
p. 834 s.: „Fernow benutzt dieses Schema auf bezeichnende Weise modifiziert, um den Künstler Carstens zu<br />
charakterisieren.“<br />
498<br />
Ernst Osterkamp: Im Buchstabenbilde. Studien zum Verfahren Goethescher Bildbeschreibungen, Éd. Metzler,<br />
Stuttgart, 1991.<br />
499<br />
Ibid.: „Der Stilbegriff spielt ja in der Ästhetik der Jahrhundertwende überhaupt eine gewichtige Rolle […]<br />
gemeint ist dabei mit ‚Stil’ ein künstlerisches Schaffen, das analog zur Natur Werke von hoher innerer<br />
Organisiertheit hervorbringe und darin die Subjektivität des Künstlers zum Objektiven aufhebe.“<br />
500<br />
D’après le discours d’entrée de Buffon à l’Académie française, le 25 août 1753: Le style est l’homme même.<br />
Cf. Discours sur le style. Discours prononcé à l'Académie française par Buffon, le jour de sa réception, précédé<br />
de la biographie de Buffon, M. Hémardinquer (Éd.), Delagrave, Paris, 1877.<br />
501<br />
RS, I, p. 43.
100<br />
Gestalt.» 502 Par la suite, il distingue la «spécificité objective» (=vraie originalité) de l’<br />
«individualité subjective» (=ajout étrange). 503 Le trait le plus marquant de la notion de style<br />
chez Fernow est qu’il parte a priori d’un traitement subjectif du sujet d’après des critères<br />
objectifs, ou, comme Humboldt, de l’élévation de la «vraie idéalité à l’idéal», 504 et, ce faisant,<br />
il envisage toujours l’impression de la conception organique dans son ensemble, c’est-à-dire<br />
«l’idée de l’ensemble.» 505 De même, il définit l’art, en règle générale, et contrairement à la<br />
juxtaposition goethéenne entre l’art et la nature, 506 comme une «nature supérieure.» 507 Ainsi, il<br />
concède à l’artiste la possibilité d’une imitation d’après la nature dans la tradition de<br />
Bellori, 508 mais qu’il ne comprend plus au sens de la mimésis antique, mais plutôt comme le<br />
résultat d’une «imitation libre des objets [de la nature] d’après des lois générales», 509 et ainsi<br />
donc pas comme une «imitation sans esprit des formes antiques.» 510 La comparaison avec la<br />
notion herdérienne de l’art national est aussi intéressante, étant donné que celle-ci s’oriente<br />
également vers les modèles antiques, mais cependant pas de manière exclusive. 511 Par rapport<br />
à la production artistique de son temps, il critique surtout la «manière hasardeuse» 512 ainsi que<br />
le «style individuel ou l’idéal individuel» 513 des «artistes contemporains.» 514 A la place, il<br />
502<br />
Ibid.<br />
503<br />
RS, I, p. 51.<br />
504<br />
CARSTENS, p. 72.<br />
505<br />
RS, II, p. 14.<br />
506<br />
Goethe: «L’essai sur Diderot» (1799), in: Écrits sur l’art, Éd. Flammarion, 1996, ps. 192-200. Goethe y<br />
défend la thèse selon laquelle la nature agit pour elle même, au contraire de l’homme, qui, en tant qu‘homme,<br />
agit pour l’homme. Cf. également Gerhard M. Vasco: “Diderot and Goethe: A Study in Science and Humanism”,<br />
in: The Modern Language Review, vol. 76, n° 1, 1981, ps. 240s., ainsi que Roland Krebs: «Le dialogue avec<br />
Diderot», in: Jean-Marie Valentin (Éd.): Johann Wolfgang Goethe. L’Un, l’Autre et le Tout, Éd. Klinksieck, ps.<br />
113-129.<br />
507<br />
RS, I, p. 319: „Sie [die Kunst] erscheint als eine höhere Natur […]. “<br />
508<br />
Giovanni Pietro Bellori: Le Vite de’ Pittori, scultori ed architetti moderni, co’ loro ritratti al naturale, Rome,<br />
2<br />
1728. Cf. également: Die Idee des Künstlers, Kurt Gerstenberg (Éd.), Éd. Berthold, Berlin, 1939.<br />
509<br />
Ibid.<br />
510<br />
RS, III, p. 11.<br />
511<br />
Cf. Gunter E. Grimm: „Kunst als Schule der Humanität. Beobachtungen zur Funktion griechischer Plastik in<br />
Herders Kunst-Philosophie“, in: Johann Gottfried Herder (1744-1803), Gerhard Sauder (Éd.), Éd. Meiner,<br />
Hambourg, 1987, ps. 352-363.<br />
512<br />
JS, p. 364: „zufällige Manier.“<br />
513 Ibid.: „Individualstil oder Individualideal.“<br />
514 Ibid., p. 362: „jetzt lebenden Künstler.“
101<br />
suggère une création inspirée par la «la nature réelle» ,515 pour produire des «œuvres pleines<br />
d’esprit et vivantes.» 516 Celles-ci sont autonomes, à savoir orientées vers la liberté idéale, 517 et<br />
suivent par la suite la logique d’une création pygmalienne, qui «quoique au-dessus de toute<br />
réalité, semblent être de vrais êtres vivants.» 518 C’est cette même idée que reprend Honoré de<br />
Balzac 519 dans sa nouvelle intitulée le «Le chef d’œuvre inconnu». Dans ce récit, en effet, le<br />
peintre Frenhofer incarne parfaitement l’artiste, qui, à la recherche de son Pygmalion 520<br />
artistique, desespère littéralement. Dans la première moitié du XIX ème siècle, Charles<br />
Baudelaire, 521 va thématiser, à partir d’un portrait de femme, le topos de l’éphémère de<br />
l’existence humaine, en mettant également en question les limites du principe d’incarnation<br />
dans l’art, par la dépendance à la matière, qu’il voit uniquement fixée dans la capacité de<br />
mémoire du spectateur. Défendant un point de vue moins drastique, Fernow fait surtout<br />
référence à l’imagination des grands peintres, 522 ayant «[…] abstrait leur idéal d’art de la<br />
nature qui les a entourés.» 523 Selon lui, c’est la force d’imagination artistique qui est décisive<br />
pour une composition réussie, ou aussi la force d’imagination plastique, qui ne doit pas<br />
toujours correspondre au catalogue traditionnel des règles académiques. 524 Or, celle-ci<br />
s’oriente plutôt vers l’idéal d’une nouvelle corporalité, qui, en l’occurrence, est issue d’abord<br />
515 Ibid.<br />
516 Ibid.<br />
517 Ibid., p. 247: „[…] von der untersten Stufe der Nachahmung allmählich durch Wahrheit und Schönheit bis zur<br />
idealischen Freiheit ausgebildet [hat].“<br />
518 JS, p. 364.<br />
519 Honoré de Balzac décrit, entre autres, l’ambition artistique de Frenhofer de créer des œuvres vivantes,<br />
comme il le démontre dans l’exemple d’un portrait de femme, qu’il croit avoir réanimé. Cf. «Le chef d’œuvre<br />
inconnu», [1831], Éd. Flammarion, 1981, ps. 64 s.: «Vous êtes devant une femme et vous cherchez un tableau<br />
[…] Où est l’art? perdu, disparu! Voilà les formes mêmes d’une jeune fille […] Elle va se lever, attendez.»<br />
520 Cf. Roland Kanz et Hans Körner: Pygmalions Aufklärung. Europäische Skulptur im 18. Jahrhundert, Éd.<br />
Deutscher Kunstverlag, Munich/Berlin, 2006.<br />
521 Charles Baudelaire: Les fleurs du mal, Éd. Librio, Paris, 2003, p. 42: «Noir assassin de la Vie et de l’Art, tu<br />
ne tueras jamais dans ma mémoire celle qui fut mon plaisir et ma gloire.»<br />
522 Comme Leonardo, Raphaël, Corregio, Rubens, Holbein, Cranach. Voir JS, p. 362.<br />
523 JS, p. 362: „[…] ihr Kunstideal von der sie umgebenden Natur abstrahirt.“<br />
524 Déjà Ingres se distancie, en tant que boursier de l’académie et comme son réformateur, de l’imitation<br />
atomique (atomistisches Nachbilden), ce qui lui vaut à Rome le très convoité prix de l’académie. Fernow<br />
séjourne à cette époque dans la métropole italienne et a, comme observateur attentionné de la scène d’art,<br />
probablement connaissance de l’art du tableau d’Ingres. Cf. par ailleurs Uwe Fleckner: Abbild und Abstraktion:<br />
die Kunst des Porträts im Werk von Jean-Auguste-Dominique Ingres, Éd. v. Zabern, Mayence, 1995, ainsi que<br />
Vincent Pomarède, Stéphane Guégan, Louis-Antoine Prat, Eric Bertin (Éd.): Jean-Dominique-Auguste Ingres<br />
(1780-1867), catalogue de l’exposition, Éd. Gallimard/coédition musée du Louvre, Paris, 2006.
102<br />
de la considération intérieure 525 ou «[…] la faculté plastique de la force d’imagination de<br />
concevoir l’image des objets […] comme réellement ronds.» 526 Les artistes de la<br />
postmodernité recherchent aussi un idéal similaire propre à l’expression d’une nouvelle<br />
corporalité, en renouant souvent dans leurs œuvres avec le naturalisme du XIX ème siècle. De<br />
même, ils représentent partiellement, en césure avec les formes parfaites du statuaire grec, les<br />
contingences de l’existence issues de la considération intérieure, et adaptées selon le caractère<br />
artistique. 527 Carstens opère de façon similaire, mais en privilégiant toujours, à l’opposé de ces<br />
derniers, l’impression harmonieuse de l’ensemble, au sens d’une «poésie de l’invention »: 528<br />
En mettant l’âme dans une disposition harmonieuse, il incite en même temps notre imagination, notre esprit, et<br />
toutes les forces plus nobles de notre âme. 529<br />
Analogue à cela, il distingue, par rapport à la peinture de paysage, la représentation des scènes<br />
de nature idéalisées et de celles de la peinture de prospectus, qui «sont soit copiées fidèlement<br />
d’après la nature ou soit inventées poétiquement.» 530 Il illustre cela dans son traité «De la<br />
peinture du paysage», à l’exemple de Philipp Hackert:<br />
Hackert appartient au fond aux peintres de prospectus; cependant ses paysages s’élèvent, comme par le choix du<br />
beau, comme par l’expression caractéristique de la nature italienne, et par les parties singulières, particulièrement<br />
apparentes dans les premiers plans, d’une aide idéalisante du réel vers un tout, à la fois beau et pittoresque, au-<br />
dessus de la peinture de prospectus habituel. 531<br />
525 Helmut Börsch-Supan: Die deutsche Malerei von Anton Graff bis Hans von Marées 1760-1870, Éd. Helmut<br />
Beck, Munich, 1988, p. 178: „Solches Hervorbringen aus einer inneren Anschauung war Gewähr für eine<br />
Geistigkeit, mit der sich die der Poesie und der Philosophie ebenbürtig an die Seite stellten.“<br />
526 HT, p. 257. Cf. à ce sujet également le principe du faux dessin (‘Falschzeichnens’) que Hegel approuve<br />
également: „[...] das plastische Vermögen seiner Einbildungskraft, das Bild der Gegenstände [...] wirklich rund<br />
aufzufassen.“<br />
527 Marianne Alphant: Art moderne. Rupture ou parenthèse, Éd. Flammarion, Paris, 2005, ainsi que Kostas<br />
Mavrakis: Art moderne. Rupture et renouveau, Éd. Éditions de Paris, Versailles, 2006.<br />
528 Voir Peter Springer: „Artis Germanicae Restitutor. Asmus Jacob Carstens als ‘Erneuerer’ der Deutschen<br />
Kunst“, in: Jahrbuch des Schleswig-Holsteinischen Landesmuseums Schloss Gottorf, N.f. 3, (1990/91), ps. 45-<br />
82, ici p. 58.<br />
529 RS, III, p. 43: „Indem er das Gemüth in eine harmonische Stimmung sezt, beschäftigt er zugleich unsere<br />
Fantasie, unsern Geist, und alle edleren Kräfte der Seele.“<br />
530 Ibid., p. 11: „[…] entweder treu der Wirklichkeit nachgebildet oder dichterisch erfunden.“<br />
531 RS, II, ps. 117-128, ici p. 117: „Hackert gehört eigentlich nicht sowohl zu den Prospektmalern; indessen<br />
erheben sich doch seine Landschaften, sowohl durch die schöne Wahl, als durch den karakteristischen Ausdruck<br />
der italienischen Natur, und durch die in einzelnen Theilen, besonders in Vorgründen, nicht zu verkennende
103<br />
Par rapport à l’imagination poétique de Carstens, il constate par la suite que Carstens, quant<br />
au choix du sujet, préfère principalement des «thèmes empruntés de la mythologie nordique et<br />
du monde d’Ossian», 532 en se démarquant des peintres historique traditionnels, 533 mais, en<br />
même temps, en raison du traitement sentimental du sujet qui caractérise ses tableaux, 534<br />
révèle une certaine affinité avec les artistes romantiques, 535 ce que Fernow passe<br />
volontairement sous silence. En ce qui concerne l’expression, il reconnait à Carstens le talent<br />
de créer une expression authentique, c’est-à-dire «[…] faire monter dans son imagination un<br />
caractère conforme à sa physionomie qui correspond à un haut degré.» 536 Par rapport à<br />
l’habit, il loue par la suite la prise de distance de Carstens avec le style lourd de Le Brun, 537<br />
qui, d’après sa conviction, se prélasse, surtout quant aux accessoires, dans un monde théâtral<br />
de paillettes, ce qu’il considère comme étant une rupture de style artistique et ce qu’il rejette<br />
avec véhémence:<br />
[…] qui aime le théâtral, cette faute si commune, de décorer, par un amour de luxe incompréhensif, avec une<br />
architecture […] riche et présomptueuse, des scènes des temps de l’Antiquité précoce, pauvre en art. 538<br />
Pourtant, il ne faudrait pas considérer l’âge classique comme étant pauvre en art. Pour<br />
Fernow, c’est justement ce caractère fragmentaire de la sculpture classique, causé par les<br />
ravages du temps, qui, comme un hiéroglyphe de ce qu’il a été, devrait sensibiliser le sub-<br />
idealisierende Nachhülfe des Wirklichen zu einem malerisch-schönen Ganzen, weit über die gewönliche<br />
Prospektmalerei.“<br />
532 Ibid. p. 262. Quant à l’histoire de la réception d’Ossian dans l’espace germanophone cf. l’étude de Wolf<br />
Gerhard Schmidt: Homer des Nordens und ‘Mutter der Romantik. James Macphersons Ossian und seine<br />
Rezeption in der deutschsprachigen Literatur, Éd. De Gruyter, Berlin, 2003, [thèse, Univ. Sarrebrouck, 2002].<br />
533 Ibid., p. 264. Fernow évoque dans son essai sur la peinture du paysage le style des peintres historiques, dont<br />
parmi eux le Titien, Hannibale, Carracci, Dominichino, Albano et Nicolas Poussin (RS, II, p. 92 s.).<br />
534 Cf. Mareike Hennig: Asmus Jakob Carstens - sensible Bilder: eine Revision des Künstlermythos und der<br />
Werke, Éd. Imhof, Petersberg, 2005 [thèse, Univ. Giessen, 2005].<br />
535 Cf. à ce sujet le commentaire suivant: „Neben Porträts malte er vor allem große, allegorische und historische<br />
Kompositionen in einem romantisch-klassischen Stil, der an Füßli und Thorvaldsen erinnert“, in: Du Mont’s<br />
Bildlexikon der Kunst, Ann Hill (Éd.), Éd. Du Mont Buchverlag, Cologne, 1976, p. 149.<br />
536 Ibid., p. 271.<br />
537 Ibid., p. 289 s.: „den kostspilligen Apparat der französischen Schule zum Drappieren.“<br />
538 Ibid.: „Die das Theatralische liebt, so gemeinen Fehler, aus unverständiger Prachtliebe Scenen aus den Zeiten<br />
des frühen, kunstarmen Alterthums mit einem Grunde von reicher und prächtiger Architektur [...] zu verzieren.“<br />
Cf. RS, III: „Über Rafaels Teppiche“, ps. 115-210, ici préface: „[…] noch auch die theatralische Manier der<br />
Pariser Schule [zur wahren Kunst] führen könne.
104<br />
conscient aux ombres du passé, telle une image de rêve renvoyant à une idylle perdue. 539<br />
Ainsi, l’Antiquité est imaginée comme étant un horizon de référence insaisissable, stimulant<br />
la force d’imagination, qui offre en même temps un espace de projection idéal pour les<br />
«pauvres artistes de ces derniers temps», à la recherche d’un sujet. 540 De même, la question<br />
se pose de savoir comment définir la psyché de l’artiste 541 au contexte du discours sur la<br />
mélancolie, 542 comme l’évoquent par exemple Goethe 543 ou Shaftesbury. 544 A partir des thèses<br />
d’Aristotèle, Jean Clair 545 cherche par exemple à démontrer par la suite que ce sont surtout<br />
des personnalités et des talents d’exception qui se trouvent atteints de cette maladie sacrée, se<br />
manifestant souvent par une dualité de l’être, parfois oscillant entre le génie et la folie. 546 De<br />
même, on retrouve dans l’art antique des indices iconographiques des représentations de cette<br />
disposition particulière de l’âme se caractérisant par une étrange tristesse et une souffrance<br />
muette. Ce qui est étonnant, ce qu’on constate, c’est qu’au fil des siècles, l’image de la<br />
mélancolie n’a pratiquement pas changé. Nous voudrions également remarquer en marge<br />
qu’on observe, depuis le naturalisme 547 jusqu’à l’hyperréalisme, 548 des déplacements d’accent<br />
d’importance moindre, en considérant traditionnellement la fascination morbide portée à l’état<br />
539<br />
Cf. également à ce sujet Fernow dans RS, II, p. 5: „Wenn wir ein glükliches Dasein durchlebt haben, und nur<br />
die Erinnerung allein noch davon übrig ist, so möchten wir gern wenigstens das Schattenbild der entflohenen<br />
Wirklichkeit an etwas Bleibendes heften und durch ein ET IN ARCADIA EGO den Freuden, mit denen wir so<br />
gute Zeiten verlebten, unser Andenken lebendig erhalten […] Wie eine reizende Ferne liegt mein Aufenthalt in<br />
Italien hinter mir.“<br />
540 ème<br />
Cf. lettre de Schiller, datée Stuttgart, le 30 août 1797, in: Weimarer Ausgabe [WA], 4 section: Goethes<br />
Briefe, vol. 12, 197, p. 275 s.<br />
541<br />
Ulrich Pfisterer: „Künstlerliebe. Der Narcissus-Mythos bei Leon Battista Alberti und die Aristoteles-Lektüre<br />
der Frührenaissance“, in: Zeitschrift für Kunstgeschichte, 64 vol., cahier n° 3, (2001), ps. 305-330.<br />
542<br />
Zur historischen Entwicklung der Melancholiediskussion cf. e. a. les études de Hans Joachim Schings:<br />
Melancholie und Aufklärung, Éd. Metzler, Stuttgart, 1977, ainsi que Thorsten Valk: Melancholie im Werk<br />
Goethes. Genese - Symptomatik - Therapie, (Studien zur deutschen Literatur, vol. 168), Éd. Niemeyer,<br />
Tübingen, 2004.<br />
543<br />
Cf. également Goethe: „Zart Gedicht wie Regenbogen wird nur auf dunklem Grund gezogen, darum behagt<br />
dem Dichtergenie das Gemüt der Melancholie“, cité d’après „Sprichwörtliches“, in: Vollständige Ausgabe<br />
letzter Hand, vol. I-<strong>IV</strong>, Éd. Cotta, Stuttgart et Tübingen, [1827], WA, I, 2, S. 237.<br />
544<br />
Cf. Shaftesbury, A. A.: “A Letter on Enthusiasm“, in: “Characteristics of Men, Manners, Opinions, Times<br />
with a Collection of Letters”, vol. I. Basil, 1711, ps. 1- 46.<br />
545<br />
Jean Clair (Éd.): Mélancolie, génie et folie en Occident, Éd. Gallimard/coédition musée du Louvre, Paris,<br />
2005.<br />
546<br />
Ibid.<br />
547 .<br />
Dominik Rimbault: In the footsteps of van Gogh, Éd. Arthaus Musik, Leipzig, 2007<br />
548 Heiner Bastian (Éd.): Ron Mueck, Éd. Hatje Crantz, Ostfildern-Ruit, 2005.
105<br />
de souffrance passive comme l’une des motivations à l’origine de l’activité créatrice. Pour<br />
Werner Hofmann, 549 Carstens ne correspond cependant pas vraiment au modèle d’un<br />
mélancolique ou d’un artiste déchu. Il voit plutôt dans la naiveté de son autoportrait<br />
confirmant également le tableau que Fernow brosse de lui comme un talent naturel en friche<br />
qui «[était] venu à l’art sans aucune formation préparatoire.» 550 Or, il considère cela comme<br />
étant tout à fait un point positif, car, selon lui, Carstens résiste, grâce à cela, sa vie durant, à la<br />
contrainte de correspondre aux normes esthétiques propres de son époque et, ce faisant, put<br />
épanouir son talent de manière authentique:<br />
Sa méconnaissance totale de l’esprit moderne l’a rendu d’autant plus capable, afin de saisir l’esprit de l’Antiquité<br />
dans sa pureté et vérité […] Ainsi, il a prêté son talent à l’art de façon pure et libre et a reçu ses premières<br />
impressions profondes et inextinguibles. 551<br />
L’esprit de l’Antiquité ne peut donc pas être appris péniblement, mais est plutôt ressenti de<br />
façon spontanée. En ce qui concerne l’ambition artistique, ou, l’aspiration individuelle à<br />
l’art 552 comme Fernow l’appelle, Carstens excelle d’après sa conviction non seulement par<br />
ses qualités en tant qu’autodidacte, mais également de par sa capacité à l’autodétermination et<br />
la quête de «son propre chemin»:<br />
Carstens avait très tôt, garçon et jeune, l’œil et la main pour le dessin technique […] Si Carstens, sans s’en<br />
apercevoir, avait été mené plus tôt à l’art sous la direction d’un maître, celui-ci l’aurait mené sur le chemin<br />
commun de l’imitation […]; il reste à savoir s’il serait sorti de cette école aussi pur et libre, aussi particulier et<br />
autonome, qu’il l’a fait en empruntant son propre chemin? […] Sa méthode, qui consiste à ne rien imiter, mais à<br />
tout saisir par la contemplation, et à appliquer les connaissances ainsi acquises dans ses propres travaux, a<br />
donné l’avantage à Carstens d’exercer sans cesse son talent de représentation à l’aide des objets. 553<br />
549 Cf. Werner Hofmann, 1995, p. 644: „Ist dem Selbstbildnis von Asmus Jakob Carstens - intim trotz der<br />
Frontalität - anzumerken, daß dieser Jüngling seinerzeit von der Kopenhagener Akademie relegiert wurde?“<br />
550 RS, I, p. 291 s.<br />
551 Ibid.: „Die völlige Unbekantschaft mit dem modernen Zeitgeiste macht ihn nur desto fähiger, den Geist des<br />
Alterthums wahr und rein aufzufassen [...] Er brachte also sein Talent rein und unbefangen zur Kunst und<br />
empfing ihre ersten tiefen, unauslöschlichen Eindrücke.“<br />
552 Cf. au sujet de la genèse de la notion d’art chez Goethe l’étude de Charles Handschin: „Goethe und die<br />
bildende Kunst“, in: Modern Philology, vol. 12, n° 8 (1915), ps. 489-494.<br />
553 Ibid., p. 304 s.: „Carstens hatte bereits frühe, als Knabe und Jüngling, Auge und Hand im Technischen der<br />
Zeichnung [...] Wäre Carstens früher, ehe er sich bewust ward, unter der Anleitung eines Meisters zur Kunst
106<br />
Dans ce contexte, il reste à savoir si Fernow assimile l’aspiration à l’art généralement à<br />
l’effort actif de l’artiste ou s’il envisage le terme plutôt au sens passif comme le résultat d’une<br />
inspiration divine. Peut-être trouve-t-on aussi la réponse dans l’interprétation du modèle<br />
traditionnel d’ingegno, 554 selon lequel l’artiste crée son œuvre librément d’après une<br />
inspiration spontanée. De même, Fernow souligne que Carstens se distingue des copistes<br />
traditionnels des académies, ces «imitateurs et réciteurs», 555 grâce à la formation spécifique<br />
de son œil artistique. La prise de distance apparente du chemin académique de l’imitation est<br />
également significative pour le changement de la compréhension de l’art au sens du disegno,<br />
qui va de pair avec une mise en valeur du caractère, à laquelle aspire également Winckelmann<br />
dans les Pensées sur l’imitation. 556 Déjà Addison avait remarqué, dans ses écrits, l’importance<br />
de l’ocular sense au sens de la vision artistique comme étant le «plus parfait et le plus<br />
délicieux des sens humains.» 557 Cette autopsie artistique était, déjà à l’époque des Lumières,<br />
devenue la partie complémentaire du paradigme esthétique, de l’imitatio, jusque-là<br />
dominante, et devait, peu à peu, être relayée par l’inventio parlant plus au public. De même,<br />
on constate à ce propos que Fernow ne met pas l’accent sur une analyse ekphrastique et<br />
immanente de l’œuvre. Quant à cela, il est frappant que sa recension des œuvres de Carstens<br />
est moins détaillée, également en ce qui concerne les questions du style et de la forme. De<br />
gekommen, so würde dieser ihn auf den gewöhnlichen Weg der Nachahmung geführt [...]; ob er auch aus dieser<br />
Schule so rein und unbefangen, so eigenthümlich und selbstständig wieder hervorgegangen [sein] als er sich auf<br />
seinem eigenen Wege erhielt? [...] Bei seinem Verfahren, nichts nachzuzeichnen, sondern alles durch<br />
Betrachtung aufzufassen, und die so erworbenen Kentnisse in eigenen Arbeiten anzuwenden, hatte Carstens den<br />
Vortheil, dass er sein Darstellungsvermögen unaufhörlich an neuen Gegenständen übte.“<br />
554 Cf. au sujet de la conception d’un ingegno comme un don divin par exemple un vers de Michelangelo<br />
Buonarotti, cité selon: Rime, Éd. Ophrys, Paris, 2005, n° 149, vers 1-10: «Non posso non mancar d'ingegno e<br />
d’arte a chi mi to’ la vita con tal superchia aita, che d'assai men mercé più se ne prende. D’allor l’alma mie parte<br />
com’occhio offeso da chi troppo splende, e sopra me trascende a l’impossibil mie; per farmi parial minor don di<br />
donna alta e serena, seco non m’alza; e qui convien ch’impari che quel ch’i’ posso ingrato a lei mi mena. Questa,<br />
di grazie piena, n’abonda e ‘nfiamma altrui d’un certo foco, che ‘l troppo con men caldo arde che’l poco.»<br />
555 JS, p. 276: „Nachahmer und Nachbeter hingegen findet man in Menge, und ich bin wahrhaft auf die<br />
Kunstakademien ergrimmt, die diesen sinnlosen Schlendrian pflegen und befördern.“<br />
556 Cf. WW, p. 14.<br />
557 Cf. Milizia Francesco, in: Dell’ arte di vedere nelle belle arti di disegno, cité d’après: Studi di Estetica, III ème<br />
série, année XXVII, fasc. II (20/1999): «Vedere e consumara divergono, nel secolo che fui detto ‘dei Lumi’, due<br />
aspetti complementari di quel medesimo paradigma estetico che, disarticolando la triade Canova-committenteconoscitore-artista<br />
(Fumaroli), pone al centro della scena dell’arte un pubblico sempre più vasto ed eterogeneo<br />
di fruitori [...].»
107<br />
même, il se limite dans l’ensemble à une simple description des scènes mythologiques 558<br />
représentées, sans pourtant s’intéresser davantage aux aspects picturaux. Il n’y a que deux<br />
tableaux, qui passent également pour les chef-d’œuvres de Carstens, qui sont décrits de façon<br />
plus détaillée: La nuit avec ses enfants et L’âge d’or. Fernow remarque par rapport à ce<br />
premier:<br />
La nuit avec ses enfants peinte d’après une poésie d’Hésiode. La nuit, représentée comme mère des autres<br />
personnages, est la figure centrale d’une composition et forme avec les génies du sommeil et de la mort assoupis<br />
dans son giron un groupe magnifique. 559<br />
La nuit, dont Carstens emprunte le motif à la théorie des dieux de Moritz, 560 et qu’on retrouve<br />
également dans les écrits winckelmanniens, 561 remonte initialement aux textes de<br />
Pausanias, 562 et d’Hésiode. 563 D’après ce dernier, l’avènement du monde des dieux remonte<br />
au premier âge, à partir de la mère d’origine Gaïa, qui donne naissance à Uranos, qui sera par<br />
la suite détrôné par Cronos. Ce dernier domine le genre doré des hommes mortels, qui, sous<br />
son règne, mènent une vie heureuse. Après la chute de Cronos, cet état terrestre idéal sera<br />
alterné par les âges successifs du monde (par Zeus). Quant à la composition, le dessin de<br />
558<br />
Comme la description des vingt-quatre scènes propres à la saga des Argonautes dans le Carstens de Fernow.<br />
559<br />
Johanna Schopenhauer: Gabriele. Ein Roman. In zwei Theilen. Erster Theil, Éd. Brockhaus, Leipzig, 1819, p.<br />
140: „Die Bildszene stellt die in einer jungen Frauengestalt personifizierte Nacht mit ihren beiden Kindern<br />
Schlaf und Tod dar, der auf der linken Seite des Tableaus Nemesis, die Tochter der Nacht und Göttin der<br />
Vergeltung gegenüber gestellt wird. Das Schicksal, vermutlich ebenfalls in Gestalt einer Frau, steht mit<br />
verhülltem Haupt neben ihr und hält in ihren Händen ein Buch, aus dem sie den drei Parzen Lachesis, Klotho<br />
und Atropos die Schicksale der Menschen vorträgt.“ Cf. également par ailleurs Herbert von Einem: Asmus Jacob<br />
Carstens - die Nacht mit ihren Kindern, Éd. Westdeutscher, Cologne/Opladen, 1958. Ibid., s.: „[...] die Nacht mit<br />
ihren Kindern nach der Dichtung Hesiodus vorstellend. Die Nacht, als Mutter der übrigen Gestalten, ist die<br />
Hauptfigur der Komposizion, und macht für sich mit den in ihrem Schoβse ruhenden Genien des Schlafs und des<br />
Todes eine herliche Gruppe.“<br />
560<br />
Voir Karl Philipp Moritz: Götterlehre oder Mythologische Dichtungen der Alten, Francfort/M., 1979, ps. 10-<br />
45.<br />
561<br />
Voir Winkelman’s Werke, C. L. Fernow (Éd.), vol. II, p. 549: „Die Nacht hält über das Haupt ein fliegendes<br />
Gewand voll Sterne, wie diejenige Figur auf einem geschnittenen Steine ist, welche Maffei eine Göttin der<br />
Stunden nennet, und eine ähnliche Figur, deren fliegendes Gewand blau ist, die eine umgekehrte Fackel hält, mit<br />
der Üeberschrift NYE, ‘die Nacht’, bringet Montfauçon bey aus einem Gemälde einer alten Handschrift.“ Meyer<br />
écrit dans sa note: „Sehr schön ist die Nacht gebildet auf zwei Grablampen, S. Passeri Luc. fict. t. I. tab. 8. et<br />
Bellori Luc. Sepulcr. p. I. tab. 8: „Auf dem Deckel einer groβen Graburne in der Kirche St. Lorenzo vor Rom<br />
breitet die Figur der Nacht ihr Gewand aus, dem mit zwei Pferden bergabfahrenden Abend entgegen“, (signé M/<br />
ibid., p. 706, note n° 112).<br />
562<br />
L’écriture historique de Pausanias sert par ailleurs également à l’instrumentalisation du mythe de l’aurea<br />
aetas à l’âge d’Auguste. Cf. à ce sujet John Pollini: “The Tazza Farnese: Augusto Imperatore: ‘Redeunt Saturnia<br />
Regna’!“, in: American Journal of Archaeology, vol. 96, n° 2, 1992, ps. 283-300, ainsi que Karl Galinsky:<br />
“Venus, Polysemy, and the Ara Pacis Augustae“, ibid., vol. 96, n° 3, 1992, ps. 457-475.<br />
563<br />
Cf. Hesiod: Götterlehre, Otto Schöneberger (Éd.), Éd. Reclam, Stuttgart, 2002 [en traduction allemande].
108<br />
Carstens n’est pas une représentation allégorique au sens traditionnel du terme, mais plutôt à<br />
concevoir – tout au sens des réflexions sur la théorie de l’art de Moritz - comme une «langue<br />
de la fantaisie […] en même temps un monde en soi […] sorti du contexte réel des choses »<br />
étant donné que « la fantasie règne dans son propre domaine selon le plaisir.» 564 De même,<br />
Johanna Schopenhauer mentionne le tableau sous la forme d’un petit passage de texte<br />
allusoire dans son roman Gabriele. 565 L’œuvre de l’âge d’or était censée devenir le chef-<br />
d’œuvre de Carstens, une composition de tableau dont il a probablement été inspiré par une<br />
lecture d’Hésiode 566 et d’Ovide, 567 renouant avec le mythe antique de l’aurea-aetas, qui<br />
esquisse cet état paradisiaque où les hommes coexistent en paix et en harmonie. Des<br />
perversions de civilisation provoquées par la guerre, la soif du pouvoir et la déchéance morale<br />
sont alors les causes d’une détérioration progressive des conditions de vie, qui vont engendrer<br />
par la suite la succession de l’âge d’argent, de bronze et de fer. Le sujet de l’âge d’or sera,<br />
après Carstens, relevé par la suite également par Jean-Auguste-Dominique Ingres, 568 qui sera<br />
chargé par le duc de Luynes de la réalisation d’une œuvre sous la forme de deux peintures<br />
564 Voir Karl Philipp Moritz: „Über die bildende Nachahmung des Schönen“ et „Nachbildung des groβen<br />
Ganzen der Natur“ [1788], cf. Hans Joachim Schrimpf (Éd.): Karl Philipp Moritz: Schriften zur Ästhetik und<br />
Poetik, édition critique, Tübingen, 1962, ps. 63-93. Voir à ce sujet également Goethe: „Über die Wahrheit und<br />
Wahrscheinlichkeit von Kunstwerken“, [WA], I, p. 261: „[Kunst als einer] kleinen Welt für sich.“<br />
565 Johanna Schopenhauer s’est également inspirée de l’œuvre de Carstens, comme le prouve le passage suivant<br />
dans son roman Gabriele, op. cit., ibid., p. 42: „Das Tableau stelt die Nacht vor, die ihren dunkelblauen<br />
Sternenschleier über ihre Kinder, den Schlaf und den Tod, ausgebreitet hält. […] Zu ihren Füβen schlummerten<br />
zwei liebliche, blonde Genien, der eine war mit Mohnblumen geschmückt, der andre, mit der ausgelöschten<br />
Fackel, trug einen Kranz von Zypressen.“ Cette scène imaginaire au sens d’un tableau vivant aboutit sur<br />
l’apparition de la protagoniste du roman, Gabriele: „Bunte, fantastische Traumgestalten drängten sich hinter ihr,<br />
unter ihnen stand Gabriele, als ein trüber, Unheil verkündender Traum, in ihren langen, schwarzen Schleier<br />
gehüllt, unter welchem die goldglänzenden Locken tief herabrollten. Beim Lampenlicht, mitten unter<br />
rosenwangigen, schimmernden Gestalten schien sie, ohne alle Schminke noch blässer als sonst.“ Gabriele<br />
devient ainsi une sculpture vivante pygmalionienne, à l’instar du tableau vivant: „Sie glich Pygmalions<br />
Meisterwerk bei der ersten Regung des erwachenden Lebens. So glühend strahlte ihr dunkles Auge aus dem<br />
Marmorgesicht, denn ihr Blick traf auf Ottokarn, der in einiger Entfernung in ihrem Anschaun verloren stand.“<br />
566 Cf. note n° 565 ci-dessus.<br />
567 Cf. les Métamorphoses d’Ovide, dans lesquelles on trouve également un passage de texte correspondant (1,<br />
vers 89-110, ici p. 89 s.): «Aurea aetas est aetas, quae vindice nullo, sponte sa, sine lege, fidem rectumque<br />
colebat. Poena metusque aberant nec verba minantia fixo aexa laegabantur, nec supplex turba timebat judicis ora<br />
su, sed erant sine vindice tutti.»<br />
568 Comme Carstens, Ingres s’intéresse surtout aux sujets de la mythologie antique et mythique (en 1813 il<br />
achève son œuvre la plus connue Le rêve d’Ossian). Après la mort de sa femme en 1849 il arrête la peinture; sa<br />
dernière composition L’âge d’or, est ainsi restée inachevée. Cf. Karin H. Grimme: Jean-Auguste-Dominique<br />
Ingres: 1780 - 1867, Éd. Taschen, Cologne, 2007.
