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UNIVERSITÉ PARIS IV - LA SORBONNE THÈSE

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<strong>UN<strong>IV</strong>ERSITÉ</strong> <strong>PARIS</strong> <strong>IV</strong> - <strong>LA</strong> <strong>SORBONNE</strong><br />

FACULTÉ des Lettres/Études germaniques<br />

<strong>THÈSE</strong><br />

Pour obtenir un titre académique<br />

<strong>UN<strong>IV</strong>ERSITÉ</strong> <strong>PARIS</strong> <strong>IV</strong> - <strong>LA</strong> <strong>SORBONNE</strong> - <strong>PARIS</strong> en cotutelle avec la<br />

FRIEDRICH - SCHILLER - UN<strong>IV</strong>ERSITÄT - JÉNA<br />

Soutenue et présentée publiquement par<br />

Béatrice Deffner<br />

le 6 juillet 2009<br />

L’art comme nature supérieure - Carl Ludwig Fernow et la recherche d’une<br />

esthétique idéale<br />

Directeur de recherches:<br />

M. le Professeur Roland Krebs<br />

JURY:<br />

M me le Professeur Elisabeth Décultot (ENS Paris)<br />

M. le Professeur Roland Krebs (Université Paris <strong>IV</strong> - la Sorbonne)<br />

M. le Professeur Klaus Manger (Université Friedrich Schiller Jéna)<br />

M. le Professeur Dieter Burdorf (Université de Leipzig)


JENA/<strong>PARIS</strong> 2010


3<br />

«L’intérêt porté au beau et à l’art qui nous élève vers un monde supérieur ne doit pas nous<br />

rendre indifférent au monde réel»<br />

(Carl Ludwig Fernow, Études romaines III, préface)


4<br />

REMERCIEMENTS<br />

En premier lieu, je voudrais remercier tous ceux qui, par leur aide ou leur soutien, ont<br />

contribué à la réalisation du présent travail de thèse.<br />

Tout d’abord, je tiens à exprimer ma sincère reconnaissance à mon directeur de thèse,<br />

Monsieur le Professeur Roland Krebs de l’Université de Paris <strong>IV</strong> - la Sorbonne, non<br />

seulement pour son soutien avisé mais également pour le temps consacré.<br />

De même, je voudrais remercier Monsieur le Professeur Klaus Manger, le co-directeur de<br />

recherches à la Friedrich-Schiller-Universität de Jéna, pour la coopération agréable et pour<br />

avoir accepté de superviser ce travail dans le cadre d’une cotutelle de thèse.<br />

Je tiens également à adresser des remerciements à Madame le Professeur Elisabeth Décultot,<br />

de l’École normale supérieure - Paris, Madame le Professeur Françoise Knopper de<br />

l’Université de Toulouse II, tout comme à Monsieur le Professeur Dieter Burdorf de<br />

l’Université de Leipzig.<br />

Un grand merci revient également à M elle Christelle Bony, enseignante au collège Robespierre<br />

de Saint-Pol-sur-Mer, pour sa patience concernant la relecture du travail, et surtout pour son<br />

amitié de longue date.<br />

Par ailleurs, je voudrais remercier, de tout mon cœur, ma tante, Madame Irmgard Buisson,<br />

pour le soutien moral.<br />

Et, last but not least, je voudrais exprimer ma grande gratitude envers l’association Pierre<br />

Grappin et, en particulier, Mme Pierre Grappin, pour la bourse de recherche qui m’a été<br />

accordé dans le cadre d’un séjour de courte durée en Allemagne tout en mettant en relief<br />

l’engagement de cette association en faveur du développement des études germaniques en<br />

France. Merci mille fois.


5<br />

SOMMAIRE<br />

Sigles.................................................................................................................................................6<br />

Introduction…...................................................................................................................................8<br />

I. La thèse classique ou les inspirations de l’homonomie classiciste:<br />

Fernow dans la continuité et discontinuité avec l’idéal classique<br />

1. Kant: «quelle richesse créatrice d’idées»…………………………………......................23<br />

2. Schiller: «le labyrinthe des belles apparitions»…………………………………….........44<br />

3. Le Winckelmann de Fernow: «la grandeur silencieuse et calme»………………………62<br />

II. L’antithèse de la critique de l’art ou la critique de l’hétéronomie artistique:<br />

La critique de l’industrie de l’art académique et l’esquisse de l’artiste idéal<br />

1. Ludovico Ariosto: «l’un des rares favoris des dieux»……………………………….........78<br />

2. Asmus Jakob Carstens: «le génie né pour les beaux-arts»……………………………......90<br />

3. Antonio Canova: «L’attrait plaisant et flatteur de Canova»…………………………….113<br />

III. La synthèse moderne ou le principe de l’autonomie esthétique:<br />

Les approches d’une esthétique ‘idéale’<br />

1. Du beau dans l’art: «le but ultime de l’art»...…................................................................127<br />

2. Du caractéristique: «ou la vérité de la représentation»…………….................................136<br />

3. De l’enthousiasme de l’artiste: «cette aspiration divine»……………………………......148<br />

<strong>IV</strong>. Conclusion: L’image idéale de l’Antiquité - un espace utopique des temps modernes? 161<br />

Bibliographie…………………………………………………………………………….164


1. ŒUVRES DE FERNOW<br />

6<br />

SIGLES<br />

RS Römische Studien, 3 vol., Éd. Gessner, Zurich, 1806.<br />

ARIOST Leben und Werk Ariosto’s des Götlichen, Éd. Gessner, Zurich, 1809.<br />

CARSTENS Leben des Künstlers Asmus Jakob Carstens, Éd. Hartknoch, Leipzig, 1806.<br />

CANOVA Über den Künstler Canova und seine Werke, Éd. Gessner, Zurich, 1806.<br />

2. TEXTES D’AUTEURS CITÉS FRÉQUEMMENT AU LONG DE NOTRE OUVRAGE<br />

KU Kant, Critik der Urtheilskraft, Éd. Preuβische Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1790.<br />

JS Johanna Schopenhauer, Carl Ludwig Fernow’s Leben, Éd. Cotta, Tübingen, 1810.<br />

IF Irmgard Fernow, Carl Ludwig Fernow als Ästhetiker - ein Vergleich mit der Kritik der<br />

Urteilskraft, Mayr, Würzburg, 1936 [thèse, Univ. Friedrich-Wilhelm, Bonn].<br />

HE Herbert von Einem, Carl Ludwig Fernow - Eine Studie zum deutschen Klassizismus,<br />

Deutscher Verein für Kunstgeschichte (Éd.), vol. III, Berlin, 1935.<br />

HT Harald Tausch, Entfernung der Antike - Carl Ludwig Fernow im Kontext der Kunsttheorie<br />

um 1800, Éd. Niemeyer, Tübingen, 1998.<br />

3. OUVRAGES COLLECTIFS<br />

VRW Von Rom nach Weimar - Carl Ludwig Fernow, Harald Tausch et Michael Knoche (Éd.),<br />

Éd. Narr, Tübingen, 1998.<br />

KAW Kunst als Wissenschaft - Carl Ludwig Fernow ein Begründer der Kunstgeschichte,<br />

Reinhard Wegner (Éd.), Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2005.<br />

4. MAGAZINES et JOURNAUX<br />

NTM Neuer Teutscher Merkur, C. M. Wieland (Éd.), Weimar, [1790-1810].<br />

JDM Journal des Luxus und der Moden, Friedrich Justin Bertuch, Weimar, [1787-1812].<br />

NDM Neues deutsches Magazin, C.U.D. Eggers, Hambourg (1791), Altona (dès 1792), [1791-1800].


7<br />

A part cela, il est à noter que l’utilisation de la mise en relief est systématique pour signaler la<br />

composition des mots, termes spécifiques et titres d’ouvrages étrangers, également à<br />

l’intérieur des citations.<br />

Les guillemets sont généralement employés pour souligner certains mots et noms propres dans<br />

le texte courant, et aussi pour délimiter les citations.<br />

Afin d’éviter les accumulations malencontreuses de signes de ponctuation, les mots<br />

importants situés dans des citations brèves déjà encadrées par des signes seront mis en relief<br />

par des guillemets simples ou par un espacement des lettres qui les composent.<br />

L’orthographe étrangère de certains mots ou expressions sera aussi indiquée, immédiatement<br />

après ou mis entre guillemets, lorsque cela s’avère nécessaire.<br />

Pour une bibliographie plus détaillée, le lecteur est prié de se reporter à la partie<br />

correspondante située à la fin du présent travail.<br />

La traduction, quant à elle, est généralement donnée immédiatement après la citation ou en<br />

bas de page, selon la longueur du texte, entre parenthèses et en caractères romains encadrés<br />

systématiquement par les guillemets, le cas échéant.<br />

Sauf indication contraire, l’auteur du présent travail est également à l’origine de toutes les<br />

traductions des mots d’emprunts étrangers et paraphrases des citations et celles-ci sont donc<br />

données sous réserve de réctification.


8<br />

INTRODUCTION<br />

Afin de justifier la démarche scientifique utilisée pour la bonne conduite de la présente<br />

enquête, nous avons choisi de centrer notre réflexion sur trois centres thématiques:<br />

1. La relation sujet-objet: c’est-à-dire la corrélation entre le représenté et le représentant en<br />

art. Ainsi, nous allons nous intéresser dans un premier temps à la question dans quelle mesure<br />

Fernow s’éloigne-t-il du principe classique d’égalité entre le sujet-objet (mimésis), pour<br />

valoriser la liberté de l’artiste (autonomie esthétique).<br />

2. L’unitas diversitatis: à savoir l’unité dans la diversité du tableau littéraire, 1 dont Fernow se<br />

sert aussi dans la monographie sur Carstens, afin de démontrer, suivant sa compréhension<br />

humaniste de l’histoire, comment celui-ci est «devenu ce qu’il est devenu.» 2<br />

3. La diversité idéelle - en partant du principe qu’il n’y a pas qu’une seule démarche<br />

scientifique propre au présent sujet de recherche, mais une multitude d’axes de recherche<br />

potentiels, dont nous avons pris connaissance au cours de l’élaboration du présent projet, mais<br />

qui dépasserait sans doute le cadre du présent travail, de sorte que nous sommes amenés à<br />

laisser leur exploration à des études futures. 3<br />

1 Annette Graczyk: Das literarische Tableau zwischen Kunst und Wissenschaft, Éd. Fink, Munich, 2004.<br />

2 Voir Carstens, Leben und Werke. Von K. L. Fernow, H. Riegel (Éd.), Hannovre, 1867, p. 185: „In dem Leben<br />

eines Künstlers von so entschiedenen Anlagen und so durchaus eigener, trotz den ungünstigesten Umständen<br />

glücklich durchgeführter Selbstbildung ist nichts merkwürdiger, als zu sehen, wie er ward, was er geworden.“<br />

3 Ou, selon les termes de Pierre Francastel: «J’ai cru qu’on ne pourrait comprendre le passé qu’à travers le<br />

présent, et réciproquement», et il ajoute: «je souhaite qu’on se souvienne toujours qu’à travers l’art<br />

contemporain, c’est la Renaissance que j’ai voulu saisir», dans: Peinture et société [1965], cité selon Daniel<br />

Lagoutte dans: Introduction à l’histoire de l’art, Éd. Hachette, Paris, 1997, p. 121.


9<br />

Afin d’évaluer l’importance de Fernow en tant que critique dans le cercle des Amis de l’art<br />

weimariens, il faut prêter une attention particulière au contexte historique. Au premier abord<br />

on constate, que l’idéal de l’art antique peut être considéré comme l’une des constantes du<br />

discours esthétique autour de 1800. Ce phénomène culturel qui, quoique conditionné par<br />

plusieurs facteurs d’ordre historique et sociologique, est généralement mis en rapport avec la<br />

crise de l’art 4 traditionnellement attribuée aux influences romantiques, qui se manifestent vers<br />

la fin du XVIII ème siècle; ce fait est bien connu. Afin de mieux cerner les arrière-plans qui ont<br />

mené à ce réveil à l’antique, 5 une rapide référence à l’art semble ici s’imposer. La réflexion<br />

dite esthétique relève d’une longue tradition en Occident et remonte au moins jusqu’à<br />

l’Antiquité grecque, 6 sans oublier les grandes étapes de l’histoire de l’art, comme par exemple<br />

le symbolisme du Moyen-âge, le naturalisme de la Renaissance et le sensualisme laïque de<br />

l’âge baroque. Du côté allemand, ce furent notamment les répercussions du siècle des<br />

Lumières venant de France ou d’Angleterre, qui eurent également une incidence importante<br />

sur les œuvres des philosophes de la Frühen Neuzeit, 7 et préparèrent ainsi le terrain à<br />

l’avènement d’un discours, à la fois historique et scientifique, sur l’art en Allemagne. Il en va<br />

de même sur le plan esthétique. Sous l’influence des thèses de Marmontel, 8 Gotthold Ephraim<br />

4<br />

Victoria von Flemming et Sebastian Schütze (Éd.): Ars naturam adiuvans. Festschrift für Matthias Winner zum<br />

2. März 1996, v. Zabern (Éd.), Mayence, 1996.<br />

5<br />

Cf. p. ex.: The Greek Revival, Éd. John Mordaunt Crook, Londres, 1972.<br />

6<br />

Cf. à ce sujet aussi Annie Becq: Genèse de l’esthétique française moderne 1680-1814, Éd. Albin Michel, Paris<br />

1994, p. 4: «S’il est vrai qu’une réflexion sur l’art et le beau existe en Occident depuis l’Antiquité grecque, elle ne<br />

se présente pas sous le nom d’esthétique, avant la publication de l’Aesthetica de Baumgarten en 1750, le fait est<br />

bien connu.»<br />

7<br />

Wolfgang Detel et Claus Zittel (Éd.): Wissensideale und Wissenskulturen in der frühen Neuzeit/Ideals and<br />

Cultures of Knowledge in Early Modern Europe, (Wissenskulturen und gesellschaftlicher Wandel, vol. 2), Éd.<br />

Akademie Verlag, Berlin, 2002, ainsi que: Kulturelle Orientierung um 1700: Traditionen, Programme,<br />

konzeptionelle Vielfalt, Sylvia Heudecker, Dirk Niefanger et Jörg Wesche (Éd.), Éd. Niemeyer, Tübingen, 2004.<br />

8<br />

D’après la théorie de J. G. Robertson Lessing pourrait avoir pris connaissance des thèses de Marmontel émises<br />

dans la Poétique françoise (1763) par le biais d’un article de recension paru dans la Bibliothek der schönen<br />

Wissenschaften und freien Künste [vol. XI, i, p. 13, p. 289 ss. et vol. XII, I, p. 42 s., (1764-65), Dyck, Leipzig<br />

(1765-1806)] qui auraient également inspiré le Laokoon. Cf.: “Lessing and Marmontel”, dans: The Modern<br />

Language Review, vol. 6, n° 2 (1911), ps. 216 ss.


10<br />

Lessing 9 va discuter pour la première fois la question de la connaissance humaine dans le<br />

contexte des différentes théories sur la perception par rapport à l’interaction entre la physis et<br />

la psyché, 10 en fondant ainsi l’herméneutique visuelle. 11 A cela s’ajoute également<br />

l’interrogation de la raison humaine et l’imagination artistique, aussi à l’égard des aspects<br />

anthropologiques. 12 Dans le sillage de la Querelle des Anciens et des Modernes, 13 Johann<br />

Christoph Gottsched 14 défend ainsi un point de vue conservateur, tandis que le moderne<br />

Leibniz 15 valorise la poésie dans le miroir de la force d’imagination. La vague de<br />

l’enthousiasme shakespearien, marque par la suite une «rupture avec la poésie normative» en<br />

faveur de la «langue du cœur» 16 , ce qui engendre un changement vis-à-vis de la<br />

compréhension de la nature et de l’art au sens d’une esthétique du génie. De même, Leibniz<br />

élabore un modèle métaphysique des monades qui constituent l’univers, et, ce faisant, il<br />

s’oppose à Spinoza 17 et à sa théorie panthéiste de l’esprit universel. Cette réflexion traduit<br />

également l’idéal de l’art classique, d’après lequel le beau dans l’art se manifeste à travers les<br />

objets comme un tout harmonieux, de manière quasi inductive, 18 en parfait repos. En<br />

9<br />

Monika Schrader: Laokoon -‘eine vollkommene Regel der Kunst.’ Ästhetische Theorien der Heuristik in der<br />

zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts: Winckelmann, (Mendelssohn, Lessing, Herder, Schiller, Goethe), (Reitel,<br />

vol. 42 Europaea Memoria), Hildesheim/Zurich/New York, Éd. Olms, 2005.<br />

10<br />

Hans Georg von Arburg et Caroline Welsh: Hirnhöhlenpoetiken. Theorien zur Wahrnehmung in Wissenschaft,<br />

Ästhetik und Literatur um 1800, (Litterae n° 114), Éd. Rombach, Fribourg/Brisgau, 2003. Gabriele Brandstetter<br />

et Gerhard Neumann: Romantische Wissenspoetik. Die Künste und die Wissenschaften um 1800, (Stiftung für<br />

Romantikforschung, vol. 26), Éd. Königshausen & Neumann, Wurzbourg, 2004.<br />

11<br />

David Wellbery: Lessing’s Laocoon. Semiotics and aesthetics in the age of reason, Éd. University Press,<br />

Cambridge, 1984, ainsi que Frederick Burwick: “Lessing’s Laokoon and the Rise of Visual Hermeneutics”, dans:<br />

Poetics Today, Éd. Porter Institute for Poetics and Semiotics, Los Angeles, 1999.<br />

12<br />

Jörn Steigerwald et Daniela Watzke (Éd.): Reiz - Imagination - Aufmerksamkeit. Erregung und Steuerung von<br />

Einbildungskraft im klassischen Zeitalter (1680-1830), Éd. Königshausen & Neumann, Wurzbourg, 2003.<br />

13<br />

Voir: Parallèle des Anciens et des Modernes, Éd. Arts et Sciences Jean Paul Coignard (Éd.), Paris, [1688-<br />

1697].<br />

14 4<br />

Johann Christoph Gottsched: Versuch einer Critischen Dichtkunst, [1730], Breitkopf, Leipzig, 1751.<br />

15<br />

Cf. les essais théoriques de Gottfried Wilhelm Leibniz au sujet de la perception humaine: Nouveaux essais sur<br />

l’entendement humain, [1704], Éd. Haude, Berlin 1936.<br />

16<br />

Voir à ce sujet également l’étude de Klaus Manger: „’Sprache des Herzens’ in der Hoftheaterkunst“, dans:<br />

Jahrbuch Mitteldeutsche Barockmusik 2004: Mitteldeutschland im musikalischen Glanz seiner Residenzen, Peter<br />

Wollny (Éd.), Éd. Ortus, Beeskow, 2005, ps. 11-26, ici: p. 11.<br />

17<br />

Baruch de Spinoza: Éthique [1661], Éd. Seuil, (Collection Points), Paris, 1999, p. 59. Cf. également Pierre<br />

Macherey: Introduction à l'Éthique de Spinoza, Éd. PUF, Paris, 1994-1998.<br />

18<br />

Theodor Fechner: Vorschule der Aesthetik, 2 vol., Leipzig, 1876. Voir également Michael Heidelberger: Die<br />

innere Seite der Natur. Gustav Theodor Fechners wissenschaftlich-philosophische Weltauffassung, Éd.<br />

Klostermann, Francfort/M., 1993.


11<br />

l’occurrence, David Hume 19 va, pour la première fois, dans la continuité de Isaac Newton, 20<br />

établir le lien entre les sciences naturelles et la nature humaine, tout en élevant, dans une<br />

certaine mesure, le principe de la force imaginative au-dessus de la raison. A ces deux<br />

positions de base s’ajoute aussi le point de vue empiriste des théoriciens suisses Johann Jakob<br />

Bodmer et Johann Jakob Breitinger. 21 Dans ce contexte il faut également mentionner<br />

l’influence des philosophes anglais tels que Thomas Hobbes, 22 John Locke 23 et Anthony<br />

Shaftesbury, 24 mais qui sont à délimiter nettement du sensualisme anglais et du Paradise<br />

Lost 25 de John Milton. Bodmer va, sous l’impression de ce dernier, contrecarrer les maîtres à<br />

penser français de Gottsched et le culte classiciste de l’Antiquité, en érigeant l’emphase du<br />

sentiment en nouvel idéal dans la poésie, ce qui déclenchera, en l’occurrence, un vif débat<br />

littéraire. De Gottsched à Leibniz en allant jusqu’à Lessing, 26 on assiste ainsi à une discussion<br />

idéologique autour d’une table d’échecs, sur la question de la perception, à savoir le conflit<br />

entre la psyché et la physis, à la lumière des différentes théories de la perception. D’une<br />

manière générale, on situe les débuts du discours esthétique en 1750, en même temps que la<br />

19 David Hume: Philosophical Essays Concerning Human Understanding, A. Millar (Éd.), Londres, 1748.<br />

20 Isaac Newton: Philosophiae Naturalis Principia Mathematica [1686], S. Pepys (Éd.), Londres, 1687.<br />

21 Johann Jakob Bodmer: Von dem Einfluβ und Gebrauche der Einbildungs-Krafft, Francfort/Leipzig, [s.n.],<br />

1727, ainsi que: Critische Abhandlung von dem Wunderbaren in der Poesie und dessen Verbindung mit dem<br />

Wahrscheinlichen, Conrad Orell & Comp., Zurich, 1740.<br />

22 Voir: The collected works of Thomas Hobbes, William Molesworth (Éd.), Éd. Thoemmes Press, Londres,<br />

1992.<br />

23 John Locke: An Essay Concerning Human Understanding [1690], 4 vol., Éd. A. et J. Churchill, Londres,<br />

1706.<br />

24 Anthony Ashley Cooper, third Earl of Shaftesbury: Characteristics of Men, Manners, Opinions, Times [1711-<br />

1714], Éd. Olms, Hildesheim/New York, 1978. Cf. Ästhetik, 4 vol., éd. Frommann-Holzboog, Stuttgart/Bad<br />

Cannstatt, 1981-1993 [édition intégrale].<br />

25 Le vers épique Paradise Lost de John Milton passe pour un chef d’œuvre de la poésie post-homérique. Le<br />

topos du paradis perdu transparaît dès les premières lignes: “Of mans first disobedience, and the fruit of that<br />

forbidden tree, whose mortal taste brought death in the world, and all our woe, with loss of Eden, till one reater<br />

man restore us, and regain the blissful seat sing heav’nly muse, that on the secret top of Oreb or Sinai, did inspire<br />

that shepherd, who first taught the chosen seed in the beginning of Heav’ns and earth, rose out of chaos […] ”,<br />

voir: Paradise lost - A poem written in ten books, Londres, [1667], Roy C. Flannagan (Éd.), Ohio, 1992.<br />

26 Gotthold Ephraim Lessing passe en raison de son rationalisme éclairé de ses écrits comme l’initiateur du<br />

classicisme allemand avec son traité portant sur la beauté dans l’art, le Laocoon. Cf. Le commentaire de Pierre<br />

Grappin à ce sujet dans Encyclopédia universalis (Éd.), vol. 13, Paris, 1995, p. 648 s.: «Lessing était trop<br />

rationaliste pour oser prophétiser; mais l'élargissement qu’il a su donner à la philosophie des Lumières, reçue<br />

d'Angleterre et de France, annonce les grands idéalistes de l'Allemagne classique.»


12<br />

parution de l’œuvre littéraire majeure d’Alexander Gottlieb Baumgarten 27 intitulée Aesthetica.<br />

Puis suivirent les écrits de Moses Mendelssohn 28 et de Friedrich Nicolai, 29 sans oublier le fait<br />

que le Suisse Jean-Pierre Crousaz 30 publia, antérieurement à Baumgarten mais sous une<br />

forme moins définitive, un traité comparable sur le beau dans l’art, plus précisément en 1715.<br />

Il reste toutefois à déterminer auquel des deux traités revient véritablement le statut d’écrit<br />

fondateur en matière d’esthétique. Cependant, il faut attendre Kant et sa Critique de la faculté<br />

de juger, 31 pour voir interrogées, pour la première fois, les possibilités et les limites du<br />

jugement esthétique, ouvrage auquel se référeront également les grands représentants de<br />

l’idéalisme allemand, dont les principaux acteurs sont Georg Friedrich Wilhelm Hegel, 32<br />

Johann Gottlieb Fichte 33 et Friedrich Wilhelm Joseph Schelling. 34 Relevant de la même<br />

importance quant aux questions de l’histoire de l’art, et en particulier celle du développement<br />

de l’esthétique comme science moderne propre à la culture, 35 ce sont les réflexions théoriques<br />

sur l’art de Karl Philipp Moritz au sujet De l’imitation plastique et la Théorie des ornements, 36<br />

qui, en raison de leur portée autonome dans le domaine de l’art, peuvent passer pour<br />

27 Alexander Gottlieb Baumgarten: Meditationes philosophicae de nonnullis ad poema pertinentibus, Éd. Halae<br />

Magdeburgicae, 1735 et Æsthetica, vol. I/II, Éd. Johannes Christian Kleyb, Francfort/Oder, 1750[-1758].<br />

28 En raison de l’orientation rationnelle des écrits Mendelssohn compte traditionnellement parmi les esthètes du<br />

rationalisme (parmi Baumgarten et Nicolai), qui vont statuer dans la perfection sensuelle une formule pour la<br />

beauté dans l’art.<br />

29 En collaboration avec Moses Mendelssohn Nicolai publiera à partir de 1759 la Bibliothèque de belles sciences<br />

et des arts libres (Bibliothek der schönen Wissenschaften und freien Künste) et, en collaboration avec Herder, la<br />

Bibliothèque générale allemande (Allgemeine Deutsche Bibliothek).<br />

30 Jean-Pierre de Crousaz: Traité du beau Traité du beau, où l’on montre en quoi consiste ce que l’on nomme<br />

ainsi, par des Exemples tirés de la plupart des Arts et des Sciences [1712], Éd. F. L’Honoré & Chatelain,<br />

Amsterdam, 1715. Cf. aussi André Bandelier et Sébastien Charles: «Actualité de Jean-Pierre Crousaz», dans:<br />

Revue de théologie et de Philosophie, (n° 136, 204), ps. 3-6.<br />

31 Voir Immanuel Kant: Critik der Urtheilskraft, première partie, vol. 5, Königlich Preußische Akademie der<br />

Wissenschaften (Éd.), in: Kant’s gesammelte Schriften, Éd. Reimer, Berlin, 1908 [réédition].<br />

32 Georg Friedrich Wilhelm Hegel: Système de l’idéalisme transcendantal, 1801.<br />

33 Johann Gottlob Fichte: Fichtes sämtliche Werke, Éd. de Gruyter, Berlin, 1971.<br />

34 Ce faisant, Schelling entend expliquer la philosophie fichtéenne et la réconcilier avec la réalité. Cf. à ce sujet<br />

Bernhard Barth: Schellings Philosophie der Kunst. Göttliche Imagination und ästhetische Einbildungskraft,<br />

(Symposion, vol. 92), Éd. Alber, Fribourg/Brisgau et Munich, 1991, [thèse, Univ. Fribourg/Brisgau, 1986].<br />

35 Friedrich Wilhelm Joseph Schelling: System des transcendentalen Idealismus, Éd. Cotta, Tübingen, 1800.<br />

Cf. Georg Eckhardt e. a. (Éd.): Anthropologie und empirische Psychologie um 1800 - Ansätze einer Entwicklung<br />

zur Wissenschaft, Éd. Böhlau, Cologne e. a, 2001.<br />

36 Voir à ce sujet également l’étude d’Alessandro Costazza: Schönheit und Nützlichkeit. Karl Philipp Moritz und<br />

die Ästhetik des 18. Jahrhunderts, (IRIS n° 10), Lang, Francfort/M., 1996 et idem: Genie und tragische Kunst.<br />

Karl Philipp Moritz und die Ästhetik des 18. Jahrhunderts, (IRIS n° 13), ibid., 1999.


13<br />

fondatrices quant au classicisme weimarien. Le discours esthétique des Amis de l’art<br />

weimariens, 37 dont le programme culturel et littéraire vise principalement à revaloriser l’art de<br />

l’héritage classique pour la modernité, se situe également devant cet arrière-plan historique et<br />

dans la continuité de la redécouverte de l’Antiquité par Winckelmann. Or, il faut aussi noter<br />

ici qu’il ne s’agit pas, comme longtemps présumé, d’un mouvement exclusivement allemand,<br />

mais, bien au contraire, d’un vaste réseau relationnel aux imbrications et interactions<br />

multiples des différentes aires culturelles, si bien que l’on peut parler à juste titre d’un courant<br />

esthétique à portée européenne. 38 Vu dans l’ensemble, on observe, vers la fin du XVIII ème<br />

siècle, un changement de paradigme qui va de la mimésis classique vers l’esthétique de la<br />

perception et celle de la représentation. On constatera ici également que, même si ce<br />

phénomène semble avoir été déjà bien analysé dans son ensemble, notamment par les<br />

philosophes, les écrivains et les chercheurs spécialisés en la matière, il faut également<br />

admettre que jusqu’à l’heure actuelle, un certain nombre d’axes de recherche potentiels<br />

restent encore à explorer de plus près. C’est particulièrement le cas d’un représentant secret<br />

du cercle des Amis de l’art weimariens agissant dans une «obscurité sacrée», 39 et qui va<br />

animer, des années durant, le discours esthétique de la scène culturelle en Allemagne autour<br />

de 1800. Il s’agit ici de Carl Ludwig Fernow, dont le rôle éminent, au sein des amis d’art<br />

weimariens, passe pour établi, du point de vue de la recherche moderne en études<br />

germaniques. Vu de près, le personnage de Fernow s’avère être non seulement l’une des<br />

37 Klaus Manger: „Fernow als Weimarischer Kunstfreund zwischen Goethe und Meyer“, VRW, 1998, ps. 20-37,<br />

et Helmut Holtzhauer: „Die Weimarschen Kunstfreunde“ dans: Goethe-Jahrbuch (vol. 29), ps. 1-26, ainsi que<br />

l’article d’Ines Boettcher et de Harald Tausch dans: Goethe-Handbuch, vol. 4/2: „Weimarische Kunstfreunde“,<br />

Hans-Dietrich Dahnke et Regine Otto (Éd.), Éd. Metzler, Stuttgart, 1998, ps. 702-706. Cf. également Joachim<br />

Berger (Éd.): Der ‚Musenhof’ Anna Amalias. Geselligkeit, Mäzenatentum, und Kunstliebhaberei im klassischen<br />

Weimar, Éd. Böhlau, Cologne e. a., 2001, et idem: Anna Amalia von Sachsen-Weimar-Eisenach, Denk- und<br />

Handlungsräume einer aufgeklärten Herzogin, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800: Ästhetische<br />

Forschungen, vol. 4), Klaus Manger (Éd.), Éd. Winter, Heidelberg, 2003.<br />

38 Cf. HT, p. 17: „Der Klassizismus Winckelmannscher Prägung wurde so zu einer Mode, die ganz Europa<br />

erfasste und die bis in die kleinsten Bereiche des täglichen Lebens hinein geschmacksbestimmend wurde.“<br />

39 Voir la correspondance de Wieland, Hans Werner Seiffert et Siegfried Scheibe (Éd.), vol. 5: Briefe der<br />

Weimarer Zeit (21 septembre 1772-1831), Éd. Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1983, p. 601: „heiligen<br />

Dunkel.“ Voir à ce sujet également l’étude de Klaus Manger: Das Ereignis Weimar-Jena aus<br />

literaturwissenschaftlicher Sicht, (Sächsische Akademie der Wissenschaften), vol. 139/cahier n° 5, Éd. P. Hirzel,<br />

Stuttgart/Leipzig, 2005, p. 3.


14<br />

personnalités les plus facétieuses des théoriciens secrets de l’événement culturel de Weimar-<br />

Jéna, mais également un homme de sciences à part, dont le large spectre d’activités et de<br />

centres d’intérêt révèle sans doute une ambition démesurée visant à l’universalité idéelle, qui<br />

peut être vu conforme à l’idéal de l’érudition humaniste.<br />

Ainsi, la ‘multifocalité’ des champs d’étude potentiels semble déjà justifier l’intérêt quasiment<br />

pluridisciplinaire manifesté de la part des germanistes à son égard.<br />

En ce qui concerne l’état actuel de la recherche fernowienne, on observe, depuis quelque<br />

temps, une certaine tendance à une redécouverte de son œuvre. Ceci est d’autant plus étonnant<br />

si l’on considère le fait que ses écrits étaient, depuis des années, parfaitement tombés dans<br />

l’oubli. Quant à la littérature de recherche portant sur Fernow, deux catégories ressortent<br />

d’emblée: ce sont les sources historico-biographiques d’un côté, et les études propres à la<br />

critique d’art, de l’autre.<br />

Concernant les sources historico-biographiques, on se référera en premier lieu à l’ouvrage de<br />

Johanna Schopenhauer 40 (1810), qui, en tant qu’amie et confidente de longue date, entend<br />

offrir au lecteur surtout une vue globale de la vie et de l’œuvre de l’écrivain Fernow, dont elle<br />

fait aussi le portrait dans son roman intitulé Gabriele sous les traits de la figure romanesque<br />

d’Ernesto. 41<br />

40 Johanna Schopenhauer: Carl Ludwig Fernow’s Leben, Éd. Cotta, Tübingen, 1810. L’auteur estime Fernow<br />

surtout comme «tête brillante» („trefflichen Kopf[es]“) et le considère comme «l’un des plus adorés et des plus<br />

chers» parmi ses hôtes („einer der von mir Geliebtesten und mich Liebendsten“, cf. JS, p. 52). Selon ses dires, elle<br />

passe ses deux dernières années de sa vie avec lui dans «les relations les plus belles d’amitié sacrée et de<br />

confidence mutuelle» („in den schönsten Verhältnissen heiliger Freundschaft und gegenseitigen Vertrauens“, ibid.,<br />

I). Voir à ce sujet également Achim von Arnim: „Carl Ludwig Fernow’s Leben, von Johanna Schopenhauer“, dans:<br />

Berliner Abendblätter, n° 25/26, 1811, ps. 98-111.<br />

41 Idem: Gabriele. Ein Roman, vol. 1-3, Éd. Brockhaus, Leipzig, 1819/20, ainsi que: Gabriele. In sämtlichen<br />

Schriften, vol. 7-9, Éd. Brockhaus et Sauerländer, Leipzig et Francfort/M., 1830. En dernière édition par<br />

Brockhaus, voir à ce sujet le commentaire figurant dans l’annexe de Stephan Koranyi, p. 416: „In der Figur des<br />

Ernesto lassen sich unschwer Züge des [von ihr] verehrten Fernow erkennen.“


15<br />

Suivant l’ordre chronologique, on mentionnera également l’étude de Livia Gerhardt 42 (1908),<br />

qui peut se référer à sa correspondance autobiographique, mais qui n’est plus accessible à la<br />

recherche actuelle. 43<br />

L’article de Fritz Fink, 44 quant à lui, porte essentiellement sur l’activité littéraire et le travail<br />

de Fernow en tant que bibliothécaire de la duchesse Anna Amalia durant ses années à<br />

Weimar.<br />

L’historien Georg Luck 45 , enfin, se concentre surtout, dans son ouvrage intitulé Carl Ludwig<br />

Fernow, sur une reconstruction descriptive du voyage en Suisse, tout en insérant des aspects<br />

d’ordre biographique.<br />

Pour ce qui est des études esthétiques, on se reportera en premier lieu à l’ouvrage d’Herbert<br />

von Einem 46 (1935), qui décrit de plus près les théories de Fernow à l’intérieur du classicisme<br />

allemand.<br />

Irmgard Fernow 47 se concentre également, dans sa thèse (1936), sur l’aspect esthétique, tout<br />

en présentant de manière synthétique les idées philosophiques de Fernow, à partir de la<br />

philosophie kantienne.<br />

Manfred Ebhardt 48 , lui, considère Fernow comme un théoricien de l’art et Deutschrömer, en<br />

le situant, dans son article portant sur l’interprétation de la peinture raphäélienne intitulé Die<br />

Deutung der Werke Raffaels in der deutschen Kunstliteratur (1972), au même rang que<br />

Goethe et Meyer.<br />

42<br />

Livia Gerhardt: Carl Ludwig Fernow, Éd. Haessel, Leipzig, 1908.<br />

43<br />

Voir également à ce sujet HT, p. 9: „Einige seiner Briefe, die von Johanna Schopenhauer und Livia Gerhardt<br />

noch eingesehen werden konnten, sind nicht mehr nachweisbar.“<br />

44<br />

Fritz Fink: Carl Ludwig Fernow. Der Bibliothekar der Herzogin Anna Amalia (1763-1808), Éd. Fink,<br />

Weimar, 1934.<br />

45<br />

Voir Georg Luck, Carl Ludwig Fernow, Éd. Hans Huber, Berne/Stuttgart/Toronto, 1984.<br />

46<br />

Herbert von Einem: Carl Ludwig Fernow - Eine Studie zum deutschen Klassizismus, Éd. Deutscher Verein für<br />

Kunstwissenschaft, Berlin, 1935.<br />

47<br />

Irmgard Fernow: Carl Ludwig Fernow als Ästhetiker - ein Vergleich mit der Kritik der Urteilskraft, Mayr,<br />

Würzburg, [thèse, Univ. Berlin].<br />

48<br />

Manfred Ebhardt: Die Deutung der Werke Raffaels in der deutschen Kunstliteratur, Éd. Körner, Baden-Baden,<br />

1972.


16<br />

La contribution de Harald Tausch 49 et de Lea Ritter Santini 50 (les deux datent de 1998) porte<br />

premièrement sur l’histoire de la collection de la bibliothèque fernowienne et, en particulier,<br />

sur celle de sa collection des gravures.<br />

Harald Tausch 51 (2000), dans son étude, s’intéresse en premier lieu à la question du rôle joué<br />

par Fernow en tant qu’homme des post-Lumières et classiciste ‘civil’, 52 en mettant l’accent<br />

majeur sur le contexte discursif de l’esthétique autonome autour de 1800.<br />

Parmi les publications plus récentes figure l’ouvrage de Janis Sarlak 53 (2003) qui examine de<br />

plus près la notion de style envisagée sous l’aspect d’un classicisme sentimental, aussi à<br />

l’égard de la peinture paysagiste, tout comme l’ouvrage de Franz Joachim Verspohl 54 (2004)<br />

qui s’intéresse en particulier à l’image de Winckelmann véhiculée par Fernow.<br />

De même, on lira avec intérêt les deux ouvrages collectifs rassemblant les actes des deux<br />

colloques consacrés à Fernow s’intitulant Von Rom nach Weimar 55 (1998) et Kunst als<br />

Wissenschaft - Carl Ludwig Fernow, ein Begründer der Kunstgeschichte (2005). 56 Les<br />

renvois littéraires que l’on citera ci-après se réfèrent exclusivement à ces deux ouvrages, dans<br />

lesquels nous avons discerné trois axes thématiques centraux:<br />

1. Les études linguistiques et dialectales (dans les Études romaines),<br />

2. les recherches historiques et littéraires (e. a. de I. Fernow, H. v. Einem et H. Tausch),<br />

3. les analyses philosophiques et esthétiques («Du beau dans l’art», «Du caractéristique» et<br />

«De l’enthousiasme de l’artiste»).<br />

49 Harald Tausch: „Fernows Kupferstichsammlung“, VRW, ps. 130-152.<br />

50 Ibid., Lea Ritter-Santini: „Tausend Bücher - Fernows Bibliothek“, ps. 114-129.<br />

51 Harald Tausch, Entfernung der Antike - Carl Ludwig Fernow im Kontext der Kunsttheorie um 1800, Éd.<br />

Niemeyer, Tübingen, 2000.<br />

52 Ibid., p. 4: „Fernows ziviler Klassizismus ist, so paradox dies auch klingen mag, das Ergebnis<br />

kunsthistorischen Denkens.“<br />

53<br />

Cf. Janis Sarlak: Die Rolle Carl Ludwig Fernows für die Entwicklung des kunsthistorischen Stilbegriffs<br />

‘Sentimentalischer Klassizismus’ im Hinblick auf die deutsche Landschaftsmalerei im 18. Jahrhundert, Éd.<br />

Niemeyer, Tübingen, 2003.<br />

54<br />

Cf. Franz-Joachim Verspohl: Carl Ludwig Fernows Winckelmann: Seine Edition der Werke, Winckelmann-<br />

Gesellschaft (Éd.), Stendal, 2004.<br />

55<br />

Harald Tausch/Michael Knoche (Éd.): Von Rom nach Weimar, Éd. Gunter Narr, Tübingen, 1998.<br />

56<br />

Reinhard Wegner (Éd.): Kunst als Wissenschaft - Carl Ludwig Fernow, ein Begründer der Kunstgeschichte,<br />

Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2005.


17<br />

En ce qui concerne les travaux linguistiques, on évoquera au premier abord l’étude de Herbert<br />

Izzo 57 (1975), qui s’intéresse à l’importance de Fernow en tant que latiniste et chercheur<br />

dialectal.<br />

Dans le même sillage, Jürgen Storost 58 (1990) le présente sous un jour nouveau en tant que<br />

«linguiste aux arguments descriptifs […] qui n’a pas pensé historiquement.» 59<br />

Par ailleurs, on attirera ici l’attention sur le recueil réalisé par Harald Thun 60 et Jörn<br />

Albrecht 61 (1998), qui offre également une vue globale des travaux linguistiques de Fernow.<br />

Quant aux études historico-littéraires, elles se concentrent principalement sur l’influence<br />

intellectuelle exercée par Fernow et son importance au sein de la société weimarienne, de<br />

même que son activité en tant que théoricien de l’art, qu’on ne peut pas toujours délimiter<br />

clairement des études esthétiques, étant donné que les frontières entre les deux s’avèrent<br />

parfois comme étant très floues.<br />

En ce qui concerne la troisième catégorie, Sabine M. Schneider 62 (1998) thématise dans son<br />

article les apories de l’esthétique schillérienne en établissant un lien avec les interprétations<br />

qu’en fait le kantien Fernow.<br />

Helmut Pfotenhauer 63 (1998) se focalise essentiellement sur le caractère à la fois<br />

monumentalisant-défenseur et compensatoire du projet fernowien consacré à l’œuvre de<br />

Winckelmann.<br />

57<br />

Herbert Izzo: Carl Ludwig Fernow as Italian Dialectologist and Romanist, dans: H. J. Niederehe/H. Hamann<br />

(Éd.): In memoriam Friedrich Diez. Akten des Kolloquiums zur Wissenschaftsgeschichte der Romanistik,<br />

Amsterdam, 1976, ps. 125-140.<br />

58<br />

Jürgen Storost: Zur Erforschung der italienischen Dialekte in der deutschen Sprachwissenschaft der ersten<br />

Hälfte des 19. Jahrhunderts, (Italienische Studien), 1990, ps. 55-69.<br />

59<br />

Ibid., p. 62: „ [Fernow] hatte noch keine Vorstellung von der historisch-vergleichenden Methode.“<br />

60<br />

Harald Thun: Die Entstehung einer wissenschaftlichen Gattung - die monographische Dialektübersicht bei<br />

Dante, Denina und Fernow, VRW, ps. 87-113.<br />

61<br />

Jörn Albrecht: „Fernow und die Anfänge der Italianistik in Deutschland“, VRW, ps. 69-86, „Carl Ludwig<br />

Fernow und Christian Joseph Jagemann“, dans: Italien in Germanien - Deutsche Italien-Rezeption von 1750 -<br />

1850, Éd. Gunter Narr, Tübingen, 1996, ainsi que, idem: „Die Italianistik in der Weimarer Klassik - Das Leben<br />

und Werk von Christian Joseph Jagemann (1735-1804)“, Éd. Gunter Narr, Tübingen, 2006, ps. 227-241.<br />

62<br />

Sabine M. Schneider: „Die Krise der Kunst und die Emphase der Kunsttheorie“, VRW, ps. 52-69.<br />

63<br />

Ibid., H. Pfotenhauer: „Fernow als Kunsttheoretiker in Kontinuität und Abgrenzung von Winckelmanns<br />

Klassizismus“, ps. 38-52.


18<br />

En ce qui concerne la première catégorie, Klaus Manger 64 (1998) situe Fernow dans le cercle<br />

relationnel entre Goethe et Meyer, tout en mettant en lumière l’organisation structurelle et le<br />

programme de propagande des Amis de l’art weimariens qu’il désigne comme étant un<br />

apotropaion culturel dirigé contre le mouvement romantique.<br />

Jochen Golz 65 (1998) portraitise Fernow comme un homme des post-Lumières et auteur de<br />

lettres, ce qu’il démontre à partir des documents historiques de l’œuvre épistolaire, illustrant<br />

les contacts personnels durant les années 1804-1808.<br />

En l’occurrence, Reinhard Wegner 66 (2005) met l’accent scientifique principalement sur la<br />

position de Fernow dans le contexte des débuts de l’histoire de l’art, qui coïncide avec le<br />

deuxième séjour à Jéna, tout en prenant aussi en considération l’aspect de l’histoire de<br />

l’université.<br />

Dans la même optique, Harald Tausch 67 (2005) s’intéresse aux influences multiples que<br />

Fernow connaît dans le réseau relationnel tissé autour de Karl Leonhard Reinhold, Johann<br />

Gottlieb Fichte et Johann Benjamin Erhard durant son séjour à Jéna et démontre dans quelle<br />

mesure le contexte philosophique a une incidence sur l’évolution de sa pensée esthétique sur<br />

un art dit autonome.<br />

Johannes Grave 68 (2005) s’attache à reconstruire l’importance de Fernow et sa position<br />

philosophique dans le cercle restreint regroupé autour de Goethe, Schiller et Aloys Hirt, et les<br />

Schellingiens, tout en sondant de près son activité en tant que maître de conférences à Jéna.<br />

Markus Bertsch 69 (2005) s’interroge davantage sur la relation corrélative entre artiste et<br />

biographe, qu’il illustre à travers une comparaison contrastée entre Fernow/Johann Christian<br />

Reinhart et Goethe/Philipp Hackert.<br />

64 Cf. note n° 37, ibid., ainsi que, idem: „Das Italienbild des klassischen Weimar nach Jagemann: Carl Ludwig<br />

Fernow“ in: Die Italianistik in der Weimarer Klassik - Das Leben und Werk von Christian Joseph Jagemann<br />

(1735-1804), Jörn Albrecht und Günter Kofler (Éd.), Narr, Tübingen, 2006, ps. 227-241.<br />

65 Jochen Golz: „Fernow in Weimar“, VRW, ps. 1-19.<br />

66 Reinhard Wegner: „Fernow in Jena“, KAW, ps. 60-81.<br />

67 Ibid., Harald Tausch: „Von Jena nach Rom“, ps. 130-153.<br />

68 Johannes Grave: „Weimarer Versatzstücke in Carl Ludwig Fernows ‘Römischen Studien’“, KAW, ps. 82-97.<br />

69 Ibid., Markus Bertsch: „Fernow und Reinhart“, ps. 98-130.


19<br />

Klaus Manger 70 démontre à l’aide de la biographie de Carstens que la technique narrative de<br />

Fernow se trouve dans la tradition du Tableau de Paris par Louis-Sébastien Mercier, à la<br />

différence de Jean-Jacques Barthélémy dans son ouvrage Voyage du jeune Anarcharsis, ce<br />

qu’il identifie également comme un phénomène européen dans la littérature d’artistes. 71<br />

En l’occurrence, l’étude de Martin Dönike 72 soulève la question de l’authenticité du portrait<br />

que Fernow brosse de son ami à travers sa biographie consacrée à Carstens, ce qu’il examine<br />

à partir d’une comparaison entre les thèmes traditionaux et les structures spécifiques du roman<br />

d’artiste.<br />

Pour ce qui est de l’importance de la monographie d’artiste par rapport au développement des<br />

formes de publication modernes, le lecteur découvrira avec intérêt l’article de Karin Hellwig<br />

(2005), 73 qui montre dans quelle mesure le genre de la biographie d’artiste s’insère<br />

parfaitement dans la continuité des formes littéraires traditionnelles.<br />

En raison de divers champs d’activité de Fernow et la présence d’une partie mineure des corps<br />

de texte cohérents, il faut considérer quelques parties de son œuvre complexe comme étant<br />

peu explorées. Ainsi, nous voudrions esquisser ici brièvement des axes potentiels de<br />

recherche, qui pourraient faire l’objet de travaux futurs. 74<br />

Quant aux lettres classiques, il y a quelques aspects didactiques et pédagogiques dans les<br />

études de Fernow sur la langue italienne qui mériteraient encore une certaine attention,<br />

comme par exemple ses réflexions quant à la définition du signe linguistique 75 (evtl. Le signe<br />

70 Ibid., Klaus Manger: „Fernows literarische Formen“, ps. 166-183.<br />

71 Voir aussi idem (Éd.): „Italienbeziehungen des klassischen Weimar“, Éd. Niemeyer, Tübingen, 1991, ps. 181-<br />

196.<br />

72 Martin Dönike: „Fernows Carstens - ein treues Charakterbild?“, KAW, ps. 144-165 et idem: Pathos, Ausdruck<br />

und Bewegung. Zur Ästhetik des Weimarer Klassizismus, Éd. de Gruyter, Berlin, 2005, ps. 293-284.<br />

73 Ibid., Karin Hellwig: Carl Ludwig Fernows Bedeutung für die Künstlerbiographie der ersten Hälfte des 19.<br />

Jahrhunderts, ps. 131-143.<br />

74 Cf. HT, p. 12 s.<br />

75 Ainsi Fernow était à la recherche d’une sorte de clef universelle pour la systématisation des langues romaines,<br />

en prenant comme point de départ la clef des langues de Denina. Dans son article dédié à Uhden Sur les<br />

dialectes dans la langue italienne (RS, III, à partir de la page 209), il regrette de ne pas avoir terminé ses<br />

recherches, étant donné qu’il s’était surtout concentré, durant ses études linguistiques, sur le saisi global des<br />

dialectes italiens, les dramaturgies d’Allacci et les Cansonette romanze.


20<br />

esthétique?), au sujet de la grammatologie (Manuel de la langue italienne pour<br />

germanophones), ainsi que de la dialectologie (Des dialectes de la langue italiennes). On<br />

pourrait également faire une approche tenant compte des aspects poétologiques («De<br />

l’imitation des improvisateurs italiens» dans Prométhée). A part cela, une comparaison de la<br />

monographie d’artiste de Fernow Leben des Ludovico Ariosto’s des Götlichen avec l’ouvrage<br />

de Giovanni Andrea Barotti offre un aspect thématique potentiel, et Raccolti dei autori<br />

classici italianin (Dante, Pétrarque, Arioste, Tasso), de même qu’une analyse approfondie de<br />

l’image que Fernow brosse de l’Italie («Portraits des mœurs et de la culture à Rome», «Des<br />

improvisateurs»).<br />

Dans le domaine germanistique, quelques champs resteraient encore à explorer de près,<br />

comme par exemple le lyrisme (e. a. Thalia, Le livret de Heidelberg, L’almanach des muses et<br />

L’anthologie lyrique de Matthison), le commentaire (dans Les œuvres de Winckelmann et evtl.<br />

Raccolti dei autori classici), ainsi que la rhétorique des dédicaces (p. ex. le duc de Weimar, F.<br />

Brun, Wächter, Seume, Hirt etc.).<br />

L’étude de la critique fernowienne portée à l’art et à la culture dans ses œuvres et<br />

contributions, comme par exemple dans ses travaux archéologiques («La statue de Minerve à<br />

Cori», «Les affaires de pillage en Italie» et «Des théâtres amovibles de Kurio»), ainsi que la<br />

thématique de ses rapports journalistiques (dans: Les nouvelles en art et littérature), sans<br />

oublier les très nombreuses critiques littéraires (e. a. contenu dans le Mercure allemand, Le<br />

journal du luxe et des modes et le Journal général littéraire de Jéna) offriraient également un<br />

intérêt particulier. A part cela, une réédition de la correspondance de Fernow et d’un choix de<br />

ses lettres, ainsi qu’une sélection de ses écrits et essais propres à la critique d’art seraient très<br />

souhaitables. Harald Tausch élabore actuellement une telle édition de ses œuvres.<br />

Ainsi pouvons-nous dès maintenant, à l’égard de nos considérations précédentes, justifier le<br />

point de départ de la présente thèse portant sur la vie et l’œuvre de Carl Ludwig Fernow, qui a


21<br />

pour premier but de présenter sous un jour nouveau la genèse de ses idées sur la théorie de<br />

l’art, aussi en examinant les aspects socioculturels et anthropologiques de son temps.<br />

Pour ce qui est des principaux axes de recherche du présent travail de thèse, on tentera, en<br />

première partie, de reconstruire les sources philosophiques ayant nourri sa pensée esthétique<br />

et surtout les écrits de Kant, de Schiller et de Winckelmann, tout en opérant une sélection des<br />

textes les plus importants dont nous estimons qu’ils présentent un intérêt particulier pour la<br />

présente analyse. Ainsi, nous allons nous concentrer, dans une première partie, sur les sources<br />

à l’origine de sa compréhension de l’art (comme la philosophie transcendantale de Kant,<br />

l’idéalisme esthétique de Schiller et le classicisme de Winckelmann), tout en démontrant le<br />

détournement progressif opéré par Fernow de l’unilatéralité ou l’homonomie 76 de la pensée<br />

classiciste. Puis, nous nous demanderons dans quelle mesure les monographies d’artistes de<br />

Fernow comportent des thèses sociocritiques, dirigées seulement contre la politique de<br />

formation des académies, mais également contre l’hétéronomie de la production artistique de<br />

son temps. Cet aspect sera envisagé sous la forme d’une comparaison de la monographie<br />

d’Arioste à celles d’Antonio Canova et d’Asmus Jakob Carstens.<br />

A partir d’une analyse discursive de ses écrits sur la théorie de l’art, comme par exemple des<br />

contributions centrales portant sur l’esthétique contenues dans le premier tome des Études<br />

romaines, 77 intitulé «Du beau dans l’art», «Du caractéristique» et «De l’enthousiasme de<br />

l’artiste», nous tenterons, en troisième partie, de présenter de manière synthétique les traits<br />

fondamentaux de l’esthétique autonome de Fernow, en prenant en considération des passages<br />

de texte appropriés, afin de rendre justice, de façon cohérente et sous un nouveau jour, à la<br />

valeur propre de ses approches théoriques sur le terrain de l’esthétique.<br />

76 Par le néologisme d’homonomie que nous venons de créer (du grec ὁµο égal/νόµος principe législatif) nous<br />

entendons dans ce contexte généralement toute orientation unilatérale sur un horizon de référence normatif.<br />

77 Carl Ludwig Fernow: Römische Studien, vol. I-II, Éd. Gessner, Zurich, 1806.


22<br />

La thèse classique ou les inspirations de<br />

l’homonomie classiciste:<br />

Fernow dans la continuité et en délimitation avec l’idéal de l’art antique


23<br />

I. 1. Immanuel Kant: «…quelle richesse créatrice d’idées»<br />

Le philosophe qui a probablement façonné le plus la pensée esthétique de Fernow est sans<br />

doute Immanuel Kant. 78 Ainsi, nous proposons ici de nous intéresser, dans un premier temps,<br />

à son adaptation des thèses kantiennes afin d’examiner, dans un deuxième temps, dans quelle<br />

mesure on peut décrypter dans celles-ci des influences venant de l’idéalisme allemand. Dans<br />

deux lettres, adressées chacune à son ami et mécène Jens Baggesen 79 et à son ancien<br />

professeur Leonhard Reinhold, 80 Fernow manifeste son enthousiasme initial pour la<br />

philosophie de Kant, en se disant fasciné par sa «richesse intarissable d’idées», dans laquelle<br />

il croit déceler une «révélation pour l’esthétique», qui, selon ses dires, a pénétré son esprit<br />

avec une «clarté lumineuse»: […] je me réjouis indiciblement de découvrir chaque jour comme le<br />

développement kantien du beau et au fond tout ce qui est contenu dans la Critique de la faculté de juger s’avère<br />

comme étant tellement fructueux, en ce qui concerne l’application sur l’art et le jugement des œuvres d’art et<br />

quelle abondance, quelle richesse créatrice d’idées est fondée dans cette nouvelle apparition pour l’esthétique. 81<br />

Et, plus loin:<br />

[…] toutes mes études de l’art se concentrent sur la réduction des arts plastiques sur des principes<br />

philosophiques, et l’application réciproque de ceux-ci dans le jugement. Je ne puis vous dire comment cela me<br />

réjouit de me laisser convaincre à la fois par l’accord de l’expérience à maints égards avec les principes de base<br />

78 Nous nous concentrons ici principalement sur l’œuvre théorique majeure de Kant, la Critique de la faculté de<br />

juger, première partie, vol. 5, 1790. C’est le professeur Reinhold qui initie Fernow aux thèses de Kant.<br />

79 Jens Immanuel Baggesen rencontre à Weimar et Jéna des personnages littéraires et adeptes de la francmaçonnerie<br />

comme Wieland, Schiller, Jacobi, Klopstock, Bode, Voβ et Reinhold (cf.: Le labirinthe ou voyage en<br />

Suisse par l’Allemagne en Suisse, 1789). Dans ce même cercle de la loge de Gotha nommé A la boussole („zum<br />

Kompaβ“), il rencontre aussi Fernow en 1790, qui s’y essaie comme peintre. Ainsi, ce dernier fait le portrait de<br />

Baggesen en compagnie de sa femme Sophie. Cf. Luck, 1984, p. 15: „Fernow malte das junge Ehepaar und<br />

Baggesen, der ihn sofort lieb gewann, schlug ihm vor, gemeinsam eine Reise durch Schweiz nach Italien,<br />

Sizilien und Spanien zu unternehmen.“ Étant donné qu’il n’y plus de place dans le carrosse de Baggesen, Fernow<br />

finance son voyage en faisant de petits travaux qu’il trouve également par l’intermédiaire du Danois. Cf. aussi:<br />

Jens Baggesen und die deutsche Philosophie, Éd. Universitätsverlag, Leipzig, 1914.<br />

80 Voir à ce sujet: „Eine Reihenfolge von Briefen Fernow’s. An Reinhold in Jena und Kiel“, dans: Penelope -<br />

Taschenbuch für das Jahr 1844, Theodor Hell (Éd.), Éd. Hinrichs, Leipzig, 1844, ps. 313-385.<br />

81 Fernow, lettre adressée à Baggesen du 20 février 1795, cité selon Livia Gerhardt, 1908, p. 77: „[…] es freut<br />

mich unsäglich, täglich zu finden, wie die kantische Entwicklung des Schönen und überhaupt alles, was in seiner<br />

Kritik der Urteilskraft enthalten ist, in der Anwendung auf Kunst und Beurteilung von Kunstwerken so fruchtbar<br />

erscheint, und welche Fülle, welch ein unerschöpflicher Reichtum von Ideen […] in dieser neuen Offenbarung<br />

für die Ästhetik liegt.“


24<br />

a priori issues de la vérité kantienne, comme par l’examen de la justesse de mon essai de calcul […] j’ai<br />

réexaminé [à Rome] la critique du jugement et je puis bien dire que son esprit […] a pénétré le mien avec une<br />

clarté splendide. 82<br />

Afin de reconstruire le lien idéel entre Fernow et l’esthétique de Kant, il suffit déjà de jeter un<br />

regard dans l’immense collection des ses œuvres philosophiques, y compris les divers<br />

manuscrits et écrits esthétiques, qui sont pour la majorité sauvegardés dans les archives,<br />

dédiés à Goethe et Schiller. Parmi ces ouvrages de référence figure également une édition<br />

ancienne de l’œuvre de Kant, la Critique de la faculté de la raison pratique, 83 datant de 1788<br />

et qui est annotée par Fernow. Cette œuvre nous fournit de nombreux indices sur l’étude<br />

approfondie que Fernow a vouée à la lecture de la philosophie kantienne durant son séjour à<br />

Jéna. C’est par le biais du professeur Reinhold, 84 qui détient la chaire de philosophie dans ce<br />

même établissement, que Fernow entre pour la première fois en contact avec les idées<br />

kantiennes, pour lesquelles il s’enthousiasmera sa vie durant. A cela, il doit également sa<br />

réputation comme kantien au sens strict du terme. 85 Il faut cependant remettre en question la<br />

thèse selon laquelle on peut considérer Fernow, comme certains lui en firent reproche, comme<br />

«vulgarisateur des idées kantiennes», 86 «réciteur de Kant» 87 ou même comme «un kantien<br />

82<br />

Fernow, dans une lettre à Reinhold datant du 18 juillet 1796, à Johanna Schopenhauer, voir référence ailleurs,<br />

ps. 251 et 258.<br />

83<br />

Cette première édition de la Critique de la raison pratique de 1788, consultée et annotée par Fernow, est<br />

actuellement conservée à la bibliothèque Anna Amalia à Weimar.<br />

84<br />

Fernow est considérablement influencé par l’interprétation que Reinhold fait des thèses kantiennes, dont il a<br />

probablement pris connaissance par le biais de son ancien professeur Walther (l’ami de Reinhold et de Wieland),<br />

avant qu’une rencontre personnelle entre Fernow et Reinhold n’ait vraiment eu lieu pendant son séjour à Jéna<br />

(1803). La correspondance de Fernow témoigne également d’un important échange épistolaire avec Reinhold. Cf. la<br />

lettre de Fernow à Johann Gottlieb Carl Nauwerck datant du 16 novembre 1793, cité d’après Livia Gerhardt, 1908,<br />

p. 29: „Ich habe diesem Manne, dem edelsten, den ich je kannte, unendlich viel zu verdanken; er hat in meinem<br />

Kopfe gewaltig aufgeräumt, und ihm habe ich auch die Wendung meines Schicksals zu verdanken.“ Au sujet de<br />

Reinhold cf. également Ernst Cassirer: Das Erkenntnisproblem in der Philosophie und Wissenschaft der neuesten<br />

Zeit, III, Berlin, 1920, p. 33 ss.<br />

85<br />

Voir le commentaire de Fernow à ce sujet: „Ich bin bei einigen schon als ein Kantianer, d. h. bei ihnen als ein<br />

Mensch, der viele unverständliche Orakelsprüche und Spitzfindigkeiten in sein Kopf gepfropft hat, bekannt.“<br />

Voir: Aus Jens Baggesens Briefwechsel mit Karl Leonhard Reinhold und Friedrich Heinrich Jakobi, partie II,<br />

Leipzig, 1831, p. 376.<br />

86<br />

Voir la remarque de Gerhard von Rumohr au cours d’une table ronde au sujet de Kant, cité selon Atanazy<br />

Raczynski: Die neuere deutsche Kunst, vol. III, 1841: „Fernow hingegen entrückte die Ansichten Carstens […]<br />

indem er sie in die Schulsprache der Kantischen Philosophie (wohl vergeblich) zu übersetzen versuchte.“<br />

87<br />

Voir la remarque critique de Hegel au sujet des lectures de Fernow à Jéna, émise dans une lettre à August<br />

Wilhelm Schlegel du 16 novembre 1803: „[…] man sagt er lese Ihnen Kantische Defini[tionen] ab.“ Cf. à ce


25<br />

abstrait et prêcheur populaire», 88 tout comme la question de savoir si Fernow a vraiment mal<br />

compris le modèle, à la fois eschatologique et apocalyptique, 89 de l’histoire, 90 tel que Kant le<br />

conçoit sur la «fin de toutes les choses», 91 quand il tente de fonder de manière théorique une<br />

doctrine sur l’art qui se veut atemporel. 92 Il reste à souligner que Fernow envisage<br />

principalement «toute loi originaire de la conscience sur laquelle repose toute conception<br />

esthétique, toute notion de contenu de la nature ou de l’art», 93 en se servant des «principes<br />

kantiens […] pour saisir plus profondément qu’avant le contenu atemporel et éternel de l’art<br />

ancien et nouveau.» 94 Il est vrai, dans un premier temps, que Fernow s’inspire essentiellement<br />

des conceptions et des modèles de pensée kantiens. Or, dans un deuxième temps, on observe<br />

chez lui aussi un certain degré d’autonomie idéelle, car il quitte par moments délibérément le<br />

terrain kantien, afin de fonder sa propre théorie esthétique dite idéale, 95 qui se veut à la fois<br />

normative et autonome, mais qui n’a pas trouvé l’aboutissement concret dans une «œuvre<br />

sujet également une lettre d’Alexander von Humboldt adressée à Goethe datant du 28 janvier 1803, dans laquelle<br />

il parle de ses points de vue «bornés» („beschränkten Ansichten“). Voir H. Schmidt: Ein Jahrhundert römischen<br />

Lebens. Von Winckelmanns Romfahrt bis zum Sturz der weltlichen Papstherrschaft, Leipzig, 1904, p. 44.<br />

88<br />

Cf. lettre de Georg Zoëga adressée à Friederike Brun, 7. Prairial a. 6. [25 mai 1798], dans Welcker 1913, vol.<br />

2, p. 115 s.<br />

89<br />

Mike Sandbothe: „Von der Grundverfassung des Daseins zur Vielfalt der Zeit-Sprachspiele“, paru dans:<br />

Heidegger-Handbuch, Dieter Thomä (Éd.), Éd. Metzler, Stuttgart, 2003, ps. 87-92.<br />

90<br />

Manfred Riedel: „Geschichte als Aufklärung. Kants Geschichtsphilosophie und die Grundlagenkrise der<br />

Historiographie“, dans: Neue Rundschau, n° 84, (1973), ps. 289-308.<br />

91<br />

Immanuel Kant: „Das Ende aller Dinge“, dans: Kants sämmtliche kleine Schriften. Nach der Zeitfolge<br />

geordnet, vol. 3, Königsberg et Leipzig, 1797, p. 507: „Für ein Wesen, welches sich seines Daseyns und der<br />

Gröβe desselben (als Dauer) nur in der Zeit bewusst werden kann […] Denken aber ein Reflektiren enthält,<br />

welches selbst nur in der Zeit geschehen kann.“<br />

92<br />

HE, p. 83: „Fernows Kunstlehre macht den Versuch allgemeine und notwendige Gesetze für die Kunst<br />

aufzustellen, die für alle Zeiten gültig sind, und nach denen alle einzelnen Kunsterscheinungen gerichtet werden<br />

können.“<br />

93<br />

Ernst Cassirer: Kants Leben und Lehre, Berlin, 1921, ici p. 330: „[…] ursprüngliche[n] Gesetzlichkeit des<br />

Bewusstseins, auf welcher jedwede ästhetische Auffassung, jedwede Bezeichnung eines Inhalts der Natur oder<br />

der Kunst [beruht].“<br />

94<br />

HE, p. 82: „[…] die kantischen Prinzipien […] nur Hilfsmittel [sind], den überzeitlichen, ewigen Gehalt der<br />

alten und neuen Kunst tiefer, als es bisher möglich war zu erfassen.“<br />

95<br />

La notion d‘‘ idéalique’ est un élément de discours fréquemment employé dans les écrits esthétiques de<br />

Fernow, afin de décrire un art, qu’il oriente généralement à l’idéal de beauté de l’art caractéristique, Cf. RS, II, p.<br />

XII, au sujet du colorit: „Die bisherige Vieldeutigkeit der Ausdrücke ideal und idealisch deren wahrer Sin, bei<br />

dem mechanischem Treiben der Kunst, und bei dem steten Schwanken derselben zwischen geistloser<br />

Nachahmung des Wirklichen und gesezloser Willkür, fast ganz verloren gegangen war, hat auch in diesem Theile<br />

der Kunst die grösten Misbräuche veranlast und begünstigt, die nur durch eine gründliche Einsicht in das Wesen<br />

des Kolorits, und die Zurückführung des Studiums auf karakteristische Wahrheit in Ton und Materie, getilgt<br />

werden.“


26<br />

accomplie», 96 dont la théorie esthétique aurait pu s’insérer dans le cadre d’un système<br />

philosophique clos aux interconnexions cohérentes et logiques. Ceci a pour conséquence<br />

qu’on est amené à reconstruire la genèse de ses théories sur l’art à partir de ses essais<br />

esthétiques, et à les mettre en perspective à l’égard d’éventuelles influences liées au contexte<br />

historique. Tout d’abord, on remarquera dans ce contexte que, malgré l’hétérogénéité idéelle<br />

qui s’offre à première vue, on peut néanmoins distinguer une certaine homogénéité dans la<br />

pensée à ce sujet. L’une des constantes est sans doute la «pénétration idéelle» 97 de sa pensée<br />

esthétique par les principes kantiens, qui peut être décrite moins comme un «système d’une<br />

évolution idéelle», 98 mais plutôt comme une systématisation sous la forme d’une libre<br />

adaptation. Comme Irmgard Fernow le constate, il se sert ainsi à maintes reprises des<br />

«terminologies kantiennes» 99 et des notions similaires, ce qui, par moments, peut intriguer le<br />

lecteur. De même, Fernow suit toujours, dans son argumentation philosophique, le même<br />

triple pas argumentatif, c’est-à-dire une organisation triadique dans le traité philosophique<br />

que Kant privilégie également comme procédé synthétique avant l’analytique. 100 En outre,<br />

l’organisation idéelle de la conception fernowienne de l’art correspond tout à fait aux trois<br />

96 Irmgard Fernow, 1936, p. 14: „Von Fernows Ästhetik gilt im besonderen, was über sein Werk im allgemeinen<br />

gesagt wurde: er hat sie der Nachwelt nicht zu einem System verdichtet hinterlassen können.“<br />

97 Cf. Fernow, lettre à Reinhold datée 18 juillet 1796, citée selon Johanna Schopenhauer, 1810, p. 251 et p. 258.<br />

98 Cf. HE, p. 79: „Fernows Werk ist weniger die fortschreitende Entfaltung einer ihm eigenen, zunächst nur<br />

keimhaft vorhandenen Idee, sondern vielmehr die bewusste Anwendung einiger schon anfänglich feststehender,<br />

von ihm als richtig erkannter philosophischer Prinzipien auf ein bestimmtes geistiges Gebiet und seine<br />

Durchdringung mit diesen Prinzipien. Seine Entwicklung (wenn man überhaupt von ihr sprechen will) ist mehr<br />

eine stoffliche Bereicherung als ein gedankliches Fortschreiten.“<br />

99 Ibid., IF, p. 15: „Die Tatsache dieses Durchdrungenseins von kantischem Geist wird schon beim einfachen<br />

Lesen seiner Schriften evident; nicht allein dass er sich ständig kantischer Terminologie bedient, vermittelt er<br />

bisweilen - sich selbst scheinbar nicht unbewuβt - sätzeweis seine Ansichten in kantischen Wortlaut, so dass man<br />

sich fast an das Verhältnis Chatterton’s zu Chaucer erinnert fühlt.“<br />

100 Kant écrit dans la préface de la Critik der Urtheilskraft (voir réf. ailleurs): „Man hat es bedenklich gefunden,<br />

dass meine Einteilungen in der reinen Philosophie fast immer dreiteilig ausfallen. Das liegt aber in der Natur der<br />

Sache. Soll eine Einteilung a priori geschehen, so wird sie entweder analytisch sein, nach dem Satze des<br />

Widerspruchs; und da ist sie jederzeit zweiteilig (quodlibet ens est aut A aut non A). Oder sie ist synthetisch;<br />

und, wenn sie in diesem Falle aus Begriffen a priori (nicht, wie in der Mathematik, aus der a priori dem Begriffe<br />

korrespondierenden Anschauung) soll geführt werden, wo muβ, nach demjenigen, was zu der synthetischen<br />

Einheit überhaupt erforderlich ist, nämlich 1, Bedingung 2, ein Bedingtes 3, der Begriff, der aus der Vereinigung<br />

des Bedingten mit seiner Bedingung entspringt, die Einteilung notwendig Trichotomie sein.“


27<br />

complexes idéels formant également la clef de voûte théorique de l’esthétique transcendantale<br />

de Kant: 101<br />

1. La théorie sur le beau dans l’art,<br />

2. la théorie sur le sublime dans l’art,<br />

3. la théorie sur le génie artistique.<br />

A partir de Kant, Fernow va par la suite sanctionner le modèle de la triplicité esthétique, qui<br />

consiste à subordonner trois buts partiels à une finalité supérieure de l’art:<br />

Idéalité =<br />

beauté + caractère ⇒ Le but final de l’art<br />

Nous allons encore nous intéresser de plus près à l’organisation de ces thématiques complexes<br />

au cours du troisième chapitre du présent travail. Concentrons-nous ici principalement sur<br />

l’origine des idées et conceptions esthétiques de Fernow dans le contexte de la Critique de la<br />

faculté de juger. Comme Irmgard Fernow le souligne, le fait que Fernow sorte la partie<br />

portant sur la philosophie de l’art de son ancrage contextuel de l’œuvre philosophique de<br />

Kant, et la considère de façon isolée comme ‘esthétique’, représente une nouveauté dans le<br />

domaine de l’analyse scientifique. 102 La prise de distance consciente qui résulte de cette<br />

restriction thématique vis-à-vis des études traditionnelles sur Kant paraît en revanche comme<br />

une conséquence logique de ses propres ambitions philosophiques, mais qui reste toutefois<br />

ancrée dans le sillage des thèses kantiennes, étant donné que celles-ci comportent encore<br />

beaucoup d’aspects nouveaux 103 qu’il voudrait rendre accessible à l’esthétique. Au delà, il lui<br />

101 Ibid.<br />

102 Cf à ce sujet également IF, p. 18: „Der grundlegende Unterschied zwischen Kant und Fernow ist, daβ dieser -<br />

wie ja z. B. auch Schiller - die kantische Lehre für das Gebiet der Kunst allein nutzbar gemacht hat - also, von<br />

Kant aus gesehen, eine Beschränkung auf einen kleineren Bereich vorgenommen hat.“<br />

103 Cf. S[amuel] Ersch et J[ohann] [Gottfried] Gruber: Allgemeine Encyclopädie der Wissenschaften und Künste,<br />

I, 43, Leipzig, 1846, p. 169 s.: „Der Einfluβ der Kantischen Philosophie wird auch auf die Bildung des<br />

Geschmackes von schönen Kunstwerken wichtig sein, wenn ihre Grundsätze von kunsterfahrenen Kennern<br />

richtig angewendet werden. - Hier ist noch viel ungebautes Land, soviel auch über Kunst bisher geschrieben ist.“


28<br />

importe de «mettre en marche une critique de l’art plus approfondie.» 104 Ainsi, il juge comme<br />

«pitoyable et plat» 105 la «philosophie scolaire» 106 diffusée par des «causeurs d’art<br />

prétentieux», 107 qu’il considère avant tout comme étant homonome. A la différence de ces<br />

esthéticiens à la mode, Fernow cherche à légitimer une nouvelle doctrine de connaissance<br />

selon des critères objectifs, ce qu’il voudrait atteindre concrètement par l’abstraction des<br />

thèses kantiennes. Ainsi, le sentiment de l’art résulte chez Fernow, comme chez Kant, d’une<br />

disposition naturelle de l’esprit humain, 108 qui, de ce fait, est subjectif. 109 La difficulté, qui se<br />

pose d’emblée à Fernow est donc la quête d’un nouvel horizon de référence objectif, c’est-à-<br />

dire une base de légitimation se situant hors du subjectif, lui permettant d’objectiver ou de<br />

trouver des normes scientifiques propres au sentiment de l’art. Et nous voilà arrivés au<br />

problème principal de l’esthétique fernowienne. Herbert von Einem a déjà souligné la<br />

difficulté d’une telle entreprise scientifique reposant principalement sur la question de la<br />

légitimation objective d’une esthétique transcendantale. Une question s’impose d’emblée:<br />

Comment peut-on fonder la faculté de juger du sujet contemplant l’objet esthétique, qui, selon<br />

104 Cf. Aus Jens Baggesens Briefwechsel, voir ailleurs, p. 376: „Ich hoffe es dahin zu bringen, daβ wenigstens<br />

eine gründlichere Kunstkritik in Gang komme […].“<br />

105 Ibid., s.: „[…] denn die Begriffe von Kunst, Schönheit usw., die hier, selbst bei den Menschen von denen man<br />

etwas Besseres zu erwarten berechtigt ist, kursieren, sind erbärmlich und seicht. Die Antiquare sind, was das<br />

Wissen, was Belesenheit, Buchgelehrsamkeit und Gedächtnis betrifft, wahre Kolosse; sie haben ganze<br />

Bibliotheken. Zeit- und Namenregister, ich weiβ nicht im Kopf oder im Magen, aber sie sind Zwerge und<br />

Krüppel, sobald sie über irgend etwas raisonniren und nicht bloβ Gelerntes, sondern Gedachtes sagen sollen.“<br />

106 Cf. à ce sujet un autre commentaire de Fernow dans RS, I, p. 310 s.: „Das algemeine Geschwäz über die<br />

Künste, wie es in unseren Ästhetiken gewönlich getrieben wird, hat weder für den Künstler, noch für das<br />

Publikum den geringsten Nutzen, und dient blos, eine Menge seichter und anmaβender Kunstschwäzer zu<br />

bilden, die, mit den eben so leren Formeln ihrer erlernten Schulfilosofie ausgerüstet, sich zu Gesezgebern und<br />

Richtern des Geschmaks aufwerfen, und in der Anwendung ihrer hohlen Ästhetik auf die Kunst selbst die<br />

ungemeintesten Dinge vorbringen, die von der gläubigen Menge als Orakelsprüche aufgenommen und<br />

nachgebetet werden.“<br />

107 Ibid. Voir citation précédente.<br />

108 Kant définit l’esprit comme la faculté de la réprésentation des idées esthétiques comme force d’imagination,<br />

cf. § 49: Von den Vermögen des Gemüts, welche das Genie ausmachen, 192/193, A 190, p. 413: „Geist, in<br />

ästhetischer Bedeutung, heiβt das belebende Prinzip im Gemüte. Dasjenige aber, wodurch dieses Prinzip die<br />

Seele belebt, der Stoff, den es dazu anwendet, ist das, was die Gemütskräfte zweckmäβig in Schwung versetzt, d.<br />

i. ein solches Spiel, welches sich von selbst erhält und selbst die Kräfte dazu stärkt. Nun behaupte ich, dieses<br />

Prinzip sei nichts anders, als das Vermögen der Darstellung ästhetischer Ideen; unter einer ästhetischen Idee<br />

aber verstehe ich diejenige Vorstellung der Einbildungskraft, die viel zu denken veranlaβt […].“<br />

109 Cf. Denis Dumouchel: Kant et la subjectivité esthétique. Esthétique et philosophie avant la Critique de la<br />

faculté de juger, Éd. Vrin, Paris, 1999.


29<br />

Kant, est purement subjective, car elle dépend de la notion de goût, qui est fortement<br />

individuelle et donc variable, puisque propre à chacun, de manière objective? A première vue,<br />

une telle entreprise scientifique apparaît comme une quadrature du cercle. D’après un<br />

commentaire d’Herbert von Einem, il ne serait «ni hasard ni arbitraire que la théorie de l’art<br />

de Fernow a dû être influencée d’une manière décisive par Kant», 110 étant donné qu’au centre<br />

de l’esthétique kantienne on trouve aussi la question à laquelle Fernow s’est consacré de<br />

façon intense, à savoir celle de l’objectivité qui trouve son origine dans le sujet même. 111 Pour<br />

résoudre ce problème, qui réside notamment dans la causalité, Kant évoque dans un premier<br />

temps le jugement esthétique du goût d’un principe sur la perception sensualiste, 112 qui,<br />

d’après lui, est toujours lié à la volonté d’atteindre un but et la sensation d’une envie ou, au<br />

contraire, d’une désenvie. Celui-ci s’oriente d’abord vers l’intention, et est donc subjectif, car<br />

il obéit exclusivement à la faculté du jugement et du désir humains, et, de ce fait, doit se<br />

distinguer forcément de l’utilité pratique (=objective) de la nature. 113 Fernow tente en<br />

revanche d’annihiler cette antinomie existante par la sublimation de l’art comme une «nature<br />

supérieure.» 114 Par cette sublimation imaginaire, il accorde à l’art un caractère idéal qui<br />

n’obéit à aucune conceptualité et, de ce fait, s’avère comme étant diamétralement opposé aux<br />

110<br />

HE, p. 81: „kein Zufall und keine Willkür, daß Fernows Kunstlehre entscheidend von Kant bestimmt werden<br />

muβste.“<br />

111<br />

Schiller poursuit dans ses lettres adressées à Johann Gottfried Körner une intention similaire. Cf. aussi le<br />

commentaire de Goethe au propos de l’objectivité scientifique dans: „Versuch über die Vermittlung zwischen<br />

Subjekt und Objekt“, envoyé à Schiller le 17 janvier 1788, publié en 1823, dans les œuvres de Goethe: „Der<br />

Versuch als Vermittler von Objekt und Subjekt“, Hamburger Ausgabe [HA], Munich, 8 1981, vol. 13 (14), ps. 10-<br />

20.<br />

112<br />

KU, § 39: „Von der Mittelbarkeit einer Empfindung“, B 153, A 151, p. 386: „Wenn Empfindung, als das<br />

Reale der Wahrnehmung, auf Erkenntnis bezogen wird, so heiβt sie Sinnenempfindung; und das Spezifische<br />

ihrer Qualität lässt sich nur als durchgängig auf gleiche Art mitteilbar vorstellen, wenn man annimmt, daβ<br />

jedermann einen gleichen Sinn mit dem unsrigen habe: dieses lässt sich aber von einer Sinnesempfindung<br />

schlechterdings nicht voraussetzen.“<br />

113<br />

Ibid., VI.: „Von der Verbindung des Gefühls der Lust mit dem Begriffe der Zweckmässigkeit der Natur“, B<br />

XL, A XXXVII, p. 261: „Die Erreichung jeder Absicht ist mit dem Gefühle der Lust verbunden; und, ist die<br />

Bedingung der erstern eine Vorstellung a priori, wie hier ein Prinzip für die reflektierende Urteilskraft<br />

überhaupt, so ist das Gefühl der Lust auch durch einen Grund a priori und für jedermann gültig bestimmt; und<br />

zwar bloβ durch die Beziehung des Objekts auf das Erkenntnisvermögen, ohne dass der Begriff der<br />

Zweckmäβigkeit hier im mindesten auf das Begehrungsvermögen Rücksicht nimmt, und sich also von aller<br />

praktischen Zweckmäβigkeit der Natur gänzlich unterscheidet.“<br />

114<br />

RS, I, p. 319: „Sie [die Kunst] erscheint als eine höhere Natur […].“


30<br />

lois causales de la nature. Ainsi, Fernow élève l’art 115 (comme création de l’homme) au-<br />

dessus de la nature, afin de dissoudre cette opposition entre l’art et la nature dans une sorte de<br />

dualisme coexistant. Dans ce contexte, la finalité s’avère être un mot clef par rapport à la<br />

conception fernowienne. Dans une certaine mesure, Fernow présuppose, à la manière de Kant,<br />

un processus créatif à partir de l’opus (œuvre), en faisant la différence entre l’agere (agir) de<br />

la nature d’un côté, et le facere (faire) de l’artiste, de l’autre. 116 Or, en parallèle à cela, il part<br />

de la liberté de l’artiste (loin de l’intention de Kant !), car il distingue la productivité, à la<br />

différence du fonctionnement organique de la nature, qu’il ne voit conditionnée ni par la<br />

nécessité, ni par l’arbitraire ou d’autres lois externes. 117 De même, on peut envisager la<br />

conception fernowienne de l’artiste tout à fait au sens du Prométhée 118 goethéen. Suivant sa<br />

logique, l’artiste ne doit pas imiter le beau naturel, mais plutôt créer le beau dans l’art à partir<br />

de la nature. 119 Tandis que Kant rattache le principe exclusivement à l’homme (=genre), à la<br />

différence des animaux (=espèce), Fernow va encore plus loin en opérant une distinction, en<br />

ce qui concerne le caractère, entre l’espèce, le genre et l’individualité. 120 Mais, en règle<br />

générale, il définit, conformément à Kant, l’idée du beau comme étant issue d’un amalgame<br />

115 Concernant la relation art-nature chez Fernow, cf. aussi la citation suivante: „Aber das erquickende Gefühl<br />

eines reinen Naturgenusses, der uns für den Augenblick ganz genügt und beseeligt, ist, wie ich meine, wohl auch<br />

soviel werth, als das Namenlose Sehnen und Streben, welches eine Natur im Style und mit den Idealen der Kunst<br />

gegattet, in uns erregt“ (JS, p. 324).<br />

116 Cf. également IF, p. 19. Voir aussi KU, § 43, B 174/175, A 172, p. 401 s.: 1, „K u n s t wird von der N a t u r,<br />

wie Tun (facere) vom Handeln oder Wirken überhaupt (agere), und das Produkt oder die Folge der erstern als<br />

Werk (opus) von der letztern als Wirkung (effectus) unterschieden […] 2, Kunst als Geschicklichkeit des<br />

Menschen wird auch von der Wissenschaft unterschieden (Können vom Wissen) als praktisches vom<br />

theoretischen Vermögen, als Technik von der Theorie […] 3. Wird auch Kunst vom Handwerke unterschieden;<br />

die erste heiβt freie, die andere kann auch Lohnkunst heiβen.“<br />

117 RS, I, p. 303 s.: „[…] die Naturschönheiten […] bringt die Natur in ihrer groβen Werkstatt in unendlicher<br />

Mannigfaltigkeit hervor, zu welchen Zwecken? Ob zu eigenem Wohlgefallen, ob zu unserem? Ob aus<br />

Notwendigkeit, ob aus Willkür? Das wissen wir nicht […] das Kunstschöne [aber] bringt der Mensch nach<br />

vorgestellten Zwecken hervor.“<br />

118 Dans son poème Prométhée, Goethe conçoit le prototype de l’homme en tant qu’artiste-rebelle créateur, qui, à<br />

l’opposition de la sphère divine, joue le rôle de démiurge créateur: «N’était-ce pas toi, cœur sacré et embrasé, qui<br />

as tout achevé par toi-même», cité selon: Johann Wolfgang von Goethe - Gedichte, Bernd Witte (Éd.), Éd.<br />

Reclam, Stuttgart, 1998, p. 43 s.<br />

119 Cf. chapitre au sujet de Carstens.<br />

120 Nous allons revenir à cet aspect au cours de la troisième partie du présent travail.


31<br />

entre l’idée normale et l’idée rationelle. 121 Quant à l’homme, il part à l’opposé des<br />

dispositions innées de l’esprit, des soi-disant «sources cognitives originelles» 122 qui, d’après<br />

sa conviction, conditionnent les possibilités de connaissance empiriques du sujet. D’où résulte<br />

également chez Kant la séparation entre la connaissance, d’un côté, et le sentiment, de l’autre,<br />

dont il déduit l’exploration d’une «départition des capacités déjà considérées […] de l’esprit<br />

humain.» 123 Ces «lois originelles de la conscience» sont en grande partie liées au subjectif. En<br />

l’occurrence, Fernow, en tant qu’historien de l’art, considère l’esthétique avant tout comme<br />

un phénomène historique, et vise donc, pour ce qui est de la légitimation du jugement<br />

esthétique, l’aspect objectif. 124 Comme nous avons déjà pu le constater, Fernow fonde l’ordre<br />

des choses non pas sur l’ordre, mais sur le sujet empirique, qui se détache des possibilités de<br />

connaissance de la raison (connaissance = rationalisme = a priori), en obéissant uniquement à<br />

l’horizon émotionnel de l’expérience (sentiment = empirisme = a posteriori), dont il déduit<br />

également la subjectivité du jugement esthétique. Quant à la question de savoir si l’on<br />

parvient à la définition de l’idéal de beauté par une démarche a priori ou empirique, 125 il<br />

distingue ainsi, tout à fait dans le sens kantien, l’idée normale (fondée empiriquement) que la<br />

121 KU, § 17, „Vom Ideale der Schönheit“, B 55, A 54/55, p. 315: „Hiezu [sic] [zur Bestimmung des Schönen]<br />

gehören aber zwei Stücke: erstlich die ästhetische Normalidee, welche eine einzelne Anschauung (der<br />

Einbildungskraft) ist, die das Richtmaβ seiner Beurteilung, als eines zu einer besonderen Tierspezies gehörigen<br />

Dinges, vorstellt; zweitens die Vernunftidee, welche die Zwecke der Menschheit, sofern sie nicht sinnlich<br />

vorgestellt werden können, zum Prinzip der Beurteilung einer Gestalt macht, durch welche, als ihre Wirkung in<br />

der Erscheinung sich jene offenbaren.“<br />

122 KU, § 22: „Die Notwendigkeit der allgemeinen Beistimmung, die in einem Geschmacksurteil gedacht wird,<br />

ist eine subjektive Notwendigkeit, die unter der Voraussetzung eines Gemeinsinns als objektiv vorgestellt wird“,<br />

B 66/67, A 65/66, p. 322: „Wie sollten wir wohl a priori eine synthetische Einheit auf die Bahn bringen können,<br />

wären nicht in den ursprünglichen Erkenntnisquellen unseres Gemütes subjektive Gründe solcher Einheit a priori<br />

enthalten, und wären diese subjektiven Bedingungen nicht zugleich objektiv gültig, indem sie die Gründe der<br />

Möglichkeit sind, überhaupt ein Objekt in der Erfahrung zu erkennen.“<br />

123 Cf. Kant „Kritik des Geschmackes“, voir lettre à Reinhold, datée 28 décembre 1787, dans: Kant’s gesammelte<br />

Schriften, cf. référence ailleurs, vol. <strong>IV</strong>, p. 394: „[…] das die Zergliederung der vorher betrachteten Vermögen<br />

mich im menschlichen Gemüte hatte entdecken lassen, und welches zu bewundern und womöglich zu ergründen<br />

mir noch Stoff genug für den Überrest meines Lebens an die Hand geben wird.“<br />

124 Herbert von Einem définit le dualisme imminent entre Kant et Fernow comme suit: „Kant geht vom<br />

menschlichen Subjekt aus, und die Kunst interessiert ihn nur insofern und insoweit, als sie ein Akt des<br />

menschlichen Bewuβtseins ist. Seine Bemühung gilt der Begründung der Kunst von der subjektiven Seite. Sein<br />

Problem ist das Problem der Möglichkeit der Kunst. Fernow dagegen hat - selbst bei seinen dem Subjektiven<br />

gewidmeten Betrachtungen - doch immer das historische Phänomen der Kunst als einer objektiven Gegebenheit<br />

vor Augen. Sein Interesse ist mehr auf die Wirklichkeit als auf die Möglichkeit der Kunst gerichtet“ (voir HE, p.<br />

82).<br />

125 KU, § B55, A 54/55, p. 314.


32<br />

nature du beau «se développe et s’explique de manière satisfaisante et subjective avant tout<br />

par l’esprit humain», 126 il critique en même temps aussi l’insuffisance de cette approche<br />

explicative, étant donné que celle-ci ignore la cause objective. Mais qu’entend exactement<br />

Fernow par cette «trace objective»? 127 Afin de répondre à cette question, il faut avoir recours<br />

au principe sensualiste de Kant sur la perception, qui est basé sur la connaissance de l’objet<br />

par l’homme, suivant lequel la sphère du suprasensible n’est pas saisissable par les<br />

possibilités de la raison et doit donc être fondée de manière empirique, c’est-à-dire<br />

transcendantale (et non pas transcendentale!). La sensation du beau dans l’art reste donc, en<br />

tant qu’acte de la perception sensualiste de la nature de l’objet, 128 exclusivement conditionnée<br />

par le principe de l’envie, 129 tout en distinguant une perception à la fois subjective et<br />

intéressée 130 (=sensation de l’agréable) et celle à la fois objective et désintéressée 131<br />

(=sensation du beau). De plus, Kant subdivise le jugement esthétique en quatre moments<br />

(selon la qualité, la quantité, la relation et la modalité), 132 afin d’obtenir une définition plus<br />

précise du beau esthétique. Comme Herbert von Einem le constate, ces moments se retrouvent<br />

également dans les idées esthétiques de Fernow, 133 dont nous voudrions présenter ici une vue<br />

d’ensemble cohérente. Du premier moment, la qualité, Kant déduit le désintérêt 134 du goût du<br />

126 RS, I, p. 293 s.<br />

127 Ibid., Cf. aussi IF, p. 23: „objektive Spur.“<br />

128 KU, VII: „Von der ästhetischen Vorstellung der Zweckmässigkeit der Natur“, B XLIII, A XLI, p. 263: „Was<br />

an der Vorstellung eines Objekts bloβ subjektiv ist, d. i. ihre Beziehung auf das Subjekt, nicht auf den<br />

Gegenstand ausmacht, ist die ästhetische Beschaffenheit derselben […].“<br />

129 Ibid.: „Dasjenige Subjektive aber an einer Vorstellung, was gar kein Erkenntnisstück werden kann, ist die mit<br />

ihr verbundene Lust oder Unlust.“<br />

130 Cf. KU, § 3: „Das Wohlgefallen am Angenehmen ist mit Interesse verbunden“, B 7, A 7, p. 281: „Angenehm<br />

ist das, was den Sinnen in der Empfindung gefällt.“<br />

131 Ibid., § 2: „Das Wohlgefallen, welches das Geschmacksurteil bestimmt, ist ohne alles Interesse“, B 5/6, A 5/6,<br />

p. 280: „Interesse wird das Wohlgefallen genannt, was wir mit der Vorstellung der Existenz eines Gegenstandes<br />

verbinden.“<br />

132 Voir KU, „Analytik der ästhetischen Urteilskraft“, premier livre, § 1-22, 3-73.<br />

133 HE, p. 86.<br />

134 KU, § 1: „Das Geschmacksurteil ist ästhetisch“, B 17/18, A 17/18, p. 288: „Geschmack ist das<br />

Beurteilungsvermögen eines Gegenstandes oder einer Vorstellungsart durch ein Wohlgefallen, oder Missfallen,<br />

ohne alles Interesse. Der Gegenstand eines solchen Wohlgefallens heiβt schön.“


33<br />

deuxième, la quantité, le caractère général de la notion du beau, 135 du troisième, la relation,<br />

la conformité de l’objet 136 et du quatrième moment, la modalité, le principe du plaisir. 137 Dans<br />

le troisième moment du jugement de goût (relation), Kant évoque le principe de la force<br />

imaginative libre, 138 qu’il élève par rapport au génie au même rang que la faculté de<br />

connaissance productive, 139 et, par rapport au jugement de goût, associe à la sensation d’envie<br />

du sujet contemplant, qui n’est pas logique, mais exclusivement subjective 140 et étroitement<br />

liée à un processus cognitif, où les forces d’imagination se retrouvent dans un état de libre<br />

jeu. 141 Ce sentiment d’envie ou de désenvie reste cependant fondé empiriquement et donc a<br />

posteriori, 142 ce qui est également valable pour le jugement esthétique. 143 Chez Fernow, on ne<br />

trouve pas d’autres détails quant au principe d’envie de Kant. En ce qui concerne la force<br />

imaginative, on constate par contre plusieurs parallèles théoriques. Ainsi, Kant subordonne la<br />

libre force imaginative 144 à des lois autonomes, 145 dont résulte l’impossibilité des lois<br />

objectives par rapport au jugement de goût (raison=normativité). Or, celle-ci ne peut pas être<br />

autonome, car elle n’est pas soumise à des lois subjectives (à partir de la raison = liberté =/<br />

135<br />

Ibid., § 6: „Das Schöne ist das, was ohne Begriffe, als Objekt eines allgemeinen Wohlgefallens vorgestellt<br />

wird“, B 32, A 32, p. 298: „Schön ist das, was ohne Begriff allgemein gefällt.“<br />

136<br />

Ibid.: „Schönheit ist Form der Zweckmäβigkeit eines Gegenstandes, sofern sie, ohne Vorstellung eines<br />

Zwecks an ihm wahrgenommen wird.“<br />

137<br />

Ibid., § 18: „Was die Modalität eines Geschmacksurteils sei“, B 69, A 68, p. 324: „Schön ist, was ohne<br />

Begriff als Gegenstand eines notwendigen Wohlgefallens erkannt wird.“<br />

138<br />

Ibid.<br />

139<br />

KU, § 49: „Von den Vermögen des Gemüts welche das Genie ausmachen“, B (deuxième édition) 194, A<br />

(première édition) 191, p. 414: „Die Einbildungskraft (als produktives Erkenntnisvermögen) ist nämlich sehr<br />

mächtig in Schaffung gleichsam einer andern Natur, aus dem Stoffe, den ihr die wirkliche gibt.“<br />

140<br />

Ibid.<br />

141<br />

KU, § 9: „Untersuchung der Frage: ob im Geschmacksurteile das Gefühl der Lust vor der Beurteilung des<br />

Gegenstandes, oder diese vor jener vorhergehe“, B 27/28, A 27/28, p. 295.<br />

142<br />

Ibid., § 12: „Das Geschmacksurteil beruht auf Gründen a priori“, B 36/37, A 36, p. 301.<br />

143<br />

Ibid.: „Nun ist es auf ähnliche Weise mit der Lust im ästhetischen Urteile bewandt: nur daβ sie hier bloβ<br />

kontemplativ, und ohne ein Interesse am Objekt zu bewirken, im moralischen Urteil hingegen praktisch ist.“<br />

144<br />

KU, „Allgemeine Anmerkung zum ersten Abschnitte der Analytik“, B 69, A 68, p. 324: „Die Notwendigkeit<br />

der Allgemeinen Beistimmung die in einem Geschmacksurteil gedacht wird, ist eine subjektive Notwendigkeit,<br />

die unter der Voraussetzung eines Gemeinsinns als objektiv vorgestellt wird.“<br />

145<br />

Ibid., p. 325: „Allein daβ die Einbildungskraft frei und doch von selbst gesetzmäβig sei, d. i. dass sie eine<br />

Autonomie bei sich führe ist ein Widerspruch. Der Verstand allein gibt das Gesetz.“ Kant en déduit par la suite le<br />

principe de la libre causalité: „Es wird also keine Gesetzmäβigkeit ohne Gesetz, und eine subjektive<br />

Übereinstimmung der Einbildungskraft zum Verstande, ohne eine objektive, da die Vorstellung auf einen<br />

bestimmten Begriff von einem Gegenstande bezogen wird, mit der freien Gesetzmäβigkeit des Verstandes<br />

(welche auch Zweckmäβigkeit ohne Zweck genannt worden) und mit der Eigentümlichkeit eines<br />

Geschmacksurteils allein zusammen bestehen können.“


34<br />

autonomie). Dans la complexité de cette idée réside également le problème de l’opposition<br />

entre art et nature chez Kant. Ainsi, il juge ces deux principes (art/nature) comme<br />

inconciliables, étant donné que l’art, à la différence de la nature, suit les lois de la causalité 146<br />

(=nécessité + arbitraire), et, pour cette raison, ne peut pas, comme la morale, être soumis à la<br />

force de jugement réflexif, tandis que la nature de l’art ne peut être saisie que par le jugement<br />

de goût subjectif (résultant de la contemplation + force imaginative), qui, en l’occurrence,<br />

obéit à des lois libres. En revanche, Fernow considère l’imaginatio (de l’artiste)<br />

principalement comme une force à la fois libre et productive et ainsi comme un élément<br />

dynamique de la représentation idéale, qui s’oppose, comme instance autonome, à la causalité<br />

de la nature. 147 Par la suite, Kant accorde tout à fait, en ce qui concerne le jugement du goût<br />

(=subjectif), en se démarquant du jugement de connaissance (=logique), possible objectivité<br />

d’une conception empirique, hormis celle reposant sur l’envie ou la désenvie, 148 qu’il<br />

réconduit uniquement au sensus communis. 149 Pour lui, celui-ci a un caractère général<br />

uniquement subjectif (et donc pas objectif !) et passe ainsi pour une norme idéale, c’est-à-dire<br />

comme un barême général et non pas universel (!). 150 Ainsi, Kant conçoit la nécessité<br />

146 Kant modifie le principe de la causalité naturelle (apparence), en ayant recours au principe de liberté (la<br />

raison pure et pratique), c’est-à-dire la possibilité d’une expérience de la sphère de l’intelligible et du substrat<br />

suprasensuel de la nature à partir de l’homme (apparence de l’univers des sens), par laquelle celle-ci se trouve<br />

également ‘causalisée.’ Cf. KU, B LV, A LIII, p. 271.<br />

147 RS, I , p. 307 s. et IF, p. 18: „Keine der Schranken, welche die Natur an der vollkommenen Ausbildung […]<br />

hindern, hindert den Künstler an einer durch denselben veredelten Darstellung seiner Gestalten […] es hängt<br />

von ihm ab, nicht nur in seiner Einbildungskraft ein so vollkommenes Ideal der Menschengestalt<br />

hervorzubringen als er vermag […] sondern auch dasselbe in seinen Werken unter mannigfaltigen Charakteren<br />

ebenso rein und vollkommen wieder darzustellen, wie es seiner Einbildungskraft vorschwebt.“<br />

148 KU, „Allgemeine Anmerkung zum ersten Abschnitte der Analytik“, B 69, A 68, p. 324: „Alle Beziehung der<br />

Vorstellungen, selbst jene der Empfindungen, aber kann objektiv sein (und da bedeutet sie das Reale einer<br />

empirischen Vorstellung); nur nicht der die das Gefühl der Lust und Unlust, wodurch gar nicht ins Objekte<br />

bezeichnet wird, sondern in der das Subjekt, wie es durch die Vorstellung affiziert wird, sich selbst fühlt.“<br />

149 KU, § 20: „Die Bedingung der Notwendigkeit, die ein Geschmacksurteil vorgibt, ist die Idee eines<br />

Gemeinsinnes“, B 65, A 64, p. 321: „Also müssen sie ein subjektives Prinzip haben, welches nur durch Gefühl<br />

und nicht durch Begriffe, doch aber algemeingültig bestimme, was gefalle oder missfalle. Ein solches Prinzip<br />

aber könnte nur als ein G e m e i n s i n angesehen werden; welcher vom gemeinen Verstande, den man<br />

bisweilen auch Gemeinsinn (sensus communis) nennt, wesentlich unterschieden ist: indem letzterer nicht nach<br />

Gefühl, sondern jederzeit nach Begriffen, wiewohl gemeiniglich nur als nach dunkel vorgestellten Prinzipien,<br />

urteilt.“<br />

150 KU, § 22, A 67: „Also ist der Gemeinsinn, von dessen Urteil ich mein Geschmacksurteil hier als ein Beispiel<br />

angebe und weswegen ich ihm exemplarische Gültigkeit beilege, eine bloβe idealische Norm, unter deren<br />

Voraussetzung man ein Urteil, welches mit ihr zusammenstimmte und das in demselben ausgedrückte


35<br />

subjective de la définition, qui conditionne le jugement de goût, en présupposant une norme<br />

générale, hormis le caractère subjectif, dont il déduit par la suite la nature insaisissable du<br />

beau esthétique, qui, selon lui, s’affranchit de toute forme de conceptualité. 151 En<br />

conséquence, il distingue le goût esthétique du goût purement sensuel, tout en concédant la<br />

possibilité d’un principe (non valable objectivement!). 152 A partir du sensus communis<br />

présupposé comme étant à la fois général et subjectif, Fernow essaie en revanche de fonder<br />

théoriquement le caractère objectif de la faculté de juger (résultant du bon sens et de la<br />

raison). Le problème auquel il s’intéresse en particulier est alors celui de la recherche d’un<br />

nouvel horizon de référence, loin des systèmes référentiels normatifs qui sont la nature et<br />

l’histoire. La thèse selon laquelle Fernow opère de manière anhistorique 153 est justifiée dans<br />

le sens où il ne déduit l’esthétique ni des apparences de la nature, ni des événements<br />

historiques, mais à réfuter dans le sens où il lie le beau dans l’art tout à fait à de la beauté<br />

naturelle (=caractère idéal - mais non pas ART = NATURE!), et, ce faisant, déclare<br />

l’Antiquité, même si c’est sous réserve, comme norme idéal de la production créative. Quant à<br />

cette idée, on constate non seulement le problème de l’historicité, c’est-à-dire un idéal de l’art<br />

anhistorique à partir de l’antiquité (!), 154 mais aussi le danger d’un glissement vers le<br />

Wohlgefallen an einem Objekt, für jedermann mit Recht zur Regel machen könnte: weil zwar das Prinzip nur<br />

subjektiv, dennoch aber, für subjektiv-allgemein (eine jedermann notwendige Idee) angenommen, was die<br />

Einhelligkeit verschiedener Urteilenden betrifft, gleich einem objektiven, allgemeine Beistimmung fordern<br />

könnte; wann man nur sicher wäre, darunter richtig subsumiert zu haben.“<br />

151 KU, B 143, A 141, p. 379: „Unter einem Prinzip des Geschmacks würde man einen Grundsatz verstehen,<br />

unter dessen Bedingung man den Begriff eines Gegenstandes subsumieren, und alsdann durch einen Schluβ<br />

herausbringen könnte, daβ er schön sei. Das ist aber schlechterdings unmöglich.“<br />

152 Ibid.: „Wenn Geschmacksurteile (gleich den Erkenntnisurteilen) ein bestimmtes objektives Prinzip hätten, so<br />

würde der, welcher sie nach dem letztern fället, auf unbedingte Notwendigkeit seines Urteils Anspruch machen.<br />

Wären sie ohne alles Prinzip, wie die des bloβen Sinnengeschmacks, so würde man sich gar keine Notwendigkeit<br />

derselben in die Gedanken kommen lassen.“<br />

153 HE, p. 56: „Fernows Vorstellungswelt ist vollkommen unhistorisch“, ainsi que ibid., p. 83: „Fernows<br />

Kunstlehre macht den Versuch, allgemeine und notwendige Gesetze für die Kunst aufzustellen, die für alle<br />

Zeiten gültig sind, und nach denen alle einzelnen Kunsterscheinungen gerichtet werden können.“<br />

154 Le problème de l’histoire chez Fernow est un sujet très controversé. Ainsi, Fernow part, tout comme<br />

Winckelmann du principe selon lequel l’art des Anciens représente une norme esthétique atemporelle (antiquité<br />

éternité). La légitimation d’un principe artistique éternel, qui trouve pourtant son ancrage historique dans<br />

l’Antiquité, n’étant pas le sujet de notre travail et, par conséquent, nous ne nous y attarderons pas.


36<br />

subjectif, 155 étant donné que les lois objectives ne sont pas fondées à partir de l’extérieur, mais<br />

à partir de l’intérieur de l’homme. Pour résoudre ce problème, Fernow achève un grand écart<br />

esthétique qui prend comme point de départ la ‘désindividualisation’ 156 de l’homme. Nous<br />

reviendrons à cet aspect dans le contexte de la conception du caractère esthétique. A part le<br />

terme de ‘caractéristique’, celui d’‘idéal’ constitue un élément discursif récurrent des écrits<br />

esthétiques. En règle générale, Fernow le conçoit comme le principe de la beauté esthétique<br />

sublime, en se référant à la définition de Kant établie par l’idéalité comme «un être adéquat à<br />

l’idée» 157 et s’oriente à la fois vers la raison et vers l’utilité, 158 et, par rapport à Schiller,<br />

pourrait également s’appliquer à l’homme en tant qu’anthropologicum. 159 Fernow part d’une<br />

idée analogue, en acceptant l’idée normale de Doryphore comme règle idéale, 160 mais en<br />

prenant en considération le caractère spécifique comme autre critère esthétique. 161 A part cela,<br />

la question s’impose à lui de savoir comment définir le beau mathématique, qu’il envisage à<br />

partir de l’analytique de Kant. 162 Dans son ouvrage, Kant sépare strictement art et<br />

mathématique, en considérant tout ce qui est «régulier et rigide» 163 comme étant dépourvu de<br />

goût, vu qu’il ne contient rien de caractéristique ou de spécifique par rapport à la personne. 164<br />

155<br />

HE, p. 83: „Die Gefahr einer solchen Einstellung ist das Abgleiten ins Subjektive.“<br />

156<br />

Ibid.: „Voraussetzung des Fernowschen Weges ist daher die Zugrundelegung eines Begriffes vom Menschen,<br />

aus dem alle individuellen Züge ausgeschieden sind, eines Menschenbildes von strenger Allgemeingültigkeit und<br />

Notwendigkeit. Das ist, wie wir gesehen haben, bei Fernow auch wirklich der Fall.“<br />

157<br />

KU, § 17: „Vom Ideale der Schönheit“, B 55, A 54/55, p. 314: „Idee bedeutet eigentlich einen<br />

Vernunftbegriff, und Ideal die Vorstellung eines einzelnen als einer Idee adäquaten Wesens.“<br />

158<br />

Ibid.<br />

159<br />

Ibid., s.<br />

160<br />

Ibid.: „Analytik des Schönen“, B 57/58, A 59, p. 317. Cf. au sujet de l’histoire de la réception: Polykleitos, the<br />

Doryphoros and tradition, (Wisconsin studies in classics), Éd. University Press, Wisconsin, 1989.<br />

161<br />

Cf. RS, I, p. 356.<br />

162<br />

KU, „Allgemeine Anmerkung zum ersten Abschitte der Analytik“, B 70, A 69, p. 325: „Nun werden<br />

geometrisch-regelmäβige Gestalten, eine Zirkelfigur, ein Quadrat, ein Würfel u.s.w von Kritikern des<br />

Geschmacks gemeiniglich als die einfachsten und unzweifelhaftesten Beispiele der Schönheit angeführt; und<br />

dennoch werden sie eben darum regelmäβig genannt, weil man sie nicht anders vorstellen kann als so, daβ sie für<br />

bloβe Darstellungen eines bestimmten Begriffs, der jeder Gestalt die Regel vorschreibt (nach der sie allein<br />

möglich ist), angesehen werden.“<br />

163<br />

Ibid., p. 317: „Analytik des Schönen - Allgemeine Anmerkung“, B 72/73, A 71/72, p. 327: „Alles Steif-<br />

Regelmäβige (was der mathematischen Regelmäβigkeit nahe kommt) hat das Geschmackwidrige an sich: dass es<br />

keine lange Unterhaltung mit der Betrachtung desselben gewährt sondern sofern es nicht ausdrücklich die<br />

Erkenntnis oder einen bestimmten praktischen Zweck zur Absicht hat, lange Weile macht.“<br />

164<br />

Cf. également la note de Kant sur la régularité physiognomique, ibid., B 57/58, A 57, p. 317: „Man wird<br />

finden, dass ein vollkommen regelmäβiges Gesicht, welches der Maler ihm zum Modell zu sitzen bitten möchte,


37<br />

La conception de Fernow par rapport au caractère esthétique d’une représentation<br />

mathématique est analogue. Ainsi, il part comme Kant du principe qu’une représentation<br />

adéquate de l’image normale comme «l’idéal d’une utilité extérieure», 165 sous la forme d’une<br />

«figure géométrique sans faille», 166 est pensable; or, en l’occurrence, il trouve que l’idéal<br />

d’une utilité intérieure (=nature) est à priori impossible à représenter. Ce faisant, il n’exclut<br />

pas l’union entre l’art et la régularité mathématique, mais, d’une manière générale, il les<br />

sépare rigoureusement. Dans ce contexte, le parallèle qu’on peut établir entre Fernow et les<br />

thèses pertinentes de Simondon 167 et Pierre Francastel, 168 dont la logique argumentative du<br />

raisonnement par rapport à l’esthétique à travers la technique est similaire, s’avère frappant.<br />

Un autre point, qui mérite également une certaine attention à l’égard de sa controverse avec<br />

Kant, est la dimension socioculturelle. Quel rôle joue Fernow en tant que médiateur<br />

intellectuel quant à la diffusion de la philosophie kantienne dans l’espace européen?<br />

Ce sont notamment les rédactions philosophiques de Fernow, qui vont susciter l’intérêt de<br />

Madame de Staël, 169 dont le salon littéraire peut tout à fait être considéré comme l’emblème<br />

de l’aspiration cosmopolitique à la sociabilité littéraire 170 à l’issue du XVIII ème siècle, et ainsi<br />

contribuer par la suite à la diffusion des idées kantiennes en Italie 171 comme en France. Cette<br />

gemeiniglich nichts sagt; weil es nichts Charakteristisches enthält, also mehr die Idee der Gattung, als das<br />

Spezifische einer Person ausdrückt.“<br />

165<br />

RS, I, p. 347.<br />

166<br />

Ibid.<br />

167<br />

Cf. à ce sujet Simondon: Du mode d’existence des objets techniques, Éd. Aubier, Paris, 1958, p. 183: «La<br />

réalité esthétique ne peut en effet être dite ni proprement objet ni proprement sujet; certes, il y a une relative<br />

objectivité des éléments de cette réalité; mais la réalité esthétique n’est pas détachée de l’homme et du monde<br />

comme un objet technique […].»<br />

168<br />

Pierre Francastel: Art technique aux XIXe et XXe siècles, (Collection, vol. n° 131), Éd. Denoël, Paris, 1991.<br />

169<br />

Ghislain de Diesbach: Madame de Staël, Éd. Perrin, Paris, 1983, ainsi que Béatrice Didier: Madame de Staël,<br />

Éd. Ellipses, Paris, 1999. De même, il est intéressant de savoir que Mme Staël est issue de la même ligne de<br />

descendance que Susanne von Necker ou Madame Suschen (la marraine et mécène de Fernow durant son enfance<br />

à Blumenhagen), cf. L. Gerhardt, 1908, p. 2. Il est possible que Fernow ait porté cette coïncidence à la<br />

connaissance de Madame de Staël.<br />

170<br />

Wolfgang Adam e. a. (Éd.): Geselligkeit und Bibliothek. Lesekultur im 18. Jahrhundert, (Études de la<br />

Gleimhaus Halberstadt, vol. 4), Éd. Wallstein, Göttingen, 2005. Cf. par ailleurs l’étude de Gerhard Neumann et<br />

Sigrid Weigel (Éd.): Die Lesbarkeit der Kultur. Literaturwissenschaften zwischen Kulturtechnik und<br />

Ethnographie, Éd. Fink, Munich, 2000.<br />

171<br />

IF, III, p. 49: „Die Bedeutung der Kantschülerschaft Fernows für die K u n s t besteht, wie im ersten Teil<br />

dieser Arbeit erhellt wurde, darin, dass Fernow, indem er für die i d e a l i s c h e Kunst plädierte, im Verein mit<br />

Carstens, die später von Thorwaldsen fortgeführte neue Epoche in der Kunst einleitete. Und für die P h i l o s o p


38<br />

dernière lui demande aussi de lui faire parvenir les rédactions en question qu’elle étudie,<br />

probablement avec Benjamin Constant, 172 comme les écrits de Schelling. 173 Ainsi, il est fort<br />

probable que c’est indirectement par l’intermédiaire de Fernow que les idées de Kant trouvent<br />

également leur entrée dans le cercle illustre de Madame de Staël, 174 d’où elles sont<br />

retransmises, grâce à l’imbrication intense des salons littéraires 175 à la mode depuis<br />

Diderot. 176 Il est curieux que ce même salon de Madame de Staël constitue cette scène<br />

littéraire, où la religion de l’art, 177 qui sera par la suite celle du XIX ème siecle, trouve sa<br />

véritable origine. Il faut aussi souligner dans ce contexte la participation réelle de Fernow à<br />

ces soirées de discussion au cours desquelles Henry Crabb Robinson, 178 Constant 179 et Mme<br />

de Stäel vont poser le fondement intellectuel du discours sur l’autonomie esthétique. Mais ce<br />

qui est sûr, c’est qu’une rencontre personnelle entre Constant et Fernow a véritablement eu<br />

lieu le 22 janvier 1804, et à laquelle assista aussi Crabb Robinson, qui fréquentait à cette<br />

époque les conférences de Schelling sur l’esthétique à Jéna. Constant décrit Fernow comme<br />

suit: «[…] professeur à Jéna, dont on dit qu’il est spirituel et érudit.» 180 Ce qui est<br />

intéressant, c’est que ce même Robinson est un élève que Fernow, qui lors d’une rencontre<br />

h i e [war es Fernow], der den kantischen Ideen, der kritischen Philosophie, auch in Italien erstmalig den Boden<br />

bereitete.“<br />

172 Le Cahier rouge de Benjamin Constant, Louise Estournelles Constant de Rebecque (Éd), Éd. C. Lévy, Paris,<br />

1907.<br />

173 Fernow cité d’après Livia Gerhardt, 1908, p. 53: „Ich musste ihr [Mme de Staël] versprechen, einige<br />

philosophische Aufsätze, die ich in italienischer Sprache geschrieben habe zu übersenden.“ Cf. ici et par la suite<br />

aussi Tausch, 1998, p. 41.<br />

174 Cf. Julia von Rosen: Kulturtransfer als Diskurstransformation - die Kantische Ästhetik in der Interpretation<br />

Mme de Staëls (Studia Romanica, vol. 120), Éd. Winter, Heidelberg, 2004.<br />

175 Cf. aussi Brunhilde Wehinger: Conversation um 1800. Salonkultur und literarische Autorschaft bei Germaine<br />

de Staël, (Gender Studies Romanistik, vol. 7), Éd. tranvía e. Frey, Berlin, 2002, ainsi que: L'Allemagne et la<br />

France des Lumières. Deutsche und Französische Aufklärung: Mélanges offerts à Jochen Schlobach par ses<br />

élèves et amis, Michel Delon et Jean Mondot (Éd.), Paris, Éd. Honoré Champion, Paris, 2003.<br />

176 Denis Diderot: Salon de peinture de l’Académie royale de peinture et de sculpture (1759-81), Essais sur la<br />

peinture, (1767). Cf. à ce sujet également: Les salons, 3 vol., Seznec et J. Adhémar (Éd.), Paris, 1963.<br />

177 Cf. Bernd Auerochs: Die Entstehung der Kunstreligion, (Palaestra, vol. 323), Éd. Vandenhoeck & Ruprecht,<br />

2006.<br />

178 Hertha Marquardt: Henry Crabb Robinson und seine deutschen Freunde, Brücke zwischen England und<br />

Deutschland im Zeitalter der Romantik, Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, 2 vol., Göttingen 1964/1967. A part cela,<br />

il est probable que la conversion de Robinson à Kant est aussi en partie due à l’influence intellectuelle de<br />

Fernow.<br />

179 Cf. note n° 174.<br />

180 Cf. Benjamin Constant: Journaux intimes, Alfred Roulin et Charles Roth (Éd.), Éd. Gallimard, Paris, 1961, p.<br />

58.


39<br />

avec Constant avait fait un exposé sur l’esthétique de Kant, ce qui amène par ailleurs ce<br />

dernier à noter cette remarque dans son Journal intime: «Des idées inouïes. L’art pour l’art.<br />

Sans but. Tout but dénature l’art.» 181 Les essais de Fernow au sujet de la philosophie de Kant<br />

livrent ainsi les impulsions intellectuelles qui vont mener par la suite au fondement du<br />

mouvement de l’art pour l’art, 182 ce qui peut tout à fait être considéré comme «l’exemple<br />

riche en conséquences du transfert culturel franco-allemand.» 183<br />

Vu dans l’ensemble, on peut ainsi constater par rapport à Kant que Fernow formule en partie<br />

quelques-unes de ses thèses sur l’esthétique transcendantale soit de façon identique, soit en les<br />

examinant sous un angle critique ou en les empruntant aux signes inverses, de telle sorte<br />

qu’on peut parler globalement d’une adaptation libre.<br />

Intéressons-nous maintenant dans ce qui suit à la question de savoir dans quel sens on peut<br />

établir, à partir de Kant et en le dépassant, d’autres parallèles intellectuels avec Fernow et les<br />

autres représentants du courant de l’idéalisme allemand. On constate, dans un premier temps,<br />

que les deux vont essayer de colmater cette lacune théorique qui se trouve dans la philosophie<br />

transcendantale de Kant, à savoir le problème de la nature du ‘moi’ créateur. Ainsi, Fichte<br />

prend, comme Fernow, l’‘ego’ artistique comme point d’accroche méthodique de ses<br />

réflexions esthétiques. Ce dernier est productif dans le sens où il se crée, à partir des objets de<br />

sa perception, un monde imaginaire d’objets. Par la suite, on oppose à cet ego autopuissant de<br />

l’artiste un non-ego fictif, et, dans ce contexte, l’opposition entre sujet-objet, similaire au<br />

principe de l’autogenèse, forme le moment de départ idéel d’un processus créateur<br />

181<br />

Ibid. s.: «Idées très ingénieuses. L’art pour l’art, et sans but. Tout but dénature l’art.»<br />

182<br />

Cf. à ce sujet également Albert Cassagne: La théorie de l’art pour l’art chez les derniers romantiques et les<br />

premiers réalistes, Paris, 1997.<br />

183<br />

Cf. au sujet du développement par la suite du discours sur l’autonomie esthétique: L’art pour l’art: der<br />

Beginn der modernen Kunstdebatte in französischen Quellen der Jahre 1818 bis 1847, Roman Luckscheiter<br />

(Éd.), Éd. Aisthesis, Bielefeld, 2003, p. 9: „Ideengeschichtlich erweist sich das l’art pour l’art also nicht nur als<br />

schillerndes Bindeglied zwischen Aufklärung und Romantik, sondern auch als folgenreiches Exempel des<br />

deutsch-französischen Kulturtransfers, zumal gegen Ende des 19. Jahrhunderts wiederum eine eminente<br />

Rückwirkung der französischen l’art pour l’art-Schule auf die Herausbildung des Aesthetizismus in der<br />

deutschen Literatur zu konstatieren ist“, et ibid. p. 12: „Die eigentlichen Pioniere des l’art pour l’art hieβen<br />

jedoch Moritz, Kant und Schiller.“


40<br />

dialectique. Après la suppression de la chose en soi selon Kant, Schelling élève dans sa<br />

philosophie naturelle le moi créateur comme instance régulatrice dont l’activité, incessante et<br />

contradictoire (comparable à une table rase), englobe la totalité du savoir comme l’unique<br />

saississable, et ce faisant, crée un système. Tandis que Fichte considère le moi comme<br />

proprement humain et strictement personnel, Schelling affirme, en l’occurrence, son caractère<br />

général et absolu, tout en subdivisant l’activité artistique en réel (‘inconscient’, c.-à-d. dans<br />

l’état naturel) et idéal (l’état d’esprit conscient), en concevant l’idéal, à côté du réel, comme<br />

étant les mêmes parties constituantes du moi dans sa totalité. Le système de connaissance<br />

schellingien peut par ailleurs être subdivisé en deux périodes temporelles. Dans la première<br />

phase (philosophie=science rationelle), la philosophie est envisagée sous l’angle d’une<br />

instance immanente, c’est-à-dire qui fait partie de l’intrinsèque de la raison, dont les causes<br />

sont nécessaires, et, de ce fait, indispensables. Dans la deuxième phase (philosophie=science<br />

positive), la philosophie est vue au sens d’une instance transcendante, qui se situe au-dessus<br />

de la raison, dont les causes dépendent, à la différence de la causalité naturelle,<br />

principalement du vouloir ou du non-vouloir et sont donc libres et fondées empiriquement, en<br />

tant qu’expérience résultant d’une corrélation entre l’histoire et la révélation. De par cette<br />

déduction de tout être de la nature (natura naturata) de l’absolu (inconscient) comme le<br />

principe réel agissant (natura naturans), Schelling fonde par la suite les lois cosmiques sous<br />

la forme d’un dualisme de la nature positif-négatif, à l’instar d’un perpetuum mobile des<br />

forces d’esprit opposées, qui produisent à la fois la matière (positif, matérialisant), comme la<br />

contemplation (négatif, formalisant). En l’occurrence, Fernow considère cette approche<br />

comme étant trop abstraite et «seulement digeste pour les têtes brillantes» et ainsi, il pense,<br />

dès son arrivée à Jéna, à ramener le système schellingien «dans la sphère de la raison<br />

humaine.» 184 De même, il est tout à fait conscient du fait que les défenseurs de Schelling vont<br />

184 JS, p. 318: „Ja noch mehr [will ich], sobald meine Zeit es erlaubt, das Schellingsche System studiren; denn ich<br />

halte es für Pflicht, es zu kennen wenn es mich auch nicht überzeugen sollte. Wenn ich etwas Wahres und Gutes


41<br />

être «peu ravis» 185 des thèses kantiennes, ce qui ne l’empêche pas pour autant d’oser quelques<br />

tentatives d’orientations dans le réseau des Schellingiens, 186 afin de sélectionner le vrai et le<br />

bon. 187 La relation avec son concurrent intellectuel Friedrich Ast 188 joue, dans ce contexte,<br />

indubitablement un rôle non-négligeable, ce dont témoigne une lettre de Böttiger. Malgré sa<br />

critique au sujet de la «sagesse surnaturelle» de ces «prophètes de la nouvelle<br />

philosophie», 189 il est toutefois probable que Fernow ait eu pris connaissance de la théorie<br />

esthétique d’Ast déjà avant la rédaction des Études romaines. 190 Mais il demeure incertain 191<br />

dans quelle mesure il se laisse vraiment inspirer par le système schellingien, étant donné qu’il<br />

reste toujours ferme sur sa position antimétaphysique, 192 bien que les deux s’enthousiasment<br />

darin finde, wie ich nicht zweifle, so werde ich Gebrauch davon zu machen wissen, und es in die verständliche<br />

Sphäre des menschlichen Verstandes herabzubringen trachten, damit es den Menschenkindern sammt und<br />

sonders nützlich werden könne. Schellings Philosophie ist nur für sehr gute Köpfe verdaulich, für Schwachköpfe<br />

aber verrückend, benebelt ihnen das Oberstübchen. Aber der Schwindel wird sich schon wieder geben, wenn die<br />

Narrheit vorüber ist. Dann wird die Selbsterkenntnis der Dummheit schon von selbst eintreten.“<br />

185<br />

Au sujet de la relation de Fernow avec les Schellingiens, voir la citation suivante dans une lettre à Böttiger<br />

(datée Jéna, 20 novembre 1803), citée selon JS, p. 318: „Ich weiβ nicht eigentlich, wie das allgemeine Urtheil<br />

oder das pluralistische der Studierenden über meine Vorlesungen ausgefallen ist. Bis jetzt ist darüber noch keine<br />

Stimme zu mir gedrungen, alle Schellingianer werden wohl wenig von mir erbaut seyn, da ich Sachen vortrage,<br />

oder vielmehr bis jetzt vorgetragen habe, die so unendlich tief unter ihrem Horizonte der Region des gesunden<br />

Verstandes liegen. Aber das soll mich nicht irre machen; ich werde meiner Ueberzeugung folgen und dieser auch<br />

ganz; denn selbst da, wo ich mit Kant, dem ich sonst im Ganzen folge, nicht zusammenstimme, verlasse ich ihn.“<br />

D’après le registre des conférences de l’université de Jéna [n° 38, ss. 297-302, (1804)], Fernow fait plusieurs<br />

exposés pendant le semestre d’hiver 1803/04 et celui de l’été de 1803/4 e. a. au sujet de l’archéologie („Von den<br />

vorzüglichsten aus dem Alterthume übrig gebliebenen Statuen“) et de l’esthétique („Ästhetik“ comme<br />

„Geschichte der Baukunst, Bildhauerkunst und Mahlerey der Alten“). Également parus dans: Intelligenzblatt der<br />

Jenaischen Allgemeinen Literatur-Zeitung, n° 195 (1803), paragraphes 1593-1597.<br />

186<br />

Cf. à ce sujet aussi l’article de Johannes Grave: Weimarer Versatzstücke in Carl Ludwig Fernows ‘Römischen<br />

Studien’ - Zu Fernows Orientierungsversuchen im Geflecht von Hirt, Goethe, Schiller und den ‘Schellingianern’,<br />

KAW, ps. 82-97.<br />

187<br />

Cf. lettre à Böttiger, op. cit.<br />

188<br />

Friedrich Ast: System der Kunstlehre oder Lehr- und Handbuch der Aesthetik zu Vorlesungen und zum<br />

Privatgebrauche entworfen, Éd. Hinrichs, Leipzig, 1805. Dans la bibliothèque de Fernow se trouvait un<br />

exemplaire de cette édition, dans laquelle Ast résume la doctrine schellingienne à partir des conférences tenues<br />

durant le semestre d’hiver 1802/03 et 1804/05.<br />

189<br />

Voir la lettre de Fernow adressée à Böttiger, datée 4 août 1805, citée d’après JS, p. 349.<br />

190<br />

VRW, p. 87.<br />

191<br />

Cf. JS, p. 319: „[Ich habe] ‘nichts Neues’ in der ‘Schellingschen Lehre’ gefunden, daβ man in einer<br />

eigentlichen Unrichtigkeit geziehen hätte. Mit einem Worte, was ich jetzt noch nicht davon weiβ, will ich, sobald<br />

ich kann, kennen lernen und Alles zu meinem Nutzen und Gebrauch treulich anwenden.“<br />

192<br />

On constate des analogies entre Fernow et Schelling surtout par rapport à la comparaison quant aux arts<br />

plastiques, l’importance historique de Michel-Ange, la notion de l’imitation de la nature, ainsi que<br />

l’interprétation de la doctrine classique d’electio. En ce qui concerne ‘l’artiste véritable’, leurs points de vue<br />

divergent, ce qui est surtout déductible du point anti-métaphysique de Fernow.


42<br />

de la même façon pour Kant 193 et, par la suite, fréquentent les mêmes cercles intellectuels à<br />

Jéna. De même, la rencontre suggérée par Schiller entre «Hegel et Fernow» 194 n’a<br />

vraisemblablement jamais eu lieu. Par ailleurs, il s’est avéré que Fernow connaissait la<br />

dialectique 195 de Hegel déjà avant la publication de la Phénoménologie de l’esprit, 196 étant<br />

donné qu’il conçoit, encore avant lui, un modèle dialectique 197 du paragone, 198 qui évalue de<br />

manière critique la production de l’art de son temps. Ayons ici également présent à l’esprit le<br />

modèle de l’histoire selon Hegel, qui s’applique également au domaine de l’esthétique, au<br />

sens de l’avènement, du développement et de la décadence des arts au sein d’une culture.<br />

Suivant la logique hégélienne, l’ère classique incarne l’image 199 d’un idéal disparu<br />

(thèse=normatif), tout au contraire de l’époque classiciste, qui introduit une phase diminutive<br />

de la production artistique (antithèse = a-normatif), tandis que l’âge romantique représente<br />

une floraison de l’art (synthèse = normatif + a-normatif). Si l’on essayait maintenant d’insérer<br />

la conception historique de l’art fernowienne, à partir de Hegel, dans la logique d’un système<br />

193 Voir lettre de Schiller à Körner, datée 3 mars 1791 et redigée à Marbach, citée selon Helmut Koopmann<br />

„Kleine Schriften nach der Begegnung mit Kant“, in Schiller-Handbuch, Éd. Kröner, Stuttgart, 1998, ps. 575-<br />

585.<br />

194 Schiller suggère cela dans une lettre adressée à Goethe, datant du 30 novembre 1803, dans: Briefwechsel<br />

zwischen Schiller und Goethe, Emil Staiger (Éd.), Francfort/M., 1977, p. 105 s. Dans le journal de Goethe, on<br />

trouve sous la date 26. 11. 1803 une note correspondante, qui témoigne d’une rencontre réelle: „Dr. Hegel, Prof.<br />

Schelver, Hofr. Stark, Prof. Fernow.“ Voir Goethes Tagebücher, Weimarer Ausgabe [WA], III, 3, ps. 1801-<br />

1808. Le résultat de cette rencontre au cas où elle aurait vraiment eu lieu n’est malheureusement transmise nulle<br />

part.<br />

195 Suivant l’approche dialectique, la logique fournit les bases théoriques, tandis que la philosophie de nature<br />

évalue les données scientifiques (bases physiques, chimiques et biologiques), et l’esprit la sphère socio-humaine<br />

(surtout la politique et l’histoire du monde).<br />

196 Dans la bibliothèque de Fernow, on trouve également une édition de l’ouvrage de Hegel (System der<br />

Wissenschaft/ vol. 3, Phänomenologie des Geistes, Bamberg/Wurzbourg, 1807), ainsi que celui au sujet de<br />

Fichte (Differenz des Fichte’schen und Hegel’schen Systems der Philosophie, Jéna, 1801). Cf. à ce sujet<br />

également: Differenz des Fichteschen und Schellingschen Systems der Philosophie, Marcel Méry (Éd.), Éd.<br />

Ophyrys, Paris, 1964.<br />

197 [Hegel:] Ästhetik, Friedrich Bassenge (Éd.), 2 vol., Francfort/M., voir l’essai introductif de George Lucács, p.<br />

11: „Hegels Ästhetik bedeutet auf dem Gebiete der Kunstphilosophie den Gipfelpunkt des bürgerlichen<br />

Denkens, der fortschrittlich bürgerlichen Traditionen […] sein tiefer und feiner Sinn für die Eigenthümlichkeiten<br />

und Widersprüche der historischen Entwicklung, die dialektischen Verknüpfung der historischen Probleme mit<br />

den theoretischen und systematischen Fragen der allgemein objektiven Gesetzmäßigkeiten erkennbares Ganzes<br />

zu bilden.“<br />

198 Otto Pöggeler: Die Frage nach der Kunst, Éd. Alber, Fribourg/Munich, 1984. Pöggeler part d’un échange<br />

intellectuel à la fois réciproque et très riche, et atteste à Fernow par ailleurs une «surprenante parenté avec<br />

Hegel» („überraschende Hegel-nähe“/ ibid., p. 178).<br />

199 Harald Tausch: „Literaturtheorien des Klassizismus“, dans: Metzlers Literaturlexikon - Literatur- und<br />

Kulturtheorie, Ansgar Nünning (Éd.), Stuttgart, 1998, ps. 261-264.


43<br />

dialectique, on parviendrait peut-être au schéma suivant, qui met au clair les différents points<br />

de départs théoriques: 200<br />

Hegel<br />

thèse art classique/symbolisme architecture<br />

antithèse classicisme sculpture<br />

synthèse romantisme musique, peinture, poésie<br />

Fernow<br />

thèse ère classique sculpture<br />

antithèse romantisme musique, peinture, poésie<br />

synthèse esthétique autonome arts plastiques<br />

Comme il ressort nettement de la juxtaposition ci-dessus, les points de vue de Hegel et de<br />

Fernow s’avèrent généralement comme étant diamétralement opposés. Un lien entre les deux<br />

approches de systèmes pourrait pourtant être établi à travers la définition du beau dans l’art<br />

comme amalgame d’idée et d’idéal, 201 traduisant également les convictions esthétiques de<br />

Fernow, et dans ce contexte, l’esthétique idéale de Schiller offrirait «un point de fuite de<br />

perspective commun», 202 ce qui sera le sujet du prochain chapitre.<br />

200<br />

Nous avons ici recours au schéma de Daniel Lagoutte comme modèle idéel de dans: Introduction à l’histoire<br />

de l’art, Éd. Hachette, Paris, 1997, p. 122.<br />

201<br />

Cf. Le traité de Hegel Die Idee des Kunstschönen oder das Ideal, op. cit.: „Die Idee des Kunstschönen aber ist<br />

die Idee mit der näheren Bestimmung, wesentlich individuelle Wirklichkeit zu sein, sowie eine individuelle<br />

Gestaltung der Wirklichkeit mit der Bestimmung in sich wesentlich die Idee erscheinen zu lassen […] So gefaßt<br />

ist die Idee als mit ihrem Begriff gemäß gestaltete Wirklichkeit das Ideal.“<br />

202<br />

S. M. Schneider, VRW, p. 53: „[…] Schillers ästhetische Theorie wäre demzufolge das notwendige<br />

Bindeglied zwischen der transzendentalen, rein an Subjektvermögen interessierten Ästhetik der ‚Kritik der<br />

Urteilskraft’ und einer objektiven Kunstlehre Fernows, welche die Kantischen Dichotomien überwindend zu<br />

einer Synthese von Stoff und Form gelangte und diese Objektivierung zu einer systematischen und normativklassizistischen<br />

Gattungsästhetik ausbaute. Der perspektivische Fluchtpunkt dieser Triade Kant, Schiller, Fernow<br />

wäre dann Hegel, der in seiner Ästhetik Schiller das Verdienst zuschreibt ‚die Kantische Subjektivität und<br />

Abstraktion des Denkens durchbrochen und den Versuch gewagt zu haben, über die sie hinaus die Einheit und<br />

Versöhnung denkend als das Wahre zu fassen und künstlerisch zu verwirklichen’.“ Voir la citation de Hegel<br />

dans: Werke, Eva Moldenhauer et Markus Michel (Éd.), 13 vol., Vorlesungen über Ästhetik, ici: vol. 1,<br />

Francfort/M., 1973, p. 89.


I. 2. Friedrich Schiller: «…s’élancer vers des sphères supérieures»<br />

44<br />

Si nous avons, au chapitre précédent, vu de plus près le lien entre Fernow et Kant, surtout par<br />

rapport à l’idéalisme allemand, nous voudrions maintenant, à partir des observations que nous<br />

avons faites jusqu’ici, établir le parallèle idéel avec Schiller. Dans un premier temps, on<br />

constate que les deux hommes se sont personnellement rencontrés, 203 à deux moments<br />

différents de leur vie: entre 1791 et 1793, lorsque Fernow fait des études de philosophie à<br />

Jéna, et à partir de 1803, quand, de retour d’Italie, il est nommé professeur à l’université de<br />

Jena. Par l’intermédiaire de Goethe, dont l’intérêt pour Fernow a surtout été suscité par le<br />

travail de ce dernier comme rapporteur pour le ‘Mercure allemand’, et, en tant que<br />

cosmopolite, 204 s’intéresse surtout à sa collection des grands classiques italiens, Fernow est<br />

nommé bibliothécaire à la cour 205 de la duchesse Anna Amalia. Or, cette rencontre littéraire<br />

n’aboutit pas à un échange intellectuel ou à une amitié de longue durée, mais il faut<br />

néanmoins partir de l’hypothèse que leur relation, aussi à cause de leur faible écart d’âge<br />

(quatre années seulement les séparent), est tout à fait harmonieuse, étant donné que Fernow,<br />

suivant sa route en Italie, rend personnellement visite à Schiller à Ludwigslust en 1793. Le<br />

lien idéel à Schiller est au contraire marqué par une relation ambivalente, qui se concrétise par<br />

une oscillation constante entre l’admiration et le refus, surtout en ce qui concerne des<br />

questions philosophiques. 206 Au sujet de l’esthétique, on remarque que la philosophie de Kant<br />

est le point commun entre Schiller et Fernow. Vu dans l’ensemble, on a toutefois l’impression<br />

que Fernow est toujours soucieux de ‘rékantiser’ les conceptions schillériennes, qui étaient<br />

203 Cf. ici dans ce qui suit HE, ps. 115-126, voir pour la présente citation p. 115: „Beschränkt sich Fernows<br />

Verhältnis zu Schiller auf den nachhaltigen Einfluβ eines bestimmten Werkes [Kritik der Urteilskraft], so ist<br />

dagegen bei seinem Verhältnis zu Schiller auβer nach dem Einfluβ verschiedener Schriften auch nach der<br />

Einwirkung der Persönlichkeit zu fragen.“<br />

204 Cf. également Klaus Manger: Goethe und die Weltkultur, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800:<br />

Ästhetische Forschungen, vol. 1), Éd. Winter, Heidelberg, 2003.<br />

205 Cf. également à ce sujet l’étude de Fritz Fink: Fernow als höfischer Bibliothekar der Anna Amalia, Éd. Fink,<br />

Weimar, 1934.<br />

206 Ibid.


45<br />

censées s’émanciper de Kant, 207 ce qui constitue une contradiction et qui a pour conséquence<br />

ce durcissement du système, empêchant finalement Fernow d’amalgamer les idées de Schiller<br />

et Kant, en les développant sur le plan intellectuel. Mais la question de savoir si Fernow, en<br />

raison de son conservatisme théorique, peut en effet être considéré comme un auteur peu<br />

productif, 208 doit pourtant être mise en doute. Concentrons-nous avant tout, dans ce contexte,<br />

sur le point de départ initial de Fernow. Dans une lettre adressée à Christoph Martin<br />

Wieland, 209 il se montre tout d’abord très critique au sujet du style littéraire de Schiller, qu’il<br />

qualifie de façon peu respectueuse de «baratin de philosophie tarabiscotée.» 210 Deux ans plus<br />

tard, dans deux lettres adressées 211 chacune à Reinhold et Baggesen, il manifeste cependant<br />

son enthousiasme au sujet des «Idées concernant l’éducation esthétique de l’homme» et «De<br />

la grâce et dignité» publiées dans les Heures. 212 Au centre des deux traités est l’idée de la<br />

perfectibilité humaine 213 vue dans le contexte de la représentation esthétique idéale, la grâce.<br />

Cette dernière dispose d’une longue tradition, notamment dans la philosophie anglaise. Ainsi,<br />

William Hogarth conçoit, dans son traité Analysis of Beauty, 214 la grâce (l’équivalent de<br />

207<br />

Au sujet du lien entre Schiller et Kant, cf. la citation dans une lettre à Jacobi, datant du 29 juillet 1795, Fritz<br />

Jonas (Éd.), <strong>IV</strong>, p. 200: „Da, wo ich bloβ niederreiβe und gegen andere Lehrmeinungen offensiv verfahre, bin<br />

ich streng kantisch, nur da, wo ich aufbaue, befinde ich mich in Opposition gegen Kant.“ Cf. à ce sujet<br />

également Cathleen Muehleck-Müller: Schönheit und Freiheit. Die Vollendung der Moderne in der Kunst.<br />

Schiller und Kant, Wurzbourg, 1989.<br />

208<br />

HE, p. 106: „[…] daβ Fernow im Grunde eine unschöpferische Natur war.“ Cf. par ailleurs au sujet de la<br />

problématique du connaisseur et de l’amateur l’étude de Andrea Heinz et Stefan Blechschmidt: Dilettantismus<br />

um 1800, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800: Ästhetische Forschungen, vol. 16), Heidelberg, 2007.<br />

209<br />

Christoph Martin Wieland engage Fernow comme rapporteur pour le Mercure allemand pendant son séjour<br />

en Italie. Fernow admire Wieland comme poète de la nation et lui dédie, en témoignage de son admiration, la<br />

monographie d’Arioste (voir deuxième partie du présent travail).<br />

210<br />

Fernow dans sa lettre à Wieland [1795], cf. aussi Wielands Briefwechsel, op. cit.<br />

211<br />

Cf. Livia Gerhardt, 1908, p. 85 s., ainsi que: lettre à Reinhold (Rome, le 18 juillet 1796), dans: Sämmtliche<br />

Schriften von Johanna Schopenhauer, vol. I: Carl Ludwig Fernow’s Leben, deuxième partie, Leipzig, 1830, ps.<br />

18-32; ainsi que: Fernow à Baggesen (Rome, le 15 décembre 1796), dans: Penelope - Taschenbuch für das Jahr<br />

1844, Theodor Hell (Éd.), N. F., 4 ème année, Leipzig, 1844, ps. 374-385.<br />

212 ère<br />

Voir „Über die Ästhetische Erziehung des Menschen“, dans: Die Horen. Eine Monatsschrift, vol. I, 1 année<br />

(1795), 1 ère pièce, ps. 7-48; 2 ème pièce, ps. 51-94; vol. 2, 1 ère année (1795), 6 ème pièce, ps. 45-124, „Über das<br />

Naive“, vol. 4, 1 ère année, (1795), 11 ème pièce, ps. 43-76, ainsi que: „Die sentimentalischen Dichter“, vol. 4, 1 ère<br />

année (1795), 12 ème pièce, ps. 1-55; vol. 5, 2 ème année (1796), ps. 75-122. Cf. également Hans-Heino Ewers: Die<br />

schöne Individualität. Zur Genesis des bürgerlichen Kunstideals, Éd. Metzler, Stuttgart, 1978 [thèse, Univ.<br />

Francfort/M., 1976].<br />

213<br />

Cf. à ce sujet également Ernst Behler: Unendliche Perfektibilität - Europäische Romantik und Französische<br />

Revolution, Éd. Schöningh, Paderborn, 1989.<br />

214<br />

Dorothy George: Hogarth to Cruikshank: Social Change in Graphic Satire, Éd. Viking Press, New Ed, 1987.