109<br />
(L’âge d’or et L’âge de fer) pour la décoration de l’intérieur de son château de Dampierre<br />
(Yvelines). Il commence seulement la peinture de l’âge d’or, qui reste inachevée. Ce qui est<br />
assez étonnant, c’est que l’esquisse du tableau ressemble par plusieurs aspects tout à fait au<br />
dessin de Carstens (en ce qui concerne la perspective, la composition du tableau, le coloris et<br />
le contraste). Or, les motivations à l’origine de ces deux œuvres sont pourtant<br />
fondamentalement différentes. Ainsi, Carstens vise principalement avec sa représentation la<br />
visualisation de l’idée de nation, qui est probablement aussi motivée par le désir de fonder une<br />
nouvelle identité allemande. Cependant le tableau reste, ironie du sort, tout comme celui<br />
d’Ingrès, inachevé, étant donné que Carstens décède, avant d’avoir pu le terminer, des suites<br />
d’une maladie de cœur congénitale:<br />
[…] qui a conçu une idée de l’âge d’or ou de l’état naturel de l’homme sophistiqué par l’idéal du poète, mais qui<br />
n’a plus eu le temps, de le finir, car les maux de poitrine, la fièvre et la faiblesse revenaient de nouveau. 569<br />
Il compense par ailleurs ce manque de la perfection artistique en tant que défenseur théorique<br />
de l’art de Carstens en attirant successivement l’attention sur l’intention de l’artiste à la base<br />
de cette œuvre, ou bien la volonté de l’art, qu’il met toujours en valeur vis-à-vis du véritable<br />
savoir-faire de l’art. Déjà le choix de ce sujet du mythe de l’aurea aetas illustre pour lui ainsi<br />
l’enthousiasme exemplaire de ce premier:<br />
Déjà le choix d’un sujet aussi hilarant et plaisant, à un moment où son corps souffrait sans cesse et commençait à<br />
se soumettre à la destruction envahissante, faisait preuve de la force toujours inébranlable et de la gaieté de son<br />
esprit. 570<br />
A l’exemple des études propres à Homère et l’enfer de Dante, il essaie par la suite d’illustrer<br />
la spécificité artistique de Carstens. 571 Le style pur de ce dernier excelle, d’après Fernow, de<br />
569 Ibid., s.: „[...] eine Idee des goldenen Zeitalters, oder des durch das Dichterideal veredelten Naturzustandes<br />
der Menschen entwarf, aber nicht mehr Zeit gewan, sie zu endigen; denn Brustübel, Fieber und Schwäche<br />
kehrten aufs neue zurück.“<br />
570 Ibid., p. 231: „Schon die Wahl eines so heiteren, gefälligen Gegenstandes zu einer Zeit, wo sein Körper<br />
ununterbrochen litt, und der hereinbrechenden Zerstörung zu erliegen anfing, bewies die noch immer<br />
ungeschwächte Kraft und Heiterkeit seines Geistes.“<br />
571 Ibid.: „[...] Studien zum Homer und Dante’s Hölle durch ihren Stil, den reinen Stil, und durch die sorgfältige<br />
Ausführung, womit sie verfertigt sind, auszeichnen.“
110<br />
par son rejet des représentations à la fois sensuelles et suggestives, 572 son renoncement à la<br />
couleur en faveur du contraste strict noir sur blanc, et sa simple limitation aux contours. A<br />
cela s’ajoute la prise de distance d’un dessin anatomiquement correct, en faveur d’une<br />
productivité de l’introspection. A la fin, il pose la question de savoir si le chemin autodidacte<br />
de Carstens avait été «le plus juste et le plus adapté», 573 en arrivant à la conclusion<br />
surprenante que:<br />
Ce chemin ne devrait pas être recommandé comme étant généralement praticable et d’autant moins qu’il devrait<br />
être élargi aux élèves des écoles et académies d’art, étant donné que dans ces instituts on forme, d’après la règle,<br />
des talents imitateurs et non pas créateurs, et c’est pour cela que le plan de formation de celles-ci doit être<br />
mesuré d’après le talent de ces élèves. 574<br />
La vie de Carstens, affranchi de l’académie, peut donc servir de modèle non seulement pour<br />
les artistes en herbe, mais également pour des talents créateurs exceptionnels, de sorte:<br />
qu’au moins sa biographie ne soit pas tout à fait perdue à cette fin; qu’elle élève chez certains jeunes artistes<br />
cette notion de dignité de la vocation, en l’enthousiasmant de cette décision, qui est si naturelle aux âmes<br />
pénétrées par la dignité de leur profession, cette décision de n’avoir pour ambition, sans faire attention à l’esprit<br />
frivole de l’époque contemporaine et aux applaudissements d’une foule incompréhensive, que la vraie<br />
excellence, qui, elle seule, garde à chaque changement du goût l’approbation des connaisseurs. 575<br />
Avec cette fin dithyrambique, Carstens est présenté comme un artiste anti-académique, 576 qui,<br />
à l’instar de «l’artiste maudit», ne se plie ni au goût de son époque, considéré par Fernow<br />
comme décadent, ni aux applaudissements de la «foule incompréhensive» et la faveur de ses<br />
572 Cf. Hofmann, 1995.<br />
573 Ibid., p. 311: „[…] für ihn der rechte und angemessenste.“<br />
574 Ibid., s.: „Als allgemein gangbar würde jedoch dieser Weg nie zu empfehlen noch weniger zu einer breiten<br />
Heerstraβe für die Zöglinge der Kunstschulen und Akademien auszuweiten sein, weil in solchen Anstalten der<br />
Regel nach, nur nachahmende nicht schöpferische Talente gebildet werden, daher auch vornehmlich auf das<br />
Vermögen jener, nicht dieser, der Bildungsplan derselben berechnet werden muss.“<br />
575 Ibid.: „Möchte wenigstens die Darstellung seines Lebens für diesen Zwek nicht ganz verloren sein; möchte<br />
sie in manchem jungen Künstler den Begriff von der Würde seiner Bestimmung erhöhen, und ihn zu dem<br />
Entschlusse begeistern, welcher edlen, von der Würde ihres Berufs durchdrungenen Gemüthern so natürlich ist,<br />
zu dem Entschlusse, ohne Rücksicht auf den frivolen Geist des Zeitalters und den Beifall der unverständigen<br />
Menge, nur nach wahrer Vortrefflichkeit zu streben, die allein, wie die Werke der alten Künstler, in jedem<br />
Wechsel des Modegeschmaks den Beifall der Kenner behauptet.“<br />
576 Cf. Rees, op. cit.
111<br />
mécènes, mais qui est, grâce à la «poésie de son invention», 577 «devenu ce qu’il est<br />
devenu.» 578 D’un point de vue historiographique, non seulement la problématique de la<br />
corrélation entre le talent artistique et son épanouissement individuel dans la société moderne<br />
est soulevée, mais aussi le personnage, à la fois fictif et authentique, de Carstens est<br />
instrumentalisé par Fernow comme le véhicule de ses propres convictions esthétiques et<br />
politico-culturelles. Cela offre pour lui aussi l’exemple par excellence du statut précaire de<br />
l’artiste dans la société moderne, une problématique, qui, par la suite, va être relevée, entre<br />
autres, par Goethe 579 et James Joyce. 580 Ainsi, Goethe décrit dans les Années d’apprentissage<br />
et de formation de Wilhelm Meister le parcours du protagoniste du même nom, qui, au bout de<br />
nombreuses errances et confusions, trouve sa véritable vocation, à savoir celle de médecin.<br />
Suivant une thématique similaire, Joyce décrit au XX ème siècle, dans son ouvrage de toute<br />
évidence autobiographique, intitulé A Portrait of the Artist as a Young Man, le parcours du<br />
jeune artiste Stephen Dedalus, dont la personnalité sensible entre en conflit avec la famille et<br />
l’autorité dans l’Irlande au tournant du siècle. De même, Fernow met clairement en avant<br />
cette intention sociocritique, de façon que, si paradoxal que cela puisse paraître au premier<br />
regard, la fiction qu’il crée autour de Carstens 581 peut être considérée comme une sorte<br />
d’anticipation de l’anti-artiste moderne, du moins dans l’espace germanophone, et cela encore<br />
avant les Migrations de Franz Sternbald de Ludwig Tieck. 582 Pourtant, on ne prêta, à cette<br />
époque-là, que très peu d’attention à l’inauguration fernowienne d’un nouveau topos de la vie<br />
577<br />
RS, I, 270.<br />
578<br />
Voir Fernow: Carstens, Leben und Werke. Von K. L. Fernow, H. Riegel (Éd.), Hanovre, 1867, p. 185: „In<br />
dem Leben eines Künstlers von so entschiedenen Anlagen und so durchaus eigener, trotz den ungünstigesten<br />
Umständen glücklich durchgeführter Selbstbildung ist nichts merkwürdiger, als zu sehen, wie er ward, was er<br />
geworden.“<br />
579<br />
Cf. Gero von Wilpert, in: Goethe-Lexikon, Éd. Alfred Kröner, Stuttgart, 1998, ps. 1187-1191, ici p. 1189,<br />
ainsi que idem: Sachwörterbuch der deutschen Literatur, ibid., 2001, p. 917.<br />
580<br />
Cf. Richard Ellmann: James Joyce, Éd. Oxford University Press, 1959.<br />
581<br />
Cf. Rees, op. cit.: „Carstens als eine Erfindung, oder im Idiom des 18. Jahrhunderts ausgedrückt: eine Kreatur<br />
Fernows in kunsttheoretischer Absicht?“<br />
582<br />
Ludwig Tieck: Franz Sternbald’s Wanderungen - eine altdeutsche Geschichte, Johann Friedrich Unger (Éd.),<br />
Berlin, 1798.
112<br />
d’artiste, ce qui est surtout dû à une réception dans l’ensemble plutôt réservée de l’œuvre. 583<br />
Tandis que des auteurs de langue allemande (comme par exemple F. Brun, J. H. Meyer, A. W.<br />
v. Schlegel) partagent tout à fait les remarques polémiques de Fernow concernant le style<br />
éclectique de Canova, d’autres y sont plutôt sceptiques (A. v. Kotzebue, J. G. Seume). Comme<br />
le constate par ailleurs Ansgar M. Cordie, 584 ce qui manque à Fernow, c’est finalement un<br />
public répondant au marché. Or, vu dans l’ensemble, cela ne change rien à l’importance<br />
littéraire de la biographie de Carstens en tant qu’œuvre novatrice 585 reposant d’abord sur les<br />
postulats d’authenticité et d’individualisation du nouveau genre de la biographie d’artiste, un<br />
rang qui lui est indubitablement dû, même si une certaine tendance à une «auto-intrônisation<br />
du théoricien face à l’homme critique» 586 ne peut pas tout à fait être réfutée. Par ailleurs, la<br />
composante sociocritique, sous la forme d’une prise de distance par rapport au modèle<br />
traditionnel d’écriture biographique, reste bien manifeste. Cette réhabilitation publique de<br />
Carstens devrait non seulement aller de pair avec un démenti des reproches que von Heinitz<br />
avait prononcés, du temps de son vivant, contre l’artiste, mais également influencer de<br />
manière positive la réception de l’héritage carstensien, en le mettant en valeur devant Canova<br />
et Arioste, ce qui fera l’objet du chapitre suivant.<br />
583 Cf. Alexander Auf der Heyde: „Carl Ludwig Fernows Monographie ‘Über den Bildhauer Canova und dessen<br />
Werke (1806)’: eine exemplarische Auseinandersetzung mit der italienischen Gegenwartskultur. Anmerkungen<br />
zur Entstehung und Rezeption des Textes“ [exposé du colloque du SFB 482 (Université de Jéna 2-5 avril 2006)].<br />
584 Cf. Ansgar M. Cordie: „Zu fragen wäre nach den Bedingungen für ein Publikum […] das Kunst nicht reinen<br />
Marktgesetzen unterwirft, sondern an ihrer Autonomie wie an ihrer lebensweltlichen Einbettung lebhaften Anteil<br />
nimmt“, cité d’après: PhiN 18/2001 (ps. 47-54/ ici p. 52).<br />
585 Voir Herbert von Einem: „Carl Ludwig Fernow“, in: Deutsche Biographie, Historische Kommission bei der<br />
Bayerischen Akademie der Wissenschaften (Éd.), vol. 5, Berlin, 1961, ici p. 99: „[…] die erste moderne<br />
Künstlermonographie in deutscher Sprache.“<br />
586 Cf. Rees, op. cit.
113<br />
II. 3. Antonio Canova: «L’attrait plaisant et flatteur de Canova»<br />
Si nous avons vu, au chapitre précédent, les éléments essentiels de la biographie de<br />
Carstens 587 d’après les aspects propres au contenu et à la forme, nous allons voir, dans ce qui<br />
suit, que la biographie de Carstens peut être interprétée comme étant l’antithèse artistique<br />
parfaite à Canova et cela à maints égards. Les deux biographies sont publiées en 1806, aux<br />
éditions Gessner et Hartknoch, ce qui nous amène notamment à soupçonner que la<br />
publication presque synchronisée des deux monographies d’artistes est également destinée à<br />
des fins propagandistes. Ce faisant, la gloire posthume de Carstens est influencée de manière<br />
positive, alors que l’œuvre de Canova est soumise à une analyse plutôt critique. Au fait, ce<br />
regard en simultané de deux vies d’artiste, qui, quant au contenu, ne sont pas seulement<br />
diamétralement opposées, mais se complètent aussi paradoxalement dans la mesure où<br />
chacune représente l’antiportrait de l’autre, semble merveilleusement se prêter à ces fins. De<br />
même, la dichotomie apparente n’est nullement due au hasard. De fait, ce contraste en noir et<br />
blanc ne pourrait mieux intriguer l’œil du lecteur attentif, ce qui se reflète également au<br />
niveau de la composition littéraire. Ainsi, Fernow commence, à la manière comparable à<br />
Vasari, 588 la description de la vie de Carstens, tout comme celle de Canova d’ailleurs, à partir<br />
de leur plus tendre enfance:<br />
Tandis que Carstens naît comme le fils d’un meunier et né à Sankt Jürgen dans le Slésvig-<br />
Holstein, au nord de l’Allemagne, que Fernow qualifie de manière péjorative de nord hostile à<br />
l’art, Canova est issu d’une ancienne famille de sculpteurs (Scalpellini), à Possagno, dans la<br />
Terra ferma située dans région de Venise, qu’il appelle le sud propice à l’art. Contrairement à<br />
Canova, Carstens grandit ainsi dans un milieu social qui est dès le départ propice à<br />
587 Fernow dédie la biographie de Canova à la poétesse Friederike Brun (Der edlen Dichterin und Freundin des<br />
Schönen Friederike Brun geb. Münter zu Kopenhagen), voir préface RS, vol. I, Éd. Gessner, Zurich, 1806.<br />
588 D’après la thèse de Svetlana L. Alpers, le récit biographique dans les Vite de Vasari sert uniquement de cadre<br />
pour la description ekphrastique des œuvres: “Ekphrasis and aesthetic attitudes in Vasari’s Lives“, in: Journal of the<br />
Warburg and Courtauld Institute, n° 23, (1960), ps. 190-215.
114<br />
l’épanouissement de ses dons artistiques. Pendant que Canova peut, durant ce temps-là,<br />
s’adonner intensément à la contemplation de la nature, Carstens doit entraîner son œil<br />
artistique de manière autodidacte en regardant les chef-d’œuvres des Anciens.<br />
Et, plus encore, Canova bénéficie, dès sa plus tendre jeunesse, du mécénat de la cour de<br />
Rome, 589 alors que Carstens décline un prix qui lui est accordé par l’académie de Berlin, en<br />
formulant le reproche d’un concours illicite, et à part cela, est toujours contraint à se justifier<br />
face au ministre Heinitz au sujet de sa bourse. De même, Carstens se voit constamment<br />
confronté aux polémiques venant de ceux qu’il appelle les jaloux, comme par exemple le<br />
peintre Müller 590 et Chodowiecki, 591 tandis que Canova ne s’est jamais heurté à ce genre de<br />
difficultés, car il est, comme Fernow le constate à plusieurs reprises, après la mort précoce de<br />
celui qui aurait pu être son seul rival potentiel, le très prometteur sculpteur Alexander<br />
Trippel, 592 quasiment sans concurrence et sans critiques. Fernow le formule ainsi:<br />
589 Ainsi Canova commence sa formation, seulement âgé de 11 ans, en 1768, sur la recommandation du sénateur<br />
Giovanni Falieri, chez le sculpteur Bernardi Torretti dans la province du Trévise Pagnano d’Asolo, avant d’être<br />
accueilli à l’Accademia Santa Marina à Venise, où il est instruit par des professeurs de renom.<br />
590 Cf. aussi Rolf Paulus et Eckhard Faul: Maler-Müller-Bibliographie, Éd. Winter, Heidelberg, 2000.<br />
591 Ibid., p. 223: „[…] Maler Müller, der sich bis dahin im Umgange immer freundschaftlich gegen ihn erwiesen<br />
hatte, zog durch einen weiten Umweg, von Deutschland aus, feindselig gegen ihn zu Felde.“ Le ‘Maler Müller’<br />
avait publiquement critiqué la biographie de Carstens dans les Heures, provoquant ainsi une contre-critique de<br />
Fernow dans le Teutschen Merkur, ce qui amuse Goethe et Schiller - dans le Teutschen Merkur. De même,<br />
Daniel Chodowiecki se prononce de façon négative sur Carstens; voir: Briefe Daniel Chodowieckis an Anton<br />
Graff, Charlotte Steinbrucker (Éd.), [1921], Éd. de Gruyter, Berlin/Leipzig, 1971, p. 106 et p. 158: „Er hat zu<br />
viel Eigendünkel […]“, et: „[…] er ist die Charikatur von Michelangelo geworden.“<br />
592 Fernow exagère à ce sujet, de toute évidence, étant donné que le talent du sculpteur suisse Alexander Trippel<br />
est sous-estimé par ses contemporains et seulement réfuté de manière posthume. Son parcours ressemble à un<br />
certain égard à celui de Carstens, car Trippel parvient à l’art, tout comme Carstens, seulement à travers des biais.<br />
Après un stage interrompu chez un luthier à Londres, il apprend le dessin chez Christian Ludwig von Lücke et<br />
déménage en 1759 à Copenhague, où il est reçu à l’académie d’art danoise. Durant ce temps, il est très influencé<br />
par le style préclassique du sculpteur Johann Wiedewelt et Carl Frederik Stanley, qui vont par la suite<br />
l’encourager à continuer sa formation à Rome. Là-bas, il réalise plusieurs travaux, mais le succès escompté se<br />
fait attendre. Ainsi, son esquisse pour le monument en l’honneur de Friedrich II. est refusé, tout comme sa<br />
candidature comme vacataire du sculpteur à la cour de Leipzig. Malgré cela, il est nommé membre d’honneur à<br />
l’académie prussienne des sciences. Après un court séjour à Paris, où il fait la connaissance du graveur Christian<br />
von Mechel, il rentre en Suisse. En 1778, il s’installe définitivement à Rome, où, jusqu’à sa mort, en 1793, il<br />
dirige un atelier de peinture, dans lequel résident par moments des artistes comme Gottfried Schadow et Johann<br />
Jakob Schmid. Parmi ses œuvres les plus connues figurent deux bustes en marbre qu’il fait de Goethe. Cf. à ce<br />
sujet Friedemann Walbrodt (auteur et Éd.): J. W. von Goethe in Stein: von Pierre Jean David d'Angers -<br />
Alexander Trippel, Berlin-Dahlem, 2003, ainsi que C. H. Vogler: Der Bildhauer Alexander Trippel aus<br />
Schaffhausen: Mit d. Portr. u. 4 Tab. Abb. von Werken Trippels, Éd. Schoch, Schaffhausen, 1893 und Jörn<br />
Albrecht: Alexander Trippel (1744-1793); Skulpturen und Zeichnungen, (catalogue de l’exposition du 25<br />
septembre au 21 novembre 1993), Éd. Museum zu Allerheiligen, Schaffhausen, 1993, ainsi que Hans Wahl et<br />
Anton Kippenberg: Goethe und seine Welt, Éd. Insel, Leipzig, 1932, ps. 105 et 126.
115<br />
Quand l’auteur a écrit cela, Canova a été en fait le seul artiste de son domaine à Rome, qui devait accomplir de<br />
grands travaux […]. Ainsi, Canova était resté, après la mort de Trippel, […] pendant longtemps sans concurrent<br />
[…] Canova aurait eu en lui un concurrent dangereux. 593<br />
Dans la préface des Études romaines, Fernow tente ainsi de définir de plus près le problème<br />
du jugement esthétique, ce qui devient en même temps le point de départ de sa considération<br />
des œuvres de Carstens:<br />
Chaque jugement d’art qui ne s’appuie pas uniquement sur le sentiment, mais qui se fonde sur des raisons,<br />
présuppose un système de principes critiques ou reposant sur l’intelligence de la nature et de la finalité de l’art.<br />
Si, sans base théorique solide, les notions dominantes sur l’art sont différentes, il se peut que deux juges d’art<br />
s’accordent selon leurs principes et leurs jugements: ainsi devient-il quasiment nécessaire qu’on expose, de<br />
même que les jugements sur les œuvres d’art, les raisons et le point de vue à partir desquels on considère l’art,<br />
afin de ne pas être mal compris. L’auteur a suivi ce principe dans son premier essai sur Canova et ses œuvres. 594<br />
Fernow cherche donc plutôt à souligner son authenticité en tant que biographe, en se référant<br />
non pas à son sentiment en tant que spectateur, mais surtout à sa faculté de juger en tant que<br />
critique d’art. Il attache par la suite une grande importance au fait de paraître crédible aux<br />
yeux du lecteur aussi en tant qu’historiographe. Ainsi, il présente dans son introduction<br />
intitulée Du sculpteur Canova et de ses œuvres une sorte d’état des lieux de la production<br />
d’art du XVIII ème siècle, en diagnostiquant un tournant important dans la peinture et la<br />
sculpture qu’il considère comme étant une césure épocale. Il y voit l’une des raisons dans les<br />
«circonstances favorisantes», qu’il ramène en premier lieu au savoir-faire de deux artistes:<br />
«David, le fondateur d’une nouvelle école en peinture» 595 et «Canova, qui a ouvert un<br />
593 Ibid. p. 18 s.: „Als der Verfasser dies schrieb, war in der That Canova der einzige Künstler seines Faches in<br />
Rom, der grosse Arbeiten auszuführen hatte [...] So war Canova seit Trippels Tode [...] lange ohne Nebenbuhler<br />
geblieben [...] Canova hätte in ihm einen gefährlichen Mitbewerber zur Seite gehabt [...].“<br />
594 RS, I, p. X: „Jedes, nicht blos auf Gefühl, sondern aus Gründen gefällte Kunsturtheil sezt ein Sistem kritischer<br />
Grundsätze voraus, das auf der Einsicht vom Wesen und Zwek der Kunst beruhet. Da nun bei dem Mangel einer<br />
festen theoretischen Grundlage, die herschenden Begriffe über Kunst so verschieden sind, dass vielleicht nicht<br />
zwei Kunstrichter in ihren Grundsätzen und Urtheilen übereinstimmen: so wird es gewissermassen nothwendig,<br />
dass man, mit seinen Urtheilen über Kunstwerke, zugleich auch die Gründe und den Gesichtspunkt darlege, aus<br />
denen man die Kunst betrachtet, um nicht missverstanden zu werden. Dies hat der Verfasser in dem ersten<br />
Aufsatze über Canova und dessen Werke gethan.“<br />
595 Ibid., I, p. 11: „David als Stifter einer neuen Schule in der Malerei.”
116<br />
nouveau chemin en sculpture.» 596 En comparaison, les deux se distinguent, d’après Fernow,<br />
par la force d’expression, qui trouve beaucoup d’imitateurs, d’où la production augmentée<br />
dans les ateliers, qui semble quasi légitimer l’espoir d’un retour d’un «âge florissant», après<br />
le «siècle de Bernini.» En l’occurrence, il attribue la décadence du goût par rapport à l’art de<br />
son temps principalement aux influences romantiques, dont se sont également inspirées de<br />
sculpteurs comme par exemple Cavaceppi, 597 ce qui a eu pour conséquence que seuls «des<br />
produits sans goût de la sculpture» ont été créés. D’après lui, la glorification des œuvres<br />
canoviennes réside surtout dans le populisme artistique, dont il se distancie avec véhémence:<br />
Dans cette platitude de la critique se fonde également en partie la raison que les juges d’art italiens savent mieux<br />
écrire des éloges que des critiques - cependant, nous ne voulons, ni par cette coutume, qui n’est favorable qu’à la<br />
faiblesse, ni par l’enthousiasme de toute une nation, ni par la reconnaissance des décrets du pape, qui sont<br />
considérés comme étant infaillibles, exprimer avec franchise notre jugement bien réfléchi sur l’artiste Canova et<br />
ses œuvres. 598<br />
Ainsi, il est d’avis que même si le style de Canova plaît à l’amateur, il ne peut pas pour autant<br />
charmer le véritable connaisseur:<br />
Si l’attrait plaisant et flatteur [de l’art] de Canova avait envoûté la foule des amateurs, la justesse plus rigide et la<br />
définition des formes de Trippel, ainsi que son style plus épuré avaient gagné la faveur des connaisseurs. 599<br />
Par cette critique indirecte du style et de la forme artistiques choisis par Canova, Fernow a<br />
déjà planté le décor, pour procéder ensuite à une vue critique de l’art canovien, qui sera<br />
complétée par un point de vue personnel sur le caractère de l’artiste:<br />
596 Ibid.: „Canova, der in der Bildnerei einen neuen Weg betrat, auf welchem er seitdem mit immer steigendem<br />
Ruhme fortwandelt.“ Idem pour les citations suivantes.<br />
597 Ibid., p. 13: „Cavaceppi war der einzige Bildhauer jener Zeit der einigen Ruf hatte; aber ihn beschäftigte<br />
meistens die Ergänzung alter Bildwerke für die Sammlungen Roms und für seinen eigenen Antikenhandel.“<br />
598 Ibid., p. 28 s.: „In dieser Seichtheit der Kritik liegt auch zum Theil der Grund, dass die italienischen<br />
Kunstrichter sich besser darauf verstehen Elogien als Kritiken zu schreiben. - Wir wollen indes weder durch<br />
diese nur der Schwäche günstige Sitte, noch durch den Enthusiasmus einer ganzen Nazion, noch durch das<br />
Ansehen päpstlicher Dekrete, deren Aussprüche nur in Sachen der Religion für unfehlbar gelten, abhalten lassen,<br />
unser eigenes, wohl erwogenes Urtheil über Canova den Künstler und seine Werke freimüthig zu äussern.“<br />
599 Ibid., p. 20: „Wenn Canova’s gefälliger schmeichelnder Reiz die Menge der Liebhaber bezaubert hätte, so<br />
würde dagegen Trippels strengere Richtigkeit und Bestimtheit der Formen, und sein reinerer Stil die Kenner für<br />
sich gewonnen haben.“
117<br />
Canova mérite l’estime en tant qu’artiste magnifique, et la considération générale dont il jouit en tant qu’homme<br />
à tous ces égards. Mais il est aussi le signe d’une grande âme de ne pas s’enivrer d’une toute grande louange,<br />
comme de ne pas se faire anéantir par un grand malheur. 600<br />
La force de l’âme dans l’ivresse des louanges 601 - voici un autre postulat que Fernow adresse à<br />
la psyché de l’artiste, qu’il voit réalisée dans la «droiture naturelle» 602 de Carstens, dont il<br />
croit qu’elle remonte, de toute évidence, à l’idéal antique 603 véhiculé par Winckelmann. Dans<br />
ce contexte, Fernow critique par la suite la prétention sous-jacente de Canova de présenter, de<br />
manière ostentatoire, ses plastiques éclectiques à côté des œuvres de l’Antiquité. De même, il<br />
juge que Canova dépasse dans ses œuvres maniérées les principes du pur goût, une<br />
transgression qu’il attribue également aux nouveaux artistes de son époque:<br />
Presque tous les nouveaux sculpteurs se sont rendus coupables d’une telle digression de la voie du pur goût […]<br />
Les arts plastiques s’attachent à peindre dans le marbre et la peinture copie les formes abstraites de l’Antiquité<br />
de façon froide et inanimée sur la toile. Oui, l’art plastique devrait s’estimer heureux si chaque artiste, dont la<br />
peinture présente une nouvelle manière, fixait aussi de nouveaux caractères, enrichissant aussi l’art avec de<br />
nouvelles individualités. 604<br />
Il ramène le problème esquissé ci-dessus de «peindre dans le marbre», qui par ailleurs<br />
correspond à l’art romantique, au dénominateur suivant, propre à la critique d’art, qui délimite<br />
la forme de représentation subjective (maniérisme) du purisme de style de l’Antiquité<br />
(classicisme):<br />
600 Ibid., p. 22 s.: „Canova verdient die Schätzung die er als ein vortreflicher Künstler, und die algemeine<br />
Achtung die er als Mensch geniest, in jeder dieser Hinsichten. Aber es gehört eine eben so starke Sele dazu, von<br />
zu grossem Lobe nicht berauscht, als von grossem Unglücke nicht niedergedrückt zu werden.“<br />
601 Voir à ce sujet également les pistes de réflexion evoquées au cours de la troisième partie du présent travail.<br />
602 CARSTENS, p. 132: „natürliche Geradheit.“ Cette même droiture d’esprit est attribuée à Fernow par J. G.<br />
Gruber, dans une nécrologie datant du 20 janvier 1809: „[…] Verachtend jeden Schein, nicht eben stolz, aber<br />
doch Seines Werkes sich wohl bewusst, war er überall männlich und gerade und behauptete stets jene<br />
unerschütterliche Ruhe, welche nur das Eigentum kräftiger Seelen ist.“<br />
603 Johann Joachim Winckelmann: Gedancken zur Nachahmung der griechischen Kunstwerke in der Mahlerey<br />
und Bildhauerkunst, op. cit., p. 21: „[…] so wie die Tiefe des Meeres allezeit ruhig bleibt, die Oberfläche mag<br />
noch so wüten, eben so zeiget der Ausdruck in den Figuren der Griechen bey allen Leidenschaften eine grosse<br />
und gesetzte Seele.“<br />
604 RS, p. 35 s.: „Einer solchen Abweichung von der Bahn des reinen Geschmaks haben sich mehr oder weniger<br />
alle neueren Bildhauer schuldig gemacht [...] Die Plastik versucht in Marmor zu malen und die Malerei trägt die<br />
abstrakten Idealformen der Antike kalt und unbelebt auf die Leinwand über. Ja, die bildende Kunst dürfte sich<br />
glüklich schätzen, wenn nicht jeder Künstler, der mit einer neuen Manier auftritt, auch neue Karaktere aufstellte,<br />
und die Kunst nicht blos mit neuen Bildwerken, sondern auch mit neuen Individualitäten bereicherte.“
118<br />
Le principe est valable seulement chez les modernes: chaque artiste se projette dans son œuvre. L’artiste antique<br />
disparaissait derrière la sienne. 605<br />
L’antinomie entre les notions d’antique-moderne et de subjectif-objectif forme donc l’axe<br />
principal du système esthétique fernowien. Ainsi, la véritable critique des œuvres<br />
canoviennes 606 que Fernow considère lui-même comme le résultat «d’un jugement issu d’une<br />
contemplation calme et objective» 607 se termine sur une critique, qui finit par trouver son point<br />
culminant dans la description de la statue du Persée. Le commentaire que Fernow fait à ce<br />
sujet ressemble en effet à un affront artistique: «En tout, la statue est grosse et lourde» 608 - tel<br />
est - en résumé, le jugement négatif de Fernow à propos du chef d’œuvre de Canova, qu’il<br />
identifie comme étant l’antithèse parfaite du Jason 609 de Thorvaldsen. 610 D’après la thèse de<br />
Pierre Cabanne, 611 on constate chez Thorvaldsen un tournant par rapport à la notion de<br />
sculpture classiciste, 612 dans la mesure où la sensualité élégante de la statuaria antique est<br />
remplacée par les formes froides de la sculpture moderne au sens d’un art glacé. 613 Pour<br />
605<br />
Ibid., p. 50. Voir p. 61: „Nur bei den Neueren gilt der Satz: jeder Künstler drükt sich selbst in seinen Werken<br />
ab. Der alte Künstler verschwand hinter dem seinigen.“<br />
606<br />
Ibid., p. 245 s. Fernow subdivise la récension en groupes suivants: 1. figures rondes et groupes 2. bustes 3.<br />
travaux sublimes 4. tableaux.<br />
607<br />
Ibid., p. 29: „[…] Urtheil einer ruhigen, unbefangene[n] Betrachtung.“<br />
608<br />
Ibid., p. 205: „Die Figur ist im Ganzen plump und schwer.“<br />
609<br />
RS, I, p. 198: „Dass die moderne Kunst diese Forderungen wohl erfüllen kan, hat gerade in jener Zeit, ein<br />
junger in Rom lebender Künstler durch die That erwiesen.“<br />
610<br />
JS, p. 302. Bertel Thorvaldsen commence sa formation à l’académie de Copenhague dès l’âge de onze ans, avant<br />
de s’installer à Rome en 1798, où il s’exerce par la suite en contemplant les idoles antiques. C’est là-bas qu’il<br />
rencontre son compatriote Carstens et qu’il fait également la connaissance de Fernow, avec lequel il entretient une<br />
relation amicale. Initialement, il projette de détruire le Jason, son chef-d’œuvre de cette époque, par insatisfaction<br />
artistique, après l’avoir achevé, mais son mécène, le marchand hollandais Hope finit par l’en empêcher, en<br />
l’achetant tout simplement. Cf. par ailleurs aussi Jürgen Wittstock: Geschichte der deutschen und skandinavischen<br />
Thorvaldsen-Rezeption bis zur Jahresmitte 1819, [thèse, Univ. Hambourg, 1975].<br />
611<br />
Pierre Cabanne: Le classique et l’art baroque, Éd. Payot, Paris, 2006, p. 133: «Le Danois Thorvaldsen, dont<br />
la réputation ne fut pas moindre à celle de Canova fit du néogrec un art glacé […] progressivement la sensualité<br />
élégante va céder à la froideur qu’accentue le polie excessif du marbre amollissant les formes.»<br />
612<br />
Cf. aussi Rudolf Zeitler: Der abgewandte Blick. Bemerkungen zu Skulpturen des Klassizismus um 1800.<br />
Interpretationen zu Werken von David, Canova, Carstens, Thorvaldsen, Koch, Éd. Hatje, Stuttgart, 1993, ps. 167-<br />
176.<br />
613<br />
Henrik Bramsen estime que le Jason de Thorvaldsen représente une mauvaise copie du Doryphore, en raison de<br />
l’absence de l’entité intérieure, qu’il réduit à la composition arbitraire des éléments hétérogènes, qui, dans<br />
l’ensemble, ont un aspect froid et renfermé: „Det påpeges, at Jason ligner Doryforos („spydbæreren“) mere end<br />
nogen anden antik statue, og at den ved sammenligningen røber sine svagheder. Den mangler naturlig harmoni,<br />
savner indre sluttethed og er sammenstykket af elementer hentet her og der. Den er demonstrativt ideal og derfor<br />
kold og afvisende. Som en util nærmelig heldt bygget på teori står Jason, medens Doryforos stille og i ligevægt<br />
kommet os i møde.“ Cité selon: Ny dansk kunsthistorie - Fra rokoko til guldalder, vol. 3, avec des textes de Kirsten<br />
Nørregaard Pedersen, Éd. Palle Fogtda, Kopenhagen, 1994, p. 104.