46<br />

grace) comme ligne de beauté harmonieuse (linea serpentinata), ce qui sera plus tard discuté<br />

e. a. par Edmund Burke, 215 qui s’inspire du sublime. Shaftesbury 216 entreprend ensuite la<br />

moralisation de la conception du beau, une approche, qui sera par la suite reprise par Wieland,<br />

Schiller et Fernow. Ce dernier distingue par principe le ‘sensual’ et ‘moral grace’, ce qu’il<br />

cherche à légitimer à partir de la comparaison entre la Vénus Urania (=spiritual love),<br />

incarnant la morale idéale, et celle plutôt ‘laïque’ Vénus Pandémos (=worldly love). 217 En<br />

l’occurrence, dans le discours français (la grâce, la désinvolture ou la délicatesse), c’est plutôt<br />

l’aspect mathématique qui est dominant. Tandis que François de La Rochefoucauld 218 définit<br />

la grâce en règle générale comme un phénomène insaisissable («Je ne sais quoi») et une<br />

symétrie secrète («symétrie dont on ne connaît pas les règles»), Schiller élargit la notion à<br />

l’échelle éthique et anthropologique, en envisageant toujours la perfection par rapport à<br />

l’homme, en distinguant la beauté, la morale, la raison et la sensualité, et, en analogie, la<br />

grâce, la dignité, le sublime et la volupté. Fernow se trouve surtout en osmose intellectuelle<br />

avec ses thèses au sujet de la nature idéaliste, qu’il compare cependant toujours à la<br />

conception kantienne, en jugeant finalement l’explication schillérienne comme «plus<br />

satisfaisante.» 219 Quatre ans plus tard, on trouve dans le magazine d’Egger 220 un autre<br />

215 Edmund Burke: A Philosophical Enquiry into the Origin of our Ideas of the Sublime and Beautiful, Londres,<br />

(1757), 1759 2 [Neuauflage: J. T. Houton (Éd.), Routledge, Londres, 1958].<br />

216 Schiller s’inspire indirectement des thèses de Shaftesbury par l’interprétation que fait Wieland de ces<br />

dernières, en adoptant un point de vue plutôt holistique que gnostique, c’est-à-dire rationnel, ce qui conduit<br />

inévitablement à une distorsion de la notion de kalokagathia chez Shaftesbury, qui - quant à elle - est strictement<br />

stoïcienne. Cf. Frederic Beiser in: Schiller as a philosopher - A Re-examination, Éd. University Press, Oxford,<br />

2005, p. 94: “Once we take into account Wieland’s influence, another mystery resolves itself. We can understand<br />

why Shaftesbury has been so persistently misread as the father of Schiller’s concept of aesthetic education. The<br />

reason is that Wieland himself interpreted Shaftesbury in support of his own ideals, Wieland made Shaftesbury’s<br />

concept of the virtuoso the inspiration for his programme of aesthetic education. It proved to be a seminal<br />

confusion.”<br />

217 Cf. les réflexions de Wieland au sujet de la Venus Anadyomene, p. ex. Simon Richter: “Wieland and the<br />

Phallic Breast”, dans: German Life and Letters, vol. n° 52, édition n° 2, 1999, ps. 136-150.<br />

218 François de La Rochefoucauld: Réflexions ou Sentences et maximes morales, (1664), G. Duplessis, Paris,<br />

5 1678. Cf. par ailleurs Kai-Ulrich Hartwich: Untersuchungen zur Interdependenz von Moralistik und höfischer<br />

Gesellschaft am Beispiel La Rochefoucaulds, (Abhandlungen zur Sprache und Literatur, n° 113), Éd.<br />

Romanistischer Verlag, Bonn, 1997 [thèse, Univ. Cologne, 1996].<br />

219 Fernow à Baggesen, 15 décembre 1796, voir référence ailleurs: „Durch Schillers Briefe und übrigen Aufsätze<br />

in den ‚Horen’ bin ich groβentheils mit ihm auch wegen der in der Schrift über Anmut und Würde in Eintracht<br />

gebracht worden. Ich hoffe, daβ auch Sie […] die Schönheit nun weniger zweideutig ansehen werden als<br />

ehedem, nachdem Schiller die rein idealische Natur auf den erhabensten aller Standpunkte, den der vollendeten


47<br />

passage qui, comme on peut facilement le déceler, fait de toute évidence allusion à la nouvelle<br />

du collectionneur 221 que Goethe rédigea en collaboration avec Schiller. En l’occurrence, cette<br />

«fantaisie philosophante» se réfère aux métaphysiciens et idéalistes; il ne reste qu’à deviner<br />

qui peut vraiment correspondre à ce surdoué, qui «vole à grande vitesse sur des ailes<br />

puissantes» et «qui perce l’obscurité avec le rayon d’éclair du génie», c’est-à-dire qui crée<br />

l’événement avec ses théories novatrices quant aux questions esthétiques. Suivant la logique<br />

d’un clavis scientiae, 222 on constate indubitablement des similitudes avec le philosophe de la<br />

nouvelle du collectionneur, 223 et donc Schiller. Toutefois, il reste difficile de savoir qui se<br />

cache concrètement derrière le nous collectif, qui relève ici plutôt d’un sens rhétorique. A part<br />

cela, on ne peut que soupçonner que Fernow brosse, à travers l’image du sceptique restant,<br />

son autoportrait littéraire: comme celui d’un Dédalus kantien qui reste bien ‘les pieds sur<br />

terre’, 224 qui, contrairement à l’‘Icare’ schillérien, évite sagement de tels vols dans les<br />

Menschheit gestellt hat. […] Beim Lichte besehen ist seine Erklärung […] keine andere, als die von Kant<br />

aufgestellte, nur, dass er, was Kant an Besonderem gezeigt hat, am Allgemeinen zeigt. Kants freie<br />

Übereinstimmung der Einbildungskraft mit dem Verstande und Schillers Harmonie der sinnlichen und<br />

vernünftigen Triebe sind im Grunde ein- und dasselbe; und durch beide in einem Punkt zusammentreffende<br />

Erklärungsarten ist der Gegenstand nur um so besser ins Licht gestellt, und besonders die Schönheit der<br />

Gesinnung, wo gewiβ nicht Einbildungskraft und Verstand, sondern Neigung und Pflicht frei zusammenstimmen<br />

müssen - ,befriedigender’ erklärt.“<br />

220 Voir RS, I, „Über das Kunstschöne“ (ps. 291-450), première parution dans le Deutsches Magazin de Egger<br />

(1799): „Wer seinen Flug noch höher richten und auf den Fittichen einer filosofirenden Fantasie, oder einer<br />

fantasirenden Vernunft (in der Sprache der Eingeweihten intellektuelle Anschauung genannt) sich zu den<br />

überirdischen Sfären emporschwingen, und das Urschöne in Gott, oder im Universum aufsuchen, und im<br />

Absoluten erkennen wil, dem wünschen wir eine glükliche Reise, und er sol uns gegrüst seyn, wenn er uns aus<br />

den Regionen des Lichts nicht dunkle Orakelsprüche, sondern klare, heitere, für die Theorie der Kunst und für<br />

die Anwendung fruchtbare, klare Einsichten zurückbringt. Wir wollen ihn hier unten erwarten.“ La notion du<br />

beau originel se réfère apparemment à Schelling.<br />

221 [Johann Wolfgang v. Goethe:] „Der Sammler und die Seinigen“, nouvelle parue dans: Propyläen. Eine<br />

Monatsschrift, ( 2 1799), Goethe (Éd.), deuxième pièce, ps. 26-122. Une lettre de Fernow datant du 14 avril 1805<br />

témoigne de son rapport avec Goethe; il parle de son inquiétude «qu’une étoile principale de notre art et du goût<br />

allemand va s’éteindre» vu la maladie de Goethe, mettant sa vie en danger („[ein] Angelstern unserer Kunst und<br />

des teutschen Geschmacks untergeht“/cité d’après JS, p. 343). De même, il mentionne dans ce contexte sa<br />

relation étroite avec Schiller, son «frère de Titane» („Titanenbruder“) avec lequel il vit dans «l’amitié la plus<br />

sincère» („in der genauesten Freundschaft lebt“, ibid.).<br />

222 A partir de la notion de littérature de clef et la relation communicative entre l’auteur et le récepteur<br />

concernant d’un message sous-jacent, cf. l’étude de Gertrud Maria Rösch: Clavis Scientiae. Studien zum<br />

Verhältnis von Faktizität und Fiktionalität am Fall der Schlüsselliteratur, Éd. Niemeyer, Tübingen, 2004.<br />

223 Denise Blondeau: „Goethes Novelle Der Sammler und die Seinigen als ‚doppelte Ästhetik’“, in: Klassiken<br />

Klassizismen, Klassizität, Sektion 21, Lang, Francfort/M., ps. 19-24. Cf. pour les citations suivantes note n° 211<br />

ebd.<br />

224 Voir note ci-dessus.


48<br />

‘sphères’ de l’abstraction. Intéressons-nous davantage, dans ce contexte, au point de départ<br />

schillérien, à savoir le point de vue idéaliste. 225<br />

On peut d’emblée déceler trois tendances basiques: 1. L’aspect scientifique 226 2. L’aspect<br />

(socio-)politique 227 et 3. L’aspect (esthético-) philosophique. 228 Cette différenciation est<br />

également importante par rapport à la conception esthétique de Fernow. Concernant la<br />

première tendance, il faut partir du principe que l’anticonformisme intellectuel 229 de Schiller<br />

et sa position initialement prorévolutionnaire, 230 traduisent également en partie les<br />

convictions (cosmo-)politiques’ 231 de Fernow. A l’égard de la politisation des arts sous la<br />

forme d’une mission éthique, on constate cependant une divergence d’esprit. Tandis que<br />

Schiller est toujours soucieux de subordonner celle-ci à des fins collectives au sens d’un<br />

programme éducatif, 232 Fernow, quant à lui, reste plutôt sceptique. Considérons maintenant de<br />

plus près les deux points de départ. Schiller essaie de démontrer à partir des considérations<br />

d’ordre historique, 233 et par allusion aux conséquences de la Révolution française que le<br />

problème politique ne peut être résolu ni dans une société naturelle ni dans une société divisée<br />

ou artificiellement produite, étant donné que la pulsion et la raison s’y confrontent<br />

225 Berghahn Klaus L.: Ansichten eines Idealisten, Éd. Athenäum, Francfort/M., 1986.<br />

226 Klaus Manger et Gottfried Willems (Éd.): Schiller im Gespräch der Wissenschaften, (Ereignis Weimar-Jena.<br />

Kultur um 1800: Ästhetische Forschungen, vol. 11), Éd. Winter, Heidelberg, 2005.<br />

227 Ernst Cassirer: „Die Methodik des Idealismus in Schillers philosophischen Schriften“, in: Idee und Gestalt,<br />

Berlin 1921, ainsi que Klaus Berghahn: Ästhetik und Politik im Werk Schillers, (Monatshefte, vol. 66), Éd. Lang,<br />

Francfort/M., 1974, ps. 401-421.<br />

228 Lukács Georg: „Zur Ästhetik Schillers“, in: Beiträge zur Geschichte der Ästhetik, Berlin, 1954, ps. 11-96,<br />

ainsi que Kerry Stanley: Schiller’s Writings on Aeshetics, Éd. University Press, Manchester, 1961.<br />

229 Voir l’article de Roland Krebs: «Le jeune Schiller face au matérialisme français», dans: Revue d’études<br />

germaniques internationale, n° 22, 2004, ps. 25-42.<br />

230 Ibid. Jean Mondot: «Schiller et la Révolution française - D’un silence, l’autre», ps. 87-102.<br />

231 Cf. Ulrich Floss: Kunst und Mensch in den ästhetischen Schriften Friedrich Schillers. Versuch einer<br />

kritischen Interpretation, Cologne/Vienne, 1989, ainsi que Teresa R. Cadete: Schillers Ästhetik als<br />

Synchronisierung seiner anthropologischen und historischen Erkenntnisse, (Weimarer Beiträge), cahier n° 6,<br />

Weimar, 1991, ps. 839-852.<br />

232 Entre 1795 et 1805 Schiller s’intéressa surtout, en dehors de l’écriture de drames (Don Carlos), à la rédaction<br />

d’écrits théoriques («De l’éducation esthétique de l’homme», «De la poésie naïve et sentimentale»), qui sont<br />

généralement attribués au classicisme weimarien. Schiller préconise, comme programme dirigé contre la<br />

révolution et en se délimitant de la politique actuelle, non seulement la création pacifique d’un état idéal, mais<br />

également l’éducation esthétique de l’homme, dont la raison et la sensualité forment une corrélation<br />

harmonieuse. Cf. Rüdiger Safranski: Friedrich Schiller oder die Erfindung des deutschen Idealismus, Éd.<br />

Hanser, Munich, 2004.<br />

233 Cf. Thomas Prüfer: Die Bildung der Geschichte. Friedrich Schiller und die Anfänge der modernen<br />

Geschichtswissenschaft (Geschichtskultur, vol. 24), Éd. Böhlau, Cologne/Weimar/Vienne, 2002.


49<br />

réciproquement. Comme alternative à cet état de nature ou état de nécessité, Schiller conçoit<br />

ainsi un état de raison ou état idéal, «comme c’est la beauté par laquelle on accède à la<br />

liberté.» 234 Suivant cette logique, l’art prend la place d’un élément consolidant qui dépasse les<br />

divisions sociales, et qui peut donc être employé comme catalyseur afin de réaliser la société<br />

idéale, à l’exemple de la polis grecque. 235 La dimension utopique de cette approche est<br />

manifeste. 236 Sous l’impression des effets violents de la Révolution française, Schiller associe<br />

le présent à une dégradation des mœurs et une culture appauvrie, tandis qu’il voit dans Les<br />

Dieux de la Grèce 237 l’Antiquité comme l’exemple par excellence d’une société morale<br />

hautement civilisée où les arts fleurissent, qui ressent naturellement, à l’opposé de celle qui<br />

ne ressent que le naturel. 238 Pour cette raison, son utopie sociale vise à mettre «de manière<br />

rationnelle une Grèce» au monde. 239 Fernow défend un idéal antique similaire, quoique<br />

modéré, qui conçoit l’art moins comme un don naturel, que comme «le produit d’une culture<br />

nationale.» 240 Dans ce contexte, il n’exclut pas la possibilité d’un retour à une époque<br />

234 Voir: Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, Robert Leroux (Éd.), Éd. Aubier, 1992 (dans ce qui suit<br />

raccourci SBE), 2 ème lettre, p. 90: „Dem Griechen ist die Natur nie bloβ Natur; darum darf er auch nicht erröten,<br />

sie zu ehren; ihm ist die Vernunft niemals bloβ Vernunft: darum darf er auch nicht zittern, unter ihren Maβstab zu<br />

treten. Natur und Sittlichkeit, Materie und Geist, Erde und Himmel flieβen wunderbar schön in seinen<br />

Dichtungen zusammen.“<br />

235 SBE, lettre n° 10, p. 163: „Man beruft sich, zuversichtlich genug, auf das Beispiel der gesittesten aller<br />

Nationen des Altertums, bei welcher das Schönheitsgefühl zugleich seine höchste Entwicklung erreichte, und auf<br />

das entgegengesetzte Beispiel jener teils wilden, teils barbarischen Völker, die ihre Unempfindlichkeit für das<br />

Schöne mit einem rohen oder doch austeren Charakter büssen.“<br />

236 Cf. Walter Hinderer: „Utopische Elemente in Schillers ästhetischer Anthropologie“, dans: Literarische<br />

Utopie-Entwürfe, Hiltrud Gnüg (Éd.), Francfort/M., 1981, ps. 173-186, ainsi que Klaus L. Berghahn:<br />

„Ästhetische Reflexion als Utopie des Ästhetischen. Am Beispiel Schillers“, dans: Utopieforschung.<br />

Interdisziplinäre Studien zur neuzeitlichen Utopie, (Éd.) Voβkamp, vol. 3, Éd. Metzler, Stuttgart, 1982, ps. 146-<br />

171.<br />

237 Voir l’hymne panégyrique de Schiller Die Götter Griechenlandes, (1788): „Da ihr noch die schöne Welt<br />

regieret, an der Freude leichtem Gängelband selige Geschlechter noch geführet, schöne Wesen aus dem<br />

Fabelland! Ach, da euer Wonnedienst noch glänzte, wie ganz anders, anders war es da! Da man deine Tempel<br />

noch bekränzte, Venus Amathusia!“, cité selon [Friedrich Schiller:] Sämtliche Gedichte, Éd. Insel, Francfort/M.,<br />

1991, ps. 190-194.<br />

238 Voir: „Über naive und sentimentalische Dichtung“, dans: Schillers Werke, Nationalausgabe [NA], vol. 20,<br />

Benno v. Wiese (Éd.), (1962), p. 431. Cf. à ce sujet Bernhard Fischer: „Goethes Klassizismus und Schillers<br />

Poetologie der Moderne: Über naive und sentimentalische Dichtung“, in: Zeitschrift für deutsche Philologie, (n°<br />

113/2), (1994), ps. 225-245: „Sie empfanden natürlich; wir empfinden das natürliche.“<br />

239 Voir la lettre de Schiller à Goethe, écrite le 23 août 1794, dans: Briefwechsel zwischen Schiller und Goethe,<br />

Emil Staiger (Éd.), Francfort/M., 1977, p. 34: „auf rationalem Wege ein Griechenland [zu] gebären.“<br />

240 RS, I, p. 414: „Wir wollen bildende Kunst haben; die Grichen hatten sie wirklich; bei ihnen war sie ein<br />

natürliches Erzeugnis der Nazionalkultur, und ihre ganze Verfassung aufs innigste verwebt: Wann sie das einst


50<br />

florissante de culture, mais, à la différence de Schiller, il est tout à fait conscient de la<br />

problématique d’une telle renaissance intellectuelle. Alors que Fernow, à l’égard du rapport<br />

de l’état grec, insiste sur l’emphase du sentiment, Schiller vise surtout l’aspect socio-critique.<br />

Ainsi, ce même attire l’attention sur le fait que l’histoire offre également suffisamment d’anti-<br />

exemples quant à l’échec de la ‘symbiose culturelle’ au sens de la corrélation entre la<br />

politique et l’état à l’antique, comme l’illustre par exemple la chute du Saint Empire romain.<br />

Or, on remarque, qu’en règle générale, il établit toujours une relation directe entre l’art et la<br />

politique. Contrairement à cela, Fernow se prononce clairement, malgré les problèmes<br />

d’orientation métaphysique qu’il a au début, 241 pour une séparation nette entre les deux<br />

sphères, car selon lui, cela correspond plus à l’utilité idéale de l’art. 242 En revanche, en ce qui<br />

concerne la controverse schillérienne, à savoir la problématique du présent et l’esquisse d’un<br />

ordre futur idéal, Fernow s’accorde avec lui principalement sur le point que l’art constitue<br />

«une pulsion esthétique» 243 qui peut engendrer une amélioration des conditions. 244 Ainsi il<br />

approuve, au moins en principe, la conception schillérienne d’une mission éthique de l’art,<br />

dont il va cependant se distancier par la suite dans le sens où il ne croit pas à l’art comme<br />

moyen servant à l’éducation du genre humain, 245 et pour cette raison, il décline strictement<br />

toute sorte d’instrumentalisation de celui-ci. Concentrons-nous alors ici surtout sur l’aspect<br />

esthétique, c’est-à-dire celui qui est propre à la philosophie de l’art. Dans un premier temps,<br />

on constate que Fernow, à l’instar de Schiller, cherche toujours «la notion objective du<br />

wieder bei uns seyn wird, dann werden vielleicht auch wir eine bildende Kunst haben, die ihrem Zwecke<br />

entspricht. Last uns also wenigstens fühlen und richtig erkennen, was wir nicht hervorzubringen vermögen.“<br />

241<br />

Cf. lettre de Fernow à Johann Pohrt datant du 17 décembre 1796, citée selon Harald Tausch KAW, p. 41.<br />

Impressionné par la philosophie de Fichte, Fernow envisage tout à fait la possibilité d’une politisation des arts,<br />

mais qu’il ne conçoit pas en opposition à ces propres idées sur l’autonomie.<br />

242<br />

RS, III, „Über Rafaels Teppiche“, ps. 115-210. Voir pour la présente citation la préface, dédiée «Au peintre<br />

historique Gerhard von Kügelgen de Dresde» („Den Historienmaler Gerhard von Kügelgen in Dresden“): „Du<br />

sahest ein, dass jene jetzt von allen Banden religiöse und politische Zwecken abgelöste, sich selbst überlassene<br />

Malerei ernstlicher als je streben müsse, ihre Selbstständigkeit auf eine bedeutende, würdige dem idealen<br />

Zwecke der Kunst entsprechende Weise zu behaupten […].“<br />

243<br />

SBE, lettre n° 16, p. 342.<br />

244<br />

SBE, lettre n° 9, p. 29: „[…] von allem, was positiv ist, und was menschliche Konventionen einführten [... ]<br />

losgesprochen [ist].“<br />

245<br />

Pierre Grappin (Éd.) [G. E. Lessing:] Erziehung des Menschengeschlechts: Gespräche über Freimaurer, Apel<br />

(Éd.), Kulturverlag, Hambourg, 1948.


51<br />

beau.» 246 Par ailleurs, il emprunte de la philosophie kantienne un principe de base: celui de la<br />

«liberté de la force d’imagination», tout en soumettant l’esprit exclusivement au<br />

déterminisme de la sensation humaine. Contrairement à l’abstraction de Kant, Schiller<br />

concrétise ces approches ‘transcendantales’ dans sa doctrine de l’homme comme nature<br />

double, 247 sous la forme d’un individu oscillant constamment entre la raison et la sensualité et<br />

n’obéissant qu’à sa nature rationnelle. 248 Il y parvient notamment en opérant une distinction<br />

entre la pulsion matérielle (sentiment) d’un côté, et la pulsion formelle (raison) de l’autre, qui<br />

se trouvent toujours en contradiction. A l’opposé du modèle rationnel, Schiller essaie ainsi de<br />

transgresser le dualisme de l’être non pas par l’élévation de l’esprit au-dessus du corps, mais<br />

par l’union entre la ratio et le sensus (chez Schiller l’obligation et le talent), sous la forme<br />

d’une pulsion au jeu (=pulsion formelle + pulsion matérielle). 249 Ce faisant, l’unité forme le<br />

principe de base quant à l’accord des sens, 250 qui non seulement influence les états d’âme,<br />

mais porte également atteinte à la raison. 251 De même, Schiller distingue l’homme rationnel<br />

de l’homme spirituel, et parallèlement à cela, la forme et la matière. 252 Un problème principal<br />

qui s’impose ici est celui de la légitimation du beau mouvement par une culture basée sur<br />

l’éthique et l’esthétique. A ce propos, Schiller comme Fernow s’opposent à la conception de<br />

morale rigoureuse de Kant, étant donné qu’il considère la morale et la sensualité comme étant<br />

deux principes inconciliables. 253 A l’opposé de Schiller, Fernow est aussi d’avis que c’est<br />

246<br />

Schiller, lettre à Körner, du 21 décembre 1792, Nationalausgabe [NA] 26, p. 170 s.: „Den objectiven Begriff<br />

des Schönen, der sich eo ipso auch zu einem objectiven Grundsatz des Geschmacks qualificirt, und an welchem<br />

Kant verzweifelt, glaube ich gefunden zu haben. Ich werde meine Gedanken darüber ordnen, und in einem<br />

Gespräch Kallias, oder über die Schönheit, auf die kommenden Ostern herausgeben.“<br />

247<br />

AW, p. 102: „Der Mensch unterdrückt die Forderungen seiner sinnlichen Natur […] um sich den höhern<br />

seiner vernünftigen gemäβ zu verhalten; oder er kehrt es um und ordnet den vernünftigen Teil seines Wesens<br />

dem sinnlichen unter und folgt als bloβ dem Stoβe, womit ihn die Naturnotwendigkeit gleich den andern<br />

Erscheinungen forttreibt; oder die Triebe des letztern setzen sich mit den Gesetzen des erstern in Harmonie, und<br />

der Mensch ist einig mit sich selbst.“<br />

248<br />

Ibid.: „Nicht um sie wie eine Last wegzuwerfen oder wie eine grobe Hülle von sich abzustreifen, nein, um sie<br />

aufs innigste mit seinem höheren Selbst zu vereinbaren, ist seiner reinen Geisternatur eine sinnliche beigestellt.“<br />

249<br />

SBE, lettre n° 14, p. 208.<br />

250<br />

SBE, lettre n° 15, p. 214.<br />

251<br />

Ibid.<br />

252<br />

SBE, lettre n° 18, p. 244.<br />

253<br />

KU, § 39, „Von der Schönheit als Symbol der Sittlichkeit“, B 254, A 250/251, p. 461.


52<br />

plutôt une culture sensuelle qui favorise cette première, 254 en prenant clairement ses distances<br />

du modèle de l’art schillérien. Celui-ci est à la fois influencé par la doctrine kantienne (ratio)<br />

et rousseauiste 255 (‘nature’) mais pourtant émancipé de ces deux systèmes et à vocation<br />

idéale, 256 dans le sens où la contemplation esthétique, 257 suite à une disposition esthétique de<br />

l’âme, 258 devient le point de départ d’une considération morale.<br />

De même, Schiller essaie d’éliminer la différence entre la pulchritudo vaga et la pulchritudo<br />

adhaerens, 259 en attribuant néanmoins à Kant le mérite d’avoir séparé la logique de<br />

l’esthétique, 260 en ayant séparé la forme du contenu, et, ce faisant, produit l’unité de la forme<br />

et de la matière. Au delà, il applique ce postulat non-logique à l’homme: si Kant parlait<br />

encore du bien moral, Schiller élargit la notion au beau moral (kalokagathie), qu’il voit<br />

uniquement légitimé par le beau mouvement. Après les Lettres de Kallias, 261 Schiller ébauche<br />

en conséquence, dans son traité Sur la grâce et la dignité, cette théorie sur la perfection<br />

esthétique, 262 d’après laquelle la beauté représente le reflet de l’idéal de liberté dans le monde<br />

du mouvement: «La liberté de l’apparition» présupposée par la «technique dans la liberté». 263<br />

254 HE, p. 115 ss.<br />

255 Jean-Jacques Rousseau: Traité sur l’origine de l’inégalité entre les hommes, [de Moses Mendelssohn avec une<br />

lettre au Monsieur le magistre Lessing et enrichie d’une lettre de Voltaire à son auteur], Éd. C. Voss, Berlin,<br />

1756. Cf. également Jean-Marie Paul: «Rousseau et Kant: de l’utilité de la civilisation», dans: La volonté de<br />

comprendre, hommage à Roland Krebs, Maurice Godé et Michel Grunewald (Éd.), Éd. Paul Lang, Francfort/M.,<br />

2005.<br />

256 Pierre Hartmann: «La question esthético-politique chez Rousseau et Schiller», in: Revue internationale<br />

d’études germaniques, n° 22, 2004, ps. 119-132.<br />

257 Schiller voit la disposition esthétique de l’âme („ästhetische Stimmung des Gemüts“) comme le fondement de<br />

l’être humain.<br />

258 Cf. Klaus Manger en collaboration avec Nikolas Immer: Der ganze Schiller - Programm ästhetischer<br />

Erziehung, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800: Ästhetische Forschungen, vol. 15), Heidelberg, 2006.<br />

259 Voir Kant, KU, § 16, B 49, A 49, p. 310.<br />

260 Cf. lettre de Schiller à Körner, datée 25 janvier 1793, Godeke II, p. 6 et HE, p. 108 s. Au sujet de la<br />

correspondance de Schiller avec Körner cf. l’étude de Theodor Wilhelm Danzel: „Über Schillers Briefwechsel<br />

mit Körner“, dans: Zur Literatur und Philosophie der Goethezeit [1855], Hans Meyer (Éd.), Stuttgart, 1962.<br />

261 Victor Basch: «Le Kallias de Schiller, in: Mélanges Henri Lichtenberger», Éd. Vrin, Paris, 1934, ps. 99-121,<br />

ainsi que J. M. Ellis: Schiller’s Kalliasbriefe an the Study of his Aesthetic Theory, Éd. Mouton, Den Haag, 1969.<br />

262 Kenneth Parmelee Wilcox: Die Dialektik der menschlichen Vollendung bei Schiller, Éd. Lang, Francfort/M.,<br />

1981.<br />

263 Cf. la correspondance de Schiller, op. cit., y compris la lettre de Schiller à Körner, datée Jéna, le 23 février<br />

1793 [dimanche]: „Freiheit in der Erscheinung ist eins mit der Schönheit“, et idem dans: Über Anmut und<br />

Würde, Éd. Reclam, Stuttgart, (1971), 2003, p. 37: „Der Grund der Schönheit ist überall Freiheit in der<br />

Erscheinung. Der Grund unserer Vorstellung von Schönheit ist Technik in der Freiheit.“


53<br />

L’homme incarne cette beauté du mouvement, 264 car il unit dans son être la personne et le<br />

caractère (avec les états d’âme correspondants) et ainsi, il peut sélectionner ses apparitions,<br />

et, dans ce contexte, Schiller distingue par la suite également la beauté architectonique et de<br />

la beauté amovible. 265 Par rapport à l’homme, il élargit la beauté naturelle, par ce même<br />

indice, au principe de liberté, comme étant cette cause, qui change selon ses propres<br />

raisons. 266 Suivant cette logique, il établit par la suite une différence entre deux formes du<br />

mouvement: la forme sympathique (consciente) et la forme arbitraire (inconsciente). Cela<br />

déclenche de vives polémiques de la part de Fernow. Dans une lettre à Baggesen, ce dernier<br />

annonce une contre-déclaration à ce propos, 267 qu’il expose dans sa lettre suivante, en<br />

considérant l’expression de la beauté selon Schiller comme étant impure, étant donné qu’elle<br />

implique trop d’éléments hétérogènes (moral, sensuel, gracieux, émouvant etc.). 268 De même,<br />

il constate que dans les deux moments du beau mouvement, la grâce ou la délicatesse<br />

(attitude morale et sensuelle) et la dignité (expression d’une attitude sublîme), que l’idéal<br />

esthétique kantien ou bien spinoziste du désintérêt n’est de toute évidence pas réalisé, étant<br />

donné que les deux principes obéissent exclusivement aux sphères d’intérêt propres à<br />

l’homme. En l’occurrence, le postulat schillérien de beauté se réfère d’abord à l’homme et<br />

l’état de la belle apparence qui se destine aux fins collectives, qu’il croit reconnaître dans<br />

chaque âme délicate comme étant l’expression de la grâce. 269 A la différence de Schiller,<br />

264<br />

Cette notion de la beauté vivante remonte à Lessing, Cf. citation: „Schönheit ist Reiz in Bewegung“, dans:<br />

Laokoon oder über die Grenzen der Mahlerey und Poesie, Éd. Reclam, XXI, p. 157.<br />

265<br />

Voir: „Über Anmut und Würde“, Klaus L. Berghahn (Éd.), Éd. Reclam, Stuttgart, 1994; (sigle raccourci dans<br />

ce qui suit AW), ici p. 84.<br />

266<br />

Ibid., p. 83: „Aber mit der Willkür tritt der Zufall in ihre Schöpfung ein, und obgleich die Veränderungen,<br />

welche sie unter dem Regiment der Freiheit erleidet, nach keinen andern als ihren eignen Gesetzen erfolgen, so<br />

erfolgen sie doch nicht mehr aus diesen Gesetzen.“<br />

267<br />

Voir lettre de Fernow à Baggesen écrite à Rome, le 20 février 1795, voir référence ailleurs, p. 371: „Ich habe<br />

einen kleinen Aufsatz über die Schönheit der Bewegung fertig liegen, worin ich nicht ganz der Schiller’schen<br />

beistimmen kann, der die Erklärung derselben nicht rein genug gibt, sondern noch heterogene Theile mit<br />

aufnimmt.“<br />

268<br />

Ibid.: „So wie der Körper die Materie ist, woran die Schönheit der Gestalt hervorgebracht wird, so ist der<br />

Ausdruck, er mag nun sittlich oder sinnlich, anmutig oder liebreizend usw. sein, unstreitig die Materie der<br />

Bewegung, und die Schönheit ist nicht ganz rein, wenn ihr irgend etwas von solchem Ausdrucke anklebt.“<br />

269<br />

Cf. Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (sigle SBE), lettre n° 27, p. 372: „Existiert aber auch ein<br />

solcher Staat des schönen Scheins, und wo ist er zu finden? Dem Bedürfnis nach existiert er in jeder


54<br />

Fernow remplace par ailleurs cette notion de grâce par celle de la belle conduite comme degré<br />

d’expression, qu’il considère comme étant la beauté du mouvement. 270 De même, il approuve<br />

la théorie schillérienne de la Gestalt vivante 271 uniquement comme expression de la beauté<br />

modifiée, car, selon lui, ce n’est que la forme et non pas la matière, à la différence des attraits<br />

de la nature (comme p. ex. des couleurs, des tons), qui puisse être soumise à une<br />

idéalisation. 272 Est-ce que Fernow ignore ici vraiment le problème de personne 273 et le<br />

principe kantien de la beauté utile, 274 en esquissant une notion trop capricieuse de la Gestalt 275<br />

et des arts plastiques, 276 où, contrairement à Schiller, l’expression des arts plastiques est<br />

également transposée dans la sphère humaine de l’apparition (=mouvement)? 277 Faut-il<br />

concevoir, ce que Schiller considère comme l’apparence esthétique, uniquement à partir de<br />

l’ontologie (à savoir l’existence) ou la phénoménologie (c'est-à-dire l’apparence)? Schiller<br />

laisse ce choix au juge de l’art rigoureux auquel Fernow peut être identifié. Cette libération<br />

de l’idéal de toute forme du subjectivisme va chez lui, comme chez Goethe, de pair avec la<br />

feingestimmten Seele […] wo nicht die geistlose Nachahmung fremder Sitten, sondern eine eigne schöne Natur<br />

das Betragen lenkt, wo der Mensch durch die verwickeltsten Verhältnisse mit kühner Einfalt und ruhiger<br />

Unschuld geht, und weder nötig hat, fremde Einheit zu kränken, um die seinige zu behaupten, noch seine Würde<br />

wegzuwerfen, um Anmut zu zeigen.“<br />

270 Voir lettre n° 16, ibid.: Unter dem Anstand verstehe ich […] den Stil der persönlichen Selbstdarstellung, die<br />

der Mensch, insofern er das Kunstprodukt seiner eigenen Ausbildung ist, an sich selbst hervorbringt […] aber<br />

nur in dem schönen ist die Schönheit der Bewegung rein enthalten.“<br />

271 Le terme de la Gestalt est synonyme de forme, silhouette, ou apparence. Cf. à ce sujet également l’idée de<br />

Pygmalion chez Schiller, voir SBE, lettre n° 15, p. 214.<br />

272 Ibid.: „[man nur die Form] nicht die Materie idealisieren und verschönern [kann].“ Fernow se réfère ici<br />

également à Kant et du problème du coloris comme sensation de sens de la belle nature. Voir KU, § 40, A 171.<br />

273 Cf.: Über Anmut und Würde, op. cit., p. 92.<br />

274 Voir Kant: „Allgemeine Anmerkung zum ersten Abschnitte der Analytik“, A 68 ss.: „[…] und das<br />

Wohlgefallen ruht nicht unmittelbar auf dem Anblicke der Gestalt, sondern der Brauchbarkeit derselben zu<br />

allerlei möglicherlei Absicht.“<br />

275 D’après Fernow l’art est capable d’exprimer «l’idéal de la perfection et beauté humaines» („[…] das Ideal<br />

menschlicher Vollkommenheit und Schönheit“) de façon complète, en mettant l’accent soit sur l’idéal de<br />

l’apparence („das Ideal der Gestalt“) soit sur l’idéal du caractère („das Ideal des Karakters“). Ensuite, il définit<br />

l’art plastique comme «la Gestalt et l’expression visible du même» („Gestalt und sichtbaren Ausdrucke<br />

derselben“/ voir RS, II, p. 23). De même, Fernow opère, à partir de Kant, une distinction stricte entre le<br />

mouvement et la Gestalt comme les «deux formes les plus générales de la contemplation [l’espace et le temps]»<br />

(„beiden algemeinsten, den beiden Formen der Anschauung (dem Raume und der Zeit)“/ RS, II, p. 19).<br />

276 Fernow au sujet de l’idéal plastique dans RS, I, p. 101: „Bestimtheit der Formen, eine feste Stellung und<br />

Haltung sol[l] dem bildenden Künstler vor allem wichtig seyn, und sie lassen sich mit der grösten Zartheit und<br />

Grazie jugendlicher Naturen verbinden.“<br />

277 SBE, lettre n° 26, p. 350.


55<br />

quête d’un unique style pur, 278 en se délimitant de toute forme de maniérisme, 279 duquel<br />

Fernow se distancie également de manière décisive. 280 Que cela ait pour première<br />

conséquence une interprétation unilatérale de la notion d’art, qui peut être décrite comme un<br />

durcissement du système théorique, paraît évident. Un autre aspect, qui mérite par rapport à<br />

Schiller et Fernow d’être mentionné, est le problème de la séparation des arts. La question<br />

concrète que les deux se posent est la suivante: comment peut-on délimiter ces genres<br />

différents (à savoir la musique, la poésie, les arts plastiques) les uns par rapport aux autres?<br />

Schiller ébauche, à ce propos, un modèle de fusion d’après lequel la musique, «sa perfection<br />

sublime» devient Gestalt, «l’art plastique dans sa perfection sublime» devient musique, et la<br />

poésie, «dans sa formation parfaite», intrigue, comme l’art musical, «de manière puissante»,<br />

mais, en même temps, entoure «avec la clarté silencieuse comme les arts plastiques.» 281<br />

Fernow, se concentrant moins sur le caractère unique de l’art, critique au contraire le principe<br />

de l’hétéronomie artistique, qu’il voit surtout propagée par les «peintres allégorisants et les<br />

musiciens qui peignent», 282 qui, au sens de la poésie universelle progressive émise par<br />

Schlegel, 283 cherchent à unir tous les genres d’art de par leur activité en tant qu’amateur.<br />

278 Ainsi, Fernow part, en ce qui concerne le style, d’un type idéal d’après lequel l’artiste ne devrait «pas<br />

inventer», mais «s’approprier l’esprit et le style de l’idéal» („nicht erfinden“ et „sich den Geist und Stil des<br />

Ideals zu eigen“/RS, II, p. 41): „[…] dass er aus ihnen die schönen Verhältnisse lerne, welche demselben zum<br />

Grunde liegen; dass er an ihnen seine Einbildungskraft zur Anschauung der algemeinen Geseze der Natur<br />

erhebe, und so den Tipus in sich erzeuge, welcher seinen eigenen idealischen Schöpfungen zum Vorbilde dient.“<br />

279 Schiller envisage toujours par rapport à la grâce humaine l’idéal de la belle grâce, tandis que Fernow parle,<br />

par rapport à l’homme, uniquement des belles manières. Il se peut que Fernow associe à la grâce exclusivement<br />

«l‘attrait doux et flatteur» („lieblichen, schmeichelnden Reiz“/ cf. chapitre au sujet de Canova), qu’il ne peut pas<br />

admettre en tant que classiciste sévère.<br />

280 Cf. JS, p. 362.<br />

281 Voir lettre n° 22, XII, p. 84: „Die Musik in ihrer höchsten Veredelung muβ Gestalt werden und mit der<br />

ruhigen Macht der Antike auf uns wirken; die bildende Kunst in ihrer höchsten Vollendung muss Musik werden<br />

und uns durch unmittelbare sinnliche Gegenwart rühren; die Poesie in ihrer vollkommensten Ausbildung muβ<br />

uns, wie die Tonkunst, mächtig fassen, zugleich aber, wie die Plastik mit ruhiger Klarheit umgeben.“ Cf.<br />

également, pour de plus amples informations au sujet de l’histoire de l’esthétique musicale l’étude de Dénis<br />

Zoltai: è- und Affekt. Geschichte der philosophischen Musikästhetik von den Anfängen bis zu Hegel, Éd.<br />

Akademie Verlag, Berlin, 1970 [traduction allemande].<br />

282 RS, II, X: „[der] so hoch gepriesenen musikalischen Poeten, allegorisierenden Maler und malenden Musiker<br />

samt ihren wundersamen Werken sowie das lose Geschwäz jener Phantasten, die gerne alle Künste untereinander<br />

verirren.“ Fernow fait allusion à ce phénomène du courant romantique visant à l’universalisation des<br />

arts, que Schiller, à l’opposé, rejette avec véhémence.<br />

283 Cf. Friedrich Schlegel: Athenäum. Eine Zeitschrift von August Wilhelm Schlegel und Friedrich Schlegel, vol.<br />

I, deuxième pièce, Berlin, Éd. Friedrich Vieweg l’ancien, 1798, n° I, ps. 3-146 [sans noms d’auteurs]. Parue en


56<br />

Selon lui, seuls les artistes peuvent transgresser les différents arts de par leur traitement de la<br />

matière. Or, cette dernière doit toujours présenter le contenu et la forme, la beauté et la Gestalt<br />

dans une relation équilibrée, orientée vers l’idéal, et qui ne doit ni être exagérée, ni être trop<br />

schématique. 284 A l’opposé de Fernow, Schiller élève la forme au-dessus du contenu, étant<br />

donné que «c’est la forme seule qui […] agit sur l’homme dans son ensemble, tandis que le<br />

contenu n’agit que sur des forces isolées.» 285 Dans Les frontières des beaux-arts, Schiller<br />

sanctionne par la suite l’art comme étant la symbiose entre l’apparence et la nécessité. De là<br />

résulte le traçage des limites entre les genres artistiques, en respectant l’utilité générale, qui<br />

correspond en effet tout à fait aux convictions de Fernow d’une séparation des arts. 286 Ainsi,<br />

ce dernier opère une distinction entre l’art musical, l’art poétique et rhétorique, et<br />

l’imagination poétique, qu’il définit comme étant la représentation dans le temps, où le moyen<br />

est à chaque fois le mouvement, qui ne peut qu’ « equisser les apparences», hantant «le sens<br />

intérieur» et, pour cette raison, ne peut «donner des images», mais seulement «éveiller celles<br />

qui sont déjà présentes.» 287 Toutefois, il reste à savoir si Fernow distord vraiment le principe<br />

reédition sous le titre ’Äthenäums’-Fragmente und andere Schriften, Éd. Reclam, Stuttgart, 1978, p. 90: „Die<br />

romantische Poesie ist eine progressive Universalpoesie. Ihre Bestimmung ist nicht bloβ, alle getrennte<br />

Gattungen der Poesie wieder zu vereinigen, und die Poesie mit der Philosophie und Rhetorik in Berührung zu<br />

setzen. Sie will, und soll auch Poesie und Prosa, Genialität und Kritik, Kunstpoesie und Naturpoesie bald<br />

mischen, bald verschmelzen, die Poesie lebendig und gesellig, und das Leben und die Gesellschaft poetisch<br />

machen, den Witz poetisieren, und die Formen der Kunst mit gediegnem Bildungsstoff jeder Art anfüllen und<br />

sättigen, und durch die Schwingungen des Humors beseelen.“<br />

284 Fernow s’exprime à ce sujet en détail dans son essai: „Über den Zwek, das Gebiet und die Grenzen der<br />

dramatischen Malerei“, RS II, p. 11. Dans ce contexte, il critique non seulement les «positions et distorsions<br />

exagérées du corps» („übertriebenen Stellungen und Verdrehungen des Körpers“), mais également «l’imitation<br />

sans esprit des formes antiques» („geistlose Nachahmung antiker Formen“), qui se manifeste chez les nouveaux<br />

artistes non seulement à travers la forme «les positions académiques et le groupement théâtral» („akademischen<br />

Stellungen und theatralischem Gruppenbau“), mais également dans le choix des couleurs «l’art d’aveugler par<br />

des coups de pinceau et un effet de couleurs frappant» („Kunst zu pinseln und durch auffallende Farbenwirkung<br />

zu blenden“).<br />

285 Cf. SBE, 22 ème lettre, p. 188 ss.: „Und nicht bloβ die Schranken, welche der spezifische Charakter einer<br />

Kunstgattung mit sich bringt, auch diejenige, welche dem besondern Stoffe, den er bearbeitet, abhängig sind,<br />

muss der Künstler durch die Behandlung überwinden. In einem wahren Kunstwerke soll der Inhalt nichts, die<br />

Form aber alles tun, denn durch die Form allein wird auf das ganze im Menschen, durch den Inhalt hingegen nur<br />

auf einzelne Kräfte gewirkt.“<br />

286 Cf. troisième partie du présent travail.<br />

287 RS, II, p. 20: „nur schon vorhandene wecken könne.“


57<br />

schillérien de la poésie naïve et sentimentale 288 quand il considère l’idéal comme notion de<br />

raison, 289 en assimilant l’idéal au naturel, et non pas au sentimental. 290 De toute façon il est<br />

sûr que pour Fernow, tout comme pour Schiller, en ce qui concerne la question de l’idéalité<br />

dans l’art, 291 la plasticité, au sens que lui confère Herder, 292 constitue un point de fuite<br />

commun. 293 Globalement, on peut alors faire un lien entre Schiller et Fernow, surtout à<br />

l’égard de l’idée d’autonomie et la conception du génie. Or, une congruence parfaite ne peut<br />

être constatée que par moments et, le cas échéant, seulement sous forme d’approches. La<br />

thèse selon laquelle les convictions esthétiques de Fernow et de Schiller pourraient être<br />

égalisées par l’idéalisme romantique 294 ne peut donc pas être soutenue. Quoique la définition<br />

schillérienne sur le beau dans l’art comme synthèse entre le beau et le vrai traduise aussi les<br />

convictions théoriques de Fernow, ce dernier se distancie également délibérément de la<br />

mission, à la fois morale et éthique, déclarée dans les lettres intitulées «Sur la grâce et la<br />

288 HE, p. 124: „[…] Fernow [hat] den Grundgedanken der Schrift über das Naive und Sentimentalische sich<br />

nicht […] zu eigen machen können [da er ihn] offensichtlich nicht verstanden hat.“ Il reste à savoir si Fernow,<br />

comme le constate von Einem ignore le problème fondamental du traité schillérien („das Grundproblem der<br />

Schillerschen Abhandlung fremd geblieben ist“), étant donné qu’il confond de toute évidence le topos antique et<br />

sentimental (p. ex. le Torquato Tasso de Goethe), en limitant les arts plastiques seulement à l’Antiquité (HE, p.<br />

125).<br />

289 RS, I, p. 339 s.: „[das Ideal sei ein] Vernunftbegrif, dem kein Gegenstand in der Wirklichkeit ganz entspricht,<br />

und den kein Streben, sich wirklich zu machen, ganz erreicht, weil er ein Unendliches, Unbedingtes enthält.“<br />

290 Lettre du 15 déc. 1796, cité selon Penelope, p. 377: „Ich glaube, dass sich über das Naive nichts Wahreres<br />

und Besseres sagen läβt, und daß Schiller diesen Gegenstand erschöpft hat. Nur wünschte ich, daß Schiller […]<br />

die sentimentalischen Dichter anders getauft hätte [...] Das Idealische steht dem Natürlichen, welches den<br />

naiven Charakter ausmacht, besser entgegen als das Sentimentale, welches Wort weder die Sache selbst richtig<br />

ausdrückt noch einen so weiten Umfang hat als der Begriff des Idealen.“<br />

291 La question de la normativité de l’idéal esthétique, ou l’idéalité, est un élément de discours très récurrent dans<br />

les écrits esthétiques de Fernow. Suivant une logique similaire, Henri Bergson utilise la notion d’idéalisme afin<br />

de mettre en relief l’impact propre à la perception exercé par un art orienté vers la realité sur le spectateur, qu’il<br />

comprend comme un moyen pour l’expérience de la réalité: «Ainsi, qu’il soit en peinture, sculpture, poésie ou<br />

musique, l’art n’a d’autre objet que d’écarter les symboles pratiquement utiles, les généralités<br />

conventionnellement et socialement acceptées, enfin tout ce qui nous masque la réalité, pour nous mettre en face<br />

à face avec la réalité même […] C’est d’un malentendu sur ce point qu’est né le débat entre le réalisme et<br />

l’idéalisme dans l’art. L’art n’est sûrement qu’une vision plus directe de la réalité, cf. Henri Bergson: «Le Rire»,<br />

dans: Quadrige, Éd. PUF, 1940, ps. 115-120, ici p. 120.<br />

292 Pour Herder, le toucher est le sens le plus mémorable pour la perception. Ainsi s’explique pour lui aussi la<br />

priorité de la vérité des formes des arts plastiques avant la densité superficielle (‘Flächigkeit’). Cf. Herder und<br />

die Anthropologie der Aufklärung, vol. II, Éd. Carl Hanser, Munich, 1987, p. 410 s.: „Der Körper der das Auge<br />

sieht, ist Fläche: die Fläche, die das Gefühl tastet, ist Körper […] Der Liebhaber, der eine schöne Statue sah, -<br />

sah, als ob er sie fühlte; sieht sie noch im Kupferstiche wieder; wieder als Bildsäule, und nicht bloβ als Gemälde:<br />

sieht sie, als fühle er sie noch. So der entzückte Liebhaber seine gegenwärtige und noch in ihrem Bilde seine<br />

abwesende Schöne - hier kann sich jeder Leser, Beispiele, die im gegenwärtig sind, denken.“<br />

293 Cf. S. M. Schneider, VRW, p. 60: „Was Schiller ‘Natur’ oder ‘Naives’ nennt, ist dasselbe, was für Fernow die<br />

Plastizität der Antike ist.“<br />

294 Ibid., p. 52.


58<br />

dignité», qu’il considère comme étant une transgression illicite du champ esthétique. Suivant<br />

son approche utopique, la mission de l’art consiste sutout à propulser le spectateur vers un<br />

monde idéel, 295 en constituant un palliatif vis-à-vis des «peines et petitesses» de la vie, mais<br />

qui, en même temps, ne doit nullement, au sens aristotélien 296 ou platonicien, 297 rendre<br />

indifférent «au monde réel», mais plutôt, comme vérité de l’art, y sensibiliser. 298 A l’opposé,<br />

Schiller envisage, pour ce qui est de la contemplation de l’art, premièrement la réception<br />

stimulante ou tranquillisante, qui dépend de la disposition spirituelle du spectateur (relaxant,<br />

stressant, énergique ou touchant), qui ne préserve l’homme ni de «la barbarie ou de la<br />

cruauté», ni de «la mollesse ou l’hystérie.» 299 De même, l’intérêt renforcé que Fernow et<br />

Schiller accordent aux questions d’anthropologie 300 constitue un maillon commun quant au<br />

conflit idéologique entre le matérialisme et l’idéalisme, 301 étant donné que les deux essaient<br />

295 RS, III, p. V: „Vor allem ist die Idealwelt der Kunst fähig, den Geist der oft feindselig auf uns eindringenden<br />

Gegenwart zu entführen, und ihn zu den ewig heiteren Regionen des Schönen emporzutragen, wo der Tumult der<br />

tief unter ihm kämpfenden Leidenschaften nicht hinreicht.“<br />

296 Aristotèle voit par exemple la poésie (poiètike) comme le résultat de la mimésis, en considérant cette dernière<br />

moins au sens traditionnel d’une imitation de la nature, que comme une fiction divertissante et dissipante (libre<br />

imitation de la nature). Ainsi, le poète (poieta), contrairement au philosophe de la nature (physiologon), peut<br />

enchanter son public moins par la forme de la présentation que par la représentation, le contenu, et la vivacité de<br />

la mise en scène (diégestai). Cf. [Aristoteles:] Poetik, Manfred Fuhrmann [Éd.], Éd. Reclam, Stuttgart, 1982,<br />

ainsi que Jörg Schönig: Mimesis - Repräsentation - Imagination: Positionen von Aristoteles bis zum Ende des 18.<br />

Jhd., Éd. de Gruyter, Berlin, 1994.<br />

297 Platon: ΠΟΛΙΤΕΙΑ (III), (Œuvres complètes), Émile Chambry (Éd.), Éd. Les belles lettres, Paris, 1989, p. 110<br />

(398/a/IX). En traduction allemande par Rudolf Rufener et Thomas Alexander Szlezák (Éd.), Éd. Artemis et<br />

Winkler, Düsseldorf et Zurich, 2003. Concernant la littérature de recherche, voir p. ex. Ulrike Zimbrich: Mimesis<br />

bei Platon, (Europäische Hochschulschriften, collection n° 15, vol. 28), Éd. Lang, Francfort/M. e. a., 1984<br />

[thèse, Univ. Francfort/M.], ainsi que Cornelius Grupen: Die Speisung der Seele: Platons trophologische<br />

Psychologie, Hambourg, 1998 [thèse, Univ. Hambourg].<br />

298 RS, III, préface et JS, p. 342: „Die Beschäftigung mit dem Schönen und der Kunst, die uns in eine ideelle<br />

Welt erhebt, darf uns für die wirkliche nicht versteinern, sondern sie soll Muth geben, die Plackereien und<br />

Armseligkeiten derselben froh zu ertragen. Die Künste leisten uns keinen schlimmern Dienst, als wenn ihr Genuβ<br />

uns verwöhnt, und für die Disharmonien des wirklichen Lebens, die sie auslosen sollen, nur noch empfänglicher<br />

macht.“ Cf. à ce sujet également Goethe „Über die Wahrheit und Wahrscheinlichkeit von Kunstwerken“, (WA,<br />

I, ps. 255-266), ainsi que la théorie de Henri Bergson sur l’art en tant que moyen de percevoir la réalité. Cf. à ce<br />

sujet également l’idéalisme d’Auguste Rodin, comme il l’exprime par exemple dans des œuvres comme La<br />

pensée (1893-95), L’hiver (1895) et La main de Dieu (1884). Voir aussi Antoinette le Normand-Romain: Rodin,<br />

Éd. Flammarion, 1997.<br />

299 SEB, 16 ème lettre, p. 230: „Die energische Schönheit kann den Menschen ebenso wenig vor einem gewissen<br />

Überrest von Wildheit und Härte bewahren, als ihn die schmelzende vor einem gewissen Grade der Weichlichkeit<br />

und Entnervung schützt.“<br />

300 Dans une lettre à Johann Pohrt (cité HE), Fernow déplore ainsi le fait qu’Izt ne se soit pas inspiré de<br />

l’esthétique schillérienne qui, selon lui, aurait sans doute enrichi son anthropologie: „[Izt habe] Schillers<br />

ästhetische Arbeiten noch nicht gekannt […] sonst würde er noch mehr in diese Dinge eingedrungen sein.“<br />

301 De façon similaire Fernow s’était prononcé plus tard sur les études anthropologiques du fondateur de la<br />

phrénologie, Franz-Joseph Gall, qu’il loue au sujet des «découvertes anatomiques» („anatomischen


59<br />

de faire ressortir ce que Kant appelle humaniora 302 de son abstraction, et, à la différence des<br />

philosophes naturelles, 303 le fonder d’une nouvelle façon. Ainsi, la définition de Kant<br />

concernant la question d’une propédeutique esthétique comme fondée non pas ‘par des<br />

règles’, mais dans la ‘culture des forces de l’âme’, s’applique à Schiller comme à Kant. De<br />

même, le postulat kantien sur la volonté sous la forme d’un nosce te ipsum est transféré par<br />

les deux sur le terrain esthétique au sens d’un nosce naturam. La différence décisive y repose<br />

sur une interprétation réciproque de la notion de nature à l’égard des idées des Lumières. Un<br />

autre point commun entre les deux systèmes consiste en la déduction de la notion classiciste<br />

de l’art à partir d’une «expérience d’absence et d’altérité», 304 c’est-à-dire l’utopie de<br />

l’Antiquité comme étant l’emblème de la perfection humaine, un idéal, qu’on cherche à<br />

réaliser à partir d’une «construction transcendantale» 305 dans l’art moderne. Fernow, comme<br />

Schiller, n’est pas indifférent au paradoxe que représente l’idéal atemporel du classicisme,<br />

tout comme de cette césure d’époque sur le plan sociopolitique que devait introduire la<br />

Entdeckungen“) et qu’il considère ainsi comme une «doctrine sur les organes irrefutée» („unangefochtene<br />

Organenlehre“/cf. lettre datant de Weimar, 20 septembre 1805): „Sie stimmt mit dem, was ich sonst wohl über<br />

die Natur unsers Wesens geahnet und vermuthet habe, und was zwischen Materialismus und Idealismus in der<br />

Mitte liegt, recht gut überein […] Gewiβ ist seine Lehre ein Theil eines groβen Ganzen, wozu eben so notwendig<br />

die Empirie, als die transcendente Naturphilosophie gehören und einander in gebührenden Ehren halten<br />

möchten. Leider! Schimpft Gall auf die Philosophie ohne sie zu kennen, und die Naturphilosophen schimpfen<br />

auf Gall, und wollen den menschlichen Schädel nach ihrem dreibeinigen Triangel construieren“, cité d’après JS,<br />

p. 350.<br />

302 Kant, AA XVI, L § 53/54, ainsi que X 45-46. Cf. [Polyhistorie, humaniora, 11-13]. Cf. également HE, p.<br />

105: „Was die Erziehung zur Kunst anbelangt, so betont Kant, daβ sie „nicht in Vorschriften, sondern in der<br />

Kultur der Gemütskräfte durch diejenigen Vorkenntnisse […], welche man humaniora nennt, zu liegen habe.<br />

Daβ Fernow diese humaniora in besonderem Maβe in Kants Philosophie ausgedrückt fand, bezeugt noch einmal<br />

die Bedeutung, die diese Philosophie als Ganzes für Fernow hat.“<br />

303 Fernow se distancie décidément, en tant que kantien professé des métaphysiciens jenensiens. De même, la<br />

relation entre Schiller et Fichte est d’une nature plutôt ambiguë; ce premier approuve, dans les lettres sur<br />

l’esthétique, tout à fait les théories sur la connaissance énoncées par Fichte, mais, en même temps, il critique<br />

leur caractère abstrait.<br />

304 Cf. dans ce qui suit S. M. Schneider, VRW, p. 60: „Fernow und Schiller gewinnen den Begriff der Kunst aus<br />

einer Absenz- und Alteritätserfahrung, die konstitutiv für die Idee der Kunst ist.“<br />

305 Ibid.: „Die Melancholie, die im Schluβbild von Winckelmanns ‘Geschichte der Kunst des Alterthums’ die<br />

historische Distanz zu einer unverständlich gewordenen Antike entdeckt und dort bereits die normative<br />

Ausrichtung des Klassizismus hintertreibt, ist in Schillers und Fernows transzendentaler Konstruktion der Kunst<br />

der Moderne als Paradox eingeschrieben.“


60<br />

commercialisation 306 de l’art, et ainsi l’aliénation 307 de l’artiste. Ainsi, on assiste,<br />

parallèlement au triomphe du positivisme 308 initié par Auguste Comte et l’industrialisation 309<br />

commençante, à la valorisation de l’activité créatrice de l’homme, qui va de pair avec la<br />

séparation de la valeur artisanale et marchande, qui sera désormais évaluée d’après le contenu<br />

(comme étant le produit de la raison) et la forme (comme produit de la matière), ce qui va par<br />

ailleurs entraîner l’avènement d’une industrie de l’art orientée principalement vers la valeur<br />

marchande. 310 Schiller et Fernow en sont tout à fait conscients et cherchent donc à améliorer<br />

les conditions à l’égard des données historiques, surtout socioculturelles, en respectant des<br />

changements religieux et politiques. Malgré les points communs, basés sur la quête d’un<br />

nouvel idéal de l’art à partir d’une considération sobre d’une esthétique du présent ressentie<br />

comme étant inproductive, les conceptions de l’art de Fernow et de Schiller sont pourtant<br />

fondamentalement différentes. Si Fernow considère Schiller comme un théoricien flottant<br />

dans des ‘sphères supérieures’, en le juxtaposant ainsi aux défenseurs métaphysiques qu’il<br />

qualifie de fantaisistes, cela apparaît non seulement comme une démarcation idéologique,<br />

mais plutôt comme une distance sociologique. 311 Si l’on résumait maintenant les conceptions<br />

306 Cf. à ce sujet l’étude de J. Xirau, dans: «Le problème de l’être et l’autonomie des valeurs», dans: Actualités<br />

scientifiques et industrielles, (IX. Congrès international de philosophie), vol. X, Paris, Éd. Hermann, 1937, p.<br />

110.<br />

307 Martin Dönike, KAW, idem, p. 62: „Eine Epochenzäsur trennt den modernen Ausstellungskünstler in der Tat<br />

von dem Auftragskünstler für Hof und Kirche, und kaum einer der Zeitgenossen spricht dies so nüchtern und<br />

hellsichtig aus wie Carl Ludwig Fernow, der in Rom die konkreten Auswirkungen auf Künstler wie Asmus Jakob<br />

Carstens oder Johann Christian Reinhart [sehen konnte]. In Schillers [ästhetischen] Briefen […] wird die<br />

Entfremdungserfahrung, der kunstfeindliche Charakter des Zeitalters, allgemein als Kulturkritik formuliert.“<br />

Nous reviendrons à cet aspect au cours de la deuxième partie du présent travail.<br />

308 Auguste Comte: Rede über den Geist des Positivismus, [titre original: Discours sur l'esprit positif],<br />

(Philosophische Bibliothek, vol. 468), Éd. Meiner Verlag, Hambourg, 1994 et l’étude socio-critique de Max<br />

Horkheimer: „Kulturindustrie. Aufklärung als Massenbetrug“, in idem: Dialektik der Aufklärung. Philosophische<br />

Fragmente, Éd. Querido, Amsterdam, 1947, ps. 144-198. Cf. par ailleurs également Bernhard Plé: ’Die Welt’ aus<br />

den Wissenschaften. Der Positivismus in Frankreich, England und Italien von 1848 bis ins zweite Jahrzehnt des<br />

20. Jahrhunderts, eine wissenssoziologische Studie, Éd. Klett-Cotta, Stuttgart, 1996.<br />

309 Hans-Werner Hahn: Die industrielle Revolution in Deutschland, Éd. Wiss. Verlag, Oldenburg, 2005.<br />

310 Werner Hofmann: „Der Tod der Götter“, dans: John Flaxman. Mythologie und Industrie, (catalogue de la<br />

Hamburger Kunsthalle, 1979), Éd. Prestel, Munich, 1979.<br />

311 Cette distance se réfère surtout à la popularité de Schiller, que Fernow a cherché toute sa vie durant. Fernow<br />

en est tout à fait conscient quand il quitte, au bout d’un an de professorat, l’université de Jéna et ainsi le champ<br />

de bataille du discours esthétique, pour s’installer à Tiefurt, où il va se consacrer intensément à ses études<br />

linguistiques et à l’écriture des monographies.


61<br />

théoriques de Kant, Schiller et Fernow sous la forme d’une comparaison à partir de la relation<br />

objet-sujet, on observait donc une transition graduelle vers l’esthétique autonome:<br />

1. Kant - L’idéalisme transcendantal, fondé subjectivement, porté sur la causalité.<br />

2. Schiller - L’idéalisme esthétique, orienté à la fois au sujet-objet, autonome-subjectif.<br />

3. Fernow - L’autonomie esthétique idéale (inachevée), à la vocation objective.<br />

D’après cette vue d’ensemble, il paraît donc tout à fait légitime de placer Fernow, non<br />

seulement d’un point de vue historique mais également philosophique, dans la continuité<br />

intellectuelle directe de Kant et de Schiller, vu que sa conception de l’esthétique autonome<br />

offre une option théorique qui se situant à mi-chemin entre les deux systèmes. Toutefois, la<br />

notion de «perfection historique» 312 nécessite d’être modifiée dans la mesure où il s’agit bien,<br />

surtout par rapport à Kant, d’un héritage idéel, mais nullement d’une perfection ou d’un<br />

pérfectionnement d’un système philosophique. Les aspirations émancipatoires de Fernow en<br />

tant que théoricien de l’art vont encore se concrétiser à l’égard de Winckelmann, comme nous<br />

allons encore le voir au chapitre suivant.<br />

312 Cf. note n° 306, ibid.: „[…] System historischer Vollendung.“


I. 3. Le Winckelmann de Fernow: «Noble simplicité, grandeur calme et silencieuse»<br />

62<br />

Si on se demande dans quelle mesure Fernow apporte de nouveaux élans au discours<br />

esthétique dominé par l’art classiciste autour de 1800, une étude des écrits winckelmanniens<br />

s’avère comme étant un point de départ tout à fait favorable. Dans ce contexte, il paraît<br />

évident de situer Fernow à la fois dans la continuité et la discontinuité de Winckelmann. Cette<br />

double perspective dans l’analyse nous permettra également de présenter la valeur propre de<br />

la pensée esthétique de Fernow dans son contexte philosophique. Parallèlement à l’Analysis of<br />

Beauty 313 de Hogarth paraît en Allemagne, quoique dans le temps décalé et différent quant à<br />

son orientation thématique, le traité de Johann Joachim Winckelmann intitulé Pensées sur<br />

l’imitation des œuvres grecques dans la peinture et les arts plastiques. Cette circonstance est<br />

d’autant plus étonnante quand on considère le fait que Winckelmann s’intéresse initialement<br />

moins au domaine des arts plastiques, qu’à la poésie d’Homère. Cette ‘transition’ lui pose des<br />

problèmes au départ et ne devient possible que par l’intermédiaire du peintre et sculpteur<br />

Adam Friedrich Oeser 314 qui, selon sa conviction, lui ouvre les yeux pour ce qui est de<br />

l’intérêt de la peinture et de la sculpture. Lorsque l’ouvrage en question paraît en 1755 à un<br />

tirage de seulement cinquante exemplaires, Winckelmann est alors un auteur parfaitement<br />

inconnu, et cela non seulement dans les milieux d’experts. Afin d’attirer une plus grande<br />

attention sur son texte, il a recours à une ruse, en inventant une controverse d’érudits, au<br />

cours de laquelle il attaque avec véhémence son propre texte sous la forme d’une dépêche,<br />

parue anonymement. Cette tactique littéraire lui sert ensuite de point d’accroche, afin de<br />

réfuter ces mêmes reproches critiques dans une déclaration personnelle. En ce qui concerne le<br />

contenu de ce texte, on constate tout à fait des similitudes avec la conception de Hogarth,<br />

alors que, vu dans l’ensemble, l’écho critique qui transparaît dans les deux ouvrages est pour<br />

313 Dorothy George: Hogarth to Cruikshank: Social Change in Graphic Satire, Éd. Viking Press, New Ed, 1987.<br />

314 Friedrich Schulze: Adam Friedrich Oeser - Der Vorläufer des Klassizismus, Éd. Köhler & Amelang, Leipzig,<br />

1950.


63<br />

le moins contradictoire. Ainsi, Winckelmann conçoit le plaisir de l’art généralement comme<br />

un délice de l’œil ou de l’oreille, déclenché par des incitations optiques ou acoustiques<br />

(comme p. ex. des plaisirs gourmands, le décor, la danse, etc.), en évitant de manière<br />

fondamentale tout ce qui est trop radical ou extrême. En ce qui concerne la forme, il voit le<br />

principe de beauté idéale principalement réalisé dans la ligne ondulante ou serpentée (linea<br />

serpentinata), qui se concrétise par l’harmonie des transitions douces, discrètes et variables<br />

(‘variety’), qu’il distingue à la fois de la monotonie d’une ligne droite, comme de<br />

l’immédiateté des changements de direction arbitraires. Ce sont surtout ces transitions<br />

discrètes qu’Hogarth érige, non seulement par rapport à l’art, mais également dans le domaine<br />

humain, comme idéal de l’harmonie. Ainsi, en tant qu’élève de la société baroque de la cour,<br />

il n’exige de l’art que l’amusement, tandis que Winckelmann, en tant que classicistes sévère, y<br />

voit principalement une instance morale et cathartique. Dans sa formule, souvent citée,<br />

portant sur la définition de la beauté esthétique comme ‘simplicité noble et calme grandeur’<br />

on voit donc surtout l’aspiration d’élever l’art au-dessus d’une pure délectation des sens, en le<br />

considérant comme un médium transcendantal de l’existence humaine. La ‘noble simplicity’<br />

remonte initialement au peintre et théoricien de l’art anglais Jonathan Richardson, 315 qui<br />

développe dans ses écrits, pour la première fois, un système critique pour l’évaluation et le<br />

jugement des œuvres d’art. Par la suite, Lessing va prendre en considération l’exactitude du<br />

moment représenté, alors que Winckelmann va se concentrer essentiellement sur la<br />

«simplicité noble, grandeur calme.» Contrairement à cela, Fernow va, par rapport à la<br />

discussion propre au Laokoon et conformément à sa conception de l’art sublime comme une<br />

«nature supérieure», mais qui ne doit pas «rendre indifférent à la réalité», 316 élargir cette<br />

315 Jonathan Richardson: An Essay on the whole Art of Criticism et An Argument in Behalf of the Science of a<br />

Connoisseur (1719). Cf. à ce sujet l’étude de Carol Gibson-Wood: Jonathan Richardson - Art Theorist of the<br />

English Enlightenment, Éd. University Press, Yale, 2000.<br />

316 Voir pour la présente citation: RS, III, préface et JS, p. 342.


64<br />

formule à la «grandeur calme et silencieuse.» 317 Ce changement de paradigme apparaît en<br />

l’occurrence comme une conséquence logique d’un changement dans l’histoire des idées.<br />

Déjà à l’âge de la Renaissance 318 on commence à s’orienter, à l’égard du classicisme français,<br />

à l’issue du XVII ème siècle, vers les fragments de la sculpture antique, en voyant formulées les<br />

règles éternelles de l’art dans l’Antiquité. Par la suite, on va assister, au cours de la Querelle<br />

des Anciens et des Modernes, 319 à une discussion sur la possibilité d’un dépassement de l’âge<br />

classique, qui va de pair avec la question d’une éventuelle temporalisation du goût. De même<br />

nous ne voudrions pas ici passer inaperçu le fait que Winckelmann entreprend dans ses écrits<br />

une migration constante entre les points de vue antique et moderne, 320 mais qu’on le situe<br />

habituellement comme défenseur classiciste du côté des Anciens, car il finit par faire culminer<br />

le culte antique par la formule de «devenir inimitable», 321 de par l’imitation des Anciens. Ce<br />

paradoxe que constitue le principe de l’imitation comme théorème a-référentiel (éternité),<br />

mais en même temps référentiel (Antiquité), auquel il s’est manifestement peu heurté, et qui<br />

constitue au fond le point faible de son idéal de l’art, ne sera relevé par la critique d’art que<br />

tardivement. L’idée de base de sa conception de l’art est justement ce caractère modèle de<br />

l’Antiquité grecque: l’imitation de la nature serait une pure copie, un dédoublement du monde<br />

sans esprit; en l’occurrence, la vraie beauté dans l’art réside dans le perfectionnement,<br />

l’idéalisation, voire le dépassement de l’existant, ce qui est également érigé en idéal<br />

d’humanité d’après le modèle grec, 322 auquel se joint également Fernow. Ainsi, il place le<br />

317 Cf. troisième chapitre du présent travail.<br />

318 Andreas Tönnemann: Die Kunst der Renaissance, Éd. Beck, Munich, 2007.<br />

319 Voir: Parallèle des Anciens et des Modernes, Éd. Arts et Sciences Jean Paul Coignard, Paris, 1688-1697.<br />

320 Voir à ce sujet en détail Elisabeth Décultot: Untersuchungen zu Winckelmanns Exzerptheften. Ein Beitrag zur<br />

Genealogie der Kunstgeschichte im 18. Jahrhundert, (Stendaler Winckelmann-Forschungen, vol. 2), Éd. Franz<br />

Philipp Rutzen, Ruhpolding, 2004.<br />

321 Voir Winckelmanns Gedancken zur Nachahmung der griechischen Wercke in der Mahlerey und Bildhauer-<br />

Kunst, 1755, cité d’après Fernow dans Winckelmanns Werke, Dresde, 1808 (siglé WW), p. 7: „Der einzige Weg<br />

für uns, groß, ja, wenn es möglich ist, unnachahmlich zu werden, ist die Nachahmung der Alten, und was jemand<br />

vom Homer gesagt, dass derjenige ihn bewundern lernet, der ihn wohl verstehen gelernet, gilt auch von den<br />

Kunstwerken der Alten sonderlich der Griechen.“<br />

322 [Hegel:] Ästhetik, Friedrich Bassenge (Éd.), Francfort/M., 2 vol., 1955, p. 11: „Diesen Menschen zu gestalten,<br />

ist in den Augen Hegels die große Aufgabe der Kunst. Natürlichkeit schafft dieses Ideal der Humanität das


65<br />

deuxième tome de ses études romaines sous le vers d’Horace «Vos exemplaria Graeca -<br />

Nocturna versate manu, versate diurna.» 323 De même, Winckelmann voit la Grèce antique<br />

comme l’emblème de l’âge d’or, ce temps de floraison en art et culture déjà loué par Hésiode<br />

et Ovide, qu’il voit surtout favorisé par l’existence de facteurs favorables, comme le climat<br />

méditerranéen, et le lien des Grecs avec la nature (p. ex. le culte du corps et l’athlétisme),<br />

l’absence des maladies de civilisation et des clichés moraux modernes. Nous ne voudrions pas<br />

nous attarder ici davantage sur la question relevée par Wolfgang Ullrich, 324 à savoir dans<br />

quelle mesure l’approche winckelmannienne peut être, vue au sens d’un eugénisme, fondée à<br />

la fois biologiquement et de par la race. De toute façon, de ce statut de culte de l’Antiquité<br />

résulte un autre paradoxe: plus celle-ci est déclarée un événement historique unique, plus elle<br />

paraît être inaccessible dans le présent, et doit probablement l’être, car de cette façon, elle<br />

peut en effet le mieux inspirer les mondes imaginaires des classicistes. 325 L’élégie Pompeji et<br />

l’Herculanum (1796) offre un exemple pour le culte de l’Antiquité stimulant la force<br />

imaginaire poétique, dans laquelle Schiller, quoiqu’il n’ait jamais vu de ses propres yeux les<br />

fouilles des villes campaniennes, exprime sa fascination vis-à-vis des reliques antiques: «Rien<br />

n’est perdu, la terre l’a conservé fidèlement.» 326 Une vision chimérique similaire du<br />

classiciste Jean Clair 327 atteste également Heyne, Caylus 328 et Fernow, étant donné que ceux-<br />

ci se prononcent toujours de manière critique quant aux procédés de restauration destinés au<br />

sauvetage des statues. A cette position conservatrice s’ajoute également le point de vue pro-<br />

absolute Kriterium für die Bewertung jedes künstlerischen Stils, jeder Kunstgattung oder eines einzelnen<br />

Werkes.“<br />

323<br />

RS, II, préface.<br />

324<br />

Wolfgang Ullrich: Was war Kunst? Biographien eines Begriffs, Éd. Fischer, Munich, 2005, p. 57.<br />

325<br />

Thorsten Fitzon: Reisen in das befremdliche Pompeji. Antiklassizistische Antikenwahrnehmung deutscher<br />

Italienreisender 1750-1870, (Quellen und Forschungen zur Literatur- und Kulturgeschichte, vol. 29), Éd. de<br />

Gruyter, Berlin/New York, 2004.<br />

326<br />

Voir „ Herculanum und Pompeji“, dans [Friedrich Schiller:] Sämtliche Gedichte und Balladen, Georg<br />

Kurscheidt (Éd.), Éd. Insel, Leipzig, 2004.<br />

327 e<br />

Jean Clair: Génie et folie en occident, Éd. Gallimard, Paris, 2005, ici p. 346: «Jusqu’au XVIII siècle, les<br />

procédés de restauration s’appliquaient surtout à la peinture. Cependant, certains antiquaires se prononcent<br />

clairement contre ceux de la statuaire; c’est le cas de Caylus, de Heyne et de Fernow. Canova déclare en 1821<br />

que ce serait un crime que de restaurer les sculptures du Parthenon.»<br />

328<br />

Cf. commentaire de Fernow WJ, p. 57: „Graf Caylus, ein französischer Altertumsforscher, der aber Italien<br />

bereist hatte, trug ebenfalls viel zu einer richtigen Kenntnis des Geistes und Kunstwerkes der Altertümer bei.“


66<br />

monumental, comme le défendent par exemple Quatremère de Quincy 329 et Viollet-le-Duc, 330<br />

qui se déclarent en règle générale pour des mesures restauratrices, à condition que le caractère<br />

original soit préservé. Chez Winckelmann, cet éloge 331 du classicisme va de pair avec un<br />

pessimisme de l’époque, qui est non seulement conscient des limites de ses propres<br />

possibilités artistiques, mais également de la fin, qui se dessinait, de l’iconographie, 332 et qui,<br />

pour cette raison, compense son désir de ce qui est cru perdu 333 à travers le rêve du paradis<br />

perdu. 334 Le culte du corps esthétisant et l’idéal de la liberté humaine: on pourrait de toute<br />

évidence ramener l’idéal d’art winckelmannien à cette formule courte, dont l’approche<br />

utopique réside justement dans le culte de l’Antiquité, qui font de lui un précurseur du<br />

néoclassicisme européen, 335 au même titre qu’une figure centrale du néohumanisme 336<br />

allemand. Pour mieux cerner le statut idéel de Winckelmann en Allemagne à l’issue du<br />

XVIII ème siècle, il faudrait également prendre en considération d’autres facteurs d’ordre<br />

sociopolitique. Ainsi, on peut tout à fait considérer son ambition de vouloir déclencher un<br />

renouveau artistique dans l’esprit antique comme étant une réaction vis-à-vis des conditions<br />

329<br />

Antoine Chrysostome Quatremère, appelé Quatremère de Quincy: Canova et ses ouvrages (1834) et Lettres<br />

sur les préjudices qu’occasionnerait aux arts et à la science le déplacement des monuments de l'art de l'Italie<br />

(1796). Cf. à ce sujet aussi René Schneider: L'esthétique classique chez Quatremère de Quincy (1805-1823), Éd.<br />

Hachette, Paris, 1910, et idem: Quatremère de Quincy et son intervention dans les arts (1788-1850).<br />

330<br />

Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc: «Restaurer un édifice, ce n’est pas l'entretenir, le réparer ou le refaire,<br />

c'est le rétablir dans un état complet qui peut n'avoir jamais existé à un moment donné», cité selon le<br />

Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XI e au XVI e siècle (1854 à 1868), vol. 8, voir le chapitre<br />

intitulé: «Réstauration.» Cf. à ce sujet également Jean-Paul Midant: Au Moyen Âge avec Viollet-le-Duc, Éd.<br />

Parangon, Lyon, 2001.<br />

331<br />

Cf. note n° 336, ibid.<br />

332<br />

Erwin Panofsky: Ikonographie und Ikonologie. Eine Einführung in die Kunst der Renaissance, dans le même<br />

ouvrage: Sinn und Deutung in der bildenden Kunst, Éd. Dumont, Cologne, 1975, ainsi que Peter Schmidt: Aby<br />

Warburg und die Ikonologie, Wuttke (Éd.), Wiesbaden, 2 1993, Georges Didi-Huberman: L'image survivante:<br />

histoire de l'art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Éd. Les Éditions de Minuit, Paris, 2002, et Silvia<br />

Ferreti: Cassirer, Panofsky and Warburg: Symbol, Art and History, Yale University Press, Londres/New Haven,<br />

1980.<br />

333<br />

Raimund M. Fridrich: Sehnsucht nach dem Verlorenen. Winckelmanns Ästhetik und ihre frühe Rezeption, Éd.<br />

Lang, Francfort/M., 2003.<br />

334<br />

Cf. p. ex. WW, p. 12 s.<br />

335<br />

Horst Rüdiger: «L’accession à l’humanité par la beauté», dans: Encyclopédia Universalis (Éd.), vol. 23, Paris,<br />

1995, p. 863: «[…] précurseur du néoclassicisme européen.»<br />

336<br />

Ibid.: «À l'encontre de l'humanisme et du classicisme des pays latins, notamment de la France, qui se<br />

réclament principalement de l'héritage romain, Winckelmann proclame l'évangile des Grecs qui, grâce à lui et à<br />

ses disciples, Herder, Goethe, Hölderlin et même Nietzsche, est devenu le modèle du néo-humanisme allemand.»


67<br />

socioculturelles de l’époque. 337 D’un autre côté, dans le déclin de l’art diagnostiqué par lui se<br />

reflète le mécontement d’une époque, qui laisse clairement transparaître la glorification de<br />

l’Antiquité comme étant un réflexe de compensation face à ces tendances peu saluées<br />

attribuées à l’esprit du temps. Devant cet arrière-plan historique, Winckelmann est ainsi<br />

assimilé par les amis de l’art weimariens à l’idéal du penseur antique, en raison du caractère<br />

universel de ses écrits. Par moments, cela dupait même le lecteur quant aux fautes formelles et<br />

propres au contenu, comme par exemple le mélange de sa pensée esthétique avec une volonté<br />

excessive de mission pédagogique et pseudo-érotique, 338 qui traverse par ailleurs aussi toute<br />

son œuvre comme un fil rouge. Ce culte défensif-monumentalisant 339 autour de sa personne<br />

sera célébré par ses adeptes, parmi lesquels se trouve Friedrich August Wolf, 340 qui va aussi<br />

formuler pour la première fois le désidérata d’une réédition des œuvres de Winckelmann, qui,<br />

en l’occurrence, sera réalisée par Fernow. Le contexte historique est également d’une<br />

importance particulière en ce qui concerne l’évaluation des ambitions littéraires et<br />

propagandistes que Goethe poursuit à travers sa publication des écrits winckelmanniens. 341<br />

Ainsi, l’année de parution est assombrie d’emblée par deux événements négatifs: la mort de<br />

Schiller d’un côté, et la fin des Propylées, de l’autre, qui devait en même temps introduire la<br />

fin des «Amis de l’art weimariens.» Face à ce fiasco culturel qui s’annonçait, l’héritage<br />

classique devait être revitalisé pour la postérité, afin de faire barrage à l’entrée menaçante du<br />

mouvement romantique. Comment aurait-on pu mieux y parvenir que par le manifeste à<br />

l’honneur de Winckelmann, visant à la réanimation de l’héritage culturel classique, en<br />

conférant, en même temps, une nouvelle légitimation au mouvement de l’art weimarien après<br />

337<br />

Cf. Conrad Wiedemann: „Römische Staatsnation und griechische Kulturnation“ (1986) dans: Griechenland<br />

als Ideal. Winckelmann und seine Rezeption in Deutschland, Ludwig Uhlig, Tübingen (Éd.), 1988, ps. 173-178.<br />

338<br />

Cf. note n° 337, ci-dessus, ibid.: «mission pédagogique pseudo-érotique.»<br />

339<br />

Helmut Pfotenhauer, VRW, p. 40.<br />

340<br />

Friedrich August Wolf est surtout connu comme philologue et chercheur dans le domaine des études antiques<br />

et passe également pour le fondateur du néohumanisme allemand. En accord avec Schiller, Goethe et Wilhelm<br />

von Humboldt, il voit dans la philologie classique l’idéal de formation, qui, selon sa conviction, permet à<br />

l’homme l’épanouissement harmonieux dans le monde.<br />

341<br />

Cf. Klaus Manger: Johann Joachim Winckelmann. Seine Wirkung in Weimar und Jena, (Schriften der<br />

Winckelmann-Gesellschaft/vol. 27), Stendal, 2007, ps. 29-40.


68<br />

la mort de Schiller? Des événements importants sur le plan historique, qui ont pu avoir une<br />

incidence sur son écriture, présentent également un intérêt particulier. Dans ce contexte, il<br />

faut mentionner surtout les guerres napoléoniennes et la bataille de Jéna et Auerstedt. 342<br />

Fernow est témoin de l’incident des troupes françaises à Jéna. On ne peut que soupçonner<br />

l’impact traumatique que le vécu a dû exercer sur lui en tant qu’historien. Ainsi, il paraît tout<br />

à fait probable qu’il cherchait, par le biais de l’engagement littéraire, une sorte d’effet<br />

thérapeutique, afin de se remettre mentalement de la catastrophe nationale. Vu dans le<br />

contexte de la philosophie de Herder, 343 le projet fernowien de Winckelmann ne pourrait être<br />

plus antagoniste. Ce premier traduit surtout deux objectifs principaux: c’est le désir d’une<br />

nouvelle fondation d’état d’un côté, et la quête de l’identité nationale, de l’autre. Entre 1805<br />

et 1808, Fernow s’occupe intensément de l’héritage intellectuel winckelmannien, ce dont<br />

témoigne également sa contribution à l’ouvrage collectif de Goethe Winckelmann et son siècle<br />

portant le titre «Remarques d’un ami» 344 qui prend le relais de l’ouvrage précédent de Johann<br />

Heinrich Meyer 345 intitulé «Ésquisse d’une histoire de l’art du dix-huitième siècle.» A<br />

l’origine du projet éditorial de Goethe on trouve l’intention de publier pour la première fois la<br />

correspondance inédite de Winckelmann avec le secrétaire secret du duc Hieronymus Dietrich<br />

Berendis, sous la forme d’un ouvrage colectif. L’œuvre comporte par ailleurs une dédicace<br />

adressée à la duchesse Anna Amalia, une préface (les deux redigées par Goethe), les déjà<br />

342 Voir „Briefe von Fernow an Böttiger“, dans: Der Neue Teutsche Merkur vom Jahre 1809, vol. I, ps. 69- 82 et<br />

ps. 116-124. Cf. égalment Hans-Joachim Widmann: Die Schlacht bei Jena und das Ende der Weimarer Klassik:<br />

Ein Moment der Weltgeschichte - und wie der Frankfurter Bürger und Weimarer Geheime Rat Johann Wolfgang<br />

von Goethe ihn erlebte, Éd. Davos, 2006 [à l’occasion du 200 ème anniversaire de la bataille à Jéna].<br />

343 [Johann Gottfried Herder:] Werke, vol. III, Wolfgang Proß (Éd.), ainsi que: Ideen zur Philosophie der<br />

Geschichte der Menschheit, Éd. Carl Hanser, Munich, 2002.<br />

344 Voir: „Die Bemerkungen eines Freundes“, dans: Winckelmann und sein Jahrhundert. In Briefen und<br />

Aufsätzen, Goethe (Éd.), Tübingen, 1805, ps. 132-195 (siglé WJ). A ce sujet, Fernow rédige un article critique<br />

correspondant [voir Jenaische Allgemeine Literatur-Zeitung/ n° 128, 30 mai 1805 et n° 29, 31 mai 1805], mais<br />

qui, comme l’œuvre en elle-même, fait une sortie très peu remarquée: „Als aber das […] Werk erschien, war die<br />

Aufnahme durch das Leserpublikum recht zurückhaltend. Die Künstler- und Ästhetenkreise, gegen die es<br />

gerichtet war, reagierten mit Totschweigen. Die Rezension Fernows in der ‘Jenaischen Allgemeinen<br />

Literaturzeitung’ vom 30 Mai 1805 konnte nicht recht zählen, da sie von einem Mitverfasser stammte“ (ibid., p.<br />

20).<br />

345 Cf. Jochen Klauβ: Der ‘Kunschtmeyer’. Johann Heinrich Meyer. Orakel Goethes, Éd. Hermann Böhlaus<br />

Nachf., Weimar, 2001.


69<br />

mentionnés «Esquisse de l’histoire de l’art au dix-huitième siècle» par Meyer, les<br />

«Remarques d’un ami», et les trois «Esquisses de déscription au sujet de Winckelmann»<br />

(Goethe, Meyer et Wolf), auquel s’ajoute un «Manuel de l’Antiquité au dix-huitième siècle»<br />

(Meyer et par ailleurs Humboldt 346 ), ainsi que «Les études de Winckelmann par Friedrich<br />

August Wolf», que suivent les vingt-sept lettres adressées à Berendis, ainsi qu’un registre qui<br />

mentionne les lettres winckelmanniennes déjà éditées. Goethe écrit au sujet de ce projet dans<br />

les Cahiers du jour et de l’année: Afin de représenter ce qui pourrait servir de multiples façons à la<br />

description d’un homme extraordinaire, j’ai consulté mes chers amis, Wolf à Halle, Meyer à Weimar, Fernow à<br />

Jéna, et ainsi s’est formé, peu à peu, un ouvrage comprenant huit volumes, tel qu’il est parvenu par la suite aux<br />

mains du public. 347 Au premier regard, on constate que dans les «Remarques d’un ami» la sous-<br />

partition en trois périodes temporelles est similaire, mais pourtant pas égale. Ainsi, dans<br />

l’esquisse de la première moitié du XVIII ème siècle, les sous-rubriques peinture de portrait,<br />

peinture de bataille et mosaïque sont traitées, alors que l’analyse de la deuxième période<br />

(1750 jusqu’en 1775) est beaucoup plus courte et d’autres notions sont d’ailleurs légèrement<br />

modifiées. La considération de la troisième période temporaire (1775 jusqu’en 1800) est la<br />

plus détaillée et s’achève par la sous-rubrique «Littérature, méthodes et opinions de 1775<br />

jusqu’en 1800», au lieu du diagnostique précédent de «L’état en goût et en art», ce qui, en<br />

l’occurrence, peut être tout à fait compris au sens du tournant s’opèrant autour de 1800 pour<br />

ce qui de est la compréhension de l’art. Vu dans l’ensemble, Fernow essaie, en réponse à<br />

Meyer, de fonder, à partir de cette présentation panoramique de l’histoire de l’art, les<br />

conditions générales qui encadrent l’épanouissement des beaux-arts au sein d’une société. 348<br />

Cette intention devient manifeste dès les premières lignes, dans lesquelles l’enthousiasme<br />

religieux est désigné comme paramètre général quant au progrès de la culture: Que les arts<br />

346 La correspondance vive entre Goethe et Humboldt s’avère également comme étant fructueuse par rapport aux<br />

études des Anciens. Voir lettre de Humboldt à Goethe du 23 août 1804 intitulée: Alterthum, Kunst und deutsche<br />

Literatur. Cf. également Klaus Manger, op. cit., p. 67 note n° 342.<br />

347 WA, partie I, vol. 35, p. 181.<br />

348 Voir WJ, p. 228: „[…] von welchen Ursachen das Steigen und Fallen der Künste abhänge.“


70<br />

plastiques se développent seulement chez un peuple quand ceux-ci sont devenus une nécessité pour ce qui est du<br />

développement de sa culture, que les religions des peuples se servent de préférence de ces arts comme moyen de<br />

la représentation de leurs mythes et que l’enthousiasme religieux ait toujours été l’une des motivations les plus<br />

importantes de leur formation, leur diffusion et leur perfection – personne ne le niera probablement. 349<br />

Suivant la logique de paragone, Fernow parvient par la suite, au cours de sa considération, à<br />

la conclusion que la priorité de la peinture vis-à-vis des arts plastiques n’est pas due à<br />

l’influence de l’art religieux, étant donné que le refus conscient d’une représentation trop<br />

immanente (=plastique) s’expliquerait par une disposition naturelle de l’homme, se<br />

manifestant par sa quête de transcendance, qui s’exprime le mieux dans l’ekphrasis de l’art.<br />

Le classiciste, qui a érigé justement cette représentation immédiate en principe majeur de son<br />

idéal de l’art, se défend ainsi contre les influences romantiques et le principe de la poésie<br />

pittoresque 350 qu’il juge comme trop sentimentale. Cela s’explique aussi par l’influence du<br />

romantisme depuis les Épanchements d’un moine épris de l’art (1796/97) de Wackenroder et<br />

les discussions sur la peinture parues dans l’Athénée (1798-1800) des frères Schlegel. On peut<br />

observer le début d’un changement par rapport au goût de l’art, au cours duquel l’art chrétien<br />

de la pré-renaissance et du XVI ème siècle prend le relais du culte de l’Antiquité jusque-là<br />

dominant dans l’espace germano-néerlandais. Au cours de ce processus, les hiéroglyphes<br />

infinis de la poésie pittoresque s’opposent ainsi aux formes traditionnelles, tendance à<br />

laquelle répondront à nouveau les classicistes weimariens par un retour aux formes idéales de<br />

la sculpture antique. Dans Winckelmann et son siècle, le classiciste est érigé en grand<br />

classique, 351 ce qu’on pourrait concevoir, d’un point de vue littéraire, comme étant une pure<br />

prétention ou aussi comme une propagande classiciste. Certes, cette volonté de mission des<br />

amis d’art weimariens à faire sonner une nouvelle époque (=néoclassiciste), en formant en<br />

349 Ibid., p. 132 s.<br />

350 Helmut Pfotenhauer, Klassik und Klassizismus, Éd. Verlag Deutscher Klassiker, Francfort/M., 1995, p. 826.<br />

351 Cf. ici et dans ce qui suit idem, VRW, p. 39 s.: „Wie ist gegenüber dieser historischen Tendenz die Autorität<br />

des Plastischen als Inbild des Klassischen dennoch zu retten? Indem der Klassizist selbst zum Klassiker ernannt<br />

wird! Derjenige der im Zeichen der Vergangenheit des Ideals von Kunstschönheit reflektierend an es erinnert,<br />

wird selbst zum Ideal und verbindlichen Muster der Kunstauffassung.“


71<br />

même temps une société conforme à l’idéal goethéen et schillérien d’humanité et d’érudition,<br />

peut paraître idéaliste et parfaitement anachronique. Pourtant, le problème se pose d’une<br />

manière beaucoup plus complexe, étant donné que les adeptes du mouvement weimarien sont<br />

en effet plutôt partagés sur les possibilités d’une telle ‘relance’ du mouvement classique.<br />

Alors que Fernow parle de Winckelmann encore en termes d’esprit classique de<br />

l’Antiquité, 352 Goethe évite encore une telle désignation. Dans son écrit «Du sansculottisme<br />

littéraire», 353 il met aussi bien en évidence que la création des chef-d’œuvres classiques est<br />

réductible aux circonstances extérieures propices et constitue donc le résultat des grands<br />

événements historiques ayant marqué le destin d’une nation, et elle est donc unique, alors que<br />

de telles «subversions» 354 ne seraient pas forcément souhaitables dans une Allemagne privée<br />

d’identité et de consensus nationaux. Ainsi, Winckelmann représente pour Goethe toutefois<br />

une «nature antique», 355 qui «a dépassé l’éphémère de la vie et la contingence» 356 et, pour<br />

cette raison, sa mémoire restera à «l’image de la fraîcheur juvénile» 357 dans la pensée<br />

collective, mais pas l’esprit classique au sens propre du terme, contrairement à Fernow. Alors<br />

que son ouvrage intitulé Les œuvres de Winckelmann 358 doit prendre le relais de l’édition<br />

352 Voir WJ, p. 195: „Winckelmann war, möchte man sagen, mit dem Geist des Altertums verwandt. Beseelt,<br />

durchdrungen von demselben, das groβe rechte Ziel vor Augen, berührte er überall bloβ die höchsten Punkte,<br />

unbekümmert alles, was dazwischen lag.“<br />

353 Johann Wolfgang von Goethe: „Über literarischen Sanscülottismus“, [1795], [Hamburger Ausgabe], intitulée<br />

Werke, Munich, 1988, vol. XII, ps. 239-44.<br />

354 Ibid., p. 241: „Wir wollen die Umwälzungen nicht wünschen, die auch in Deutschland klassische Werke<br />

vorbereiten könnten.“<br />

355 Voir Pfotenhauer, VRW, 1998, p. 43: „Winckelmann ist für ihn daher Jahre später, im mittelpunkts- und<br />

identitätslosen Deutschland, zwar eine antike Natur, die zu den Griechen zurückkehre, aber selber klassisch ist<br />

ihm der Klassizist nicht.“ Cf. à ce sujet également: Winkelmann und sein Jahrhundert, op. cit., article intitulé<br />

„Skizze zu einer Schilderung Winkelmann’s“, p. 211 sous la rubrique „Antikes“: „Hatte er [Winckelmann] nun<br />

im Leben einen wirklich altertümlichen Geist, so blieb ihm derselbe auch in seinen Studien getreu […] so hat ein<br />

Neuerer im ähnlichen Falle ein noch gewagteres Spiel, indem er bei der einzelnen Ausarbeitung des<br />

mannigfaltigen Wiβbaren sich zu zerstreuen, in unzusammenhängenden Kenntnissen sich zu verlieren, in Gefahr<br />

kommt, ohne, wie es den Alten glückte, das Unzulängliche durch das Vollständige seiner Persönlichkeit zu<br />

vergüten.“<br />

356 Ibid.<br />

357 Voir WJ, préface: „Dass Winckelmann die Hinfälligkeit des Lebens und die Kontingenz überwunden habe.<br />

Sein plötzlicher Tod habe ihm das Glück beschert, nicht alt werden zu müssen, und so präge sich das Bild der<br />

unvergänglichen Jugendfrische dem Andenken ein.“<br />

358 Le plan de l’édition prévoyait initialement la publication d’une série winckelmannienne comportant douze<br />

volumes; de son vivant, Fernow arrive seulement à terminer deux tomes; après sa mort, Heinrich Meyer et<br />

Johann Schulze se chargeront de la suite de la publication en collection libraire.


72<br />

goethéenne, 359 elle est en même temps censée la compléter par des écrits inédits. 360 De cette<br />

manière, on voulait achever une nouvelle édition, 361 qui, contrairement à la publication<br />

goethéenne, 362 présentait une édition complète des œuvres winckelmanniennes, jusque-là<br />

jamais réalisée. Par ailleurs, on y a ajouté, à l’issue d’un « examen soigné », 363 une annexe<br />

critique 364 sur laquelle nous allons encore revenir au cours de ce chapitre. De même, l’édition<br />

fernowienne des œuvres de Winckelmann se distingue de l’ouvrage goethéen dans l’ensemble<br />

par sa conception. Ainsi, Fernow place, pour ce qui est du contenu, le personnage de<br />

Winckelmann au centre de son ouvrage, non seulement de par son importance historique,<br />

mais également de par son parcours extraordinaire, qu’il met par ailleurs en exergue par ordre<br />

chronologique comme une «brève esquisse de la vie de Winckelmann» 365 à l’édition des<br />

sources du premier tome, alors que Goethe se limite, dans son ouvrage, uniquement à<br />

l’impression de deux lettres de Berendis suivies à la fin d’une présentation personnelle de<br />

359<br />

Goethe salue ce projet éditorial comme étant «l’un de ses vœux les plus chers» („einer [s]einer liebsten<br />

Wünsche“ - voir lettre à Voigt du 1 er mai 1807, Weimarer Ausgabe [WA], division <strong>IV</strong>, vol. 19, p. 316).<br />

360<br />

L’éditeur Walther formule, dans sa dédicace adressée au roi de Saxe Friedrich Auguste („Dem<br />

Allerdurchlauchigsten Groβmächtigsten Fürsten und Herrn Herrn Friedrich August Könige von Sachsen,<br />

Herzoge von Warschau“) son plan éditorial comme suit: „Zu diesem Unternehmen hat sich Professor Fernow,<br />

nach einem vieljährigen Aufenthalte in Rom, verbunden mit einigen Freunden, entschlossen, und wir dürfen<br />

hoffen, daβ diese Arbeit auch binnen zwey Jahren beendiget seyn werde. Es wird diese neue Original-Ausgabe<br />

vor allen Französischen und Italienischen Uebersetzungen, besonders wegen der Vollständigkeit, den Vorzug<br />

haben.“<br />

361<br />

WW, p. 3.<br />

362<br />

Ibid., p. 2.<br />

363<br />

Ibid., p. 6: „Das Interesse der Alterthumskunde fordert demnach, dass man diese Bemerkungen, nach<br />

vorhergegangener, sorgfältiger Prüfung, in den Noten mit beibringe.“<br />

364<br />

Ibid. s. Fernow se réfère surtout, dans son commentaire de l’ouvrage, à la version condensée en italien de<br />

l’édition winckelmannienne par Fea: „Damit aber nicht Noten auf Noten gehäuft das Werk über die Gebür<br />

anschwellen, so hat man aus den Anmerkungen, mit welchen der Abate Fea die italiänische Uebersetzung der<br />

Geschichte der Kunst und einiger andern Winckelmannischen Schriften in seiner Ausgabe so reichlich<br />

ausgestattet hat, nur das zur Sache Gehörige ausgehoben, und auch die beigebrachten Bemerkungen Anderer in<br />

zweckmäβiger Kürze zusammengefasst.“ Aux éditions de Dresde et Vienne déjà mentionnées, Fernow oppose<br />

également la traduction de Fea: „Sachkundige fanden sogar, dass die italiänische, von Fea herausgegebene<br />

Uebersetzung der Geschichte der Kunst in manchen Stellen des Textes einen besseren Zusammenhang hatte, und<br />

überdem noch mit vielen schäzbaren, besonders den eigentlich gelehrten Theil betreffenden Noten und<br />

Berichtigungen, und mit den erforderlichen Kupferstichen zur Erläuterung reichlich ausgestattet, folglich<br />

brauchbarer war, als eine der deutschen Ausgaben; es trat also hier der sonderbare Fall ein, daβ ein klassisches<br />

Werk der deutschen Literatur in Deutschland selbst lieber in der Uebersetzung als im Originals studirt, und von<br />

den Alterthumsforschern in ihren Schriften angeführt wurde.“<br />

365<br />

WW, I.: „Kurze[n] Abriβ von Winckelmann’s Leben.“<br />

368<br />

Ibid., ps. 208-231: „Winckelmann wurde am 9ten Dec. 1717 zu Stendal in der Altmark gebohren. Er war der<br />

einzige Sohn eines armen Schumachers daselbst […] Bey der groβen Armuth seiner Eltern musste<br />

Winckelmann, dessen Neigung zum Studiren früh erwachte, seine Jugend in äuβerster Dürftigkeit hinbringen,<br />

und sich mühsam durch Noth und Hindernisse hindurch winden, um endlich in der zweiten Hälfte seines Lebens<br />

das Ziel seiner Bestrebungen zu erreichen.“


73<br />

Winckelmann sous la forme des «Esquisses à une description de Winckelmann». 366 En ce qui<br />

concerne l’aspect formel, on remarque, dans un premier temps, que Fernow commence la<br />

biographie de Winckelmann, de façon similaire comme dans ses monographies sur Arioste,<br />

Carstens et Canova, par une situation du milieu d’origine: Winckelmann est né le 9 déc. 1717 à<br />

Stendal dans l’Altmark. Il était le fils unique d’un pauvre cordonnier […] Vu la grande pauvreté de ses parents,<br />

Winckelmann, dont le talent pour les études se réveillait de manière précoce, devait passer sa jeunesse dans une<br />

extrême précarité, en se frayant péniblement un chemin entre la nécessité et les obstacles, afin d’atteindre enfin,<br />

durant la deuxième moitié de sa vie, le but de ses ambitions. 367<br />

Lorsqu’on se concentre dans un deuxième temps sur la mise en scène littéraire de la<br />

description biographique, on constate d’emblée la vivacité de l’extrait narratif et<br />

l’accentuation sur la psychologie de l’individu comme étant des éléments frappants. De cette<br />

manière, le lecteur doit se faire une image de Winckelmann en tant qu’homme, en prenant<br />

aussi en considération les circonstances de vie peu propices et les conditions du cadre<br />

historique, ayant également conditionné sa gloire posthume. De par cette mise en scène<br />

consciemment classiciste, Winckelmann est quasiment érigé, autrement que chez Goethe, en<br />

figure emblématique sur le piédestal idéel du mouvement de l’art weimarien. Cela peut être<br />

considéré soit comme réflexe de résignation à l’égard de la production de l’art autour de 1800,<br />

ou alors comme une génialisation atemporelle de ‘l’esprit classique.’ Mais Fernow est aussi<br />

tout à fait conscient du fait qu’en raison de quelques inexactitudes d’ordre formel et propres<br />

au contenu, qu’il, suivant sa démarche critique-historique, cherche par ailleurs à corriger dans<br />

l’annexe en question, l’œuvre winckelmannienne ne peut pas revendiquer le statut d’un chef<br />

d’œuvre littéraire. Or, il souligne en même temps, en guise de son plaidoyer, que la perfection<br />

366 Voir à ce sujet p. 77 ibid. et WJ, ps. 208-231.<br />

367 Ibid. Voir également la version goethéenne au sujet de «L’entrée» („Eintritt“), WJ, p. 210: „Eine niedrige<br />

Kindheit, unzulänglicher Unterricht in der Jugend, zerrissenen, zerstreute Studien im Jünglingsalter, der Druck<br />

eines Schulamtes, und was in einer solchen Laufbahn Ängstliches und Beschwerliches erfahren wird, hatte er mit<br />

vielen andern geduldet. Er war dreiβig Jahr alt geworden, ohne irgendeine Gunst des Schicksals genossen zu<br />

haben, aber in ihm selbst lagen die Keime eines wünschenswerten, möglichen Glücks.“


74<br />

artistique, au sens de l’idéal classique, ne pourrait pas être atteinte aux temps présents. 368 De<br />

même, il faut noter ici que Fernow n’adapte pas, comme certains de ses contemporains lui en<br />

firent le reproche par rapport à Kant, les idées winckelmanniennes, mais qu’il sonde plutôt de<br />

manière critique ces derniers. Dans sa préface, il loue ainsi les écrits winckelmanniens en<br />

raison de leur «simple dignité» et de «grand sens», 369 qui font de lui également un découvreur<br />

des secrets de l’art, 370 au même titre qu’un grand explorateur de l’Antiquité. 371 Or, il met<br />

clairement en relief, dans le premier tome des Études romaines, le fait qu’il ne considère pas<br />

que la formule universelle winckelmannienne sur «la grandeur simple et calme» en tant que<br />

«caractère de l’idéalité», comme il l’appelle, puisse desservir «la fin ultime de l’art.» 372 Dans<br />

ce contexte, on se heurte également à la question de savoir si Fernow dirige l’idéal des<br />

Anciens délibérément contre la production de l’art de son temps, et si l’on peut considérer<br />

cela comme une volonté d’émancipation vis-à-vis de Goethe, voire comme une légère<br />

tentative de sa part, afin de refonder un mouvement classiciste de provenance<br />

winckelmannienne? C’est qui est sûr, c’est que cette prise de distance critique, il réalise une<br />

œuvre qui se distingue des publications winckelmanniennes précédentes non seulement dans<br />

le sens où elle contient également, hormis l’édition intégrale de ses écrits jusque-là inédits,<br />

l’annexe détaillée en question, dans laquelle il soulève, sous un jour nouveau et de façon<br />

équitable, des questions propres à la théorie de l’art, comme par exemple à propos de<br />

368<br />

Ibid.: „Klassisch ist hier nicht das Werk selbst, insofern es eine vollkommene Gestalt erreicht hat; der<br />

Kunstgeschichte ist dieser Abschnitt nicht vergönnt. Klassisch ist vielmehr der Geist antiker Grösse und<br />

Einfachheit der sich in seinen Werken mit origineller Kraft auspräge.“<br />

369<br />

Voir préface WW, p. 1: „Schon seit ihrer ersten Erscheinung wurden Winkelmann’s Schriften, wegen der<br />

einfachen Würde ihrer Schreibart, und wegen des grossen Sinnes, mit welchem er seine Gegenstände immer von<br />

einem höheren Standpunkte betrachtet, und Ideen gemäss behandelt, nicht nur von den Deutschen, für die er<br />

zunächst geschrieben, sondern auch von allen andern Nazionen, die auf Kunstliebe und Geschmack Anspruch<br />

machen, und denen besonders das Hauptwerk unseres grossen Landsmannes, die Geschichte der Kunst, durch<br />

Übersetzungen mitgetheilt worden, als klassisch anerkannt.“<br />

370<br />

WJ, p. 195: „Von den Geheimnissen der alten Kunst hatte Winckelmann den Schleier weggezogen und<br />

gleichsam eine neue Welt entdeckt.“<br />

371<br />

Ibid.: „[…] als Künstler und Altertumsforscher Vorzügliches leistete.“ De même, Fernow mentionne dans ce<br />

contexte Winckelmann en même temps que le philologue antique Carl Theodor Reiffenstein, dont il approuve<br />

surtout «la méthode s’élevant par étapes» („stufenweis sich erhebende Methode“) de la genèse progressive de<br />

l’artiste.<br />

372<br />

RS, I, p. 432.


75<br />

l’allégorie. Dans une lettre adressée à Böttiger, Fernow mentionne Meyer comme l’auteur<br />

d’une majeure partie des annotations, alors que des critères argumentatifs et thématiques<br />

plaident plutôt pour lui comme étant le véritable rédacteur, d’une partie au moins, des<br />

annotations, ce qui reste à déterminer, bien entendu. Abstraction faite de quelques remarques<br />

plus ou moins pertinentes, la critique fernowienne se rapporte surtout à l’ «Essai sur<br />

l’allégorie.» 373 Dans ce contexte, il accuse Winckelmann, entre autres, de ne pas séparer<br />

nettement les notions d’ornement, allégorie et symbole et d’avoir tendance à privilégier<br />

l’expression allégorique. A l’opposé, Fernow voit dans le symbole le vrai signe esthétique<br />

auto-référentiel, qui, comme signifié, peut exprimer adéquatement la sémantique de l’art, en<br />

ayant un caractère universel, alors que l’allégorie, en étant le signifiant, ne représente qu’une<br />

idée et, de ce fait, n’a qu’un caractère général: «La représentation allégorique ne signifie<br />

qu’une notion différente d’elle», 374 et, pour cette raison, ne devrait pas être confondue avec les<br />

figures héroïques au caractère symbolique, comme, par moments, le pratique<br />

Winckelmann. 375 Un autre point de critique est l’ambition de ce dernier, de vouloir toujours<br />

déchiffrer minutieusement des allégories nominales, 376 alors qu’il ne s’agit pour la plupart que<br />

d’ornements signifiants. Ainsi, Winckelmann distingue définitivement l’allégorie, l’ornement<br />

et la décoration au caractère symbolique. D’après lui, c’est seulement le symbole qui est<br />

capable d’exprimer de façon adéquatement le plus grand talent créateur. Tout à fait au sens<br />

373 Voir annexe critique vol. II.<br />

374 Ibid. p. 701. Cf. également la critique fernowienne de Winckelmann par rapport à son interprétation du lion<br />

de Leonidas’: „Die Alten liebten dergleichen Allegorien bloβer Zeichen, die wenn sie treffend sind, durch das<br />

Einfache [...] Der Löwe des Leonidas, den wir keinesfalls wie Winckelmann unter die Namenallegorien rechnen,<br />

gehört dazu.“ La description de Winckelmann en question inspire par ailleurs Jean-Louis David à son tableau:<br />

Léonidas aux Thermopyles (1814), en empruntant en grande partie les détails pittoresques de la narration Voyage<br />

d’Anarcharsis de l’Abbé Barthélémy.<br />

375 D’une façon générale, Meyer et Fernow font une distinction entre des allégories et des héros au caractère<br />

symbolique comme Jupiter (image de la dignité suprême), Minerve (sagesse intelligente), Hercule (force),<br />

Vénus (amour) et ainsi de suite. Voir Winkelmann’s Werke, II, p. 685: „[…] also Charaktere von der höchsten<br />

Art, oder allgemeine von der Kunst verkörperte Begriffe nennt man, zum Unterschiede von allgemeinen<br />

Allegorien, S y m b o l e.“<br />

376 Cf. à ce sujet également l’étude plus spécifique de Gérard Raulet et Burghart Schmidt: Kritische Theorie des<br />

Ornaments, Éd. Böhlau, Vienne, 1993. L’étude offre une vue globale sur le développement de l’ornement à<br />

travers les époques, comme étant le synonyme pour parerga, où la relation entre ergon et parerga est mise en<br />

évidence, et le parergonal devient le point de départ d’une considération à la fois philosophique et culturelle.


76<br />

de l’esthétique référentielle, Fernow érige ainsi, en conséquence, la valeur symbolique 377 en<br />

postulat majeur d’une création premièrement orientée vers l’idéal. 378 Or, la critique<br />

winckelmannienne de Fernow sera ensuite nuancée par la remarque qu’on ne pourrait pas lui<br />

reprocher de ne pas distinguer entre la symbolique, l’allégorie et la notion emblématique,<br />

étant donné que les champs de l’histoire de l’art ne sont pas encore explorés avec une justesse<br />

philosophique, 379 ce qu’il laisse par ailleurs aux auteurs suivants. 380 Vue dans l’ensemble,<br />

l’édition fernowienne représente alors moins le mémorium d’un personnage historique, mais<br />

plutôt le plaidoyer de son héritage intellectuel, ou, selon les termes de Fernow: Il n’a pas eu le<br />

bonheur de produire l’œuvre classique, qui l’aurait préservée pour son immortalité, sous une nouvelle forme<br />

plus achevée […] pour que sa perte irremplaçable reste d’autant plus perceptible pour la postérité. 381<br />

377<br />

Goethe: Über die Wahrheit und Wahrscheinlichkeit von Kunstwerken (1798), Weimarer Ausgabe, [WA], I,<br />

ps. 255-266, ici p. 261.<br />

378<br />

RS, I, p. 355: „Jede wirkliche Darstellung individualisiert notwendig das Allgemeine […] das Geheimnis des<br />

Künstlerischen besteht gerade darin, dass im Individuellen das Allgemeine nicht aufgehoben ist.“<br />

379<br />

Voir le commentaire de Fernow dans: Winckelmann’s Werke, II, p. 675 s.: „Hätte Winckelmann auf den<br />

Unterschied zwischen Symbolik, Allegorie und emblematischer Bezeichnung Rücksicht genommen, so würde<br />

wahrscheinlich die Eintheilung dieses Werkes und die Klassifikation der von ihm als Beispiele beigebrachten<br />

Kunstwerke anders ausgefallen sein. Aber wir dürfen ihm diesen Mangel nicht zum Vorwurfe machen, als auch<br />

jetzt diese verschiedenen Felder der Kunstdarstellung noch nicht gehörig gesondert, und ihre mannigfaltig<br />

ineinander laufenden Grenzlinien mit philosophischer Genauigkeit bestimmt sind.“<br />

380<br />

Ibid, p. 676: „Nur bemerken wir, dass der, welcher in der Folge eine wohlgeordnetes und gründliches<br />

Lehrbuch der Allegorie zu verfassen unternähme, diesen Zweck ohne eine genauere Unterscheidung und<br />

Bestimmung jener nahe verwandten und doch zugleich verschiedenen Begriffe, nicht wohl erreichen würde.“<br />

381<br />

WW, p. XL, s.: „Ihm ward nicht vergönnt das klassische Werk, welches vor allen seine Unsterblichkeit<br />

begründet, in erneuter vollkommnerer Gestalt herzustellen, damit sein unersetzlicher Verlust auch der Nachwelt<br />

um so fühlbarer bliebe.“ 381


77<br />

La critique de l’hétéronomie esthétique:<br />

La critique de l’art contemporain et l’esquisse d’un nouvel idéal d’artiste:<br />

Ludovico Ariosto ou Carstens versus Canova


78<br />

II. 1. L’Arioste de Fernow: «L’un des rares favoris des dieux»<br />

En tant qu’amateur d’art et collectionneur bibliophile, Fernow rapporte, dès son retour<br />

d’Italie, une collection considérable d’œuvres classiques italiennes, 382 qui devait finalement<br />

arriver à Weimar en 1804, au terme des mois d’odyssée par voie navale. 383 C’est précisément<br />

à cette époque-là que Fernow commence pour la première fois à s’intéresser intensément à la<br />

monographie d’artiste, et à en passer à l’écriture. Au départ, il projette la réédition de huit<br />

ouvrages en langue allemande portant sur la vie et l’œuvre des personnalités italiennes en art<br />

(Raphaël, le Titien, Leonardo de Vinci ainsi que Michel-Ange) et littérature (Dante,<br />

Pétrarque, le Tasse et Arioste). Or, ce projet littéraire ambitieux, qui devait comporter au total<br />

huit projets partiels ordonnés selon quatre complexes thématiques, et subdivisés en deux<br />

tétralogies, ne verra jamais le jour, tout comme le lexique étymologique des langues romanes<br />

qu’il avait prévu de rédiger. 384 Ainsi, l’œuvre consacrée à Dante reste en grande partie<br />

inachevée; celle au sujet de Torquato Tasso 385 n’a probablement jamais été commencée; les<br />

382 Dans une lettre adressée à Böttiger et écrite en août 1802, Fernow annonce son arrivée de la façon suivante:<br />

„Ich bringe mir eine etwa tausend Bände starke italienische Bibliothek mit, welche nebst den Schriftstellern<br />

dieser Nation auch die vorzüglichsten Werke zur Geschichte und Literatur dieses Landes enthält, die sich<br />

wahrscheinlich in Deutschland nicht so leicht finden wird“ (JS, p. 77). Ainsi, Goethe devait également avoir été<br />

au courant de l’immense collection de Fernow, probablement une raison de plus pour lui de convoquer<br />

l’émigrant italien Fernow au terme d’un séjour de neuf ans à Rome à Weimar; d’autant plus que les trésors<br />

littéraires de Fernow enrichissaient considérablement la collection des œuvres étrangères de la bibliothèque<br />

Anna Amalia. Voir au sujet de la bibliothèque de Fernow l’article de Lea Ritter-Santini: Tausend Bücher -<br />

Fernows Bibliothek, (VRW, ps. 114-129). Cf. au sujet du fonds fernowien à la bibliothèque Anna Amalia à cette<br />

époque: Catalog der Bibliothek des Hrn. Professors Fernow, gefertiget im Febr. und Maerz 1809, [HAAB, Loc.<br />

A. N. 5/6].<br />

383 L’odyssée aventureuse des livres de Fernow (en passant e. a. par Rome et Livourne, au havre de Tönning<br />

jusqu’à Weimar) dont les frais du voyage s’élèvent à environ 417 Taler, dure de l’été 1803 jusqu’au début de<br />

l’année 1804. Les mois d’attente mettent la patience de Fernow à dure épreuve, étant donné qu’il craigne par<br />

moments que ses «trésors littéraires […] étaient tombés dans les mains de pirates chrétiens» („literarischen<br />

Schätze […] christlichen Freibeutern zum Opfer gefallen“/(JS, p. 302), et ainsi, étaient perdus pour toujours.<br />

Déjà en juillet 1803, il confia à Böttiger ses peurs à ce propos: „Beten sie indessen mit mir zum Gott der Musen,<br />

daβ er meine literarischen Schätze in seine Obhut nähme“ (voir JS, p. 81).<br />

384 Fernow formule ce projet dans une lettre, datant de Weimar, le 10 février 1805, citée d’après JS, p. 335 s.:<br />

„[die lateinischen Termini in den romanischen Sprachen (italienisch, spanisch, portugiesisch, französisch)<br />

sollen] unter einem Gesichtspunkt, etymologisch unter ihre Stammwörter geordnet [ein] vollständiges Polyglott<br />

der von der Lateinischen abstammenden Töchtersprachen [ergeben].“ Fernow mentionne dans ce contexte<br />

également le projet d’une réédition des œuvres classiques chez la maison d’édition Cotta, dont il espère<br />

l’effacement de ses dettes.<br />

385 Fernow fut particulièrement fasciné par le poème de Torquato Tasso: «La Gerusalemme liberata.» De même,<br />

il est possible d’établir un parallèle entre l’art poétique d’Arioste et celui du Tasse, voir à ce sujet l’étude de


79<br />

éditions au sujet de Pétrarque 386 et la monographie de Ludovico Ariosto sont les seuls<br />

ouvrages qui se trouvent sous une forme finie. En ce qui concerne les techniques narratives de<br />

la mise en scène littéraire, on constate au premier abord qu’on retrouve dans son écriture<br />

monographique toujours la même structure formelle et de contenu. Ainsi il s’ensuit<br />

généralement, après une dédicace, un passage détaillé d’introduction (numéroté en lettres<br />

romaines), dans lequel il esquisse brièvement les buts qu’il envisage, en ce qu’il souhaite, par<br />

cet ouvrage, apporter au lecteur. La véritable monographie commence par une reconstruction<br />

minutieuse de la généalogie de la famille d’Arioste, dont les sources historiques utilisées sont<br />

décrites en détail à l’aide de nombreux renvois littéraires. 387 La biographie d’Arioste, quant à<br />

elle, est rapportée de façon très précise, l’auteur étant toujours soucieux de mettre en parallèle<br />

le parcours de l’homme et son activité littéraire. Ainsi, le lecteur découvre, au terme d’un<br />

chapitre d’introduction (numéroté en lettres arabes), la biographie de l’artiste, dans la<br />

tradition vasarienne, 388 depuis sa plus tendre enfance; ce faisant, Fernow attache une grande<br />

importance à l’authenticité littéraire. A part cela, il prête une attention particulière à la<br />

portraitisation individuelle de l’artiste en ayant recours au contexte sociologique. 389<br />

Intéressons-nous maintenant de manière beaucoup plus précise aux différents points que nous<br />

Lanfranco Caretti: Ariosto et Tasso, Turin, 1961. Au sujet de l’intérêt porté à la poésie d’Arioste et du Tasse<br />

dans le Mercure allemand, voir également l’étude de Peter Kofler: Ariost und Tasso in Wielands Merkur, Éd.<br />

Österreichischer Studien Verlag, Innsbruck, 1994, ainsi qu’Achim Aurnhammer: Torquato Tasso im deutschen<br />

Barock, (Frühe Neuzeit vol. 13), Éd. Niemeyer, Tübingen, 1994, et, idem: Torquato Tasso in Deutschland. Seine<br />

Wirkung in Literatur, Kunst und Musik seit der Mitte des 18. Jahrhunderts, (catalogue du musée de Goethe), Éd.<br />

Manutius, Heidelberg, 1995.<br />

386<br />

C. L. Fernow: Francesco Petrarca: Nebst d. Leben d. Dichters u. ausführl. Ausgabenverzeichnissen, Ludwig<br />

Hain (Éd.), Leipzig, 1818.<br />

387<br />

Dans l’annexe de l’œuvre on trouve au total deux cent seize annotations, que suivent un registre détaillé des<br />

œuvres d’Arioste, qui est subdivisé selon les catégories suivantes: I. L’Orlando Furioso II. Commedie III. Le<br />

Satire <strong>IV</strong>. Le Rime V. Erbolato VI. Poesie latine.<br />

388<br />

L’œuvre de Giorgio Vasari Vite de’più eccellenti pittori, scultori e architettori (1550-1568), parue pour la<br />

première fois en 1550 (en deuxième édition en 1568), passe pour le modèle littéraire du roman traditionnel<br />

d’artiste. Fernow possède aussi un exemplaire qui sera considéré par la suite comme ouvrage successif, Le vite<br />

de’ pittori, scultori, ed architetti moderni, co’loro riratti al naturale (1664) de Giovanni Pietro Bellori, en<br />

deuxième édition de l’œuvre romaine de 1728. En raison du transfert culturel France-Italie l’ouvrage contient<br />

indirectement les thèses ekphrastiques d’André Félibien, dont Fernow a ainsi probablement pris connaissance.<br />

Cf. Oskar Bätschmann: „Giovanni Pietro Belloris Bildbeschreibungen“, dans: Beschreibungskunst -<br />

Kunstbeschreibung. Ekphrasis von der Antike bis zur Gegenwart, Gottfried Boehm et Helmut Pfotenhauer (Éd.),<br />

Éd. Fink, Munich, 1995.<br />

389<br />

Cf. Daniel Lagoutte «La contribution de l’anthropologie», in: Introduction à l’histoire de l’art, Éd. Hachette,<br />

1997 (2001).


80<br />

venons d’énumérer, à l’aide des passages que nous avons choisis. Fernow place, en exergue<br />

de son Arioste, une dédicace 390 à laquelle il ajoute la remarque «honnêtement dévoué», 391 qui<br />

s’adresse à son mécène et employeur, Monsieur le conseiller de la cour Wieland à Weimar:<br />

A qui pourrais-je dédier la vie d’Ariosto avec plus de droit et de justesse qu’au poète de notre nation, qui a<br />

enlevé le premier la muse de l’epos romantique de sa patrie méridionale et qui, le premier, a transféré le ton<br />

épique à la fois léger et gracieux d’Ariosto, qui, jusque là, n’a jamais été atteint avec plus de justesse et de<br />

beauté? Il a su lui conférer un si beau son qui, jusque là, n’a guère été modifié, le chanteur immortel du Nouvel<br />

Amadis, d’Idris, d’Obéron et de beaucoup d’autres contes charmants: ainsi suis-je aussi tout à fait conscient du<br />

fait que ce travail ne peut que très peu et d’une manière insatisfaisante rendre justice à ce destin honorable. 392<br />

Et Fernow ne se contente nullement de porter des louanges à l’art poétique de Wieland, 393<br />

mais il fait par la suite l’éloge de sa personne, à l’instar d’un héros de l’Antiquité:<br />

Que la déesse de l’éternelle jeunesse couronne votre digne chef encore pendant longtemps avec les roses non<br />

fanées de la santé, en égayant le soir de votre vie glorieuse avec les jolies images d’un plus beau passé. 394<br />

Cette louange adressée au «poète de la nation» a certainement suscité la sympathie de<br />

l’éditeur du Teutsche Merkur. 395 De même, il demande de façon diplomatique à Wieland «une<br />

390 Voir Klaus Manger: Fernows literarische Formen, KAW, p. 68 s. Grâce à la diplomatie des dédicaces<br />

Fernow peut se construire un vaste réseau de contacts, auquel appartiennent e. a. Friederike Brun, Hirt, Genelli,<br />

Reinhart, Seume et Uhden.<br />

391 Cf. préface ARIOST: „ehrergiebigst zugeeignet.“<br />

392 Voir supra, ibid.: „Wem könnte ich das Leben Ariosto’s mit mêr Fug und Recht zueignen, als dem Dichter<br />

unserer Nazion, welcher zuerst die Muse des romantischen Epos ihrer südlichen Heimat entfürte, welcher zuerst<br />

den leichten, anmutigen Erzälungston Ariosto’s in einer von keinem andern mêr erreichten Volkommenheit und<br />

Schönheit in unsere Sprache übertrug, und ihr einen bis dahin kaum geänderten Wolklang zu entlocken wuste,<br />

dem unsterblichen Sänger des NEUEN AMADIS, des IDRIS, OBERON und so vieler anderer reizender<br />

Erzälungen und Märchen: wäre ich mir nicht zugleich lebhaft bewust, wie wenig diese geringe Arbeit einer so<br />

ehrenvollen Bestimmung genügend entspricht.“<br />

393 Cf. le commentaire de Fernow au sujet de la version allemande de J. D. Gries Lodovico Ariosto’s Rasender<br />

Roland (1804), dans: Jenaische Allgemeine Litteratur-Zeitung (1805), n° 27-29, tab. 227: „Unsere Sprache<br />

besitzt keine vollkommneren Muster für den erzählenden Ton des romantischen Epos, und dürfte so leicht auch<br />

wohl keines erhalten, welches die Leichtigkeit, die Anmuth, und das blühende Colorit Ariosts gelungener<br />

wiedergäbe, als Wielands Oberon und Idris, obgleich die in freyeren Stanzenformen, die dieser, in der Harmonie<br />

und anmuthigen Bewegung des gereimten Verses noch von keinem erreichte, Dichter seinem Genius und seiner<br />

Dichterlaune am angemessensten fand.“ De même, Fernow s’essaya comme réciteur des poèmes d’Arioste dans<br />

l’esprit des Improvisti, ce qui amusait les membres du cercle littéraire de Tiefurt et révele également les qualités<br />

de Fernow en tant que homme de compagnie, que Goethe lui-même estimait comme «inestimable»<br />

(„unschätzbar») «au sein de cette petite société ci-rassemblée» („die daselbst sich versammelnde Societät“).<br />

Voir également à ce sujet la lettre de Goethe adressée à Humboldt, datant du 30 juillet 1804, citée d’après<br />

l’édition weimarienne, quatrième section, vol. 17, Éd. Böhlau, 1895, p. 172.<br />

394 Ibid.: „Möge die Göttin ewiger Jugend noch lange Ihr ehrwürdiges Haupt mit unverwelklichen Rosen der<br />

Gesundheit umkränzen, und durch liebliche Bilder einer schöneren Vorzeit den Abend Ihres ruhmvollen Lebens<br />

erheitern!“


81<br />

réception indulgente», 396 quand il ose «mettre son honorable nom en exergue» 397 de son<br />

ouvrage, tout en exprimant son véritable vœu, à savoir de pouvoir aussi compter sur la<br />

«sympathie personnelle» 398 de son employeur et mécène pour le futur. De même, Fernow<br />

annonce clairement, dans la préface de son Arioste, ses motivations en tant que biographe.<br />

Ainsi revendique-t-il a priori dans son œuvre qui, d’après lui, «a été rédigée d’après les<br />

meilleures sources», 399 le statut de l’authenticité littéraire, ce qu’il cherche à légitimer par le<br />

fait de se concentrer principalement, en dehors des sources habituelles, sur les témoignages<br />

provenant de la famille d’Arioste 400 et d’autres documents historiques du même type. Dans ce<br />

contexte, il est aussi intéressant de voir que Fernow présente au lecteur, déjà dans la préface,<br />

les biographies des auteurs des œuvres précédentes consacrées à Arioste, et que, ce faisant, il<br />

examine scrupuleusement leurs compétences en tant qu’historiens. Tout d’abord, il constate<br />

qu’ «aucun parmi les hommes nommés n’était tout à fait contemporain de notre poète», 401 ce<br />

qui implique également qu’il ne puisse y avoir en aucun cas une historiographie synchrone, ce<br />

qui met en doute l’authenticité des biographes en question. En règle générale, Fernow opère,<br />

par rapport à la bibliographie critique, une distinction entre les écrivains anciens 402 comme<br />

395<br />

Pour plus d’informations concernant l’histoire de la réception et le spectre d’action du Mercure allemand cf.<br />

l’étude de Andrea Heinz (Éd.): Der Teutsche Merkur - die erste deutsche Kulturzeitschrift?, (Ereignis Weimar-<br />

Jena. Kultur um 1800: Ästhetische Forschungen“, vol. 2), Éd. Winter, Heidelberg, 2003.<br />

396<br />

Ibid. ss.: „nachsichtsvolle Aufnahme.“<br />

397<br />

Ibid.: „verehrten Namen.“<br />

398<br />

Ibid.: „persönliche[s] Wohlwollen.“ Fernow rédigea comme correspondant allemand de ce dernier un certain<br />

nombre d’articles pour le Mercure allemand, dont Wieland fut le directeur et qui l’invita aux salons littéraires de<br />

Tiefurt, où Fernow fit également la connaissance du gendre de Wieland, l’éditeur Gessner, qui l’aida à publier le<br />

Canova en 1806. De même, il s’essaya comme son peintre-portraitiste, dont témoignent les propos suivants de<br />

Wieland, issus de sa correspondance avec le philosophe Karl Leonhard Reinhold, qui fut également le professeur<br />

de Fernow, datée 28 septembre 1793: „[…] H. Fernow verlangt mein altes runzlichtes Angesicht noch eine g a n<br />

z e S t u n d e lang zu sehen. Tant pis pour lui! Hingegen wird das Bild, das er nach selbigem zu zeichnen<br />

angefangen hat allerdings dabey [sic] gewinnen.“ Voir Wielands Briefwechsel, op. cit. Le portrait en question<br />

n’y figure pas (voir le commentaire de Klaus Gerlach). C’est cet hommage à Wieland que Johann Gottlieb Karl<br />

Nauwerck a dû avoir présent à l’esprit quand il désigne Fernow comme adepte de la philosophie aristipienne<br />

(„Adepten der aristippischen Lebensweisheit“, voir l’article de Fritz Fink: Carl Ludwig Fernow - Der<br />

Bibliothekar der Herzogin Anna Amalia, Éd. Fink, Weimar, 1934, p. 40 et cf. également JS, p. 44.<br />

399<br />

ARIOST, voir l’appel du titre: „nach den besten Quellen verfasst.“<br />

400<br />

Comme les témoignages de son frère Gabriele et de son fils Virginio etc.<br />

401<br />

Ibid., p. XV: „keiner der genanten Männer […] völlig gleichzeitigen Geschlechts mit unserm Dichter [war].“<br />

402 A savoir les écrivains avant le XVI ème siècle.


82<br />

Pigna, 403 Fornari 404 et Garofalo, 405 et Mazzucchelli, 406 ainsi que les écrivains postérieurs, 407<br />

tels que Barotti, 408 Frizzi 409 et Tiraboschi. 410 D’après l’évaluation de Fernow, ni les<br />

représentants du premier groupe, ni ceux du deuxième ne rendent tout à fait justice au postulat<br />

de la représentation authentique. Sa critique se réfère surtout à la précision insuffisante, qu’il<br />

constate surtout par rapport aux auteurs anciens:<br />

Ces trois biographies plus anciennes d’Arioste ont non seulement en commun un manque de précision<br />

considérable, mais aussi le défaut que la plupart des faits ci-énoncés ne sont pas définis en détail et que le récit<br />

ne respecte pas avec justesse la suite temporelle des événements; c’est pour cette raison que beaucoup de choses<br />

dans leurs récits restent obscures et inconnues, même si, au fond, les faits y sont énoncés avec justesse. 411<br />

Par la suite, Fernow déduit, de par cette constatation, sa propre légitimation en tant que<br />

‘biographe authentique’, qui, à la différence des anciens comme des plus récents biographes<br />

d’Arioste, cherche à présenter au lecteur surtout l’individualité artistique, à savoir le<br />

„caractère humain du poète“, 412 en faisant également la lumière sur l’entourage social, c’est-<br />

à-dire les «circonstances de vie de ces poètes», 413 car, d’après sa conviction «sans la<br />

connaissance de celles-ci plusieurs passages dans leurs œuvres ne pouvaient être compris et<br />

expliqués avec justesse.» 414 A part cela, Fernow met un accent majeur sur la considération des<br />

œuvres en elles-mêmes, qui, selon sa conception, reflètent le mieux l’introspection du poète:<br />

La source la plus sûre et particulièrement riche en détails concernant la vie intérieure du poète (reflétant son<br />

403<br />

ARIOST, p. XVIII.<br />

404<br />

Ibid., XIX s.<br />

405<br />

Ibid.<br />

406<br />

Ibid., XXII.<br />

407<br />

Ibid., XXI.<br />

408<br />

Ibid., XXIII.<br />

409<br />

Ibid., s.<br />

410<br />

Ibid., XXV.<br />

411<br />

Ibid. XXI.<br />

412<br />

Ibid, p. XI: „menschlichen Karakter des Dichters.“<br />

413<br />

Ibid.: „die Lebensumstände jener Dichter.“<br />

414<br />

Ibid., p. X: „[…] one die Kenntnis derselben, merere Stellen in ihren Werken nicht gehörig verstanden und<br />

richtig erklärt werden konten.“


83<br />

caractère, sa pensée, ses circonstances de vie, ses talents et ses désirs) sont indubitablement les œuvres en elles-<br />

mêmes. 415<br />

Ce qui est intéressant, c’est que cette focalisation sur la psyché de l’artiste dans le contexte de<br />

ses œuvres sera également développée au XX ème siècle par les études de Ernst Kris 416 et Otto<br />

Kurz, 417 qui, succédant à Freud, démontrent dans leurs études non seulement les liens entre la<br />

psychose et le génie artistique, mais recensent également de manière critique la création d’un<br />

mythe artistique dans la littérature. En l’occurrence, Ernst Gombrich 418 va, se fondant sur les<br />

études de Kris, formuler par la suite la théorie de la régression, d’après laquelle le<br />

primitivisme des formes expressives en art est dû à la psychose des temps modernes. Suivant<br />

une logique similaire, mais de façon moins drastique, Fernow veut avant tout présenter au<br />

lecteur le parcours de l’artiste, aussi à l’égard de la genèse de ses œuvres:<br />

Je me suis volontairement soustrait à ce genre de recherches; car qu’est-ce qui pourrait être plus attirant et plus<br />

enrichissant que de s’intéresser à l’évolution de la formation d’esprits exceptionnels; et bientôt ceux-ci m’ont fait<br />

un si grand effet que je suis allé plus loin que l’aboutissement à de telles fins l’aurait requis. 419<br />

De même, Fernow cherche, par le biais de la monographie d’Arioste, à montrer au lecteur la<br />

corrélation existante entre l’esprit humain et le génie divin, à l’égard du disegno interno: 420<br />

Lorsque dans la force la plus miraculeuse et la plus irrationnelle de l’esprit humain l’apparition du divin est<br />

admise au sens exact, il faut admettre que les Italiens, en ce qui concerne sa reconnaissance, ont été plus sévères<br />

que trop généreux envers leurs grands poètes et artistes, mais en même temps, extrêmement justes. 421<br />

415<br />

Ibid., X<strong>IV</strong>: „Die zuverläβsigste und besonders für des Dichters inneres Leben, für seine Gesinnung, seine<br />

Denkweise über viele Angelegenheiten des Lebens, für seine Neigungen und Wünsche wichtige, und<br />

reichhaltigste Quelle sind unstreitig dessen Werke selbst […].“<br />

416<br />

Ernst Kris: „Die Charakterköpfe des Franz Xaver Messerschmidt - Versuch einer historischen und<br />

psychologischen Deutung“, dans: Jahrbuch der Kunsthistorischen Sammlungen in Wien, nouvelle série, vol. VI,<br />

Wien 1932, ps. 169-228, idem: „Ein geisteskranker Bildhauer…“, dans: Imago, vol. XIX, Vienne, 1933.<br />

417<br />

Ernst Kris, Otto Kurz: Die Legende vom Künstler: ein geschichtlicher Versuch, Éd. Krystall, Vienne, 1934,<br />

paru en édition élargie avec une préface de E. H. Gombrich, en traduction allemande: Éd. Suhrkamp,<br />

Francfort/M., 1980.<br />

418<br />

Ernst Gombrich: Art and Illusion. A Study in the Psychology of Pictorial Representation, Éd. University<br />

Press, Princeton, 1972.<br />

419<br />

ARIOST, p. XI: „Gern unterzog ich mich diesen Forschungen; denn was kann anziehender und lehrreicher<br />

sein, als dem Entwickelungs- und Bildungsgange auβserordentlicher Geister nachzuspüren; und bald gewannen<br />

sie so groβsen Reiz für mich, dass ich darin weiter ging als das Bedürfnis jener Zwecke forderte.“<br />

420<br />

Vasari fut le premier à distinguer le disegno esterno du disegno interno, en insistant sur l’aspect extérieur<br />

(l’aspect extérieur d’un tableau) et intérieur (comme reflet de la vie intérieure de l’artiste) d’une œuvre d’art.


84<br />

Cette glorification de la création humaine comme apparition du divin est un moment récurrent<br />

dans l’écriture monographique et correspond parfaitement à la conception classique d’Idéa,<br />

qui est traditionnellement attribuée au sculpteur Phidias. 422 La réception italienne de l’art de la<br />

Renaissance, à laquelle Fernow fait ici manifestement allusion, illustre par contre la quête<br />

d’un art national et, liée à cela, l’emphase de la personnalité d’artiste, un phénomène que<br />

Hegel interprète comme étant un principe logique de l’histoire des idées et que Jacob<br />

Burckhardt 423 thématise à l’exemple de l’imperium romanum. La réflexion d’André Chastel 424<br />

va dans une direction similaire; l’histoire de l’art a pour lui premièrement pour fonction, de<br />

par la caractérisation d’un art national, de mettre en relief la particularité d’un pays, et, ce<br />

faisant, de consolider le sentiment d’appartenance nationale. A l’opposé, Fernow ne met<br />

qu’un accent en marge sur l’emphase de la personnalité d’artiste et la valorisation de l’art<br />

national, mais insiste surtout sur la genèse d’artiste, ce qu’illustre son œuvre dédiée à Arioste.<br />

Ainsi, l’historien Fernow s’insère parfaitement dans la lignée herdérienne 425 du changement<br />

de la perception 426 de son temps, car il insiste moins sur la simple énumération des<br />

événements historiques, en mettant plutôt l’accent sur la synthèse qui en résulte, à savoir la<br />

philosophie de l’histoire. 427 En ce qui concerne la deuxième ambition de Fernow en tant<br />

421 Ibid., p. XXXII: „Wenn also in dem wunderbarsten und unbegreiflichsten Wirken des menschlichen Geistes<br />

die Erscheinung des Götlichen überhaupt zugegeben wird, so mus man gestehen, dass die Italiäner, in der<br />

Anerkennung desselben, gegen ihre grosen Dichter und Künstler vielmer zu strenge als zu freigebig, aber<br />

zugleich höchst gerecht, gewesen sind.“<br />

422 Cf. Karl-Heinz Simon et Martin Pfänder: Polyklet und Phidias: von Helden aus Marmor und Bronze,<br />

(Zeitreise durch die Kunstgeschichte), Éd. Klett, Stuttgart, Düsseldorf, Leipzig, 1999.<br />

423 Jacob Burckhardt: Zivilisation in der italienischen Renaissance, 1860.<br />

424 André Chastel: Introduction à l’histoire de l’art français, Flammarion, (coll. Champs), Paris, 1993.<br />

425 Il convient ici également de noter ici qu’entre Fernow et Herder, il y a eu un contact personnel au sein du<br />

cercle littéraire regroupé autour de la duchesse Anna Amalia (cf. le commentaire de Fernow au sujet de ceux<br />

qu’il appelle les «prêtres muses» et «hôtes de maison» („Musenpriestern“ et „Hausgenossen“) dont parmi eux<br />

„[…] Wieland, Göthe, Herder, Schiller“, cité selon JS, p. 325).<br />

426 Au sujet de la notion du changement de perception (Wahrnehmungswandel), voir l’étude détaillée de Klaus<br />

Manger: Das Ereignis Weimar-Jena aus literaturwissenschaftlicher Sicht, (Sächsische Akademie der<br />

Wissenschaften), vol. 139/cahier 5, Éd. S. Hirzel, Stuttgart/Leipzig, 2005, p. 12.<br />

427 Cf. Concernant la fonction de la philosophie de l’histoire chez Herder, voir les études de Ralf Simon:<br />

Das Gedächtnis der Interpretation. Gedächtnistheorie als Fundament für Hermeneutik, Ästhetik und<br />

Interpretation bei Johann Gottfried Herder, Éd. Meiner, Hamburg 1998, ainsi que celle de Franz-Josef Deiters:<br />

„…über einem Brette, auf offnem allweiten Meere…Johann Gottfried Herders Konzept der Dichtung als<br />

Medium der kulturellen Identität und das Problem einer Hermeneutischen Kulturanthropologie“, in: Estudios<br />

Filológicos Alemanes, n° 8, Fernando Magallanes Latas (Éd.), Sevilla, 2005, ps. 155-168.


85<br />

qu’auteur, à savoir celle de l’individualisation, on peut constater que celle-ci se présente en<br />

association avec la tendance humaniste se manifestant alors dans l’écriture historique: ainsi,<br />

ce n’est plus l’historicité de manière isolée comme pure évaluation des événements<br />

historiques, mais plutôt la présentation de l’individu, à savoir «l’homme entier» 428 et «l’esprit<br />

nu», 429 dans son opposition entre nature et culture, 430 qui seront désormais au centre d’une<br />

analyse historique, 431 anthropologique 432 et encyclopédique. 433 Cela est en premier lieu dû à<br />

l’évolution de l’anthropologie comme science indépendante basée sur la nature dualiste de<br />

l’homme (homo/animal), qui est en même temps à focaliser comme réponse à la scission<br />

cartésienne de l’homme en res cogitans et res extensa. La véritable origine de la philosophia<br />

anthropologica se trouve déjà dans les tendances des Lumières, comme par exemple la<br />

naturalisation, sensualisation et psychologisation de l’homme, qui a sans doute préparé le<br />

chemin à une exploration physio-médicale. Dans le domaine des beaux-arts, des réflexions<br />

anthropologiques jouent également un rôle important, aussi à l’égard des débuts de<br />

l’esthétique autonome à cette époque, qui seront surtout conditionnés par les discours de<br />

l’anthropologie littéraire (exempla anthropologica). Dans ce contexte, la pensée humaniste 434<br />

de Herder s’avère en contrepartie comme étant décisive pour la métaschématisation graduelle<br />

428 Cf. Der ganze Mensch - Anthropologie und Literatur im 18. Jahrhundert, DFG-Symposium, Hans Jürgen<br />

Schings (Éd.), Éd. Metzler, Stuttgart/Weimar, 1992.<br />

429 Hans et Mickaël Eysenck: «L’esprit nu», in : Mercure de France, Paris, 1981.<br />

430 Daniel Lagoutte: «La contribution de l’anthropologie», dans: Introduction à l’histoire de l’art, ps. 42-50, Éd.<br />

Hachette, 1997 (2001), ici p. 43: «Derrière chaque artiste, et indépendamment de lui, il y a d’abord un homme.<br />

C’est lui que l’anthropologue, celui qui étudie l’ensemble des conduites humaines, interroge d’abord.<br />

L’anthropologie traite essentiellement de l’opposition nature/culture.»<br />

431 Voir, pour ce qui est de la Individualsemantik dans le contexte du tournant historique qui survient dans<br />

l’écriture biographique l’étude de Helmut Scheuer: Biographie. Studien und Funktion und zum Wandel einer<br />

literarischen Gattung vom 18. Jahrhundert bis zur Gegenwart, Éd. Metzler, Stuttgart, 1979.<br />

432 Voir note n° 431, ibid., p. 49: «[…] il est évident que chaque homme est une totalité bio-psycho-sociologique.<br />

L’homme est un être culturel par nature parce qu’il est un être naturel par culture» (Edgar Morin).<br />

433 Ulrich Schulz-Buschhaus: „Bourget und die ‘multiplicité du moi’“, dans: Die Modernisierung des Ich.<br />

Studien zur Subjektkonstitution in der Vor- und Frühmoderne, Manfred Pfister (Éd.), Éd. Rothe, Passau, 1989,<br />

ps. 53-63.<br />

434 Fernow professe ailleurs sa foi profonde en l’humanité („feste[n] Glaube[n] an Humanität in der<br />

Menschheit“, RS, III, préface). Cf. les lettres herdériennes: Briefe zur Beförderung der Humanität [10<br />

collections, (1791-1797)] qui auraient pu inspirer cette confession d’humanité, cf. la citation de Herder:<br />

„Betrachten wir die Menschheit, wie wir sie kennen, nach den Gesetzen, die in ihr liegen, so kennen wir nichts<br />

Höheres, als Humanität im Menschen; denn selbst wenn wir uns Engel oder Götter denken, denken wir sie uns<br />

nur als idealistische, höhere Menschen.“ Cf. également l’étude de Michael Zaremba: Johann Gottfried Herder -<br />

Prediger der Humanität, 2002.


86<br />

de l’individu. 435 Cependant, il faut également relever le fait que Herder, à l’opposé de Fernow,<br />

ne considère pas l’art comme le privilège de quelques esprits fortunés (bevorzugter Geister),<br />

mais plutôt comme un don à la fois mondial et propre aux peuples (Welt- und Völkergabe). A<br />

part cela, on peut également, suivant cette logique de la pensée humaniste, faire un<br />

rapprochement entre l’Orlando d’Arioste, l’Obéron de Wieland et l’Arioste de Fernow à<br />

l’échelle de l’histoire des idées. Étant donné que l’épopée chevaleresque, l’epos en vers<br />

romantique et la monographie d’artiste dite ‘moderne’ ont en commun le fait qu’on retrouve<br />

au centre de la présentation biocursive un protagoniste disposant des facultés supra-humaines.<br />

Cette référence transcendantale est, dans le premier cas, le monde post-médiévale des sagas,<br />

pour ce qui est du second, l’univers romantique du merveilleux et, quant au troisième, l’espace<br />

utopique classique de l’Antiquité. Georges Dumézil part d’une réflexion analogue, d’après<br />

laquelle le ‘mythe du génie’ trouve d’une manière générale son application dans le contexte<br />

militaire, religieux et artistique, de sorte que les délimitations entre le héros, le missionnaire<br />

et le génie se dissolvent, étant donné que tous ces personnages dépassent leur contingence<br />

existentielle pour accéder à la sphère transcendante. A partir de cette double perspective, à la<br />

fois authentique et individuelle, l’œuvre de Fernow portant sur Arioste illustre ainsi non<br />

seulement le développement du genre littéraire de la biographie d’artiste après Vasari, 436<br />

mais encore le changement de paradigme ‘individualiste’ dans la littérature des ‘Vite’, 437 allant<br />

de pair avec la recherche de l’anthropologisation littéraire 438 et la visualisation définie par<br />

435 D’après la théorie herdérienne, l’homme est déjà ‘métaschématisé’ de par sa perception psycho-empirique;<br />

voir à ce sujet les études en question qui anticipent, de manière frappante, la Gestalttheorie moderne (cf. W.<br />

Köhler, Psychologie der Form, 1929). Dans le même sillage, Schiller prend manifestement le contrepied de la<br />

théorie de la connaissance de Kant, voir la Metakritik zur Kritik der reinen Vernunft et Kalligone [Éd.<br />

Hartknoch, Leipzig, 1799 et 1800]. Cf. à ce sujet également W. Köhler, Psychologie der Form, Éd. Bergmann,<br />

Munich, 1929.<br />

436 Cf. Hans-Martin Kruckis: „Biographie als literaturwissenschaftliche Darstellungsform im 19. Jahrhundert“,<br />

dans: Wissenschaftsgeschichte der Germanistik im 19. Jahrhundert, Jürgen Fohrmann et Wilhelm Voβkamp<br />

(Éd.), Éd. Metzler, Stuttgart & Weimar, 1994.<br />

437 Pour ce qui est la genèse du genre littéraire de la biographie d’artiste dans l’espace germanophone, voir<br />

l’étude de Karin Hellwig: Von der Vita zur Künstlerbiographie, Éd. Akademie Verlag, Berlin, 2005.<br />

438 Cf. Helmut Pfotenhauer: Literarische Anthropologie. Selbstbiographien und ihre Geschichte - am Leitfaden<br />

des Leibes, (Germanistische Abhandlungen n° 62), Éd. Metzler, Stuttgart, 1987.