119<br />
Fernow, ce mode de représentation se rapproche le plus des formes de l’Antiquité au contraire<br />
de l’art de Canova, à qui il attribue, quant à la touche sensuelle dans ses œuvres, un<br />
eclecticisme rompant avec les formes strictes du style classique. Il se réfère surtout à la<br />
précision anatomique des vieux maîtres (p. ex. la mise en valeur des muscles), contrastant<br />
avec les parties du corps fluctuantes qui ne font qu’esquisser les transitions dans les sculptures<br />
de Canova:<br />
Vu de près, on retrouve le bouffi, l’enflé des muscles, qui est si frappant et exagéré sur les statues nommées ci-<br />
dessus [Thésée, pugiliste], sur toutes les figures de Canova, même sur celles qui sont d’une grâce juvénile, à un<br />
degré moindre […] Mais il est indéniable, dès qu’on compare ses Hébés, Psychés, Amors à des figures antiques<br />
du même caractère; sur celles-ci, les muscles apparaissent, tout en ayant une densité tendre, une certaine surface,<br />
en paraissant, de par l’expression pure de la forme, en même temps forts et toniques. On ne retrouve pas ces<br />
légers reliefs sur les figures de Canova, étant donné que là tout s’emmêle de façon ronde et indéfinie, en donnant<br />
à sa manière un certain caractère. 614<br />
En fait, ce reproche à la ‘manière’ de Canova est justifié dans le sens où ce dernier a adapté la<br />
statue de Persée au goût de l’époque en y ajoutant des éléments anachroniques, 615 mais à<br />
réfuter en ce qui concerne les ornements colorés, 616 étant donné qu’on retrouve ces derniers<br />
déjà dans l’art hellénique, contrairement à l’opinion générale. Par la suite, Fernow s’en prend<br />
également à d’autres œuvres de Canova, qui, jusque-là, étaient considérées comme<br />
614 RS, I, p. 230 s.: „Das Aufgedunsene, Angeschwellte der Muskeln, das an den oben genanten Statuen<br />
[Theseus, Faustkämpfer] so auffallend und übertrieben ist, findet sich bei genauerer Untersuchung an allen<br />
Figuren Canova’s, selbst bei den jugendlichzarten, nur in geringerem Grade […] Aber es ist unverkenbar, sobald<br />
man seine Heben, Psychen, Amors, mit antiken Figuren von gleichem Charakter vergleicht; an diesen zeigen die<br />
Muskeln bei ihrer zarten Fülle doch immer eine gewisse Fläche, wodurch sie bei dem reinen Ausdruk der Form<br />
zugleich fest und spankräftig erscheinen. An Canova’s Figuren findet man diese sanften Verflächungen nicht,<br />
sondern alles fliest da mehr rundlich und unbestimmt in einander, und dies gibt seiner Manier ihren eigenen<br />
Charakter.“<br />
615 Comme le bonnet phrygien sur la statue de Napoléon. Canova fait par ailleurs le portrait de Napoléon, en<br />
prenant la pose d’empereur. Cf. Ferdinand Boyer: «Autour de Canova et Napoléon», in: Revue des études<br />
italiennes organe de l’Union intellectuelle franco-italienne, 1937, Éd. (S. L.), Paris 1937, idem: Le monde des<br />
arts en Italie et en France de la Révolution et de l’Empire - Études et recherches, Éd. Società Éd. Internazionale,<br />
Turin, 1969.<br />
616 Cf. Ansgar Cordie souligne que, contrairement à la conception winckelmannienne de la noble simplicité de la<br />
statuaire grec, les statues étaient en effet décorées avec des ornements colorés et les ajouts les plus divers<br />
(ornaments, accessoires, bijoux), comme le prouve par exemple une tête de bronze de Delos et la statue aux yeux<br />
insérés du jeune homme de Marathon. Cf. le commentaire de Basileios Petrakos, in: Das Nationalmuseum von<br />
Athen, Éd. Kleio, Athènes, 1992 ( 1 1981), p. 97: „Wunderbar ausgeführt, mit eingesetzten Augen, voller<br />
Ausdruck der Leidenschaft und des inneren Lebens.“
120<br />
inattaquables par les experts en art. On mentionnera ici, de façon représentative, pour<br />
«l’insuffisance et le dépouillé de ces représentations», 617 la Vénus d’Adon, qu’il qualifie de<br />
«dépourvue de caractère», 618 ainsi que la mise en scène exagérée d’Amor et Psyché 619 qu’il<br />
considère comme étant trop allégorique et le Mars pacifer 620 que Fernow assimile, quant à<br />
l’exécution technique, au Persée. Cependant, les statues représentant Thésée et Minotaure, 621<br />
le lion de Léonidas, ainsi que le monument du pape Rezzonico 622 et la sculpture originale<br />
d’Amor et Psyché 623 retiennent par moments son attention bienveillante, quoique réservée. 624<br />
En ce qui concerne la collection des tableaux de Canova, Fernow conteste l’idée que ses<br />
œuvres révèlent au fond des qualités picturales; mais, en contrepartie, il loue le coloris de<br />
Canova, en le mettant, en ce qui concerne la forme, sur la même échelle que Bernini:<br />
Quand les sculpteurs peignent, on retrouve en règle générale dans leurs travaux la forme comme élément<br />
prédominant, car c’est l’essence de leur art et le sujet principal de leur ambition artistique. Cela illustre de<br />
manière frappante les peintures de Michel-Ange, dans lesquelles un sens plastique prime sur le sens pictural.<br />
Dans les peintures de Canova, on retrouve le contraire, et ce dernier ressemble à tel point à Bernini, qui, comme<br />
Canova, avait beaucoup plus de talent pour rendre la matière attirante, que pour définir les formes<br />
caractéristiques; et ainsi fut-il un Rubens dans les arts plastiques. Les peintures de Canova sont si mal définies et<br />
faibles quant au dessin, si dépourvues de forme et de caractère, si douces et si tendres, que l’on pourrait les<br />
prendre pour des créations d’un talent féminin. Oui, les tableaux d’Angelika, qui portent visiblement le signe du<br />
617<br />
Ibid., p. 125: „Die Dürftigkeit und Leerheit dieser Darstellungen [...] und auch bei dem besten Willen<br />
etwas Lobenswerthes an diesen Arbeiten zu finden, suchen wir umsonst danach.“<br />
618<br />
Ibid. p. 110.<br />
619<br />
Ibid., p. 212: „[…] wer den natürlichen Ausdruks der Affekte dem allegorischen vorzieht, wem eine<br />
schöne Idee mehr gilt, als eine schöne Ausführung, der wird sich bei aller Schönheit des modernen Werks<br />
für die antike Gruppe erklären.“<br />
620<br />
Ibid., p. 206: „[…] dass weder die Kunst noch der Ruhm des Künstlers einen Verlust erleiden würden, wenn<br />
diesen Mars Pacifer auch das Schiksal des Palamedes träfe.“<br />
621<br />
Ibid., p. 76: „[...] Theseus auf dem erschlagenen Minotaur sitzend, war das erste grosse Werk [...]; und<br />
obgleich der Gedanke, den Helden auf dem Bauche des erschlagenden Ungeheuers sitzen lassen, nicht fein ist, so<br />
gehört sie doch zu den vorzüglicheren unsers Künstlers.“<br />
622<br />
Ibid., p. 186: „Dass Canova Löwen zu bilden weis, hat er an dem Denkmal des Papstes Rezzonico bewiesen.“<br />
623<br />
Ibid., p. 206: „[die] Gruppe Amor und Psyché, die Canova’s Triumf ist.“ On ne saurait juger ici de l’ironie de<br />
cette remarque.<br />
624<br />
Afin de compléter, il faut également mentionner ici que la statue de Ferdinand de Bourbon comme Minerve<br />
est également approuvée par Fernow. Voir le commentaire de Fred Licht, cité selon: Antonia Canova - La<br />
statuaria, Ottorino Stefani (Éd.), Éd. Electa, Milan, 2003, p. 171: «Ludwig Fernow, uno dei pochi critichi ad<br />
attaccare incessantemente Canova in quanto i suoi gusti estetici e le sue inclinazioni patriottiche gli facevano<br />
preferire e sostenere Thorvaldsen, fece un eccezione soltanto per questa scultura, l’unica che ricevette le sue lodi.<br />
In questo abbiamo una sufficiente dimostrazione che essa era ritenuta valida e convincente dai contemporanei.»
121<br />
sexe faible, ont beaucoup plus de définition quant au dessin, beaucoup plus de notion de forme et d’apparence,<br />
que les siens. 625<br />
Ainsi, il classe Canova dans la catégorie des artistes à la fois efféminés et maniérés, en le<br />
mettant, dans ce contexte, au même rang qu’Anton Raphaël Mengs. Cependant, il approuve sa<br />
technique de peinture, mais son verdict demeure néanmoins critique:<br />
Canova a été comparé, par l’auteur d’une histoire de l’art du XVIII ème siècle, dont une partie de l’œuvre est<br />
consacrée à l’œuvre remarquable de Winckelmann et son siècle, d’une manière très juste à Mengs, son égal non<br />
seulement en ce qui concerne le talent naturel, mais également quant à la formation et l’application de celui-ci, et<br />
avec lequel il a beaucoup plus en commun qu’un simple trait de caractère. C’est notamment ce manque d’une<br />
imagination plastique originale, d’où l’incapacité d’inventer le caractéristique et la plasticité atomique; c’est ce<br />
manque de définition, de rigueur de la forme pour des sujets sérieux, puissants, héroïques et pathétiques; c’est<br />
cette aspiration à la beauté plus douce, charmante, ce manque de style et le plaisir de la perfection mécanique,<br />
qui sont les traits frappants du caractère artistique de Mengs, que l’on retrouve également chez Canova. 626<br />
Le manque d’une véritable imagination plastique (ingegno) 627 et le manque de style et de<br />
forme - c’est à cette courte formule que Fernow ramène son jugement quant à l’art de Canova<br />
et (et celui de Mengs!), qu’il caractérise comme un phénomène du temps et qu’il constate<br />
aussi chez d’autres artistes. Fernow déduit l’aporie imaginaire en majeure partie du travail de<br />
copiste d’un certain Canova ou de Mengs, 628 qui enthousiasment la foule avec leurs œuvres.<br />
Mais qu’en était-il véritablement de la réception de Canova en Allemagne? Afin d’éclaircir<br />
625<br />
Ibid., p. 235 s: „Wenn Bildhauer malen so herscht gewöhnlich in ihren Arbeiten die Form vor, weil diese das<br />
Element ihrer Kunst, und der Hauptgegenstand ihres Kunststrebens ist. Dies zeigen auffallend die Malereien<br />
Michelangelo’s, in denen sein plastischer Sin dem malerischen vorwaltet. In Canova’s Gemälden findet man<br />
gerade das Gegentheil, und er gleicht auch darin dem Bernini, der, eben so wie Canova, mehr Sin für den Reiz<br />
der Materie, als für Bestimmtheit der Form für Karakter hatte, und gleichsam ein Rubens in der Plastik war.<br />
Canova’s Gemälde sind so unbestimt und schwach von Zeichnung, so form- und karakterlos, so weich und zart,<br />
dass man sie für Schöpfungen eines weiblichen Talents halten könnte. Ja, die Gemälde der Angelika, die den<br />
Karakter ihres zartern Geschlechts so sichtbar an sich tragen, haben mehr Bestimtheit der Zeichnung, und zeigen<br />
mehr Begrif von Form und Gestalt, als die seinigen.“ Cf. les propos tenus par Fernow au sujet de la réception de<br />
Carstens, voir Leben des Künstlers Asmus Jakob Carstens, 1806, p. 186 s.: „Deine Bilder haben, - heisst es dort -<br />
den Professionsneid unserer - abgerechnet, allgemein soviel Aufsehen erregt dass du beinahe, und besonders der<br />
kraftvollen männlichen Figuren halber, bei unseren Schönen die angebetete Angelika verdrängt zu haben<br />
scheinest.“<br />
626<br />
CARSTENS, p. 138 s.<br />
627<br />
Cf. p. 42.<br />
628 Cf. Steffi Roettgen: Die Erfindung des Klassizismus - Anton Raphaël Mengs (1728-79), Éd. Hirner, Munich,<br />
2003.
122<br />
cette question, il faut encore prendre en considération le contexte historique. Ce fut<br />
notamment à partir de 1786, après la création très saluée, et pas seulement par les cercles<br />
d’art, du monument papal de l’église Saint Pierre à Rome et le funéraire de l’archiduchesse<br />
Christine d’Autriche, 629 que le renommé de Canova commençait à se répandre à toute vitesse<br />
dans toute l’Europe. De même, une vaste propagande de ses deux amis, admirateurs et<br />
défenseurs théoriques de son art, Quatremère de Quincy 630 et Leopoldo Cicognara, 631 a<br />
considérablement contribué à désigner Canova comme un rénovateur du style antique. Un<br />
article issu de la plume de Quincy consacré à l’art de Canova parut pour la première fois en<br />
traduction allemande dans le Journal du Luxe et des Modes, 632 dans lequel Canova est<br />
présenté comme un artiste d’imitation classique et l’auteur met également en relief, tout au<br />
sens d’un biographe authentique, son apport personnel quant au Making of an artiste:<br />
[Canova] s’est formé par quelques études d’après la nature, où il ne cherchait rien d’autre que la simple vérité du<br />
modèle. […] Il était encore indécis quant au chemin et au style qu’il devait choisir, et j’ai peut-être un peu<br />
contribué à ce qu’il prît une décision rapide […] Jusqu’alors, aucun sculpteur n’avait osé concourir avec<br />
l’Antiquité de cette manière, telle que je la concevais. 633<br />
Cette image d’un concurrent de l’Antiquité devait aussi conditionner la réception de Canova,<br />
non seulement en Allemagne, mais partout en Europe. Les amis d’art weimariens voyaient<br />
cela d’un œil plutôt sceptique.<br />
Déjà dans Winckelmann et son siècle (aussi en 1805), on trouve quelques pages critiques<br />
consacrées à l’art de Canova, qui, toutefois, adoptent un ton assez neutre. Il ne faut pas non<br />
629<br />
Au sujet des aspects historiographiques et hermeneutiques de l’art canovien cf. l’étude détaillée: „Bei den<br />
Alten war die Wirklichkeit so gediegen und reich an Leben“, HT, ps. 241-255.<br />
630<br />
Fernow cite Quatremère également dans RS, I, 1806, p. 16 ss.<br />
631<br />
L’œuvre théorique majeure de Leopoldo Cicognara Storia della scultura dal suo risorgimento in Italia sino al<br />
secolo di Napoleone per servire di continuazione alle opere die Winckelmann e di d’Agincourt [3 vol. Venise,<br />
1813-1818] est conçue être la suite logique de L’histoire de l’art de Winckelmann.<br />
632<br />
Cf. Das ‘Journal des Luxus und der Moden’ : Kultur um 1800, vol. 8, Angela Borchert et Ralf Dressel (Éd.),<br />
Éd. Winter, 2004.<br />
633<br />
[Quatremère de Quincy:] „Bemerkungen über den Bildhauer Canova in Rom, seinen Ruhm, seine Werke<br />
überhaupt und besonders über seine neueste Statue, den Fechter“, in: Journal des Luxus und der Moden, n° 19,<br />
sept. 1804, p. 421 s.: „[Canova hat] sich durch einige Studien nach der Natur gebildet, wo er nichts suchte, als<br />
die einfache Wahrheit des Modells [...] Noch war er unentschlossen, welchen Weg und welchen Styl er wählen<br />
sollte, und ich trug vielleicht etwas dazu bei, daβ er einen etwas raschen Entschluβ faβte [...] Noch hatte kein<br />
Bildhauer sich unterstanden, in der Manier, wie ich mir sie dachte, mit der Antike zu wetteifern.“
123<br />
plus oublier que Fernow connaissait déjà merveilleusement bien les œuvres de Canova depuis<br />
ses années à Rome (1793-1803), ce qui lui vaut la réputation, surtout après la publication de<br />
ses Portraits des mœurs et cultures de Rome (1802) 634 dans le Mercure allemand, d’être un<br />
bon connaisseur de la scène culturelle à Rome. Au cours des lectures sur l’art, Canova avait<br />
aussi évoqué à plusieurs reprises l’art de Canova. De même, c’est Schelling lui-même qui lui<br />
demande conseil, afin de lui expliquer la nature de la sculpture antique et moderne. 635 Après<br />
la traduction d’une grande partie de la monographie carstensienne, un autre article paraît<br />
encore dans le journal napolitain Giornale Enciclopedico, 636 ce qui fait entrer le nom de<br />
Fernow sur la scène culturelle italienne ce qui sollicite également des polémiques de la part de<br />
ses admirateurs, qui vont se mobiliser à une contre-action. Ainsi Leopoldo Cicognara 637 parle<br />
par exemple de l’envie critique de Fernow - «L’invidia una sol volta tentasse di morderlo»,<br />
qu’il croit déceler dans la dichotomie de Carstens-Canova:<br />
L’envie de le mordre, ne serait-ce qu’une seule fois […] La censure qui vient de lui être infligée dans cette petite<br />
œuvre [du Monsieur Fernow] se trouve clairement affectée par la jalousie du maître […] et suggérée par la<br />
rivalité des arts. 638<br />
Cicognara réduit donc l’origine de la critique fernowienne aux sentiments passionnels et - de<br />
ce fait - peu rationnels de Fernow, comme l’envie, la jalousie et la rivalité dans l’art, qui,<br />
selon lui, ont été à l’origine de sa critique très indécente à propos de l’œuvre de Canova. On<br />
pourrait y voir une ironie du sort, en considérant le fait qu’il avait formulé ce verdict face aux<br />
634 [Carl Ludwig Fernow:] Sitten- und Kulturgemälde von Rom, (Gemaehlde der merkwürdigsten Hauptstädte<br />
von Europa. Ein Taschenbuch auf das Jahr 1803), J. Perthes (Éd.), Gotha, 1802.<br />
635 Friedrich Wilhelm Joseph Schelling: Briefe und Dokumente, Horst Fuhrmans (Éd.), vol. 2, Éd. Bouvier,<br />
Bonn, 1973, p. 413: „[…] meiner empirischen Armut so weit auszuhelfen, als es nötig wäre selbst diese Lehre<br />
vorzutragen.“<br />
636 Voir: Giornale Enciclopedico di Napoli, (2), 1807, <strong>IV</strong>, ps. 65-82; V, ps. 245-261; VIII [fin]. Il s’agit d’une<br />
traduction de la note en français: «Notice Napoli sur la Vie et les Ouvrages de Carstens du Magasin<br />
Encyclopédique, ou Journal des Sciences, des Lettres et des Arts», A. G. Millin (Éd.), n° 4, Paris, (1808), ps. 25-66.<br />
637 Voir la lettre de Saverio Scrofanis à Visconti, dans: «Al Signor Cavaliere Ennio Quirino Visconti lettere di<br />
Saverio Scrofani sopra alcuni quadri della Galleria Giustiniani ed una statua del Cav. Antonio Canova esposta<br />
nel Museo Napolione l’anno 1808», Éd. Dondey-Dupré, Paris, 1809, p. 48 s.<br />
638 Cf. Leopoldo Cicognara: Storia della scultura dal suo risorgimento in Italia fino al secolo di Canova, per<br />
servire di continuazione all’opere di Winckelmann e di d’Agincourt, Éd. Giachetti, Prato, 2 1823-24, p. 99, et, du<br />
même auteur: Biografia di Antonio Canova, Éd. Missiaglia, Venise, 1823: «L’invidia una sol volta tentasse di<br />
morderlo [...] Le censure, che in quest’opuscolo [del signor Fernow] gli vennero fatte, si vedevano palesemente<br />
dettate da gelosia di mestiere [...] e suggerite dalla rivalità dell’arte.»
124<br />
voix critiques vis-à-vis de Carstens. C’est alors que ce même reproche retombait sur lui-<br />
même, même s’il ne faisait plus alors partie du monde des vivants. Fernow se serait<br />
probablement très peu offusqué de telles polémiques, en l’approuvant «d’un sourire<br />
satirique», 639 étant donné qu’il avait déjà formulé, dans la biographie de Canova, ces phrases<br />
sibyllines:<br />
Tout un chacun qui juge en public les œuvres d’artistes vivants et connus doit s’attendre à des interprétations<br />
erronées et à des contradictions, même si son jugement était entièrement dithyrambique; et l’auteur s’y attend,<br />
mais sans les craindre pour autant. 640<br />
Finalement, Fernow est tout à fait conscient du fait que l’on ne peut plus mettre en question la<br />
gloire posthume de Canova, même s’il juge que le talent artistique de ce dernier se trouve<br />
assez souvent surestimé par ses contemporains:<br />
Le véritable mérite dans l’art de Canova est, même après la suppression de celui qui adhère à son estimation<br />
exagérée, toujours assez grand pour lui assurer une place parmi les plus grands artistes de l’époque moderne. 641<br />
En résumé, Fernow met en évidence le fait que, même si Canova n’est, à ses yeux, pas un<br />
artiste virtuose, il dispose cependant d’une image populaire très solide:<br />
[qu’il] n’a pas d’ennemi, même pas parmi ceux qui envient son bonheur et sa gloire; et, si partagées que soient<br />
les opinions sur son mérite artistique parmi les connaisseurs et les artistes, il n’y a pourtant qu’une seule voix qui<br />
est entendue quant à sa valeur humaine. 642<br />
Si Fernow, dans cette phrase de conclusion solennelle, relègue finalement le jugement sur la<br />
valeur artistique à la faculté de juger critique du sujet, il ouvre en même temps la perspective<br />
639 J. G. Gruber décrit Fernow dans la nécrologie qui lui est consacré (Jenaische Allgemeine Literatur-<br />
Zeitung/20. 1. 1809) comme un homme critique non-conforme: „Überall das Gute anerkennend, stets gerecht<br />
gegen jedes Verdienst, war er doch zu verständig, als nicht auch ein strenger Prüfer zu sein, weswegen keine<br />
Autorität der Welt ihm imponierte, und, wenn Sie sich aufdrängen wollte, ihm nur ein satirisches Lächeln,<br />
bisweilen Seinen Spott erregte“, cité selon F. Fink: Carl Ludwig Fernow. Der Bibliothekar der Herzogin Anna<br />
Amalia, Éd. Fink, Weimar, 1934, p. 38.<br />
640 RS, I, p. XI: „Jeder der über die Werke eines lebenden und berühmten Künstlers öffentlich urtheilt, mus zum<br />
Voraus, selbst wenn seine Beurtheilung auch durchgängig lobend ausfiele, auf Misdeutungen und Widersprüche<br />
gefasst seyn; und der Verfasser ist darauf gefasst, aber er scheuet sie nicht.“<br />
641 Ibid.: „Canova’s wirkliches Künstlerverdienst ist, auch nach Abzug dessen, was eine übertriebene Schätzung<br />
ihm beilegt, immer noch gros genug, um ihm neben den grösten Künstlern der neueren Zeit seinen Plaz zu<br />
sichern.“<br />
642 Ibid., p. 242: „[...] selbst unter denen, die sein Glük und seinen Ruhm beneiden, keinen Feind hat; und dass,<br />
so getheilt auch unter Kennern und Künstlern die Meinungen über sein Kunstverdient sind, doch über seinen<br />
Werth als Mensch nur Eine Stimme gehört wird.“
125<br />
à la dimension anthropologique, la vision de l’artiste en tant qu’homme, comme autre option<br />
de la critique d’art, en ne précisant pas à quelle instance (transcendantale?) il soumet, en fin<br />
de compte, le jugement sur la valeur humaine. Un problème, qui offre peut-être aussi la<br />
possibilité d’une interrogation philosophique. De même, il paraît ironique de savoir, que<br />
Fernow ne va pas vivre l’époque où Canova se fait un nom en tant que mécène pour la<br />
promotion des jeunes artistes. A part cela, il s’occupe, en tant que curateur et diplomate, de la<br />
reconduite des trésors d’art enlevés par Napoléon (dont la Bibliotheca Palatina), 643 et réalise<br />
de vrais exploits. 644 Rien que cela devrait fournir la réponse, au moins en partie, à la question<br />
de la valeur humaine. Or, la monographie de Fernow n’arrive pas à ce ‘bouclage’ idéel, de<br />
sorte que son œuvre doit finalement passer pour inachevée, un fait qu’il avait toujours mis en<br />
valeur par rapport à Carstens, et qui, curieusement, s’applique aussi à lui. Mais finalement<br />
l’allusion à l’activité bénévole de Canova n’aurait probablement rien changé à l’intention de<br />
Fernow en tant qu’auteur. Comme nous l’avons vu, il lui importe surtout de valoriser l’art de<br />
Carstens vis-à-vis de Canova, en l’insérant également dans la lignée de ses biographies<br />
d’artiste et en l’élevant au même rang qu’Arioste et ce dernier. Cette mission littéraire<br />
esquisse déjà en filigrane l’émancipation de Fernow en tant que critique d’art autonome et<br />
défenseur d’une esthétique idéale, dont nous allons présenter les traits fondamenteaux au<br />
cours de la troisième partie du présent travail.<br />
643 Erik Jayme: Antonio Canova (1757-1822) als Künstler und Diplomat: zur Rückkehr von Teilen der<br />
Bibliotheca Palatina nach Heidelberg in den Jahren 1815 und 1816, (Heidelberger Bibliotheksschriften, vol.<br />
50), Éd. Universitätsbibliothek, Heidelberg, 1994.<br />
644 Idem: Antonio Canova - die politische Dimension der Kunst, Éd. Frankfurter Stiftung für Deutsch-Italienische<br />
Studien, Francfort/M., 2000.
126<br />
L’idéal de l’autonomie de l’art:<br />
L’émancipation de Fernow en tant que théoricien de l’art et la légitimation de l’esthétique<br />
autonome idéale
127<br />
III. 1. Du beau dans l’art: «…la fin sublime de l’art»<br />
La question du beau dans l’art occupe sans doute une place primordiale dans les idées<br />
esthétiques de Fernow. Comme déjà dans la biographie de Carstens, il tente, dans la préface<br />
de son traité «Du beau dans l’art», de définir de plus près la nature du beau dans l’art:<br />
Le beau n’est, d’après sa nature, qu’une entité; mais en réalité il est indéfiniment divers et différent. Une<br />
explication complète et satisfaisante du beau n’est possible que d’après la nature ou l’idée, mais pas à partir des<br />
apparitions de cette dernière. 645<br />
De par cette définition du beau, Fernow renoue non seulement avec la tradition d’Idéa, 646<br />
mais se rapproche également de la théorie schillérienne, en considérant la beauté comme belle<br />
apparence. De même, on peut y déceler un autre postulat de sa théorie de l’art: légitimer la<br />
conceptualité du beau, d’après «la nature ou l’idée» et, ce faisant, tenter de réinventer la<br />
philosophie transcendantale kantienne, qui est fondée subjectivement, paradoxalement, de<br />
manière objective. Cela apparaît comme une quadrature du cercle, en partant du fait que<br />
d’après Kant, le jugement esthétique est par principe un jugement de goût et qui, par<br />
conséquent, se rapporte au sujet, et pour cette raison, ne peut être que subjectif. Pour résoudre<br />
ce conflit, il se réfère au principe schillérien de la beauté comme principe idéal qui lui fournit<br />
la réponse adéquate, afin de réaliser le postulat de l’objectivisation esthétique. Fernow<br />
s’oriente donc de toute évidence au système schillérien, tout en critiquant la théorie de la<br />
Gestalt, ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas d’emprunter quelques parties de l’esthétique<br />
idéale. On en distingue notamment deux principes: c’est l’idée de génie d’un côté, et le<br />
principe de la mission éthique de l’art, de l’autre.<br />
645 Ibid., voir préface du traité intitulé „Über das Kunstschöne“, ps. 291-450.<br />
646 Karl-Heinz Simon und Martin Pfänder: Polyklet und Phidias: von Helden aus Marmor und Bronze, op. cit.
128<br />
Ainsi, Schiller définit le talent de l’art comme union entre la raison et la sensualité, comme la<br />
pulsion à la production esthétique comme conséquence du jeu et de la forme, 647 ce que<br />
Fernow appelle en termes analogues la pulsion à la représentation 648 (Kunststreben) propre à<br />
l’espèce et l’ambition à l’art, qui, quant à elle, est individuelle. En ce qui concerne la mission<br />
éthique de l’art, il conteste la théorie schillérienne dans la mesure où il ne croît pas à l’art<br />
comme moyen d’éducation du genre humain, car, d’après sa conviction, cette dernière ne peut<br />
servir qu’à l’épanouissement artistique personnel de l’individu. 649 De même, il supprime la<br />
distinction anthropologique 650 schillérienne entre la beauté du mouvement et celle de la<br />
Gestalt. 651 Suivant son raisonnement, la beauté est en règle générale assimilable à l’idée de<br />
cette dernière. La conséquence logique de cette prise de distance avec le système schillérien et<br />
kantien (beauté=Gestalt) est donc la différenciation entre la forme et le contenu, ce que<br />
Fernow appelle également la finalité intérieure et extérieure (l’idée de raison ou l’idée<br />
normale chez Kant), qui, à l’unisson, constituent l’idéal de la culture humaine, dont il déduit,<br />
en l’occurrence, l’idéal de la beauté humaine d’après le principe beauté=Gestalt:<br />
647<br />
Pierre Hartmann interprète dans son article intitulé «La question esthético-politique chez Rousseau et<br />
Schiller», (in: Revue internationale d’études germaniques, n° 22, 2004, ps. 119-132) la théorie du jeu<br />
(‘Spieltheorie’) de Schiller comme étant un substitut d’une esthétique d’identification aliénante („entfremdenden<br />
Identifikation“) qui, de par l’autonomie retrouvée du sujet prépare à l’émancipation de celui-ci au niveau<br />
politique. Par ailleurs, Pierre Hartmann voit dans cette équation aristotélicienne entre l’art et la politique<br />
l’origine des pires déraillements („schlimmsten Entgleisungen“) de l’histoire. Voir aussi l’étude de Stefan<br />
Matuschek: „Coincidentia oppositorum und transzendentale Muße. Spiel als ästhetische Autonomie bei Kant und<br />
Schiller, in: Literarische Spieltheorie, Éd. Winter, Heidelberg, 1998, ps. 183-214 et: Schiller im Gespräch der<br />
Wissenschaften, op. cit.<br />
648<br />
Cf. à ce sujet aussi S. M. Schneider, VRW, p. 58.<br />
649<br />
Cf. HE, p. 125.<br />
650<br />
Cf. Gilles Darras: «La satire du génie dans l’œuvre du jeune Schiller», ainsi que Marion Heinz: «La beauté<br />
comme condition de l’humanité. Esthétique et anthropologie dans les ‘Lettres sur l’éducation esthétique’», in:<br />
Revue internationale d’études germaniques, n° 22, 2004, ps. 7-24 et ps 133-144. Tandis que Gilles Darras se<br />
concentre principalement, dans son étude, sur les différents aspects de la satire à l’égard de l’œuvre antérieure<br />
vus sous l’aspect d’une «anthropologie littéraire», Marion Heinz démontre, à l’exemple de l’esthétique<br />
schillérienne, que celle-ci est principalement fondée sur des aspects de la métaphysique critique. De par cette<br />
«définition anthropologique de la Gestalt» („anthropologische[n] Bestimmung der Schönheit“) la beauté,<br />
conçue sous la forme d’une Gestalt vivante („lebenden Gestalt“), perd donc son fondement métaphysique, en<br />
renvoyant à un ordre du monde divin („metaphysische Fundierung einer göttlichen Weltordnung“) et, de même,<br />
la théorie du bien suprême, vue au sens d’une condition réductible à la critique de la raison et de la sensualité,<br />
perd son fondement au niveau pratique.<br />
651<br />
Ibid. Schiller comprend la beauté de la Gestalt comme la perfection de l’apparence devenue perceptible<br />
(„wahrnehmbar gewordene Perfektion“).