87<br />

Erwin Panofsky 439 de l’artiste en tant qu’homme. Dans ce contexte, Jean Clair relève<br />

également la question, de savoir dans quelle mesure la genèse de l’histoire de l’art peut être<br />

considérée comme l’histoire des idées, à savoir le „point de vue anthropographique“<br />

comparaison ethnographique des cultures, qui se situe, du point de vue scientifique, entre<br />

l’herméneutique et la psychanalyse. Dans ce contexte, il constate, entre autres, que celle-ci<br />

reflète l’histoire de l’homme, et pas seulement celle d’un développement formel, et de par<br />

cela, doit être vue dans le contexte de l’histoire des sciences et du progrès technique.<br />

Cette recherche d’un déchiffrement rationnel de l’art herméneutique universel, 440 est<br />

également à mettre en perspective en étroite corrélation avec le souci scientifique d’un<br />

décodage empirique de l’homme dans son entité, 441 qu’il cherche d’ailleurs à réaliser sur le<br />

plan littéraire. Ut homo rerum natura ou scientia poetica: 442 l’objet est désormais la<br />

représentation de l’homme lui-même, à l’égard des circonstances extérieures, comme l’illustre<br />

également le personnage d’Orlando dans le Roland furieux:<br />

Son grand poème captive le lecteur par cette richesse infinie de vie, qui s’impose de façon complexe au regard<br />

du lecteur, de manière qu’il se perde dans le labyrinthe des événements en constant changement, qui, comme le<br />

fil d’un textile artistique, se rejoignent dans une diversité bariolée. Stupéfié, il regarde ainsi le génie géant, qui a<br />

su donner naissance à un tel monde, en représentant, comme s’il se livrait à un jeu léger, dans l’ordre un sujet<br />

énorme recouvrant mille étoffes à une entité artistique, dont le contenu et la dimension perturbent même le<br />

439 Erwin Panofsky: Meaning in the Visual Arts, Doubleday, New York, 1955 et Jean Clair: Méduse,<br />

(Connaissance de l’inconscient), Gallimard, Paris, 1989. Quant à l’élaboration successive de l’herméneutique au<br />

sens d’une «anthropologie du visuel», à partir de la metapsychologie freudienne et la somatique, cf. l’étude de<br />

Rosalind Kraus: The Optical Unconscious, The MIT Press, New York, 1993. Voir également Georges Didi-<br />

Huberman: Devant l’image - Questions posées aux fins d’une histoire de l’art, Éditions de minuit, Paris, 1990,<br />

ps. 219 s.: «Au modèle ordinaire de visibilité auquel l’historien se sacrifie le plus spontanément, nous avons<br />

tenté de substituer une exigence de nature plus anthropologique, une exigence que nous abordons à travers le<br />

terme de visuel.»<br />

440 Ruth Peter: Hermeneutica universalis. Die Entfaltung der historisch-kritischen Vernunft im frühen 18.<br />

Jahrhundert, (Frankfurter Hochschulschriften zur Sprachtheorie und Literaturästhetik, vol. 12), Éd. Lang,<br />

Francfort/M., 2002.<br />

441 Cf. le commentaire fictif de Goethe attribué au philosophe dans Le collectionneur et les siens, qui se réfère à<br />

Schiller: „Aber der Mensch ist nicht bloβ ein denkendes, er ist zugleich ein empfindendes Wesen. Er ist ein<br />

Ganzes, eine Einheit vielfacher, innig verbundender Kräfte und zu diesem Ganzen des Menschen muβ das<br />

Kunstwerk reden, es muβ dieser reichen Einheit, dieser einigen Mannigfaltigkeit in ihm entsprechen.“<br />

442 Cf. Norbert Elsner et Werner Frick (Éd.): Scientia poetica - Literatur und Naturwissenschaft, Éd. Wallstein,<br />

Göttingen, 2004. L’étude a pour objet de démontrer comment l’antagonisme entre les sciences naturelles et<br />

humaines formulé par J. P. Snow s’applique aussi à la littérature.


88<br />

regard le plus scrutateur et le plus complexe. C’est ici que se révèle l’artiste, de par la grandeur de sa création,<br />

comme un être surhumain. 443<br />

Il est intéressant que cette thématique renvoie également à la dix-neuvième lettre de Schiller<br />

sur l’esthétique, dans laquelle on trouve une métaphore similaire, à la différence que Fernow<br />

remplace l’univers schillérien des apparitions 444 par celui des événements changeants.<br />

D’après lui, le génie d’Arioste se manifeste non seulement dans la légèreté de jeu<br />

caractérisant son écriture, mais également par rapport à la diversité idéelle, qui, malgré la<br />

richesse en facettes, laisse transparaître une unité littéraire de l’ensemble. On pensera<br />

notamment à la technique du décousu de Diderot dans son œuvre Le rêve d’Alembert, qui<br />

excelle par l’enchaînement arbitraire des transitions, à la fois rapides et légères, au cours<br />

d’une conversation ou d’une correspondance littéraire. De même, Yves Belaval 445 voit dans<br />

cette construction de toute évidence spontanée, mais pourtant bien réfléchie, non seulement la<br />

preuve pour le savoir-faire littéraire de Diderot et l’illustration de son enthousiasme artistique,<br />

mais également la preuve de son véritable génie. Fernow aspire également à cette unité dans<br />

la diversité dans le corpus littéraire, même s’il reste toujours fidèle au fil rouge dans sa<br />

narration, à la fois à l’égard chronologique et topologique. Mais pourtant, ce serait sous-<br />

estimer l’œuvre de Fernow, que de réduire son contenu à la simple genèse du génie classique,<br />

étant donné que Fernow rend tout à fait justice à ces deux postulats en tant qu’auteur critique:<br />

c’est la revendication de l’authenticité littéraire, d’un côté, et la volonté de la mise en scène de<br />

l’individualité artistique, de l’autre. Vu sous cet aspect, il paraît aussi moins hyperbolique de<br />

constater que Fernow réussit à réaliser, au niveau littéraire, quelque chose de comparable à ce<br />

443 ARIOST, p. XII s.<br />

444 AW, p. 102.<br />

445 Yves Belaval in Encyclopédie universalis, version Cd-Rom, 2005: «C'est le décousu de la conversation avec<br />

ses ‘liaisons rapides et légères’, soit dans un groupe, soit cette conversation imite la conversation; cet<br />

enthousiasme s’écoute. Ce décousu exige une grande maîtrise, et la maîtrise nous renvoie toujours à l'unité de<br />

quelque pensée forte. Il suffit de se laisser aller à ces sortes de rêve: un d'Alembert y engendre toujours un<br />

monde à partir du chaos.» Cf. à ce sujet les études de Yves Belaval: L'Esthétique sans paradoxe de Diderot, Éd.<br />

Armand Colin, Paris, 1950, et par ailleurs Jacques Chouillet: La Formation des idées esthétiques de Diderot, Éd.<br />

Gallimard, Paris, 1973, et: Diderot. Poète de l'énergie , Éd. PUF, Paris, 1984.


89<br />

qu’il admire chez son idole: la multiperspectivité ou la plurifocalité de la présentation, non<br />

seulement vue sous la forme d’une anthologie poétique, mais également comme<br />

agglomération épique, qui se joint, malgré l’hétérogénéité des parties, à une entité homogène.<br />

Si Fernow insère ainsi Arioste à la fin de son ouvrage parmi les favoris des dieux, non<br />

seulement le titre en ajout «Le divin» 446 s’explique, mais également le cercle des poetae<br />

laureatae se clot: Wieland et Arioste sont éternisés comme pairs dans l’Olympe littéraire de<br />

Fernow, en servant quasiment de modèle à la genèse de génie de Carstens, comme nous allons<br />

le voir dans le chapitre suivant.<br />

446 Cf. ARIOST, titre.


90<br />

II. 2. Asmus Jakob Carstens: «Le génie né pour les beaux-arts»<br />

Tout d’abord, on remarque que l’ouvrage de Fernow dédié à La vie et l’œuvre d’Asmus Jakob<br />

Carstens suscite, dès sa première parution en 1806, aussi de l’intérêt en France, car le premier<br />

chapitre apparaît en traduction française déjà en 1808, dans le journal artistique intitulé<br />

Magasin encyclopédique de l’éditeur Louis-Aubin Millin de Grandmaison, 447 qui est réputé<br />

comme germanophil et ami proche de Baggesen. 448 Cette circonstance est peut-être en partie<br />

déductible au postulat original de l’auteur, qui revendique dans son œuvre, entre autres, une<br />

authenticité parfaite dans la représentation biographique, étant donné qu’il peut se faire<br />

prévaloir «de plusieurs années vécues en confidence avec celui-ci», à côté de nombreux<br />

propos qu’il prétend pouvoir rapporter «de sa propre bouche» (XIII). Ainsi, Fernow<br />

représente quasiment un intermédiaire en tant que porte-parole fictif de Carstens, 449 à qui il<br />

fait raconter à la première personne une partie de la description de sa propre vie, depuis sa<br />

formation précoce jusqu’à son retour du voyage en Italie. En l’occurrence, le véritable centre<br />

d’intérêt de l’œuvre réside non pas dans la biographie de l’artiste, mais plutôt dans la genèse<br />

d’artiste «comme celui-ci est devenu ce qu’il est devenu.» Dans la préface, Fernow esquisse<br />

ainsi sa conception du vrai génie, dont il voit l’épanouissement créatif surtout conditionné par<br />

des facteurs extérieurs, d’ordre socio-économique comme socioculturel, qui peuvent s’avérer<br />

à la fois comme étant propices ou défavorables à la formation de son talent:<br />

447 Fernow: Leben des Künstlers Asmus Jakob Carstens, ein Beitrag zur Kunstgeschichte des achtzehnten<br />

Jahrhunderts, Éd. Hartknoch, Leipzig, 1806.<br />

448 Voir à ce sujet Geneviève Espagne et Bénédicte Savoy (Éd.): Aubin-Louis Millin et l'Allemagne. Le Magasin<br />

encyclopédique - Les lettres à Karl August Böttiger, Série Europaea Memoria (Studien und Texte zur Geschichte<br />

der europäischen Ideen, n° 41), Éd. Olms/Weidmannsche Verlagsbuchhandlung, Hildesheim, 2005.<br />

449 Cf. Joachim Rees: „Jenseits des vielfach beschworenen freundschaftlichen Verhältnisses zeigt sich doch auch<br />

eine agonale Struktur, die dem eloquenten Kritiker die Definitionsmacht über den ‘stummen Künstler’ einräumt.<br />

Wenn der Biograph dem Künstler buchstäblich seine Worte in den Mund legt, und diese seitenweise in<br />

wörtlicher Rede berichten lässt, was doch genuine Stoffgestaltung des Autor ist, so ist dies jenseits aller<br />

Vitentopik auch ein Schritt zur ‘Fiktionalisierung’ des Künstlers.“ Voir la h-net review, à consulter sur:<br />

http://www.hnet.org/reviews/showrev.cgi?path 99941045849201, (H-Arthist/update: juillet 2002/ consultée le<br />

14. 03. 2009).


91<br />

La vraie vie d’artiste consiste dans la formation de ses dons et dans l’exercice de son talent. Les circonstances<br />

extérieures qui l’accompagnent ne sont bizarres que dans la mesure où elles empêchent ou favorisent le<br />

développement de ces facultés, qui ont donné au génie telle ou telle direction, par laquelle le caractère bizarre de<br />

ses œuvres, comme produit uni de son talent inné et de sa formation, a aussi été défini en grande partie. 450<br />

D’après cette définition de la spécificité artistique comme «produit unie du talent et de la<br />

formation», Fernow démontre à partir d’une considération historique, que ce sont uniquement<br />

des artistes d’exception qui ont trouvé une entrée dans l’histoire de l’art. 451 Suivant son<br />

raisonnement, le vrai génie reposerait principalement sur la spécificité du caractère ou la<br />

«finalité supérieure ou subordonnée de l’art.» Cela signifie notamment une prise de distance<br />

de l’esthétique d’imitation au sens de l’esthétique de production moderne. 452 Dans l’œuvre<br />

d’art autonome (=lieu de la pure visibilité), la vérité extérieure (réalité) est ainsi relayée par la<br />

vérité intérieure (vérité de l’artiste=sujet à l’origine de la perception). Fernow se prononce à<br />

maintes reprises contre la «pure imitation de l’habituel et du réel», 453 en faveur de la<br />

«véritable originalité.» 454 Dans ce contexte, il déplore par la suite le fait que beaucoup<br />

d’artistes qui, selon lui, n’ont «rien produit d’exceptionnel» (VII) aient trouvé leur entrée dans<br />

l’histoire de l’art, ce qu’il déduit de la circonstance que ceux-ci appartenaient à des académies<br />

de l’art, ces «instituts de serre artificiels de luxure et de pompe» (VIII), qui, comme il le<br />

450 CARSTENS, p. V, s.: „Das wahre Leben eines Künstlers besteht in der Ausbildung seiner Anlagen und in der<br />

Ausübung seines Talents. Die äusseren Umstände, die es begleiten sind nur in sofern bedeutend und merkwürdig,<br />

als sie auf die Enwickelung seines Vermögens hindernd oder fördernd einwirkten, als sie seinem Genius dies<br />

oder jene Richtung gaben, durch welche der eigenthümliche Karakter seiner Werke, als vereintes Erzeugnis der<br />

Naturanlage und Bildung, groβsentheils mitbestimmt.“<br />

451 Ibid., p. VII: „Da nun in der Kunstgeschichte nur das wissenswürdig ist, was irgend einen für ihre<br />

theoretische und praktische, ihre technische und ästhetische Entwickelung und Fortbildung fruchtbar gewesen<br />

ist, was sie richtig geleitet oder irre geführt hat: so kann auch nur solcher Künstler Leben der Geschichte<br />

angehören, welche durch eine ausgezeichnete Eigenthümlichkeit der Anlagen, oder durch eine hohe Stufe der<br />

Ausbildung irgend eines Theils der Kunst, oder durch eine besondere Richtung des Geschmaks, ihre<br />

Selbstständigkeit an den Tag gelegt, und so auf irgend eine Weise, sei es durch Hervorbringung vorzüglicher<br />

Werke oder durch Einführung einer besondern Methode, oder durch ihr ernstliches Hinstreben auf einen höheren<br />

oder untergeordneten Kunstzwek, ihr Dasein für die Kunst entweder förderlich und nüzlich, oder durch eine<br />

zwekwidrige Richtung des Geschmaks nachtheilig und verderblich, erwiesen haben.“<br />

452 Konrad Fiedler: Schriften zur Kunst, 2 vol., Gottfried Boehm (Éd.), Munich, 1971. Cf. également Friedrich<br />

Weltzien: „Produktionsästhetik und Zeitlichkeit. Zur Dynamisierung des Kunstbegriffs bei Konrad Fiedler“, in:<br />

Momente im Prozess. Zeitlichkeit im künstlerischen Schaffensprozess, Martin Peschken et Karin Gludovatz<br />

(Éd.), Berlin, 2004, ps. 43-56.<br />

453 RS, II, p. 83.<br />

454 RS, I, p. 51.


92<br />

constate, les ont soutenus de manière décisive. A cela il oppose de façon antagoniste l’élan du<br />

génie authentique, la soi-disant «vraie pulsion de l’art» (IX), qui est aussi capable de résister<br />

à des circonstances peu propices:<br />

La vraie pulsion de l’art se manifeste d’une façon particulièrement frappante, là, où des circonstances peu<br />

propices se sont opposées à son épanouissement et elle brille avec d’autant plus d’éclat là où tout se réunit, afin<br />

de l’exterminer. Ainsi observons-nous, de temps à autre, dans le nord peu accueillant et hostile à l’art, loin de<br />

tout ce qui est capable de réveiller et de nourrir la pulsion de l’art somnolente, resurgir le grand talent qui,<br />

dépourvu de tous les moyens d’aide, se développe à partir de soi-même. 455<br />

D’après la théorie dialectique fernowienne, le génie se manifeste surtout là où il se heurte à<br />

une résistance. La résistance, c’est l’entourage social, la famille et le milieu. 456 Cette<br />

introduction esquisse déjà la thématique de base de la biographie de Carstens, dont le but est<br />

de démontrer, dans un esprit d’amitié, 457 le parcours d’une vie d’artiste dont l’épanouissment<br />

créatif a été arraché aux conditions peu favorables «au nord peu accueillant et hostile à<br />

l’art» 458 et, par la suite, a dû se développer, loin du mécénat de l’église et des académies, de<br />

455 Ibid., p. VII: „Der echte Kunsttrieb offenbart sich besonders auffallend, wo ungünstige Umstände sich seiner<br />

Entwickelung widersetzen, und er glänzt da um so heller empor, wo alles sich vereint, ihn auszulöschen. So<br />

sehen wir zuweilen im kunstlosen unfreundlichem Norden, fern von Allem, was fähig wäre den schlummernden<br />

Trieb zu wecken und zu nähren, ein groβses Talent hervorgehen, und von allen Hülfsmitteln entblöβst sich aus<br />

sich selbst entwickeln.“<br />

456 Johanna Schopenhauer va, dans la biographie dédiée à Fernow, entreprendre une stylisation similaire du génie<br />

de l’art, cf. JS, préface, III-<strong>IV</strong>: „Aber es ist möglich, daß manches Junge Gemüth, in welchem, wie einst in ihm,<br />

der göttliche Funke glüht, das wie er einst gegen den gewaltigen Druck der äußern Umstände ankämpfen muß,<br />

um zu dem hohen Ziel zu gelangen, zu welchem auch er strebte, angespornt durch sein Beispiel, gestärkt durch<br />

die klare Anschauung seines Gelingens, mit erneueter Kraft vorwärts bringt, und Muth fasst, wo es vielleicht<br />

sonst hoffnungslos unterläge.“<br />

457 Cf. l’homélie de Fernow consacrée à Carstens devant la pyramide de Cestius, citée selon JS, p. 426: „Geist<br />

und Staub des Entschlafenen! Theurer geliebter Bruder und Freund! Ich trenne mich auf immer von Dir. Du<br />

kehrst zurück in den Schoos [sic] der ewigen Natur, wohin auch wir einst früher oder später Dir folgen. Ich<br />

trenne mich auf immer von Dir, aber Deine Freundschaft, Deine Liebe, Dein strebender Geist und Dein redliches<br />

Herz werden mir und Allen, Die dich kannten, unvergeßlich sein.“<br />

458 Cf. à ce sujet la dédicace de Fernow adressée au peintre Reinhart à Rome in: „Über die Landschaftmalerei“ ,<br />

RS II, ps. 11-130: „Es scheint, dass der Sinn für Formenschönheit nur da sich gedeihlich entwickelt, wo die<br />

Natur selbst mit Liebe schönere Formen gebildet hat, im glüklichen Süden. Darum Freund, bleiben Sie dort, im<br />

Lande des Schönen; aber lassen sie öfter die ihres Genius diesseits der Alpen erscheinen.“ Par ailleurs, Fernow<br />

constate par rapport au colorit, RS II, p. 19: „Der blonde Nordländer hat ein anderes Kolorit, als der<br />

Südeuropäer.“ La polarité nord-sud devient, à partir de Herder, également un thème de l’anthropologie culturelle<br />

moderne et de l’ethnologie, en s’élargissant, au cours du XIX ème siècle, à l’esthétique. Cf.: La tension Nord/Sud:<br />

aspects historiques, anthropologiques, esthétiques: essai d’étude diachronique, Jean Mondot (Éd.), Toulouse,<br />

2001.


93<br />

façon autonome «à partir de soi-même», 459 étant donné «qu’il ne pouvait plus porter les<br />

attaches […] qu’il pouvait briser.» 460 Dans ce contexte, Fernow reconstruit en détail, comme<br />

déjà dans la biographie d’Arioste, la véritable genèse d’artiste. Multiples y sont les influences<br />

que Carstens connut dès sa plus tendre enfance, à commencer par la mère-artiste talentueuse,<br />

les premières impressions, que Carstens recut dans la cathédrale de Slésvig, en contemplant<br />

les travaux de Jurian Ovens, 461 jusqu’à la fascination qu’exerceront sur lui par la suite les<br />

œuvres de Rembrandt, 462 Rubens 463 et Michel-Ange. 464 Par contre, le véritable événement clef<br />

demeure pour lui la visite dans la salle des antiques à Copenhague, où il voit «le plus grand et<br />

le plus excellent», 465 et, ce faisant, se rend finalement compte de sa véritable vocation<br />

artistique. La rencontre qu’il fait au hasard avec un peintre de toile anonyme l’amène à faire<br />

un premier dessin en détail d’après une tête de Minerve de Giuseppe d’Arpino. 466 Il s’ensuit la<br />

recherche d’un mentor, et le refus d’une formation coûteuse chez des peintres renommés<br />

comme Tischbein 467 ou Ipsen, 468 un stage qu’il fait contre son gré chez un marchand de vin à<br />

Eckernförde, jusqu’à son admission comme boursier à l’académie à Copenhague. 469<br />

459<br />

RS, I, p. 51.<br />

460<br />

CARSTENS, p. 17: „Fesseln die er zerreißen konnte […] nicht mehr tragen konnte.“<br />

461<br />

Gertrud Schlüter-Göttsche: Jürgen Ovens: ein schleswig-holsteinischer Barockmaler, Éd. Westholsteinische<br />

Verlagsanstalt Boyens, Heide in Holstein, 1978.<br />

462<br />

Sarah Miano: Rembrandt van Rijn, Éd. Fischer, Francfort/M., 2007, ainsi que Michael Bockemühl:<br />

Rembrandt (1606-1669), Éd. Taschen, Cologne, 2007.<br />

463<br />

Eveliina Juntunen: Bildimplizite Kunsttheorie in ausgewählten mythologischen Historien, Éd. Imhof,<br />

Petersberg, 2005, ainsi que Nils Büttner: Rubens, Éd. Beck, Munich, 2007.<br />

464<br />

Cf. Antonio Forcellino: Michelangelo - eine Biographie, Éd. Pantheon, Munich, 2007.<br />

465<br />

CARSTENS, p. 19.<br />

466<br />

Herwarth Roettgen: Il cavalier Giuseppe Cesari d’Arpino. Un grande pittore nello splendore della fama e<br />

nella incostanza della cultura, Ugo Bozzi (Éd.), Rome, 2002.<br />

467<br />

Carstens projette de faire un stage dans l’atelier de Tischbein, mais il y renonce finalement, non seulement à<br />

cause des coûts considérables que cela représente, mais également en raison de la demande de Tischbein, qui<br />

requiert de ses élèves de lui rendre service en tant que cocher et homme de main, ce que Carstens considère<br />

comme inadmissible. Heinrich Wilhelm Tischbein: Aus meinem Leben, Kuno Mittelstädt (Éd.), Éd. Henschel,<br />

Berlin, 1956 et par ailleurs Petra Maisak (Éd.): Goethe und Tischbein in Rom, Éd. Insel, Francfort/M. et Leipzig,<br />

2004.<br />

468<br />

Povl Ipsen, frère de Jakob Ipsen, cohabite avec Carstens jusqu’en 1796, qui lui fait rencontrer Fernow. Parmi<br />

ses travaux les plus connus compte également son portrait du général de Slésvig Jakob Georg et le Hofpriester<br />

von Glucksburg, Philip Ernst Liider, qui date de 1784, et qui passe en 1796 en possession de Carstens.<br />

469<br />

Fernow mentionne dans ce contexte également que Carstens fréquente, à cette époque-là, les lectures en<br />

danois sur l’anatomie du professeur Wiedehaupt, et s’intéresse aussi en détail aux théories de l’esthète anglais<br />

Daniel Webb (à côté de l’étude de Kröker et Diepenbeck). Cf. Daniel Webb: Untersuchung des Schönen in der<br />

Mahlerey, und der Verdienste der berühmtesten alten und neuern Mahlern, Éd. Orell Geßner et Comp., Zurich,<br />

1766 [trad. all.].


94<br />

Cependant, Fernow éclipse par moments généreusement le fait que cette dernière accorde à<br />

Carstens une aide financière qu’il touchera pendant plusieurs années. A part cela, il parvient à<br />

mettre en scène une certaine authenticité littéraire, notamment en documentant le litige<br />

académique berlinois dans lequel Carstens a été impliqué avec le ministre Freiherr von<br />

Heinitz, 470 à l’aide des passages de lettres citées d’après la correspondance originale. Ce<br />

faisant, il prétend rapporter les faits de façon objective et d’un point de vue neutre, ce qui ne<br />

signifie pas pour autant que sa propre position soit impartiale. Ainsi, Fernow cherche à<br />

démontrer au lecteur comment Carstens, de par son aspiration à la liberté artistique et<br />

personnelle, est peu à peu devenu la victime du complot von Heynitz. 471 De surcroît, des<br />

critères du contenu ainsi que l’argumentation pointue de la correspondance laissent<br />

soupçonner que non pas Carstens, mais plutôt Fernow est l’auteur, du moins de la dernière<br />

lettre, étant donné qu’il constate ailleurs que Carstens, en raison de son tempérament<br />

artistique très émotif, est plus doté de sens rhétorique que de talent littéraire:<br />

Comme Carstens ne comprenait rien à l’art d’exprimer ses pensées par des propos clairs et neutres, mais qu’il<br />

disait, à l’écrit comme à l’oral, tout directement comme il le pensait, sa franchise pouvait paraître au ministre,<br />

qui n’était pas habitué à entendre un tel langage, rien d’autre qu’extrêmement prétentieuse et maladroite. 472<br />

Ainsi, le naturel artistique de Carstens et sa façon de parler spontanée ne peuvent, selon la<br />

conviction fernowienne, que brusquer un non-artiste comme Heinitz. Au moins la phrase<br />

finale fulminante de la correspondance, dans laquelle Carstens exprime de manière solennelle<br />

sa volonté d’abandonner à jamais l’académie de Berlin, rend tout à fait justice au stéréotype<br />

de l’artiste rebelle:<br />

470 Johannes Mager: „Friedrich Anton von Heynitz (1725-1802): Streiflichter aus seinem Leben und familiären<br />

Umfeld“, dans: Der Aufschnitt (vol. 55, cahier 1, ps. 2-27), Éd. Glückauf, Essen, 2003, ainsi que: Benno von<br />

Heynitz: Beiträge zur Geschichte der Familie von Heynitz und ihrer Güter, partie I-III, Kirchrode, 2 1971.<br />

471 Cité d’après: Frank Büttner: Der Briefwechsel zwischen Asmus Jakob Carstens und Minister Friedrich Anton<br />

von Heinitz, in: Asmus Jakob Carstens, Slésvig, 1992, ps. 75-95.<br />

472 Ibid., p. 159: „Da Carstens nichts von der Kunst verstand, seine Gedanken in glatte, unmasgebliche Worte zu<br />

kleiden, sondern schriftlich wie mündlich gerade heraus sagte, was und wie er es dachte, so konnte seine<br />

Freimüthigkeit dem Minister, der eine solche Sprache nicht zu hören gewöhnt war, nicht anders als höchst<br />

anmaβsend und dünkelhaft erscheinen.“


95<br />

D’ailleurs je dois dire à votre excellence que je n’appartiens pas à l’académie de Berlin, mais au genre<br />

humain. 473<br />

Ainsi Fernow va prendre l’exemple de Carstens comme point de départ, afin d’exprimer sa<br />

critique de la société et il ne s’arrête pas, après sa parade contre l’académie de Berlin, avant le<br />

public, qui, d’après lui «n’a pas laissé libre cours à sa volée de comète» (XX). Par la suite, il<br />

érige le génie au-dessus des conventions de la société:<br />

Le génie né pour l’art est plus directement et étroitement lié à la nature que l’homme utile, ordinaire, qui est<br />

destiné à être citoyen et servir fidèlement les fins diverses de la société. 474<br />

Afin de donner un autre exemple pour une telle situation de conflit entre la «nécessité<br />

intérieure et l’arbitraire extérieur» (XIX), il se ne réfère dans ce qui suit à personne d’autre<br />

que Schiller et son implication dans le conflit avec le duc Carl August:<br />

N’en allait-il pas de même avec notre Schiller, qui en brisant de façon violente les liens qui l’attachaient à sa<br />

patrie et à son empereur, qui compte même parmi les amateurs d’art, a dû conquérir sa vie de poète, qui lui a<br />

valu une gloire immortelle et une splendeur supérieure à notre littérature? 475<br />

Le génie de Carstens est ainsi mis à égalité avec celui de Schiller, tout en attirant l’attention<br />

sur les problèmes sociopolitiques auxquels les deux ont dû faire face:<br />

Il y a parmi les institutions de nos constitutions sociales et politiques des contradictions inconciliables, quelques-<br />

unes, où seule une faille dans la disproportion entre la nature et le code civil ou entre la nécessité intérieure et<br />

l’arbitraire extérieure puisse réconcilier le conflit existant entre celles-ci. 476<br />

Fernow critique surtout l’existante «disproportion entre la nature et le code civil», qu’il<br />

ramène aussi à la religion. Ainsi, il érige «de façon catégorique et kantienne» le postulat de<br />

l’art libéré 477 en maxime dans la production créatrice, qu’il lie à trois conditions sociales:<br />

473<br />

Ibid., p. 205: „Übrigens muβ ich Euer Excellenz sagen, daβ ich nicht der Berliner Akademie, sondern der<br />

Menschheit angehöre.“<br />

474<br />

Ibid., p. XXI: „Das zur schönen Kunst geborene Genie ist unmittelbarer und enger mit der Natur verbunden,<br />

als der gewöhnliche, zum Staatsbürger und getreuen Unterthan bestimmte, und zu mannigfaltigen Zwecken der<br />

Geselschaft brauchbare Mensch.“<br />

475<br />

Ibid., p. XIX: „Muste nicht [...] auch unser Schiller sein Dichterleben, das ihm unsterblichen Ruhm und<br />

unserer Litteratur einen höheren Glanz gab, erst durch eine gewaltsame Zerreiβung der Bande, die ihn an sein<br />

Vaterland und an seinen Fürsten knüpften, der sogar unter die kunstliebenden gezält wird, erringen?“<br />

476<br />

Ibid.: „Es giebt in den Einrichtungen unserer geselschaftlichen und politischen Verfassungen der<br />

unvereinbaren Gegensätze so manche, wo nur ein Ris durch das Misverhältnis zwischen Natur und bürgerlicher<br />

Verfassung, oder zwischen innerer Nothwendigkeit und äuβerer Wilkür den Streit derselben schlichten<br />

kann.“[sic]


1. La libération de l’artiste de la contrainte de conditions conventionnelles,<br />

2. la liberté universelle de l’artiste appartenant à l’ensemble du genre humain,<br />

3. le soutien de l’artiste d’après le principe libéral du désintérêt parfait.<br />

96<br />

Anticonformisme, universalité et liberté - par ces mots clefs pourrait-on alors résumer dans<br />

l’ensemble la nouvelle conception de l’artiste selon Fernow. En gros, ses postulats tendent<br />

vers un retrait de l’artiste du public dans la sphère privée, 478 en marquant ainsi le passage de<br />

l’art financé par l’État vers l’art libre reposant sur lui-même. Un problème sur lequel vont<br />

aussi se pencher par la suite Hegel, 479 Stendal 480 et Karl Marx. 481 En l’occurrence, cette<br />

stylisation de l’artiste comme «citoyen du monde indépendant» (XXV) traduit clairement les<br />

convictions franc-maçonnes 482 de Fernow. Dans ce contexte, des parallèles éventuels avec les<br />

477<br />

Ibid., p. XX: „die freigewordene Kunst, der Stütze aber auch zugleich des Zwanges der Religion enthoben,<br />

mus hinfort auf sich selbst ruhen […].“<br />

478<br />

Werner Hofmann: Das entzweite Jahrhundert - Kunst zwischen 1750 und 1830, Éd. Beck, Munich, 1995.<br />

479<br />

Hegel thématise également le problème de l’artiste moderne, qui est affranchi de l’église, du clergé et de l’état<br />

en soulignant que cela aura pour conséquence un réflexe de compensation idéel: „Selbst der ausübende Künstler<br />

ist nicht etwa nur durch die um ihn her laut werdende Reflexion, durch die allgemeine Gewohnheit des Meinens<br />

und Urteilens über die Kunst verleitet und angesteckt, in seine Arbeiten selbst mehr Gedanken hineinzubringen;<br />

sondern die ganze geistige Bildung ist von der Art, daß er selber innerhalb solcher reflektierenden Welt und ihrer<br />

Verhältnisse steht und nicht etwa durch Willen und Entschluß davon abstrahieren oder durch besondere<br />

Erziehung oder Entfernung von den Lebensverhältnissen sich eine besondere, das Verlorene wieder ersetzende<br />

Einsamkeit erkünsteln und zuwege bringen könnte“ (cf. Ästhetik, n° 25, Éd. Suhrkamp, Francfort/M.), cité selon<br />

Angelo Raciti: Möglichkeiten des Daseins. Eine gesellschaftliche Analyse des ‘Kunstgesprächs’ in Büchners<br />

Lenz, in: PhiN 3/1998.<br />

480<br />

Les thèses pertinentes (feu de saillie) de l’écrivain et théoricien de l’art Stendal, de son vrai nom Henri Beyle,<br />

vont marquer, de par leur portée sociocritique et morale, la rupture avec les théories de Chateaubriand, Mme de<br />

Staël et les romantiques allemands. Ainsi, Stendal ne considère pas la grandeur physique des statues antiques<br />

(force physique) comme le seul idéal artistique, mais réclame surtout l’expression des sentiments<br />

(expressivisme). Cf. Patrizia Lombardo: Stendal et l'idéal moderne, (Nineteenth Century French Studies), vol.<br />

35, n° 1, 2006, ps. 226-246.<br />

481<br />

Karl Marx va également thématiser cette problématique dans sa dissertation: „[…] so sucht der<br />

Nachtschmetterling, wenn die allgemeine Sonne untergegangen, das Lampenlicht des Privaten“ (1840). Werner<br />

Hofmann (cf. note n° 478, ci-dessus) interprète cela comme l’introduction de l’époque non-hégélienne („nachhegelianische[n]<br />

Epoche“/p. 645), en décrivant la mise au service successive de l’artiste par l’état: „Eine<br />

Mischung aus Ehrgeiz und Engagement treibt sie den staatlichen Auftraggebern in die Arme, die genau wissen,<br />

daß Kunstwerke ihre Legitimität bekräftigen und dem Bürger anschaubar machen. Dieser Prozeß führt zu<br />

verschiedenen Formen der Re-Integration, welche die Spannungen vergessen machen möchten, die wir unter<br />

dem Gesichtspunkt von Desintegration und Plurifokalität kennengelernt haben. Konversion und Versöhnung<br />

sind angesagt. Nicht nur Ingres’ Apotheose Homers ist davon geprägt“ (ibid.).<br />

482<br />

JS, p. 85: „Er [Baggesen] fragte mich unter anderm, ob ich Maurer sey? Und freute sich sehr, als ich es<br />

bejahen konnte.“ De même, on trouve dans le registre de la Bertuch’schen Buchhandlung des chants pour Francmaçons<br />

redigés par Fernow („zum Gebrauche aller Teutschen Logen“), Friedrich Justin Bertuch (Éd.), imprimé<br />

pour la Loge Anna Amalia zu den drei Rosen, [3], VIII, 324 p. -- 16°. Voir note suivante de HAAB: les chants<br />

contenus dans cette publication proviennent e. a. de: F. J. Bertuch, J. A. Blumauer, M. Claudius, C. L. Fernow, J.<br />

W. L. Gleim, J. W. v. Goethe, J. G. v. Herder, L. H. C. Hölty, A. v. Kotzebue, F. v. Schiller, F. L. Graf zu<br />

Stolberg, J. P. Uz, J. H. Voß et C. M. Wieland. Autopsie des exemplaires de la HAAB, signatures: Bh 224 et 39,


97<br />

théories propres à la philosophie naturelle de Jean-Jacques Rousseau 483 ne sont pour le moins<br />

absurdes. Or, en même temps, il souligne également que le génie de l’art est capable de<br />

s’élever au-dessus des contraintes institutionnelles et économiques: 484<br />

[…] comme la nature du grand talent, qui, dans la pulsion de la compétition dispose d’assez de courage et de<br />

force, pour briser ses chaînes. Et tandis que l’État, dans les institutions entretenues de manière artificielle et très<br />

coûteuse, cherche en vain à éduquer de grands artistes, il va les perdre tous ou laisser crever misérablement, ceux<br />

qui, seuls, étaient capables de le devenir. 485<br />

Ce faisant, Fernow critique non seulement le mécénat forcé des «serres académiques», 486<br />

mais encore les méthodes rigides adoptées pour l’éducation des jeunes artistes, qu’il réduit au<br />

simple principe de «l’imitation désappropriée» (XXVI) qui consiste, selon lui, dans un pur<br />

remplissage de normes conformes, par laquelle «l’autonomie du talent est plutôt supprimée<br />

qu’exercée, et seulement la main d’œuvre d’art est promulguée.» 487 Par ailleurs, il attaque la<br />

passivité créative de la pédagogie académique, un phénomène, qu’il voit encore favorisé par<br />

la sécularisation 488 et la muséalisation 489 des arts. 490 Selon sa conviction l’imitation fidèle à<br />

8: 13, ainsi que l’exemplaire de la bibliothèque de Goethe (Ruppert), signature: 1915, cf. également Tausch,<br />

KAW, p. 36, et par ailleurs Joachim Bauer et Gerhard Müller: Des Maurers Wandeln, es gleicht dem Leben -<br />

Tempelmaurerei, Aufklärung und Politik im klassischen Weimar, Éd. Hain, Rudolstadt, 2000.<br />

483 Voir Jean-Jacques Rousseau: Traité sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes et leurs causes, [traduit en<br />

allemand par Moses Mendelssohn et contenant un envoi pour Monsieur le magistrat Lessing et complété par une<br />

lettre adressé à Voltaire], Éd. Voss, Berlin, 1756. Cf. également Jean-Marie Paul: «Rousseau et Kant: de l’utilité<br />

de la civilisation», in: La volonté de comprendre, Maurice Godé et Michel Grunewald (Éd.), Éd. Lang,<br />

Francfort/M., 2005.<br />

484 Cf. CARSTENS, préface.<br />

485 Ibid.: „ [...] als die Natur ein groβses Talent hervorbringt, das im Drange dieses Widerstreits Muth und Kraft<br />

genug hat, seine Fesseln zu zerbrechen. Und wärend der Staat in künstlichen, mit groβen Kosten unterhaltenen<br />

Anstalten vergebens groβse Künstler zu erziehen bemüht ist, wird er die verlieren oder kümmerlich zu Grunde<br />

gehen lassen, die es allein werden konten.“<br />

486 Ibid., p. XVIII: „akademischen Treibhausanstalten.“<br />

487 Ibid., ps. XXVI-XXXVII: „Selbstständigkeit des Talents vielmehr unterdrükt als geübt, und blos das<br />

Handwerk der Kunst gefördert wird […] Diese bequeme Art mit leerem Kopf ein Künstler zu werden,<br />

begünstigen vornehmlich groβse Kunstsammlungen und Gallerien. Wie im Leben groβser Reichthum und zu viel<br />

Bequemlichkeit der Geistesbildung eher schädlich als nüzlich zu sein pflegen, so findet vielleicht ein Gleiches in<br />

der Kunst statt.“<br />

488 Christina von Braun (Éd.): Bilanz und Perspektiven einer umstrittenen These, Éd. Münster, Berlin, 2007.<br />

489 Ulrich Borsdorf (Éd. e. a.): Musealisierung und Geschichte, Éd. Transcript, Bielefeld, 2004. Les différentes<br />

contributions de l’ouvrage se focalisent autour des différents aspects de l’interaction complexe entre la<br />

muséalisation et l’histoire de l’art à partir d’une perspective, à la fois interdisciplinaire et culturelle, qui est<br />

centrée sur le musée, vu sous l’aspect d’une institution.<br />

490 RS, I, ps. XXVI-XXXVII: „Diese bequeme Art mit leerem Kopf ein Künstler zu werden begünstigen<br />

vornehmlich groβse Kunstsammlungen und Gallerien. Wie im Leben groβser Reichthum und zu viel


98<br />

l’original présente un obstacle à l’épanouissement de la créativité artistique, auquel il oppose<br />

le principe de la «main sûre du maître», 491 également valable pour la poésie et la technique de<br />

la traduction. A part cela, il considère que la contemplation continuelle des mêmes œuvres<br />

d’art porte atteinte à la motivation de base de l’artiste:<br />

Le regard continuel des mêmes [œuvres d’art], et la légèreté de se les approprier, affaiblit l’enthousiasme<br />

animé. 492<br />

De même, il faut noter ici que l’interprétation unilatérale que Fernow fait de l’imitation<br />

comme étant un acte à la technique et reproductif, présente manifestement une «déformation<br />

historique» 493 de la notion de mimésis désignant à l’origine le jeu de la liberté artistique. 494<br />

Pour aller à l’encontre de la théorie d’après laquelle le concept de la pure imitation de la<br />

nature n’aurait connu aucun changement de la Frühe Neuzeit jusqu’au préclassicisme, 495 il<br />

faut, d’après les connaissances les plus récentes, plutôt partir du principe que la notion d’art<br />

mimétique et allégorique est à comprendre non pas au sens d’un simple principe de l’imitation<br />

de la nature, mais plutôt, selon sa signification depuis l’âge industriel, comme «maîtrise de la<br />

nature», quasiment comme la célébration de l’«utopie de la liberté humaine», subissant donc<br />

Bequemlichkeit der Geistesbildung eher schädlich als nüzlich zu sein pflegen, so findet vielleicht ein Gleiches in<br />

der Kunst statt.“<br />

491 Cf. Andrea Heinz et Stefan Blechschmidt: Dilettantismus um 1800, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800:<br />

Ästhetische Forschungen), vol. 16), Éd. Winter, Heidelberg, 2007, ibid., voir l’article de Daniel Ulbrich:<br />

Mittelmäßiges Übersetzen. Übersetzerpositionen zwischen (professionalisierter) Liebhaberei und (genialischer)<br />

Professionalität im 18. Jahrhundert, ps. 141-160, ici p. 159: „In Fernows Skizze von 1804 sollen diese beiden<br />

Lager mit ihren zum Teil gegensätzlichen Legaten in dem Begriff der ‘sicheren Meisterhand’, als der Einheit<br />

von sprachlich-sachlicher Angemessenheitund veredelnder Tendenz erneut miteinander versöhnt werden. Würde<br />

sich Fernows Position hierauf reduzieren, so bliebe freilich ein Problem bestehen: Mit dem Insistieren auf einer<br />

institutionalisierten Trennung zwischen rezeptivem und produktivem Aktionsfeld ist über die Rolle von Genie<br />

als Vermögen dichterischer Spontaneität im Übersetzungsprozeß noch nichts gesagt.“<br />

492 Ibid., p. XXVII: „Der stete Anblik derselben [Kunstwerke], und die Leichtigkeit sich ihn zu verschaffen,<br />

schwächt den belebten Enthusiasmus.“ Par ailleurs, Fernow distingue entre l’enthousiasme vivant de l’artiste et<br />

l’enthousiasme vive du public (RS, II, p. 305).<br />

493 Voir PhiN, 18/2001, p. 52.<br />

494 Ansgar M. Cordie: „Mimesis bei Aristoteles und in der Frühen Neuzeit“, dans: Kunst und Natur in Diskursen<br />

der Frühen Neuzeit, Éd. Laufhütte, Wiesbaden, ps. 277-288: „[Mimesis bedeutet dass] der freie Mensch im<br />

freien Spiel den freien Menschen nachahmt.“<br />

495 Peter-André Alt: Begriffsbilder. Studien zur literarischen Allegorie zwischen Opitz und Schiller, Éd.<br />

Niemeyer, Tübingen, 1995.


99<br />

un changement décisif en tant qu’«acte productif de la réception reproductive.» 496 De même,<br />

on constate que Fernow ne se limite nullement à la seule représentation d’une genèse de génie<br />

classique, étant donné qu’il prend aussi en considération des aspects propres à la critique<br />

d’art. Ainsi, il mentionne par exemple les défauts humains et les maladresses artistiques de<br />

Carstens, qu’il passe scrupuleusement à la loupe, ce qui, en l’occurrence, doit souligner sa<br />

crédibilité et ses aptitudes en tant que théoricien de l’art, tout en tenant compte de façon<br />

tactique de sa réception par le lecteur. En ce qui concerne la présentation formelle de<br />

l’ouvrage, Helmut Pfotenhauer 497 a déjà souligné l’effort entrepris par Fernow pour établir un<br />

schéma subdivisé en rubriques, que par ailleurs Goethe esquisse dans son Laokoon, 498 d’après<br />

le modèle du catalogue classique de règles. Ainsi, Carstens classifie la recension des œuvres<br />

carstensiennes en neuf catégories, d’après le style, le dessin, le choix du sujet, l’expression, le<br />

coloris, la draperie, les accessoires, la formation de l’esprit et l’ambition à l’art. En ce qui<br />

concerne le premier critère, il faut d’abord mettre en relief le fait que la question du style<br />

déclenche, à la différence de la notion que Goethe donne de la manière, 499 une véritable<br />

controverse dans le discours de l’art autour de 1800. Qu’est-ce que le style? L’homme<br />

même, 500 comme expression d’un savoir-faire objectif ou plutôt le résultat d’une mise en scène<br />

subjective? D’une manière générale, Fernow considère le style comme un mode de<br />

représentation comportant «toutes les parties de la représentation» 501 qui est «fixé sur la<br />

496<br />

Cf. note n° 496, ci-dessus, ibid.: „Naturbeherrschung“, „Utopie menschlicher Freiheit“, „produktiver Akt<br />

reproduktiver Rezeption.“ Ansgar M. Cordie se réfère ici au discours Post festum d’Aristotèle, qui conçoit l’art<br />

mimétique au sens d’une libre imitation de la nature comme réaction à la perte d’une autorité politique.<br />

497<br />

Cf. Helmut Pfotenhauer: Klassik und Klassizismus, Éd. Deutscher Klassiker, Francfort/M., 1995, p. 826, ibid.,<br />

p. 834 s.: „Fernow benutzt dieses Schema auf bezeichnende Weise modifiziert, um den Künstler Carstens zu<br />

charakterisieren.“<br />

498<br />

Ernst Osterkamp: Im Buchstabenbilde. Studien zum Verfahren Goethescher Bildbeschreibungen, Éd. Metzler,<br />

Stuttgart, 1991.<br />

499<br />

Ibid.: „Der Stilbegriff spielt ja in der Ästhetik der Jahrhundertwende überhaupt eine gewichtige Rolle […]<br />

gemeint ist dabei mit ‚Stil’ ein künstlerisches Schaffen, das analog zur Natur Werke von hoher innerer<br />

Organisiertheit hervorbringe und darin die Subjektivität des Künstlers zum Objektiven aufhebe.“<br />

500<br />

D’après le discours d’entrée de Buffon à l’Académie française, le 25 août 1753: Le style est l’homme même.<br />

Cf. Discours sur le style. Discours prononcé à l'Académie française par Buffon, le jour de sa réception, précédé<br />

de la biographie de Buffon, M. Hémardinquer (Éd.), Delagrave, Paris, 1877.<br />

501<br />

RS, I, p. 43.


100<br />

Gestalt.» 502 Par la suite, il distingue la «spécificité objective» (=vraie originalité) de l’<br />

«individualité subjective» (=ajout étrange). 503 Le trait le plus marquant de la notion de style<br />

chez Fernow est qu’il parte a priori d’un traitement subjectif du sujet d’après des critères<br />

objectifs, ou, comme Humboldt, de l’élévation de la «vraie idéalité à l’idéal», 504 et, ce faisant,<br />

il envisage toujours l’impression de la conception organique dans son ensemble, c’est-à-dire<br />

«l’idée de l’ensemble.» 505 De même, il définit l’art, en règle générale, et contrairement à la<br />

juxtaposition goethéenne entre l’art et la nature, 506 comme une «nature supérieure.» 507 Ainsi, il<br />

concède à l’artiste la possibilité d’une imitation d’après la nature dans la tradition de<br />

Bellori, 508 mais qu’il ne comprend plus au sens de la mimésis antique, mais plutôt comme le<br />

résultat d’une «imitation libre des objets [de la nature] d’après des lois générales», 509 et ainsi<br />

donc pas comme une «imitation sans esprit des formes antiques.» 510 La comparaison avec la<br />

notion herdérienne de l’art national est aussi intéressante, étant donné que celle-ci s’oriente<br />

également vers les modèles antiques, mais cependant pas de manière exclusive. 511 Par rapport<br />

à la production artistique de son temps, il critique surtout la «manière hasardeuse» 512 ainsi que<br />

le «style individuel ou l’idéal individuel» 513 des «artistes contemporains.» 514 A la place, il<br />

502<br />

Ibid.<br />

503<br />

RS, I, p. 51.<br />

504<br />

CARSTENS, p. 72.<br />

505<br />

RS, II, p. 14.<br />

506<br />

Goethe: «L’essai sur Diderot» (1799), in: Écrits sur l’art, Éd. Flammarion, 1996, ps. 192-200. Goethe y<br />

défend la thèse selon laquelle la nature agit pour elle même, au contraire de l’homme, qui, en tant qu‘homme,<br />

agit pour l’homme. Cf. également Gerhard M. Vasco: “Diderot and Goethe: A Study in Science and Humanism”,<br />

in: The Modern Language Review, vol. 76, n° 1, 1981, ps. 240s., ainsi que Roland Krebs: «Le dialogue avec<br />

Diderot», in: Jean-Marie Valentin (Éd.): Johann Wolfgang Goethe. L’Un, l’Autre et le Tout, Éd. Klinksieck, ps.<br />

113-129.<br />

507<br />

RS, I, p. 319: „Sie [die Kunst] erscheint als eine höhere Natur […]. “<br />

508<br />

Giovanni Pietro Bellori: Le Vite de’ Pittori, scultori ed architetti moderni, co’ loro ritratti al naturale, Rome,<br />

2<br />

1728. Cf. également: Die Idee des Künstlers, Kurt Gerstenberg (Éd.), Éd. Berthold, Berlin, 1939.<br />

509<br />

Ibid.<br />

510<br />

RS, III, p. 11.<br />

511<br />

Cf. Gunter E. Grimm: „Kunst als Schule der Humanität. Beobachtungen zur Funktion griechischer Plastik in<br />

Herders Kunst-Philosophie“, in: Johann Gottfried Herder (1744-1803), Gerhard Sauder (Éd.), Éd. Meiner,<br />

Hambourg, 1987, ps. 352-363.<br />

512<br />

JS, p. 364: „zufällige Manier.“<br />

513 Ibid.: „Individualstil oder Individualideal.“<br />

514 Ibid., p. 362: „jetzt lebenden Künstler.“


101<br />

suggère une création inspirée par la «la nature réelle» ,515 pour produire des «œuvres pleines<br />

d’esprit et vivantes.» 516 Celles-ci sont autonomes, à savoir orientées vers la liberté idéale, 517 et<br />

suivent par la suite la logique d’une création pygmalienne, qui «quoique au-dessus de toute<br />

réalité, semblent être de vrais êtres vivants.» 518 C’est cette même idée que reprend Honoré de<br />

Balzac 519 dans sa nouvelle intitulée le «Le chef d’œuvre inconnu». Dans ce récit, en effet, le<br />

peintre Frenhofer incarne parfaitement l’artiste, qui, à la recherche de son Pygmalion 520<br />

artistique, desespère littéralement. Dans la première moitié du XIX ème siècle, Charles<br />

Baudelaire, 521 va thématiser, à partir d’un portrait de femme, le topos de l’éphémère de<br />

l’existence humaine, en mettant également en question les limites du principe d’incarnation<br />

dans l’art, par la dépendance à la matière, qu’il voit uniquement fixée dans la capacité de<br />

mémoire du spectateur. Défendant un point de vue moins drastique, Fernow fait surtout<br />

référence à l’imagination des grands peintres, 522 ayant «[…] abstrait leur idéal d’art de la<br />

nature qui les a entourés.» 523 Selon lui, c’est la force d’imagination artistique qui est décisive<br />

pour une composition réussie, ou aussi la force d’imagination plastique, qui ne doit pas<br />

toujours correspondre au catalogue traditionnel des règles académiques. 524 Or, celle-ci<br />

s’oriente plutôt vers l’idéal d’une nouvelle corporalité, qui, en l’occurrence, est issue d’abord<br />

515 Ibid.<br />

516 Ibid.<br />

517 Ibid., p. 247: „[…] von der untersten Stufe der Nachahmung allmählich durch Wahrheit und Schönheit bis zur<br />

idealischen Freiheit ausgebildet [hat].“<br />

518 JS, p. 364.<br />

519 Honoré de Balzac décrit, entre autres, l’ambition artistique de Frenhofer de créer des œuvres vivantes,<br />

comme il le démontre dans l’exemple d’un portrait de femme, qu’il croit avoir réanimé. Cf. «Le chef d’œuvre<br />

inconnu», [1831], Éd. Flammarion, 1981, ps. 64 s.: «Vous êtes devant une femme et vous cherchez un tableau<br />

[…] Où est l’art? perdu, disparu! Voilà les formes mêmes d’une jeune fille […] Elle va se lever, attendez.»<br />

520 Cf. Roland Kanz et Hans Körner: Pygmalions Aufklärung. Europäische Skulptur im 18. Jahrhundert, Éd.<br />

Deutscher Kunstverlag, Munich/Berlin, 2006.<br />

521 Charles Baudelaire: Les fleurs du mal, Éd. Librio, Paris, 2003, p. 42: «Noir assassin de la Vie et de l’Art, tu<br />

ne tueras jamais dans ma mémoire celle qui fut mon plaisir et ma gloire.»<br />

522 Comme Leonardo, Raphaël, Corregio, Rubens, Holbein, Cranach. Voir JS, p. 362.<br />

523 JS, p. 362: „[…] ihr Kunstideal von der sie umgebenden Natur abstrahirt.“<br />

524 Déjà Ingres se distancie, en tant que boursier de l’académie et comme son réformateur, de l’imitation<br />

atomique (atomistisches Nachbilden), ce qui lui vaut à Rome le très convoité prix de l’académie. Fernow<br />

séjourne à cette époque dans la métropole italienne et a, comme observateur attentionné de la scène d’art,<br />

probablement connaissance de l’art du tableau d’Ingres. Cf. par ailleurs Uwe Fleckner: Abbild und Abstraktion:<br />

die Kunst des Porträts im Werk von Jean-Auguste-Dominique Ingres, Éd. v. Zabern, Mayence, 1995, ainsi que<br />

Vincent Pomarède, Stéphane Guégan, Louis-Antoine Prat, Eric Bertin (Éd.): Jean-Dominique-Auguste Ingres<br />

(1780-1867), catalogue de l’exposition, Éd. Gallimard/coédition musée du Louvre, Paris, 2006.


102<br />

de la considération intérieure 525 ou «[…] la faculté plastique de la force d’imagination de<br />

concevoir l’image des objets […] comme réellement ronds.» 526 Les artistes de la<br />

postmodernité recherchent aussi un idéal similaire propre à l’expression d’une nouvelle<br />

corporalité, en renouant souvent dans leurs œuvres avec le naturalisme du XIX ème siècle. De<br />

même, ils représentent partiellement, en césure avec les formes parfaites du statuaire grec, les<br />

contingences de l’existence issues de la considération intérieure, et adaptées selon le caractère<br />

artistique. 527 Carstens opère de façon similaire, mais en privilégiant toujours, à l’opposé de ces<br />

derniers, l’impression harmonieuse de l’ensemble, au sens d’une «poésie de l’invention »: 528<br />

En mettant l’âme dans une disposition harmonieuse, il incite en même temps notre imagination, notre esprit, et<br />

toutes les forces plus nobles de notre âme. 529<br />

Analogue à cela, il distingue, par rapport à la peinture de paysage, la représentation des scènes<br />

de nature idéalisées et de celles de la peinture de prospectus, qui «sont soit copiées fidèlement<br />

d’après la nature ou soit inventées poétiquement.» 530 Il illustre cela dans son traité «De la<br />

peinture du paysage», à l’exemple de Philipp Hackert:<br />

Hackert appartient au fond aux peintres de prospectus; cependant ses paysages s’élèvent, comme par le choix du<br />

beau, comme par l’expression caractéristique de la nature italienne, et par les parties singulières, particulièrement<br />

apparentes dans les premiers plans, d’une aide idéalisante du réel vers un tout, à la fois beau et pittoresque, au-<br />

dessus de la peinture de prospectus habituel. 531<br />

525 Helmut Börsch-Supan: Die deutsche Malerei von Anton Graff bis Hans von Marées 1760-1870, Éd. Helmut<br />

Beck, Munich, 1988, p. 178: „Solches Hervorbringen aus einer inneren Anschauung war Gewähr für eine<br />

Geistigkeit, mit der sich die der Poesie und der Philosophie ebenbürtig an die Seite stellten.“<br />

526 HT, p. 257. Cf. à ce sujet également le principe du faux dessin (‘Falschzeichnens’) que Hegel approuve<br />

également: „[...] das plastische Vermögen seiner Einbildungskraft, das Bild der Gegenstände [...] wirklich rund<br />

aufzufassen.“<br />

527 Marianne Alphant: Art moderne. Rupture ou parenthèse, Éd. Flammarion, Paris, 2005, ainsi que Kostas<br />

Mavrakis: Art moderne. Rupture et renouveau, Éd. Éditions de Paris, Versailles, 2006.<br />

528 Voir Peter Springer: „Artis Germanicae Restitutor. Asmus Jacob Carstens als ‘Erneuerer’ der Deutschen<br />

Kunst“, in: Jahrbuch des Schleswig-Holsteinischen Landesmuseums Schloss Gottorf, N.f. 3, (1990/91), ps. 45-<br />

82, ici p. 58.<br />

529 RS, III, p. 43: „Indem er das Gemüth in eine harmonische Stimmung sezt, beschäftigt er zugleich unsere<br />

Fantasie, unsern Geist, und alle edleren Kräfte der Seele.“<br />

530 Ibid., p. 11: „[…] entweder treu der Wirklichkeit nachgebildet oder dichterisch erfunden.“<br />

531 RS, II, ps. 117-128, ici p. 117: „Hackert gehört eigentlich nicht sowohl zu den Prospektmalern; indessen<br />

erheben sich doch seine Landschaften, sowohl durch die schöne Wahl, als durch den karakteristischen Ausdruck<br />

der italienischen Natur, und durch die in einzelnen Theilen, besonders in Vorgründen, nicht zu verkennende


103<br />

Par rapport à l’imagination poétique de Carstens, il constate par la suite que Carstens, quant<br />

au choix du sujet, préfère principalement des «thèmes empruntés de la mythologie nordique et<br />

du monde d’Ossian», 532 en se démarquant des peintres historique traditionnels, 533 mais, en<br />

même temps, en raison du traitement sentimental du sujet qui caractérise ses tableaux, 534<br />

révèle une certaine affinité avec les artistes romantiques, 535 ce que Fernow passe<br />

volontairement sous silence. En ce qui concerne l’expression, il reconnait à Carstens le talent<br />

de créer une expression authentique, c’est-à-dire «[…] faire monter dans son imagination un<br />

caractère conforme à sa physionomie qui correspond à un haut degré.» 536 Par rapport à<br />

l’habit, il loue par la suite la prise de distance de Carstens avec le style lourd de Le Brun, 537<br />

qui, d’après sa conviction, se prélasse, surtout quant aux accessoires, dans un monde théâtral<br />

de paillettes, ce qu’il considère comme étant une rupture de style artistique et ce qu’il rejette<br />

avec véhémence:<br />

[…] qui aime le théâtral, cette faute si commune, de décorer, par un amour de luxe incompréhensif, avec une<br />

architecture […] riche et présomptueuse, des scènes des temps de l’Antiquité précoce, pauvre en art. 538<br />

Pourtant, il ne faudrait pas considérer l’âge classique comme étant pauvre en art. Pour<br />

Fernow, c’est justement ce caractère fragmentaire de la sculpture classique, causé par les<br />

ravages du temps, qui, comme un hiéroglyphe de ce qu’il a été, devrait sensibiliser le sub-<br />

idealisierende Nachhülfe des Wirklichen zu einem malerisch-schönen Ganzen, weit über die gewönliche<br />

Prospektmalerei.“<br />

532 Ibid. p. 262. Quant à l’histoire de la réception d’Ossian dans l’espace germanophone cf. l’étude de Wolf<br />

Gerhard Schmidt: Homer des Nordens und ‘Mutter der Romantik. James Macphersons Ossian und seine<br />

Rezeption in der deutschsprachigen Literatur, Éd. De Gruyter, Berlin, 2003, [thèse, Univ. Sarrebrouck, 2002].<br />

533 Ibid., p. 264. Fernow évoque dans son essai sur la peinture du paysage le style des peintres historiques, dont<br />

parmi eux le Titien, Hannibale, Carracci, Dominichino, Albano et Nicolas Poussin (RS, II, p. 92 s.).<br />

534 Cf. Mareike Hennig: Asmus Jakob Carstens - sensible Bilder: eine Revision des Künstlermythos und der<br />

Werke, Éd. Imhof, Petersberg, 2005 [thèse, Univ. Giessen, 2005].<br />

535 Cf. à ce sujet le commentaire suivant: „Neben Porträts malte er vor allem große, allegorische und historische<br />

Kompositionen in einem romantisch-klassischen Stil, der an Füßli und Thorvaldsen erinnert“, in: Du Mont’s<br />

Bildlexikon der Kunst, Ann Hill (Éd.), Éd. Du Mont Buchverlag, Cologne, 1976, p. 149.<br />

536 Ibid., p. 271.<br />

537 Ibid., p. 289 s.: „den kostspilligen Apparat der französischen Schule zum Drappieren.“<br />

538 Ibid.: „Die das Theatralische liebt, so gemeinen Fehler, aus unverständiger Prachtliebe Scenen aus den Zeiten<br />

des frühen, kunstarmen Alterthums mit einem Grunde von reicher und prächtiger Architektur [...] zu verzieren.“<br />

Cf. RS, III: „Über Rafaels Teppiche“, ps. 115-210, ici préface: „[…] noch auch die theatralische Manier der<br />

Pariser Schule [zur wahren Kunst] führen könne.


104<br />

conscient aux ombres du passé, telle une image de rêve renvoyant à une idylle perdue. 539<br />

Ainsi, l’Antiquité est imaginée comme étant un horizon de référence insaisissable, stimulant<br />

la force d’imagination, qui offre en même temps un espace de projection idéal pour les<br />

«pauvres artistes de ces derniers temps», à la recherche d’un sujet. 540 De même, la question<br />

se pose de savoir comment définir la psyché de l’artiste 541 au contexte du discours sur la<br />

mélancolie, 542 comme l’évoquent par exemple Goethe 543 ou Shaftesbury. 544 A partir des thèses<br />

d’Aristotèle, Jean Clair 545 cherche par exemple à démontrer par la suite que ce sont surtout<br />

des personnalités et des talents d’exception qui se trouvent atteints de cette maladie sacrée, se<br />

manifestant souvent par une dualité de l’être, parfois oscillant entre le génie et la folie. 546 De<br />

même, on retrouve dans l’art antique des indices iconographiques des représentations de cette<br />

disposition particulière de l’âme se caractérisant par une étrange tristesse et une souffrance<br />

muette. Ce qui est étonnant, ce qu’on constate, c’est qu’au fil des siècles, l’image de la<br />

mélancolie n’a pratiquement pas changé. Nous voudrions également remarquer en marge<br />

qu’on observe, depuis le naturalisme 547 jusqu’à l’hyperréalisme, 548 des déplacements d’accent<br />

d’importance moindre, en considérant traditionnellement la fascination morbide portée à l’état<br />

539<br />

Cf. également à ce sujet Fernow dans RS, II, p. 5: „Wenn wir ein glükliches Dasein durchlebt haben, und nur<br />

die Erinnerung allein noch davon übrig ist, so möchten wir gern wenigstens das Schattenbild der entflohenen<br />

Wirklichkeit an etwas Bleibendes heften und durch ein ET IN ARCADIA EGO den Freuden, mit denen wir so<br />

gute Zeiten verlebten, unser Andenken lebendig erhalten […] Wie eine reizende Ferne liegt mein Aufenthalt in<br />

Italien hinter mir.“<br />

540 ème<br />

Cf. lettre de Schiller, datée Stuttgart, le 30 août 1797, in: Weimarer Ausgabe [WA], 4 section: Goethes<br />

Briefe, vol. 12, 197, p. 275 s.<br />

541<br />

Ulrich Pfisterer: „Künstlerliebe. Der Narcissus-Mythos bei Leon Battista Alberti und die Aristoteles-Lektüre<br />

der Frührenaissance“, in: Zeitschrift für Kunstgeschichte, 64 vol., cahier n° 3, (2001), ps. 305-330.<br />

542<br />

Zur historischen Entwicklung der Melancholiediskussion cf. e. a. les études de Hans Joachim Schings:<br />

Melancholie und Aufklärung, Éd. Metzler, Stuttgart, 1977, ainsi que Thorsten Valk: Melancholie im Werk<br />

Goethes. Genese - Symptomatik - Therapie, (Studien zur deutschen Literatur, vol. 168), Éd. Niemeyer,<br />

Tübingen, 2004.<br />

543<br />

Cf. également Goethe: „Zart Gedicht wie Regenbogen wird nur auf dunklem Grund gezogen, darum behagt<br />

dem Dichtergenie das Gemüt der Melancholie“, cité d’après „Sprichwörtliches“, in: Vollständige Ausgabe<br />

letzter Hand, vol. I-<strong>IV</strong>, Éd. Cotta, Stuttgart et Tübingen, [1827], WA, I, 2, S. 237.<br />

544<br />

Cf. Shaftesbury, A. A.: “A Letter on Enthusiasm“, in: “Characteristics of Men, Manners, Opinions, Times<br />

with a Collection of Letters”, vol. I. Basil, 1711, ps. 1- 46.<br />

545<br />

Jean Clair (Éd.): Mélancolie, génie et folie en Occident, Éd. Gallimard/coédition musée du Louvre, Paris,<br />

2005.<br />

546<br />

Ibid.<br />

547 .<br />

Dominik Rimbault: In the footsteps of van Gogh, Éd. Arthaus Musik, Leipzig, 2007<br />

548 Heiner Bastian (Éd.): Ron Mueck, Éd. Hatje Crantz, Ostfildern-Ruit, 2005.


105<br />

de souffrance passive comme l’une des motivations à l’origine de l’activité créatrice. Pour<br />

Werner Hofmann, 549 Carstens ne correspond cependant pas vraiment au modèle d’un<br />

mélancolique ou d’un artiste déchu. Il voit plutôt dans la naiveté de son autoportrait<br />

confirmant également le tableau que Fernow brosse de lui comme un talent naturel en friche<br />

qui «[était] venu à l’art sans aucune formation préparatoire.» 550 Or, il considère cela comme<br />

étant tout à fait un point positif, car, selon lui, Carstens résiste, grâce à cela, sa vie durant, à la<br />

contrainte de correspondre aux normes esthétiques propres de son époque et, ce faisant, put<br />

épanouir son talent de manière authentique:<br />

Sa méconnaissance totale de l’esprit moderne l’a rendu d’autant plus capable, afin de saisir l’esprit de l’Antiquité<br />

dans sa pureté et vérité […] Ainsi, il a prêté son talent à l’art de façon pure et libre et a reçu ses premières<br />

impressions profondes et inextinguibles. 551<br />

L’esprit de l’Antiquité ne peut donc pas être appris péniblement, mais est plutôt ressenti de<br />

façon spontanée. En ce qui concerne l’ambition artistique, ou, l’aspiration individuelle à<br />

l’art 552 comme Fernow l’appelle, Carstens excelle d’après sa conviction non seulement par<br />

ses qualités en tant qu’autodidacte, mais également de par sa capacité à l’autodétermination et<br />

la quête de «son propre chemin»:<br />

Carstens avait très tôt, garçon et jeune, l’œil et la main pour le dessin technique […] Si Carstens, sans s’en<br />

apercevoir, avait été mené plus tôt à l’art sous la direction d’un maître, celui-ci l’aurait mené sur le chemin<br />

commun de l’imitation […]; il reste à savoir s’il serait sorti de cette école aussi pur et libre, aussi particulier et<br />

autonome, qu’il l’a fait en empruntant son propre chemin? […] Sa méthode, qui consiste à ne rien imiter, mais à<br />

tout saisir par la contemplation, et à appliquer les connaissances ainsi acquises dans ses propres travaux, a<br />

donné l’avantage à Carstens d’exercer sans cesse son talent de représentation à l’aide des objets. 553<br />

549 Cf. Werner Hofmann, 1995, p. 644: „Ist dem Selbstbildnis von Asmus Jakob Carstens - intim trotz der<br />

Frontalität - anzumerken, daß dieser Jüngling seinerzeit von der Kopenhagener Akademie relegiert wurde?“<br />

550 RS, I, p. 291 s.<br />

551 Ibid.: „Die völlige Unbekantschaft mit dem modernen Zeitgeiste macht ihn nur desto fähiger, den Geist des<br />

Alterthums wahr und rein aufzufassen [...] Er brachte also sein Talent rein und unbefangen zur Kunst und<br />

empfing ihre ersten tiefen, unauslöschlichen Eindrücke.“<br />

552 Cf. au sujet de la genèse de la notion d’art chez Goethe l’étude de Charles Handschin: „Goethe und die<br />

bildende Kunst“, in: Modern Philology, vol. 12, n° 8 (1915), ps. 489-494.<br />

553 Ibid., p. 304 s.: „Carstens hatte bereits frühe, als Knabe und Jüngling, Auge und Hand im Technischen der<br />

Zeichnung [...] Wäre Carstens früher, ehe er sich bewust ward, unter der Anleitung eines Meisters zur Kunst


106<br />

Dans ce contexte, il reste à savoir si Fernow assimile l’aspiration à l’art généralement à<br />

l’effort actif de l’artiste ou s’il envisage le terme plutôt au sens passif comme le résultat d’une<br />

inspiration divine. Peut-être trouve-t-on aussi la réponse dans l’interprétation du modèle<br />

traditionnel d’ingegno, 554 selon lequel l’artiste crée son œuvre librément d’après une<br />

inspiration spontanée. De même, Fernow souligne que Carstens se distingue des copistes<br />

traditionnels des académies, ces «imitateurs et réciteurs», 555 grâce à la formation spécifique<br />

de son œil artistique. La prise de distance apparente du chemin académique de l’imitation est<br />

également significative pour le changement de la compréhension de l’art au sens du disegno,<br />

qui va de pair avec une mise en valeur du caractère, à laquelle aspire également Winckelmann<br />

dans les Pensées sur l’imitation. 556 Déjà Addison avait remarqué, dans ses écrits, l’importance<br />

de l’ocular sense au sens de la vision artistique comme étant le «plus parfait et le plus<br />

délicieux des sens humains.» 557 Cette autopsie artistique était, déjà à l’époque des Lumières,<br />

devenue la partie complémentaire du paradigme esthétique, de l’imitatio, jusque-là<br />

dominante, et devait, peu à peu, être relayée par l’inventio parlant plus au public. De même,<br />

on constate à ce propos que Fernow ne met pas l’accent sur une analyse ekphrastique et<br />

immanente de l’œuvre. Quant à cela, il est frappant que sa recension des œuvres de Carstens<br />

est moins détaillée, également en ce qui concerne les questions du style et de la forme. De<br />

gekommen, so würde dieser ihn auf den gewöhnlichen Weg der Nachahmung geführt [...]; ob er auch aus dieser<br />

Schule so rein und unbefangen, so eigenthümlich und selbstständig wieder hervorgegangen [sein] als er sich auf<br />

seinem eigenen Wege erhielt? [...] Bei seinem Verfahren, nichts nachzuzeichnen, sondern alles durch<br />

Betrachtung aufzufassen, und die so erworbenen Kentnisse in eigenen Arbeiten anzuwenden, hatte Carstens den<br />

Vortheil, dass er sein Darstellungsvermögen unaufhörlich an neuen Gegenständen übte.“<br />

554 Cf. au sujet de la conception d’un ingegno comme un don divin par exemple un vers de Michelangelo<br />

Buonarotti, cité selon: Rime, Éd. Ophrys, Paris, 2005, n° 149, vers 1-10: «Non posso non mancar d'ingegno e<br />

d’arte a chi mi to’ la vita con tal superchia aita, che d'assai men mercé più se ne prende. D’allor l’alma mie parte<br />

com’occhio offeso da chi troppo splende, e sopra me trascende a l’impossibil mie; per farmi parial minor don di<br />

donna alta e serena, seco non m’alza; e qui convien ch’impari che quel ch’i’ posso ingrato a lei mi mena. Questa,<br />

di grazie piena, n’abonda e ‘nfiamma altrui d’un certo foco, che ‘l troppo con men caldo arde che’l poco.»<br />

555 JS, p. 276: „Nachahmer und Nachbeter hingegen findet man in Menge, und ich bin wahrhaft auf die<br />

Kunstakademien ergrimmt, die diesen sinnlosen Schlendrian pflegen und befördern.“<br />

556 Cf. WW, p. 14.<br />

557 Cf. Milizia Francesco, in: Dell’ arte di vedere nelle belle arti di disegno, cité d’après: Studi di Estetica, III ème<br />

série, année XXVII, fasc. II (20/1999): «Vedere e consumara divergono, nel secolo che fui detto ‘dei Lumi’, due<br />

aspetti complementari di quel medesimo paradigma estetico che, disarticolando la triade Canova-committenteconoscitore-artista<br />

(Fumaroli), pone al centro della scena dell’arte un pubblico sempre più vasto ed eterogeneo<br />

di fruitori [...].»