129<br />
[…] l’idéal de la finalité extérieure de la Gestalt, et l’idéal de la finalité intérieure des talents intellectuels, qui,<br />
ainsi unis, constituent l’idéal de la culture humaine, […] et d’où résulte, de l’union de ces deux constituants,<br />
l’idéal de la beauté humaine. 652<br />
A part cela, Fernow ne se contente donc pas de la «forme idéale vide.» 653 Ainsi, il exige de la<br />
belle forme aussi un contenu, ainsi qu’une certaine vivacité expressive de la Gestalt<br />
«caractère, expression, vie et action.» 654 De même, Fernow envisage la beauté idéale comme<br />
étant un archétype qui est à la base de la conscience humaine sous la forme de l’abstraction<br />
de la Gestalt:<br />
On peut comparer la beauté idéale au liquide le plus pur de tous les liquides, l’élément clair et purifié d’une<br />
source, qui, incolore, insipide et sans odeur, réjouit par sa seule pureté simple et qui est, en même temps,<br />
l’élément de base de tous les autres liquides, qui, par l’ajout d’autres éléments, prennent les couleurs, les goûts et<br />
les odeurs les plus divers. Ainsi, la beauté pure et abstraite de la Gestalt, qui, au même titre, est le fondement de<br />
l’expression idéale, car elle imite chaque caractère, chaque ambiance, chaque couleur de la sensation, et qui ne<br />
s’oppose qu’à sa nature (comme par exemple l’huile à l’eau), en se modifiant d’après celle-ci de façon<br />
multiple. 655<br />
En l’occurrence, la beauté de la Gestalt résulte par la suite de l’imagination créatrice de<br />
l’artiste, qui lui apparaît quasiment comme une image originale:<br />
le schéma de la beauté, qui inspire l’imagination de l’artiste, qui correspond à la fois au schéma de la Gestalt et<br />
qui s’adapte à chaque caractère, chaque expression. 656<br />
Fernow distingue également cette «beauté pure et essentielle» de la «beauté supérieure, qui<br />
n’est plus tout à fait pure», 657 qu’il soumet à l’idée de grandeur. Cette réflexion l’amène à la<br />
question de la délimitation du beau idéal, de l’idéal de beauté et de la beauté idéale, en<br />
aboutissant à la conclusion suivante:<br />
652<br />
Voir à ce sujet également RS, III, ps. 115-210: „Über Rafaels Teppiche“, ici préface.<br />
653<br />
RS, I, p. 354: „leere Idealform.“<br />
654<br />
Ibid., s.: „Karakter, Ausdruk, Leben, Handlung.“<br />
655<br />
Ibid.<br />
656<br />
Ibid., p. 355: „[...] das der Einbildungskraft des Künstlers vorschwebende, zugleich mit dem Schema der<br />
Gestalt jedem Karakter, jedem Ausdruk sich anschmiegende, Schema der Schönheit.“ Afin d’étayer son<br />
argumentation, Fernow se réfère aux œuvres d’art suivantes: le Polyklet de Doryphore, l’Antinous capitolien et<br />
la Vénus de Médicis qui, selon lui, illustrent à titre exemplaire ce principe de la beauté artistique en tant qu’<br />
archétypes idéels.<br />
657<br />
Ibid. s.
130<br />
On appelle enfin beauté idéale toute beauté qui, au même titre que la Gestalt, est érigée comme idéal au-dessus<br />
de la nature réelle; car si la Gestalt est idéale, la beauté doit nécessairement l’être dans la même mesure. De<br />
même, le sens est différent si l’on parle de la belle représentation de l’idéal, ou de la représentation du beau idéal<br />
de beauté. 658<br />
La notion du beau dans l’art est conçue comme doxologie d’idéalité, de beauté et de<br />
caractère qui est soumise à une finalité supérieure de l’art:<br />
Idéalité, beauté et caractère font à l’unisson toute l’utilité de l’art, telle que nous la voyons atteinte tantôt plus<br />
achevée, tantôt plus inachevée dans les œuvres des Anciens. Nous retrouvons ces trois éléments également dans<br />
les trois principes de l’art de Winckelmann, de Lessing et de Hirt. 659<br />
Ce faisant, Fernow arrive en effet à unir, comme le constate par ailleurs aussi Arthur<br />
Schopenhauer, 660 les différentes positions dans la discussion de Laokoon, mais sans en ajouter<br />
une nouvelle. Ainsi, il oriente, à la manière de Winckelmann, la beauté artistique vers la noble<br />
simplicité et la grandeur calme, 661 en fixant, à l’instar de Lessing, la finalité de l’art dans la<br />
précision du moment représenté, et comme Hirt, qui, suivant sa théorie, avise toujours<br />
l’impression d’ensemble de l’œuvre d’art, authentique et marquée par la nature, quoique non<br />
pas imitée de façon esclavagiste. 662 A part cela, ses explications concernant la hiérarchie des<br />
arts, la recherche d’un moment 663 en peinture, en sculpture et dans l’art dramatique, 664<br />
également à la lumière des théories de Barthes 665 et Adorno 666 concernant la ditropique et le<br />
658 Ibid., p. 358: „Eine idealische Schönheit endlich heist jede Schönheit, die mit der Gestalt zugleich über die<br />
wirkliche Natur zum Ideale erhoben ist; denn wenn die Gestalt ideal ist, so mus es nothwendig auch die<br />
Schönheit in gleichem Masse seyn. Eben so ist auch der Sin verschieden, wenn man von der schönen Darstellung<br />
des Ideals, oder von der Darstellung eines schönen Ideals oder von der Darstellung des Ideals der Schönheit<br />
spricht.“<br />
659 Ibid., p. 430.<br />
660 Selon Arthur Schopenhauer Fernow aurait discuté et évalué toutes ces trois opinions, sans en ajouter aucune<br />
nouvelle, mais il les a mis en relation et unifiés („[…] alle jene drei Meinungen erörtert und abgewogen,selbst<br />
jedoch keine neue hinzugethan, sondern jene drei vermittelt und vereinigt“), cité d’après: Die Welt als Wille und<br />
Vorstellung, Paul Deussen (Éd.), Éd. Piper, Munich, 1911, § 46, p. 268.<br />
661 Cf. à ce sujet le chapitre consacré à Winckelmann du présent travail.<br />
662 Selon Fernow (RS, II, p. 42) l’artiste ne doit ni copier, ni inventer, mais s’approprier l’esprit et le style de<br />
l’idéal („[sich den] Geist und Stil des Ideals zu eigen machen“).<br />
663 Peter-André Alt e. a. (Éd.): Prägnanter Moment. Studien zur deutschen Literatur der Aufklärung und Klassik,<br />
Éd. Königshausen & Neumann, Wurzbourg, 2002.<br />
664 RS, III, p. 11.<br />
665 Roland Barthes: «Diderot, Brecht, Eisenstein», in: Essais critiques, sous le chapitre: «représentation»,<br />
in: Œuvres complètes, Eric Maray (Éd.), Éd. Seuil, Paris, 2002.
131<br />
caractère de l’image, sont d’une acuité comparable. A l’instar de Lessing, Fernow distingue<br />
par ailleurs différents moments de la représentation artistique qui, selon le genre (la poésie, la<br />
sculpture, la peinture, l’art dramatique et musical etc.), dépendent des différentes formes de<br />
la contemplation (l’espace et le temps). Ainsi privilégie-t-il principalement la poésie avant les<br />
autres arts, étant donné que celle-ci permet une représentation globale de plusieurs moments,<br />
à la fois par ordre temporel et spatial. Ce faisant, Fernow entreprend une séparation des arts<br />
dans la mesure où il distingue l’art plastique et la «sculpture ronde», 667 tout en considérant la<br />
peinture comme «une imitation trompeuse» 668 et l’art dramatique d’une action comme «un<br />
beau tout»: 669<br />
[…] [étant donné que] la peinture, dans sa représentation la plus parfaite de la forme, reste toujours derrière les<br />
arts plastiques, elle doit remplacer cette imperfection par d’autres atouts, de par lesquels elle est supérieure aux<br />
arts plastiques. 670<br />
Suivant cette logique, il évoque une citation de Michel-Ange:<br />
„[…] que la peinture [sera] toujours d’autant plus excellente qu’elle se rapproche de la sculpture et, en revanche,<br />
la sculpture d’autant plus mauvaise qu’elle se rapproche de la peinture. 671<br />
En l’occurrence, l’art dramatique exerce, en tant que spectacle unissant tous les genres d’art,<br />
une plus grande attirance sur le spectateur, étant donné qu’il est «supérieur en force<br />
dramatique.» 672 Or, Fernow se prononce en même temps en faveur d’une stricte séparation<br />
entre les arts, étant donné que «chacun de ces genres d’art » maintient « son propre rang.» 673<br />
En ce qui concerne la séparation entre la peinture et la sculpture, Fernow défend par la suite le<br />
point de vue que cette dernière devrait «s’élever au-dessus de son utilité indiquée.» De même,<br />
666<br />
Theodor W. Adorno: Ästhetische Theorie, Gretel Adorno et Rolf Tiedemann (Éd.), (Gesammelte Schriften, n°<br />
7), Éd. Suhrkamp, Francfort/M., 1984.<br />
667<br />
RS, II, p. 26: „Über die Grenzen der dramatischen Malerei.“<br />
668<br />
Ibid., p. 18.<br />
669<br />
Ibid., p. 26.<br />
670<br />
Ibid., p. 37: […] [da] die Malerei in der volkommensten Darstellung der Form immer hinter der Plastik<br />
zurückbleibt, so mus sie diese Unzulänglichkeit durch ihre anderen Vorzüge, durch die sie der Plastik überlegen<br />
ist, ersezen.“<br />
671<br />
Ibid., s.: „[…] die Malerei immer desto vortreflicher sein [werde], je mehr sie sich der Plastik näheret und im<br />
Gegentheil, die Plastik desto schlechter, je mehr sie sich der Malerei nähere.“<br />
672<br />
Ibid., p. 102<br />
673 Ibid., p. 22.
132<br />
il se trouve en accord avec Michel-Ange quand il juge que «[…] la sculpture qui est dans la<br />
Gestalt, la forme, et le dessin, le caractère la base de la peinture», 674 ce qui place la sculpture<br />
indubitablement dans la hiérarchie des arts, au-dessus de la peinture, étant donné que celle-ci<br />
est tridimensionnelle, et, pour cette raison, capable de rendre le moment représenté avec<br />
d’autant plus d’intensité, ce que, en l’occurrence, la peinture doit compenser avec le coloris.<br />
En contrepartie, il voit dans l’art dramatique la réalisation d’une forme universelle de l’art, car<br />
la suite rapide des moments temporaux et spatiaux contient non seulement un certain degré de<br />
divertissement pour le spectateur, mais unit par la suite de façon harmonieuse plusieurs<br />
formes d’expression artistique (la mimique-gestuelle, la musique etc.) De même, il partage<br />
l’avis de Lessing en disant que «[…] le seul destin d’un art peut être l’achèvement le plus<br />
parfait, ce dont il est capable sans l’aide d’un autre.» 675 Contrairement à Lessing, Fernow<br />
supprime des moments négatifs d’émotion de la part du spectateur, comme par exemple la<br />
peur ou la compassion, en intégrant des états d’âme positifs comme la sympathie ou<br />
l’émotion, 676 qui selon lui varient d’après les différentes formes du caractère, 677 et, ce faisant,<br />
«procurent le plaisir d’une existence plus parfaite.» 678 De la même façon, il différencie deux<br />
sortes d’intérêt: «l’intérêt du beau» d’un côté et «l’intérêt du contenu», 679 de l’autre. Fernow<br />
en conclut par la suite l’auto-référentialité de l’œuvre d’art, qui doit exclusivement «s’<br />
expliquer par soi-même», 680 selon le cercle d’action indiqué (plus restreint) et celui permis<br />
(plus élargi), 681 qu’il déduit, par contre, du principe de Lessing: «l’art ne doit pas tout ce qu’il<br />
peut.» 682 En l’occurrence, il inverse la phrase en disant que «chaque art doit plus qu’il ne<br />
674 Ibid., p. 40.<br />
675 RS, III, p. 14: „[…] dass [nur das] die Bestimmung einer Kunst sein [kann], wozu sie allein geschikt ist, und<br />
was sie ohne Beihülfe einer anderen am volkommensten zu leisten vermag.“<br />
676 Ibid., p. 19.<br />
677 RS, III, p. 68<br />
678 RS, III, p. 36: „[…] den Genus [sic] eines volkomneren Daseins, bewirken.“<br />
679 Ibid.<br />
680 Ibid., p. 34. Fernow formule cette règle de base par rapport au choix et le traitement du sujet: „[…] ein<br />
Kunstwerk sol durch sich selbst verständlich sein; es sol seinen Inhalt durch sich selbst erklären.“<br />
681 Ibid.<br />
682 Ibid., s.: „Jede Kunst kann und darf mehr als sie sol[l].“
133<br />
peut.» Ainsi, il voit dans Laokoon un rapprochement particulièrement frappant entre la<br />
peinture et la sculpture, étant donné que «l’individu à l’expression idéale» et « le moment<br />
intéressant» 683 sont unis dans un tout organique de manière esthétisante. En ce qui concerne le<br />
beau dans l’art, il met en évidence que le caractère, sur lequel nous allons encore revenir au<br />
cours de notre travail, suit ses propres lois, et, pour cette raison, doit être délimité du<br />
caractère:<br />
Le beau dans l’art est donc essentiellement différent du caractéristique et de la vérité dans l’art; il ne réside ni<br />
uniquement dans celui-ci, ni uniquement dans celui-là; mais dans l’union entre la vérité idéale et la beauté du<br />
contenu avec la belle forme de la représentation consiste toute l’utilité de l’art. 684<br />
En d’autres termes: le beau dans l’art, le caractère et la vérité artistique ne sont pas à voir de<br />
façon isolée, mais légitiment tous ensemble, en union avec la vérité idéale, la beauté du<br />
contenu et la belle forme de la représentation, la finalité totale de l’art, qui se résume par<br />
l’idéal esthétique. D’une manière générale, il érige l’esthétisation de la forme et du contenu<br />
comme le postulat suprême de la beauté artistique. Or, Fernow ne se limite pas à cela. Ce<br />
n’est que la symbiose parfaite de la vérité et du caractère, en accord avec l’idéalité de la<br />
forme et la beauté de la représentation qui, selon ses propos, correspond seule aux exigences<br />
de la beauté, subjective comme objective, dans l’art:<br />
La vérité et le caractéristique ne font alors ni la finalité exclusive et complète, ni la finalité supérieure de l’art; il<br />
faut ajouter à cela l’idéalité de la forme et la beauté de la représentation […] Oui, la beauté subjective ou<br />
extérieure n’est même pas concevable sans cette sous-classification […] c’est ce que demande la notion d’objet,<br />
qui maintient la forme, à travers laquelle le tout apparaît comme une belle image. 685<br />
683 RS, III, p. 60.<br />
684 Ibid., p. 430: „Das Kunstschöne ist also von dem Karakteristischen oder der Kunstwahrheit wesentlich<br />
verschieden; und weder in diesem allein, noch in jenem allein, sondern in der Vereinigung der idealischen<br />
Wahrheit und Schönheit des Inhalts mit der schönen Form der Darstellung besteht der ganze Zwek der Kunst.“<br />
685 Ibid., p. 406: „Wahrheit und Charakteristik sind also weder der ganze, volständige, noch auch der höchste<br />
Zwek der Kunst; zu ihr mus noch die Idealität der Form und die Schönheit der Darstellung hinzukommen [...]<br />
Ja, die subjektive, oder äussere Kunstschönheit läst sich ohne diese Unterordnung überhaupt nicht einmal<br />
denken [...] welche der Begrif des Gegenstandes fo[r]dert, die Form erhält, durch welche das Ganze als ein<br />
schönes Bild erscheint.“
134<br />
En ce qui concerne la beauté, Fernow interroge de façon critique l’idéal winckelmannien de la<br />
«simplicité noble, calme grandeur»: D’après Winckelmann, la simplicité noble et la calme grandeur<br />
étaient les principes de base de l’art antique […]. 686<br />
Or, il modifie plus loin cette constatation en ajoutant que:<br />
[ces deux principes] qui caractérisent les œuvres de l’art antique et les distinguent de celles de l’art nouveau. 687<br />
Bien qu’il désigne Winckelmann comme esprit classique, il souligne en même temps que son<br />
principe lui paraît aussi tout à fait insuffisant et ne peut être considéré que comme simple<br />
essai de ramener l’essence de l’art antique à une seule formule:<br />
On ferait tort à Winckelmann si l’on prenait son principe pour plus que le premier essai de s’orienter dans le<br />
terrain de l’art antique […] et de réduire l’impression principale de celle-ci à une seule nation. 688<br />
Ainsi, il juge le postulat winckelmannien comme «insuffisant à tous les égards» 689 mais,<br />
pourtant, il remarque que ce dernier a seulement, dans son premier traité, défini cela comme<br />
principe, dont il déduit par ailleurs le postulat d’une réédition de l’œuvre winckelmannien:<br />
Cela éclaire suffisamment, que W. [Winckelmann] l’a seulement, dans son écrit le plus ancien «Sur l’imitation<br />
des œuvres grecques», énuméré comme le signe général par excellence des œuvres grecques en l’appliquant à<br />
l’expression du Laokoon. Et Lessing prit cela comme point de départ. Dans ses écrits tardifs, W. a clairement<br />
expliqué qu’il reconnaissait la beauté, à savoir celle de l’idéal, comme le véritable principe de l’art antique. 690<br />
Comme preuve, il se réfère à un commentaire tardif de Winckelmann en langue italienne,<br />
qu’il reconnaît comme «une confession tardive»:<br />
686 Ibid.<br />
687 Ibid., p. 427 s. Nach Winckelmann war edle Einfalt und stille Gröβe das Grundgesetz der alten Kunst [...]<br />
welches ihm die Werke der alten der Kunst durchgängig zu charakterisieren und von denen der neueren Kunst<br />
zu unterscheiden schien.“<br />
688 RS, I, p. 438: „Man würde Winkelmann Unrecht thun, wenn man sein Prinzip für mehr halten wollte, als den<br />
ersten Versuch sich in dem Gebiete der alten Kunst [...] zu orientieren und den Haupteindruck derselben auf<br />
einen Begriff zurückzuführen.“<br />
689 Ibid., p. 441: „[…] in jeder Hinsicht unzulänglich.“ Dans ce contexte, les principes de Lessing et de Hirt lui<br />
apparaissent insuffisant dans le sens où ils mettent à la même échelle la vérité et la beauté avec l’expression et,<br />
par conséquent, ne distinguent par la suite pas entre la vérité réelle (nature) et la vérité beauté art.<br />
690 Ibid., p. 438: „Dies erhellet hinlänglich daraus, dass W. [Winckelmann] blos in seiner frühesten Schrift: Über<br />
die Nachahmung der grichischen Werke als das allgemeine vorzügliche Kennzeichen der griechischen<br />
Meisterwerke aufgeführt, und dasselbe auf den Ausdruk des Laokoon anwendet. Und von jener Stelle ging<br />
Lessing in seinem Laokoon aus. In seinen spätern Schriften hat W. deutlich genug erklärt, dass er Schönheit und<br />
zwar die idealische für das eigentliche Prinzip der alten Kunst anerkannte.“
135<br />
Le raisonnement de l’art du dessin des Grecs est la chose même qui traite de la beauté dans toutes ses<br />
dimensions, car elle était la base et la fin de leur art. L’idée à l’origine qui transparaît dans leurs œuvres était<br />
l’essence du beau, en soumettant tant l’habileté technique qu’ils ont voulu représenter dans celles-ci, tout ce qui<br />
se reflète indistinctement dans la nature et dans les expressions, comme pour représenter telle ou telle apparence,<br />
qu’ont due avoir les figures etc. 691<br />
Et il parvient à la conclusion qu’ici «la beauté est [nommée] comme étant la fin et le centre de<br />
l’art» 692 - un principe esthétique que, comme nous avons pu le constater, Fernow va redéfinir<br />
à partir de Kant, Schiller et Winckelmann et élargir au caractère, ce qui sera le sujet du<br />
prochain chapitre.<br />
691 Ibid., voir des extraits du Trattato preliminare dei monumenti antichi de Winckelmann, cité selon Fernow: «Il<br />
ragionar del’ arte del disegno de’ Greci è la cosa medesima che trattar della bellezza in tutte le sue parti, pochè<br />
questa della loro arte di disegnare si fu la base ed il fine. Ce lo dimostrano le opere loro, in far le quali ben<br />
vedesi, che all’ idea ch’è si erano fatti del bello, soggettarono tanto la scienza ch’eglino avrebbono avuto di<br />
figurare nelle stesse opere tutto cio, che indistintamente si mira nella natura, quanto l’espressioni, che per<br />
rappresentarne questo e quel fatto, avrebbono dovuto aver le figure etc.»<br />
692 RS, I, p. 439: „[…] ausdrücklich die Schönheit als Endzwek und […] Mittelpunkt der Kunst.“ 692
136<br />
III. 2. Du caractéristique: „…ou la vérité de la représentation“<br />
Selon la conception fernowienne, la perception de la beauté en art est étroitement liée à la<br />
notion de représentation caractéristique, qui, au fond, constitue la clef de voûte théorique de<br />
ses écrits esthétiques. En règle générale, il subdivise le caractère (=expression de la Gestalt)<br />
en trois catégories, comme suit:<br />
1. Le caractère du genre (Gattungscharakter),<br />
2. le caractère de l’espèce (Artcharakter),<br />
3. le caractère individuel (Individueller Charakter).<br />
Alors que le caractère du genre unit tous les individus de tous les genres, le caractère de<br />
l’espèce regroupe seulement les individus du même signe caractéristique, le caractère<br />
individuel étant propre à chaque individu, lequel rassemble dans son être cette trichotomie<br />
caractéristique: «chaque individu de la nature porte ce triple caractère en soi.» 693<br />
A part cela, le caractère du genre se subdivisé en deux sous-catégories:<br />
Fernow constate à ce sujet:<br />
1. Le caractère général (Allgemeinen Charakter).<br />
2. Le caractère particulier (Besonderen Charakter).<br />
Chaque vraie représentation individualise nécessairement le général […] le secret de l’artistique consiste en ce<br />
que le général ne soit pas supprimé par l’idéal. 694<br />
A partir cette distinction entre le caractère général et le caractère particulier (=beauté) Fernow<br />
fonde par la suite le principe individuel de l’art, car, en lui, seul l’individu, en non pas le<br />
genre humain dans sa totalité, peut apparaître. Ainsi fusionne-t-il dans l’individu, comme être<br />
doté de talent artistique (schöpferisch begabtes Wesen), l’expression générale du caractère<br />
(=genre humain) avec l’expression particulière (=beauté): «La beauté est aussi l’expression<br />
693 Ibid. p. 351: „Jedes Individuum der Natur trägt diesen dreifachen Karakter an sich.“<br />
694 Ibid. p. 355: „Jede wirkliche Darstellung individualisiert notwendig das Allgemeine […] das Geheimnis des<br />
Künstlerischen besteht gerade darin, dass im Individuellen das Allgemeine nicht aufgehoben ist.“
137<br />
particulière de celui-ci [le caractère] en art.» 695 Au delà, Fernow différencie la beauté du<br />
caractère: car, selon lui, tout ce qui est beau n’est pas nécessairement caractéristique et vice<br />
versa. De même, tout ce qui est caractéristique ne correspond pas forcément au principe de la<br />
beauté esthétique. Fernow expose son raisonnement de façon suivante:<br />
Nous allons nous convaincre du fait qu’on a l’impression, en ce qui concerne les représentations idéales de l’art<br />
plastique, que l’expression caractéristique et l’expression du mouvement constituent le fondement et la base<br />
même de la beauté, mais que cela n’est qu’une pure illusion, qui disparaît lors d’une étude détaillée […]. Cette<br />
illusion est produite par le fait que le général ne peut paraître qu’à travers le particulier, le genre que par<br />
l’individu et l’idéal comme la beauté de l’érudition humaine dans l’art, à condition d’une modification d’un<br />
caractère qui les définit. 696<br />
Ainsi, Fernow légitime la modification du caractère au sens d’une idéalisation ou d’une<br />
esthétisation du sujet en se référant aux caractères de l’espèce, qui, selon lui, «[…] définissent<br />
la forme du genre en la modifiant d’une manière signifiante.» 697 Au delà, le caractère de<br />
l’espèce tel qu’il le conçoit englobe plusieurs formes qualitatives de développement du corps<br />
humain, allant du naïf au sublime, ainsi que des talents physiques et moraux de l’être humain<br />
(nature, tempérament, éducation, formation). 698 Comme, suivant la conviction fernowienne,<br />
la nature dans sa «diversité infinie de ses individus», 699 comporte ces modèles souvent sous<br />
une forme «inachevée et avec défauts», 700 la définition de la beauté, ne peut, par conséquent,<br />
découler que du caractère global. 701 Fernow mentionne par ailleurs également un passage de<br />
695<br />
Ibid., p. 359: „Schönheit ist, auch der besondere Ausdruk derselben in der Kunst.“<br />
696<br />
Ibid., s.: „Wir werden uns davon überzeugen, dass es in den idealischen Darstellungen der bildenden Kunst<br />
zwar scheint, als ob der Karakterausdruk und der Bewegungsausdruk die Schönheit begründe und trage; dass<br />
aber dieses blosse Täuschung ist, die bei einer gründlichen Einsicht verschwindet; [...].Jene Täuschung entsteht<br />
daraus, dass, wie bereits bemerkt worden, das Allgemeine nur an dem Besonderen, die Gattung nur an dem<br />
Individuum, und das Ideal sowohl als die Schönheit der menschlichen Bildung in der Kunst nur unter der<br />
Modifikazion eines sie bestimmenden Karakters erscheinen können.“<br />
697<br />
Ibid.: „[...] weil sie die Gattungsform bestimmen und auf eine bedeutende Weise modifizieren.“<br />
698<br />
Ibid., p. 362.<br />
699<br />
Ibid.: „unendlichen Mannigfaltigkeit ihrer Individuen.“<br />
700<br />
Ibid.: „unvolkommen und mangelhaft“<br />
701<br />
Ibid., p. 365: „einen bestimten fisiognomischen Karakter, der durch das fisiognomische Gefühl im<br />
Totaleindruck der Gestalt wahrgenommen und verstanden wird.“
138<br />
la conception du caractère selon Jean-Paul Richter 702 dans l’école préparatoire de<br />
l’esthétique (Vorschule der Ästhetik) comme étant une apparition finie issue de l’infinité des<br />
mondes. Or, vu dans l’ensemble, il reste plutôt fidèle au système de déchiffrage optique de Le<br />
Brun, 703 en orientant sa conception du caractère artistique d’après des critères pour la plupart<br />
physiognomiques, pathognomiques et physiologiques, 704 c’est-à-dire fondamentalement selon<br />
l’aspect extérieur, mais il ne l’interprète en aucun cas au sens phrénologique que lui confère<br />
un certain Lavater, 705 comme en témoigne une lettre à Reinhold. 706 Fernow associe la notion<br />
de caractère plutôt en adéquation avec sa définition de la beauté idéale, 707 qu’il assimile,<br />
comme degré d’expression spécifique à l’espèce, au principe de la force d’imagination<br />
artistique 708 et généralement identique à la digression de la forme normale (=caractère du<br />
702 RS, III, p. 68: „Wahr und treffend ist, was Jean Paul Richter in seiner Vorschule der Ästhetik, p. 346 über<br />
diesen Gegenstand sagt. ‘In jedem Menschen - heist es dort - wohnen alle Formen der Menschheit, alle ihre<br />
Charaktere; und der eigene ist nur die unbegreifliche Schöpfungswahl Einer Welt unter der Unendlichkeit von<br />
Welten, der Uebergang der unendlichen Freiheit in die endliche Erscheinung. Wäre das nicht, könten wir keinen<br />
andern Karakter verstehen, oder gar errathen, als unsern wiederholen.“<br />
703 Charles Le Brun présente pour la première fois ses idées esthétiques, orientées vers l’expression des états<br />
d’âme humains, dans le cadre d’un exposé sur Philippe de Champaigne: Sur l’expression générale et<br />
particulière [1668], en empruntant de toute évidence quelques parties du Traité sur les passions [1649], parues<br />
quelques années plus tôt, de René Descartes. Cf. Henri Souchon: «Descartes et Le Brun. Étude comparée de la<br />
notion cartésienne des ‘signes extérieurs’ et de la théorie de l’Expression de Charles Le Brun», in: Les Études<br />
philosophiques, (1980), ps. 427- 458.<br />
704 Cf. RS, III, p. 36: „Stellt er [der Plastiker] seine Gestalt oder Gruppe noch überdies im bestimmten Momente<br />
einer Situazion oder Handlung dar; gibt er ihr, nebst dem fisiognomischen Karakter einen bestimmten<br />
pathognomischen und mimischen Ausdruk, welcher die Bedeutsamkeit und das Leben der Gestalten noch<br />
erhöhet.“ Il énumère comme exemples l’Apollino, Adonis, Antinous, Niobé, Laocoon, l’éscrimeur mourant, ainsi<br />
que le boxeur et l’aiguiseur. En plus du caractère physionomique, Fernow distingue aussi l’expression<br />
pathognomique et mimique de la Gestalt, qu’il n’associe non seulement à l’apparence physique de l’homme,<br />
mais également sur tous les objets de la représentation artistique de la nature organique et anorganique. Celui-ce<br />
ne correspond pas au principe de la beauté objective dans l’art et ne peut plaire que par le mode de représentation<br />
choisi.<br />
705 Johann Caspar Lavater: Physiognomische Fragmente [1775-1778]. A la différence de Le Brun, qui fonde les<br />
représentations de la passion principalement sur la théorie des affects, Lavater va mettre l’accent en majeure<br />
partie sur le saisi sciéniste de la physiognomie humaine. Cf. en édition allemande de Charlotte Steinbrucker:<br />
„Lavaters Physiognomische Fragente im Verhältnis zur bildenden Kunst“, Éd. Wilhelm Bomgräber, Berlin,<br />
1915, ainsi qu‘Eleanora Louis: Die Beredsamkeit des Leibes. Zur Körpersprache in der Kunst, Ilsebill Barta<br />
Fliedl et Christoph Geissmar (Éd.), Éd. Residenz (Veröffentlichungen der Albertina, vol. 31), Salzbourg/Vienne,<br />
1992.<br />
706 Voir la lettre de Fernow adressée à Reinhold, redigée à Berne, le 9 novembre 1793, cité d’après Johanna<br />
Schopenhauer (1810), p. 79: „daβ Lavater von eigentlicher Kunst […] wirklich zu wenig weiβ um Andere zu<br />
bilden, so viele und scharfsinnige Bemerkungen er auch als Physiognom und Psycholog über Menschen gemacht<br />
hat.“<br />
707 Cf. RS, p. 447: „[Kunstschönheit als] schöne Darstellung des Ideals unter karakteristischen Bedingungen.“<br />
708 Ibid., p. 270: „Jenen muss seine Einbildungskraft erfinden.“
139<br />
genre), ceci étant dit que le caractéristique ne représente nullement toujours la «source du<br />
beau dans l’art»: 709<br />
Que le caractéristique, en étant loin d’être […] la beauté en art même, repousse, de par son importance, plutôt la<br />
beauté. 710<br />
Il s’ensuit que Fernow mesure l’idéal de l’art à l’équilibre entre la forme et le contenu. A part<br />
cela, il voit la catégorie la plus haute placée au-dessus du caractère du genre ou la perfection<br />
de la Gestalt dans le mélange réussi entre la grandeur et le sublime:<br />
Au contraire, il y a des digressions du bel équilibre, qui élèvent la perfection et la beauté au-dessus du genre en<br />
l’élevant, par la grandeur et le sublime, vers le divin. 711<br />
D’après Fernow, cette apothéose de l’art reste exclusivement réservée aux Anciens, qui, de<br />
par l’imitation dite idéale, sont vraiment parvenus à l’expression d’une «idée sublime de<br />
grandeur adéquate» 712 dans leurs œuvres. 713 Par conséquent, l’idéal des dieux et des héros de<br />
l’Antiquité lui apparaît comme la meilleure illustration de l’idéal de beauté et, ainsi, du<br />
caractéristique, car:<br />
[…] tout le caractéristique des Gestalten, quel qu’il soit, qui a été produit par des digressions du canon,<br />
correspondant à une certaine notion d’utilité, ou l’idéal pur de la Gestalt. 714<br />
A partir de la réflexion selon laquelle la nature unit tous les archétypes propres aux différents<br />
caractères, qu’ils soient du genre humain ou de nature divine dans son être hétéroclite sous la<br />
forme d’un grand bric-à-brac où, selon Fernow, ils sont représentés «dissipés, et, par<br />
conséquent, jamais purs», 715 il quitte par la suite le terrain de l’éclectio 716 classique, en faveur<br />
709<br />
Ibid., p. 375: „Quelle des Kunstschönen.“<br />
710<br />
Ibid.: „Dass das Karakteristische, weit […] das Kunstschöne selbst zu seyn, vielmehr durch sein Übergewicht<br />
die Schönheit verdrängt.“<br />
711<br />
Ibid., p. 366: „Im Gegentheile giebt es Abweichungen von dem schönen Gleichgewichte, welche die<br />
Volkommenheit und Schönheit der menschlichen Gestalt noch über die Gattung erheben, und sie durch Grösse<br />
und Erhabenheit zum Göttlichen steigern.“<br />
712<br />
Ibid., ss.: „erhabenen Idee angemessenen Grosheit“<br />
713<br />
Il cite dans ce contexte comme exemples les divinités comme Jupiter, Minerve, Juno, Hercule, Vénus etc.<br />
714<br />
Ibid., p. 371: […] alles Karakteristische der Gestalten, sei es welcher Art es wolle, durch bedeutende, einem<br />
bestimmten Zwekbegrif entsprechende, Abweichungen von dem Kanon, oder dem reinen Ideale der Gestalt<br />
hervorgebracht wurde.<br />
715<br />
Ibid.<br />
716<br />
D’après la conception de la théorie antique d’éclectio, surtout nourrie par les anecdotes autour de Zeuxis et<br />
Raphaël, l’atteinte du beau idéal dans l’art est surtout due à la sélection parmi les beautés naturelles.
140<br />
de la valorisation du mérite subjectif de l’artiste 717 dont la tâche est de filtrer, à partir de<br />
l’hétérogénéité de la nature, une unité homogène:<br />
Ainsi l’art anoblit et idéalise aussi de par la Gestalt, et par celle-ci, le caractère qui lui correspond; et la beauté,<br />
qui adhère à l’idéal, se modifie de la même manière et dans la même mesure que la Gestalt, d’après le caractère,<br />
dont elle accompagne l’expression. 718<br />
De même, Fernow considère l’idéal d’homogénéité de la Gestalt comme un privilège de l’art<br />
des Anciens. 719 Ainsi, l’art antique, loin de se borner à la représentation de l’idéal suprême,<br />
comporte également la représentation des caractères plus communs ou plus restreints, étant<br />
donné que le principe idéal (=art), ainsi que le principe individuel (=nature) se trouvent<br />
toujours en opposition:<br />
Ainsi les degrés de l’idéal de l’art se limitent aux formations plus parfaites de la nature; même si le principe<br />
idéal qui est prédominant chez l’un, et le principe individuel, qui est prédominant chez l’autre, maintiennent<br />
toujours un gouffre entre la nature et l’art. 720<br />
C’est pour cette raison que Fernow assimile le manque de style des nouveaux artistes à la<br />
pauvreté esthétique des temps modernes: […] nos artistes n’ont ni de la nature, ni de l’idéal, ni de l’art<br />
même qu’ils pratiquent, une notion juste. 721<br />
Ce manque de notion est aussi à l’origine de la confusion moderne entre la particularité<br />
subjective au sens d’une mise en scène artistique et la beauté objective vue comme<br />
717 Voir Pfotenhauer, 1995, p. 825: „[…] die Eclectio-Lehre (etwa, die Vorstellung vom Erreichen des<br />
Idealschönen durch die Auswahl aus den Schönheiten der Natur, welche durch die Anekdoten um) verschwindet,<br />
damit die zeitlose Vorbildlichkeit der Alten der neuen kritischen die zeitlose Vorbildlichkeit der alten kritischen<br />
Philosophie gemäß als Ideal schöpferischer Subjektleistungen und nicht als Regelkanon der Mimesis behauptet<br />
werden kann.“<br />
718 RS, I, p. 372: „So veredelt und idealisirt die Kunst mit der Gestalt, und durch sie, zugleich auch den Karakter<br />
derselben; und die Schönheit, welche dem Ideal anhängt, modifizirt sich eben so und in demselben Masse wie<br />
die Gestalt, nach dem Karakter, dessen Ausdruck sie begleitet.“<br />
719 Ibid. Dans ce contexte, des divinités et héros de la mythologie gréco-romaine comme p. ex. Apollon, Bacchus,<br />
Mercure, Antinous, Hercule, Dioscure, guerrier, faune, etc. sont évoqués.<br />
720 Ibid., p. 374: „So gränzen die Stufen des Kunstideales an die volkommeneren Bildungen der Natur; obgleich<br />
das idealische Prinzip das in jener, und das individuelle Prinzip das in dieser herscht, zwischen Natur und Kunst<br />
immer eine Kluft erhalten [...].“<br />
721 Ibid.: „[...] weil unsere Künstler weder von der Natur noch vom Ideale, noch von der Kunst selbst, die sie<br />
treiben, einen richtigen Begriff haben.“
141<br />
représentation spinoziste: Le principe est valable seulement chez les modernes: chaque artiste se projette<br />
dans son œuvre. L’artiste antique disparaissait derrière le sien. 722<br />
Par ailleurs, Fernow estime que le principe classique du «pur goût» se trouve dénaturé dans<br />
l’esprit de son temps. Il s’ensuit que la séparation sévère entre tous les genres et les styles<br />
d’art est significative pour la conception de Fernow du beau dans l’art, qui, quant à elle,<br />
résulte fondamentalement de l’observation de la nature et de ses formes caractéristiques. Or,<br />
Fernow met aussi en avant qu’une représentation trop accentuée, comme la «caricature», 723<br />
ne peut jamais être belle, étant donné qu’elle ne correspond pas à la belle présentation de<br />
l’idéal. 724 De même, il se détache nettement de la conception du caractère 725 formulée par<br />
Hirt, qui, suivant le modèle winckelmannien, ne requiert de «l’artiste pensant», 726 «pas<br />
d’œuvres imitées de manière esclavagiste ou sans esprit.» 727 Dans ce contexte, il évoque par<br />
ailleurs la question de l’affect comme une possibilité afin d’exprimer, selon un «signe<br />
essentiel et caractéristique», 728 des états d’âme humains qui sont perceptibles par<br />
l’observateur à travers le «sentiment sympathique.» 729 Ses explications à ce sujet sont, par<br />
moments, indubitablement teintées par la théorie des affects de Le Brun; 730 cependant,<br />
Fernow essaie d’aller plus loin en distinguant, à partir des différences spécifiques aux peuples<br />
quant à la représentation des affects, l’expression du caractéristique comme la vérité<br />
artistique, à l’opposé de la beauté artistique dans le sens d’une représentation idéalisée. 731<br />
L’affect, en tant qu’expression d’un état d’âme humain, est par la suite à catégoriser selon le<br />
722<br />
Ibid., p. 50: „Nur bei den Neueren gilt der Satz: jeder Künstler drükt sich selbst in seinen Werken ab. Der alte<br />
Künstler verschwand hinter dem seinigen.“<br />
723<br />
Ibid., p. 375.<br />
724<br />
Cf. à ce sujet également, KU, § 17, A 58 s.: „Das Charakteristische von dieser Art […] heisst Karikatur.“<br />
725<br />
Aloys Hirt: „Versuch über das Kunstschöne“, in: Die Horen. Eine Monatsschrift, Schiller (Éd.), 1797, (3), 7.<br />
pièce, p. 34: „Unter Charakteristik verstehe ich nemlich jene bestimmte Individualität […] Nur durch die<br />
Beobachtung dieser Individualität kann ein Kunstwerk ein wahrer Typus, ein ächter Abdruk der Natur werden.“<br />
726<br />
JS, p. 357.<br />
727<br />
Ibid., s. Giorgio Vasari: Die Künstler der Raffael-Werkstatt, Alessandro Nova (Éd.), Éd. Wagenbach, Berlin,<br />
2007.<br />
728<br />
Ibid., p. 381: „eigenthümliches, karakteristisches Zeichen.“<br />
729<br />
Ibid.: „sympathetische[n] Gefühl[sl.“<br />
730<br />
Cf. Aloys Hirt: „[…] Leidenschaften der Seelen, und wie diese den Körper rühren“, [1762].<br />
731<br />
Ibid., p. 378: „[…] durch den Ausdruck des Karakteristischen eigentlich nur die Kunstwahrheit, nie die<br />
Kunstschönheit einer Darstellung bewirkt werden kann.“
142<br />
caractère individuel 732 et le caractère idéal. Le premier correspond à l’état naturel de l’âme<br />
humaine et comprend non seulement le caractère physiognomique, en tant qu’expression du<br />
mouvement, mais également le caractère maladif du pathognome et le caractère mimique, qui<br />
n’est autre que celui de l’âme. Ce deuxième s’oriente principalement vers l’idéal de l’art (=le<br />
beau dans l’art) et, par conséquent, ne peut jamais être d’ordre pathognomique, mais<br />
uniquement d’ordre physionomique ou mimique, étant donné que la laideur s’oppose tout<br />
naturellement au beau. Alors que l’état dit naturel incorpore toutes les formes du caractère<br />
individuel, le beau dans l’art se borne pour lui en règle générale exclusivement aux formes du<br />
caractère idéal. 733 Au terme de ces considérations, Fernow établit même un parallèle avec<br />
l’art du spectacle (Schauspielkunst), et plus précisément la pantomime, car l’artiste des arts<br />
plastiques et le comédien ont, d’après sa conviction, en commun qu’ils cherchent, chacun à sa<br />
façon, à atteindre l’idéal de la représentation artistique. Quant à cela, la beauté de l’expression<br />
mimique se réfère avant tout à la façon de paraître de la Gestalt, et, de ce fait, ne peut être<br />
produite que par le charme, la grâce ou la dignité ou d’autres formes d’expression basiques<br />
suscitant la sympathie ou l’émotion, ce qui exclut donc le caractère pathognomique. En<br />
l’occurrence, l’état pathognomique est aussi un sujet de la pantomime, qui n’est pas rendu de<br />
manière hasardeuse, mais de façon idéale. Au fond, la vraie beauté de la représentation<br />
réside, selon Fernow, dans l’harmonie de l’âme humaine, ce qui fait à la fois penser à l’état<br />
néoplatonicien d’une monade reposant sur elle-même, ou l’inébranlable de l’âme des<br />
Stoïciens. Par ailleurs, Winckelmann se prononce également, dans les Pensées sur l’imitation<br />
sur l’importance de la sensation intérieure pour la représentation du caractère, qui a également<br />
dû inspirer Fernow:<br />
732 Dans ce contexte Fernow critique la production d’art de son temps, en se référant surtout aux œuvres de De<br />
Vinci, Raphaël, Dürer, Holbein et le théâtre de Goldoni, Ifland et Kotzebue, car, selon sa conception, ces<br />
derniers n’opèrent pas de façon idéale et caractéristique, mais de manière individuelle et caractéristique, en<br />
représentant premièrement les hasards et aléas de l’existence humaine, mais sans les esthétiser par l’idéalisation.<br />
733 Fernow s’en prend ici manifestement aux méthodes didactiques de l’école française, comme par exemple la<br />
représentation des affects selon Charles le Brun: Sentiments des plus habiles peintres (1696) et Sur l’expression<br />
générale et particulière, (1698) [Discours officiel devant l’Académie royale de beaux-arts à Paris].
143<br />
La sensation intérieure forme le caractère de la vérité; et le dessinateur, qui veut donner le même à ses<br />
académies, n’arrivera pas à obtenir une ombre du vrai, sans se substituer à ce que n’éprouve pas une âme calme<br />
et indifférente au modèle, ni par une action qui peut exprimer ce qui est propre à une certaine sensation ou<br />
passion. 734<br />
A part cela, on pourrait également penser, comme l’évoque par ailleurs Herbert von Einem, à<br />
la notion d’humaniora 735 chez Kant. Cet état est réservé à l’individu dit idéal, 736 exprimant le<br />
caractère de l’espèce, contrairement à l’état de l’individu de la nature, 737 de manière parfaite<br />
et harmonieuse:<br />
Une telle image idéale est un individu, qui n’est concevable qu’en art, qui, à la différence de n’importe quel autre<br />
individu de la nature, n’est plus le produit du hasard mais contient d’autant plus d’essence; il s’ensuit, par<br />
nécessité, que la représentation idéale exprime un objet d’art, la notion d’utilité, ou la nature de celui-ci, d’une<br />
façon plus définie, plus pure, plus complète, avec aussi une plus grande vérité de son caractère particulier, que<br />
l’imitation la plus fidèle pourrait le faire. 738<br />
En ce qui concerne la question du style, il parvient à la conclusion suivante:<br />
Il n’y a qu’un seul style qui est à la fois pur et exemplaire, comme il n’y a qu’un seul goût qui est à la fois bon et<br />
juste […] Le style d’un tableau est le caractère esthétique qui se fonde objectivement, et qui, dans chaque art, est<br />
défini par l’idéal de celui-ci, et dans chaque représentation par la relation entre l’individuel et l’idéal, qui réside<br />
dans la notion du sujet. 739<br />
734<br />
Cf. Winckelmann in: Gedancken zur Nachahmung der griechen Kunstwerke in der Mahlerey und<br />
Bildhauerkunst, op. cit., p. 14: „Die innere Empfindung bildet den Charakter der Wahrheit; und der Zeichner,<br />
welcher seinen Academien denselben geben will, wird nicht einen Schatten des wahren erhalten, ohne eigene<br />
Ersetzung desjenigen, was eine ungerührte und gleichgültige Seele des Modells nicht empfindet, noch durch eine<br />
Akzion [sic], die einer gewissen Empfindung oder Leidenschaft eigen ist, ausdrücken kann.“<br />
735<br />
Voir KU, § 60: „Die Propädeutik zu aller schönen Kunst, sofern es auf den höchsten Grad ihrer<br />
Vollkomenheit angelegt ist, scheint nicht in Vorschriften, sondern in der Kultur der Gemütskräfte durch<br />
diejenigen Vorkenntnisse zu liegen, welche man Humaniora nennt: vermutlich, weil Humanität einerseits das<br />
allgemeine Teilnehmungsgefühl, andererseits das Vermögen, sich innigst und allgemein mitteilen zu können,<br />
bedeutet […].“<br />
736<br />
Ibid., p. 392.<br />
737<br />
Ibid., p. 395.<br />
738<br />
Ibid., p. 393: „Ein solches Idealbild ist nur durch Kunst mögliches Individuum, welches nichts Zufälliges und<br />
mehr Wesentliches enthält, als irgend ein Individuum der Natur enthalten kan; woraus also nothwendig folgt,<br />
dass die idealische Darstellung eines Naturgegenstandes, den Zwekbegrif oder das Wesen desselben bestimmter,<br />
reiner, volständiger, also auch mit grösserer Wahrheit seines eigenthümlichen Karakters, ausdrükt, als es die<br />
treueste Nachahmung vermag.“<br />
739<br />
Ibid., p. 38 s.: „Es gibt nur einen reinen, musterhaften Stil, so wie es nur einen guten und richtigen<br />
Geschmack gibt. [...] Der Stil eines Bildwerks ist nämlich der objektiv-bedingte ästhetische Karakter desselben,<br />
der in jeder Kunst durch das Ideal derselben, und in jeder einzelnen Darstellung durch das in dem Begriffe des<br />
Gegenstandes gegründete Verhältnis des Individuellen zum Ideale bestimmt wird.“
144<br />
Il s’ensuit que Fernow se prononce manifestement pour l’idéal du style pur servant de modèle,<br />
qu’il mesure selon le caractère esthétique qu’il fonde de façon objective, à partir de la relation<br />
entre l’individuel et l’idéal. Or, il ne conteste pas le fait qu’il n’y ait pas une forme idéale pure<br />
dans la nature, selon la théorie de l’éclectio, mais il se réfère à «un schéma ou un archétype<br />
issu de la nature», 740 se manifestant dans l’art du style de par la Gestalt:<br />
Le style comporte tous les éléments de la représentation, mais, dans le domaine des arts plastiques, se fixe<br />
principalement sur la Gestalt (chaque représentation doit porter en elle-même ce double caractère, qui définit<br />
l’idéal de l’art). Le caractère individuel, comme le celui de Dédalus, ne peut être exprimé qu’à travers les<br />
formes et les relations qui lui sont propres; et tous les deux dépendent, dans chaque cas particulier, de la notion<br />
de l’objet à représenter. 741<br />
Ce faisant, Fernow cherche à accorder la maxime de l’idéalisation du caractère avec le<br />
postulat de la vérité individuelle. Ainsi, il n’est point étonnant, qu’il occupe quasiment, dans<br />
la discussion sur le Laokoon, 742 le rôle d’un médiateur théorique, entre Lessing, Winkelmann<br />
et Hirt, comme le constate d’ailleurs Arthur Schopenhauer: 743<br />
Les principes sur l’art de Winkelmann et de Lessing sont indéniablement insuffisants, si on veut les considérer et<br />
appliquer comme étant des fondements pleinement valables de l’art, à tous égards. Mais aussi le principe de Hirt<br />
sur le caractéristique ne l’est pas moins; et s’il accuse ses deux grands prédecesseurs d’unilatéralité, ce même<br />
reproche retombe d’autant plus sur lui-même, qu’il cherche justement à imposer, de manière beaucoup plus<br />
explicite et exclusive que ces premiers le leur, son principe du caractéristique comme étant le fondement<br />
supérieur de l’art antique, et comme étant le seul fondement des arts plastiques. 744<br />
740 Ibid. p. 39 s.: „der Natur zum Grunde liegende[s] S c h e m a oder U r b il d.“<br />
741 Ibid., p. 43: „Der Stil umfasst alle Theile der Darstellung, doch haftet er in der bildenden Kunst vornemlich<br />
an der Gestalt. Der individuelle sowohl als der idealische Karakter einer Gestalt (jede Darstellung mus diesen<br />
zwiefachen Karakter, der das Kunstideal ausmacht, an sich tragen) kann nur durch die Formen und Verhältnisse<br />
derselben ausgedrückt werden; und beide sind in jedem besonderen Falle von dem Begriffe des darzustellenden<br />
Gegenstandes abhängig.“<br />
742 Cf. au sujet de la discussion autour du Laokoon Marie-Christin Wilm: „Laokoons Leiden. Oder über eine<br />
Grenze ästhetischer Erfahrung bei Winckelmann, Lessing und Lenz“, in: Ästhetische Erfahrung: Gegenstände,<br />
Konzepte, Geschichtlichkeit, (online-publication du Sonderforschungsbereich 626), Berlin, alinéas 1-25:<br />
http://www.sfb626.de/veroeffentlichungen/online/aesth_erfahrung/aufsaetze/wilm.pdf (consultée le 14.03.2009).<br />
743 RS, I, p. 258.<br />
744 Cf. RS, I, „Über das Kunstschöne“, ici p. 441: „Unläugbar sind also Winkelmanns und Lessings<br />
Kunstprinzipe, wenn man sie als volgültige Grundsätze der Kunst betrachten und anwenden will, dazu in jeder<br />
Hinsicht unzulänglich. Aber auch Hirts Prinzip der Karakteristik ist es nicht weniger; und wenn er seine beiden<br />
grossen Vorgänger der Einseitigkeit beschuldigt, so fällt derselbe Vorwurf noch stärker auf ihn selbst zurük,<br />
wenn er weit ausdrüklicher und ausschliessender als jene beiden das ihrige, sein Prinzip der Karakteristik als
145<br />
A partir de l’exemple du Laokoon, Fernow formule ainsi le postulat du beau comme étant<br />
l’utilité supérieure, tout en subordonnant le caractéristique à l’idéal, en lui attribuant<br />
cependant une place intermédiaire située entre la beauté et l’idéal. Il légitime ensuite, comme<br />
Kant, «l’utilité que l’art doit [remplir] pour l’homme» 745 comme étant l’objectif principal de<br />
cet ensemble esthétique, dont le but est de plaire et de «divertir l’âme de façon esthétique.» 746<br />
De cette sorte, «l’état du libre équilibre de toutes les forces de l’âme» 747 est atteint, qui est «le<br />
plus approprié à la nature humaine» 748 et qui «réjouit l’âme de façon harmonieuse et<br />
vitalisante.» 749 De par cette corrélation entre l’esprit et la nature, «l’âme [doit se sentir] libre<br />
de toute obligation et quand même occupée», 750 afin de se trouver ainsi dans «l’état du libre<br />
jeu des facultés de connaissance.» 751 A part cela, Kant oriente le plaisir généralement vers le<br />
beau (=l’art), au bien (=la morale) et vers l’agréable (=la jouissance), en mettant toujours le<br />
désintérêt de l’objet esthétique au premier plan. Il faut opposer à cette notion du beau le<br />
sublime, qui provoque un état d’émotion libre (p. ex. la mouvance), en formant ainsi un pôle<br />
diamétralement opposé à l’état de l’équilibre libre (=contemplation calme). Le sentiment du<br />
sublime est par contre conditionné par «un drôle de mélange entre l’inutile et l’utile.» 752 Ce<br />
qui est étonnant ici, c’est que Fernow va, à partir de cette problématique de base, déduire le<br />
principe idéal de l’art, qu’il considère, par rapport à l’homme, selon l’idée esthétique normale<br />
comme «le pur idéal de la Gestalt, dans la mesure où elle est seulement l’idéal de l’utilité<br />
extérieure de la formation humaine.» 753 Suivant cette logique, il part de l’idéal de l’utilité<br />
obersten Grundsaz der alten Kunst, und als den einzig wahren Grundsaz der bildenden Kunst überhaupt<br />
aufstellen will.“<br />
745 Voir I. Fernow, 1936, p. 20: „Zweck, den die Kunst um des Menschen willen.“<br />
746 RS, II, p. 102: „Gemüt ästhetisch zu beschäftigen.“<br />
747 RS, I, p. 383: „Zustand des freien Gleichgewichts aller Gemütskräfte.“<br />
748 Ibid.: „Ideal der menschlichen Natur am angemessensten.“<br />
749 RS, III, p. 129: „Gemüt harmonisch beleb[t] und erfreu[t].“<br />
750 RS, II, p. 25: „Gemüt von aller Bestimmung frei und doch beschäftigt.“<br />
751 Voir Kant, KU, § 9, A 28: „Also muβ der Gemütszustand in dieser Vorstellung der eines Gefühls des freien<br />
Spiels der Vorstellungskräfte an einer gegebenen Vorstellung zu einem Erkenntnisse überhaupt sein.“<br />
752 Cf. I. Fernow, 1936, p. 34: „merkwürdige Verbindung von Zweckwidrigkeit und Zweckmäßigkeit.“<br />
753 Ibid.: „blosse Ideal der Gestalt, insofern es eigentlich nur das Ideal der äusseren Zweckmässigkeit der<br />
menschlichen Bildung ist.“
146<br />
intérieure, qu’il définit comme étant «la nature spirituelle de l’homme, dans le sens où elle<br />
peut devenir visible elle-même.» 754 En ce qui concerne la forme artistique, il évalue, à l’instar<br />
de Kant, la forme et la matière selon l’utilité. Il formule son idée de base comme suit: «La<br />
matière est d’après sa nature seulement réelle et ne peut pas être idéalisée comme la<br />
forme.» 755 Il en déduit en l’occurrence que la matière (p. ex. le coloris) peut être soumise à un<br />
traitement idéal, alors que la laideur de la forme, le véritable dégoûtant chez Kant, est à<br />
exclure comme objet de la représentation en art, étant donné qu’il porte atteinte au plaisir<br />
esthétique. De même, Fernow considère, tout comme Kant, deux sortes de grandeur: la<br />
grandeur «intérieure, intensive» et la grandeur «élargie, extensive.» 756 Par ailleurs, il distingue<br />
la grandeur extensive (quantitas), de la grandeur intensive (magnitudo) et intérieure<br />
(grandiosità). Dans ce contexte, la grandeur intensive est à situer au-dessus de la grandeur<br />
extensive, étant donné que seulement cette première:<br />
[…] [émeut] le sens intérieur, [s’empare de] l’âme, et qui [est] si indispensable à l’expression de la grandeur<br />
dans les œuvres des arts plastiques, de sorte qu’un colosse n’apparaît pas grand, s’il lui manque la grandeur<br />
intérieure. 757<br />
De ce principe résulte aussi pour Fernow l’opposition entre la sculpture et l’architecture, et il<br />
constate:<br />
De toute façon l’architecture est moins capable d’incarner la grandeur intérieure, que plutôt la sculpture [et]<br />
qu’elle augmente […] de par la grandeur et le sublime, vers le sublime [et ce faisant] met en jeu la faculté<br />
sympathique du spectateur [et] impressionne notre cœur. 758<br />
De la même manière, il conçoit la grandeur extensive comme étant un décalage positif de<br />
l’idée normale, 759 il isole par la suite la grandeur extensive (=extérieure) de la grandeur<br />
754 Ibid: „geistige[n] Natur des Menschen, insofern diese sichtbar an derselben erscheinen kann.“<br />
755 Cf. RS, II, p. 206: „Die Materie ist ihrer Natur nach bloss real und lässt sich nicht idealisieren wie die Form.“<br />
756 RS, II, p. 267: „innere, intensive“ et „ausgedehnte, extensive Gröβe.“<br />
757 Ibid., f.: „[…] den inneren Sinn [rührt], das Gemüth [ergreift], und für den Ausdruck der Größe in Werken<br />
der bildenden Kunst so unentbehrlich [ist], dass auch ein Koloβ nicht groß erscheint, wenn ihm die innere Größe<br />
mangelt.“<br />
758 RS, II, p. 366 ss.: „Überhaupt ist weniger die Baukunst fähig, die innere Größe zu verkörpern, als vielmehr<br />
die Bildnerei, da sie die „Vollkommenheit der menschlichen Gestalt […] durch Größe und Erhabenheit zum<br />
Göttlichen steigert [und] das sympathetische Vermögen des Betrachtenden mit ins Spiel [zieht] [und somit<br />
imstande ist] auf unser Herz zu wirken.“
147<br />
intensive (=intérieure). En outre, Fernow met en question la possibilité d’une représentation<br />
parfaite de l’idée normale (=l’idée de la raison) comme le juge par exemple Kant, de par les<br />
formes géométriques dans la mathématique comme étant «complètement et concrètement» 760<br />
possible. Par la suite, il le conteste «si jamais un artiste s’est imaginé une telle image<br />
géométrique dans cette pureté tout à fait abstracte et vide.» 761 De même, il pense que la<br />
représentation de l’idée normale (l’utilité intérieure chez Kant) «dans cette pureté parfaite est<br />
impossible à concevoir.» 762 Vu dans l’ensemble, on observe également qu’il s’opère chez<br />
Fernow un déplacement d’accent par rapport à Kant. Tandis que ce dernier idéalise la forme<br />
pure, tout en négligeant le caractéristique, en cherchant «non pas une augmentation en<br />
définition individuelle, mais une augmentation du contenu idéel», 763 Fernow n’envisage donc<br />
pas le «canon géométrique de la Gestalt» („geometrische[n] Kanon der Gestalt“) comme<br />
finalité supérieure, mais l’individualité de ce qui est représenté. Et cette individualisation du<br />
général comme étant le secret du sens artistique est étroitement liée à l’enthousiasme de<br />
l’artiste, ce qui sera le sujet du prochain chapitre.<br />
759 Cf. Irmgard Fernow, 1935, p. 39<br />
760 Kant, KU, § 25, A 80 s.: „Vom Mathematisch-Erhabenen.“Cf. aussi HE, p. 88: „völlig in concreto.“<br />
761 RS, I, p. 348: „[…] ob je ein Künstler sich ein solches bloss geometrisches Bild in dieser durchaus abstrakten<br />
Reinheit und Leerheit vorgestellt oder gebildet habe.“<br />
762 RS, I, p. 355: „in dieser vollkommenen Reinheit für undarstellbar.“<br />
763 HE, p. 89: „nicht eine Zunahme an individueller Bestimmtheit, sondern eine Zunahme an idealem Gehalte.“
148<br />
III. 3. De l’enthousiasme de l’artiste: «…cette inspiration divine»<br />
Fernow débute son traité intitulé «De l’enthousiasme de l’artiste» par le postulat suivant: Seul<br />
l’ecclésiastique devrait parler du sacré, seul l’artiste devrait parler de l’enthousiasme. 764<br />
De par cette adéquation entre l’art et le sacré, il légitime par la suite la définition de<br />
l’enthousiasme artistique comme inspiration divine, comme secret, qui ne peut pas être<br />
expliqué par le logos de la raison sobre:<br />
Mais l’artiste se satisfait de l’effet; la façon dont il le produit reste aussi un secret pour lui. A vous, cher ami<br />
[=Eberhard Wächter], cette disposition géniale n’est pas étrangère. Dans toutes vos sensations, qui, comme un<br />
libre produit de votre imagination issu d’un sujet choisi par vous-même, portaient dans votre bélisar, votre<br />
famille sainte, dans votre hiob, et d’autres, que j’ai encore vu de vous à Rome, l’empreinte du véritable<br />
enthousiasme est infaillible, qui ne se laisse ajouter à aucune œuvre de la raison sobre, ou de simples talents<br />
techniques. 765<br />
Comme dans la monographie d’Arioste, Fernow demande ici, probablement pour des raisons<br />
tactiques et afin d’influencer de manière positive l’accueil de l’œuvre, une «réception<br />
indulgente» 766 de son traité, vu qu’il est tout à fait conscient de la problématique que pose sa<br />
définition de l’enthousiasme de l’artiste comme «inspiration divine»:<br />
Que ces quelques feuilles trouveront une réception plus indulgente que parmi certains artistes et connaisseurs<br />
pour lesquels le génie est une chose fâcheuse et l’enthousiasme une bêtise car, ni de l’un ni de l’autre, ils n’ont<br />
764 Voir ici et dans ce qui suit le traité intitulé „Über die Begeisterung des Künstlers“, RS, I, p. 253: „Nur der<br />
Geweihte sollte vom Heiligen, nur der Künstler vom Enthusiasmus sprechen.“ Cf. la réflexion sur<br />
l’enthousiasme de l’artiste, formulée par Dante Aligheri: «Ô puissance d’imaginer, toi qui nous emportes parfois<br />
si loin de nous qu’on ne s’aperçoit pas que sonnent alentour mille trompettes, qui ne te mets pas en mouvement,<br />
si les sens ne t’excitent», in: Georges Kraft, 1000 citations sur l’œuvre d’art, Éd. Ellipses, Paris, 1993, p. 26.<br />
765 Ibid., p. 253: „Aber dem Künstler genügt die Wirkung; wie er sie hervorbringt, bleibt auch ihm ein<br />
Geheimnis. Ihnen, werther Freund [Eberhard Wächter], ist diese genialische Stimmung nicht fremd. In allen<br />
ihren Empfindungen, die ein freies Erzeugnis Ihrer Einbildungskraft aus einem selbstgewählten Stoffe waren in<br />
Ihrem Belisar, in Ihrer Heiligen Familie, in Ihrem Hiob, und anderen, die ich noch in Rom von Ihnen gesehen,<br />
ist der Stempel echter Begeisterung unverkenbar, der sich keinem Werke des nüchternen Verstandes, oder einer<br />
blos technischen Kunstfertigkeiten, anfügen lässt.“<br />
766 Cf. la dédicace à Wieland, figurant dans l’avant-propos de Leben Ludovico Ariosto’s des Götlichen, Éd.<br />
Gessner, Zurich, 1809.
149<br />
jamais éprouvé une étincelle en eux-mêmes. Je souhaiterais seulement indiquer l’indicible; et si vous trouvez<br />
encore de l’un ou de l’autre la trace d’une idée juste de cette inspiration divine. 767<br />
Afin de mieux évaluer la conception de l’enthousiasme artistique fernowienne, une<br />
clarification de sa conception du génie s’impose. Dans un premier temps, celle-ci repose chez<br />
lui, tout comme chez Schiller, essentiellement sur «la liberté de l’artiste qui est l’élément du<br />
génie.» 768 Dans ce contexte, il distingue strictement l’artiste de l’artisan:<br />
Le talent imitateur, dont les niveaux inférieurs se perdent dans la main d’œuvre pure, et le talent créateur, dont<br />
on désigne les niveaux supérieurs de préférence par le mot génie, se limitent réciproquement en ce qui concerne<br />
le don artistique de multiples façons et produisent d’innombrables nuances, allant du plus haut au plus bas, entre<br />
le génie d’un Michel-Ange ou d’un Raphaël et le talent appauvri d’un peintre romain d’armoiries et de<br />
cornichons. 769<br />
De même, Fernow sépare le «bon dessinateur» du «bon coloriste» et, en analogie, entre le<br />
«talent de l’invention » du «talent de l’imitation de la réalité.» 770 Ainsi, le degré de formation<br />
du talent artistique est principalement décisif pour la définition de génie. Ce qui est intéressant<br />
ici, c’est surtout la réflexion fernowienne sur la comparaison entre l’artiste et l’artisan, dans<br />
laquelle il distingue, tout comme Kant, 771 le sens supérieur, le sens pour la forme (Sinn für die<br />
Form) et le sens artistique inférieur ainsi que le sens pour le caractère matériel (Sinn für den<br />
materiellen Charakter):<br />
767<br />
RS, III, préface et JS, p. 342: „Werden darum diese wenigen Blätter eine nachsichtsvollere Aufnahme finden,<br />
als bei gewissen, durchaus verständigen Künstlern und Kennern, denen Genie ein Ärgernis und Begeisterung<br />
eine Thorheit ist, weil sie weder von dem einen noch von der andern je einen Funken in sich verspürten. Ich<br />
wünschte das Unaussprechliche blos anzudeuten; und wenn sie die Spur einer richtigen Ahndung jenes<br />
göttlichen Anhauches darin finden.“<br />
768<br />
Voir pour cette citation la monographie de Carstens, op. cit., p. 39: „Freiheit ist das Element des Genius.“<br />
769<br />
Ibid., p. 188: „Das nachahmende Talent, dessen untere Grade sich in bloβes Handwerk verlieren, und das<br />
schöpferische Talent, dessen höhere Grade man vorzugsweise durch das Wort Genie bezeichnet, beschränken<br />
einander wechselseitig in der Kunstanlage auf die mannigfaltigste Art und bringen jene zahllosen Abstufungen<br />
hervor, welche zwischen dem Höchsten und Niedrigsten, zwischen dem Genie eines Michelangelo und Raffael<br />
und dem armseligen Talent eines römischen Wappen- und Gurkenmalers liegen.“<br />
770<br />
RS, II, p. 181: „gute[n] Zeichner“, „guten Koloristen“, „Talent der Erfindung“ et le „Talent zur<br />
Nachahmung der Wirklichkeit.“<br />
771<br />
Voir Kant, § 43, A 174: „Wird auch Kunst vom Handwerk unterschieden; die erste heiβt freie, die andere<br />
kann auch Lohnkunst heiβen.“ L’abbé Pierre fait une première distinction quant à la compétition des arts dans<br />
son traité «Les beaux-arts réduits à un même principe», Paris, 1747.