107<br />

même, il se limite dans l’ensemble à une simple description des scènes mythologiques 558<br />

représentées, sans pourtant s’intéresser davantage aux aspects picturaux. Il n’y a que deux<br />

tableaux, qui passent également pour les chef-d’œuvres de Carstens, qui sont décrits de façon<br />

plus détaillée: La nuit avec ses enfants et L’âge d’or. Fernow remarque par rapport à ce<br />

premier:<br />

La nuit avec ses enfants peinte d’après une poésie d’Hésiode. La nuit, représentée comme mère des autres<br />

personnages, est la figure centrale d’une composition et forme avec les génies du sommeil et de la mort assoupis<br />

dans son giron un groupe magnifique. 559<br />

La nuit, dont Carstens emprunte le motif à la théorie des dieux de Moritz, 560 et qu’on retrouve<br />

également dans les écrits winckelmanniens, 561 remonte initialement aux textes de<br />

Pausanias, 562 et d’Hésiode. 563 D’après ce dernier, l’avènement du monde des dieux remonte<br />

au premier âge, à partir de la mère d’origine Gaïa, qui donne naissance à Uranos, qui sera par<br />

la suite détrôné par Cronos. Ce dernier domine le genre doré des hommes mortels, qui, sous<br />

son règne, mènent une vie heureuse. Après la chute de Cronos, cet état terrestre idéal sera<br />

alterné par les âges successifs du monde (par Zeus). Quant à la composition, le dessin de<br />

558<br />

Comme la description des vingt-quatre scènes propres à la saga des Argonautes dans le Carstens de Fernow.<br />

559<br />

Johanna Schopenhauer: Gabriele. Ein Roman. In zwei Theilen. Erster Theil, Éd. Brockhaus, Leipzig, 1819, p.<br />

140: „Die Bildszene stellt die in einer jungen Frauengestalt personifizierte Nacht mit ihren beiden Kindern<br />

Schlaf und Tod dar, der auf der linken Seite des Tableaus Nemesis, die Tochter der Nacht und Göttin der<br />

Vergeltung gegenüber gestellt wird. Das Schicksal, vermutlich ebenfalls in Gestalt einer Frau, steht mit<br />

verhülltem Haupt neben ihr und hält in ihren Händen ein Buch, aus dem sie den drei Parzen Lachesis, Klotho<br />

und Atropos die Schicksale der Menschen vorträgt.“ Cf. également par ailleurs Herbert von Einem: Asmus Jacob<br />

Carstens - die Nacht mit ihren Kindern, Éd. Westdeutscher, Cologne/Opladen, 1958. Ibid., s.: „[...] die Nacht mit<br />

ihren Kindern nach der Dichtung Hesiodus vorstellend. Die Nacht, als Mutter der übrigen Gestalten, ist die<br />

Hauptfigur der Komposizion, und macht für sich mit den in ihrem Schoβse ruhenden Genien des Schlafs und des<br />

Todes eine herliche Gruppe.“<br />

560<br />

Voir Karl Philipp Moritz: Götterlehre oder Mythologische Dichtungen der Alten, Francfort/M., 1979, ps. 10-<br />

45.<br />

561<br />

Voir Winkelman’s Werke, C. L. Fernow (Éd.), vol. II, p. 549: „Die Nacht hält über das Haupt ein fliegendes<br />

Gewand voll Sterne, wie diejenige Figur auf einem geschnittenen Steine ist, welche Maffei eine Göttin der<br />

Stunden nennet, und eine ähnliche Figur, deren fliegendes Gewand blau ist, die eine umgekehrte Fackel hält, mit<br />

der Üeberschrift NYE, ‘die Nacht’, bringet Montfauçon bey aus einem Gemälde einer alten Handschrift.“ Meyer<br />

écrit dans sa note: „Sehr schön ist die Nacht gebildet auf zwei Grablampen, S. Passeri Luc. fict. t. I. tab. 8. et<br />

Bellori Luc. Sepulcr. p. I. tab. 8: „Auf dem Deckel einer groβen Graburne in der Kirche St. Lorenzo vor Rom<br />

breitet die Figur der Nacht ihr Gewand aus, dem mit zwei Pferden bergabfahrenden Abend entgegen“, (signé M/<br />

ibid., p. 706, note n° 112).<br />

562<br />

L’écriture historique de Pausanias sert par ailleurs également à l’instrumentalisation du mythe de l’aurea<br />

aetas à l’âge d’Auguste. Cf. à ce sujet John Pollini: “The Tazza Farnese: Augusto Imperatore: ‘Redeunt Saturnia<br />

Regna’!“, in: American Journal of Archaeology, vol. 96, n° 2, 1992, ps. 283-300, ainsi que Karl Galinsky:<br />

“Venus, Polysemy, and the Ara Pacis Augustae“, ibid., vol. 96, n° 3, 1992, ps. 457-475.<br />

563<br />

Cf. Hesiod: Götterlehre, Otto Schöneberger (Éd.), Éd. Reclam, Stuttgart, 2002 [en traduction allemande].


108<br />

Carstens n’est pas une représentation allégorique au sens traditionnel du terme, mais plutôt à<br />

concevoir – tout au sens des réflexions sur la théorie de l’art de Moritz - comme une «langue<br />

de la fantaisie […] en même temps un monde en soi […] sorti du contexte réel des choses »<br />

étant donné que « la fantasie règne dans son propre domaine selon le plaisir.» 564 De même,<br />

Johanna Schopenhauer mentionne le tableau sous la forme d’un petit passage de texte<br />

allusoire dans son roman Gabriele. 565 L’œuvre de l’âge d’or était censée devenir le chef-<br />

d’œuvre de Carstens, une composition de tableau dont il a probablement été inspiré par une<br />

lecture d’Hésiode 566 et d’Ovide, 567 renouant avec le mythe antique de l’aurea-aetas, qui<br />

esquisse cet état paradisiaque où les hommes coexistent en paix et en harmonie. Des<br />

perversions de civilisation provoquées par la guerre, la soif du pouvoir et la déchéance morale<br />

sont alors les causes d’une détérioration progressive des conditions de vie, qui vont engendrer<br />

par la suite la succession de l’âge d’argent, de bronze et de fer. Le sujet de l’âge d’or sera,<br />

après Carstens, relevé par la suite également par Jean-Auguste-Dominique Ingres, 568 qui sera<br />

chargé par le duc de Luynes de la réalisation d’une œuvre sous la forme de deux peintures<br />

564 Voir Karl Philipp Moritz: „Über die bildende Nachahmung des Schönen“ et „Nachbildung des groβen<br />

Ganzen der Natur“ [1788], cf. Hans Joachim Schrimpf (Éd.): Karl Philipp Moritz: Schriften zur Ästhetik und<br />

Poetik, édition critique, Tübingen, 1962, ps. 63-93. Voir à ce sujet également Goethe: „Über die Wahrheit und<br />

Wahrscheinlichkeit von Kunstwerken“, [WA], I, p. 261: „[Kunst als einer] kleinen Welt für sich.“<br />

565 Johanna Schopenhauer s’est également inspirée de l’œuvre de Carstens, comme le prouve le passage suivant<br />

dans son roman Gabriele, op. cit., ibid., p. 42: „Das Tableau stelt die Nacht vor, die ihren dunkelblauen<br />

Sternenschleier über ihre Kinder, den Schlaf und den Tod, ausgebreitet hält. […] Zu ihren Füβen schlummerten<br />

zwei liebliche, blonde Genien, der eine war mit Mohnblumen geschmückt, der andre, mit der ausgelöschten<br />

Fackel, trug einen Kranz von Zypressen.“ Cette scène imaginaire au sens d’un tableau vivant aboutit sur<br />

l’apparition de la protagoniste du roman, Gabriele: „Bunte, fantastische Traumgestalten drängten sich hinter ihr,<br />

unter ihnen stand Gabriele, als ein trüber, Unheil verkündender Traum, in ihren langen, schwarzen Schleier<br />

gehüllt, unter welchem die goldglänzenden Locken tief herabrollten. Beim Lampenlicht, mitten unter<br />

rosenwangigen, schimmernden Gestalten schien sie, ohne alle Schminke noch blässer als sonst.“ Gabriele<br />

devient ainsi une sculpture vivante pygmalionienne, à l’instar du tableau vivant: „Sie glich Pygmalions<br />

Meisterwerk bei der ersten Regung des erwachenden Lebens. So glühend strahlte ihr dunkles Auge aus dem<br />

Marmorgesicht, denn ihr Blick traf auf Ottokarn, der in einiger Entfernung in ihrem Anschaun verloren stand.“<br />

566 Cf. note n° 565 ci-dessus.<br />

567 Cf. les Métamorphoses d’Ovide, dans lesquelles on trouve également un passage de texte correspondant (1,<br />

vers 89-110, ici p. 89 s.): «Aurea aetas est aetas, quae vindice nullo, sponte sa, sine lege, fidem rectumque<br />

colebat. Poena metusque aberant nec verba minantia fixo aexa laegabantur, nec supplex turba timebat judicis ora<br />

su, sed erant sine vindice tutti.»<br />

568 Comme Carstens, Ingres s’intéresse surtout aux sujets de la mythologie antique et mythique (en 1813 il<br />

achève son œuvre la plus connue Le rêve d’Ossian). Après la mort de sa femme en 1849 il arrête la peinture; sa<br />

dernière composition L’âge d’or, est ainsi restée inachevée. Cf. Karin H. Grimme: Jean-Auguste-Dominique<br />

Ingres: 1780 - 1867, Éd. Taschen, Cologne, 2007.


109<br />

(L’âge d’or et L’âge de fer) pour la décoration de l’intérieur de son château de Dampierre<br />

(Yvelines). Il commence seulement la peinture de l’âge d’or, qui reste inachevée. Ce qui est<br />

assez étonnant, c’est que l’esquisse du tableau ressemble par plusieurs aspects tout à fait au<br />

dessin de Carstens (en ce qui concerne la perspective, la composition du tableau, le coloris et<br />

le contraste). Or, les motivations à l’origine de ces deux œuvres sont pourtant<br />

fondamentalement différentes. Ainsi, Carstens vise principalement avec sa représentation la<br />

visualisation de l’idée de nation, qui est probablement aussi motivée par le désir de fonder une<br />

nouvelle identité allemande. Cependant le tableau reste, ironie du sort, tout comme celui<br />

d’Ingrès, inachevé, étant donné que Carstens décède, avant d’avoir pu le terminer, des suites<br />

d’une maladie de cœur congénitale:<br />

[…] qui a conçu une idée de l’âge d’or ou de l’état naturel de l’homme sophistiqué par l’idéal du poète, mais qui<br />

n’a plus eu le temps, de le finir, car les maux de poitrine, la fièvre et la faiblesse revenaient de nouveau. 569<br />

Il compense par ailleurs ce manque de la perfection artistique en tant que défenseur théorique<br />

de l’art de Carstens en attirant successivement l’attention sur l’intention de l’artiste à la base<br />

de cette œuvre, ou bien la volonté de l’art, qu’il met toujours en valeur vis-à-vis du véritable<br />

savoir-faire de l’art. Déjà le choix de ce sujet du mythe de l’aurea aetas illustre pour lui ainsi<br />

l’enthousiasme exemplaire de ce premier:<br />

Déjà le choix d’un sujet aussi hilarant et plaisant, à un moment où son corps souffrait sans cesse et commençait à<br />

se soumettre à la destruction envahissante, faisait preuve de la force toujours inébranlable et de la gaieté de son<br />

esprit. 570<br />

A l’exemple des études propres à Homère et l’enfer de Dante, il essaie par la suite d’illustrer<br />

la spécificité artistique de Carstens. 571 Le style pur de ce dernier excelle, d’après Fernow, de<br />

569 Ibid., s.: „[...] eine Idee des goldenen Zeitalters, oder des durch das Dichterideal veredelten Naturzustandes<br />

der Menschen entwarf, aber nicht mehr Zeit gewan, sie zu endigen; denn Brustübel, Fieber und Schwäche<br />

kehrten aufs neue zurück.“<br />

570 Ibid., p. 231: „Schon die Wahl eines so heiteren, gefälligen Gegenstandes zu einer Zeit, wo sein Körper<br />

ununterbrochen litt, und der hereinbrechenden Zerstörung zu erliegen anfing, bewies die noch immer<br />

ungeschwächte Kraft und Heiterkeit seines Geistes.“<br />

571 Ibid.: „[...] Studien zum Homer und Dante’s Hölle durch ihren Stil, den reinen Stil, und durch die sorgfältige<br />

Ausführung, womit sie verfertigt sind, auszeichnen.“


110<br />

par son rejet des représentations à la fois sensuelles et suggestives, 572 son renoncement à la<br />

couleur en faveur du contraste strict noir sur blanc, et sa simple limitation aux contours. A<br />

cela s’ajoute la prise de distance d’un dessin anatomiquement correct, en faveur d’une<br />

productivité de l’introspection. A la fin, il pose la question de savoir si le chemin autodidacte<br />

de Carstens avait été «le plus juste et le plus adapté», 573 en arrivant à la conclusion<br />

surprenante que:<br />

Ce chemin ne devrait pas être recommandé comme étant généralement praticable et d’autant moins qu’il devrait<br />

être élargi aux élèves des écoles et académies d’art, étant donné que dans ces instituts on forme, d’après la règle,<br />

des talents imitateurs et non pas créateurs, et c’est pour cela que le plan de formation de celles-ci doit être<br />

mesuré d’après le talent de ces élèves. 574<br />

La vie de Carstens, affranchi de l’académie, peut donc servir de modèle non seulement pour<br />

les artistes en herbe, mais également pour des talents créateurs exceptionnels, de sorte:<br />

qu’au moins sa biographie ne soit pas tout à fait perdue à cette fin; qu’elle élève chez certains jeunes artistes<br />

cette notion de dignité de la vocation, en l’enthousiasmant de cette décision, qui est si naturelle aux âmes<br />

pénétrées par la dignité de leur profession, cette décision de n’avoir pour ambition, sans faire attention à l’esprit<br />

frivole de l’époque contemporaine et aux applaudissements d’une foule incompréhensive, que la vraie<br />

excellence, qui, elle seule, garde à chaque changement du goût l’approbation des connaisseurs. 575<br />

Avec cette fin dithyrambique, Carstens est présenté comme un artiste anti-académique, 576 qui,<br />

à l’instar de «l’artiste maudit», ne se plie ni au goût de son époque, considéré par Fernow<br />

comme décadent, ni aux applaudissements de la «foule incompréhensive» et la faveur de ses<br />

572 Cf. Hofmann, 1995.<br />

573 Ibid., p. 311: „[…] für ihn der rechte und angemessenste.“<br />

574 Ibid., s.: „Als allgemein gangbar würde jedoch dieser Weg nie zu empfehlen noch weniger zu einer breiten<br />

Heerstraβe für die Zöglinge der Kunstschulen und Akademien auszuweiten sein, weil in solchen Anstalten der<br />

Regel nach, nur nachahmende nicht schöpferische Talente gebildet werden, daher auch vornehmlich auf das<br />

Vermögen jener, nicht dieser, der Bildungsplan derselben berechnet werden muss.“<br />

575 Ibid.: „Möchte wenigstens die Darstellung seines Lebens für diesen Zwek nicht ganz verloren sein; möchte<br />

sie in manchem jungen Künstler den Begriff von der Würde seiner Bestimmung erhöhen, und ihn zu dem<br />

Entschlusse begeistern, welcher edlen, von der Würde ihres Berufs durchdrungenen Gemüthern so natürlich ist,<br />

zu dem Entschlusse, ohne Rücksicht auf den frivolen Geist des Zeitalters und den Beifall der unverständigen<br />

Menge, nur nach wahrer Vortrefflichkeit zu streben, die allein, wie die Werke der alten Künstler, in jedem<br />

Wechsel des Modegeschmaks den Beifall der Kenner behauptet.“<br />

576 Cf. Rees, op. cit.


111<br />

mécènes, mais qui est, grâce à la «poésie de son invention», 577 «devenu ce qu’il est<br />

devenu.» 578 D’un point de vue historiographique, non seulement la problématique de la<br />

corrélation entre le talent artistique et son épanouissement individuel dans la société moderne<br />

est soulevée, mais aussi le personnage, à la fois fictif et authentique, de Carstens est<br />

instrumentalisé par Fernow comme le véhicule de ses propres convictions esthétiques et<br />

politico-culturelles. Cela offre pour lui aussi l’exemple par excellence du statut précaire de<br />

l’artiste dans la société moderne, une problématique, qui, par la suite, va être relevée, entre<br />

autres, par Goethe 579 et James Joyce. 580 Ainsi, Goethe décrit dans les Années d’apprentissage<br />

et de formation de Wilhelm Meister le parcours du protagoniste du même nom, qui, au bout de<br />

nombreuses errances et confusions, trouve sa véritable vocation, à savoir celle de médecin.<br />

Suivant une thématique similaire, Joyce décrit au XX ème siècle, dans son ouvrage de toute<br />

évidence autobiographique, intitulé A Portrait of the Artist as a Young Man, le parcours du<br />

jeune artiste Stephen Dedalus, dont la personnalité sensible entre en conflit avec la famille et<br />

l’autorité dans l’Irlande au tournant du siècle. De même, Fernow met clairement en avant<br />

cette intention sociocritique, de façon que, si paradoxal que cela puisse paraître au premier<br />

regard, la fiction qu’il crée autour de Carstens 581 peut être considérée comme une sorte<br />

d’anticipation de l’anti-artiste moderne, du moins dans l’espace germanophone, et cela encore<br />

avant les Migrations de Franz Sternbald de Ludwig Tieck. 582 Pourtant, on ne prêta, à cette<br />

époque-là, que très peu d’attention à l’inauguration fernowienne d’un nouveau topos de la vie<br />

577<br />

RS, I, 270.<br />

578<br />

Voir Fernow: Carstens, Leben und Werke. Von K. L. Fernow, H. Riegel (Éd.), Hanovre, 1867, p. 185: „In<br />

dem Leben eines Künstlers von so entschiedenen Anlagen und so durchaus eigener, trotz den ungünstigesten<br />

Umständen glücklich durchgeführter Selbstbildung ist nichts merkwürdiger, als zu sehen, wie er ward, was er<br />

geworden.“<br />

579<br />

Cf. Gero von Wilpert, in: Goethe-Lexikon, Éd. Alfred Kröner, Stuttgart, 1998, ps. 1187-1191, ici p. 1189,<br />

ainsi que idem: Sachwörterbuch der deutschen Literatur, ibid., 2001, p. 917.<br />

580<br />

Cf. Richard Ellmann: James Joyce, Éd. Oxford University Press, 1959.<br />

581<br />

Cf. Rees, op. cit.: „Carstens als eine Erfindung, oder im Idiom des 18. Jahrhunderts ausgedrückt: eine Kreatur<br />

Fernows in kunsttheoretischer Absicht?“<br />

582<br />

Ludwig Tieck: Franz Sternbald’s Wanderungen - eine altdeutsche Geschichte, Johann Friedrich Unger (Éd.),<br />

Berlin, 1798.


112<br />

d’artiste, ce qui est surtout dû à une réception dans l’ensemble plutôt réservée de l’œuvre. 583<br />

Tandis que des auteurs de langue allemande (comme par exemple F. Brun, J. H. Meyer, A. W.<br />

v. Schlegel) partagent tout à fait les remarques polémiques de Fernow concernant le style<br />

éclectique de Canova, d’autres y sont plutôt sceptiques (A. v. Kotzebue, J. G. Seume). Comme<br />

le constate par ailleurs Ansgar M. Cordie, 584 ce qui manque à Fernow, c’est finalement un<br />

public répondant au marché. Or, vu dans l’ensemble, cela ne change rien à l’importance<br />

littéraire de la biographie de Carstens en tant qu’œuvre novatrice 585 reposant d’abord sur les<br />

postulats d’authenticité et d’individualisation du nouveau genre de la biographie d’artiste, un<br />

rang qui lui est indubitablement dû, même si une certaine tendance à une «auto-intrônisation<br />

du théoricien face à l’homme critique» 586 ne peut pas tout à fait être réfutée. Par ailleurs, la<br />

composante sociocritique, sous la forme d’une prise de distance par rapport au modèle<br />

traditionnel d’écriture biographique, reste bien manifeste. Cette réhabilitation publique de<br />

Carstens devrait non seulement aller de pair avec un démenti des reproches que von Heinitz<br />

avait prononcés, du temps de son vivant, contre l’artiste, mais également influencer de<br />

manière positive la réception de l’héritage carstensien, en le mettant en valeur devant Canova<br />

et Arioste, ce qui fera l’objet du chapitre suivant.<br />

583 Cf. Alexander Auf der Heyde: „Carl Ludwig Fernows Monographie ‘Über den Bildhauer Canova und dessen<br />

Werke (1806)’: eine exemplarische Auseinandersetzung mit der italienischen Gegenwartskultur. Anmerkungen<br />

zur Entstehung und Rezeption des Textes“ [exposé du colloque du SFB 482 (Université de Jéna 2-5 avril 2006)].<br />

584 Cf. Ansgar M. Cordie: „Zu fragen wäre nach den Bedingungen für ein Publikum […] das Kunst nicht reinen<br />

Marktgesetzen unterwirft, sondern an ihrer Autonomie wie an ihrer lebensweltlichen Einbettung lebhaften Anteil<br />

nimmt“, cité d’après: PhiN 18/2001 (ps. 47-54/ ici p. 52).<br />

585 Voir Herbert von Einem: „Carl Ludwig Fernow“, in: Deutsche Biographie, Historische Kommission bei der<br />

Bayerischen Akademie der Wissenschaften (Éd.), vol. 5, Berlin, 1961, ici p. 99: „[…] die erste moderne<br />

Künstlermonographie in deutscher Sprache.“<br />

586 Cf. Rees, op. cit.


113<br />

II. 3. Antonio Canova: «L’attrait plaisant et flatteur de Canova»<br />

Si nous avons vu, au chapitre précédent, les éléments essentiels de la biographie de<br />

Carstens 587 d’après les aspects propres au contenu et à la forme, nous allons voir, dans ce qui<br />

suit, que la biographie de Carstens peut être interprétée comme étant l’antithèse artistique<br />

parfaite à Canova et cela à maints égards. Les deux biographies sont publiées en 1806, aux<br />

éditions Gessner et Hartknoch, ce qui nous amène notamment à soupçonner que la<br />

publication presque synchronisée des deux monographies d’artistes est également destinée à<br />

des fins propagandistes. Ce faisant, la gloire posthume de Carstens est influencée de manière<br />

positive, alors que l’œuvre de Canova est soumise à une analyse plutôt critique. Au fait, ce<br />

regard en simultané de deux vies d’artiste, qui, quant au contenu, ne sont pas seulement<br />

diamétralement opposées, mais se complètent aussi paradoxalement dans la mesure où<br />

chacune représente l’antiportrait de l’autre, semble merveilleusement se prêter à ces fins. De<br />

même, la dichotomie apparente n’est nullement due au hasard. De fait, ce contraste en noir et<br />

blanc ne pourrait mieux intriguer l’œil du lecteur attentif, ce qui se reflète également au<br />

niveau de la composition littéraire. Ainsi, Fernow commence, à la manière comparable à<br />

Vasari, 588 la description de la vie de Carstens, tout comme celle de Canova d’ailleurs, à partir<br />

de leur plus tendre enfance:<br />

Tandis que Carstens naît comme le fils d’un meunier et né à Sankt Jürgen dans le Slésvig-<br />

Holstein, au nord de l’Allemagne, que Fernow qualifie de manière péjorative de nord hostile à<br />

l’art, Canova est issu d’une ancienne famille de sculpteurs (Scalpellini), à Possagno, dans la<br />

Terra ferma située dans région de Venise, qu’il appelle le sud propice à l’art. Contrairement à<br />

Canova, Carstens grandit ainsi dans un milieu social qui est dès le départ propice à<br />

587 Fernow dédie la biographie de Canova à la poétesse Friederike Brun (Der edlen Dichterin und Freundin des<br />

Schönen Friederike Brun geb. Münter zu Kopenhagen), voir préface RS, vol. I, Éd. Gessner, Zurich, 1806.<br />

588 D’après la thèse de Svetlana L. Alpers, le récit biographique dans les Vite de Vasari sert uniquement de cadre<br />

pour la description ekphrastique des œuvres: “Ekphrasis and aesthetic attitudes in Vasari’s Lives“, in: Journal of the<br />

Warburg and Courtauld Institute, n° 23, (1960), ps. 190-215.


114<br />

l’épanouissement de ses dons artistiques. Pendant que Canova peut, durant ce temps-là,<br />

s’adonner intensément à la contemplation de la nature, Carstens doit entraîner son œil<br />

artistique de manière autodidacte en regardant les chef-d’œuvres des Anciens.<br />

Et, plus encore, Canova bénéficie, dès sa plus tendre jeunesse, du mécénat de la cour de<br />

Rome, 589 alors que Carstens décline un prix qui lui est accordé par l’académie de Berlin, en<br />

formulant le reproche d’un concours illicite, et à part cela, est toujours contraint à se justifier<br />

face au ministre Heinitz au sujet de sa bourse. De même, Carstens se voit constamment<br />

confronté aux polémiques venant de ceux qu’il appelle les jaloux, comme par exemple le<br />

peintre Müller 590 et Chodowiecki, 591 tandis que Canova ne s’est jamais heurté à ce genre de<br />

difficultés, car il est, comme Fernow le constate à plusieurs reprises, après la mort précoce de<br />

celui qui aurait pu être son seul rival potentiel, le très prometteur sculpteur Alexander<br />

Trippel, 592 quasiment sans concurrence et sans critiques. Fernow le formule ainsi:<br />

589 Ainsi Canova commence sa formation, seulement âgé de 11 ans, en 1768, sur la recommandation du sénateur<br />

Giovanni Falieri, chez le sculpteur Bernardi Torretti dans la province du Trévise Pagnano d’Asolo, avant d’être<br />

accueilli à l’Accademia Santa Marina à Venise, où il est instruit par des professeurs de renom.<br />

590 Cf. aussi Rolf Paulus et Eckhard Faul: Maler-Müller-Bibliographie, Éd. Winter, Heidelberg, 2000.<br />

591 Ibid., p. 223: „[…] Maler Müller, der sich bis dahin im Umgange immer freundschaftlich gegen ihn erwiesen<br />

hatte, zog durch einen weiten Umweg, von Deutschland aus, feindselig gegen ihn zu Felde.“ Le ‘Maler Müller’<br />

avait publiquement critiqué la biographie de Carstens dans les Heures, provoquant ainsi une contre-critique de<br />

Fernow dans le Teutschen Merkur, ce qui amuse Goethe et Schiller - dans le Teutschen Merkur. De même,<br />

Daniel Chodowiecki se prononce de façon négative sur Carstens; voir: Briefe Daniel Chodowieckis an Anton<br />

Graff, Charlotte Steinbrucker (Éd.), [1921], Éd. de Gruyter, Berlin/Leipzig, 1971, p. 106 et p. 158: „Er hat zu<br />

viel Eigendünkel […]“, et: „[…] er ist die Charikatur von Michelangelo geworden.“<br />

592 Fernow exagère à ce sujet, de toute évidence, étant donné que le talent du sculpteur suisse Alexander Trippel<br />

est sous-estimé par ses contemporains et seulement réfuté de manière posthume. Son parcours ressemble à un<br />

certain égard à celui de Carstens, car Trippel parvient à l’art, tout comme Carstens, seulement à travers des biais.<br />

Après un stage interrompu chez un luthier à Londres, il apprend le dessin chez Christian Ludwig von Lücke et<br />

déménage en 1759 à Copenhague, où il est reçu à l’académie d’art danoise. Durant ce temps, il est très influencé<br />

par le style préclassique du sculpteur Johann Wiedewelt et Carl Frederik Stanley, qui vont par la suite<br />

l’encourager à continuer sa formation à Rome. Là-bas, il réalise plusieurs travaux, mais le succès escompté se<br />

fait attendre. Ainsi, son esquisse pour le monument en l’honneur de Friedrich II. est refusé, tout comme sa<br />

candidature comme vacataire du sculpteur à la cour de Leipzig. Malgré cela, il est nommé membre d’honneur à<br />

l’académie prussienne des sciences. Après un court séjour à Paris, où il fait la connaissance du graveur Christian<br />

von Mechel, il rentre en Suisse. En 1778, il s’installe définitivement à Rome, où, jusqu’à sa mort, en 1793, il<br />

dirige un atelier de peinture, dans lequel résident par moments des artistes comme Gottfried Schadow et Johann<br />

Jakob Schmid. Parmi ses œuvres les plus connues figurent deux bustes en marbre qu’il fait de Goethe. Cf. à ce<br />

sujet Friedemann Walbrodt (auteur et Éd.): J. W. von Goethe in Stein: von Pierre Jean David d'Angers -<br />

Alexander Trippel, Berlin-Dahlem, 2003, ainsi que C. H. Vogler: Der Bildhauer Alexander Trippel aus<br />

Schaffhausen: Mit d. Portr. u. 4 Tab. Abb. von Werken Trippels, Éd. Schoch, Schaffhausen, 1893 und Jörn<br />

Albrecht: Alexander Trippel (1744-1793); Skulpturen und Zeichnungen, (catalogue de l’exposition du 25<br />

septembre au 21 novembre 1993), Éd. Museum zu Allerheiligen, Schaffhausen, 1993, ainsi que Hans Wahl et<br />

Anton Kippenberg: Goethe und seine Welt, Éd. Insel, Leipzig, 1932, ps. 105 et 126.


115<br />

Quand l’auteur a écrit cela, Canova a été en fait le seul artiste de son domaine à Rome, qui devait accomplir de<br />

grands travaux […]. Ainsi, Canova était resté, après la mort de Trippel, […] pendant longtemps sans concurrent<br />

[…] Canova aurait eu en lui un concurrent dangereux. 593<br />

Dans la préface des Études romaines, Fernow tente ainsi de définir de plus près le problème<br />

du jugement esthétique, ce qui devient en même temps le point de départ de sa considération<br />

des œuvres de Carstens:<br />

Chaque jugement d’art qui ne s’appuie pas uniquement sur le sentiment, mais qui se fonde sur des raisons,<br />

présuppose un système de principes critiques ou reposant sur l’intelligence de la nature et de la finalité de l’art.<br />

Si, sans base théorique solide, les notions dominantes sur l’art sont différentes, il se peut que deux juges d’art<br />

s’accordent selon leurs principes et leurs jugements: ainsi devient-il quasiment nécessaire qu’on expose, de<br />

même que les jugements sur les œuvres d’art, les raisons et le point de vue à partir desquels on considère l’art,<br />

afin de ne pas être mal compris. L’auteur a suivi ce principe dans son premier essai sur Canova et ses œuvres. 594<br />

Fernow cherche donc plutôt à souligner son authenticité en tant que biographe, en se référant<br />

non pas à son sentiment en tant que spectateur, mais surtout à sa faculté de juger en tant que<br />

critique d’art. Il attache par la suite une grande importance au fait de paraître crédible aux<br />

yeux du lecteur aussi en tant qu’historiographe. Ainsi, il présente dans son introduction<br />

intitulée Du sculpteur Canova et de ses œuvres une sorte d’état des lieux de la production<br />

d’art du XVIII ème siècle, en diagnostiquant un tournant important dans la peinture et la<br />

sculpture qu’il considère comme étant une césure épocale. Il y voit l’une des raisons dans les<br />

«circonstances favorisantes», qu’il ramène en premier lieu au savoir-faire de deux artistes:<br />

«David, le fondateur d’une nouvelle école en peinture» 595 et «Canova, qui a ouvert un<br />

593 Ibid. p. 18 s.: „Als der Verfasser dies schrieb, war in der That Canova der einzige Künstler seines Faches in<br />

Rom, der grosse Arbeiten auszuführen hatte [...] So war Canova seit Trippels Tode [...] lange ohne Nebenbuhler<br />

geblieben [...] Canova hätte in ihm einen gefährlichen Mitbewerber zur Seite gehabt [...].“<br />

594 RS, I, p. X: „Jedes, nicht blos auf Gefühl, sondern aus Gründen gefällte Kunsturtheil sezt ein Sistem kritischer<br />

Grundsätze voraus, das auf der Einsicht vom Wesen und Zwek der Kunst beruhet. Da nun bei dem Mangel einer<br />

festen theoretischen Grundlage, die herschenden Begriffe über Kunst so verschieden sind, dass vielleicht nicht<br />

zwei Kunstrichter in ihren Grundsätzen und Urtheilen übereinstimmen: so wird es gewissermassen nothwendig,<br />

dass man, mit seinen Urtheilen über Kunstwerke, zugleich auch die Gründe und den Gesichtspunkt darlege, aus<br />

denen man die Kunst betrachtet, um nicht missverstanden zu werden. Dies hat der Verfasser in dem ersten<br />

Aufsatze über Canova und dessen Werke gethan.“<br />

595 Ibid., I, p. 11: „David als Stifter einer neuen Schule in der Malerei.”


116<br />

nouveau chemin en sculpture.» 596 En comparaison, les deux se distinguent, d’après Fernow,<br />

par la force d’expression, qui trouve beaucoup d’imitateurs, d’où la production augmentée<br />

dans les ateliers, qui semble quasi légitimer l’espoir d’un retour d’un «âge florissant», après<br />

le «siècle de Bernini.» En l’occurrence, il attribue la décadence du goût par rapport à l’art de<br />

son temps principalement aux influences romantiques, dont se sont également inspirées de<br />

sculpteurs comme par exemple Cavaceppi, 597 ce qui a eu pour conséquence que seuls «des<br />

produits sans goût de la sculpture» ont été créés. D’après lui, la glorification des œuvres<br />

canoviennes réside surtout dans le populisme artistique, dont il se distancie avec véhémence:<br />

Dans cette platitude de la critique se fonde également en partie la raison que les juges d’art italiens savent mieux<br />

écrire des éloges que des critiques - cependant, nous ne voulons, ni par cette coutume, qui n’est favorable qu’à la<br />

faiblesse, ni par l’enthousiasme de toute une nation, ni par la reconnaissance des décrets du pape, qui sont<br />

considérés comme étant infaillibles, exprimer avec franchise notre jugement bien réfléchi sur l’artiste Canova et<br />

ses œuvres. 598<br />

Ainsi, il est d’avis que même si le style de Canova plaît à l’amateur, il ne peut pas pour autant<br />

charmer le véritable connaisseur:<br />

Si l’attrait plaisant et flatteur [de l’art] de Canova avait envoûté la foule des amateurs, la justesse plus rigide et la<br />

définition des formes de Trippel, ainsi que son style plus épuré avaient gagné la faveur des connaisseurs. 599<br />

Par cette critique indirecte du style et de la forme artistiques choisis par Canova, Fernow a<br />

déjà planté le décor, pour procéder ensuite à une vue critique de l’art canovien, qui sera<br />

complétée par un point de vue personnel sur le caractère de l’artiste:<br />

596 Ibid.: „Canova, der in der Bildnerei einen neuen Weg betrat, auf welchem er seitdem mit immer steigendem<br />

Ruhme fortwandelt.“ Idem pour les citations suivantes.<br />

597 Ibid., p. 13: „Cavaceppi war der einzige Bildhauer jener Zeit der einigen Ruf hatte; aber ihn beschäftigte<br />

meistens die Ergänzung alter Bildwerke für die Sammlungen Roms und für seinen eigenen Antikenhandel.“<br />

598 Ibid., p. 28 s.: „In dieser Seichtheit der Kritik liegt auch zum Theil der Grund, dass die italienischen<br />

Kunstrichter sich besser darauf verstehen Elogien als Kritiken zu schreiben. - Wir wollen indes weder durch<br />

diese nur der Schwäche günstige Sitte, noch durch den Enthusiasmus einer ganzen Nazion, noch durch das<br />

Ansehen päpstlicher Dekrete, deren Aussprüche nur in Sachen der Religion für unfehlbar gelten, abhalten lassen,<br />

unser eigenes, wohl erwogenes Urtheil über Canova den Künstler und seine Werke freimüthig zu äussern.“<br />

599 Ibid., p. 20: „Wenn Canova’s gefälliger schmeichelnder Reiz die Menge der Liebhaber bezaubert hätte, so<br />

würde dagegen Trippels strengere Richtigkeit und Bestimtheit der Formen, und sein reinerer Stil die Kenner für<br />

sich gewonnen haben.“


117<br />

Canova mérite l’estime en tant qu’artiste magnifique, et la considération générale dont il jouit en tant qu’homme<br />

à tous ces égards. Mais il est aussi le signe d’une grande âme de ne pas s’enivrer d’une toute grande louange,<br />

comme de ne pas se faire anéantir par un grand malheur. 600<br />

La force de l’âme dans l’ivresse des louanges 601 - voici un autre postulat que Fernow adresse à<br />

la psyché de l’artiste, qu’il voit réalisée dans la «droiture naturelle» 602 de Carstens, dont il<br />

croit qu’elle remonte, de toute évidence, à l’idéal antique 603 véhiculé par Winckelmann. Dans<br />

ce contexte, Fernow critique par la suite la prétention sous-jacente de Canova de présenter, de<br />

manière ostentatoire, ses plastiques éclectiques à côté des œuvres de l’Antiquité. De même, il<br />

juge que Canova dépasse dans ses œuvres maniérées les principes du pur goût, une<br />

transgression qu’il attribue également aux nouveaux artistes de son époque:<br />

Presque tous les nouveaux sculpteurs se sont rendus coupables d’une telle digression de la voie du pur goût […]<br />

Les arts plastiques s’attachent à peindre dans le marbre et la peinture copie les formes abstraites de l’Antiquité<br />

de façon froide et inanimée sur la toile. Oui, l’art plastique devrait s’estimer heureux si chaque artiste, dont la<br />

peinture présente une nouvelle manière, fixait aussi de nouveaux caractères, enrichissant aussi l’art avec de<br />

nouvelles individualités. 604<br />

Il ramène le problème esquissé ci-dessus de «peindre dans le marbre», qui par ailleurs<br />

correspond à l’art romantique, au dénominateur suivant, propre à la critique d’art, qui délimite<br />

la forme de représentation subjective (maniérisme) du purisme de style de l’Antiquité<br />

(classicisme):<br />

600 Ibid., p. 22 s.: „Canova verdient die Schätzung die er als ein vortreflicher Künstler, und die algemeine<br />

Achtung die er als Mensch geniest, in jeder dieser Hinsichten. Aber es gehört eine eben so starke Sele dazu, von<br />

zu grossem Lobe nicht berauscht, als von grossem Unglücke nicht niedergedrückt zu werden.“<br />

601 Voir à ce sujet également les pistes de réflexion evoquées au cours de la troisième partie du présent travail.<br />

602 CARSTENS, p. 132: „natürliche Geradheit.“ Cette même droiture d’esprit est attribuée à Fernow par J. G.<br />

Gruber, dans une nécrologie datant du 20 janvier 1809: „[…] Verachtend jeden Schein, nicht eben stolz, aber<br />

doch Seines Werkes sich wohl bewusst, war er überall männlich und gerade und behauptete stets jene<br />

unerschütterliche Ruhe, welche nur das Eigentum kräftiger Seelen ist.“<br />

603 Johann Joachim Winckelmann: Gedancken zur Nachahmung der griechischen Kunstwerke in der Mahlerey<br />

und Bildhauerkunst, op. cit., p. 21: „[…] so wie die Tiefe des Meeres allezeit ruhig bleibt, die Oberfläche mag<br />

noch so wüten, eben so zeiget der Ausdruck in den Figuren der Griechen bey allen Leidenschaften eine grosse<br />

und gesetzte Seele.“<br />

604 RS, p. 35 s.: „Einer solchen Abweichung von der Bahn des reinen Geschmaks haben sich mehr oder weniger<br />

alle neueren Bildhauer schuldig gemacht [...] Die Plastik versucht in Marmor zu malen und die Malerei trägt die<br />

abstrakten Idealformen der Antike kalt und unbelebt auf die Leinwand über. Ja, die bildende Kunst dürfte sich<br />

glüklich schätzen, wenn nicht jeder Künstler, der mit einer neuen Manier auftritt, auch neue Karaktere aufstellte,<br />

und die Kunst nicht blos mit neuen Bildwerken, sondern auch mit neuen Individualitäten bereicherte.“


118<br />

Le principe est valable seulement chez les modernes: chaque artiste se projette dans son œuvre. L’artiste antique<br />

disparaissait derrière la sienne. 605<br />

L’antinomie entre les notions d’antique-moderne et de subjectif-objectif forme donc l’axe<br />

principal du système esthétique fernowien. Ainsi, la véritable critique des œuvres<br />

canoviennes 606 que Fernow considère lui-même comme le résultat «d’un jugement issu d’une<br />

contemplation calme et objective» 607 se termine sur une critique, qui finit par trouver son point<br />

culminant dans la description de la statue du Persée. Le commentaire que Fernow fait à ce<br />

sujet ressemble en effet à un affront artistique: «En tout, la statue est grosse et lourde» 608 - tel<br />

est - en résumé, le jugement négatif de Fernow à propos du chef d’œuvre de Canova, qu’il<br />

identifie comme étant l’antithèse parfaite du Jason 609 de Thorvaldsen. 610 D’après la thèse de<br />

Pierre Cabanne, 611 on constate chez Thorvaldsen un tournant par rapport à la notion de<br />

sculpture classiciste, 612 dans la mesure où la sensualité élégante de la statuaria antique est<br />

remplacée par les formes froides de la sculpture moderne au sens d’un art glacé. 613 Pour<br />

605<br />

Ibid., p. 50. Voir p. 61: „Nur bei den Neueren gilt der Satz: jeder Künstler drükt sich selbst in seinen Werken<br />

ab. Der alte Künstler verschwand hinter dem seinigen.“<br />

606<br />

Ibid., p. 245 s. Fernow subdivise la récension en groupes suivants: 1. figures rondes et groupes 2. bustes 3.<br />

travaux sublimes 4. tableaux.<br />

607<br />

Ibid., p. 29: „[…] Urtheil einer ruhigen, unbefangene[n] Betrachtung.“<br />

608<br />

Ibid., p. 205: „Die Figur ist im Ganzen plump und schwer.“<br />

609<br />

RS, I, p. 198: „Dass die moderne Kunst diese Forderungen wohl erfüllen kan, hat gerade in jener Zeit, ein<br />

junger in Rom lebender Künstler durch die That erwiesen.“<br />

610<br />

JS, p. 302. Bertel Thorvaldsen commence sa formation à l’académie de Copenhague dès l’âge de onze ans, avant<br />

de s’installer à Rome en 1798, où il s’exerce par la suite en contemplant les idoles antiques. C’est là-bas qu’il<br />

rencontre son compatriote Carstens et qu’il fait également la connaissance de Fernow, avec lequel il entretient une<br />

relation amicale. Initialement, il projette de détruire le Jason, son chef-d’œuvre de cette époque, par insatisfaction<br />

artistique, après l’avoir achevé, mais son mécène, le marchand hollandais Hope finit par l’en empêcher, en<br />

l’achetant tout simplement. Cf. par ailleurs aussi Jürgen Wittstock: Geschichte der deutschen und skandinavischen<br />

Thorvaldsen-Rezeption bis zur Jahresmitte 1819, [thèse, Univ. Hambourg, 1975].<br />

611<br />

Pierre Cabanne: Le classique et l’art baroque, Éd. Payot, Paris, 2006, p. 133: «Le Danois Thorvaldsen, dont<br />

la réputation ne fut pas moindre à celle de Canova fit du néogrec un art glacé […] progressivement la sensualité<br />

élégante va céder à la froideur qu’accentue le polie excessif du marbre amollissant les formes.»<br />

612<br />

Cf. aussi Rudolf Zeitler: Der abgewandte Blick. Bemerkungen zu Skulpturen des Klassizismus um 1800.<br />

Interpretationen zu Werken von David, Canova, Carstens, Thorvaldsen, Koch, Éd. Hatje, Stuttgart, 1993, ps. 167-<br />

176.<br />

613<br />

Henrik Bramsen estime que le Jason de Thorvaldsen représente une mauvaise copie du Doryphore, en raison de<br />

l’absence de l’entité intérieure, qu’il réduit à la composition arbitraire des éléments hétérogènes, qui, dans<br />

l’ensemble, ont un aspect froid et renfermé: „Det påpeges, at Jason ligner Doryforos („spydbæreren“) mere end<br />

nogen anden antik statue, og at den ved sammenligningen røber sine svagheder. Den mangler naturlig harmoni,<br />

savner indre sluttethed og er sammenstykket af elementer hentet her og der. Den er demonstrativt ideal og derfor<br />

kold og afvisende. Som en util nærmelig heldt bygget på teori står Jason, medens Doryforos stille og i ligevægt<br />

kommet os i møde.“ Cité selon: Ny dansk kunsthistorie - Fra rokoko til guldalder, vol. 3, avec des textes de Kirsten<br />

Nørregaard Pedersen, Éd. Palle Fogtda, Kopenhagen, 1994, p. 104.


119<br />

Fernow, ce mode de représentation se rapproche le plus des formes de l’Antiquité au contraire<br />

de l’art de Canova, à qui il attribue, quant à la touche sensuelle dans ses œuvres, un<br />

eclecticisme rompant avec les formes strictes du style classique. Il se réfère surtout à la<br />

précision anatomique des vieux maîtres (p. ex. la mise en valeur des muscles), contrastant<br />

avec les parties du corps fluctuantes qui ne font qu’esquisser les transitions dans les sculptures<br />

de Canova:<br />

Vu de près, on retrouve le bouffi, l’enflé des muscles, qui est si frappant et exagéré sur les statues nommées ci-<br />

dessus [Thésée, pugiliste], sur toutes les figures de Canova, même sur celles qui sont d’une grâce juvénile, à un<br />

degré moindre […] Mais il est indéniable, dès qu’on compare ses Hébés, Psychés, Amors à des figures antiques<br />

du même caractère; sur celles-ci, les muscles apparaissent, tout en ayant une densité tendre, une certaine surface,<br />

en paraissant, de par l’expression pure de la forme, en même temps forts et toniques. On ne retrouve pas ces<br />

légers reliefs sur les figures de Canova, étant donné que là tout s’emmêle de façon ronde et indéfinie, en donnant<br />

à sa manière un certain caractère. 614<br />

En fait, ce reproche à la ‘manière’ de Canova est justifié dans le sens où ce dernier a adapté la<br />

statue de Persée au goût de l’époque en y ajoutant des éléments anachroniques, 615 mais à<br />

réfuter en ce qui concerne les ornements colorés, 616 étant donné qu’on retrouve ces derniers<br />

déjà dans l’art hellénique, contrairement à l’opinion générale. Par la suite, Fernow s’en prend<br />

également à d’autres œuvres de Canova, qui, jusque-là, étaient considérées comme<br />

614 RS, I, p. 230 s.: „Das Aufgedunsene, Angeschwellte der Muskeln, das an den oben genanten Statuen<br />

[Theseus, Faustkämpfer] so auffallend und übertrieben ist, findet sich bei genauerer Untersuchung an allen<br />

Figuren Canova’s, selbst bei den jugendlichzarten, nur in geringerem Grade […] Aber es ist unverkenbar, sobald<br />

man seine Heben, Psychen, Amors, mit antiken Figuren von gleichem Charakter vergleicht; an diesen zeigen die<br />

Muskeln bei ihrer zarten Fülle doch immer eine gewisse Fläche, wodurch sie bei dem reinen Ausdruk der Form<br />

zugleich fest und spankräftig erscheinen. An Canova’s Figuren findet man diese sanften Verflächungen nicht,<br />

sondern alles fliest da mehr rundlich und unbestimmt in einander, und dies gibt seiner Manier ihren eigenen<br />

Charakter.“<br />

615 Comme le bonnet phrygien sur la statue de Napoléon. Canova fait par ailleurs le portrait de Napoléon, en<br />

prenant la pose d’empereur. Cf. Ferdinand Boyer: «Autour de Canova et Napoléon», in: Revue des études<br />

italiennes organe de l’Union intellectuelle franco-italienne, 1937, Éd. (S. L.), Paris 1937, idem: Le monde des<br />

arts en Italie et en France de la Révolution et de l’Empire - Études et recherches, Éd. Società Éd. Internazionale,<br />

Turin, 1969.<br />

616 Cf. Ansgar Cordie souligne que, contrairement à la conception winckelmannienne de la noble simplicité de la<br />

statuaire grec, les statues étaient en effet décorées avec des ornements colorés et les ajouts les plus divers<br />

(ornaments, accessoires, bijoux), comme le prouve par exemple une tête de bronze de Delos et la statue aux yeux<br />

insérés du jeune homme de Marathon. Cf. le commentaire de Basileios Petrakos, in: Das Nationalmuseum von<br />

Athen, Éd. Kleio, Athènes, 1992 ( 1 1981), p. 97: „Wunderbar ausgeführt, mit eingesetzten Augen, voller<br />

Ausdruck der Leidenschaft und des inneren Lebens.“


120<br />

inattaquables par les experts en art. On mentionnera ici, de façon représentative, pour<br />

«l’insuffisance et le dépouillé de ces représentations», 617 la Vénus d’Adon, qu’il qualifie de<br />

«dépourvue de caractère», 618 ainsi que la mise en scène exagérée d’Amor et Psyché 619 qu’il<br />

considère comme étant trop allégorique et le Mars pacifer 620 que Fernow assimile, quant à<br />

l’exécution technique, au Persée. Cependant, les statues représentant Thésée et Minotaure, 621<br />

le lion de Léonidas, ainsi que le monument du pape Rezzonico 622 et la sculpture originale<br />

d’Amor et Psyché 623 retiennent par moments son attention bienveillante, quoique réservée. 624<br />

En ce qui concerne la collection des tableaux de Canova, Fernow conteste l’idée que ses<br />

œuvres révèlent au fond des qualités picturales; mais, en contrepartie, il loue le coloris de<br />

Canova, en le mettant, en ce qui concerne la forme, sur la même échelle que Bernini:<br />

Quand les sculpteurs peignent, on retrouve en règle générale dans leurs travaux la forme comme élément<br />

prédominant, car c’est l’essence de leur art et le sujet principal de leur ambition artistique. Cela illustre de<br />

manière frappante les peintures de Michel-Ange, dans lesquelles un sens plastique prime sur le sens pictural.<br />

Dans les peintures de Canova, on retrouve le contraire, et ce dernier ressemble à tel point à Bernini, qui, comme<br />

Canova, avait beaucoup plus de talent pour rendre la matière attirante, que pour définir les formes<br />

caractéristiques; et ainsi fut-il un Rubens dans les arts plastiques. Les peintures de Canova sont si mal définies et<br />

faibles quant au dessin, si dépourvues de forme et de caractère, si douces et si tendres, que l’on pourrait les<br />

prendre pour des créations d’un talent féminin. Oui, les tableaux d’Angelika, qui portent visiblement le signe du<br />

617<br />

Ibid., p. 125: „Die Dürftigkeit und Leerheit dieser Darstellungen [...] und auch bei dem besten Willen<br />

etwas Lobenswerthes an diesen Arbeiten zu finden, suchen wir umsonst danach.“<br />

618<br />

Ibid. p. 110.<br />

619<br />

Ibid., p. 212: „[…] wer den natürlichen Ausdruks der Affekte dem allegorischen vorzieht, wem eine<br />

schöne Idee mehr gilt, als eine schöne Ausführung, der wird sich bei aller Schönheit des modernen Werks<br />

für die antike Gruppe erklären.“<br />

620<br />

Ibid., p. 206: „[…] dass weder die Kunst noch der Ruhm des Künstlers einen Verlust erleiden würden, wenn<br />

diesen Mars Pacifer auch das Schiksal des Palamedes träfe.“<br />

621<br />

Ibid., p. 76: „[...] Theseus auf dem erschlagenen Minotaur sitzend, war das erste grosse Werk [...]; und<br />

obgleich der Gedanke, den Helden auf dem Bauche des erschlagenden Ungeheuers sitzen lassen, nicht fein ist, so<br />

gehört sie doch zu den vorzüglicheren unsers Künstlers.“<br />

622<br />

Ibid., p. 186: „Dass Canova Löwen zu bilden weis, hat er an dem Denkmal des Papstes Rezzonico bewiesen.“<br />

623<br />

Ibid., p. 206: „[die] Gruppe Amor und Psyché, die Canova’s Triumf ist.“ On ne saurait juger ici de l’ironie de<br />

cette remarque.<br />

624<br />

Afin de compléter, il faut également mentionner ici que la statue de Ferdinand de Bourbon comme Minerve<br />

est également approuvée par Fernow. Voir le commentaire de Fred Licht, cité selon: Antonia Canova - La<br />

statuaria, Ottorino Stefani (Éd.), Éd. Electa, Milan, 2003, p. 171: «Ludwig Fernow, uno dei pochi critichi ad<br />

attaccare incessantemente Canova in quanto i suoi gusti estetici e le sue inclinazioni patriottiche gli facevano<br />

preferire e sostenere Thorvaldsen, fece un eccezione soltanto per questa scultura, l’unica che ricevette le sue lodi.<br />

In questo abbiamo una sufficiente dimostrazione che essa era ritenuta valida e convincente dai contemporanei.»


121<br />

sexe faible, ont beaucoup plus de définition quant au dessin, beaucoup plus de notion de forme et d’apparence,<br />

que les siens. 625<br />

Ainsi, il classe Canova dans la catégorie des artistes à la fois efféminés et maniérés, en le<br />

mettant, dans ce contexte, au même rang qu’Anton Raphaël Mengs. Cependant, il approuve sa<br />

technique de peinture, mais son verdict demeure néanmoins critique:<br />

Canova a été comparé, par l’auteur d’une histoire de l’art du XVIII ème siècle, dont une partie de l’œuvre est<br />

consacrée à l’œuvre remarquable de Winckelmann et son siècle, d’une manière très juste à Mengs, son égal non<br />

seulement en ce qui concerne le talent naturel, mais également quant à la formation et l’application de celui-ci, et<br />

avec lequel il a beaucoup plus en commun qu’un simple trait de caractère. C’est notamment ce manque d’une<br />

imagination plastique originale, d’où l’incapacité d’inventer le caractéristique et la plasticité atomique; c’est ce<br />

manque de définition, de rigueur de la forme pour des sujets sérieux, puissants, héroïques et pathétiques; c’est<br />

cette aspiration à la beauté plus douce, charmante, ce manque de style et le plaisir de la perfection mécanique,<br />

qui sont les traits frappants du caractère artistique de Mengs, que l’on retrouve également chez Canova. 626<br />

Le manque d’une véritable imagination plastique (ingegno) 627 et le manque de style et de<br />

forme - c’est à cette courte formule que Fernow ramène son jugement quant à l’art de Canova<br />

et (et celui de Mengs!), qu’il caractérise comme un phénomène du temps et qu’il constate<br />

aussi chez d’autres artistes. Fernow déduit l’aporie imaginaire en majeure partie du travail de<br />

copiste d’un certain Canova ou de Mengs, 628 qui enthousiasment la foule avec leurs œuvres.<br />

Mais qu’en était-il véritablement de la réception de Canova en Allemagne? Afin d’éclaircir<br />

625<br />

Ibid., p. 235 s: „Wenn Bildhauer malen so herscht gewöhnlich in ihren Arbeiten die Form vor, weil diese das<br />

Element ihrer Kunst, und der Hauptgegenstand ihres Kunststrebens ist. Dies zeigen auffallend die Malereien<br />

Michelangelo’s, in denen sein plastischer Sin dem malerischen vorwaltet. In Canova’s Gemälden findet man<br />

gerade das Gegentheil, und er gleicht auch darin dem Bernini, der, eben so wie Canova, mehr Sin für den Reiz<br />

der Materie, als für Bestimmtheit der Form für Karakter hatte, und gleichsam ein Rubens in der Plastik war.<br />

Canova’s Gemälde sind so unbestimt und schwach von Zeichnung, so form- und karakterlos, so weich und zart,<br />

dass man sie für Schöpfungen eines weiblichen Talents halten könnte. Ja, die Gemälde der Angelika, die den<br />

Karakter ihres zartern Geschlechts so sichtbar an sich tragen, haben mehr Bestimtheit der Zeichnung, und zeigen<br />

mehr Begrif von Form und Gestalt, als die seinigen.“ Cf. les propos tenus par Fernow au sujet de la réception de<br />

Carstens, voir Leben des Künstlers Asmus Jakob Carstens, 1806, p. 186 s.: „Deine Bilder haben, - heisst es dort -<br />

den Professionsneid unserer - abgerechnet, allgemein soviel Aufsehen erregt dass du beinahe, und besonders der<br />

kraftvollen männlichen Figuren halber, bei unseren Schönen die angebetete Angelika verdrängt zu haben<br />

scheinest.“<br />

626<br />

CARSTENS, p. 138 s.<br />

627<br />

Cf. p. 42.<br />

628 Cf. Steffi Roettgen: Die Erfindung des Klassizismus - Anton Raphaël Mengs (1728-79), Éd. Hirner, Munich,<br />

2003.


122<br />

cette question, il faut encore prendre en considération le contexte historique. Ce fut<br />

notamment à partir de 1786, après la création très saluée, et pas seulement par les cercles<br />

d’art, du monument papal de l’église Saint Pierre à Rome et le funéraire de l’archiduchesse<br />

Christine d’Autriche, 629 que le renommé de Canova commençait à se répandre à toute vitesse<br />

dans toute l’Europe. De même, une vaste propagande de ses deux amis, admirateurs et<br />

défenseurs théoriques de son art, Quatremère de Quincy 630 et Leopoldo Cicognara, 631 a<br />

considérablement contribué à désigner Canova comme un rénovateur du style antique. Un<br />

article issu de la plume de Quincy consacré à l’art de Canova parut pour la première fois en<br />

traduction allemande dans le Journal du Luxe et des Modes, 632 dans lequel Canova est<br />

présenté comme un artiste d’imitation classique et l’auteur met également en relief, tout au<br />

sens d’un biographe authentique, son apport personnel quant au Making of an artiste:<br />

[Canova] s’est formé par quelques études d’après la nature, où il ne cherchait rien d’autre que la simple vérité du<br />

modèle. […] Il était encore indécis quant au chemin et au style qu’il devait choisir, et j’ai peut-être un peu<br />

contribué à ce qu’il prît une décision rapide […] Jusqu’alors, aucun sculpteur n’avait osé concourir avec<br />

l’Antiquité de cette manière, telle que je la concevais. 633<br />

Cette image d’un concurrent de l’Antiquité devait aussi conditionner la réception de Canova,<br />

non seulement en Allemagne, mais partout en Europe. Les amis d’art weimariens voyaient<br />

cela d’un œil plutôt sceptique.<br />

Déjà dans Winckelmann et son siècle (aussi en 1805), on trouve quelques pages critiques<br />

consacrées à l’art de Canova, qui, toutefois, adoptent un ton assez neutre. Il ne faut pas non<br />

629<br />

Au sujet des aspects historiographiques et hermeneutiques de l’art canovien cf. l’étude détaillée: „Bei den<br />

Alten war die Wirklichkeit so gediegen und reich an Leben“, HT, ps. 241-255.<br />

630<br />

Fernow cite Quatremère également dans RS, I, 1806, p. 16 ss.<br />

631<br />

L’œuvre théorique majeure de Leopoldo Cicognara Storia della scultura dal suo risorgimento in Italia sino al<br />

secolo di Napoleone per servire di continuazione alle opere die Winckelmann e di d’Agincourt [3 vol. Venise,<br />

1813-1818] est conçue être la suite logique de L’histoire de l’art de Winckelmann.<br />

632<br />

Cf. Das ‘Journal des Luxus und der Moden’ : Kultur um 1800, vol. 8, Angela Borchert et Ralf Dressel (Éd.),<br />

Éd. Winter, 2004.<br />

633<br />

[Quatremère de Quincy:] „Bemerkungen über den Bildhauer Canova in Rom, seinen Ruhm, seine Werke<br />

überhaupt und besonders über seine neueste Statue, den Fechter“, in: Journal des Luxus und der Moden, n° 19,<br />

sept. 1804, p. 421 s.: „[Canova hat] sich durch einige Studien nach der Natur gebildet, wo er nichts suchte, als<br />

die einfache Wahrheit des Modells [...] Noch war er unentschlossen, welchen Weg und welchen Styl er wählen<br />

sollte, und ich trug vielleicht etwas dazu bei, daβ er einen etwas raschen Entschluβ faβte [...] Noch hatte kein<br />

Bildhauer sich unterstanden, in der Manier, wie ich mir sie dachte, mit der Antike zu wetteifern.“


123<br />

plus oublier que Fernow connaissait déjà merveilleusement bien les œuvres de Canova depuis<br />

ses années à Rome (1793-1803), ce qui lui vaut la réputation, surtout après la publication de<br />

ses Portraits des mœurs et cultures de Rome (1802) 634 dans le Mercure allemand, d’être un<br />

bon connaisseur de la scène culturelle à Rome. Au cours des lectures sur l’art, Canova avait<br />

aussi évoqué à plusieurs reprises l’art de Canova. De même, c’est Schelling lui-même qui lui<br />

demande conseil, afin de lui expliquer la nature de la sculpture antique et moderne. 635 Après<br />

la traduction d’une grande partie de la monographie carstensienne, un autre article paraît<br />

encore dans le journal napolitain Giornale Enciclopedico, 636 ce qui fait entrer le nom de<br />

Fernow sur la scène culturelle italienne ce qui sollicite également des polémiques de la part de<br />

ses admirateurs, qui vont se mobiliser à une contre-action. Ainsi Leopoldo Cicognara 637 parle<br />

par exemple de l’envie critique de Fernow - «L’invidia una sol volta tentasse di morderlo»,<br />

qu’il croit déceler dans la dichotomie de Carstens-Canova:<br />

L’envie de le mordre, ne serait-ce qu’une seule fois […] La censure qui vient de lui être infligée dans cette petite<br />

œuvre [du Monsieur Fernow] se trouve clairement affectée par la jalousie du maître […] et suggérée par la<br />

rivalité des arts. 638<br />

Cicognara réduit donc l’origine de la critique fernowienne aux sentiments passionnels et - de<br />

ce fait - peu rationnels de Fernow, comme l’envie, la jalousie et la rivalité dans l’art, qui,<br />

selon lui, ont été à l’origine de sa critique très indécente à propos de l’œuvre de Canova. On<br />

pourrait y voir une ironie du sort, en considérant le fait qu’il avait formulé ce verdict face aux<br />

634 [Carl Ludwig Fernow:] Sitten- und Kulturgemälde von Rom, (Gemaehlde der merkwürdigsten Hauptstädte<br />

von Europa. Ein Taschenbuch auf das Jahr 1803), J. Perthes (Éd.), Gotha, 1802.<br />

635 Friedrich Wilhelm Joseph Schelling: Briefe und Dokumente, Horst Fuhrmans (Éd.), vol. 2, Éd. Bouvier,<br />

Bonn, 1973, p. 413: „[…] meiner empirischen Armut so weit auszuhelfen, als es nötig wäre selbst diese Lehre<br />

vorzutragen.“<br />

636 Voir: Giornale Enciclopedico di Napoli, (2), 1807, <strong>IV</strong>, ps. 65-82; V, ps. 245-261; VIII [fin]. Il s’agit d’une<br />

traduction de la note en français: «Notice Napoli sur la Vie et les Ouvrages de Carstens du Magasin<br />

Encyclopédique, ou Journal des Sciences, des Lettres et des Arts», A. G. Millin (Éd.), n° 4, Paris, (1808), ps. 25-66.<br />

637 Voir la lettre de Saverio Scrofanis à Visconti, dans: «Al Signor Cavaliere Ennio Quirino Visconti lettere di<br />

Saverio Scrofani sopra alcuni quadri della Galleria Giustiniani ed una statua del Cav. Antonio Canova esposta<br />

nel Museo Napolione l’anno 1808», Éd. Dondey-Dupré, Paris, 1809, p. 48 s.<br />

638 Cf. Leopoldo Cicognara: Storia della scultura dal suo risorgimento in Italia fino al secolo di Canova, per<br />

servire di continuazione all’opere di Winckelmann e di d’Agincourt, Éd. Giachetti, Prato, 2 1823-24, p. 99, et, du<br />

même auteur: Biografia di Antonio Canova, Éd. Missiaglia, Venise, 1823: «L’invidia una sol volta tentasse di<br />

morderlo [...] Le censure, che in quest’opuscolo [del signor Fernow] gli vennero fatte, si vedevano palesemente<br />

dettate da gelosia di mestiere [...] e suggerite dalla rivalità dell’arte.»


124<br />

voix critiques vis-à-vis de Carstens. C’est alors que ce même reproche retombait sur lui-<br />

même, même s’il ne faisait plus alors partie du monde des vivants. Fernow se serait<br />

probablement très peu offusqué de telles polémiques, en l’approuvant «d’un sourire<br />

satirique», 639 étant donné qu’il avait déjà formulé, dans la biographie de Canova, ces phrases<br />

sibyllines:<br />

Tout un chacun qui juge en public les œuvres d’artistes vivants et connus doit s’attendre à des interprétations<br />

erronées et à des contradictions, même si son jugement était entièrement dithyrambique; et l’auteur s’y attend,<br />

mais sans les craindre pour autant. 640<br />

Finalement, Fernow est tout à fait conscient du fait que l’on ne peut plus mettre en question la<br />

gloire posthume de Canova, même s’il juge que le talent artistique de ce dernier se trouve<br />

assez souvent surestimé par ses contemporains:<br />

Le véritable mérite dans l’art de Canova est, même après la suppression de celui qui adhère à son estimation<br />

exagérée, toujours assez grand pour lui assurer une place parmi les plus grands artistes de l’époque moderne. 641<br />

En résumé, Fernow met en évidence le fait que, même si Canova n’est, à ses yeux, pas un<br />

artiste virtuose, il dispose cependant d’une image populaire très solide:<br />

[qu’il] n’a pas d’ennemi, même pas parmi ceux qui envient son bonheur et sa gloire; et, si partagées que soient<br />

les opinions sur son mérite artistique parmi les connaisseurs et les artistes, il n’y a pourtant qu’une seule voix qui<br />

est entendue quant à sa valeur humaine. 642<br />

Si Fernow, dans cette phrase de conclusion solennelle, relègue finalement le jugement sur la<br />

valeur artistique à la faculté de juger critique du sujet, il ouvre en même temps la perspective<br />

639 J. G. Gruber décrit Fernow dans la nécrologie qui lui est consacré (Jenaische Allgemeine Literatur-<br />

Zeitung/20. 1. 1809) comme un homme critique non-conforme: „Überall das Gute anerkennend, stets gerecht<br />

gegen jedes Verdienst, war er doch zu verständig, als nicht auch ein strenger Prüfer zu sein, weswegen keine<br />

Autorität der Welt ihm imponierte, und, wenn Sie sich aufdrängen wollte, ihm nur ein satirisches Lächeln,<br />

bisweilen Seinen Spott erregte“, cité selon F. Fink: Carl Ludwig Fernow. Der Bibliothekar der Herzogin Anna<br />

Amalia, Éd. Fink, Weimar, 1934, p. 38.<br />

640 RS, I, p. XI: „Jeder der über die Werke eines lebenden und berühmten Künstlers öffentlich urtheilt, mus zum<br />

Voraus, selbst wenn seine Beurtheilung auch durchgängig lobend ausfiele, auf Misdeutungen und Widersprüche<br />

gefasst seyn; und der Verfasser ist darauf gefasst, aber er scheuet sie nicht.“<br />

641 Ibid.: „Canova’s wirkliches Künstlerverdienst ist, auch nach Abzug dessen, was eine übertriebene Schätzung<br />

ihm beilegt, immer noch gros genug, um ihm neben den grösten Künstlern der neueren Zeit seinen Plaz zu<br />

sichern.“<br />

642 Ibid., p. 242: „[...] selbst unter denen, die sein Glük und seinen Ruhm beneiden, keinen Feind hat; und dass,<br />

so getheilt auch unter Kennern und Künstlern die Meinungen über sein Kunstverdient sind, doch über seinen<br />

Werth als Mensch nur Eine Stimme gehört wird.“


125<br />

à la dimension anthropologique, la vision de l’artiste en tant qu’homme, comme autre option<br />

de la critique d’art, en ne précisant pas à quelle instance (transcendantale?) il soumet, en fin<br />

de compte, le jugement sur la valeur humaine. Un problème, qui offre peut-être aussi la<br />

possibilité d’une interrogation philosophique. De même, il paraît ironique de savoir, que<br />

Fernow ne va pas vivre l’époque où Canova se fait un nom en tant que mécène pour la<br />

promotion des jeunes artistes. A part cela, il s’occupe, en tant que curateur et diplomate, de la<br />

reconduite des trésors d’art enlevés par Napoléon (dont la Bibliotheca Palatina), 643 et réalise<br />

de vrais exploits. 644 Rien que cela devrait fournir la réponse, au moins en partie, à la question<br />

de la valeur humaine. Or, la monographie de Fernow n’arrive pas à ce ‘bouclage’ idéel, de<br />

sorte que son œuvre doit finalement passer pour inachevée, un fait qu’il avait toujours mis en<br />

valeur par rapport à Carstens, et qui, curieusement, s’applique aussi à lui. Mais finalement<br />

l’allusion à l’activité bénévole de Canova n’aurait probablement rien changé à l’intention de<br />

Fernow en tant qu’auteur. Comme nous l’avons vu, il lui importe surtout de valoriser l’art de<br />

Carstens vis-à-vis de Canova, en l’insérant également dans la lignée de ses biographies<br />

d’artiste et en l’élevant au même rang qu’Arioste et ce dernier. Cette mission littéraire<br />

esquisse déjà en filigrane l’émancipation de Fernow en tant que critique d’art autonome et<br />

défenseur d’une esthétique idéale, dont nous allons présenter les traits fondamenteaux au<br />

cours de la troisième partie du présent travail.<br />

643 Erik Jayme: Antonio Canova (1757-1822) als Künstler und Diplomat: zur Rückkehr von Teilen der<br />

Bibliotheca Palatina nach Heidelberg in den Jahren 1815 und 1816, (Heidelberger Bibliotheksschriften, vol.<br />

50), Éd. Universitätsbibliothek, Heidelberg, 1994.<br />

644 Idem: Antonio Canova - die politische Dimension der Kunst, Éd. Frankfurter Stiftung für Deutsch-Italienische<br />

Studien, Francfort/M., 2000.


126<br />

L’idéal de l’autonomie de l’art:<br />

L’émancipation de Fernow en tant que théoricien de l’art et la légitimation de l’esthétique<br />

autonome idéale


127<br />

III. 1. Du beau dans l’art: «…la fin sublime de l’art»<br />

La question du beau dans l’art occupe sans doute une place primordiale dans les idées<br />

esthétiques de Fernow. Comme déjà dans la biographie de Carstens, il tente, dans la préface<br />

de son traité «Du beau dans l’art», de définir de plus près la nature du beau dans l’art:<br />

Le beau n’est, d’après sa nature, qu’une entité; mais en réalité il est indéfiniment divers et différent. Une<br />

explication complète et satisfaisante du beau n’est possible que d’après la nature ou l’idée, mais pas à partir des<br />

apparitions de cette dernière. 645<br />

De par cette définition du beau, Fernow renoue non seulement avec la tradition d’Idéa, 646<br />

mais se rapproche également de la théorie schillérienne, en considérant la beauté comme belle<br />

apparence. De même, on peut y déceler un autre postulat de sa théorie de l’art: légitimer la<br />

conceptualité du beau, d’après «la nature ou l’idée» et, ce faisant, tenter de réinventer la<br />

philosophie transcendantale kantienne, qui est fondée subjectivement, paradoxalement, de<br />

manière objective. Cela apparaît comme une quadrature du cercle, en partant du fait que<br />

d’après Kant, le jugement esthétique est par principe un jugement de goût et qui, par<br />

conséquent, se rapporte au sujet, et pour cette raison, ne peut être que subjectif. Pour résoudre<br />

ce conflit, il se réfère au principe schillérien de la beauté comme principe idéal qui lui fournit<br />

la réponse adéquate, afin de réaliser le postulat de l’objectivisation esthétique. Fernow<br />

s’oriente donc de toute évidence au système schillérien, tout en critiquant la théorie de la<br />

Gestalt, ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas d’emprunter quelques parties de l’esthétique<br />

idéale. On en distingue notamment deux principes: c’est l’idée de génie d’un côté, et le<br />

principe de la mission éthique de l’art, de l’autre.<br />

645 Ibid., voir préface du traité intitulé „Über das Kunstschöne“, ps. 291-450.<br />

646 Karl-Heinz Simon und Martin Pfänder: Polyklet und Phidias: von Helden aus Marmor und Bronze, op. cit.


128<br />

Ainsi, Schiller définit le talent de l’art comme union entre la raison et la sensualité, comme la<br />

pulsion à la production esthétique comme conséquence du jeu et de la forme, 647 ce que<br />

Fernow appelle en termes analogues la pulsion à la représentation 648 (Kunststreben) propre à<br />

l’espèce et l’ambition à l’art, qui, quant à elle, est individuelle. En ce qui concerne la mission<br />

éthique de l’art, il conteste la théorie schillérienne dans la mesure où il ne croît pas à l’art<br />

comme moyen d’éducation du genre humain, car, d’après sa conviction, cette dernière ne peut<br />

servir qu’à l’épanouissement artistique personnel de l’individu. 649 De même, il supprime la<br />

distinction anthropologique 650 schillérienne entre la beauté du mouvement et celle de la<br />

Gestalt. 651 Suivant son raisonnement, la beauté est en règle générale assimilable à l’idée de<br />

cette dernière. La conséquence logique de cette prise de distance avec le système schillérien et<br />

kantien (beauté=Gestalt) est donc la différenciation entre la forme et le contenu, ce que<br />

Fernow appelle également la finalité intérieure et extérieure (l’idée de raison ou l’idée<br />

normale chez Kant), qui, à l’unisson, constituent l’idéal de la culture humaine, dont il déduit,<br />

en l’occurrence, l’idéal de la beauté humaine d’après le principe beauté=Gestalt:<br />

647<br />

Pierre Hartmann interprète dans son article intitulé «La question esthético-politique chez Rousseau et<br />

Schiller», (in: Revue internationale d’études germaniques, n° 22, 2004, ps. 119-132) la théorie du jeu<br />

(‘Spieltheorie’) de Schiller comme étant un substitut d’une esthétique d’identification aliénante („entfremdenden<br />

Identifikation“) qui, de par l’autonomie retrouvée du sujet prépare à l’émancipation de celui-ci au niveau<br />

politique. Par ailleurs, Pierre Hartmann voit dans cette équation aristotélicienne entre l’art et la politique<br />

l’origine des pires déraillements („schlimmsten Entgleisungen“) de l’histoire. Voir aussi l’étude de Stefan<br />

Matuschek: „Coincidentia oppositorum und transzendentale Muße. Spiel als ästhetische Autonomie bei Kant und<br />

Schiller, in: Literarische Spieltheorie, Éd. Winter, Heidelberg, 1998, ps. 183-214 et: Schiller im Gespräch der<br />

Wissenschaften, op. cit.<br />

648<br />

Cf. à ce sujet aussi S. M. Schneider, VRW, p. 58.<br />

649<br />

Cf. HE, p. 125.<br />

650<br />

Cf. Gilles Darras: «La satire du génie dans l’œuvre du jeune Schiller», ainsi que Marion Heinz: «La beauté<br />

comme condition de l’humanité. Esthétique et anthropologie dans les ‘Lettres sur l’éducation esthétique’», in:<br />

Revue internationale d’études germaniques, n° 22, 2004, ps. 7-24 et ps 133-144. Tandis que Gilles Darras se<br />

concentre principalement, dans son étude, sur les différents aspects de la satire à l’égard de l’œuvre antérieure<br />

vus sous l’aspect d’une «anthropologie littéraire», Marion Heinz démontre, à l’exemple de l’esthétique<br />

schillérienne, que celle-ci est principalement fondée sur des aspects de la métaphysique critique. De par cette<br />

«définition anthropologique de la Gestalt» („anthropologische[n] Bestimmung der Schönheit“) la beauté,<br />

conçue sous la forme d’une Gestalt vivante („lebenden Gestalt“), perd donc son fondement métaphysique, en<br />

renvoyant à un ordre du monde divin („metaphysische Fundierung einer göttlichen Weltordnung“) et, de même,<br />

la théorie du bien suprême, vue au sens d’une condition réductible à la critique de la raison et de la sensualité,<br />

perd son fondement au niveau pratique.<br />

651<br />

Ibid. Schiller comprend la beauté de la Gestalt comme la perfection de l’apparence devenue perceptible<br />

(„wahrnehmbar gewordene Perfektion“).


129<br />

[…] l’idéal de la finalité extérieure de la Gestalt, et l’idéal de la finalité intérieure des talents intellectuels, qui,<br />

ainsi unis, constituent l’idéal de la culture humaine, […] et d’où résulte, de l’union de ces deux constituants,<br />

l’idéal de la beauté humaine. 652<br />

A part cela, Fernow ne se contente donc pas de la «forme idéale vide.» 653 Ainsi, il exige de la<br />

belle forme aussi un contenu, ainsi qu’une certaine vivacité expressive de la Gestalt<br />

«caractère, expression, vie et action.» 654 De même, Fernow envisage la beauté idéale comme<br />

étant un archétype qui est à la base de la conscience humaine sous la forme de l’abstraction<br />

de la Gestalt:<br />

On peut comparer la beauté idéale au liquide le plus pur de tous les liquides, l’élément clair et purifié d’une<br />

source, qui, incolore, insipide et sans odeur, réjouit par sa seule pureté simple et qui est, en même temps,<br />

l’élément de base de tous les autres liquides, qui, par l’ajout d’autres éléments, prennent les couleurs, les goûts et<br />

les odeurs les plus divers. Ainsi, la beauté pure et abstraite de la Gestalt, qui, au même titre, est le fondement de<br />

l’expression idéale, car elle imite chaque caractère, chaque ambiance, chaque couleur de la sensation, et qui ne<br />

s’oppose qu’à sa nature (comme par exemple l’huile à l’eau), en se modifiant d’après celle-ci de façon<br />

multiple. 655<br />

En l’occurrence, la beauté de la Gestalt résulte par la suite de l’imagination créatrice de<br />

l’artiste, qui lui apparaît quasiment comme une image originale:<br />

le schéma de la beauté, qui inspire l’imagination de l’artiste, qui correspond à la fois au schéma de la Gestalt et<br />

qui s’adapte à chaque caractère, chaque expression. 656<br />

Fernow distingue également cette «beauté pure et essentielle» de la «beauté supérieure, qui<br />

n’est plus tout à fait pure», 657 qu’il soumet à l’idée de grandeur. Cette réflexion l’amène à la<br />

question de la délimitation du beau idéal, de l’idéal de beauté et de la beauté idéale, en<br />

aboutissant à la conclusion suivante:<br />

652<br />

Voir à ce sujet également RS, III, ps. 115-210: „Über Rafaels Teppiche“, ici préface.<br />

653<br />

RS, I, p. 354: „leere Idealform.“<br />

654<br />

Ibid., s.: „Karakter, Ausdruk, Leben, Handlung.“<br />

655<br />

Ibid.<br />

656<br />

Ibid., p. 355: „[...] das der Einbildungskraft des Künstlers vorschwebende, zugleich mit dem Schema der<br />

Gestalt jedem Karakter, jedem Ausdruk sich anschmiegende, Schema der Schönheit.“ Afin d’étayer son<br />

argumentation, Fernow se réfère aux œuvres d’art suivantes: le Polyklet de Doryphore, l’Antinous capitolien et<br />

la Vénus de Médicis qui, selon lui, illustrent à titre exemplaire ce principe de la beauté artistique en tant qu’<br />

archétypes idéels.<br />

657<br />

Ibid. s.


130<br />

On appelle enfin beauté idéale toute beauté qui, au même titre que la Gestalt, est érigée comme idéal au-dessus<br />

de la nature réelle; car si la Gestalt est idéale, la beauté doit nécessairement l’être dans la même mesure. De<br />

même, le sens est différent si l’on parle de la belle représentation de l’idéal, ou de la représentation du beau idéal<br />

de beauté. 658<br />

La notion du beau dans l’art est conçue comme doxologie d’idéalité, de beauté et de<br />

caractère qui est soumise à une finalité supérieure de l’art:<br />

Idéalité, beauté et caractère font à l’unisson toute l’utilité de l’art, telle que nous la voyons atteinte tantôt plus<br />

achevée, tantôt plus inachevée dans les œuvres des Anciens. Nous retrouvons ces trois éléments également dans<br />

les trois principes de l’art de Winckelmann, de Lessing et de Hirt. 659<br />

Ce faisant, Fernow arrive en effet à unir, comme le constate par ailleurs aussi Arthur<br />

Schopenhauer, 660 les différentes positions dans la discussion de Laokoon, mais sans en ajouter<br />

une nouvelle. Ainsi, il oriente, à la manière de Winckelmann, la beauté artistique vers la noble<br />

simplicité et la grandeur calme, 661 en fixant, à l’instar de Lessing, la finalité de l’art dans la<br />

précision du moment représenté, et comme Hirt, qui, suivant sa théorie, avise toujours<br />

l’impression d’ensemble de l’œuvre d’art, authentique et marquée par la nature, quoique non<br />

pas imitée de façon esclavagiste. 662 A part cela, ses explications concernant la hiérarchie des<br />

arts, la recherche d’un moment 663 en peinture, en sculpture et dans l’art dramatique, 664<br />

également à la lumière des théories de Barthes 665 et Adorno 666 concernant la ditropique et le<br />

658 Ibid., p. 358: „Eine idealische Schönheit endlich heist jede Schönheit, die mit der Gestalt zugleich über die<br />

wirkliche Natur zum Ideale erhoben ist; denn wenn die Gestalt ideal ist, so mus es nothwendig auch die<br />

Schönheit in gleichem Masse seyn. Eben so ist auch der Sin verschieden, wenn man von der schönen Darstellung<br />

des Ideals, oder von der Darstellung eines schönen Ideals oder von der Darstellung des Ideals der Schönheit<br />

spricht.“<br />

659 Ibid., p. 430.<br />

660 Selon Arthur Schopenhauer Fernow aurait discuté et évalué toutes ces trois opinions, sans en ajouter aucune<br />

nouvelle, mais il les a mis en relation et unifiés („[…] alle jene drei Meinungen erörtert und abgewogen,selbst<br />

jedoch keine neue hinzugethan, sondern jene drei vermittelt und vereinigt“), cité d’après: Die Welt als Wille und<br />

Vorstellung, Paul Deussen (Éd.), Éd. Piper, Munich, 1911, § 46, p. 268.<br />

661 Cf. à ce sujet le chapitre consacré à Winckelmann du présent travail.<br />

662 Selon Fernow (RS, II, p. 42) l’artiste ne doit ni copier, ni inventer, mais s’approprier l’esprit et le style de<br />

l’idéal („[sich den] Geist und Stil des Ideals zu eigen machen“).<br />

663 Peter-André Alt e. a. (Éd.): Prägnanter Moment. Studien zur deutschen Literatur der Aufklärung und Klassik,<br />

Éd. Königshausen & Neumann, Wurzbourg, 2002.<br />

664 RS, III, p. 11.<br />

665 Roland Barthes: «Diderot, Brecht, Eisenstein», in: Essais critiques, sous le chapitre: «représentation»,<br />

in: Œuvres complètes, Eric Maray (Éd.), Éd. Seuil, Paris, 2002.


131<br />

caractère de l’image, sont d’une acuité comparable. A l’instar de Lessing, Fernow distingue<br />

par ailleurs différents moments de la représentation artistique qui, selon le genre (la poésie, la<br />

sculpture, la peinture, l’art dramatique et musical etc.), dépendent des différentes formes de<br />

la contemplation (l’espace et le temps). Ainsi privilégie-t-il principalement la poésie avant les<br />

autres arts, étant donné que celle-ci permet une représentation globale de plusieurs moments,<br />

à la fois par ordre temporel et spatial. Ce faisant, Fernow entreprend une séparation des arts<br />

dans la mesure où il distingue l’art plastique et la «sculpture ronde», 667 tout en considérant la<br />

peinture comme «une imitation trompeuse» 668 et l’art dramatique d’une action comme «un<br />

beau tout»: 669<br />

[…] [étant donné que] la peinture, dans sa représentation la plus parfaite de la forme, reste toujours derrière les<br />

arts plastiques, elle doit remplacer cette imperfection par d’autres atouts, de par lesquels elle est supérieure aux<br />

arts plastiques. 670<br />

Suivant cette logique, il évoque une citation de Michel-Ange:<br />

„[…] que la peinture [sera] toujours d’autant plus excellente qu’elle se rapproche de la sculpture et, en revanche,<br />

la sculpture d’autant plus mauvaise qu’elle se rapproche de la peinture. 671<br />

En l’occurrence, l’art dramatique exerce, en tant que spectacle unissant tous les genres d’art,<br />

une plus grande attirance sur le spectateur, étant donné qu’il est «supérieur en force<br />

dramatique.» 672 Or, Fernow se prononce en même temps en faveur d’une stricte séparation<br />

entre les arts, étant donné que «chacun de ces genres d’art » maintient « son propre rang.» 673<br />

En ce qui concerne la séparation entre la peinture et la sculpture, Fernow défend par la suite le<br />

point de vue que cette dernière devrait «s’élever au-dessus de son utilité indiquée.» De même,<br />

666<br />

Theodor W. Adorno: Ästhetische Theorie, Gretel Adorno et Rolf Tiedemann (Éd.), (Gesammelte Schriften, n°<br />

7), Éd. Suhrkamp, Francfort/M., 1984.<br />

667<br />

RS, II, p. 26: „Über die Grenzen der dramatischen Malerei.“<br />

668<br />

Ibid., p. 18.<br />

669<br />

Ibid., p. 26.<br />

670<br />

Ibid., p. 37: […] [da] die Malerei in der volkommensten Darstellung der Form immer hinter der Plastik<br />

zurückbleibt, so mus sie diese Unzulänglichkeit durch ihre anderen Vorzüge, durch die sie der Plastik überlegen<br />

ist, ersezen.“<br />

671<br />

Ibid., s.: „[…] die Malerei immer desto vortreflicher sein [werde], je mehr sie sich der Plastik näheret und im<br />

Gegentheil, die Plastik desto schlechter, je mehr sie sich der Malerei nähere.“<br />

672<br />

Ibid., p. 102<br />

673 Ibid., p. 22.


132<br />

il se trouve en accord avec Michel-Ange quand il juge que «[…] la sculpture qui est dans la<br />

Gestalt, la forme, et le dessin, le caractère la base de la peinture», 674 ce qui place la sculpture<br />

indubitablement dans la hiérarchie des arts, au-dessus de la peinture, étant donné que celle-ci<br />

est tridimensionnelle, et, pour cette raison, capable de rendre le moment représenté avec<br />

d’autant plus d’intensité, ce que, en l’occurrence, la peinture doit compenser avec le coloris.<br />

En contrepartie, il voit dans l’art dramatique la réalisation d’une forme universelle de l’art, car<br />

la suite rapide des moments temporaux et spatiaux contient non seulement un certain degré de<br />

divertissement pour le spectateur, mais unit par la suite de façon harmonieuse plusieurs<br />

formes d’expression artistique (la mimique-gestuelle, la musique etc.) De même, il partage<br />

l’avis de Lessing en disant que «[…] le seul destin d’un art peut être l’achèvement le plus<br />

parfait, ce dont il est capable sans l’aide d’un autre.» 675 Contrairement à Lessing, Fernow<br />

supprime des moments négatifs d’émotion de la part du spectateur, comme par exemple la<br />

peur ou la compassion, en intégrant des états d’âme positifs comme la sympathie ou<br />

l’émotion, 676 qui selon lui varient d’après les différentes formes du caractère, 677 et, ce faisant,<br />

«procurent le plaisir d’une existence plus parfaite.» 678 De la même façon, il différencie deux<br />

sortes d’intérêt: «l’intérêt du beau» d’un côté et «l’intérêt du contenu», 679 de l’autre. Fernow<br />

en conclut par la suite l’auto-référentialité de l’œuvre d’art, qui doit exclusivement «s’<br />

expliquer par soi-même», 680 selon le cercle d’action indiqué (plus restreint) et celui permis<br />

(plus élargi), 681 qu’il déduit, par contre, du principe de Lessing: «l’art ne doit pas tout ce qu’il<br />

peut.» 682 En l’occurrence, il inverse la phrase en disant que «chaque art doit plus qu’il ne<br />

674 Ibid., p. 40.<br />

675 RS, III, p. 14: „[…] dass [nur das] die Bestimmung einer Kunst sein [kann], wozu sie allein geschikt ist, und<br />

was sie ohne Beihülfe einer anderen am volkommensten zu leisten vermag.“<br />

676 Ibid., p. 19.<br />

677 RS, III, p. 68<br />

678 RS, III, p. 36: „[…] den Genus [sic] eines volkomneren Daseins, bewirken.“<br />

679 Ibid.<br />

680 Ibid., p. 34. Fernow formule cette règle de base par rapport au choix et le traitement du sujet: „[…] ein<br />

Kunstwerk sol durch sich selbst verständlich sein; es sol seinen Inhalt durch sich selbst erklären.“<br />

681 Ibid.<br />

682 Ibid., s.: „Jede Kunst kann und darf mehr als sie sol[l].“


133<br />

peut.» Ainsi, il voit dans Laokoon un rapprochement particulièrement frappant entre la<br />

peinture et la sculpture, étant donné que «l’individu à l’expression idéale» et « le moment<br />

intéressant» 683 sont unis dans un tout organique de manière esthétisante. En ce qui concerne le<br />

beau dans l’art, il met en évidence que le caractère, sur lequel nous allons encore revenir au<br />

cours de notre travail, suit ses propres lois, et, pour cette raison, doit être délimité du<br />

caractère:<br />

Le beau dans l’art est donc essentiellement différent du caractéristique et de la vérité dans l’art; il ne réside ni<br />

uniquement dans celui-ci, ni uniquement dans celui-là; mais dans l’union entre la vérité idéale et la beauté du<br />

contenu avec la belle forme de la représentation consiste toute l’utilité de l’art. 684<br />

En d’autres termes: le beau dans l’art, le caractère et la vérité artistique ne sont pas à voir de<br />

façon isolée, mais légitiment tous ensemble, en union avec la vérité idéale, la beauté du<br />

contenu et la belle forme de la représentation, la finalité totale de l’art, qui se résume par<br />

l’idéal esthétique. D’une manière générale, il érige l’esthétisation de la forme et du contenu<br />

comme le postulat suprême de la beauté artistique. Or, Fernow ne se limite pas à cela. Ce<br />

n’est que la symbiose parfaite de la vérité et du caractère, en accord avec l’idéalité de la<br />

forme et la beauté de la représentation qui, selon ses propos, correspond seule aux exigences<br />

de la beauté, subjective comme objective, dans l’art:<br />

La vérité et le caractéristique ne font alors ni la finalité exclusive et complète, ni la finalité supérieure de l’art; il<br />

faut ajouter à cela l’idéalité de la forme et la beauté de la représentation […] Oui, la beauté subjective ou<br />

extérieure n’est même pas concevable sans cette sous-classification […] c’est ce que demande la notion d’objet,<br />

qui maintient la forme, à travers laquelle le tout apparaît comme une belle image. 685<br />

683 RS, III, p. 60.<br />

684 Ibid., p. 430: „Das Kunstschöne ist also von dem Karakteristischen oder der Kunstwahrheit wesentlich<br />

verschieden; und weder in diesem allein, noch in jenem allein, sondern in der Vereinigung der idealischen<br />

Wahrheit und Schönheit des Inhalts mit der schönen Form der Darstellung besteht der ganze Zwek der Kunst.“<br />

685 Ibid., p. 406: „Wahrheit und Charakteristik sind also weder der ganze, volständige, noch auch der höchste<br />

Zwek der Kunst; zu ihr mus noch die Idealität der Form und die Schönheit der Darstellung hinzukommen [...]<br />

Ja, die subjektive, oder äussere Kunstschönheit läst sich ohne diese Unterordnung überhaupt nicht einmal<br />

denken [...] welche der Begrif des Gegenstandes fo[r]dert, die Form erhält, durch welche das Ganze als ein<br />

schönes Bild erscheint.“


134<br />

En ce qui concerne la beauté, Fernow interroge de façon critique l’idéal winckelmannien de la<br />

«simplicité noble, calme grandeur»: D’après Winckelmann, la simplicité noble et la calme grandeur<br />

étaient les principes de base de l’art antique […]. 686<br />

Or, il modifie plus loin cette constatation en ajoutant que:<br />

[ces deux principes] qui caractérisent les œuvres de l’art antique et les distinguent de celles de l’art nouveau. 687<br />

Bien qu’il désigne Winckelmann comme esprit classique, il souligne en même temps que son<br />

principe lui paraît aussi tout à fait insuffisant et ne peut être considéré que comme simple<br />

essai de ramener l’essence de l’art antique à une seule formule:<br />

On ferait tort à Winckelmann si l’on prenait son principe pour plus que le premier essai de s’orienter dans le<br />

terrain de l’art antique […] et de réduire l’impression principale de celle-ci à une seule nation. 688<br />

Ainsi, il juge le postulat winckelmannien comme «insuffisant à tous les égards» 689 mais,<br />

pourtant, il remarque que ce dernier a seulement, dans son premier traité, défini cela comme<br />

principe, dont il déduit par ailleurs le postulat d’une réédition de l’œuvre winckelmannien:<br />

Cela éclaire suffisamment, que W. [Winckelmann] l’a seulement, dans son écrit le plus ancien «Sur l’imitation<br />

des œuvres grecques», énuméré comme le signe général par excellence des œuvres grecques en l’appliquant à<br />

l’expression du Laokoon. Et Lessing prit cela comme point de départ. Dans ses écrits tardifs, W. a clairement<br />

expliqué qu’il reconnaissait la beauté, à savoir celle de l’idéal, comme le véritable principe de l’art antique. 690<br />

Comme preuve, il se réfère à un commentaire tardif de Winckelmann en langue italienne,<br />

qu’il reconnaît comme «une confession tardive»:<br />

686 Ibid.<br />

687 Ibid., p. 427 s. Nach Winckelmann war edle Einfalt und stille Gröβe das Grundgesetz der alten Kunst [...]<br />

welches ihm die Werke der alten der Kunst durchgängig zu charakterisieren und von denen der neueren Kunst<br />

zu unterscheiden schien.“<br />

688 RS, I, p. 438: „Man würde Winkelmann Unrecht thun, wenn man sein Prinzip für mehr halten wollte, als den<br />

ersten Versuch sich in dem Gebiete der alten Kunst [...] zu orientieren und den Haupteindruck derselben auf<br />

einen Begriff zurückzuführen.“<br />

689 Ibid., p. 441: „[…] in jeder Hinsicht unzulänglich.“ Dans ce contexte, les principes de Lessing et de Hirt lui<br />

apparaissent insuffisant dans le sens où ils mettent à la même échelle la vérité et la beauté avec l’expression et,<br />

par conséquent, ne distinguent par la suite pas entre la vérité réelle (nature) et la vérité beauté art.<br />

690 Ibid., p. 438: „Dies erhellet hinlänglich daraus, dass W. [Winckelmann] blos in seiner frühesten Schrift: Über<br />

die Nachahmung der grichischen Werke als das allgemeine vorzügliche Kennzeichen der griechischen<br />

Meisterwerke aufgeführt, und dasselbe auf den Ausdruk des Laokoon anwendet. Und von jener Stelle ging<br />

Lessing in seinem Laokoon aus. In seinen spätern Schriften hat W. deutlich genug erklärt, dass er Schönheit und<br />

zwar die idealische für das eigentliche Prinzip der alten Kunst anerkannte.“


135<br />

Le raisonnement de l’art du dessin des Grecs est la chose même qui traite de la beauté dans toutes ses<br />

dimensions, car elle était la base et la fin de leur art. L’idée à l’origine qui transparaît dans leurs œuvres était<br />

l’essence du beau, en soumettant tant l’habileté technique qu’ils ont voulu représenter dans celles-ci, tout ce qui<br />

se reflète indistinctement dans la nature et dans les expressions, comme pour représenter telle ou telle apparence,<br />

qu’ont due avoir les figures etc. 691<br />

Et il parvient à la conclusion qu’ici «la beauté est [nommée] comme étant la fin et le centre de<br />

l’art» 692 - un principe esthétique que, comme nous avons pu le constater, Fernow va redéfinir<br />

à partir de Kant, Schiller et Winckelmann et élargir au caractère, ce qui sera le sujet du<br />

prochain chapitre.<br />

691 Ibid., voir des extraits du Trattato preliminare dei monumenti antichi de Winckelmann, cité selon Fernow: «Il<br />

ragionar del’ arte del disegno de’ Greci è la cosa medesima che trattar della bellezza in tutte le sue parti, pochè<br />

questa della loro arte di disegnare si fu la base ed il fine. Ce lo dimostrano le opere loro, in far le quali ben<br />

vedesi, che all’ idea ch’è si erano fatti del bello, soggettarono tanto la scienza ch’eglino avrebbono avuto di<br />

figurare nelle stesse opere tutto cio, che indistintamente si mira nella natura, quanto l’espressioni, che per<br />

rappresentarne questo e quel fatto, avrebbono dovuto aver le figure etc.»<br />

692 RS, I, p. 439: „[…] ausdrücklich die Schönheit als Endzwek und […] Mittelpunkt der Kunst.“ 692


136<br />

III. 2. Du caractéristique: „…ou la vérité de la représentation“<br />

Selon la conception fernowienne, la perception de la beauté en art est étroitement liée à la<br />

notion de représentation caractéristique, qui, au fond, constitue la clef de voûte théorique de<br />

ses écrits esthétiques. En règle générale, il subdivise le caractère (=expression de la Gestalt)<br />

en trois catégories, comme suit:<br />

1. Le caractère du genre (Gattungscharakter),<br />

2. le caractère de l’espèce (Artcharakter),<br />

3. le caractère individuel (Individueller Charakter).<br />

Alors que le caractère du genre unit tous les individus de tous les genres, le caractère de<br />

l’espèce regroupe seulement les individus du même signe caractéristique, le caractère<br />

individuel étant propre à chaque individu, lequel rassemble dans son être cette trichotomie<br />

caractéristique: «chaque individu de la nature porte ce triple caractère en soi.» 693<br />

A part cela, le caractère du genre se subdivisé en deux sous-catégories:<br />

Fernow constate à ce sujet:<br />

1. Le caractère général (Allgemeinen Charakter).<br />

2. Le caractère particulier (Besonderen Charakter).<br />

Chaque vraie représentation individualise nécessairement le général […] le secret de l’artistique consiste en ce<br />

que le général ne soit pas supprimé par l’idéal. 694<br />

A partir cette distinction entre le caractère général et le caractère particulier (=beauté) Fernow<br />

fonde par la suite le principe individuel de l’art, car, en lui, seul l’individu, en non pas le<br />

genre humain dans sa totalité, peut apparaître. Ainsi fusionne-t-il dans l’individu, comme être<br />

doté de talent artistique (schöpferisch begabtes Wesen), l’expression générale du caractère<br />

(=genre humain) avec l’expression particulière (=beauté): «La beauté est aussi l’expression<br />

693 Ibid. p. 351: „Jedes Individuum der Natur trägt diesen dreifachen Karakter an sich.“<br />

694 Ibid. p. 355: „Jede wirkliche Darstellung individualisiert notwendig das Allgemeine […] das Geheimnis des<br />

Künstlerischen besteht gerade darin, dass im Individuellen das Allgemeine nicht aufgehoben ist.“


137<br />

particulière de celui-ci [le caractère] en art.» 695 Au delà, Fernow différencie la beauté du<br />

caractère: car, selon lui, tout ce qui est beau n’est pas nécessairement caractéristique et vice<br />

versa. De même, tout ce qui est caractéristique ne correspond pas forcément au principe de la<br />

beauté esthétique. Fernow expose son raisonnement de façon suivante:<br />

Nous allons nous convaincre du fait qu’on a l’impression, en ce qui concerne les représentations idéales de l’art<br />

plastique, que l’expression caractéristique et l’expression du mouvement constituent le fondement et la base<br />

même de la beauté, mais que cela n’est qu’une pure illusion, qui disparaît lors d’une étude détaillée […]. Cette<br />

illusion est produite par le fait que le général ne peut paraître qu’à travers le particulier, le genre que par<br />

l’individu et l’idéal comme la beauté de l’érudition humaine dans l’art, à condition d’une modification d’un<br />

caractère qui les définit. 696<br />

Ainsi, Fernow légitime la modification du caractère au sens d’une idéalisation ou d’une<br />

esthétisation du sujet en se référant aux caractères de l’espèce, qui, selon lui, «[…] définissent<br />

la forme du genre en la modifiant d’une manière signifiante.» 697 Au delà, le caractère de<br />

l’espèce tel qu’il le conçoit englobe plusieurs formes qualitatives de développement du corps<br />

humain, allant du naïf au sublime, ainsi que des talents physiques et moraux de l’être humain<br />

(nature, tempérament, éducation, formation). 698 Comme, suivant la conviction fernowienne,<br />

la nature dans sa «diversité infinie de ses individus», 699 comporte ces modèles souvent sous<br />

une forme «inachevée et avec défauts», 700 la définition de la beauté, ne peut, par conséquent,<br />

découler que du caractère global. 701 Fernow mentionne par ailleurs également un passage de<br />

695<br />

Ibid., p. 359: „Schönheit ist, auch der besondere Ausdruk derselben in der Kunst.“<br />

696<br />

Ibid., s.: „Wir werden uns davon überzeugen, dass es in den idealischen Darstellungen der bildenden Kunst<br />

zwar scheint, als ob der Karakterausdruk und der Bewegungsausdruk die Schönheit begründe und trage; dass<br />

aber dieses blosse Täuschung ist, die bei einer gründlichen Einsicht verschwindet; [...].Jene Täuschung entsteht<br />

daraus, dass, wie bereits bemerkt worden, das Allgemeine nur an dem Besonderen, die Gattung nur an dem<br />

Individuum, und das Ideal sowohl als die Schönheit der menschlichen Bildung in der Kunst nur unter der<br />

Modifikazion eines sie bestimmenden Karakters erscheinen können.“<br />

697<br />

Ibid.: „[...] weil sie die Gattungsform bestimmen und auf eine bedeutende Weise modifizieren.“<br />

698<br />

Ibid., p. 362.<br />

699<br />

Ibid.: „unendlichen Mannigfaltigkeit ihrer Individuen.“<br />

700<br />

Ibid.: „unvolkommen und mangelhaft“<br />

701<br />

Ibid., p. 365: „einen bestimten fisiognomischen Karakter, der durch das fisiognomische Gefühl im<br />

Totaleindruck der Gestalt wahrgenommen und verstanden wird.“


138<br />

la conception du caractère selon Jean-Paul Richter 702 dans l’école préparatoire de<br />

l’esthétique (Vorschule der Ästhetik) comme étant une apparition finie issue de l’infinité des<br />

mondes. Or, vu dans l’ensemble, il reste plutôt fidèle au système de déchiffrage optique de Le<br />

Brun, 703 en orientant sa conception du caractère artistique d’après des critères pour la plupart<br />

physiognomiques, pathognomiques et physiologiques, 704 c’est-à-dire fondamentalement selon<br />

l’aspect extérieur, mais il ne l’interprète en aucun cas au sens phrénologique que lui confère<br />

un certain Lavater, 705 comme en témoigne une lettre à Reinhold. 706 Fernow associe la notion<br />

de caractère plutôt en adéquation avec sa définition de la beauté idéale, 707 qu’il assimile,<br />

comme degré d’expression spécifique à l’espèce, au principe de la force d’imagination<br />

artistique 708 et généralement identique à la digression de la forme normale (=caractère du<br />

702 RS, III, p. 68: „Wahr und treffend ist, was Jean Paul Richter in seiner Vorschule der Ästhetik, p. 346 über<br />

diesen Gegenstand sagt. ‘In jedem Menschen - heist es dort - wohnen alle Formen der Menschheit, alle ihre<br />

Charaktere; und der eigene ist nur die unbegreifliche Schöpfungswahl Einer Welt unter der Unendlichkeit von<br />

Welten, der Uebergang der unendlichen Freiheit in die endliche Erscheinung. Wäre das nicht, könten wir keinen<br />

andern Karakter verstehen, oder gar errathen, als unsern wiederholen.“<br />

703 Charles Le Brun présente pour la première fois ses idées esthétiques, orientées vers l’expression des états<br />

d’âme humains, dans le cadre d’un exposé sur Philippe de Champaigne: Sur l’expression générale et<br />

particulière [1668], en empruntant de toute évidence quelques parties du Traité sur les passions [1649], parues<br />

quelques années plus tôt, de René Descartes. Cf. Henri Souchon: «Descartes et Le Brun. Étude comparée de la<br />

notion cartésienne des ‘signes extérieurs’ et de la théorie de l’Expression de Charles Le Brun», in: Les Études<br />

philosophiques, (1980), ps. 427- 458.<br />

704 Cf. RS, III, p. 36: „Stellt er [der Plastiker] seine Gestalt oder Gruppe noch überdies im bestimmten Momente<br />

einer Situazion oder Handlung dar; gibt er ihr, nebst dem fisiognomischen Karakter einen bestimmten<br />

pathognomischen und mimischen Ausdruk, welcher die Bedeutsamkeit und das Leben der Gestalten noch<br />

erhöhet.“ Il énumère comme exemples l’Apollino, Adonis, Antinous, Niobé, Laocoon, l’éscrimeur mourant, ainsi<br />

que le boxeur et l’aiguiseur. En plus du caractère physionomique, Fernow distingue aussi l’expression<br />

pathognomique et mimique de la Gestalt, qu’il n’associe non seulement à l’apparence physique de l’homme,<br />

mais également sur tous les objets de la représentation artistique de la nature organique et anorganique. Celui-ce<br />

ne correspond pas au principe de la beauté objective dans l’art et ne peut plaire que par le mode de représentation<br />

choisi.<br />

705 Johann Caspar Lavater: Physiognomische Fragmente [1775-1778]. A la différence de Le Brun, qui fonde les<br />

représentations de la passion principalement sur la théorie des affects, Lavater va mettre l’accent en majeure<br />

partie sur le saisi sciéniste de la physiognomie humaine. Cf. en édition allemande de Charlotte Steinbrucker:<br />

„Lavaters Physiognomische Fragente im Verhältnis zur bildenden Kunst“, Éd. Wilhelm Bomgräber, Berlin,<br />

1915, ainsi qu‘Eleanora Louis: Die Beredsamkeit des Leibes. Zur Körpersprache in der Kunst, Ilsebill Barta<br />

Fliedl et Christoph Geissmar (Éd.), Éd. Residenz (Veröffentlichungen der Albertina, vol. 31), Salzbourg/Vienne,<br />

1992.<br />

706 Voir la lettre de Fernow adressée à Reinhold, redigée à Berne, le 9 novembre 1793, cité d’après Johanna<br />

Schopenhauer (1810), p. 79: „daβ Lavater von eigentlicher Kunst […] wirklich zu wenig weiβ um Andere zu<br />

bilden, so viele und scharfsinnige Bemerkungen er auch als Physiognom und Psycholog über Menschen gemacht<br />

hat.“<br />

707 Cf. RS, p. 447: „[Kunstschönheit als] schöne Darstellung des Ideals unter karakteristischen Bedingungen.“<br />

708 Ibid., p. 270: „Jenen muss seine Einbildungskraft erfinden.“


139<br />

genre), ceci étant dit que le caractéristique ne représente nullement toujours la «source du<br />

beau dans l’art»: 709<br />

Que le caractéristique, en étant loin d’être […] la beauté en art même, repousse, de par son importance, plutôt la<br />

beauté. 710<br />

Il s’ensuit que Fernow mesure l’idéal de l’art à l’équilibre entre la forme et le contenu. A part<br />

cela, il voit la catégorie la plus haute placée au-dessus du caractère du genre ou la perfection<br />

de la Gestalt dans le mélange réussi entre la grandeur et le sublime:<br />

Au contraire, il y a des digressions du bel équilibre, qui élèvent la perfection et la beauté au-dessus du genre en<br />

l’élevant, par la grandeur et le sublime, vers le divin. 711<br />

D’après Fernow, cette apothéose de l’art reste exclusivement réservée aux Anciens, qui, de<br />

par l’imitation dite idéale, sont vraiment parvenus à l’expression d’une «idée sublime de<br />

grandeur adéquate» 712 dans leurs œuvres. 713 Par conséquent, l’idéal des dieux et des héros de<br />

l’Antiquité lui apparaît comme la meilleure illustration de l’idéal de beauté et, ainsi, du<br />

caractéristique, car:<br />

[…] tout le caractéristique des Gestalten, quel qu’il soit, qui a été produit par des digressions du canon,<br />

correspondant à une certaine notion d’utilité, ou l’idéal pur de la Gestalt. 714<br />

A partir de la réflexion selon laquelle la nature unit tous les archétypes propres aux différents<br />

caractères, qu’ils soient du genre humain ou de nature divine dans son être hétéroclite sous la<br />

forme d’un grand bric-à-brac où, selon Fernow, ils sont représentés «dissipés, et, par<br />

conséquent, jamais purs», 715 il quitte par la suite le terrain de l’éclectio 716 classique, en faveur<br />

709<br />

Ibid., p. 375: „Quelle des Kunstschönen.“<br />

710<br />

Ibid.: „Dass das Karakteristische, weit […] das Kunstschöne selbst zu seyn, vielmehr durch sein Übergewicht<br />

die Schönheit verdrängt.“<br />

711<br />

Ibid., p. 366: „Im Gegentheile giebt es Abweichungen von dem schönen Gleichgewichte, welche die<br />

Volkommenheit und Schönheit der menschlichen Gestalt noch über die Gattung erheben, und sie durch Grösse<br />

und Erhabenheit zum Göttlichen steigern.“<br />

712<br />

Ibid., ss.: „erhabenen Idee angemessenen Grosheit“<br />

713<br />

Il cite dans ce contexte comme exemples les divinités comme Jupiter, Minerve, Juno, Hercule, Vénus etc.<br />

714<br />

Ibid., p. 371: […] alles Karakteristische der Gestalten, sei es welcher Art es wolle, durch bedeutende, einem<br />

bestimmten Zwekbegrif entsprechende, Abweichungen von dem Kanon, oder dem reinen Ideale der Gestalt<br />

hervorgebracht wurde.<br />

715<br />

Ibid.<br />

716<br />

D’après la conception de la théorie antique d’éclectio, surtout nourrie par les anecdotes autour de Zeuxis et<br />

Raphaël, l’atteinte du beau idéal dans l’art est surtout due à la sélection parmi les beautés naturelles.


140<br />

de la valorisation du mérite subjectif de l’artiste 717 dont la tâche est de filtrer, à partir de<br />

l’hétérogénéité de la nature, une unité homogène:<br />

Ainsi l’art anoblit et idéalise aussi de par la Gestalt, et par celle-ci, le caractère qui lui correspond; et la beauté,<br />

qui adhère à l’idéal, se modifie de la même manière et dans la même mesure que la Gestalt, d’après le caractère,<br />

dont elle accompagne l’expression. 718<br />

De même, Fernow considère l’idéal d’homogénéité de la Gestalt comme un privilège de l’art<br />

des Anciens. 719 Ainsi, l’art antique, loin de se borner à la représentation de l’idéal suprême,<br />

comporte également la représentation des caractères plus communs ou plus restreints, étant<br />

donné que le principe idéal (=art), ainsi que le principe individuel (=nature) se trouvent<br />

toujours en opposition:<br />

Ainsi les degrés de l’idéal de l’art se limitent aux formations plus parfaites de la nature; même si le principe<br />

idéal qui est prédominant chez l’un, et le principe individuel, qui est prédominant chez l’autre, maintiennent<br />

toujours un gouffre entre la nature et l’art. 720<br />

C’est pour cette raison que Fernow assimile le manque de style des nouveaux artistes à la<br />

pauvreté esthétique des temps modernes: […] nos artistes n’ont ni de la nature, ni de l’idéal, ni de l’art<br />

même qu’ils pratiquent, une notion juste. 721<br />

Ce manque de notion est aussi à l’origine de la confusion moderne entre la particularité<br />

subjective au sens d’une mise en scène artistique et la beauté objective vue comme<br />

717 Voir Pfotenhauer, 1995, p. 825: „[…] die Eclectio-Lehre (etwa, die Vorstellung vom Erreichen des<br />

Idealschönen durch die Auswahl aus den Schönheiten der Natur, welche durch die Anekdoten um) verschwindet,<br />

damit die zeitlose Vorbildlichkeit der Alten der neuen kritischen die zeitlose Vorbildlichkeit der alten kritischen<br />

Philosophie gemäß als Ideal schöpferischer Subjektleistungen und nicht als Regelkanon der Mimesis behauptet<br />

werden kann.“<br />

718 RS, I, p. 372: „So veredelt und idealisirt die Kunst mit der Gestalt, und durch sie, zugleich auch den Karakter<br />

derselben; und die Schönheit, welche dem Ideal anhängt, modifizirt sich eben so und in demselben Masse wie<br />

die Gestalt, nach dem Karakter, dessen Ausdruck sie begleitet.“<br />

719 Ibid. Dans ce contexte, des divinités et héros de la mythologie gréco-romaine comme p. ex. Apollon, Bacchus,<br />

Mercure, Antinous, Hercule, Dioscure, guerrier, faune, etc. sont évoqués.<br />

720 Ibid., p. 374: „So gränzen die Stufen des Kunstideales an die volkommeneren Bildungen der Natur; obgleich<br />

das idealische Prinzip das in jener, und das individuelle Prinzip das in dieser herscht, zwischen Natur und Kunst<br />

immer eine Kluft erhalten [...].“<br />

721 Ibid.: „[...] weil unsere Künstler weder von der Natur noch vom Ideale, noch von der Kunst selbst, die sie<br />

treiben, einen richtigen Begriff haben.“


141<br />

représentation spinoziste: Le principe est valable seulement chez les modernes: chaque artiste se projette<br />

dans son œuvre. L’artiste antique disparaissait derrière le sien. 722<br />

Par ailleurs, Fernow estime que le principe classique du «pur goût» se trouve dénaturé dans<br />

l’esprit de son temps. Il s’ensuit que la séparation sévère entre tous les genres et les styles<br />

d’art est significative pour la conception de Fernow du beau dans l’art, qui, quant à elle,<br />

résulte fondamentalement de l’observation de la nature et de ses formes caractéristiques. Or,<br />

Fernow met aussi en avant qu’une représentation trop accentuée, comme la «caricature», 723<br />

ne peut jamais être belle, étant donné qu’elle ne correspond pas à la belle présentation de<br />

l’idéal. 724 De même, il se détache nettement de la conception du caractère 725 formulée par<br />

Hirt, qui, suivant le modèle winckelmannien, ne requiert de «l’artiste pensant», 726 «pas<br />

d’œuvres imitées de manière esclavagiste ou sans esprit.» 727 Dans ce contexte, il évoque par<br />

ailleurs la question de l’affect comme une possibilité afin d’exprimer, selon un «signe<br />

essentiel et caractéristique», 728 des états d’âme humains qui sont perceptibles par<br />

l’observateur à travers le «sentiment sympathique.» 729 Ses explications à ce sujet sont, par<br />

moments, indubitablement teintées par la théorie des affects de Le Brun; 730 cependant,<br />

Fernow essaie d’aller plus loin en distinguant, à partir des différences spécifiques aux peuples<br />

quant à la représentation des affects, l’expression du caractéristique comme la vérité<br />

artistique, à l’opposé de la beauté artistique dans le sens d’une représentation idéalisée. 731<br />

L’affect, en tant qu’expression d’un état d’âme humain, est par la suite à catégoriser selon le<br />

722<br />

Ibid., p. 50: „Nur bei den Neueren gilt der Satz: jeder Künstler drükt sich selbst in seinen Werken ab. Der alte<br />

Künstler verschwand hinter dem seinigen.“<br />

723<br />

Ibid., p. 375.<br />

724<br />

Cf. à ce sujet également, KU, § 17, A 58 s.: „Das Charakteristische von dieser Art […] heisst Karikatur.“<br />

725<br />

Aloys Hirt: „Versuch über das Kunstschöne“, in: Die Horen. Eine Monatsschrift, Schiller (Éd.), 1797, (3), 7.<br />

pièce, p. 34: „Unter Charakteristik verstehe ich nemlich jene bestimmte Individualität […] Nur durch die<br />

Beobachtung dieser Individualität kann ein Kunstwerk ein wahrer Typus, ein ächter Abdruk der Natur werden.“<br />

726<br />

JS, p. 357.<br />

727<br />

Ibid., s. Giorgio Vasari: Die Künstler der Raffael-Werkstatt, Alessandro Nova (Éd.), Éd. Wagenbach, Berlin,<br />

2007.<br />

728<br />

Ibid., p. 381: „eigenthümliches, karakteristisches Zeichen.“<br />

729<br />

Ibid.: „sympathetische[n] Gefühl[sl.“<br />

730<br />

Cf. Aloys Hirt: „[…] Leidenschaften der Seelen, und wie diese den Körper rühren“, [1762].<br />

731<br />

Ibid., p. 378: „[…] durch den Ausdruck des Karakteristischen eigentlich nur die Kunstwahrheit, nie die<br />

Kunstschönheit einer Darstellung bewirkt werden kann.“


142<br />

caractère individuel 732 et le caractère idéal. Le premier correspond à l’état naturel de l’âme<br />

humaine et comprend non seulement le caractère physiognomique, en tant qu’expression du<br />

mouvement, mais également le caractère maladif du pathognome et le caractère mimique, qui<br />

n’est autre que celui de l’âme. Ce deuxième s’oriente principalement vers l’idéal de l’art (=le<br />

beau dans l’art) et, par conséquent, ne peut jamais être d’ordre pathognomique, mais<br />

uniquement d’ordre physionomique ou mimique, étant donné que la laideur s’oppose tout<br />

naturellement au beau. Alors que l’état dit naturel incorpore toutes les formes du caractère<br />

individuel, le beau dans l’art se borne pour lui en règle générale exclusivement aux formes du<br />

caractère idéal. 733 Au terme de ces considérations, Fernow établit même un parallèle avec<br />

l’art du spectacle (Schauspielkunst), et plus précisément la pantomime, car l’artiste des arts<br />

plastiques et le comédien ont, d’après sa conviction, en commun qu’ils cherchent, chacun à sa<br />

façon, à atteindre l’idéal de la représentation artistique. Quant à cela, la beauté de l’expression<br />

mimique se réfère avant tout à la façon de paraître de la Gestalt, et, de ce fait, ne peut être<br />

produite que par le charme, la grâce ou la dignité ou d’autres formes d’expression basiques<br />

suscitant la sympathie ou l’émotion, ce qui exclut donc le caractère pathognomique. En<br />

l’occurrence, l’état pathognomique est aussi un sujet de la pantomime, qui n’est pas rendu de<br />

manière hasardeuse, mais de façon idéale. Au fond, la vraie beauté de la représentation<br />

réside, selon Fernow, dans l’harmonie de l’âme humaine, ce qui fait à la fois penser à l’état<br />

néoplatonicien d’une monade reposant sur elle-même, ou l’inébranlable de l’âme des<br />

Stoïciens. Par ailleurs, Winckelmann se prononce également, dans les Pensées sur l’imitation<br />

sur l’importance de la sensation intérieure pour la représentation du caractère, qui a également<br />

dû inspirer Fernow:<br />

732 Dans ce contexte Fernow critique la production d’art de son temps, en se référant surtout aux œuvres de De<br />

Vinci, Raphaël, Dürer, Holbein et le théâtre de Goldoni, Ifland et Kotzebue, car, selon sa conception, ces<br />

derniers n’opèrent pas de façon idéale et caractéristique, mais de manière individuelle et caractéristique, en<br />

représentant premièrement les hasards et aléas de l’existence humaine, mais sans les esthétiser par l’idéalisation.<br />

733 Fernow s’en prend ici manifestement aux méthodes didactiques de l’école française, comme par exemple la<br />

représentation des affects selon Charles le Brun: Sentiments des plus habiles peintres (1696) et Sur l’expression<br />

générale et particulière, (1698) [Discours officiel devant l’Académie royale de beaux-arts à Paris].


143<br />

La sensation intérieure forme le caractère de la vérité; et le dessinateur, qui veut donner le même à ses<br />

académies, n’arrivera pas à obtenir une ombre du vrai, sans se substituer à ce que n’éprouve pas une âme calme<br />

et indifférente au modèle, ni par une action qui peut exprimer ce qui est propre à une certaine sensation ou<br />

passion. 734<br />

A part cela, on pourrait également penser, comme l’évoque par ailleurs Herbert von Einem, à<br />

la notion d’humaniora 735 chez Kant. Cet état est réservé à l’individu dit idéal, 736 exprimant le<br />

caractère de l’espèce, contrairement à l’état de l’individu de la nature, 737 de manière parfaite<br />

et harmonieuse:<br />

Une telle image idéale est un individu, qui n’est concevable qu’en art, qui, à la différence de n’importe quel autre<br />

individu de la nature, n’est plus le produit du hasard mais contient d’autant plus d’essence; il s’ensuit, par<br />

nécessité, que la représentation idéale exprime un objet d’art, la notion d’utilité, ou la nature de celui-ci, d’une<br />

façon plus définie, plus pure, plus complète, avec aussi une plus grande vérité de son caractère particulier, que<br />

l’imitation la plus fidèle pourrait le faire. 738<br />

En ce qui concerne la question du style, il parvient à la conclusion suivante:<br />

Il n’y a qu’un seul style qui est à la fois pur et exemplaire, comme il n’y a qu’un seul goût qui est à la fois bon et<br />

juste […] Le style d’un tableau est le caractère esthétique qui se fonde objectivement, et qui, dans chaque art, est<br />

défini par l’idéal de celui-ci, et dans chaque représentation par la relation entre l’individuel et l’idéal, qui réside<br />

dans la notion du sujet. 739<br />

734<br />

Cf. Winckelmann in: Gedancken zur Nachahmung der griechen Kunstwerke in der Mahlerey und<br />

Bildhauerkunst, op. cit., p. 14: „Die innere Empfindung bildet den Charakter der Wahrheit; und der Zeichner,<br />

welcher seinen Academien denselben geben will, wird nicht einen Schatten des wahren erhalten, ohne eigene<br />

Ersetzung desjenigen, was eine ungerührte und gleichgültige Seele des Modells nicht empfindet, noch durch eine<br />

Akzion [sic], die einer gewissen Empfindung oder Leidenschaft eigen ist, ausdrücken kann.“<br />

735<br />

Voir KU, § 60: „Die Propädeutik zu aller schönen Kunst, sofern es auf den höchsten Grad ihrer<br />

Vollkomenheit angelegt ist, scheint nicht in Vorschriften, sondern in der Kultur der Gemütskräfte durch<br />

diejenigen Vorkenntnisse zu liegen, welche man Humaniora nennt: vermutlich, weil Humanität einerseits das<br />

allgemeine Teilnehmungsgefühl, andererseits das Vermögen, sich innigst und allgemein mitteilen zu können,<br />

bedeutet […].“<br />

736<br />

Ibid., p. 392.<br />

737<br />

Ibid., p. 395.<br />

738<br />

Ibid., p. 393: „Ein solches Idealbild ist nur durch Kunst mögliches Individuum, welches nichts Zufälliges und<br />

mehr Wesentliches enthält, als irgend ein Individuum der Natur enthalten kan; woraus also nothwendig folgt,<br />

dass die idealische Darstellung eines Naturgegenstandes, den Zwekbegrif oder das Wesen desselben bestimmter,<br />

reiner, volständiger, also auch mit grösserer Wahrheit seines eigenthümlichen Karakters, ausdrükt, als es die<br />

treueste Nachahmung vermag.“<br />

739<br />

Ibid., p. 38 s.: „Es gibt nur einen reinen, musterhaften Stil, so wie es nur einen guten und richtigen<br />

Geschmack gibt. [...] Der Stil eines Bildwerks ist nämlich der objektiv-bedingte ästhetische Karakter desselben,<br />

der in jeder Kunst durch das Ideal derselben, und in jeder einzelnen Darstellung durch das in dem Begriffe des<br />

Gegenstandes gegründete Verhältnis des Individuellen zum Ideale bestimmt wird.“


144<br />

Il s’ensuit que Fernow se prononce manifestement pour l’idéal du style pur servant de modèle,<br />

qu’il mesure selon le caractère esthétique qu’il fonde de façon objective, à partir de la relation<br />

entre l’individuel et l’idéal. Or, il ne conteste pas le fait qu’il n’y ait pas une forme idéale pure<br />

dans la nature, selon la théorie de l’éclectio, mais il se réfère à «un schéma ou un archétype<br />

issu de la nature», 740 se manifestant dans l’art du style de par la Gestalt:<br />

Le style comporte tous les éléments de la représentation, mais, dans le domaine des arts plastiques, se fixe<br />

principalement sur la Gestalt (chaque représentation doit porter en elle-même ce double caractère, qui définit<br />

l’idéal de l’art). Le caractère individuel, comme le celui de Dédalus, ne peut être exprimé qu’à travers les<br />

formes et les relations qui lui sont propres; et tous les deux dépendent, dans chaque cas particulier, de la notion<br />

de l’objet à représenter. 741<br />

Ce faisant, Fernow cherche à accorder la maxime de l’idéalisation du caractère avec le<br />

postulat de la vérité individuelle. Ainsi, il n’est point étonnant, qu’il occupe quasiment, dans<br />

la discussion sur le Laokoon, 742 le rôle d’un médiateur théorique, entre Lessing, Winkelmann<br />

et Hirt, comme le constate d’ailleurs Arthur Schopenhauer: 743<br />

Les principes sur l’art de Winkelmann et de Lessing sont indéniablement insuffisants, si on veut les considérer et<br />

appliquer comme étant des fondements pleinement valables de l’art, à tous égards. Mais aussi le principe de Hirt<br />

sur le caractéristique ne l’est pas moins; et s’il accuse ses deux grands prédecesseurs d’unilatéralité, ce même<br />

reproche retombe d’autant plus sur lui-même, qu’il cherche justement à imposer, de manière beaucoup plus<br />

explicite et exclusive que ces premiers le leur, son principe du caractéristique comme étant le fondement<br />

supérieur de l’art antique, et comme étant le seul fondement des arts plastiques. 744<br />

740 Ibid. p. 39 s.: „der Natur zum Grunde liegende[s] S c h e m a oder U r b il d.“<br />

741 Ibid., p. 43: „Der Stil umfasst alle Theile der Darstellung, doch haftet er in der bildenden Kunst vornemlich<br />

an der Gestalt. Der individuelle sowohl als der idealische Karakter einer Gestalt (jede Darstellung mus diesen<br />

zwiefachen Karakter, der das Kunstideal ausmacht, an sich tragen) kann nur durch die Formen und Verhältnisse<br />

derselben ausgedrückt werden; und beide sind in jedem besonderen Falle von dem Begriffe des darzustellenden<br />

Gegenstandes abhängig.“<br />

742 Cf. au sujet de la discussion autour du Laokoon Marie-Christin Wilm: „Laokoons Leiden. Oder über eine<br />

Grenze ästhetischer Erfahrung bei Winckelmann, Lessing und Lenz“, in: Ästhetische Erfahrung: Gegenstände,<br />

Konzepte, Geschichtlichkeit, (online-publication du Sonderforschungsbereich 626), Berlin, alinéas 1-25:<br />

http://www.sfb626.de/veroeffentlichungen/online/aesth_erfahrung/aufsaetze/wilm.pdf (consultée le 14.03.2009).<br />

743 RS, I, p. 258.<br />

744 Cf. RS, I, „Über das Kunstschöne“, ici p. 441: „Unläugbar sind also Winkelmanns und Lessings<br />

Kunstprinzipe, wenn man sie als volgültige Grundsätze der Kunst betrachten und anwenden will, dazu in jeder<br />

Hinsicht unzulänglich. Aber auch Hirts Prinzip der Karakteristik ist es nicht weniger; und wenn er seine beiden<br />

grossen Vorgänger der Einseitigkeit beschuldigt, so fällt derselbe Vorwurf noch stärker auf ihn selbst zurük,<br />

wenn er weit ausdrüklicher und ausschliessender als jene beiden das ihrige, sein Prinzip der Karakteristik als


145<br />

A partir de l’exemple du Laokoon, Fernow formule ainsi le postulat du beau comme étant<br />

l’utilité supérieure, tout en subordonnant le caractéristique à l’idéal, en lui attribuant<br />

cependant une place intermédiaire située entre la beauté et l’idéal. Il légitime ensuite, comme<br />

Kant, «l’utilité que l’art doit [remplir] pour l’homme» 745 comme étant l’objectif principal de<br />

cet ensemble esthétique, dont le but est de plaire et de «divertir l’âme de façon esthétique.» 746<br />

De cette sorte, «l’état du libre équilibre de toutes les forces de l’âme» 747 est atteint, qui est «le<br />

plus approprié à la nature humaine» 748 et qui «réjouit l’âme de façon harmonieuse et<br />

vitalisante.» 749 De par cette corrélation entre l’esprit et la nature, «l’âme [doit se sentir] libre<br />

de toute obligation et quand même occupée», 750 afin de se trouver ainsi dans «l’état du libre<br />

jeu des facultés de connaissance.» 751 A part cela, Kant oriente le plaisir généralement vers le<br />

beau (=l’art), au bien (=la morale) et vers l’agréable (=la jouissance), en mettant toujours le<br />

désintérêt de l’objet esthétique au premier plan. Il faut opposer à cette notion du beau le<br />

sublime, qui provoque un état d’émotion libre (p. ex. la mouvance), en formant ainsi un pôle<br />

diamétralement opposé à l’état de l’équilibre libre (=contemplation calme). Le sentiment du<br />

sublime est par contre conditionné par «un drôle de mélange entre l’inutile et l’utile.» 752 Ce<br />

qui est étonnant ici, c’est que Fernow va, à partir de cette problématique de base, déduire le<br />

principe idéal de l’art, qu’il considère, par rapport à l’homme, selon l’idée esthétique normale<br />

comme «le pur idéal de la Gestalt, dans la mesure où elle est seulement l’idéal de l’utilité<br />

extérieure de la formation humaine.» 753 Suivant cette logique, il part de l’idéal de l’utilité<br />

obersten Grundsaz der alten Kunst, und als den einzig wahren Grundsaz der bildenden Kunst überhaupt<br />

aufstellen will.“<br />

745 Voir I. Fernow, 1936, p. 20: „Zweck, den die Kunst um des Menschen willen.“<br />

746 RS, II, p. 102: „Gemüt ästhetisch zu beschäftigen.“<br />

747 RS, I, p. 383: „Zustand des freien Gleichgewichts aller Gemütskräfte.“<br />

748 Ibid.: „Ideal der menschlichen Natur am angemessensten.“<br />

749 RS, III, p. 129: „Gemüt harmonisch beleb[t] und erfreu[t].“<br />

750 RS, II, p. 25: „Gemüt von aller Bestimmung frei und doch beschäftigt.“<br />

751 Voir Kant, KU, § 9, A 28: „Also muβ der Gemütszustand in dieser Vorstellung der eines Gefühls des freien<br />

Spiels der Vorstellungskräfte an einer gegebenen Vorstellung zu einem Erkenntnisse überhaupt sein.“<br />

752 Cf. I. Fernow, 1936, p. 34: „merkwürdige Verbindung von Zweckwidrigkeit und Zweckmäßigkeit.“<br />

753 Ibid.: „blosse Ideal der Gestalt, insofern es eigentlich nur das Ideal der äusseren Zweckmässigkeit der<br />

menschlichen Bildung ist.“


146<br />

intérieure, qu’il définit comme étant «la nature spirituelle de l’homme, dans le sens où elle<br />

peut devenir visible elle-même.» 754 En ce qui concerne la forme artistique, il évalue, à l’instar<br />

de Kant, la forme et la matière selon l’utilité. Il formule son idée de base comme suit: «La<br />

matière est d’après sa nature seulement réelle et ne peut pas être idéalisée comme la<br />

forme.» 755 Il en déduit en l’occurrence que la matière (p. ex. le coloris) peut être soumise à un<br />

traitement idéal, alors que la laideur de la forme, le véritable dégoûtant chez Kant, est à<br />

exclure comme objet de la représentation en art, étant donné qu’il porte atteinte au plaisir<br />

esthétique. De même, Fernow considère, tout comme Kant, deux sortes de grandeur: la<br />

grandeur «intérieure, intensive» et la grandeur «élargie, extensive.» 756 Par ailleurs, il distingue<br />

la grandeur extensive (quantitas), de la grandeur intensive (magnitudo) et intérieure<br />

(grandiosità). Dans ce contexte, la grandeur intensive est à situer au-dessus de la grandeur<br />

extensive, étant donné que seulement cette première:<br />

[…] [émeut] le sens intérieur, [s’empare de] l’âme, et qui [est] si indispensable à l’expression de la grandeur<br />

dans les œuvres des arts plastiques, de sorte qu’un colosse n’apparaît pas grand, s’il lui manque la grandeur<br />

intérieure. 757<br />

De ce principe résulte aussi pour Fernow l’opposition entre la sculpture et l’architecture, et il<br />

constate:<br />

De toute façon l’architecture est moins capable d’incarner la grandeur intérieure, que plutôt la sculpture [et]<br />

qu’elle augmente […] de par la grandeur et le sublime, vers le sublime [et ce faisant] met en jeu la faculté<br />

sympathique du spectateur [et] impressionne notre cœur. 758<br />

De la même manière, il conçoit la grandeur extensive comme étant un décalage positif de<br />

l’idée normale, 759 il isole par la suite la grandeur extensive (=extérieure) de la grandeur<br />

754 Ibid: „geistige[n] Natur des Menschen, insofern diese sichtbar an derselben erscheinen kann.“<br />

755 Cf. RS, II, p. 206: „Die Materie ist ihrer Natur nach bloss real und lässt sich nicht idealisieren wie die Form.“<br />

756 RS, II, p. 267: „innere, intensive“ et „ausgedehnte, extensive Gröβe.“<br />

757 Ibid., f.: „[…] den inneren Sinn [rührt], das Gemüth [ergreift], und für den Ausdruck der Größe in Werken<br />

der bildenden Kunst so unentbehrlich [ist], dass auch ein Koloβ nicht groß erscheint, wenn ihm die innere Größe<br />

mangelt.“<br />

758 RS, II, p. 366 ss.: „Überhaupt ist weniger die Baukunst fähig, die innere Größe zu verkörpern, als vielmehr<br />

die Bildnerei, da sie die „Vollkommenheit der menschlichen Gestalt […] durch Größe und Erhabenheit zum<br />

Göttlichen steigert [und] das sympathetische Vermögen des Betrachtenden mit ins Spiel [zieht] [und somit<br />

imstande ist] auf unser Herz zu wirken.“


147<br />

intensive (=intérieure). En outre, Fernow met en question la possibilité d’une représentation<br />

parfaite de l’idée normale (=l’idée de la raison) comme le juge par exemple Kant, de par les<br />

formes géométriques dans la mathématique comme étant «complètement et concrètement» 760<br />

possible. Par la suite, il le conteste «si jamais un artiste s’est imaginé une telle image<br />

géométrique dans cette pureté tout à fait abstracte et vide.» 761 De même, il pense que la<br />

représentation de l’idée normale (l’utilité intérieure chez Kant) «dans cette pureté parfaite est<br />

impossible à concevoir.» 762 Vu dans l’ensemble, on observe également qu’il s’opère chez<br />

Fernow un déplacement d’accent par rapport à Kant. Tandis que ce dernier idéalise la forme<br />

pure, tout en négligeant le caractéristique, en cherchant «non pas une augmentation en<br />

définition individuelle, mais une augmentation du contenu idéel», 763 Fernow n’envisage donc<br />

pas le «canon géométrique de la Gestalt» („geometrische[n] Kanon der Gestalt“) comme<br />

finalité supérieure, mais l’individualité de ce qui est représenté. Et cette individualisation du<br />

général comme étant le secret du sens artistique est étroitement liée à l’enthousiasme de<br />

l’artiste, ce qui sera le sujet du prochain chapitre.<br />

759 Cf. Irmgard Fernow, 1935, p. 39<br />

760 Kant, KU, § 25, A 80 s.: „Vom Mathematisch-Erhabenen.“Cf. aussi HE, p. 88: „völlig in concreto.“<br />

761 RS, I, p. 348: „[…] ob je ein Künstler sich ein solches bloss geometrisches Bild in dieser durchaus abstrakten<br />

Reinheit und Leerheit vorgestellt oder gebildet habe.“<br />

762 RS, I, p. 355: „in dieser vollkommenen Reinheit für undarstellbar.“<br />

763 HE, p. 89: „nicht eine Zunahme an individueller Bestimmtheit, sondern eine Zunahme an idealem Gehalte.“


148<br />

III. 3. De l’enthousiasme de l’artiste: «…cette inspiration divine»<br />

Fernow débute son traité intitulé «De l’enthousiasme de l’artiste» par le postulat suivant: Seul<br />

l’ecclésiastique devrait parler du sacré, seul l’artiste devrait parler de l’enthousiasme. 764<br />

De par cette adéquation entre l’art et le sacré, il légitime par la suite la définition de<br />

l’enthousiasme artistique comme inspiration divine, comme secret, qui ne peut pas être<br />

expliqué par le logos de la raison sobre:<br />

Mais l’artiste se satisfait de l’effet; la façon dont il le produit reste aussi un secret pour lui. A vous, cher ami<br />

[=Eberhard Wächter], cette disposition géniale n’est pas étrangère. Dans toutes vos sensations, qui, comme un<br />

libre produit de votre imagination issu d’un sujet choisi par vous-même, portaient dans votre bélisar, votre<br />

famille sainte, dans votre hiob, et d’autres, que j’ai encore vu de vous à Rome, l’empreinte du véritable<br />

enthousiasme est infaillible, qui ne se laisse ajouter à aucune œuvre de la raison sobre, ou de simples talents<br />

techniques. 765<br />

Comme dans la monographie d’Arioste, Fernow demande ici, probablement pour des raisons<br />

tactiques et afin d’influencer de manière positive l’accueil de l’œuvre, une «réception<br />

indulgente» 766 de son traité, vu qu’il est tout à fait conscient de la problématique que pose sa<br />

définition de l’enthousiasme de l’artiste comme «inspiration divine»:<br />

Que ces quelques feuilles trouveront une réception plus indulgente que parmi certains artistes et connaisseurs<br />

pour lesquels le génie est une chose fâcheuse et l’enthousiasme une bêtise car, ni de l’un ni de l’autre, ils n’ont<br />

764 Voir ici et dans ce qui suit le traité intitulé „Über die Begeisterung des Künstlers“, RS, I, p. 253: „Nur der<br />

Geweihte sollte vom Heiligen, nur der Künstler vom Enthusiasmus sprechen.“ Cf. la réflexion sur<br />

l’enthousiasme de l’artiste, formulée par Dante Aligheri: «Ô puissance d’imaginer, toi qui nous emportes parfois<br />

si loin de nous qu’on ne s’aperçoit pas que sonnent alentour mille trompettes, qui ne te mets pas en mouvement,<br />

si les sens ne t’excitent», in: Georges Kraft, 1000 citations sur l’œuvre d’art, Éd. Ellipses, Paris, 1993, p. 26.<br />

765 Ibid., p. 253: „Aber dem Künstler genügt die Wirkung; wie er sie hervorbringt, bleibt auch ihm ein<br />

Geheimnis. Ihnen, werther Freund [Eberhard Wächter], ist diese genialische Stimmung nicht fremd. In allen<br />

ihren Empfindungen, die ein freies Erzeugnis Ihrer Einbildungskraft aus einem selbstgewählten Stoffe waren in<br />

Ihrem Belisar, in Ihrer Heiligen Familie, in Ihrem Hiob, und anderen, die ich noch in Rom von Ihnen gesehen,<br />

ist der Stempel echter Begeisterung unverkenbar, der sich keinem Werke des nüchternen Verstandes, oder einer<br />

blos technischen Kunstfertigkeiten, anfügen lässt.“<br />

766 Cf. la dédicace à Wieland, figurant dans l’avant-propos de Leben Ludovico Ariosto’s des Götlichen, Éd.<br />

Gessner, Zurich, 1809.


149<br />

jamais éprouvé une étincelle en eux-mêmes. Je souhaiterais seulement indiquer l’indicible; et si vous trouvez<br />

encore de l’un ou de l’autre la trace d’une idée juste de cette inspiration divine. 767<br />

Afin de mieux évaluer la conception de l’enthousiasme artistique fernowienne, une<br />

clarification de sa conception du génie s’impose. Dans un premier temps, celle-ci repose chez<br />

lui, tout comme chez Schiller, essentiellement sur «la liberté de l’artiste qui est l’élément du<br />

génie.» 768 Dans ce contexte, il distingue strictement l’artiste de l’artisan:<br />

Le talent imitateur, dont les niveaux inférieurs se perdent dans la main d’œuvre pure, et le talent créateur, dont<br />

on désigne les niveaux supérieurs de préférence par le mot génie, se limitent réciproquement en ce qui concerne<br />

le don artistique de multiples façons et produisent d’innombrables nuances, allant du plus haut au plus bas, entre<br />

le génie d’un Michel-Ange ou d’un Raphaël et le talent appauvri d’un peintre romain d’armoiries et de<br />

cornichons. 769<br />

De même, Fernow sépare le «bon dessinateur» du «bon coloriste» et, en analogie, entre le<br />

«talent de l’invention » du «talent de l’imitation de la réalité.» 770 Ainsi, le degré de formation<br />

du talent artistique est principalement décisif pour la définition de génie. Ce qui est intéressant<br />

ici, c’est surtout la réflexion fernowienne sur la comparaison entre l’artiste et l’artisan, dans<br />

laquelle il distingue, tout comme Kant, 771 le sens supérieur, le sens pour la forme (Sinn für die<br />

Form) et le sens artistique inférieur ainsi que le sens pour le caractère matériel (Sinn für den<br />

materiellen Charakter):<br />

767<br />

RS, III, préface et JS, p. 342: „Werden darum diese wenigen Blätter eine nachsichtsvollere Aufnahme finden,<br />

als bei gewissen, durchaus verständigen Künstlern und Kennern, denen Genie ein Ärgernis und Begeisterung<br />

eine Thorheit ist, weil sie weder von dem einen noch von der andern je einen Funken in sich verspürten. Ich<br />

wünschte das Unaussprechliche blos anzudeuten; und wenn sie die Spur einer richtigen Ahndung jenes<br />

göttlichen Anhauches darin finden.“<br />

768<br />

Voir pour cette citation la monographie de Carstens, op. cit., p. 39: „Freiheit ist das Element des Genius.“<br />

769<br />

Ibid., p. 188: „Das nachahmende Talent, dessen untere Grade sich in bloβes Handwerk verlieren, und das<br />

schöpferische Talent, dessen höhere Grade man vorzugsweise durch das Wort Genie bezeichnet, beschränken<br />

einander wechselseitig in der Kunstanlage auf die mannigfaltigste Art und bringen jene zahllosen Abstufungen<br />

hervor, welche zwischen dem Höchsten und Niedrigsten, zwischen dem Genie eines Michelangelo und Raffael<br />

und dem armseligen Talent eines römischen Wappen- und Gurkenmalers liegen.“<br />

770<br />

RS, II, p. 181: „gute[n] Zeichner“, „guten Koloristen“, „Talent der Erfindung“ et le „Talent zur<br />

Nachahmung der Wirklichkeit.“<br />

771<br />

Voir Kant, § 43, A 174: „Wird auch Kunst vom Handwerk unterschieden; die erste heiβt freie, die andere<br />

kann auch Lohnkunst heiβen.“ L’abbé Pierre fait une première distinction quant à la compétition des arts dans<br />

son traité «Les beaux-arts réduits à un même principe», Paris, 1747.