150<br />
Le sens pour la forme, qui repose sur l’imagination, va plus souvent de pair avec le talent de l’invention – à<br />
l’opposé, le sens pour le caractère matériel des objets va plus habituellement de pair avec le talent de l’imitation<br />
du vrai dans la société. 772<br />
Pour Fernow, le bel art comme invention est forcément l’art du génie; 773 mais, pourtant, il<br />
n’exclut nullement la possibilité d’une imitation matérielle de la réalité, comme la pratique<br />
l’artisan. Ce qui est décisif pour l’épanouissement du talent artistique, c’est d’après lui la<br />
faculté du talent imitateur, qui «selon des règles académiques et doté d’une technique<br />
scientifique exercée, est capable de composer une œuvre de façon artistique.» 774<br />
En règle générale, il différencie donc la production des objets d’art habituels et la création des<br />
œuvres d’art exceptionnelles, qu’il considère comme étant un privilège du génie, qui,<br />
appartenant à une sphère supérieure, a atteint le degré le plus haut de la formation artistique.<br />
Ainsi, il correspond aux règles objectives de l’art de par sa «force originelle.» 775 Dans ce<br />
contexte, on pensera également au mythe classique de Pygmalion, en complétant, d’après<br />
Helmut Pfotenhauer, 776 cela par l’instance transsubjective sous la forme d’une déesse qui<br />
insuffle la vie à l’œuvre de l’artiste. Le philosophème de Henri-Louis Bergson sur l’élan vital,<br />
la vis vitalis vue, selon Manfred Naumann, comme une ‘force évolutionnaire comme<br />
spirituelle’ 777 y paraît aussi congruent. Cette dernière ne peut pas être saisie par la raison,<br />
mais seulement par l’intuition et se manifeste dans le milieu artistique, comme dans le<br />
772 Ibid., p. 180 s.: „Mit dem Sinne für Form, der in der Einbildungskraft beruhet, findet sich häufiger das Talent<br />
der Erfindung - mit dem Sinne für den materiellen Karakter der Gegenstände hingegen gewöhnlicher das Talent<br />
zur Nachahmung des Wirklichen vergesellschaftet.“<br />
773 Ibid., § 43, A 178: „Schöne Kunst ist Kunst des Genies.“<br />
774 Ibid., p. 188 s.: „[…] nach Schulregeln und mit wissenschaftlicher Technik wohl ausgerüstet und geübt, eine<br />
Komposition kunstmässig zusammenzustellen [kann].“ Dans ce contexte, il nomme Raphael Mengs comme le<br />
«représentant de tous les artistes doués» („Repräsentanten aller geschickten Künstler“), cf. également Fernow,<br />
introduction, p. 259 ss., tout comme van Huysum et Claude Gelée.<br />
775 Cf. à ce sujet les propos de Helmut Pfotenhauer, VRW, p. 43: „Nicht der Keim, der von Anfang an da ist und<br />
sich immer wieder ausfaltet, bestimmt das Leben, sondern eine spezifisch biologische Organisationskraft, die im<br />
Andersgeschlechtlichen das Eigene neu produziert, also eine nicht uranfängliche, sondern nachfolgende Genese<br />
(Epigenesis) bewirkt.“<br />
776 Ibid.: „Platonisches Erbe macht sich geltend; trotz des herbeizitierten Pygmalion-Mythos, demzufolge das<br />
Werk des Künstlers selbst ja lebendig wird, er also aus sich heraus schafft. Aber offenkundig muß man hier die<br />
Göttin des antiken Mythos hinzudenken, die Leben einhaucht und ohne die als transsubjektive Instanz<br />
Inspiration nicht möglich wäre.“<br />
777 Cf. Manfred Naumann: Lexikon der französischen Literatur, Bibliographisches Institut (Éd.), Leipzig, 1987:<br />
„evolutionären wie geistigen Kraft.“
151<br />
domaine scientifique. 778 En ce qui concerne la légitimation du génie artistique, le<br />
Kunstgenius, comme Fernow l’appelle, on constate que celle-ci s’insère à la fois dans le<br />
champ de tension situé à mi-chemin entre la philosophie transcendantale de Kant et<br />
l’idéalisme esthétique de Schiller, étant donné qu’il s’inspire des deux systèmes<br />
équitablement. Ainsi, il désigne la force créatrice tout à fait au sens de la conception<br />
kantienne comme «don naturel», 779 qui est «remis par la nature», 780 et, pour cette raison, il<br />
est seulement réservé au génie:<br />
[…] que chaque élargissement légitime [de l’imagination créatrice] soit l’affaire du libre talent du génie<br />
créateur, qui s’ouvre lui-même de nouvelles voies, […] là où la raison la plus lucide […] manque de théories. 781<br />
Ainsi, Fernow conteste ici decidément le principe sur la didactique de l’art, car il élève<br />
l’esprit créateur de l’artiste au-dessus de la raison la plus brillante. Contrairement à Kant, il<br />
autorise au génie le dépassement de la règle kantienne, la Verstandesregel, en légitimant cette<br />
transgression paradoxalement par ce même postulat kantien de l’originalité artistique: 782<br />
[…] ses digressions de la règle, même ses débordements [incitent] l’admiration et non pas le refus de la part de la<br />
critique […] des idées inimitables sont un privilège du génie. 783<br />
Contrairement à cela, Kant considère l’art arbitraire comme «liberté anarchique» qui ne<br />
produit «rien que du non-sens» 784 et qui, pour cette raison, doit être tempéré:<br />
«[…] afin d’éviter qu’il transgresse les limites du vrai, du beau et du sublime dans le feu et<br />
l’élan de l’imagination.» Or, Fernow admet, quant à cela, que «le génie aussi admirable qu’il<br />
puisse être […] n’est qu’une force naturelle aveugle, un talent quasiment instinctif.» Or, pour<br />
778<br />
Henri Bergson: Denken und schöpferisches Werden, Éd. EVA TB, Francfort/M., 1993. Cf. aussi l’étude de<br />
Mirjana Vrhunc: Bild und Wirklichkeit, Zur Philosophie Henri Bergsons, Éd. Fink, Munich, 2002.<br />
779<br />
KU, § 46, A 178 s.: „Genie ist das Talent [Naturgabe], welches der Kunst die Regel gibt.“<br />
780<br />
Voir le Neue Teutscher Merkur, 1795, SB 5, 22.<br />
781<br />
RS, III, p. 41 s.: „[…] jede erlaubte Erweiterung dem freien Vermögen des schöpferischen Kunstgeistes<br />
überlassen, der auch da sich neue Bahnen öffnet, […], wo der helleste Verstand […] mit [seinen] Theorien zu<br />
kurz [kommt].“ Cf. Kant § 46, A 180: „Genius, dem eigenthümlichen, ein bei der Geburt mitgegebenen,<br />
schützenden und leitenden Geist.“<br />
782<br />
KU, § 46, A 182: „[…] dass Genie ein Talent sei […] folglich daβ O r i g i n a l i t ä t seine erste Eigenschaft<br />
sein müsse.“<br />
783<br />
RS, II, p. 91: „[…] seine Abweichungen von der Regel, selbst seine Ausschweifungen […] [nötigen] der<br />
Kritik statt Tadel Bewunderung [ab] […] unnachahmliche Einfälle sind ein Vorrecht des Genies.“<br />
784<br />
Ibid: „gesetzlosen Freiheit [die] nichts als Unsinn hervor[bringt].“
152<br />
résoudre ce conflit apparent, il distingue par la suite entre deux sortes d’affect: d’un côté, c’est<br />
le génie divin (dominé par son talent créateur) et, de l’autre, c’est le génie primitif (guidé par<br />
son instinct primitif). Tandis que ce premier est réductible à un état d’âme positif (des<br />
émotions supérieures, la compassion), ce dernier est défini par un état d’âme négatif (des<br />
émotions inférieures, le dégoût). Généralement, il part du principe selon lequel:<br />
L’affect est un état de souffrance, qui limite la liberté de l’âme et qui le force à une tension et une orientation<br />
arbitraire de ses forces [vers ou de ce même objet] ou son idée […] [L’affect] est aveugle, soit en ce qui concerne<br />
le choix de sa finalité, soit, si celui-ci est dicté par la raison, en ce qui concerne le choix des moyens pour<br />
l’atteindre. 785<br />
Pour cette raison, Fernow rejette de façon catégorique toute restriction du génie: «Le génie<br />
[…] agit même dans les plus grands degrés de l’enthousiasme avec calme et liberté», étant<br />
donné «qu’il est formé par le bon goût.» 786 Le bon goût devient ainsi le modulateur de l’affect<br />
aveugle, étant donné que l’artiste génial est, de par la «force de sa personnalité», 787 tout à fait<br />
capable de juger de manière objective, afin «d’être pénétré, soulevé, enthousiasmé, mais non<br />
pas dominé», 788 ce qui implique en même temps le principe de la maîtrise technique. Mais<br />
Fernow va encore plus loin et distingue au delà l’enthousiaste (dominé par les affects) de<br />
l’enthousiasme du génie (porté vers les idées), tout en différenciant clairement dans la même<br />
mesure, l’enthousiasme du fanatisme (qu’il soit religieux, politique ou patriotique).<br />
De même, il définit l’enthousiasme moral (humanitaire) et l’enthousiasme esthétique<br />
(artistique):<br />
Comme il existe pour l’activité des êtres dotés de raison seulement trois sujets d’une aspiration absolue, à savoir<br />
le vrai, le bon et le beau, de même il n’y a que trois sortes de véritable enthousiasme […] à savoir<br />
785 Ibid., p. 255.: „Der Affekt ist ein leidender Zustand, der die Freiheit des Gemüts hemmt und es zu einer<br />
unwillkürlichen Spannung und Richtung seiner Kräfte [zu oder von dem Gegenstande] oder der Vorstellung<br />
desselben nötigt […] [Der Affekt ist] blind, entweder in der Wahl seines Zweckes, oder, wenn dieser auch durch<br />
Vernunft gegeben worden, doch in der Wahl der Mittel zur Erreichung desselben.“<br />
786 RS, I, p. 259: „Das Genie […] wirkt auch in den höchsten Graden des Enthusiasmus mit Besonnenheit und<br />
Freiheit, denn es ist durch den Geschmack gebildet.“<br />
787 Ibid.: „Kraft seiner Persönlichkeit.“<br />
788 Ibid. s.: „[…] von seinem Gegenstande durchdrungen, emporgehoben, begeistert, aber nicht beherrscht [zu<br />
sein].“
153<br />
[l’enthousiasme] philosophique, moral et esthétique. L’enthousiasme philosophique est réveillé par l’idée de<br />
vérité, - l’enthousiasme moral par les idées et fins morales, - l’enthousiasme esthétique par le beau et le<br />
sublime. 789<br />
En revanche, pour Fernow, l’enthousiasme véritable est non seulement un affect positif, dans<br />
le sens d’un état d’âme supérieur, mais aussi le véritable état idéal de l’artiste, car d’après lui<br />
celui-ci:<br />
[de par] la tension et l’élévation des forces de l’âme par les idées […] est autonome de façon esthétique; mais<br />
l’enthousiasme à des fins morales, pour la vérité, la liberté et le droit est également moral et esthétiquement<br />
autonome. 790<br />
De même, l’enthousiasme (esthétique) est assimilé au degré suprême de la force productive<br />
du génie créateur:<br />
Le degré suprême de l’affect qui est lié aux idées et conditionnées par celles-ci […] Seul le génie, ou la<br />
disposition intellectuelle productive, est capable d’atteindre ce degré et cette forme d’enthousiasme. Seul le<br />
génie peut, sans être limité dans sa liberté et sans agir contre la raison, de par sa force intellectuelle qui est<br />
augmentée de par sa nature au-dessus de l’ordinaire, s’élever vers la force de l’enthousiasme, d’où résultent des<br />
actes nobles, de nouvelles découvertes au royaume de la vérité et du savoir et qui engendrent de belles œuvres<br />
d’art. 791<br />
789 Ibid., p. 260 s.: „Da es für die Täthigkeit vernünftiger Wesen nur drei Gegenstände eines unbedingten<br />
Strebens giebt, nämlich das Wahre, das Gute und das Schöne, so giebt es auch nur drei Arten wahrer<br />
Begeisterung […], nämlich die filosofische, die moralische und die ästhetische. Die filosofische Begeisterung<br />
wird durch die Idee der Wahrheit, - die moralische durch sitliche Ideen und Zwecke, - die ästhetische durch das<br />
Schöne und Erhabene geweckt.“<br />
790 Ibid., p. 257 s.: „als Spannung der Erhebung der Gemüthskräfte durch Ideen, […] ästhetisch erhaben [ist];<br />
aber nur der Enthusiasmus für sitliche Zwecke, für Wahrheit, Freiheit und Recht ist zugleich moralisch und<br />
ästhetisch erhaben.“<br />
791 Ibid., p. 258: „Der höchste Grad des mit Ideen verbundenen und durch sie bewirkten Affektes […] Dieses<br />
Grades und dieser Art des Enthusiasmus ist aber nur das Genie, oder die produktive Geistesanlage fähig. Das<br />
Genie allein kann sich, als eine schon durch seine Natur über das gewöhnliche Mass erhöhete Geisteskraft, ohne<br />
in seiner Freiheit gehemmt zu werden, und ohne vernunftwidrig zu wirken, zu der Stärke des Enthusiasmus<br />
erheben, aus welcher erhabene Thaten, neue Entdeckungen im Reiche der Wahrheit und des Wissens, und<br />
schöne Kunstwerke hervorgehen.“
154<br />
Pour prouver le principe génétique de la force imaginative, qui échappe à toute définition et à<br />
tout enseignement, Fernow se réfère aux œuvres des maîtres italiens de la Renaissance 792 et de<br />
l’Antiquité grecque:<br />
[…] que la nature n’est pas seulement une force imaginative et un sentiment énergétique, mais aussi une force<br />
de jugement juste, capable de donner un sens de vérité et de beauté infaillibles, soutenant le génie sans autres<br />
règles que celles puisées en lui-même, dans la voie et l’esprit de l’artiste, toujours en harmonie avec lui-même.<br />
Que la contrainte de la règle et la vivacité de l’esprit affaiblissent son esprit, et tuent l’énergie de son sentiment;<br />
au contraire, ce qu’on lui enlève en feu sauvage et en force non maîtrisée d’un côté, il va, de l’autre, le gagner en<br />
double en force intense, en fermeté et en définition du caractère, en abondance et en habileté de fantaisie. 793<br />
L’enthousiasme esthétique assimile ainsi dans l’artiste génial la subjectivité de l’individu et<br />
l’objectivité de l’idée. Il n’est point nécessaire ici d’insister davantage sur le refus apparent de<br />
la mimésis antique de par la nature de l’art. L’art est, tout comme la poésie, orienté vers les<br />
idées et ainsi lié à la pulsion représentative, le Darstellungstrieb:<br />
[…] une pure imitation de la nature, telle qu’elle est en réalité, mais dans la belle représentation de ses fins<br />
générales et suprêmes ou dans l’idéal du beau […]. Même le plus bel individu de la nature, l’homme le plus<br />
beau, l’acte le plus noble, la région la plus charmeuse, l’œuvre d’art la plus achevée est la matière, le mobile,<br />
l’incitation de sa pulsion représentative, l’idéal de la perfection et de la beauté, qui vit dans son âme et dont le<br />
présent avive l’enthousiasme dans son imagination, afin de l’exprimer, sinon, il ne produirait que des imitations<br />
et non pas des œuvres de génie. 794<br />
792 Dont, parmi eux des esprits plus fragiles (sanftere Gemüter) comme Giotto, Ghiberti, da Fiesole, Perugino,<br />
Rafael, Dominichino, Claude Gelée, tandis que Fernow décrit Michel-Ange, Julius Romanus, Rubens et Salvator<br />
Rosa comme des esprits de feu (Feuergeister).<br />
793 Ibid., voir préface: „[…] daβ die Natur nicht bloβ Einbildungskraft und ein energisches Gefühl, sondern auch<br />
eine richtig leitende Urteilskraft, einen untrüglichen Wahrheits- und Schönheitssinn zu erteilen vermag, der das<br />
Genie ohne andere als aus sich selbst geschöpfte Regeln im Gleise und den Geist des Künstlers immer mit sich<br />
selbst in Harmonie erhält […] daβ der Zwang der Regel die Lebhaftigkeit seines Geistes schwächen, die Energie<br />
seines Gefühles töten werde; im Gegenteil wird er das, was ihm auf der einen Seite an wildem Feuer und roher<br />
Kraft genommen wird, auf der anderen an intensivster Stärke, an Festigkeit und Bestimmtheit des Charakters, an<br />
Fülle und Gewandtheit der Phantasie doppelt gewinnen.“<br />
794 Ibid., p. 264 s.: „[…] bloβe Nachahmung der Natur, wie sie wirklich ist, sondern in die schöne Darstellung<br />
ihrer allgemeinen und höchsten Zwecke oder in das Ideal des Schönen […] Auch das schönste Individuum der<br />
Natur, der schönste Mensch, die erhabenste Handlung, die reizendste Gegend, das vollkommenste Kunstwerk<br />
selbst ist in ihm Stoff, Veranlassung, Anreizung seines Darstelungstriebes, das Ideal der Vollkommenheit und<br />
Schönheit, das in seiner Seele lebt und dessen lebhafte Gegenwart in der Phantasie ihn begeistert, auzudrücken,<br />
sonst würde er nur Nachahmungen, nicht Werke des Genies hervorbringen.“
155<br />
De même, Fernow différencie entre trois catégories de «véritable enthousiasme», 795 qui ne<br />
sont pas à confondre avec l’émotion (=sentimentalité): l’enthousiasme philosophique (l’idée<br />
de la vérité) l’enthousiasme moral (l’idée de la moralité et de l’utilité), l’enthousiasme<br />
esthétique (l’idée du beau et du sublime). L’enthousiasme philosophique et moral sont moins<br />
compatibles du point de vue formel, ils ont néanmoins en commun le côté objectif, le<br />
Gegenständliche, à savoir qu’ils obéissent à une idée normative vers l’idée de raison, 796 ce<br />
sont des génies pratiques. A l’opposé, le génie de l’art s’oriente plutôt vers l’idée de raison,<br />
en concentrant celle-ci de manière épurée sur l’essentiel, et en la modifiant selon l’utilité:<br />
[le génie] ne représente jamais comme abstractum, mais comme représentation dans la robe de la beauté […] Il<br />
la reconnaît et la pense seulement dans le déshabillage sensuel. 797 Grâce à sa force d’imagination il peut ainsi<br />
ressembler à la raison ou plutôt être en relation avec celle-ci […] [produire] une image qui est purifiée de tout<br />
ce qui est particulier ou aléatoire du genre, qui contient seulement le particulier, le général et le nécessaire<br />
[…] 798<br />
Ces trois sortes d’enthousiasme trouvent un consensus dans l’enthousiasme religieux, qui peut<br />
cependant facilement dégénérer en le sentimentalisme romantique, la Schwärmerei<br />
(sensiblerie), car il est: […] plus ou moins enclin à représenter son objet spirituel comme sentiment de<br />
manière perceptible, et saisissable par l’imagination, si celle-ci n’est pas sans cesse retenue et modérée par la<br />
raison. 799<br />
L’idéal en commun est l’atteinte de la sphère divine, assimilée à l’idéal de la nature humaine,<br />
qui est considérée comme commune à toutes les religions. Suivant cet raisonnement, il<br />
distingue entre trois religions: la religion des Grecs (esthétique, spirituel, génial), la religion<br />
chrétienne (morale, moins esthétique, plutôt pratique), la religion catholique (anti-<br />
795 Ibid., p. 260 s.: „Rührung.“<br />
796 Ibid. Fernow se réfère ici à la Normalidee et la Vernunftidee chez Kant.<br />
797 Ibid., p. 263: „[…] nie als abstractum [darstellt], sondern als Erscheinungen im Gewande der Schönheit […]<br />
Es erkennt und denkt sie nur in sinnlicher Einkleidung.“<br />
798 Ibid., p. 340: Dank seiner Einbildungskraft kann es so „vernunftähnlich oder vielmehr in Verbindung mit der<br />
Vernunft“ […] ein von allem Besondern und Zufälligen geläutertes Bild der Gattung [hervorzubringen], das bloβ<br />
das Wesentliche, das Allgemeine und Nothwendige derselben enthält.“<br />
799 Ibid., p. 261: „[…] mehr oder weniger geneigt ist, sich ihren rein geistigen Gegenstand als dem Gefühl<br />
wahrnehmlich, und der Fantasie anschaulich vorzustellen, wenn sie nicht unaufhörlich von der Vernunft davon<br />
zurükgehalten und gezügelt wird.“
156<br />
esthétique !, réglementaire, a-sensuelle). Et la conclusion que Fernow tire de ce classement<br />
triadique des religions n’est pas pour le moins étonnante. D’après sa propre conviction, le<br />
summum de l’art du génie enthousiaste d’inspiration religieuse a déjà été atteint dans<br />
l’Antiquité grecque, car celle-ci:<br />
[…] était tout à fait esthétique; elle se composait d’idées de la force d’imagination, qui tendaient vers l’idéal du<br />
beau. Elle était tout à fait orientée vers le sens d’une nation du génie, et plus que toutes les autres religions du<br />
peuple, elle était favorable aux arts plastiques. Ses dogmes étaient de belles poésies et ses divinités provenaient<br />
d’elles-mêmes par la main des plus grands sculpteurs, en prenant une forme visible. 800 Ou: Nous voulons avoir<br />
l’art plastique, les Grecs l’avaient. 801<br />
Selon lui, le monde hellénique, ainsi que ses dieux et ses héros antiques, semblent avoir<br />
inspiré le génie artistique à maints égards, alors que le christianisme a plutôt restreint ce<br />
dernier. Ainsi, il considère le monde chrétien comme un univers à la fois spirituel et sensuel<br />
au sens d’une religion du cœur:<br />
[la] sympathie de l’amour du dieu et des hommes; elle n’est pas inesthétique, mais, comme religion du cœur,<br />
plutôt apte à la vie pratique, qu’elle n’est enthousiasmante pour l’art. 802<br />
En l’occurrence, Fernow présente la religion catholique comme entièrement inesthétique:<br />
Contrairement au caractère à la fois spirituel et sensuel de la foi chrétienne au sens de la<br />
conception romantique d’une ‘religion du cœur’, Fernow, en tant que résidant à Rome et<br />
connaisseur du vatican, présente la religion catholique comme entièrement inesthétique:<br />
[…] car elle prescrit des conditions et demande des sensations qui contredisent la perfection sensuelle, et<br />
s’opposent aussi à la beauté extérieure. Ses saints, ses martyres et ses héros de la foi ne sont pas de sujets qui<br />
pourraient s’appliquer à l’art, afin de représenter l’idéal de beauté. 803<br />
800 Ibid., p. 276 s.: „ganz ästhetisch [war]; sie bestand aus Ideen der Einbildungskraft, die zum Ideale des<br />
Schönen hinstrebten. Sie war ganz auf den Sin einer genialischen Nazion berechnet, und mehr als alle alten und<br />
neuen Volksreligionen den bildenden Künsten günstig. Ihre Dogmen waren schöne Dichtungen, und ihre<br />
Gottheiten gingen aus jenen durch die Hand der grösten Bildner in sichtbarer Gestalt hervor.“<br />
801 Ibid., s.: „Wir wollen bildende Kunst haben, die Griechen hatten sie.“ Le postulat d’imitation des Grecs<br />
remonte initialement à Georg Friedrich Klopstock: „NACHAHMEN soll ich nicht, und dennoch nennet Dein<br />
lautes Lob mir immer Griechenland? Wenn Genius in deiner Seele brennet, So ahm’ den Griechen nach. Der<br />
Griech’ erfand“, dans: Ausgewählte Werke, Éd. K. A. Schleiden, Munich, 3 1969, p. 180.<br />
802 Ibid., p. 277: „[die] Simpathie der Gottes- und Menschenliebe; sie ist nicht unästhetische, aber, als Religion<br />
des Herzens, mehr für das praktische Leben als für die Kunst begeisternd.“
157<br />
L’anti-esthétisme, la rigidité des dogmes et l’hostilité à la sensualité – c’est à cette formule<br />
courte que l’on pourrait réduire la critique de religion de Fernow, même s’il concède toutefois<br />
que la production d’art religieux de son époque ait connu, grâce au catholicisme, un essor<br />
positif, constat qu’il va pourtant réfuter ailleurs. 804 D’après sa conviction, l’art d’inspiration<br />
spirituelle peut tout à fait enthousiasmer la verve religieuse, mais sans pour autant procurer du<br />
plaisir esthétique. 805 Or, l’idéal de beauté demande les deux formes de l’enthousiasme,<br />
religieux comme esthétique:<br />
L’idéal de beauté, qui dans son apparence est l’expression de la perfection de l’humanité, ne pouvait être produit<br />
que par l’enthousiasme religieux de la force d’imagination. 806<br />
De même, Fernow défend la thèse selon laquelle l’homme, en tant qu’être doté de raison,<br />
dispose d’une «nature morale», devient manifeste dans l’aspiration à la liberté, à travers<br />
l’idéal de beauté:<br />
L’idéal de beauté, qui trouve son expression dans l’apparence de l’humanité parfaite, ne pouvait être produite<br />
que par l’enthousiasme religieux de la force d’imagination […] Car aussi longtemps que l’homme cherchait en<br />
dehors de soi la nature du divin qu’il porte, grâce à sa nature morale, en soi (sa liberté, son plus grand maître et<br />
juge), afin de la visualiser pour une vénération extérieure. Rien n’était plus apte à développer l’idée de beauté en<br />
lui et de l’enthousiasmer pour l’idéal de celle-ci, qu’une religion, qui était encore tout à fait à la religion de la<br />
force d’imagination, et, sous l’apparence de l’être humain, vénérait la divinité en priant. Sans une telle religion<br />
803 Ibid.: „[…] da sie Bedingungen vorschreibt, und Empfindungen fordert, die der sinlichen Volkommenheit,<br />
also auch der äusseren Schönheit widerstreiten. Ihre Heiligen, ihre Märtirer und Glaubenshelden sind keine<br />
Gegenstände, an denen die Kunst das Ideal der Schönheit darstellen könnte.“<br />
804 RS, III, „Über Rafaels Teppiche“, voir préface: „[…] jener erkünstelte Pietismus, der, durch die Nachäffung<br />
der einfältig-Schwachen und Leichtgläubigen zu erregen sucht, und in den Madonnenbildern, Kruzifixen und<br />
Martern des Katholizismus das Heil der Kunst verkündigt.“<br />
805 Chez Goethe se trouvent aussi des approches similaires pour l’évaluation d’un problème art-religion, qui<br />
reflètent en même temps le canon de base idéologique d’une époque. La question de savoir si Fernow s’inspire<br />
véritablement de la conception de Goethe ne reste ici que pure hypothèse. Pour ce qui est de la contextualiation<br />
des différents points de touche discursifs, spirituels, piétistes tout comme propres à la critique de la religion dans<br />
l’œuvre intégrale de Goethe, voir les études de Johannes Anderegg et Edith Anna Kunz (Éd.): Goethe und die<br />
Bibel, (Arbeiten zur Geschichte und Wirkung der Bibel, vol. 6, Deutsche Bibelgesellschaft), Stuttgart, 2006.<br />
806 Ibid.: „Das Ideal der Schönheit, das in der Erscheinung der Ausdruk vollendeter Menschheit ist, konnte nur<br />
durch religiöse Begeisterung der Einbildungskraft erzeugt werden.“
158<br />
sensuelle, dépourvue du besoin de simulacres humains, l’art grec n’aurait eu aucune incitation à chercher<br />
l’idéal. 807<br />
Quels facteurs pourraient donc avoir une incidence négative sur l’enthousiasme de l’artiste?<br />
Étant donné que l’aspiration à l’art repose sur des ambitions nobles, Fernow défend la thèse<br />
que ni la «recherche vaniteuse de gloire», 808 ni «la voie du mérite» 809 ne peuvent inspirer<br />
l’activité artistique, mais uniquement l’idée en elle-même et «l’amour de gloire» 810 ou<br />
l’aspiration «au vrai mérite.» 811 De même, Fernow constate que la force créatrice du génie<br />
dépend a priori de la disposition intérieure de l’artiste:<br />
L’artiste peut se mettre de façon arbitraire et à n’importe quel moment dans un état d’âme qui est nécessaire à<br />
la production d’une œuvre d’art. Il doit être produit par une incitation intérieure ou extérieure en lui […] Où une<br />
telle incitation manque, où l’artiste ne fait que composer un sujet pur d’après des études de la nature, par ci et par<br />
là, où il n’y a pas d’idée enthousiasmante qui unit le divers dans un tout organique, il est possible de produire<br />
une composition conforme aux règles académiques, mais non pas une œuvre de génie […]. Le génie se trouve<br />
aussi longtemps dans l’état enthousiaste que perdurent les idées de son œuvre d’art. Il est alors constamment<br />
effectif, là, où, encore pendant la représentation, de nouvelles idées sont produites, et qui tiennent en élan l’âme<br />
de l’artiste, sans laquelle il ne pourrait pas donner vie à son œuvre. 812<br />
807<br />
Ibid., p. 275: „Denn so lange der Mensch das Göttliche, das er kraft seiner moralischen Natur in sich trägt<br />
(seine Freiheit, seinen höchsten Gesezgeber [sic] und Richter), noch als ein Wesen ausser sich suchte, und zur<br />
äusseren Verehrung sichtbar darzustellen strebte, war nichts fähiger die Idee der Schönheit in ihm zu entwickeln<br />
und ihn für das Ideal derselben zu begeistern, als eine Religion, die noch ganz Religion der Einbildungskraft<br />
war, und unter dem Bilde der Menschengestalt die Gottheit anbetend verehrte. Ohne eine solche sinliche<br />
Religion, ohne das Bedürfnis menschlicher Götterbilder, hätte die griechische Kunst keine Veranlassung gehabt,<br />
das Ideal zu suchen.“<br />
808<br />
Ibid., p. 274.<br />
809<br />
Ibid., cf. également l’idée de gloire selon Socrate: „Erst derjenige, der auf den Siegespreis verzichtet,<br />
obgleich er ihn hätte erlangen können, ist der wahre Meister, er steht souverän über der Situation.“ Voir Gernot<br />
Böhme: Der Typ Sokrates [1988], Suhrkamp, Francfort/M., 1992, p. 98.<br />
810<br />
Ibid., p. 274.<br />
811<br />
Ibid. s.<br />
812<br />
Ibid., p. 266 et RS, II, p. 66 s.: Der Künstler kann sich nicht willkürlich und zu jeder Zeit in die Stimmung<br />
versetzen, die zur Hervorbringung eines Kunstwerks erforderlich ist. Sie muβ durch irgendeine innere oder<br />
äuβere Veranlassung in ihm hervor gebracht werden […] Wo eine solche Veranlassung fehlt, wo der Künstler<br />
seinen Stoff bloβ aus Studien nach der Natur von hier und dort zusammenträgt, wo keine begeisternde Idee das<br />
Mannigfaltige in ein Ganzes organisch vereinigt, da kann wohl ein schulgerechte Komposition, aber kein<br />
genialisches Werk entstehen […] Das Genie befindet sich so lange in dem Zustande der Begeisterung, als die der<br />
Ideen zu dem Kunstwerke dauert. Sie ist also da, wo noch wärend der Darstellung neue Ideen erzeugt werden,<br />
fortdauernd wirksam, und erhält das Gemüth des Künstlers im Schwunge, ohne welchen er seinem Werke keinen<br />
wahren Lebensgeist mittheilen kann.
159<br />
Ce qui est également remarquable, c’est qu’Arthur Schopenhauer, le fils de la biographe de<br />
Fernow, Johanna Schopenhauer, va par la suite concevoir un modèle de création artistique<br />
similaire, qui, de toute évidence, porte également l’empreinte de l’influence intellectuelle de<br />
Fernow. 813 Or, finalement, la nature de l’art échappe aux possibilités de la connaissance de<br />
l’empirisme humain et du raisonnement philosophique:<br />
[…] il est aussi incompréhensible à la raison pure, comme il [est] inimitable à l’homme ordinaire. 814<br />
Par ailleurs Karl Philipp Moritz, se prononce de façon comparable, en définissant cette<br />
inimitabilité du beau comme l’indicible:<br />
des lèvres mortels ne pourraient prononcer aucun mot plus sublime du beau que il est. 815<br />
On pourrait également voir cette idée en relation avec le «Je ne sais quoi » 816 de François de<br />
la Rochefoucauld. Suivant son raisonnement, la sensation du beau est intuitive et ne peut ni<br />
être expliquée par la raison, ni être saisie de façon objective et, de ce fait, elle est<br />
subjectivement variable. De cet inexplicable du jugement esthétique résulte d’après Fernow<br />
également le magique de l’art, qui offre au spectateur la projection dans une autre réalité:<br />
Ainsi la nature nous a-t-elle donné un talisman infaillible contre les aléas de la réalité, et elle a voulu que nous<br />
égayions les jours maussades de notre existence par des images heureuses. Et qui est si pauvre, qu’il n’aurait pas<br />
une image plaisante, un souvenir consolant en tête? 817<br />
Mais il revendique en même temps:<br />
813<br />
Fernow connaît le fils de Johanna Schopenhauer, Arthur, dès sa plus tendre enfance, puisqu’il était un ami<br />
proche de sa mère, à qui il suggère de laisser son fils faire des études de philosophie, vu son talent (qu’il avait<br />
probablement détecté très jeune), et non pas, comme c’était prévu, lui faire suivre une formation académique.<br />
Ainsi la carrière philosophique tardive de Schopenhauer est, de toute évidence, indirectement due à l’influence<br />
bienveillante de Fernow. Dans Die Welt als Wille und Vorstellung Schopenhauer se prononce non seulement sur<br />
la position de Fernow dans la discussion sur le Laokoon, mais ébauche également un idéal de désintérêt<br />
artistique, qui peut tout à fait être vu en analogie des réflexions de Fernow à ce sujet.<br />
814<br />
Ibid., I, p. 262: „[…] dem bloβen Verstande ebenso unbegreiflich, als für den gewöhnlichen Menschen<br />
unnachahmlich [ist].“<br />
815<br />
Cf. Helmut Pfotenhauer: ’Die Signatur des Schönen’ oder In wie fern Kunstwerke beschrieben werden<br />
können? Zu Karl Philipp Moritz italienischer Ästhetik, in idem (Éd.): Kunstliteratur als Italienerfahrung, Éd.<br />
Niemeyer, Tübingen, 1991, ainsi que A. Simonis: ’Das Schöne ist eine höhere Sprache’ - Karl Philipp Moritz’<br />
Ästhetik zwischen Ontologie und Transzendentalphilosophie, in: DVjs (Deutsche Vierteljahrsschrift für<br />
Literaturwissenschaft und Geistesgeschichte, vol. 68), n° 3, ps. 490-505.<br />
816<br />
François de La Rochefoucauld, op. cit.<br />
817<br />
RS, III, V: „So hat die Natur selbst uns in ihr einen unfehlbaren Talisman gegen das Ungemach der<br />
Wirklichkeit mitgegeben, und gewollt dass wir die trüben Tage des Lebens durch frohe Bilder der Vergangenheit<br />
erheitern sollen. Und wer ist so arm, dass er nicht irgend ein freundliches Bild, eine tröstende Erinnerung in petto<br />
hätte?“
160<br />
L’occupation du beau dans l’art, qui nous élève vers un monde idéel, ne doit pas nous rendre indifférent au<br />
monde réel. 818<br />
Si Fernow formule ici le postulat d’un art réel, il légitime en même temps le sublime du beau<br />
dans l’art vis-à-vis de la causalité de la nature:<br />
Il [l’art] apparaît comme une nature supérieure […] Cette faculté de l’art, de former des êtres idéaux parfaits et<br />
l’incapacité de la nature d’atteindre ce but aussi par elle-même, est fondée par l’être de la nature tel qu’il est et<br />
celui de l’artiste en tant qu’homme: l’homme est libre, mais la nature est restreinte dans son action, elle dépend<br />
des choses hasardeuses. 819<br />
Ainsi l’art offre pour Fernow non seulement l’espace de projection d’un monde idéal, qui est<br />
supérieur à la nature en faisant oublier la tristesse de la vie de tous les jours, mais il est aussi,<br />
d’un point de vue philosophique, la preuve de la liberté de l’homme à travers le miroir de<br />
l’autonomie de l’artiste. Cette approche de Fernow ne dépasse non seulement la juxtaposition<br />
dualiste entreprise par Kant, Schiller, Winckelmann entre l’art et la nature, ainsi que<br />
l’Antiquité et les temps modernes, mais forme également la véritable clef de voûte de son<br />
esthétique idéale, affranchie de tout système. Suivant son raisonnement, l’art, en tant que<br />
représentation idéale, a cessé d’être une représentation fidèle à la nature ou une belle illusion,<br />
mais il est devenu un élément consolidant qui intègre et transgresse toutes les oppositions: une<br />
nature supérieure.<br />
818 Voir pour la présente citation RS, III, préface et JS, p. 342: „Die Beschäftigung mit dem Schönen und der<br />
Kunst, die uns in eine ideelle Welt erhebt, darf uns für die wirkliche nicht versteinern.“<br />
819 RS, I, p. 319: „Sie [die Kunst] erscheint als eine höhere Natur […] Dieses Vermögen der Kunst, idealisch<br />
vollkommene Wesen zu bilden und die Unfähigkeit der Natur, dies Ziel selbst auch zu erreichen, liegt begründet<br />
in dem Wesen der Natur als solcher und des Künstlers als Menschen: der Mensch ist frei, die Natur aber in ihrem<br />
Wirken gehemmt, von Zufälligkeiten abhängig.“
161<br />
<strong>IV</strong>. Conclusion: L’image idéale de l’Antiquité - un espace utopique des temps modernes?<br />
En tant que théoricien et critique d’art, le personnage de Fernow apparaît sans doute sous une<br />
double lumière se manifestant par un profond ancrage dans la pensée antique, d’un côté, et, de<br />
l’autre, l’ambition de réformer, à partir de Kant, l’idéal classique, en y ajoutant des approches<br />
théoriques nouvelles. Ainsi, on constate un parfait accord par moments entre lui et Kant quant<br />
à la définition du génie artistique, mais également une certaine incongruité quant à la<br />
légitimation objective de l’esthétique transcendantale kantienne, orientée d’abord vers la<br />
faculté de juger esthétique du sujet, que Fernow cherche à légitimer de manière objective.<br />
A la lumière de ses contemporains il opère par la suite, dans le sillage de l’idéalisme<br />
schillérien, ce tournant de la considération subjective à l’objectif, avec le but d’éliminer<br />
l’antagonisme entre le subjectif et l’objectif, et, ce faisant, fonder l’esthétique classiciste<br />
d’autonomie d’une nouvelle façon. De même, la notion fernowienne d’artiste est largement<br />
inspirée de la conception schillérienne, dont il emprunte les moments suivants: l’idée du libre<br />
génie, l’équation entre la faculté de produire et de juger productive, tout comme le principe<br />
de l’enthousiasme de l’artiste, que Fernow base, tout comme Kant, sur la pulsion à la<br />
représentation (pulsion au jeu et à la forme) et sur l’ambition individuelle à l’art (pulsion à la<br />
formation esthétique).<br />
Cependant, Fernow se distancie en même temps de la mission pédagogico-éthique de Schiller,<br />
qu’il considère comme étant une transgression illicite du champ esthétique et donc une<br />
aliénation de l’art. L’art sert, d’après sa conviction, exclusivement à l’épanouissement<br />
individuel et ne peut, par conséquent, pas être subordonné à ces fins collectives destinées à<br />
l’éducation morale.<br />
Par rapport à Winckelmann, on constate en revanche une émancipation de sa pensée ancrée<br />
dans l’héritage antique. Ainsi Fernow considère Winckelmann comme un esprit classique par
162<br />
excellence, mais il s’écarte, en même temps, de son dogmatisme normatif propre à la théorie<br />
de l’art. En s’affranchissant de Winckelmann, il esquisse par ailleurs non seulement une<br />
théorie de l’art idéal, qui se réfère non seulement à l’art, mais aussi à l’artiste à priori. En<br />
libérant ce dernier de façon anarchique à la fois des lois académiques et des conventions<br />
sociales, il le fait consciemment entrer en opposition avec la production d’art de son temps.<br />
Cela devient notamment manifeste dans l’exemple de la déchéance de Carstens. Quant à cela,<br />
il est évident que la publication synchrone de la biographie de Canova peut également être<br />
réduite aux fins de la critique d’art et de l’artiste, étant donné que Fernow développe, à partir<br />
de ces deux portraits d’artiste, une dichotomie opposant nettement le favori de l’académie<br />
devant le génie d’art méconnu, en instrumentalisant en même temps son ami Carstens,<br />
qualifié de génie, comme le porte-parole fictif de ses propres convictions esthético-politiques.<br />
L’identification faite par Fernow de la force créatrice comme étant un élément épigénétique<br />
visant à l’autogenèse de l’artiste, apparaît ainsi non seulement comme la conséquence logique<br />
de sa prise de distance de l’idéal d’art classique ou classiciste, allant de pair avec la quête<br />
d’une nouvelle base de l’idéal de l’art esthétique, qui peut être interprété à la fois comme étant<br />
motivée par la défense de l’héritage classique, tout comme par l’offense du classicisme.<br />
Vu dans l’ensemble, la quête de Fernow d’un nouveau point de fuite dans la production<br />
artistique s’explique par ce redimensionnement des sciences au spectre du rationalisme et de<br />
l’empirisme, qui ne peut être autre que l’homme même. Cette importance, attachée à<br />
l’autoréférentialité de l’artiste, fondée sur le changement de perception, caractérise non<br />
seulement sa compréhension de l’art, mais est également la conséquence d’une évolution<br />
philosophique, voire anthropologique. De même, il reflète dans la théorie de l’art de Fernow<br />
non seulement le cercle d’action pluridisciplinaire des influences postclassiques, mais aussi<br />
des impulsions venant de l’idéalisme allemand et des courants pré-romantiques, ce qui le<br />
caractérise comme un théoricien en avance sur son temps du discours sur l’art autour de 1800.
163<br />
Ce qui est étonnant dans ce contexte, c’est qu’il anticipe non seulement indirectement les<br />
approches de l’esthétique autonome du XX ème siècle, mais également que ses idées propres à<br />
la théorie de l’art peuvent être représentées comme le résultat de son émancipation en tant que<br />
théoricien de l’art, car Fernow aspire à dépasser l’homonomie de la pensée antique et<br />
l’hétéronomie de l’esprit du temps classiciste, pour créer un idéal de l’art qui s’oriente<br />
premièrement vers l’autonomie.<br />
Si sa théorie de l’art reste finalement à l’état de genèse, quasiment comme l’esquisse<br />
inachevée de sa conception de l’esthétique idéale, il faut toutefois mettre en relief le fait qu’il<br />
lui revient le mérite de transgresser le postulat d’imitation classiciste en faveur de<br />
l’autonomie créative de l’artiste d’un côté et de renouer, de l’autre, avec l’idéal de l’art<br />
antique, un antagonisme, qui fait justement la spécificité de la théorie de l’art fernowienne.<br />
Or, cela ne devrait pas être vu de façon unilatérale comme reflexe réactionnaire, mais plutôt<br />
comme le résultat de ce processus dialectique, qui contient en lui une dynamique: à savoir<br />
celle de la progression à partir du précédent. C’est justement à travers ce dualisme entre<br />
antique et moderne se manifestant par la quête de l’autonomie esthétique de Fernow, que se<br />
reflète l’idéal de l’art moderne à partir de l’abstraction orientée vers la réalité, la mise en<br />
avant de la valeur symbolique et la quête de l’autoréférentialité. Vu sous cet aspect, il paraît<br />
donc ici tout à fait légitime de considérer l’image idéale de l’Antiquité - non seulement par<br />
rapport aux idées esthétiques de Fernow mais également à l’égard de la production de l’art<br />
contemporain - comme un espace utopique des temps modernes.
SOURCES 820<br />
Œuvres de Carl Ludwig Fernow<br />
164<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
• „Über einige Kunstwerke des Hrn. Prof. Carstens“, NTM, vol. I, 1795, ps. 158-189.<br />
• „Michael Angelo Buonarotti“, NTM, vol. I, 1795, ps. 3-33 et ps. 105-137.<br />
• „Über den Stil in den bildenden Künsten“, NTM, vol. I, 1795, ps. 3-36, ps. 263-291 et ps. 400-444.<br />
• „Einleitung in eine Reihe von Vorlesungen über Aesthetik, vor einer Gesellschaft deutscher Künstler<br />
und Kunstfreunde in Rom“, NTM, vol. I, 1796, ps. 233-270.<br />
- „Über die Kunstplünderungen in Italien und Rom“, NTM, vol. III, 1796, ps. 249-280.<br />
- „Rom, den 1. September 1796“, NTM, vol. III, 1796, ps. 325.<br />
• „Rafaels Tapeten”, NTM, vol. I, 1797, ps. 3-33 et ps. 105-144.<br />
- „Rom, den 7. April 1797“, NTM, vol. II, 1797, ps. 80-82.<br />
- „Rom, den 16ten April 1797“, NTM, vol. II, 1797, ps. 173-176.<br />
- „Die beweglichen Theater des Kurio“, NTM, vol. II, 1797, ps. 307-331.<br />
- „Über den Maler Kavaluzzi“, NTM, vol. II, 1797, ps. 334-338.<br />
• „Über die Bestimmung und Grenzen der dramatischen Mahlerey“, NTM, vol. III, 1797, ps. 197-231.<br />
- „Rom, den 29. Decembr. 97“, NTM, vol. I, 1798, ps. 101-104.<br />
- „Italisches Ausleerungsgeschäft“, NTM, vol. I , 1798, ps. 129-144.<br />
- „Statue der Minerva zu Cori gefunden“, NTM, 1798, vol. I, ps. 299-304.<br />
- „Rom den 14ten April“, NTM, vol. II, 1798, ps. 99-104.<br />
• „Über den gegenwärtigen Zustand der Kunst“, NTM, vol. III, 1798, ps. 279-289.<br />
• „Über den Zweck der bildenden Kunst“, in: Deutsches Magazin [DM], n° 17, 1799, ps. 337-375.<br />
- „Literarische Nachricht Dante’s Divina Commedia betreffend“, NTM, 2 ème partie, 1802, ps. 121-133.<br />
- „Kunstnachrichten und Neueste Literatur von Rom - Rom, den 1. Juli“, NTM, 8 ème partie, 1803,<br />
ps. 312-319.<br />
- „Neueste Literatur- und Kunstnachrichten aus Italien“, ibid., ps. 557-581.<br />
820 Les références marquées d’un point ont été citées tout au long de notre ouvrage ou présentent, selon l’auteur,<br />
un intérêt particulier pour une étude élargie.
165<br />
• Ludovico Ariosto’s Rasender Roland, n° 27-29, ps. 209-228, Éd. Frommann, Jéna, 1804/05 [trad. de D.<br />
Gries].<br />
• Leben des Künstlers Asmus Jakob Carstens, ein Beitrag zur Kunstgeschichte des achtzehnten<br />
Jahrhunderts, Éd. Hartknoch, Leipzig, 1806.<br />
• Über den Künstler Canova und dessen Werke, Éd. Gessner, Zurich, 1806.<br />
• Römische Studien, vol. I-III, Éd. Gessner, Zurich, 1806-1808.<br />
- „Schillers Denkmal, von Mechau und Klinsky erfunden und gezeichnet, und von Haldenwang in<br />
Aquatinta geätzt“, in: Journal des Luxus und der Moden [JDM], vol. 22, cahier n° 8, Éd. Rittnersche<br />
Kunsthandlung, Dresde, 1807, ps. 495-503.<br />
- „Tableaux en gouache, demi-gouache et dessins au lavis de Salomon Gessner, gravées à l’eauforte de<br />
W. Kolbe“, cahier I-III, vol. 22, n° 5, 1807, ps. 279-285.<br />
- „Den Manen der verewigten Herzogin Anna Amalia“, JDM, vol. 22, 1807, n° 5, S. 279-285.<br />
- „Zoëga’s Sammlung antiker Basreliefs/Zoëga Bassirilievi antichi di Roma, incisi da Piroli“, JDM, vol.<br />
22, 1807, ps. 362 ss. et p. 631 ss., vol. 23, 1808, ps. 190-194 et ps. 431-436.<br />
• „Kurze Übersicht dessen was die bildenden Künste in Rom während der letzten vier oder fünf Jahre<br />
hervorgebracht haben“, JDM, vol. 23, 1808, ps. 677-688.<br />
- „Über die Nachahmung des italiänischen Verses in der deutschen Poesie“, Leo v. Seckendorff et Jos.<br />
Lud. Stoll (Éd.), in: Prometheus, cahier n° 4, Vienne, 1808, ps. 32-64.<br />
• „Bemerkungen eines Freundes“ in: Winkelmanns Werke, Fernow (Éd.), vol. I/II, Éd. Walthersche<br />
Buchhandlung, Dresde, 1808, ps. 132-195.<br />
• Leben Ludovico Ariosto’s des Götlichen, nach den besten Quellen verfasst, Éd. Gessner, Zurich, 1809.<br />
• „Briefe von Fernow an Böttiger“, NTM, vol. I, 1809, ps. 69-82 et ps. 116-124.<br />
- Leben des Francesco Petrarca, Éd. Gessner, Zurich, 1818.<br />
- Francesco Petrarca: Nebst d. Leben d. Dichters et ausführl. Ausgabenverzeichnissen, Ludwig Hain<br />
(Éd.), Leipzig, [1818], Éd. Grüner, Amsterdam, 1972.<br />
• „Eine Reihenfolge von Briefen Fernow’s. An Reinhold in Jena und Kiel“, in: Penelope - Taschenbuch<br />
für das Jahr 1844, Theodor Hell (Éd.), Éd. Hinrichs, Leipzig, 1844, ps. 313-385.<br />
• Carstens, Leben und Werk, Hermann Riegel (Éd.), Rümpler, Hannovre, 1867.
166<br />
- „C. L.’s Briefe aus Wien”, H. M. Richter (Éd.); in: Geistesströmungen, Hoffmann, Berlin, 2 1876.<br />
- „Gesänge für Freimaurer - zum Gebrauche aller Teutschen Logen“, Friedrich Justin Bertuch (Éd.),<br />
in: Loge Anna Amalia zu den drei Rosen, [3], VIII, 1815 [notice de la HAAB: signatures Bh 224 et 39,<br />
8: 13, ainsi que l’exemplaire de la bibliothèque (Ruppert), signature: 1915].<br />
• Römische Briefe an Johann Pohrt 1793-1798, Herbert v. Einem et Rudolf Pohrt (Éd.), de Gruyter,<br />
Berlin, 1944.<br />
ÉTUDES SUR FERNOW<br />
• ALBRECHT, Jörn: „Fernow und die Anfänge der deutschen Italianistik“, in: Von Rom nach Weimar<br />
- Carl Ludwig Fernow, Harald Tausch et Michael Knoche (Éd.), Narr, Tübingen, 1998, ps. 69-86,<br />
[actes du colloque de la fondation Weimarer Klassik/bibliothèque de la duchesse Anna Amalia - du 9<br />
au 10 juillet 1998 à Weimar].<br />
- idem: „Carl Ludwig Fernow und Christian Joseph Jagemann“, in: Italien in Germanien - Deutsche<br />
Italien-Rezeption von 1750 - 1850, Frank Rutger Hausmann (Éd.), Éd. Narr, Tübingen, 1996, ps. 131-<br />
149 [actes du symposium de la fondation Weimarer Klassik/bibliothèque de la duchesse Anna Amalia,<br />
musée de Schiller 24. - 26. 3. 1994].<br />
• ALTENBURG, Otto: „Goethe und Fernow“, in: Unser Pommerland. Monatsschrift für das Kulturleben<br />
der Heimat, n° 17, (1932), cahier n° 1/2, Goethe und Pommern, ps. 27 ss.<br />
• ARNIM, Achim von: „Carl Ludwig Fernow’s Leben, von Johanna Schopenhauer“, in: Berliner<br />
Abendblätter, n° 25/26, 1811, ps. 98-111.<br />
- BENS, Rainer: Aussteiger aus der Pharmazie, (Quellen und Studien zur Geschichte der Pharmazie),<br />
Éd. Dt. Apotheker-Verlag, Stuttgart, 1989 [thèse, Univ. Marburg, 1988].<br />
• BERTSCH, Markus: „Fernow und Reinhart“, in: Kunst als Wissenschaft - Carl Ludwig Fernow, ein<br />
Begründer der Kunstgeschichte, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800: Ästhetische Forschungen,<br />
vol. 3), Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2005, ps. 99-130.<br />
• DÖNIKE, Martin: „Fernows Carstens - Ein treues Charakterbild?“, in: Kunst als Wissenschaft - Carl<br />
Ludwig Fernow, ein Begründer der Kunstgeschichte, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800:<br />
Ästhetische Forschungen, vol. 3), Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2005, ps. 144-165.
167<br />
• DÖRING, Heinrich: „Karl Ludwig Fernow“, in: Allgemeine Encyklopädie der Wissenschaften und<br />
Künste, J. S. Ersch et J. G. Gruber (Éd.), partie 1, tome 43, Brockhaus, Leipzig, 1846, ps. 163-181.<br />
• EINEM, Herbert von: Carl Ludwig Fernow - Eine Studie zum deutschen Klassizismus, Éd. Deutscher<br />
Verein für Kunstwissenschaft, Berlin, 1935.<br />
- idem: Asmus Jacob Carstens - die Nacht mit ihren Kindern, Éd. Westdeutscher Verlag,<br />
Cologne/Opladen, 1958.<br />
• FERNOW, Irmgard: Carl Ludwig Fernow als Ästhetiker - Ein Vergleich mit der Kritik der Urteilskraft,<br />
Éd. Mayer, Würzburg, 1936 [thèse, Univ. Friedrich Wilhelm Berlin, 1935].<br />
• FINK, Fritz: Carl Ludwig Fernow. Der Bibliothekar der Herzogin Anna Amalia (1763-1808), Éd. Fink,<br />
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• GERHARDT, L[ivia]: Carl Ludwig Fernow, Éd. Haessel, Leipzig, 1908.<br />
• GOLZ, Jochen: „Fernow in Weimar“, in: Von Rom nach Weimar. Carl Ludwig Fernow, Éd. Narr,<br />
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• GRAVE, Johannes: „Weimarer Versatzstücke in Carl Ludwig Fernows Römischen Studien“, in: Von<br />
Rom nach Weimar, Éd. Narr, Tübingen, 1998, ps. 82-97.<br />
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- GURLITT, Cornelius: Die deutsche Kunst des neunzehnten Jahrhunderts - Ihre Ziele und Thaten,<br />
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• HELLWIG, Karin: „Carl Ludwig Fernows Bedeutung für die Künstlerbiographie der ersten Hälfte<br />
des 19. Jahrhunderts“, in: Kunst als Wissenschaft - Carl Ludwig Fernow, ein Begründer der<br />
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Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2005, ps. 131-143.<br />
• IZZO, Herbert: „Carl Ludwig Fernow as Italian Dialectologist and Romanist“, in: In memoriam<br />
Friedrich Diez, v. Benjamins, Amsterdam, 1976, ps. 125-140 [actes du colloque du 2 au 4. 10. 1976 à<br />
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- idem: “Carl Ludwig Fernow: A forgotten pioneer of Romance Linguistics and Italian Dialectology“, in:<br />
Kritikon Litterarum, 5 (1976), ps. 226-233.
168<br />
- <strong>LA</strong>DENDORF, Heinz: „Carl Ludwig Fernow“, in: Zeitschrift für Kunstgeschichte, 5 vol., cahier n°<br />
5/6, Éd. Deutscher Kunstverlag, Munich/Berlin, 1936 [critique au sujet de l’ouvrage du même nom de<br />
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• LUCK Georg: Carl Ludwig Fernow, Éd. Huber, Bern/Stuttgart/Toronto, 1984.<br />
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um 1800: Ästhetische Forschungen, vol. 14), Éd. Winter, Heidelberg, 2006.<br />
• SCHNEIDER, Sabine M.: „Die Krise der Kunst und die Emphase der Kunsttheorie - Aporien der<br />
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• SCHÖNIG, Jörg: Mimesis - Repräsentation - Imagination: Positionen von Aristoteles bis zum Ende<br />
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- idem: Karl August Böttiger (1760-1835). Weltmann und Gelehrter, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um<br />
1800: Ästhetische Forschungen, vol. 14), Éd. Winter, Heidelberg, 2006.<br />
• SCHOPENHAUER Johanna: Carl Ludwig Fernow’s Leben, Éd. Cotta, Tübingen, 1810.<br />
- idem: „Carl Ludwig Fernows Leben“, in: Sämmtliche Schriften, vol. I et II, Éd. Brockhaus, Leipzig,<br />
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• TAUSCH, Harald: „Fernows Kupferstichsammlung“, in: Von Rom nach Weimar, Michael Knoche et<br />
Harald Tausch (Éd.), Éd. Narr, Tübingen, 1998, ps. 130-153.<br />
- idem et Ines Boettcher: „Weimarische Kunstfreunde“, in: Goethe-Handbuch, vol. 4/2, Éd. Metzler,<br />
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Kunstgeschichte, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800: Ästhetische Forschungen, vol. 3), Éd.<br />
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Kunstgeschichte, Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2005, ps. 60-81.<br />
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Storia della scultura dal suo risorgimento in Italia fino al seculo di Canova, per servire di continuazione<br />
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- „Aus meinem Leben. Dichtung und Wahrheit“, in: Goethes Werke, Hamburger Ausgabe [HA], Erich<br />
Trunz (Éd.), vol. 9, Beck, Munich, 8 1978 et vol. 10, 6 1976, ps. 7-187.<br />
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- GRAVE, Johannes: Räume der Kunst. Blicke auf Goethes Sammlungen, Éd. Vandenhoeck & Ruprecht,<br />
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- idem: Der ‘ideale Kunstkörper’ - Johann Wolfgang Goethe als Sammler von Druckgraphiken und<br />
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• HEUDECKER Sylvia: Kulturelle Orientierung um 1700: Traditionen, Programme, konzeptionelle<br />
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• HINDERER, Walter: „Utopische Elemente in Schillers ästhetischer Anthropologie“, in: Literarische<br />
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• [HOBBES, Thomas:] The collected works of Thomas Hobbes, William Molesworth (Éd.),<br />
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• [HÖLDERLIN, Friedrich:] „Geschichte der schönen Künste unter den Griechen“, in: Sämtliche Werke,<br />
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(Éd.), Stroemfeld/Roter Stern, Francfort/M., 1991, ps. 41-66.<br />
• HOGARTH, William: Analyse de la beauté destinée à fixer les idées vagues qu’on a du goût, Éd.<br />
Quantin, Paris, 1883 [trad. fr.].<br />
• HOFMANN, Werner: „Der Tod der Götter“, in: John Flaxman. Mythologie und Industrie,<br />
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• idem: Das entzweite Jahrhundert - Kunst zwischen 1750 und 1830, Éd. Beck, Munich, 1995.<br />
• HOLTZHAUER, Helmut: „Die Weimarischen Kunstfreunde“, in: Goethe-Jahrbuch, n° 29, (1967), ps.<br />
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- idem: Antonio Canova (1757-1822) als Künstler und Diplomat: zur Rückkehr von Teilen der<br />
Bibliotheca Palatina nach Heidelberg in den Jahren 1815 und 1816, (Heidelberger<br />
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- JUNTUNEN, Eveliina: Bildimplizite Kunsttheorie in ausgewählten mythologischen Historien, Éd.<br />
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• KAMPHAUSEN, Alfred: „Asmus Jakob Carstens“, in: Studien zur Schleswig-Holsteinischen<br />
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• [KANT, Immanuel:] Critik der praktischen Vernunft. Critik der Urtheilskraft, première partie, vol. 5,<br />
Éd. Königlich Preußische Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1790.<br />
- Critik der Urtheilskraft, Lagarde et Friederich (Éd.), Berlin/Libau, 1790.<br />
- idem : „Das Ende aller Dinge“, in: Kants sämmtliche kleine Schriften. Nach der Zeitfolge geordnet,<br />
vol. 3, Königsberg/Leipzig, 1797, p. 507.<br />
- Kant’s gesammelte Schriften, Königlich Preußische Akademie der Wissenschaften (Éd.), Berlin,<br />
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- Observations sur le sentiment du beau et du Sublime, J. Kempf (Éd.), Vrin, Paris, 1953.<br />
• KANZ, Roland et KÖRNER, Hans: Pygmalions Aufklärung. Europäische Skulptur im 18.<br />
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- idem: „Dilettantismus“, in: Sämtliche Werke, Ernst Zinn et Klaus E. Bohnenkamp (Éd.), vol. 3,<br />
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- KIRSTEN, Johann Friedrich Ernst: Grundzüge des neuesten Skepticismus, Brady Bowman et Klaus<br />
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• K<strong>LA</strong>Uß, Jochen: Der ‘Kunschtmeyer’. Johann Heinrich Meyer. Orakel Goethes, Éd. Hermann<br />
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• [KLOPSTOCK, F. G.:] Ausgewählte Werke, K. A. Schleiden (Éd.), Munich, 3 1969, p. 180.<br />
• KNOCHE, Michael et RITTER-SANTINI Lea: „Das Projekt einer Deutschen Italien-Sammlung an<br />
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- idem: Die Bibliothek brennt, Éd. Wallstein, Göttingen, 2006.<br />
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• KÖHLER, W.: Psychologie der Form, Bergmann, Munich, 1929.<br />
• KOFLER, Peter: Ariost und Tasso in Wielands Merkur, Éd. Österr. Studien Verlag, Innsbruck, 1994.<br />
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• idem (Éd.): Schiller-Handbuch, Éd. Kröner, Stuttgart, 1998, ps. 575-585.<br />
• KRAFT, Georges: 1000 citations sur l’œuvre d’art, Éd. Ellipses, Paris, 1993.<br />
• KRAUS, Rosalind: The optical inconscious, Éd. The MIT Press, New York, 1993.<br />
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- idem: „Ein geisteskranker Bildhauer…“, in: Imago, vol. XIX, Vienne, 1933 [titre original:<br />
Psychoanalytic Explorations in Art, New York, 1952, réédition].
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- Die Legende vom Künstler: ein geschichtlicher Versuch, Éd. Krystall, Vienne, 1934 [réédition en<br />
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• idem: Die ästhetische Illusion - Phänomene der Kunst in der Sicht der Psychoanalyse, Éd.<br />
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• KURSCHEIDT, Georg (Éd.): „Herculanum und Pompeji“, in: [Friedrich Schiller] Sämtliche<br />
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• <strong>LA</strong>GOUTTE, Daniel: Introduction à l’histoire de l’art, Éd. Hachette, Paris, 1997.<br />
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• LE BRUN, Charles: Conférence du monsieur le Brun: premier peintre du roi (Sur l’expression<br />
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• LEIBNIZ, Gottfried Wilhelm: «Nouveaux essais sur l’entendement humain» [1704], Éd. Haude,<br />
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- idem: Monadologie [1714], 1720 [trad. all. de Ernst Köhler/réédition: Hartmut Hecht (Éd.), Éd.<br />
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• LESSING, Gotthold Ephraim: „Siebzehnter Literaturbrief“, in: Sämtliche Schriften, 2 vol., Karl<br />
Lachmann et Franz Muncker (Éd.), Éd. Göschen, Stuttgart, 3 1886.<br />
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• LOCKE, John: An Essay Concerning Human Understanding [1690], Peter H. Nidditch et G. A. J.<br />
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• LOMBARDO, Patrizia: „Stendal et l’idéal moderne”, in: Nineteenth Century French Studies, vol. 35,<br />
n° 1, 2006, ps. 226-246.<br />
• LOUIS, Eleanora: Die Beredsamkeit des Leibes. Zur Körpersprache in der Kunst, Éd. Ilsebill Barta<br />
Fliedl et Christoph Geissmar (Éd.), Residenz (Veröffentlichungen der Albertina, vol. 31),<br />
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• LUCKSCHEITER, Roman: L’art pour l’art: der Beginn der modernen Kunstdebatte in<br />
französischen Quellen der Jahre 1818 bis 1847, Éd. Aisthesis, Bielefeld, 2003.<br />
• LUKÀCS, Georg: „Zur Ästhetik Schillers“, in: Beiträge zur Geschichte der Ästhetik, Berlin, 1954,<br />
ps. 11-96.<br />
- MAAZ, Bernhard et BLOCH, Peter (Éd.): Johann Gottfried Schadow und die Kunst seiner Zeit,<br />
galerie d‘art/musées nationaux, Düsseldorf/Berlin, 1994 [catalogue d‘exposition, Kunsthalle<br />
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• MACHEREY, Pierre: Introduction à l'Ethique de Spinoza, Éd. P.U.F., Paris, 1994-1998.<br />
• MAGER, Johannes: „Friedrich Anton von Heynitz (1725-1802): Streiflichter aus seinem Leben und<br />
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• MAISAK, Petra (Éd.): Goethe und Tischbein in Rom, Éd. Insel, Francfort/M. et Leipzig, 2004.<br />
• MANGER, Klaus (Éd.): Italienbeziehungen des klassischen Weimar, Éd. Niemeyer, Tübingen, 1991.<br />
Goethe und die Weltkultur, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800), Éd. Winter, Heidelberg, 2003.<br />
• Schiller im Gespräch der Wissenschaften, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800), Éd. Winter,<br />
Heidelberg, 2005.<br />
• Das Ereignis Weimar-Jena aus literaturwissenschaftlicher Sicht, (Sächsische Akademie der<br />
Wissenschaften), vol. 139/cahier n° 5, Éd. Hirzel, Stuttgart/Leipzig, 2005.<br />
• Der ganze Schiller - Ästhetik als Erziehungsprogramm, (Ereignis Weimar-Jena - Kultur um 1800:<br />
Ästhetische Forschungen, vol. 15), Heidelberg, 2006 [avec la collaboration de Nikolaus Immer].
190<br />
• „Das Italienbild des klassischen Weimar nach Jagemann: Carl Ludwig Fernow“ in: Die Italianistik in<br />
der Weimarer Klassik - Das Leben und Werk von Christian Joseph Jagemann (1735-1804), Jörn<br />
Albrecht et Günter Kofler (Éd.), Narr, Tübingen, 2006, ps. 227-241[contributions du séminaire à la<br />
Villa Vigoni en octobre 2004].<br />
- Wielands Erfindung Weimars, (Oßmannstedter Blätter, n° 1), Jéna, 2006.<br />
• „Johann Joachim Winckelmann. Seine Wirkung in Weimar und Jena“, in: Schriften der<br />
Winckelmann-Gesellschaft, vol. 27, Stendal, 2007, ps. 29-40.<br />
- idem et POTT, Ute (Éd.): Rituale der Freundschaft, (Ereignis Weimar Jena. Kultur um 1800:<br />
Ästhetische Forschungen, vol. 7), Éd. Winter, Heidelberg, 2007.<br />
- MARQUARD, Odo: „Kant und die Wende zur Ästhetik“, in: Aesthetica und Anaesthetica.<br />
Philosophische Überlegungen, Éd. Schöningh, Paderborn, 1989, ps. 21-34.<br />
• MARQUARDT, Hertha: Henry Crabb Robinson und seine deutschen Freunde - Brücke zwischen<br />
England und Deutschland im Zeitalter der Romantik, Vandenhoeck & Ruprecht, 2 vol., Göttingen,<br />
1964/1967.<br />
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1969, ps. 91-108 [hommage à Werner Kohlschmidt].<br />
- MATUSCHEK, Stephan (Éd.): Die ‘Allgemeine Literatur-Zeitung’ in Jena 1785-1803, Éd. Winter,<br />
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- MAVRAKIS, Kostas: Art moderne. Rupture et renouveau, Éd. de Paris, Versailles, 2006.<br />
- MELLINI, Gian Lorenzo: Saggi di filologia e di ermeneutica, Éd. Skira, Mailand, 1999.<br />
- MEMES, J. S.: Memoirs of Antonio Canova with a critical analysis of his works, and a historical view<br />
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• [MENDELSSOHN, Moses et NICO<strong>LA</strong>I, Christoph, Friedrich:] Bibliothek der schönen<br />
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• [MENGS, Anton Raphael:] Gedanken über die Schönheit und über den Geschmak in der<br />
Mahlerey Herrn Johann Winkelmann gewidmet von dem Verfasser, J[ohann] Fueβli (Éd.), Éd.<br />
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191<br />
• [MEYER, Johann Heinrich:] „Entwurf einer Kunstgeschichte des achtzehnten Jahrhunderts“, in:<br />
Winkelmann und sein Jahrhundert - in Briefen und Aufsätzen von Goethe [1805], Éd. Cotta, Tübingen,<br />
1805, Seemann, Leipzig, 1969.<br />
- idem (Éd.): „Leben des Künstlers Asmus Jakob Carstens - Ein Beytrag zur Kunstgeschichte des<br />
achtzehnten Jahrhunderts“, n° 147, (1806), ps. 567-568.<br />
- MEYER, Richard M[oritz]: „Wilhelm Meisters Lehrjahre und der Kampf gegen den Dilettantismus“,<br />
in: Euphorion 2, (1895), ps. 529-538.<br />
• MIANO, Sarah: Rembrandt van Rijn, Éd. Fischer, Francfort/M., 2007 [trad. all. de Reinhild<br />
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• MIDANT, Jean-Paul: Au Moyen-âge avec Viollet-le-duc, Éd. Parangon, Lyon, 2001.<br />
• [MILIZIA, Francesco:] Dell’ arte di vedere nelle belle arti di disegno secondo i principii di Sulzer e<br />
di Mengs, Éd. Alvisopoli, Venice, 1823 [réédition in: Studi di Estetica, série III, année XXVII, fasc. II<br />
20/1999].<br />
- MILLER, Norbert: „Europäischer Philhellenismus zwischen Winckelmann und Byron“, in: Propyläen.<br />
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315-366.<br />
• MILLIN DE GRANDMAISON, Louis-Aubin: «Charles Louis Fernow - Notice sur le célèbre sculpteur<br />
Canova, et sur ses ouvrages», in: Magasin Encyclopédique, (1807), <strong>IV</strong>, ps. 65-82, ps. 245-261 et VIII.<br />
- idem: «Notice sur la Vie et les Ouvrages de Carstens», in: Magasin Encyclopédique, ou Journal des<br />
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• MILTON, John: Paradise lost - A poem written in ten books [1667], Roy C. Flannagan (Éd.), Ohio,<br />
1992.<br />
- MISSIRINI, Melchior: Della vita di Canova libri quattro, Éd. Giachetti, 1824.<br />
• MÖRCHEN, Hermann: „Die Einbildungskraft bei Kant“, in: Jahrbuch für neuere Philosophie und<br />
phänomenologische Forschung, n° 11, (1930), ps. 311-495.<br />
• MONDOT, Jean: La tension Nord/Sud: aspects historiques, anthropologiques, esthétiques: essai<br />
d’étude diachronique, Toulouse, 2001 [contributions lors du 126. congrès sous la dir. de Jean<br />
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192<br />
• idem (Éd.): „Schiller et la Révolution française - D’un silence, l’autre“, in: Revue internationale<br />
d’études germaniques, n° 22, 2004, ps. 87-102.<br />
- MONTAGU, Jennifer: The expression of the passions. The origine and influence of Charles le Brun’s<br />
Conférence sur l’expression générale et particulière, Éd. Yale UP, Londres/N.H., 1994.<br />
- MORETTI, Walter: Ariosto narratore e la sua scuola, Éd. Pàtron, Bologna, 1993.<br />
• MORITZ, Karl Philipp: Über die bildende Nachahmung des Schönen, Éd. Schul- und Buchhandlung,<br />
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- MÜLLER, Gerhard: Vom Regieren zum Gestalten. Goethe und die Universität Jena, (Ereignis Weimar-<br />
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- MYSSOK, Johannes: Antonio Canova: Die Erneuerung der klassischen Mythen in der Kunst um<br />
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• NEUMANN, Gerhard et WEIGEL, Sigrid (Éd.): Die Lesbarkeit der Kultur. Literaturwissenschaften<br />
zwischen Kulturtechnik und Ethnographie, Éd. Fink, Munich, 2000.<br />
- NEUPER, Horst: Das Vorlesungsangebot an der Universität Jena von 1749 bis 1854, parties I/II, Éd.<br />
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- NEUWIRTH, Markus: „Die Anverwandlung der Antike bei Anton Joseph Koch und Asmus Jakob<br />
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• NEWTON, Isaac: Philosophiae Naturalis Principia Mathematica [1686], S. Pepys, Londres, 1687.<br />
- NOVA, Alessandro (Éd.): Die Künstler der Raffael-Werkstatt, Wagenbach, Berlin, 2007 [en trad. all.<br />
et révisé par Sabine Feser, Matteo Burioni, Victoria Lorini, Anja Zeller, Christina Irlenbusch et Hana<br />
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- [idem:] „Briefwechsel und Lebenszeugnisse“, Éd. de Gruyter, Berlin, 2009.<br />
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193<br />
- OSTERKAMP, Ernst: Im Buchstabenbilde. Studien zum Verfahren Goethescher Bildbeschreibungen,<br />
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- OSWALD, Gabriele: „Deutsche Künstler in Rom: Künstlerrepublik und christlicher Kunstverein“,<br />
in: Rom-Paris-Londres. Erfahrung und Selbsterfahrung deutscher Schriftsteller und Künstler in den<br />
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- idem: Die Plastiksammlung der Herzogin Amalia Bibliothek in Weimar, 2 vol., Halle/Saale, 1995<br />
[mémoire de maîtrise].<br />
- OSWALD, Stefan: Italienbilder. Beiträge zur Wandlung der deutschen Italienauffassung 1770 -1840,<br />
Éd. Winter, Heidelberg, 1985.<br />
• OTTORINO, Stefani: La poetica e l’arte del Canova. Tra Arcadia, Neoclassicismo e Romanticismo,<br />
Canova, Treviso, 2 1984 [avec une préface de Giuseppe Mazzariol].<br />
• idem: Antonio Canova - la stattuaria, Éd. Electa, Milan, 1 1999, 2003.<br />
- PANKOKE, Eckart: Zwischen ‘Enthusiasmus’ und ‘Dilettantismus’: gesellschaftlicher Wandel<br />
‘freien’ Engagements, in: Ludgera Vogt et Arnold Zingerle (Éd.), Ehre - archaische Momente in der<br />
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• PANOFSKY, Erwin: Idea. Ein Beitrag zur Begriffsgeschichte der älteren Kunsttheorie, [1924], Éd.<br />
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- idem: Meaning in the Visual Arts, Doubleday, New York, 1955.<br />
- Ikonographie und Ikonologie. Eine Einführung in die Kunst der Renaissance, Éd. Dumont, Cologne,<br />
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- PERRAULT, [Charles]: Parallèle des Anciens et des Modernes, vol. I, Jean Paul Coignard, Paris,<br />
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• PETER, Ruth: Hermeneutica universalis. Die Entfaltung der historisch-kritischen Vernunft im<br />
frühen 18. Jahrhundert, (Frankfurter Hochschulschriften zur Sprachtheorie und Literaturästhetik, vol.<br />
12), Éd. Lang, Francfort/M., 2002.<br />
• PFISTERER, Ulrich: „Künstlerliebe. Der Narcissus-Mythos bei Leon Battista Alberti und die<br />
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• PFOTENHAUER, Helmut: Um 1800. Konfigurationen der Literatur, Kunstliteratur und Ästhetik,<br />
Niemeyer, Tübingen, 1991.<br />
- idem: (Éd.): „’Die Signatur des Schönen’ oder In wie fern Kunstwerke beschrieben werden können?<br />
Zu Karl Philipp Moritz italienischer Ästhetik“, in: Kunstliteratur als Italienerfahrung, (Reihe der Villa<br />
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-„Anthropologie, Transzendentalphilosophie, Klassizismus: Begründung des Ästhetischen bei<br />
Schiller, Herder und Kant“, in: Anthropologie und Literatur um 1800, Jürgen Barkhoff et Eda Sagarra<br />
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- Klassik und Klassizismus, Éd. Deutscher Klassiker, Francfort/M. 1995.<br />
- PILES, Roger de: Conversations sur la connoissance de la peinture, Éd. Muguet, Paris, 1699.<br />
- PINELLO, Antonio: La belle manière - anticlassicisme et maniérisme in l’art du XVI ème siècle, Éd.<br />
Livre de Poche, Paris, 1996.<br />
• PLÉ, Bernhard: ’Die Welt’ aus den Wissenschaften. Der Positivismus in Frankreich, England und<br />
Italien von 1848 bis ins zweite Jahrzehnt des 20. Jahrhunderts, eine wissenssoziologische Studie, Éd.<br />
Klett-Cotta, Stuttgart, 1996.<br />
- POLIANSKI, Igor J.: Die Kunst, die Natur vorzustellen. Die Ästhetisierung der Pflanzenkunde um<br />
1800 und Goethes Gründung des Botanischen Gartens zu Jena im Spannungsfeld kunsttheoretischer und<br />
botanischer Diskussionen der Zeit, (Minerva. Jenaer Schriften zur Kunstgeschichte, vol. 14), Éd.<br />
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• POLLINI, John: „The Tazza Farnese: Augusto Imperatore: ’Redeunt Saturnia Regna’!“, in:<br />
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- [POUSSIN, Nicolas:] Pourquoi on doit faire des tableaux, Éd. Nicolas Langlois, Paris, 1677 [texte<br />
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- idem : Dialogue sur le coloris, Éd. Nicolas Langlois, Paris, 1699.<br />
- Cours de peinture par principes, Jacques Estienne (Éd.), Paris, 1708.<br />
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- PRAGER, Brad: “Kant, Art and Art History: Moments of Discipline” dans: Journal of the History of<br />
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• PRÜFER, Thomas: Die Bildung der Geschichte. Friedrich Schiller und die Anfänge der modernen<br />
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• QUINCY, Antoine Chrysostand Quatremère de: Lettres sur le préjudice qu’occasionneraient aux arts<br />
et à la science le déplacement des monuments de l’art de l’Italie, le démembrement de ses écoles, et la<br />
spoliation des ses collections, galeries, musées & collections, Éd. Desenne, Paris, 1796.<br />
- idem: «Sur l’idéal dans les arts du dessin», in: Archives Littéraires de l’Europe, n °6, Paris, 1805.<br />
- «Sur M. Canova et les quatre ouvrages qu’on voit de lui à l’exposition publique de 1808», in: Gazette<br />
nationale ou le moniteur universel, Paris (28. 12. 1808), ps. 1428-1430.<br />
• Canova et ses ouvrages, ou, Mémoires historiques sur la vie et les travaux des célèbres artistes, Éd. Le<br />
Clere et Cie, Paris, 1834-1837.<br />
• RACITI, Angelo: Möglichkeiten des Daseins. Eine gesellschaftliche Analyse des ‘Kunstgesprächs’<br />
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• RICHTER, Simon: “Wieland and the Phallic Breast”, in: German Life and Letters, vol. n° 52, édition<br />
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- RAJNA, Pio: Le Fonti dell’ Orlando furioso, Éd. Sansoni, Venice, 1975.<br />
• RIEDEL, Manfred: „Geschichte als Aufklärung. Kants Geschichtsphilosophie und die<br />
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• RIEGEL, Hermann: Geschichte der deutschen Kunst seit Carstens und Gottfried Schadow, partie I:<br />
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Ein Beitrag zur Geschichte der allgemeinen Wiedergeburt des deutschen Volkes, Éd. Rümpler,<br />
Hannovre, 1876.
196<br />
- RIEM, A[ndreas:] Über die Malerei der Alten. Ein Beitrag zur Geschichte der Kunst, B[ernard] Rode<br />
(Éd.), Éd Reimer, Berlin, 1787.<br />
• ROBERTSON, J. G.: “Lessing and Marmontel”, in: The Modern Language Review, vol. 6, édition n°<br />
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• RÖSCH, Gertrud Maria: Clavis Scientiae. Studien zum Verhältnis von Faktizität und Fiktionalität am<br />
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• ROETTGEN, Herwarth: Il cavalier Giuseppe Cesari D’Arpino. Un grande pittore nello splendore<br />
della fama e nella incostanza della cultura, Bozzi Ugo (Éd.), Rome, 2002.<br />
• ROETTGEN, Steffi: Die Erfindung des Klassizismus - Anton Raphael Mengs (1728-1779), Éd.<br />
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- idem: „Hofkunst - Akademie - Kunstschule - Werkstatt“, in: Jahrbuch der bildenden Kunst, n° 36,<br />
(1985), ps. 131-181.<br />
- „Und so gross die Figur ist, so ist sie doch ohne Grösse - Zu Canovas ’Carattere forte’ im Spiegel der<br />
Kritik seiner Zeit“, in: Zeitschrift für Ästhetik und allgemeine Kunstwissenschaft, 1999.<br />
• ROSEN, Julia von: Kulturtransfer als Diskurstransformation - die Kantische Ästhetik in der<br />
Interpretation Mme de Staëls, (Studia Romanica, vol. 120), Éd. Winter, Heidelberg, 2004.<br />
- ROSENBLUM, Robert: The international style of 1800 - A study in linear abstraction, Éd. Garland,<br />
Londres/New York, 1976.<br />
• [ROUSSEAU, Jean-Jacques:] Abhandlung von dem Ursprunge der Ungleichheit unter den<br />
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- Œuvres complètes, Bernard Gagnebin et Marcel Raymond (Éd.), [1782], Gallimard, Paris<br />
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- RUBBI, Andrea: Ariosto, Berni, Satirici e burleschi del secolo XVI, Éd. Zatta, Venice, 1707.<br />
• RÜDIGER, Horst: «L’accession à l’humanité par la beauté», in: Encyclopédia Universalis, vol. 23,<br />
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• SAFRANSKI, Rüdiger: Friedrich Schiller oder die Erfindung des deutschen Idealismus, Éd. Hanser,<br />
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- SANGIRARDI, Giuseppe: Boiardismo ariostesco, Éd. Fazzi, Lucca, 1993.<br />
- SCHELLHAS, Walter: „Heynitz (Heinitz), Friedrich Anton v.“, in: Neue Deutsche Bibliothek<br />
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- SCHERER, Wilhelm: „Goethe-Philologie“, in: Im neuen Reich. Wochenschrift für das Leben des<br />
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• SCHEUER, Helmut: Biographie. Studien und Funktion und zum Wandel einer literarischen Gattung<br />
vom 18. Jahrhundert bis zur Gegenwart, Éd. Metzler, Stuttgart, 1979.<br />
• [SCHILLER, Friedrich „Über die Ästhetische Erziehung des Menschen“, in: Die Horen, vol. 1,<br />
1 1795 [première édition].<br />
- Kallias oder über die Schönheit, Über Anmut und Würde [1793], Éd. Reclam, Francfort/M., 2003.<br />
- idem: Schillers Werke, Nationalausgabe [NA], vol. 20/I, Philosophische Schriften, Helmut<br />
Koopmann et Benno von Wiese (Éd.), Éd. Böhlhaus, Weimar, 1962.<br />
- Sämtliche Werke, Gerhard Fricke et Herbert G. Göpfert (Éd.), vol. 5: Erzählungen/Theoretische<br />
Schriften, Éd. Hanser, Munich, 6 1980.<br />
- Sämtliche Gedichte, Éd. Insel, Francfort/M., 1991.<br />
- Briefe über die ästhetische Erziehung des Menschen, Robert Leroux (Éd.), Aubier, 1992.<br />
- Schiller - Theoretische Schriften, Rolf-Peter Janz, Hans Richard Brittnacher et Fabian Störmer (Éd.),<br />
Deutscher Klassiker Verlag, vol. 8 (12), Francfort/M., 1992.<br />
• SCHINGS, Hans-Jürgen: Melancholie und Aufklärung, Éd. Metzler, Stuttgart, 1977.
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- idem: Der ganze Mensch - Anthropologie und Literatur im 18. Jahrhundert, Éd. Metzler,<br />
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• SCH<strong>LA</strong>FFER, Hannelore: Klassik und Romantik 1770-1830, Éd. Kröner, Stuttgart, 1983.<br />
• SCHLEGEL, Friedrich: Athenaeum. Eine Zeitschrift von August Wilhelm Schlegel und Friedrich<br />
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la part des auteurs].<br />
- idem et August Friedrich et Wilhelm: Charakteristiken und Kritiken, Éd. Nicolovius, Königsberg,<br />
1801.<br />
-’Äthenäums’- Fragmente und andere Schriften, Éd. Reclam, Stuttgart, 1978 [réédition].<br />
• SCHLÜTER-GÖTTSCHE, Gertrud: Jürgen Ovens: ein schleswigholsteinischer Barockmaler,<br />
Westholsteinische Verlagsanstalt Boyens, Heide in Holstein, 1978.<br />
• SCHMIDT, H.: Ein Jahrhundert römischen Lebens. Von Winckelmanns Romfahrt bis zum Sturz der<br />
weltlichen Papstherrschaft, Éd. Dyksche Buchhandlung, Leipzig, 1904.<br />
• SCHMIDT, Peter: Aby Warburg und die Ikonologie, Wuttke (Éd.), Wiesbaden, 2 1993.<br />
• SCHMIDT, Wolf Gerhard: Homer des Nordens und Mutter der Romantik. James Macphersons<br />
Ossian und seine Rezeption in der deutschsprachigen Literatur, Éd. de Gruyter, Berlin, 2003 [thèse,<br />
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• SCHMIDT-FUNKE, Julia A.: Auf dem Weg in die Bürgergesellschaft. Die politische Publizistik des<br />
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- idem: Karl August Böttiger (1760-1835). Weltmann und Gelehrter, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um<br />
1800: Ästhetische Forschungen, vol. 14), Winter, Heidelberg, 2006.<br />
• SCHNEIDER, René: Quatremère de Quincy et son intervention dans les arts (1788-1830), Éd.<br />
Hachette, Paris, 1910.<br />
- idem: L’esthétique classique chez Quatremère de Quincy (1805-1823), Éd. Hachette, Paris, 1910.<br />
• SCHÖNIG, Jörg: Mimesis - Repräsentation - Imagination: Positionen von Aristoteles bis zum Ende<br />
des 18. Jhd., de Gruyter, Berlin, 1994.
199<br />
- SCHÖNWÄLDER, Jürgen: Ideal und Charakter - Untersuchungen zu Kunsttheorie und<br />
Kunstwissenschaft um 1800, Éd. tuduv, Munich, 1995.<br />
- SCHOLTZ, Gunter: „Der Weg zum Kunstsystem des deutschen Idealismus“, in: Früher Idealismus<br />
und Frühromantik - Der Streit um die Grundlagen der Ästhetik 1795-1805, Éd. Meiner, Hambourg,<br />
1990, ps. 12-29.<br />
• SCHOPENHAUER, Arthur: Sämtliche Werke, Paul Deussen (Éd.), 3 vol., [1799-1849 et 1818-1830],<br />
Éd. Piper, Munich, 1911.<br />
- idem: „Parerga und Paralipomena: Kleine philosophische Schriften“, vol. 2, dans: Werke, 5 vol.,<br />
Ludger Lütkehaus (Éd.), Haffmans, Zurich, 1991 [réédition].<br />
• SCHOPENHAUER, Johanna: Gabriele. Ein Roman, parties 1-3, Éd. Brockhaus, Leipzig,<br />
1819/20.<br />
- idem: Gabriele. In sämtlichen Schriften, vol. 7-9, Éd. Brockhaus, Leipzig, et Sauerländer,<br />
Francfort/M., 1830.<br />
• SCHRADER, Monika: Laokoon -‘eine vollkommene Regel der Kunst.’ Ästhetische Theorien der<br />
Heuristik in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts: Winckelmann, (Mendelssohn, Lessing, Herder,<br />
Schiller, Goethe, Herder), vol. 42, (Europaea Memoria), Éd. Olms, Hildesheim, 2005.<br />
- SCHRIMPF, Joachim et ADLER (Éd.): „Beiträge zur Ästhetik“, in [Karl Philipp Moritz:] Über die<br />
bildende Nachahmung des Schönen, Éd. Dieterich’sche Verlagsbuchhandlung, Mayence, 1989, ps. 27-<br />
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- SCHULZ, Andreas: „Der Künstler im Bürger. Dilettanten im 19. Jahrhundert“, in: Dieter<br />
Hein/Andreas Schulz (Éd.): Bürgerkultur im 19. Jahrhundert. Bildung, Kunst und Lebenswelt, Éd.<br />
Beck, Munich, 1996, ps. 34-52 et 313-317.<br />
• SCHULZE, Friedrich: Adam Friedrich Oeser - Der Vorläufer des Klassizismus, Éd. Köhler &<br />
Amelang, Leipzig, 1950.<br />
- SCHWAB, Gustav: Die schönsten Sagen des klassischen Althertums, 2 vol., Éd. Hirt, Breslau, 1932<br />
[avec 11 gravures d’Asmus Jacob Carstens et John Flaxmann (vol. 1), ainsi que 6 gravures de Carstens<br />
et Bonaventura Genelli (vol. 2)].<br />
- SCIOL<strong>LA</strong>, Gianni Carlo: Antonio Canova, Éd. Atlantis, Herrsching, 1989.
200<br />
• [SCROFANI, Saverio:] Al signor Cavaliere Ennio Quirino Visconti lettere di Saverio Scrofani sopra<br />
alcuni quadri della Galleria Giustinani ed una statua del Cav. Antonio Canova esposta nel Museo<br />
Napolione l’anno 1808, Éd. Dondey-Dupré, Paris, 1809.<br />
• SEEBA, Hinrich C.: Johann Joachim Winckelmann. Zur Wirkungsgeschichte eines ’unhistorischen’<br />
Historikers zwischen Ästhetik und Geschichte, in: DVjs (Deutsche Vierteljahresschrift für Literatur und<br />
Geschichte), n° 56, (1982).<br />
- SEEMANN, Hellmut Th.: Anna Amalia, Carl August und das Ereignis Weimar, (Jahrbuch der<br />
Stiftung Weimarer Klassik: 2007), Wallstein, Göttingen, 2006.<br />
• SEIFFERT, Hans Werner et SCHEIBE, Siegfried: Wielands Briefwechsel, vol. 5: Briefe der<br />
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• SHAFTESBURY, Anthony Ashley Cooper: Characteristics of Men, Manners, Opinions and Times<br />
[1711], Olms, Hildesheim/New York, 1978.<br />
- idem: Ästhetik, 4 vol., Éd. Frommann-Holzboog, Stuttgart/Bad Cannstatt, 1981-1993 [réédition en<br />
trad. all.].<br />
• SIMON, Karl-Heinz et PFÄNDER, Martin: Polyklet und Phidias: von Helden aus Marmor und<br />
Bronze, (Zeitreise durch die Kunstgeschichte), Klett, Stuttgart, Düsseldorf, Leipzig, 1999.<br />
• SIMON, Ralf: Das Gedächtnis der Interpretation. Gedächtnistheorie als Fundament für<br />
Hermeneutik, Ästhetik und Interpretation bei Johann Gottfried Herder, Meiner, Hambourg, 1998.<br />
• SIMONIS, A.: „’Das Schöne ist eine höhere Sprache’- Karl Philipp Moritz’ Ästhetik zwischen<br />
Ontologie und Transzendentalphilosophie“, in: DVjs (Deutsche Vierteljahresschrift für<br />
Literaturwissenschaft und Geistesgeschichte), vol. 68, n° 3, Éd. Metzler, Stuttgart, ps. 490-505.<br />
• SOUCHON, Henri: «Descartes et Le Brun. Étude comparée de la notion cartésienne des ‘signes<br />
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(1980), ps. 427- 458.<br />
• [SPINOZA, Baruch de:] Éthique [1677], Éd. Seuil, (Collection Points), Paris, 1999.<br />
• SPRINGER, Peter: „Artis Germanicae Restitutor. Asmus Jacob Carstens als ‘Erneuerer’ der<br />
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3, (1990/91), ps. 45-82.
201<br />
- STANITZEK, Georg: „Art. ‘Dilettant’“, in: Reallexikon der deutschen Literaturwissenschaft,<br />
Neubearbeitung des Reallexikons der deutschen Literaturgeschichte, vol. 1, de Gruyter, Berlin/New<br />
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- STANLEY, Kerry: Schiller’s Writings on Aeshetics, Éd. University Press, Manchester, 1961.<br />
• STEIGERWALD, Jörg et WATZKE, Daniela (Éd.): Reiz - Imagination - Aufmerksamkeit. Erregung<br />
und Steuerung von Einbildungskraft im klassischen Zeitalter (1680-1830), Éd. Königshausen &<br />
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• STEINBRUCKER, Gabriele (Éd.): Lavaters Physiognomische Fragente im Verhältnis zur bildenden<br />
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- idem (Éd.): Briefe Daniel Chodowieckis an Anton Graff, [1921], de Gruyter, Berlin/Leipzig, 1971.<br />
- STEINECKE, Otto: „Friedrich Anton von Heynitz. Ein Lebensbild. Zum hundertjährigen Todestage<br />
des Ministers von Heynitz nach Tagebuchblättern entworfen“, in: Forschungen zur brandenburgisch-<br />
preußischen Geschichte, n° 5 (1902), ps. 421-470.<br />
- STEMMRICH, Gregor: Das Charakteristische in der Malerei. Statusprobleme der nicht mehr schönen<br />
Künste und ihre theoretische Bewältigung, Éd. Verlag für Wissenschaft und Forschung, Berlin, 1994.<br />
- STENDAL: Promenades à Rome, Éd. le Divan, Paris, 1937.<br />
- STIERLE, Karl-Heinz: „Geschmack und Interesse. Zwei Grundbegriffe des Klassizismus“, in: Ideal<br />
und Wirklichkeit der bildenden Kunst im späten 18. Jahrhundert, Éd. Mann, Berlin, 1984, ps. 75-85.<br />
• STOROST, Jürgen: „Zur Erforschung der italienischen Dialekte in der deutschen Sprachwissenschaft<br />
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- STRACK, Friedrich (Éd.): Evolution des Geistes. Jena um 1800. Natur und Kunst, Philosophie und<br />
Wissenschaft im späten 18. Jahrhundert, Éd. Klett-Cotta, Stuttgart, 1994.<br />
- STRAUß, Elisabeth: Dilettanten und Wissenschaft. Zur Geschichte und Attraktivität eines<br />
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- [SULZER, Johann Georg:] Allgemeine Theorie der schönen Künste, partie III, Éd. Weidmann, Leipzig,<br />
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- TADINI, Faustino: Le sculture ed le pitture di Antonio Canova pubblicate fino a quest’anno, Éd.<br />
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202<br />
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à fixer les caractères distinctifs de leur talent, avec un précis de leur vie, Éd. Duminil-Lesueur, Paris,<br />
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• THUN, Harald: „Literaturtheorien des Klassizismus“, in: Metzlers Literaturlexikon: Literatur- und<br />
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• TÖNNEMANN, Andreas: Die Kunst der Renaissance, Éd. Beck, Munich, 2007.<br />
- TROELTSCH, Ernst: „Die Krisis des Historismus“, in: Die neue Rundschau, (33/1), 1922, ps. 572-<br />
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• ULLRICH, Wolfgang: Was war Kunst? Biographien eines Begriffs, Éd. Fischer, Munich, 2005.<br />
- URBAN, Astrid: Kunst der Kritik. Die Gattungsgeschichte der Rezension von der Spätaufklärung bis<br />
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- VAGET, Hans Rudolf: „Der Dilettant. Eine Skizze der Wort- und Bedeutungsgeschichte“, in:<br />
Jahrbuch der deutschen Schillergesellschaft, n° 14 (1970), ps. 131-158.<br />
- idem: Dilettantismus und Meisterschaft - Zum Problem des Dilettantismus bei Goethe: Praxis, Theorie,<br />
Zeitkritik, Éd. Winkler, Munich, 1971.<br />
• VALENTIN, Jean-Marie (Éd.): L’un, l’autre et le tout, Éd. Kliencksieck, Paris, 1999.<br />
• VALK, Thorsten: Melancholie im Werk Goethes. Genese - Symptomatik - Therapie, (Studien zur<br />
deutschen Literatur, vol. 168), Éd. Niemeyer, Tübingen, 2004.<br />
- VALLOIS, Maximilien: La formation de l’influence kantienne en France, Éd. Alcan, Paris, 1925.<br />
• [VASARI, Giorgio:] Vite di artisti - Giorgio Vasari e Benvenuto Cellini, Éd. Gallimard, Paris, 2002<br />
[trad. fr. avec une préface de Gérard Luciani].<br />
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- VASZONYI, Nicholas: „Goethe’s ‘Wilhelm Meisters Lehrjahre’: A Question of Talent”, in: The<br />
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- VENTZKE, Markus: Die Regierung des Herzogtums Sachsen-Weimar-Eisenach (1775-1783),<br />
(Veröffentlichungen der Historischen Kommission für Thüringen, vol. 10), Éd. Böhlau,<br />
Cologne/Weimar/Vienne, 2004.
203<br />
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Winckelmann-Gesellschaft, vol. XXIII), Kunze (Éd.), Stendal, 2004.<br />
- idem: Buonarroti und Leonardo Da Vinci: Republikanischer Alltag und Künstlerkonkurrenz in Florenz<br />
zwischen 1501 und 1505, Éd. Niedersachs, Wallstein, 2007.<br />
- VICI, Andrea: «La statua della Religione del Canova e le sue vicende», in: Palatino. Rivista romana di<br />
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- VIEWEG, Klaus et BOWMAN, Brady: Wissen und Begründung. Die Skeptizismus-Debatte um 1800<br />
im Kontext neuzeitlicher Wissenskonzeptionen, (Kritisches Jahrbuch der Philosophie, vol. 8), Éd.<br />
Königshausen & Neumann, Würzburg, 2003.<br />
• VOGLER, C. H.: Der Bildhauer Alexander Trippel aus Schaffhausen: Mit d. Portr. et 4 Taf. Abb.<br />
von Werken Trippels, Éd. Schoch, Schaffhausen, 1893.<br />
- VONO<strong>LA</strong>RI, Giovanni (Éd.): Biblioteca Canoviana ossia Raccolta delle migliori prose de’piu scelti<br />
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- WARNKE, Martin: Hofkünstler. Zur Vorgeschichte des modernen Künstlers, Éd. Dumont, Cologne,<br />
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- idem: Peter Paul Rubens. Leben und Werk, Éd. Dumont, Cologne, 2006.<br />
• WEBB, Daniel: Untersuchung in der Mahlerey, und der Verdienste der berühmtesten alten und neuern<br />
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• WEHINGER, Brunhilde: Conversation um 1800. Salonkultur und literarische Autorschaft bei<br />
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• WELSH, Caroline: Hirnhöhlenpoetiken. Theorien zur Wahrnehmung in Wissenschaft, Ästhetik und<br />
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- WERGIN, Ulrich: „Symbolbildung als Konstitution von Erfahrung. Die Debatte über den<br />
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- WERTHEIM, Ursula: „Über den Dilettantismus“, dans: Goethe-Studien, Éd. Rütten & Loening,<br />
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- WIDMANN, Hans-Joachim: Die Schlacht bei Jena und das Ende der Weimarer Klassik: Ein<br />
Moment der Weltgeschichte - und wie der Frankfurter Bürger und Weimarer Geheime Rat Johann<br />
Wolfgang von Goethe ihn erlebte, Éd. Davos, 2006 [lors du 200ème anniversaire de la bataille à Jéna].<br />
• WIEDEMANN, Conrad: Griechenland als Ideal. Winckelmann und seine Rezeption in Deutschland,<br />
Ludwig Uhlig (Éd.), Tübingen, 1988.<br />
- WIESE, Benno von: „Goethes und Schillers Schemata über den Dilettantismus“, dans: Von Lessing<br />
bis Grabbe. Studien zur deutschen Klassik und Romantik, August Bagel (Éd.), Düsseldorf, 1968, ps.<br />
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• WILCOX, Kenneth Parmelee: Die Dialektik der menschlichen Vollendung bei Schiller, Éd. Lang,<br />
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• WILM, Marie-Christin: Rom-Paris-Londres - Erfahrung und Selbsterfahrung deutscher Schriftsteller<br />
und Künstler in den fremden Metropolen, Éd. Metzler, Stuttgart, 1988.
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• [WINCKELMANN, Johann Joachim:] Gedanken über die Nachahmung der Griechischen Werke in<br />
der Mahlerey und Bildhauerkunst, Éd. Walther, Dresde, 2 1756.<br />
- WISCHERMANN, Heinfried: „Canovas Pantheon - Überlegungen zum Tempio Canoviano von<br />
Possagno“, in: Architectura, n° 10, 1980, ps. 134-163.<br />
• WITTSTOCK, Jürgen: Geschichte der deutschen und skandinavischen Thorvaldsen-Rezeption bis zur<br />
Jahresmitte 1819, 1975 [thèse, Univ. Hambourg].<br />
- WYSS, Beat: „Der letzte Homer. Zum philosophischen Ursprung der Kunstgeschichte im Deutschen<br />
Idealismus“, in: Kunst und Kunsttheorie 1400-1900, Éd. Harrassowitz, Wiesbaden, 1991.<br />
• ZAREMBA, Michael: Johann Gottfried Herder - Prediger der Humanität, Éd. Böhlau, Cologne,<br />
2002.<br />
• ZEITLER, Rudolf: Der abgewandte Blick. Bemerkungen zu Skulpturen des Klassizismus um 1800.<br />
Interpretationen zu Werken von David, Canova, Carstens, Thorvaldsen, Koch, Éd. Hatje, Stuttgart, 1993,<br />
ps. 167-176.<br />
• ZIMBRICH, Ulrike: Mimesis bei Platon, (Europäische Hochschulschriften, série 15, vol. 28), Éd.<br />
Lang, Francfort/M., 1984 [thèse, Francfort/M.].
CANOVA & CARSTENS<br />
Asmus Jakob Carstens<br />
206<br />
• STAATLICHE MUSEEN/BERLIN (Éd ).: Asmus Jakob Carstens und Joseph Anton Koch. Zwei<br />
Zeitgenossen der Französischen Revolution, Berlin, 1989.<br />
• SCHLOSS GOTTDORF/<strong>LA</strong>NDESMUSEUM (Éd.): Asmus Jakob Carstens. Goethes Erwerbungen für<br />
Weimar, Éd. Wachholtz, Neumünster, 1992.<br />
Antonio Canova<br />
• MUSEO CORRER (Éd.): Antonio Canova, Venice, 2000.<br />
• SKIRA (Éd.): Catalogo della Mostra a cura di Antonio Canova, Mailand, 2003/04 [exposition à<br />
Bassano del Grappa, 22. 11. 2003 - 18. 4. 2004].<br />
CATALOGUES & OUVRAGES ILLUSTRÉS<br />
- ALBRECHT, Jörn (Éd.): Alexander Trippel: (1744-1793) - Skulpturen und Zeichnungen, Éd. Museum<br />
zu Allerheiligen, Schaffhausen, 1993 [exposition du 25. 9. au 21. 11. 1993].<br />
- BAUDOUX, Marc (Éd.) [VASARI, Giorgio:] Catalogue complet des peintures, Éd. Bordas, Paris,<br />
1991.<br />
- BERNHARD, Julia et BAVAJ, Ursula (Éd.): Schadow in Rom: Zeichnungen von Johann Gottfried<br />
Schadow aus den Jahren 1785 bis 1787, Éd. Stiftung Archiv der Akad. Der Künste, 2003.<br />
- BUETTNER, Nils e. HEINEN, Ulrich (Éd.): Peter Paul Rubens: Barocke Leidenschaften, Munich,<br />
2004 [exposition au musée du duc Anton Ulrich à Brunswick, du 8. 8. au 31. 10. 2004].<br />
- BROCKHAUS, Christoph (Éd.): Lehmbruck, Rodin et Maillol, Éd. Wienand, Cologne, 2005<br />
[exposition de la fondation du musée Wilhelm Lehmbruck - centre de la sculpture internationale<br />
Duisbourg, du 25. 9. 2005 au 29. 1. 2006; trad. all. par Susanne Lötscher].<br />
- BUSSAGLI, Marco: L’art de Rome, 2 vol., Éd. Mengès, Paris, 1999.<br />
• C<strong>LA</strong>IR, Jean (Éd.): Mélancolie - génie et folie en Occident, Éd. Gallimard, Paris, 2005 [exposition au<br />
Grand Palais, Paris, du 10. 10. 2005 au 16. 1. 2006].<br />
• CROOK, John Mordaunt: The Greek Revival, John Murray (Éd.), London, 1972.
207<br />
- DI MAIO, Elena, JØRNÆS Bjarne et SUSINI, Stefano: Berthel Thorvaldsen - Scultore danese a<br />
Roma, Éd. de Luca, Rom, 1989/90.<br />
- GALLERIA d’Arte moderna (Éd.): Il nudo fra ideale e realtà - una storia dal neoclassicismo ad<br />
oggi, Bologna, 2004 [exposition du 20. 1. au 9. 5. 2004].<br />
- GREGORI, Mina: Le musée des Offices et le Palais Pitti - la peinture à Florence, Éd. Place des<br />
Victoires, Paris, 2000.<br />
- HEINZ Marianne, EISSENHAUER, Michael et SCHMIDT, Hans Werner (Éd.): 3 x Tischbein und<br />
die europäische Malerei um 1800: [catalogue de l’exposition consacrée à Johann Heinrich Tischbein,<br />
Johann Friedrich August Tischbein et Johann Heinrich Wilhelm dans les musées nationaux, nouvelle<br />
galerie, Kassel, du 1. 12. 2005 au 26. 2. 2006; musée des arts plastiques, Leipzig, 18. 3. - 5. 6. 2006].<br />
- HUBER, Judith: „Ausstellungen deutscher Künstler in Rom“, in: Die Nazarener in Rom. Ein deutscher<br />
Künstlerbund der Romantik, Éd. Galleria Nazionale d’Arte moderna, Rome, 1981.<br />
• HILL, Ann (Éd.): Du Mont’s Bildlexikon der Kunst, Éd. Du Mont, Cologne, 1976 [en édition<br />
allemande par Karin Thomas e. Gerd de Vries].<br />
- MAAZ, Bernhard et BLOCH, Peter (Éd.): Johann Gottfried Schadow und die Kunst seiner Zeit,<br />
Kunsthalle/Staatliche Museen, Düsseldorf/Berlin, 1994 [catalogue d’exposition dans la galerie d’art à<br />
Düsseldorf, du 5. 11. 1994 au 29. 1. 1995, musée national germanique de Nuremberg, du 30. 3. au 18. 6.<br />
1995; exposition des musées nationaux de Berlin, du 14. 7. au 24. 9. 1995].<br />
- MILDENBERGER, Hermann: Johann Heinrich Wilhelm Tischbein: Aquarelle, Gouachen und<br />
Zeichnungen, Stiftung Weimar (Éd.), 2006 [exposition du 7. 4. au 11. 6. 2006, musée du château de<br />
Weimar].<br />
• PETRAKOS , Basileios (e. a.): Nationalmuseum von Athen, Éd. Kleio, Athen, [1981 1 ], 1992.<br />
- SAUR (Éd.): Allgemeines Künstlerlexikon, Éd. Saur, München, 1995.<br />
- SCHULZE, Sabine (Éd.): Goethe et die Kunst, Éd. Hatje, Stuttgart, 1994.<br />
- ZÖLLNER, Frank (Éd.): Léonard de Vinci - tout l’œuvre peint et sculpté, Éd. Taschen, Paris, 2003.<br />
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