150<br />

Le sens pour la forme, qui repose sur l’imagination, va plus souvent de pair avec le talent de l’invention – à<br />

l’opposé, le sens pour le caractère matériel des objets va plus habituellement de pair avec le talent de l’imitation<br />

du vrai dans la société. 772<br />

Pour Fernow, le bel art comme invention est forcément l’art du génie; 773 mais, pourtant, il<br />

n’exclut nullement la possibilité d’une imitation matérielle de la réalité, comme la pratique<br />

l’artisan. Ce qui est décisif pour l’épanouissement du talent artistique, c’est d’après lui la<br />

faculté du talent imitateur, qui «selon des règles académiques et doté d’une technique<br />

scientifique exercée, est capable de composer une œuvre de façon artistique.» 774<br />

En règle générale, il différencie donc la production des objets d’art habituels et la création des<br />

œuvres d’art exceptionnelles, qu’il considère comme étant un privilège du génie, qui,<br />

appartenant à une sphère supérieure, a atteint le degré le plus haut de la formation artistique.<br />

Ainsi, il correspond aux règles objectives de l’art de par sa «force originelle.» 775 Dans ce<br />

contexte, on pensera également au mythe classique de Pygmalion, en complétant, d’après<br />

Helmut Pfotenhauer, 776 cela par l’instance transsubjective sous la forme d’une déesse qui<br />

insuffle la vie à l’œuvre de l’artiste. Le philosophème de Henri-Louis Bergson sur l’élan vital,<br />

la vis vitalis vue, selon Manfred Naumann, comme une ‘force évolutionnaire comme<br />

spirituelle’ 777 y paraît aussi congruent. Cette dernière ne peut pas être saisie par la raison,<br />

mais seulement par l’intuition et se manifeste dans le milieu artistique, comme dans le<br />

772 Ibid., p. 180 s.: „Mit dem Sinne für Form, der in der Einbildungskraft beruhet, findet sich häufiger das Talent<br />

der Erfindung - mit dem Sinne für den materiellen Karakter der Gegenstände hingegen gewöhnlicher das Talent<br />

zur Nachahmung des Wirklichen vergesellschaftet.“<br />

773 Ibid., § 43, A 178: „Schöne Kunst ist Kunst des Genies.“<br />

774 Ibid., p. 188 s.: „[…] nach Schulregeln und mit wissenschaftlicher Technik wohl ausgerüstet und geübt, eine<br />

Komposition kunstmässig zusammenzustellen [kann].“ Dans ce contexte, il nomme Raphael Mengs comme le<br />

«représentant de tous les artistes doués» („Repräsentanten aller geschickten Künstler“), cf. également Fernow,<br />

introduction, p. 259 ss., tout comme van Huysum et Claude Gelée.<br />

775 Cf. à ce sujet les propos de Helmut Pfotenhauer, VRW, p. 43: „Nicht der Keim, der von Anfang an da ist und<br />

sich immer wieder ausfaltet, bestimmt das Leben, sondern eine spezifisch biologische Organisationskraft, die im<br />

Andersgeschlechtlichen das Eigene neu produziert, also eine nicht uranfängliche, sondern nachfolgende Genese<br />

(Epigenesis) bewirkt.“<br />

776 Ibid.: „Platonisches Erbe macht sich geltend; trotz des herbeizitierten Pygmalion-Mythos, demzufolge das<br />

Werk des Künstlers selbst ja lebendig wird, er also aus sich heraus schafft. Aber offenkundig muß man hier die<br />

Göttin des antiken Mythos hinzudenken, die Leben einhaucht und ohne die als transsubjektive Instanz<br />

Inspiration nicht möglich wäre.“<br />

777 Cf. Manfred Naumann: Lexikon der französischen Literatur, Bibliographisches Institut (Éd.), Leipzig, 1987:<br />

„evolutionären wie geistigen Kraft.“


151<br />

domaine scientifique. 778 En ce qui concerne la légitimation du génie artistique, le<br />

Kunstgenius, comme Fernow l’appelle, on constate que celle-ci s’insère à la fois dans le<br />

champ de tension situé à mi-chemin entre la philosophie transcendantale de Kant et<br />

l’idéalisme esthétique de Schiller, étant donné qu’il s’inspire des deux systèmes<br />

équitablement. Ainsi, il désigne la force créatrice tout à fait au sens de la conception<br />

kantienne comme «don naturel», 779 qui est «remis par la nature», 780 et, pour cette raison, il<br />

est seulement réservé au génie:<br />

[…] que chaque élargissement légitime [de l’imagination créatrice] soit l’affaire du libre talent du génie<br />

créateur, qui s’ouvre lui-même de nouvelles voies, […] là où la raison la plus lucide […] manque de théories. 781<br />

Ainsi, Fernow conteste ici decidément le principe sur la didactique de l’art, car il élève<br />

l’esprit créateur de l’artiste au-dessus de la raison la plus brillante. Contrairement à Kant, il<br />

autorise au génie le dépassement de la règle kantienne, la Verstandesregel, en légitimant cette<br />

transgression paradoxalement par ce même postulat kantien de l’originalité artistique: 782<br />

[…] ses digressions de la règle, même ses débordements [incitent] l’admiration et non pas le refus de la part de la<br />

critique […] des idées inimitables sont un privilège du génie. 783<br />

Contrairement à cela, Kant considère l’art arbitraire comme «liberté anarchique» qui ne<br />

produit «rien que du non-sens» 784 et qui, pour cette raison, doit être tempéré:<br />

«[…] afin d’éviter qu’il transgresse les limites du vrai, du beau et du sublime dans le feu et<br />

l’élan de l’imagination.» Or, Fernow admet, quant à cela, que «le génie aussi admirable qu’il<br />

puisse être […] n’est qu’une force naturelle aveugle, un talent quasiment instinctif.» Or, pour<br />

778<br />

Henri Bergson: Denken und schöpferisches Werden, Éd. EVA TB, Francfort/M., 1993. Cf. aussi l’étude de<br />

Mirjana Vrhunc: Bild und Wirklichkeit, Zur Philosophie Henri Bergsons, Éd. Fink, Munich, 2002.<br />

779<br />

KU, § 46, A 178 s.: „Genie ist das Talent [Naturgabe], welches der Kunst die Regel gibt.“<br />

780<br />

Voir le Neue Teutscher Merkur, 1795, SB 5, 22.<br />

781<br />

RS, III, p. 41 s.: „[…] jede erlaubte Erweiterung dem freien Vermögen des schöpferischen Kunstgeistes<br />

überlassen, der auch da sich neue Bahnen öffnet, […], wo der helleste Verstand […] mit [seinen] Theorien zu<br />

kurz [kommt].“ Cf. Kant § 46, A 180: „Genius, dem eigenthümlichen, ein bei der Geburt mitgegebenen,<br />

schützenden und leitenden Geist.“<br />

782<br />

KU, § 46, A 182: „[…] dass Genie ein Talent sei […] folglich daβ O r i g i n a l i t ä t seine erste Eigenschaft<br />

sein müsse.“<br />

783<br />

RS, II, p. 91: „[…] seine Abweichungen von der Regel, selbst seine Ausschweifungen […] [nötigen] der<br />

Kritik statt Tadel Bewunderung [ab] […] unnachahmliche Einfälle sind ein Vorrecht des Genies.“<br />

784<br />

Ibid: „gesetzlosen Freiheit [die] nichts als Unsinn hervor[bringt].“


152<br />

résoudre ce conflit apparent, il distingue par la suite entre deux sortes d’affect: d’un côté, c’est<br />

le génie divin (dominé par son talent créateur) et, de l’autre, c’est le génie primitif (guidé par<br />

son instinct primitif). Tandis que ce premier est réductible à un état d’âme positif (des<br />

émotions supérieures, la compassion), ce dernier est défini par un état d’âme négatif (des<br />

émotions inférieures, le dégoût). Généralement, il part du principe selon lequel:<br />

L’affect est un état de souffrance, qui limite la liberté de l’âme et qui le force à une tension et une orientation<br />

arbitraire de ses forces [vers ou de ce même objet] ou son idée […] [L’affect] est aveugle, soit en ce qui concerne<br />

le choix de sa finalité, soit, si celui-ci est dicté par la raison, en ce qui concerne le choix des moyens pour<br />

l’atteindre. 785<br />

Pour cette raison, Fernow rejette de façon catégorique toute restriction du génie: «Le génie<br />

[…] agit même dans les plus grands degrés de l’enthousiasme avec calme et liberté», étant<br />

donné «qu’il est formé par le bon goût.» 786 Le bon goût devient ainsi le modulateur de l’affect<br />

aveugle, étant donné que l’artiste génial est, de par la «force de sa personnalité», 787 tout à fait<br />

capable de juger de manière objective, afin «d’être pénétré, soulevé, enthousiasmé, mais non<br />

pas dominé», 788 ce qui implique en même temps le principe de la maîtrise technique. Mais<br />

Fernow va encore plus loin et distingue au delà l’enthousiaste (dominé par les affects) de<br />

l’enthousiasme du génie (porté vers les idées), tout en différenciant clairement dans la même<br />

mesure, l’enthousiasme du fanatisme (qu’il soit religieux, politique ou patriotique).<br />

De même, il définit l’enthousiasme moral (humanitaire) et l’enthousiasme esthétique<br />

(artistique):<br />

Comme il existe pour l’activité des êtres dotés de raison seulement trois sujets d’une aspiration absolue, à savoir<br />

le vrai, le bon et le beau, de même il n’y a que trois sortes de véritable enthousiasme […] à savoir<br />

785 Ibid., p. 255.: „Der Affekt ist ein leidender Zustand, der die Freiheit des Gemüts hemmt und es zu einer<br />

unwillkürlichen Spannung und Richtung seiner Kräfte [zu oder von dem Gegenstande] oder der Vorstellung<br />

desselben nötigt […] [Der Affekt ist] blind, entweder in der Wahl seines Zweckes, oder, wenn dieser auch durch<br />

Vernunft gegeben worden, doch in der Wahl der Mittel zur Erreichung desselben.“<br />

786 RS, I, p. 259: „Das Genie […] wirkt auch in den höchsten Graden des Enthusiasmus mit Besonnenheit und<br />

Freiheit, denn es ist durch den Geschmack gebildet.“<br />

787 Ibid.: „Kraft seiner Persönlichkeit.“<br />

788 Ibid. s.: „[…] von seinem Gegenstande durchdrungen, emporgehoben, begeistert, aber nicht beherrscht [zu<br />

sein].“


153<br />

[l’enthousiasme] philosophique, moral et esthétique. L’enthousiasme philosophique est réveillé par l’idée de<br />

vérité, - l’enthousiasme moral par les idées et fins morales, - l’enthousiasme esthétique par le beau et le<br />

sublime. 789<br />

En revanche, pour Fernow, l’enthousiasme véritable est non seulement un affect positif, dans<br />

le sens d’un état d’âme supérieur, mais aussi le véritable état idéal de l’artiste, car d’après lui<br />

celui-ci:<br />

[de par] la tension et l’élévation des forces de l’âme par les idées […] est autonome de façon esthétique; mais<br />

l’enthousiasme à des fins morales, pour la vérité, la liberté et le droit est également moral et esthétiquement<br />

autonome. 790<br />

De même, l’enthousiasme (esthétique) est assimilé au degré suprême de la force productive<br />

du génie créateur:<br />

Le degré suprême de l’affect qui est lié aux idées et conditionnées par celles-ci […] Seul le génie, ou la<br />

disposition intellectuelle productive, est capable d’atteindre ce degré et cette forme d’enthousiasme. Seul le<br />

génie peut, sans être limité dans sa liberté et sans agir contre la raison, de par sa force intellectuelle qui est<br />

augmentée de par sa nature au-dessus de l’ordinaire, s’élever vers la force de l’enthousiasme, d’où résultent des<br />

actes nobles, de nouvelles découvertes au royaume de la vérité et du savoir et qui engendrent de belles œuvres<br />

d’art. 791<br />

789 Ibid., p. 260 s.: „Da es für die Täthigkeit vernünftiger Wesen nur drei Gegenstände eines unbedingten<br />

Strebens giebt, nämlich das Wahre, das Gute und das Schöne, so giebt es auch nur drei Arten wahrer<br />

Begeisterung […], nämlich die filosofische, die moralische und die ästhetische. Die filosofische Begeisterung<br />

wird durch die Idee der Wahrheit, - die moralische durch sitliche Ideen und Zwecke, - die ästhetische durch das<br />

Schöne und Erhabene geweckt.“<br />

790 Ibid., p. 257 s.: „als Spannung der Erhebung der Gemüthskräfte durch Ideen, […] ästhetisch erhaben [ist];<br />

aber nur der Enthusiasmus für sitliche Zwecke, für Wahrheit, Freiheit und Recht ist zugleich moralisch und<br />

ästhetisch erhaben.“<br />

791 Ibid., p. 258: „Der höchste Grad des mit Ideen verbundenen und durch sie bewirkten Affektes […] Dieses<br />

Grades und dieser Art des Enthusiasmus ist aber nur das Genie, oder die produktive Geistesanlage fähig. Das<br />

Genie allein kann sich, als eine schon durch seine Natur über das gewöhnliche Mass erhöhete Geisteskraft, ohne<br />

in seiner Freiheit gehemmt zu werden, und ohne vernunftwidrig zu wirken, zu der Stärke des Enthusiasmus<br />

erheben, aus welcher erhabene Thaten, neue Entdeckungen im Reiche der Wahrheit und des Wissens, und<br />

schöne Kunstwerke hervorgehen.“


154<br />

Pour prouver le principe génétique de la force imaginative, qui échappe à toute définition et à<br />

tout enseignement, Fernow se réfère aux œuvres des maîtres italiens de la Renaissance 792 et de<br />

l’Antiquité grecque:<br />

[…] que la nature n’est pas seulement une force imaginative et un sentiment énergétique, mais aussi une force<br />

de jugement juste, capable de donner un sens de vérité et de beauté infaillibles, soutenant le génie sans autres<br />

règles que celles puisées en lui-même, dans la voie et l’esprit de l’artiste, toujours en harmonie avec lui-même.<br />

Que la contrainte de la règle et la vivacité de l’esprit affaiblissent son esprit, et tuent l’énergie de son sentiment;<br />

au contraire, ce qu’on lui enlève en feu sauvage et en force non maîtrisée d’un côté, il va, de l’autre, le gagner en<br />

double en force intense, en fermeté et en définition du caractère, en abondance et en habileté de fantaisie. 793<br />

L’enthousiasme esthétique assimile ainsi dans l’artiste génial la subjectivité de l’individu et<br />

l’objectivité de l’idée. Il n’est point nécessaire ici d’insister davantage sur le refus apparent de<br />

la mimésis antique de par la nature de l’art. L’art est, tout comme la poésie, orienté vers les<br />

idées et ainsi lié à la pulsion représentative, le Darstellungstrieb:<br />

[…] une pure imitation de la nature, telle qu’elle est en réalité, mais dans la belle représentation de ses fins<br />

générales et suprêmes ou dans l’idéal du beau […]. Même le plus bel individu de la nature, l’homme le plus<br />

beau, l’acte le plus noble, la région la plus charmeuse, l’œuvre d’art la plus achevée est la matière, le mobile,<br />

l’incitation de sa pulsion représentative, l’idéal de la perfection et de la beauté, qui vit dans son âme et dont le<br />

présent avive l’enthousiasme dans son imagination, afin de l’exprimer, sinon, il ne produirait que des imitations<br />

et non pas des œuvres de génie. 794<br />

792 Dont, parmi eux des esprits plus fragiles (sanftere Gemüter) comme Giotto, Ghiberti, da Fiesole, Perugino,<br />

Rafael, Dominichino, Claude Gelée, tandis que Fernow décrit Michel-Ange, Julius Romanus, Rubens et Salvator<br />

Rosa comme des esprits de feu (Feuergeister).<br />

793 Ibid., voir préface: „[…] daβ die Natur nicht bloβ Einbildungskraft und ein energisches Gefühl, sondern auch<br />

eine richtig leitende Urteilskraft, einen untrüglichen Wahrheits- und Schönheitssinn zu erteilen vermag, der das<br />

Genie ohne andere als aus sich selbst geschöpfte Regeln im Gleise und den Geist des Künstlers immer mit sich<br />

selbst in Harmonie erhält […] daβ der Zwang der Regel die Lebhaftigkeit seines Geistes schwächen, die Energie<br />

seines Gefühles töten werde; im Gegenteil wird er das, was ihm auf der einen Seite an wildem Feuer und roher<br />

Kraft genommen wird, auf der anderen an intensivster Stärke, an Festigkeit und Bestimmtheit des Charakters, an<br />

Fülle und Gewandtheit der Phantasie doppelt gewinnen.“<br />

794 Ibid., p. 264 s.: „[…] bloβe Nachahmung der Natur, wie sie wirklich ist, sondern in die schöne Darstellung<br />

ihrer allgemeinen und höchsten Zwecke oder in das Ideal des Schönen […] Auch das schönste Individuum der<br />

Natur, der schönste Mensch, die erhabenste Handlung, die reizendste Gegend, das vollkommenste Kunstwerk<br />

selbst ist in ihm Stoff, Veranlassung, Anreizung seines Darstelungstriebes, das Ideal der Vollkommenheit und<br />

Schönheit, das in seiner Seele lebt und dessen lebhafte Gegenwart in der Phantasie ihn begeistert, auzudrücken,<br />

sonst würde er nur Nachahmungen, nicht Werke des Genies hervorbringen.“


155<br />

De même, Fernow différencie entre trois catégories de «véritable enthousiasme», 795 qui ne<br />

sont pas à confondre avec l’émotion (=sentimentalité): l’enthousiasme philosophique (l’idée<br />

de la vérité) l’enthousiasme moral (l’idée de la moralité et de l’utilité), l’enthousiasme<br />

esthétique (l’idée du beau et du sublime). L’enthousiasme philosophique et moral sont moins<br />

compatibles du point de vue formel, ils ont néanmoins en commun le côté objectif, le<br />

Gegenständliche, à savoir qu’ils obéissent à une idée normative vers l’idée de raison, 796 ce<br />

sont des génies pratiques. A l’opposé, le génie de l’art s’oriente plutôt vers l’idée de raison,<br />

en concentrant celle-ci de manière épurée sur l’essentiel, et en la modifiant selon l’utilité:<br />

[le génie] ne représente jamais comme abstractum, mais comme représentation dans la robe de la beauté […] Il<br />

la reconnaît et la pense seulement dans le déshabillage sensuel. 797 Grâce à sa force d’imagination il peut ainsi<br />

ressembler à la raison ou plutôt être en relation avec celle-ci […] [produire] une image qui est purifiée de tout<br />

ce qui est particulier ou aléatoire du genre, qui contient seulement le particulier, le général et le nécessaire<br />

[…] 798<br />

Ces trois sortes d’enthousiasme trouvent un consensus dans l’enthousiasme religieux, qui peut<br />

cependant facilement dégénérer en le sentimentalisme romantique, la Schwärmerei<br />

(sensiblerie), car il est: […] plus ou moins enclin à représenter son objet spirituel comme sentiment de<br />

manière perceptible, et saisissable par l’imagination, si celle-ci n’est pas sans cesse retenue et modérée par la<br />

raison. 799<br />

L’idéal en commun est l’atteinte de la sphère divine, assimilée à l’idéal de la nature humaine,<br />

qui est considérée comme commune à toutes les religions. Suivant cet raisonnement, il<br />

distingue entre trois religions: la religion des Grecs (esthétique, spirituel, génial), la religion<br />

chrétienne (morale, moins esthétique, plutôt pratique), la religion catholique (anti-<br />

795 Ibid., p. 260 s.: „Rührung.“<br />

796 Ibid. Fernow se réfère ici à la Normalidee et la Vernunftidee chez Kant.<br />

797 Ibid., p. 263: „[…] nie als abstractum [darstellt], sondern als Erscheinungen im Gewande der Schönheit […]<br />

Es erkennt und denkt sie nur in sinnlicher Einkleidung.“<br />

798 Ibid., p. 340: Dank seiner Einbildungskraft kann es so „vernunftähnlich oder vielmehr in Verbindung mit der<br />

Vernunft“ […] ein von allem Besondern und Zufälligen geläutertes Bild der Gattung [hervorzubringen], das bloβ<br />

das Wesentliche, das Allgemeine und Nothwendige derselben enthält.“<br />

799 Ibid., p. 261: „[…] mehr oder weniger geneigt ist, sich ihren rein geistigen Gegenstand als dem Gefühl<br />

wahrnehmlich, und der Fantasie anschaulich vorzustellen, wenn sie nicht unaufhörlich von der Vernunft davon<br />

zurükgehalten und gezügelt wird.“


156<br />

esthétique !, réglementaire, a-sensuelle). Et la conclusion que Fernow tire de ce classement<br />

triadique des religions n’est pas pour le moins étonnante. D’après sa propre conviction, le<br />

summum de l’art du génie enthousiaste d’inspiration religieuse a déjà été atteint dans<br />

l’Antiquité grecque, car celle-ci:<br />

[…] était tout à fait esthétique; elle se composait d’idées de la force d’imagination, qui tendaient vers l’idéal du<br />

beau. Elle était tout à fait orientée vers le sens d’une nation du génie, et plus que toutes les autres religions du<br />

peuple, elle était favorable aux arts plastiques. Ses dogmes étaient de belles poésies et ses divinités provenaient<br />

d’elles-mêmes par la main des plus grands sculpteurs, en prenant une forme visible. 800 Ou: Nous voulons avoir<br />

l’art plastique, les Grecs l’avaient. 801<br />

Selon lui, le monde hellénique, ainsi que ses dieux et ses héros antiques, semblent avoir<br />

inspiré le génie artistique à maints égards, alors que le christianisme a plutôt restreint ce<br />

dernier. Ainsi, il considère le monde chrétien comme un univers à la fois spirituel et sensuel<br />

au sens d’une religion du cœur:<br />

[la] sympathie de l’amour du dieu et des hommes; elle n’est pas inesthétique, mais, comme religion du cœur,<br />

plutôt apte à la vie pratique, qu’elle n’est enthousiasmante pour l’art. 802<br />

En l’occurrence, Fernow présente la religion catholique comme entièrement inesthétique:<br />

Contrairement au caractère à la fois spirituel et sensuel de la foi chrétienne au sens de la<br />

conception romantique d’une ‘religion du cœur’, Fernow, en tant que résidant à Rome et<br />

connaisseur du vatican, présente la religion catholique comme entièrement inesthétique:<br />

[…] car elle prescrit des conditions et demande des sensations qui contredisent la perfection sensuelle, et<br />

s’opposent aussi à la beauté extérieure. Ses saints, ses martyres et ses héros de la foi ne sont pas de sujets qui<br />

pourraient s’appliquer à l’art, afin de représenter l’idéal de beauté. 803<br />

800 Ibid., p. 276 s.: „ganz ästhetisch [war]; sie bestand aus Ideen der Einbildungskraft, die zum Ideale des<br />

Schönen hinstrebten. Sie war ganz auf den Sin einer genialischen Nazion berechnet, und mehr als alle alten und<br />

neuen Volksreligionen den bildenden Künsten günstig. Ihre Dogmen waren schöne Dichtungen, und ihre<br />

Gottheiten gingen aus jenen durch die Hand der grösten Bildner in sichtbarer Gestalt hervor.“<br />

801 Ibid., s.: „Wir wollen bildende Kunst haben, die Griechen hatten sie.“ Le postulat d’imitation des Grecs<br />

remonte initialement à Georg Friedrich Klopstock: „NACHAHMEN soll ich nicht, und dennoch nennet Dein<br />

lautes Lob mir immer Griechenland? Wenn Genius in deiner Seele brennet, So ahm’ den Griechen nach. Der<br />

Griech’ erfand“, dans: Ausgewählte Werke, Éd. K. A. Schleiden, Munich, 3 1969, p. 180.<br />

802 Ibid., p. 277: „[die] Simpathie der Gottes- und Menschenliebe; sie ist nicht unästhetische, aber, als Religion<br />

des Herzens, mehr für das praktische Leben als für die Kunst begeisternd.“


157<br />

L’anti-esthétisme, la rigidité des dogmes et l’hostilité à la sensualité – c’est à cette formule<br />

courte que l’on pourrait réduire la critique de religion de Fernow, même s’il concède toutefois<br />

que la production d’art religieux de son époque ait connu, grâce au catholicisme, un essor<br />

positif, constat qu’il va pourtant réfuter ailleurs. 804 D’après sa conviction, l’art d’inspiration<br />

spirituelle peut tout à fait enthousiasmer la verve religieuse, mais sans pour autant procurer du<br />

plaisir esthétique. 805 Or, l’idéal de beauté demande les deux formes de l’enthousiasme,<br />

religieux comme esthétique:<br />

L’idéal de beauté, qui dans son apparence est l’expression de la perfection de l’humanité, ne pouvait être produit<br />

que par l’enthousiasme religieux de la force d’imagination. 806<br />

De même, Fernow défend la thèse selon laquelle l’homme, en tant qu’être doté de raison,<br />

dispose d’une «nature morale», devient manifeste dans l’aspiration à la liberté, à travers<br />

l’idéal de beauté:<br />

L’idéal de beauté, qui trouve son expression dans l’apparence de l’humanité parfaite, ne pouvait être produite<br />

que par l’enthousiasme religieux de la force d’imagination […] Car aussi longtemps que l’homme cherchait en<br />

dehors de soi la nature du divin qu’il porte, grâce à sa nature morale, en soi (sa liberté, son plus grand maître et<br />

juge), afin de la visualiser pour une vénération extérieure. Rien n’était plus apte à développer l’idée de beauté en<br />

lui et de l’enthousiasmer pour l’idéal de celle-ci, qu’une religion, qui était encore tout à fait à la religion de la<br />

force d’imagination, et, sous l’apparence de l’être humain, vénérait la divinité en priant. Sans une telle religion<br />

803 Ibid.: „[…] da sie Bedingungen vorschreibt, und Empfindungen fordert, die der sinlichen Volkommenheit,<br />

also auch der äusseren Schönheit widerstreiten. Ihre Heiligen, ihre Märtirer und Glaubenshelden sind keine<br />

Gegenstände, an denen die Kunst das Ideal der Schönheit darstellen könnte.“<br />

804 RS, III, „Über Rafaels Teppiche“, voir préface: „[…] jener erkünstelte Pietismus, der, durch die Nachäffung<br />

der einfältig-Schwachen und Leichtgläubigen zu erregen sucht, und in den Madonnenbildern, Kruzifixen und<br />

Martern des Katholizismus das Heil der Kunst verkündigt.“<br />

805 Chez Goethe se trouvent aussi des approches similaires pour l’évaluation d’un problème art-religion, qui<br />

reflètent en même temps le canon de base idéologique d’une époque. La question de savoir si Fernow s’inspire<br />

véritablement de la conception de Goethe ne reste ici que pure hypothèse. Pour ce qui est de la contextualiation<br />

des différents points de touche discursifs, spirituels, piétistes tout comme propres à la critique de la religion dans<br />

l’œuvre intégrale de Goethe, voir les études de Johannes Anderegg et Edith Anna Kunz (Éd.): Goethe und die<br />

Bibel, (Arbeiten zur Geschichte und Wirkung der Bibel, vol. 6, Deutsche Bibelgesellschaft), Stuttgart, 2006.<br />

806 Ibid.: „Das Ideal der Schönheit, das in der Erscheinung der Ausdruk vollendeter Menschheit ist, konnte nur<br />

durch religiöse Begeisterung der Einbildungskraft erzeugt werden.“


158<br />

sensuelle, dépourvue du besoin de simulacres humains, l’art grec n’aurait eu aucune incitation à chercher<br />

l’idéal. 807<br />

Quels facteurs pourraient donc avoir une incidence négative sur l’enthousiasme de l’artiste?<br />

Étant donné que l’aspiration à l’art repose sur des ambitions nobles, Fernow défend la thèse<br />

que ni la «recherche vaniteuse de gloire», 808 ni «la voie du mérite» 809 ne peuvent inspirer<br />

l’activité artistique, mais uniquement l’idée en elle-même et «l’amour de gloire» 810 ou<br />

l’aspiration «au vrai mérite.» 811 De même, Fernow constate que la force créatrice du génie<br />

dépend a priori de la disposition intérieure de l’artiste:<br />

L’artiste peut se mettre de façon arbitraire et à n’importe quel moment dans un état d’âme qui est nécessaire à<br />

la production d’une œuvre d’art. Il doit être produit par une incitation intérieure ou extérieure en lui […] Où une<br />

telle incitation manque, où l’artiste ne fait que composer un sujet pur d’après des études de la nature, par ci et par<br />

là, où il n’y a pas d’idée enthousiasmante qui unit le divers dans un tout organique, il est possible de produire<br />

une composition conforme aux règles académiques, mais non pas une œuvre de génie […]. Le génie se trouve<br />

aussi longtemps dans l’état enthousiaste que perdurent les idées de son œuvre d’art. Il est alors constamment<br />

effectif, là, où, encore pendant la représentation, de nouvelles idées sont produites, et qui tiennent en élan l’âme<br />

de l’artiste, sans laquelle il ne pourrait pas donner vie à son œuvre. 812<br />

807<br />

Ibid., p. 275: „Denn so lange der Mensch das Göttliche, das er kraft seiner moralischen Natur in sich trägt<br />

(seine Freiheit, seinen höchsten Gesezgeber [sic] und Richter), noch als ein Wesen ausser sich suchte, und zur<br />

äusseren Verehrung sichtbar darzustellen strebte, war nichts fähiger die Idee der Schönheit in ihm zu entwickeln<br />

und ihn für das Ideal derselben zu begeistern, als eine Religion, die noch ganz Religion der Einbildungskraft<br />

war, und unter dem Bilde der Menschengestalt die Gottheit anbetend verehrte. Ohne eine solche sinliche<br />

Religion, ohne das Bedürfnis menschlicher Götterbilder, hätte die griechische Kunst keine Veranlassung gehabt,<br />

das Ideal zu suchen.“<br />

808<br />

Ibid., p. 274.<br />

809<br />

Ibid., cf. également l’idée de gloire selon Socrate: „Erst derjenige, der auf den Siegespreis verzichtet,<br />

obgleich er ihn hätte erlangen können, ist der wahre Meister, er steht souverän über der Situation.“ Voir Gernot<br />

Böhme: Der Typ Sokrates [1988], Suhrkamp, Francfort/M., 1992, p. 98.<br />

810<br />

Ibid., p. 274.<br />

811<br />

Ibid. s.<br />

812<br />

Ibid., p. 266 et RS, II, p. 66 s.: Der Künstler kann sich nicht willkürlich und zu jeder Zeit in die Stimmung<br />

versetzen, die zur Hervorbringung eines Kunstwerks erforderlich ist. Sie muβ durch irgendeine innere oder<br />

äuβere Veranlassung in ihm hervor gebracht werden […] Wo eine solche Veranlassung fehlt, wo der Künstler<br />

seinen Stoff bloβ aus Studien nach der Natur von hier und dort zusammenträgt, wo keine begeisternde Idee das<br />

Mannigfaltige in ein Ganzes organisch vereinigt, da kann wohl ein schulgerechte Komposition, aber kein<br />

genialisches Werk entstehen […] Das Genie befindet sich so lange in dem Zustande der Begeisterung, als die der<br />

Ideen zu dem Kunstwerke dauert. Sie ist also da, wo noch wärend der Darstellung neue Ideen erzeugt werden,<br />

fortdauernd wirksam, und erhält das Gemüth des Künstlers im Schwunge, ohne welchen er seinem Werke keinen<br />

wahren Lebensgeist mittheilen kann.


159<br />

Ce qui est également remarquable, c’est qu’Arthur Schopenhauer, le fils de la biographe de<br />

Fernow, Johanna Schopenhauer, va par la suite concevoir un modèle de création artistique<br />

similaire, qui, de toute évidence, porte également l’empreinte de l’influence intellectuelle de<br />

Fernow. 813 Or, finalement, la nature de l’art échappe aux possibilités de la connaissance de<br />

l’empirisme humain et du raisonnement philosophique:<br />

[…] il est aussi incompréhensible à la raison pure, comme il [est] inimitable à l’homme ordinaire. 814<br />

Par ailleurs Karl Philipp Moritz, se prononce de façon comparable, en définissant cette<br />

inimitabilité du beau comme l’indicible:<br />

des lèvres mortels ne pourraient prononcer aucun mot plus sublime du beau que il est. 815<br />

On pourrait également voir cette idée en relation avec le «Je ne sais quoi » 816 de François de<br />

la Rochefoucauld. Suivant son raisonnement, la sensation du beau est intuitive et ne peut ni<br />

être expliquée par la raison, ni être saisie de façon objective et, de ce fait, elle est<br />

subjectivement variable. De cet inexplicable du jugement esthétique résulte d’après Fernow<br />

également le magique de l’art, qui offre au spectateur la projection dans une autre réalité:<br />

Ainsi la nature nous a-t-elle donné un talisman infaillible contre les aléas de la réalité, et elle a voulu que nous<br />

égayions les jours maussades de notre existence par des images heureuses. Et qui est si pauvre, qu’il n’aurait pas<br />

une image plaisante, un souvenir consolant en tête? 817<br />

Mais il revendique en même temps:<br />

813<br />

Fernow connaît le fils de Johanna Schopenhauer, Arthur, dès sa plus tendre enfance, puisqu’il était un ami<br />

proche de sa mère, à qui il suggère de laisser son fils faire des études de philosophie, vu son talent (qu’il avait<br />

probablement détecté très jeune), et non pas, comme c’était prévu, lui faire suivre une formation académique.<br />

Ainsi la carrière philosophique tardive de Schopenhauer est, de toute évidence, indirectement due à l’influence<br />

bienveillante de Fernow. Dans Die Welt als Wille und Vorstellung Schopenhauer se prononce non seulement sur<br />

la position de Fernow dans la discussion sur le Laokoon, mais ébauche également un idéal de désintérêt<br />

artistique, qui peut tout à fait être vu en analogie des réflexions de Fernow à ce sujet.<br />

814<br />

Ibid., I, p. 262: „[…] dem bloβen Verstande ebenso unbegreiflich, als für den gewöhnlichen Menschen<br />

unnachahmlich [ist].“<br />

815<br />

Cf. Helmut Pfotenhauer: ’Die Signatur des Schönen’ oder In wie fern Kunstwerke beschrieben werden<br />

können? Zu Karl Philipp Moritz italienischer Ästhetik, in idem (Éd.): Kunstliteratur als Italienerfahrung, Éd.<br />

Niemeyer, Tübingen, 1991, ainsi que A. Simonis: ’Das Schöne ist eine höhere Sprache’ - Karl Philipp Moritz’<br />

Ästhetik zwischen Ontologie und Transzendentalphilosophie, in: DVjs (Deutsche Vierteljahrsschrift für<br />

Literaturwissenschaft und Geistesgeschichte, vol. 68), n° 3, ps. 490-505.<br />

816<br />

François de La Rochefoucauld, op. cit.<br />

817<br />

RS, III, V: „So hat die Natur selbst uns in ihr einen unfehlbaren Talisman gegen das Ungemach der<br />

Wirklichkeit mitgegeben, und gewollt dass wir die trüben Tage des Lebens durch frohe Bilder der Vergangenheit<br />

erheitern sollen. Und wer ist so arm, dass er nicht irgend ein freundliches Bild, eine tröstende Erinnerung in petto<br />

hätte?“


160<br />

L’occupation du beau dans l’art, qui nous élève vers un monde idéel, ne doit pas nous rendre indifférent au<br />

monde réel. 818<br />

Si Fernow formule ici le postulat d’un art réel, il légitime en même temps le sublime du beau<br />

dans l’art vis-à-vis de la causalité de la nature:<br />

Il [l’art] apparaît comme une nature supérieure […] Cette faculté de l’art, de former des êtres idéaux parfaits et<br />

l’incapacité de la nature d’atteindre ce but aussi par elle-même, est fondée par l’être de la nature tel qu’il est et<br />

celui de l’artiste en tant qu’homme: l’homme est libre, mais la nature est restreinte dans son action, elle dépend<br />

des choses hasardeuses. 819<br />

Ainsi l’art offre pour Fernow non seulement l’espace de projection d’un monde idéal, qui est<br />

supérieur à la nature en faisant oublier la tristesse de la vie de tous les jours, mais il est aussi,<br />

d’un point de vue philosophique, la preuve de la liberté de l’homme à travers le miroir de<br />

l’autonomie de l’artiste. Cette approche de Fernow ne dépasse non seulement la juxtaposition<br />

dualiste entreprise par Kant, Schiller, Winckelmann entre l’art et la nature, ainsi que<br />

l’Antiquité et les temps modernes, mais forme également la véritable clef de voûte de son<br />

esthétique idéale, affranchie de tout système. Suivant son raisonnement, l’art, en tant que<br />

représentation idéale, a cessé d’être une représentation fidèle à la nature ou une belle illusion,<br />

mais il est devenu un élément consolidant qui intègre et transgresse toutes les oppositions: une<br />

nature supérieure.<br />

818 Voir pour la présente citation RS, III, préface et JS, p. 342: „Die Beschäftigung mit dem Schönen und der<br />

Kunst, die uns in eine ideelle Welt erhebt, darf uns für die wirkliche nicht versteinern.“<br />

819 RS, I, p. 319: „Sie [die Kunst] erscheint als eine höhere Natur […] Dieses Vermögen der Kunst, idealisch<br />

vollkommene Wesen zu bilden und die Unfähigkeit der Natur, dies Ziel selbst auch zu erreichen, liegt begründet<br />

in dem Wesen der Natur als solcher und des Künstlers als Menschen: der Mensch ist frei, die Natur aber in ihrem<br />

Wirken gehemmt, von Zufälligkeiten abhängig.“


161<br />

<strong>IV</strong>. Conclusion: L’image idéale de l’Antiquité - un espace utopique des temps modernes?<br />

En tant que théoricien et critique d’art, le personnage de Fernow apparaît sans doute sous une<br />

double lumière se manifestant par un profond ancrage dans la pensée antique, d’un côté, et, de<br />

l’autre, l’ambition de réformer, à partir de Kant, l’idéal classique, en y ajoutant des approches<br />

théoriques nouvelles. Ainsi, on constate un parfait accord par moments entre lui et Kant quant<br />

à la définition du génie artistique, mais également une certaine incongruité quant à la<br />

légitimation objective de l’esthétique transcendantale kantienne, orientée d’abord vers la<br />

faculté de juger esthétique du sujet, que Fernow cherche à légitimer de manière objective.<br />

A la lumière de ses contemporains il opère par la suite, dans le sillage de l’idéalisme<br />

schillérien, ce tournant de la considération subjective à l’objectif, avec le but d’éliminer<br />

l’antagonisme entre le subjectif et l’objectif, et, ce faisant, fonder l’esthétique classiciste<br />

d’autonomie d’une nouvelle façon. De même, la notion fernowienne d’artiste est largement<br />

inspirée de la conception schillérienne, dont il emprunte les moments suivants: l’idée du libre<br />

génie, l’équation entre la faculté de produire et de juger productive, tout comme le principe<br />

de l’enthousiasme de l’artiste, que Fernow base, tout comme Kant, sur la pulsion à la<br />

représentation (pulsion au jeu et à la forme) et sur l’ambition individuelle à l’art (pulsion à la<br />

formation esthétique).<br />

Cependant, Fernow se distancie en même temps de la mission pédagogico-éthique de Schiller,<br />

qu’il considère comme étant une transgression illicite du champ esthétique et donc une<br />

aliénation de l’art. L’art sert, d’après sa conviction, exclusivement à l’épanouissement<br />

individuel et ne peut, par conséquent, pas être subordonné à ces fins collectives destinées à<br />

l’éducation morale.<br />

Par rapport à Winckelmann, on constate en revanche une émancipation de sa pensée ancrée<br />

dans l’héritage antique. Ainsi Fernow considère Winckelmann comme un esprit classique par


162<br />

excellence, mais il s’écarte, en même temps, de son dogmatisme normatif propre à la théorie<br />

de l’art. En s’affranchissant de Winckelmann, il esquisse par ailleurs non seulement une<br />

théorie de l’art idéal, qui se réfère non seulement à l’art, mais aussi à l’artiste à priori. En<br />

libérant ce dernier de façon anarchique à la fois des lois académiques et des conventions<br />

sociales, il le fait consciemment entrer en opposition avec la production d’art de son temps.<br />

Cela devient notamment manifeste dans l’exemple de la déchéance de Carstens. Quant à cela,<br />

il est évident que la publication synchrone de la biographie de Canova peut également être<br />

réduite aux fins de la critique d’art et de l’artiste, étant donné que Fernow développe, à partir<br />

de ces deux portraits d’artiste, une dichotomie opposant nettement le favori de l’académie<br />

devant le génie d’art méconnu, en instrumentalisant en même temps son ami Carstens,<br />

qualifié de génie, comme le porte-parole fictif de ses propres convictions esthético-politiques.<br />

L’identification faite par Fernow de la force créatrice comme étant un élément épigénétique<br />

visant à l’autogenèse de l’artiste, apparaît ainsi non seulement comme la conséquence logique<br />

de sa prise de distance de l’idéal d’art classique ou classiciste, allant de pair avec la quête<br />

d’une nouvelle base de l’idéal de l’art esthétique, qui peut être interprété à la fois comme étant<br />

motivée par la défense de l’héritage classique, tout comme par l’offense du classicisme.<br />

Vu dans l’ensemble, la quête de Fernow d’un nouveau point de fuite dans la production<br />

artistique s’explique par ce redimensionnement des sciences au spectre du rationalisme et de<br />

l’empirisme, qui ne peut être autre que l’homme même. Cette importance, attachée à<br />

l’autoréférentialité de l’artiste, fondée sur le changement de perception, caractérise non<br />

seulement sa compréhension de l’art, mais est également la conséquence d’une évolution<br />

philosophique, voire anthropologique. De même, il reflète dans la théorie de l’art de Fernow<br />

non seulement le cercle d’action pluridisciplinaire des influences postclassiques, mais aussi<br />

des impulsions venant de l’idéalisme allemand et des courants pré-romantiques, ce qui le<br />

caractérise comme un théoricien en avance sur son temps du discours sur l’art autour de 1800.


163<br />

Ce qui est étonnant dans ce contexte, c’est qu’il anticipe non seulement indirectement les<br />

approches de l’esthétique autonome du XX ème siècle, mais également que ses idées propres à<br />

la théorie de l’art peuvent être représentées comme le résultat de son émancipation en tant que<br />

théoricien de l’art, car Fernow aspire à dépasser l’homonomie de la pensée antique et<br />

l’hétéronomie de l’esprit du temps classiciste, pour créer un idéal de l’art qui s’oriente<br />

premièrement vers l’autonomie.<br />

Si sa théorie de l’art reste finalement à l’état de genèse, quasiment comme l’esquisse<br />

inachevée de sa conception de l’esthétique idéale, il faut toutefois mettre en relief le fait qu’il<br />

lui revient le mérite de transgresser le postulat d’imitation classiciste en faveur de<br />

l’autonomie créative de l’artiste d’un côté et de renouer, de l’autre, avec l’idéal de l’art<br />

antique, un antagonisme, qui fait justement la spécificité de la théorie de l’art fernowienne.<br />

Or, cela ne devrait pas être vu de façon unilatérale comme reflexe réactionnaire, mais plutôt<br />

comme le résultat de ce processus dialectique, qui contient en lui une dynamique: à savoir<br />

celle de la progression à partir du précédent. C’est justement à travers ce dualisme entre<br />

antique et moderne se manifestant par la quête de l’autonomie esthétique de Fernow, que se<br />

reflète l’idéal de l’art moderne à partir de l’abstraction orientée vers la réalité, la mise en<br />

avant de la valeur symbolique et la quête de l’autoréférentialité. Vu sous cet aspect, il paraît<br />

donc ici tout à fait légitime de considérer l’image idéale de l’Antiquité - non seulement par<br />

rapport aux idées esthétiques de Fernow mais également à l’égard de la production de l’art<br />

contemporain - comme un espace utopique des temps modernes.


SOURCES 820<br />

Œuvres de Carl Ludwig Fernow<br />

164<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

• „Über einige Kunstwerke des Hrn. Prof. Carstens“, NTM, vol. I, 1795, ps. 158-189.<br />

• „Michael Angelo Buonarotti“, NTM, vol. I, 1795, ps. 3-33 et ps. 105-137.<br />

• „Über den Stil in den bildenden Künsten“, NTM, vol. I, 1795, ps. 3-36, ps. 263-291 et ps. 400-444.<br />

• „Einleitung in eine Reihe von Vorlesungen über Aesthetik, vor einer Gesellschaft deutscher Künstler<br />

und Kunstfreunde in Rom“, NTM, vol. I, 1796, ps. 233-270.<br />

- „Über die Kunstplünderungen in Italien und Rom“, NTM, vol. III, 1796, ps. 249-280.<br />

- „Rom, den 1. September 1796“, NTM, vol. III, 1796, ps. 325.<br />

• „Rafaels Tapeten”, NTM, vol. I, 1797, ps. 3-33 et ps. 105-144.<br />

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- „Rom, den 16ten April 1797“, NTM, vol. II, 1797, ps. 173-176.<br />

- „Die beweglichen Theater des Kurio“, NTM, vol. II, 1797, ps. 307-331.<br />

- „Über den Maler Kavaluzzi“, NTM, vol. II, 1797, ps. 334-338.<br />

• „Über die Bestimmung und Grenzen der dramatischen Mahlerey“, NTM, vol. III, 1797, ps. 197-231.<br />

- „Rom, den 29. Decembr. 97“, NTM, vol. I, 1798, ps. 101-104.<br />

- „Italisches Ausleerungsgeschäft“, NTM, vol. I , 1798, ps. 129-144.<br />

- „Statue der Minerva zu Cori gefunden“, NTM, 1798, vol. I, ps. 299-304.<br />

- „Rom den 14ten April“, NTM, vol. II, 1798, ps. 99-104.<br />

• „Über den gegenwärtigen Zustand der Kunst“, NTM, vol. III, 1798, ps. 279-289.<br />

• „Über den Zweck der bildenden Kunst“, in: Deutsches Magazin [DM], n° 17, 1799, ps. 337-375.<br />

- „Literarische Nachricht Dante’s Divina Commedia betreffend“, NTM, 2 ème partie, 1802, ps. 121-133.<br />

- „Kunstnachrichten und Neueste Literatur von Rom - Rom, den 1. Juli“, NTM, 8 ème partie, 1803,<br />

ps. 312-319.<br />

- „Neueste Literatur- und Kunstnachrichten aus Italien“, ibid., ps. 557-581.<br />

820 Les références marquées d’un point ont été citées tout au long de notre ouvrage ou présentent, selon l’auteur,<br />

un intérêt particulier pour une étude élargie.


165<br />

• Ludovico Ariosto’s Rasender Roland, n° 27-29, ps. 209-228, Éd. Frommann, Jéna, 1804/05 [trad. de D.<br />

Gries].<br />

• Leben des Künstlers Asmus Jakob Carstens, ein Beitrag zur Kunstgeschichte des achtzehnten<br />

Jahrhunderts, Éd. Hartknoch, Leipzig, 1806.<br />

• Über den Künstler Canova und dessen Werke, Éd. Gessner, Zurich, 1806.<br />

• Römische Studien, vol. I-III, Éd. Gessner, Zurich, 1806-1808.<br />

- „Schillers Denkmal, von Mechau und Klinsky erfunden und gezeichnet, und von Haldenwang in<br />

Aquatinta geätzt“, in: Journal des Luxus und der Moden [JDM], vol. 22, cahier n° 8, Éd. Rittnersche<br />

Kunsthandlung, Dresde, 1807, ps. 495-503.<br />

- „Tableaux en gouache, demi-gouache et dessins au lavis de Salomon Gessner, gravées à l’eauforte de<br />

W. Kolbe“, cahier I-III, vol. 22, n° 5, 1807, ps. 279-285.<br />

- „Den Manen der verewigten Herzogin Anna Amalia“, JDM, vol. 22, 1807, n° 5, S. 279-285.<br />

- „Zoëga’s Sammlung antiker Basreliefs/Zoëga Bassirilievi antichi di Roma, incisi da Piroli“, JDM, vol.<br />

22, 1807, ps. 362 ss. et p. 631 ss., vol. 23, 1808, ps. 190-194 et ps. 431-436.<br />

• „Kurze Übersicht dessen was die bildenden Künste in Rom während der letzten vier oder fünf Jahre<br />

hervorgebracht haben“, JDM, vol. 23, 1808, ps. 677-688.<br />

- „Über die Nachahmung des italiänischen Verses in der deutschen Poesie“, Leo v. Seckendorff et Jos.<br />

Lud. Stoll (Éd.), in: Prometheus, cahier n° 4, Vienne, 1808, ps. 32-64.<br />

• „Bemerkungen eines Freundes“ in: Winkelmanns Werke, Fernow (Éd.), vol. I/II, Éd. Walthersche<br />

Buchhandlung, Dresde, 1808, ps. 132-195.<br />

• Leben Ludovico Ariosto’s des Götlichen, nach den besten Quellen verfasst, Éd. Gessner, Zurich, 1809.<br />

• „Briefe von Fernow an Böttiger“, NTM, vol. I, 1809, ps. 69-82 et ps. 116-124.<br />

- Leben des Francesco Petrarca, Éd. Gessner, Zurich, 1818.<br />

- Francesco Petrarca: Nebst d. Leben d. Dichters et ausführl. Ausgabenverzeichnissen, Ludwig Hain<br />

(Éd.), Leipzig, [1818], Éd. Grüner, Amsterdam, 1972.<br />

• „Eine Reihenfolge von Briefen Fernow’s. An Reinhold in Jena und Kiel“, in: Penelope - Taschenbuch<br />

für das Jahr 1844, Theodor Hell (Éd.), Éd. Hinrichs, Leipzig, 1844, ps. 313-385.<br />

• Carstens, Leben und Werk, Hermann Riegel (Éd.), Rümpler, Hannovre, 1867.


166<br />

- „C. L.’s Briefe aus Wien”, H. M. Richter (Éd.); in: Geistesströmungen, Hoffmann, Berlin, 2 1876.<br />

- „Gesänge für Freimaurer - zum Gebrauche aller Teutschen Logen“, Friedrich Justin Bertuch (Éd.),<br />

in: Loge Anna Amalia zu den drei Rosen, [3], VIII, 1815 [notice de la HAAB: signatures Bh 224 et 39,<br />

8: 13, ainsi que l’exemplaire de la bibliothèque (Ruppert), signature: 1915].<br />

• Römische Briefe an Johann Pohrt 1793-1798, Herbert v. Einem et Rudolf Pohrt (Éd.), de Gruyter,<br />

Berlin, 1944.<br />

ÉTUDES SUR FERNOW<br />

• ALBRECHT, Jörn: „Fernow und die Anfänge der deutschen Italianistik“, in: Von Rom nach Weimar<br />

- Carl Ludwig Fernow, Harald Tausch et Michael Knoche (Éd.), Narr, Tübingen, 1998, ps. 69-86,<br />

[actes du colloque de la fondation Weimarer Klassik/bibliothèque de la duchesse Anna Amalia - du 9<br />

au 10 juillet 1998 à Weimar].<br />

- idem: „Carl Ludwig Fernow und Christian Joseph Jagemann“, in: Italien in Germanien - Deutsche<br />

Italien-Rezeption von 1750 - 1850, Frank Rutger Hausmann (Éd.), Éd. Narr, Tübingen, 1996, ps. 131-<br />

149 [actes du symposium de la fondation Weimarer Klassik/bibliothèque de la duchesse Anna Amalia,<br />

musée de Schiller 24. - 26. 3. 1994].<br />

• ALTENBURG, Otto: „Goethe und Fernow“, in: Unser Pommerland. Monatsschrift für das Kulturleben<br />

der Heimat, n° 17, (1932), cahier n° 1/2, Goethe und Pommern, ps. 27 ss.<br />

• ARNIM, Achim von: „Carl Ludwig Fernow’s Leben, von Johanna Schopenhauer“, in: Berliner<br />

Abendblätter, n° 25/26, 1811, ps. 98-111.<br />

- BENS, Rainer: Aussteiger aus der Pharmazie, (Quellen und Studien zur Geschichte der Pharmazie),<br />

Éd. Dt. Apotheker-Verlag, Stuttgart, 1989 [thèse, Univ. Marburg, 1988].<br />

• BERTSCH, Markus: „Fernow und Reinhart“, in: Kunst als Wissenschaft - Carl Ludwig Fernow, ein<br />

Begründer der Kunstgeschichte, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800: Ästhetische Forschungen,<br />

vol. 3), Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2005, ps. 99-130.<br />

• DÖNIKE, Martin: „Fernows Carstens - Ein treues Charakterbild?“, in: Kunst als Wissenschaft - Carl<br />

Ludwig Fernow, ein Begründer der Kunstgeschichte, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800:<br />

Ästhetische Forschungen, vol. 3), Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2005, ps. 144-165.


167<br />

• DÖRING, Heinrich: „Karl Ludwig Fernow“, in: Allgemeine Encyklopädie der Wissenschaften und<br />

Künste, J. S. Ersch et J. G. Gruber (Éd.), partie 1, tome 43, Brockhaus, Leipzig, 1846, ps. 163-181.<br />

• EINEM, Herbert von: Carl Ludwig Fernow - Eine Studie zum deutschen Klassizismus, Éd. Deutscher<br />

Verein für Kunstwissenschaft, Berlin, 1935.<br />

- idem: Asmus Jacob Carstens - die Nacht mit ihren Kindern, Éd. Westdeutscher Verlag,<br />

Cologne/Opladen, 1958.<br />

• FERNOW, Irmgard: Carl Ludwig Fernow als Ästhetiker - Ein Vergleich mit der Kritik der Urteilskraft,<br />

Éd. Mayer, Würzburg, 1936 [thèse, Univ. Friedrich Wilhelm Berlin, 1935].<br />

• FINK, Fritz: Carl Ludwig Fernow. Der Bibliothekar der Herzogin Anna Amalia (1763-1808), Éd. Fink,<br />

Weimar, 1934.<br />

• GERHARDT, L[ivia]: Carl Ludwig Fernow, Éd. Haessel, Leipzig, 1908.<br />

• GOLZ, Jochen: „Fernow in Weimar“, in: Von Rom nach Weimar. Carl Ludwig Fernow, Éd. Narr,<br />

Tübingen, 1998, ps. 1-20.<br />

• GRAVE, Johannes: „Weimarer Versatzstücke in Carl Ludwig Fernows Römischen Studien“, in: Von<br />

Rom nach Weimar, Éd. Narr, Tübingen, 1998, ps. 82-97.<br />

- GREILING, Werner et SEIFERT, Siegfried (Éd.): ’Der entfesselte Markt’. Verleger und<br />

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- GURLITT, Cornelius: Die deutsche Kunst des neunzehnten Jahrhunderts - Ihre Ziele und Thaten,<br />

Éd. Bondi, Berlin, 1899.<br />

• HELLWIG, Karin: „Carl Ludwig Fernows Bedeutung für die Künstlerbiographie der ersten Hälfte<br />

des 19. Jahrhunderts“, in: Kunst als Wissenschaft - Carl Ludwig Fernow, ein Begründer der<br />

Kunstgeschichte, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800: Ästhetische Forschungen, vol. 3),<br />

Éd. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2005, ps. 131-143.<br />

• IZZO, Herbert: „Carl Ludwig Fernow as Italian Dialectologist and Romanist“, in: In memoriam<br />

Friedrich Diez, v. Benjamins, Amsterdam, 1976, ps. 125-140 [actes du colloque du 2 au 4. 10. 1976 à<br />

Trèves].<br />

- idem: “Carl Ludwig Fernow: A forgotten pioneer of Romance Linguistics and Italian Dialectology“, in:<br />

Kritikon Litterarum, 5 (1976), ps. 226-233.


168<br />

- <strong>LA</strong>DENDORF, Heinz: „Carl Ludwig Fernow“, in: Zeitschrift für Kunstgeschichte, 5 vol., cahier n°<br />

5/6, Éd. Deutscher Kunstverlag, Munich/Berlin, 1936 [critique au sujet de l’ouvrage du même nom de<br />

Herbert v. Einem].<br />

• LUCK Georg: Carl Ludwig Fernow, Éd. Huber, Bern/Stuttgart/Toronto, 1984.<br />

• PFOTENHAUER, Helmut: „Fernow als Kunsttheoretiker in Kontinuität und Abgrenzung von<br />

Winckelmanns Klassizismus“, in: Von Rom nach Weimar, Éd. Narr, Tübingen, 1998, ps. 38-52.<br />

- POL<strong>LA</strong>K, L[udwig]: „Aus den römischen Jahren Karl Ludwig Fernows“, in: Strena Helbigiana,<br />

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• RITTER-SANTINI, Lea: „Tausend Bücher - Fernows Bibliothek“, in: Von Rom nach Weimar, Éd.<br />

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- idem: Karl August Böttiger (1760-1835). Weltmann und Gelehrter, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur<br />

um 1800: Ästhetische Forschungen, vol. 14), Éd. Winter, Heidelberg, 2006.<br />

• SCHNEIDER, Sabine M.: „Die Krise der Kunst und die Emphase der Kunsttheorie - Aporien der<br />

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• SCHÖNIG, Jörg: Mimesis - Repräsentation - Imagination: Positionen von Aristoteles bis zum Ende<br />

des 18. Jhd., Éd. de Gruyter, Berlin, 1994.<br />

- idem: Karl August Böttiger (1760-1835). Weltmann und Gelehrter, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um<br />

1800: Ästhetische Forschungen, vol. 14), Éd. Winter, Heidelberg, 2006.<br />

• SCHOPENHAUER Johanna: Carl Ludwig Fernow’s Leben, Éd. Cotta, Tübingen, 1810.<br />

- idem: „Carl Ludwig Fernows Leben“, in: Sämmtliche Schriften, vol. I et II, Éd. Brockhaus, Leipzig,<br />

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• TAUSCH, Harald: „Fernows Kupferstichsammlung“, in: Von Rom nach Weimar, Michael Knoche et<br />

Harald Tausch (Éd.), Éd. Narr, Tübingen, 1998, ps. 130-153.<br />

- idem et Ines Boettcher: „Weimarische Kunstfreunde“, in: Goethe-Handbuch, vol. 4/2, Éd. Metzler,<br />

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• HINDERER, Walter: „Utopische Elemente in Schillers ästhetischer Anthropologie“, in: Literarische<br />

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• [HOBBES, Thomas:] The collected works of Thomas Hobbes, William Molesworth (Éd.),<br />

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• [HÖLDERLIN, Friedrich:] „Geschichte der schönen Künste unter den Griechen“, in: Sämtliche Werke,<br />

vol. 17, Frankfurter Ausgabe [FA], ainsi que: Frühe Aufsätze und Übersetzungen, Michael Franz e. a.<br />

(Éd.), Stroemfeld/Roter Stern, Francfort/M., 1991, ps. 41-66.<br />

• HOGARTH, William: Analyse de la beauté destinée à fixer les idées vagues qu’on a du goût, Éd.<br />

Quantin, Paris, 1883 [trad. fr.].<br />

• HOFMANN, Werner: „Der Tod der Götter“, in: John Flaxman. Mythologie und Industrie,<br />

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• idem: Das entzweite Jahrhundert - Kunst zwischen 1750 und 1830, Éd. Beck, Munich, 1995.<br />

• HOLTZHAUER, Helmut: „Die Weimarischen Kunstfreunde“, in: Goethe-Jahrbuch, n° 29, (1967), ps.<br />

1-26.<br />

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- idem: Dialogues concerning natural religion [and] the posthumous essays; of the immortality of the<br />

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- JAUMANN, H.: Zur Entwicklung der deutschen Poetik 1670-1740, Éd. v. d. Bad Homburg,<br />

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- JAUβ, Hans Robert: „Kunst als Anti-Natur: Zur ästhetischen Wende nach 1789“, in: Studien zum<br />

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186<br />

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- idem: Antonio Canova (1757-1822) als Künstler und Diplomat: zur Rückkehr von Teilen der<br />

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- JUNTUNEN, Eveliina: Bildimplizite Kunsttheorie in ausgewählten mythologischen Historien, Éd.<br />

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2007.<br />

• KAMPHAUSEN, Alfred: „Asmus Jakob Carstens“, in: Studien zur Schleswig-Holsteinischen<br />

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• [KANT, Immanuel:] Critik der praktischen Vernunft. Critik der Urtheilskraft, première partie, vol. 5,<br />

Éd. Königlich Preußische Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1790.<br />

- Critik der Urtheilskraft, Lagarde et Friederich (Éd.), Berlin/Libau, 1790.<br />

- idem : „Das Ende aller Dinge“, in: Kants sämmtliche kleine Schriften. Nach der Zeitfolge geordnet,<br />

vol. 3, Königsberg/Leipzig, 1797, p. 507.<br />

- Kant’s gesammelte Schriften, Königlich Preußische Akademie der Wissenschaften (Éd.), Berlin,<br />

1799 et 1800.<br />

- Observations sur le sentiment du beau et du Sublime, J. Kempf (Éd.), Vrin, Paris, 1953.<br />

• KANZ, Roland et KÖRNER, Hans: Pygmalions Aufklärung. Europäische Skulptur im 18.<br />

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- KASSNER, Rudolf: „Denis Diderot“ in: Sämtliche Werke, Ernst Zinn (Éd.), col. 2, Éd. Neske,<br />

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- idem: „Dilettantismus“, in: Sämtliche Werke, Ernst Zinn et Klaus E. Bohnenkamp (Éd.), vol. 3,<br />

Neske, Pfullingen, 1976, ps. 7-47.<br />

- KEßLER, Martin et LEPPIN, Volker (Éd.): Johann Gottfried Herder. Aspekte seines Lebenswerks,<br />

(Arbeiten zur Kirchengeschichte), de Gruyter, Berlin, 2005.


187<br />

- KIRSTEN, Johann Friedrich Ernst: Grundzüge des neuesten Skepticismus, Brady Bowman et Klaus<br />

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• K<strong>LA</strong>Uß, Jochen: Der ‘Kunschtmeyer’. Johann Heinrich Meyer. Orakel Goethes, Éd. Hermann<br />

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• [KLOPSTOCK, F. G.:] Ausgewählte Werke, K. A. Schleiden (Éd.), Munich, 3 1969, p. 180.<br />

• KNOCHE, Michael et RITTER-SANTINI Lea: „Das Projekt einer Deutschen Italien-Sammlung an<br />

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• KÖHLER, W.: Psychologie der Form, Bergmann, Munich, 1929.<br />

• KOFLER, Peter: Ariost und Tasso in Wielands Merkur, Éd. Österr. Studien Verlag, Innsbruck, 1994.<br />

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(Éd.), Éd. Böhlau, Weimar, 1968, ps. 178-208.<br />

• idem (Éd.): Schiller-Handbuch, Éd. Kröner, Stuttgart, 1998, ps. 575-585.<br />

• KRAFT, Georges: 1000 citations sur l’œuvre d’art, Éd. Ellipses, Paris, 1993.<br />

• KRAUS, Rosalind: The optical inconscious, Éd. The MIT Press, New York, 1993.<br />

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- idem: „Ein geisteskranker Bildhauer…“, in: Imago, vol. XIX, Vienne, 1933 [titre original:<br />

Psychoanalytic Explorations in Art, New York, 1952, réédition].


188<br />

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trad. all. Suhrkamp, Francfort/M., 1980].<br />

• idem: Die ästhetische Illusion - Phänomene der Kunst in der Sicht der Psychoanalyse, Éd.<br />

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• KURSCHEIDT, Georg (Éd.): „Herculanum und Pompeji“, in: [Friedrich Schiller] Sämtliche<br />

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• <strong>LA</strong>GOUTTE, Daniel: Introduction à l’histoire de l’art, Éd. Hachette, Paris, 1997.<br />

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• LE BRUN, Charles: Conférence du monsieur le Brun: premier peintre du roi (Sur l’expression<br />

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• LEIBNIZ, Gottfried Wilhelm: «Nouveaux essais sur l’entendement humain» [1704], Éd. Haude,<br />

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- idem: Monadologie [1714], 1720 [trad. all. de Ernst Köhler/réédition: Hartmut Hecht (Éd.), Éd.<br />

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- LE NORMAND-ROMAIN, Antoinette: Rodin, Éd. Flammarion, 1997.<br />

• LESSING, Gotthold Ephraim: „Siebzehnter Literaturbrief“, in: Sämtliche Schriften, 2 vol., Karl<br />

Lachmann et Franz Muncker (Éd.), Éd. Göschen, Stuttgart, 3 1886.<br />

- LICHT, Fred: Antonio Canova: Beginn der modernen Skulptur, Hirmer, Munich, 1983 [trad.all.<br />

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189<br />

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• LOMBARDO, Patrizia: „Stendal et l’idéal moderne”, in: Nineteenth Century French Studies, vol. 35,<br />

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• LOUIS, Eleanora: Die Beredsamkeit des Leibes. Zur Körpersprache in der Kunst, Éd. Ilsebill Barta<br />

Fliedl et Christoph Geissmar (Éd.), Residenz (Veröffentlichungen der Albertina, vol. 31),<br />

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• LUCKSCHEITER, Roman: L’art pour l’art: der Beginn der modernen Kunstdebatte in<br />

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• LUKÀCS, Georg: „Zur Ästhetik Schillers“, in: Beiträge zur Geschichte der Ästhetik, Berlin, 1954,<br />

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- MAAZ, Bernhard et BLOCH, Peter (Éd.): Johann Gottfried Schadow und die Kunst seiner Zeit,<br />

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• MACHEREY, Pierre: Introduction à l'Ethique de Spinoza, Éd. P.U.F., Paris, 1994-1998.<br />

• MAGER, Johannes: „Friedrich Anton von Heynitz (1725-1802): Streiflichter aus seinem Leben und<br />

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• MAISAK, Petra (Éd.): Goethe und Tischbein in Rom, Éd. Insel, Francfort/M. et Leipzig, 2004.<br />

• MANGER, Klaus (Éd.): Italienbeziehungen des klassischen Weimar, Éd. Niemeyer, Tübingen, 1991.<br />

Goethe und die Weltkultur, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800), Éd. Winter, Heidelberg, 2003.<br />

• Schiller im Gespräch der Wissenschaften, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um 1800), Éd. Winter,<br />

Heidelberg, 2005.<br />

• Das Ereignis Weimar-Jena aus literaturwissenschaftlicher Sicht, (Sächsische Akademie der<br />

Wissenschaften), vol. 139/cahier n° 5, Éd. Hirzel, Stuttgart/Leipzig, 2005.<br />

• Der ganze Schiller - Ästhetik als Erziehungsprogramm, (Ereignis Weimar-Jena - Kultur um 1800:<br />

Ästhetische Forschungen, vol. 15), Heidelberg, 2006 [avec la collaboration de Nikolaus Immer].


190<br />

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der Weimarer Klassik - Das Leben und Werk von Christian Joseph Jagemann (1735-1804), Jörn<br />

Albrecht et Günter Kofler (Éd.), Narr, Tübingen, 2006, ps. 227-241[contributions du séminaire à la<br />

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- Wielands Erfindung Weimars, (Oßmannstedter Blätter, n° 1), Jéna, 2006.<br />

• „Johann Joachim Winckelmann. Seine Wirkung in Weimar und Jena“, in: Schriften der<br />

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- idem et POTT, Ute (Éd.): Rituale der Freundschaft, (Ereignis Weimar Jena. Kultur um 1800:<br />

Ästhetische Forschungen, vol. 7), Éd. Winter, Heidelberg, 2007.<br />

- MARQUARD, Odo: „Kant und die Wende zur Ästhetik“, in: Aesthetica und Anaesthetica.<br />

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- MATUSCHEK, Stephan (Éd.): Die ‘Allgemeine Literatur-Zeitung’ in Jena 1785-1803, Éd. Winter,<br />

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- MAVRAKIS, Kostas: Art moderne. Rupture et renouveau, Éd. de Paris, Versailles, 2006.<br />

- MELLINI, Gian Lorenzo: Saggi di filologia e di ermeneutica, Éd. Skira, Mailand, 1999.<br />

- MEMES, J. S.: Memoirs of Antonio Canova with a critical analysis of his works, and a historical view<br />

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• [MENGS, Anton Raphael:] Gedanken über die Schönheit und über den Geschmak in der<br />

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191<br />

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Winkelmann und sein Jahrhundert - in Briefen und Aufsätzen von Goethe [1805], Éd. Cotta, Tübingen,<br />

1805, Seemann, Leipzig, 1969.<br />

- idem (Éd.): „Leben des Künstlers Asmus Jakob Carstens - Ein Beytrag zur Kunstgeschichte des<br />

achtzehnten Jahrhunderts“, n° 147, (1806), ps. 567-568.<br />

- MEYER, Richard M[oritz]: „Wilhelm Meisters Lehrjahre und der Kampf gegen den Dilettantismus“,<br />

in: Euphorion 2, (1895), ps. 529-538.<br />

• MIANO, Sarah: Rembrandt van Rijn, Éd. Fischer, Francfort/M., 2007 [trad. all. de Reinhild<br />

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• MIDANT, Jean-Paul: Au Moyen-âge avec Viollet-le-duc, Éd. Parangon, Lyon, 2001.<br />

• [MILIZIA, Francesco:] Dell’ arte di vedere nelle belle arti di disegno secondo i principii di Sulzer e<br />

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20/1999].<br />

- MILLER, Norbert: „Europäischer Philhellenismus zwischen Winckelmann und Byron“, in: Propyläen.<br />

Geschichte der Literatur, vol. 4: Aufklärung und Romantik 1700-1830, Éd. Propyläen, Berlin, 1983, ps.<br />

315-366.<br />

• MILLIN DE GRANDMAISON, Louis-Aubin: «Charles Louis Fernow - Notice sur le célèbre sculpteur<br />

Canova, et sur ses ouvrages», in: Magasin Encyclopédique, (1807), <strong>IV</strong>, ps. 65-82, ps. 245-261 et VIII.<br />

- idem: «Notice sur la Vie et les Ouvrages de Carstens», in: Magasin Encyclopédique, ou Journal des<br />

Sciences, des Lettres et des Arts, n° 4 (1808), ps. 25-66 [le Carstens de Fernow en trad fr.].<br />

• MILTON, John: Paradise lost - A poem written in ten books [1667], Roy C. Flannagan (Éd.), Ohio,<br />

1992.<br />

- MISSIRINI, Melchior: Della vita di Canova libri quattro, Éd. Giachetti, 1824.<br />

• MÖRCHEN, Hermann: „Die Einbildungskraft bei Kant“, in: Jahrbuch für neuere Philosophie und<br />

phänomenologische Forschung, n° 11, (1930), ps. 311-495.<br />

• MONDOT, Jean: La tension Nord/Sud: aspects historiques, anthropologiques, esthétiques: essai<br />

d’étude diachronique, Toulouse, 2001 [contributions lors du 126. congrès sous la dir. de Jean<br />

Mondot].


192<br />

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- MONTAGU, Jennifer: The expression of the passions. The origine and influence of Charles le Brun’s<br />

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- MORETTI, Walter: Ariosto narratore e la sua scuola, Éd. Pàtron, Bologna, 1993.<br />

• MORITZ, Karl Philipp: Über die bildende Nachahmung des Schönen, Éd. Schul- und Buchhandlung,<br />

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- MÜLLER, Gerhard: Vom Regieren zum Gestalten. Goethe und die Universität Jena, (Ereignis Weimar-<br />

Jena. Kultur um 1800, vol. 6), Winter, Heidelberg, 2005.<br />

- MYSSOK, Johannes: Antonio Canova: Die Erneuerung der klassischen Mythen in der Kunst um<br />

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• NEUMANN, Gerhard et WEIGEL, Sigrid (Éd.): Die Lesbarkeit der Kultur. Literaturwissenschaften<br />

zwischen Kulturtechnik und Ethnographie, Éd. Fink, Munich, 2000.<br />

- NEUPER, Horst: Das Vorlesungsangebot an der Universität Jena von 1749 bis 1854, parties I/II, Éd.<br />

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- NEUWIRTH, Markus: „Die Anverwandlung der Antike bei Anton Joseph Koch und Asmus Jakob<br />

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• NEWTON, Isaac: Philosophiae Naturalis Principia Mathematica [1686], S. Pepys, Londres, 1687.<br />

- NOVA, Alessandro (Éd.): Die Künstler der Raffael-Werkstatt, Wagenbach, Berlin, 2007 [en trad. all.<br />

et révisé par Sabine Feser, Matteo Burioni, Victoria Lorini, Anja Zeller, Christina Irlenbusch et Hana<br />

Gründler].<br />

• OPITZ, Martin: Buch von der deutschen Poeterey, Brieg, 1624.<br />

- [idem:] „Briefwechsel und Lebenszeugnisse“, Éd. de Gruyter, Berlin, 2009.<br />

- OST, Hans: Antonio Canova - ein Skizzenbuch: 1796-1799, Wasmuth, Tübingen, 1970 [catalogue et<br />

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193<br />

- OSTERKAMP, Ernst: Im Buchstabenbilde. Studien zum Verfahren Goethescher Bildbeschreibungen,<br />

Éd. Metzler, Stuttgart, 1991.<br />

- OSWALD, Gabriele: „Deutsche Künstler in Rom: Künstlerrepublik und christlicher Kunstverein“,<br />

in: Rom-Paris-Londres. Erfahrung und Selbsterfahrung deutscher Schriftsteller und Künstler in den<br />

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- idem: Die Plastiksammlung der Herzogin Amalia Bibliothek in Weimar, 2 vol., Halle/Saale, 1995<br />

[mémoire de maîtrise].<br />

- OSWALD, Stefan: Italienbilder. Beiträge zur Wandlung der deutschen Italienauffassung 1770 -1840,<br />

Éd. Winter, Heidelberg, 1985.<br />

• OTTORINO, Stefani: La poetica e l’arte del Canova. Tra Arcadia, Neoclassicismo e Romanticismo,<br />

Canova, Treviso, 2 1984 [avec une préface de Giuseppe Mazzariol].<br />

• idem: Antonio Canova - la stattuaria, Éd. Electa, Milan, 1 1999, 2003.<br />

- PANKOKE, Eckart: Zwischen ‘Enthusiasmus’ und ‘Dilettantismus’: gesellschaftlicher Wandel<br />

‘freien’ Engagements, in: Ludgera Vogt et Arnold Zingerle (Éd.), Ehre - archaische Momente in der<br />

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• PANOFSKY, Erwin: Idea. Ein Beitrag zur Begriffsgeschichte der älteren Kunsttheorie, [1924], Éd.<br />

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- idem: Meaning in the Visual Arts, Doubleday, New York, 1955.<br />

- Ikonographie und Ikonologie. Eine Einführung in die Kunst der Renaissance, Éd. Dumont, Cologne,<br />

1975.<br />

• PAUL, Jean-Marie: «Rousseau et Kant: de l’utilité de la civilisation», in: La volonté de comprendre,<br />

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[1692], Gallimard, Paris, 2001.


194<br />

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frühen 18. Jahrhundert, (Frankfurter Hochschulschriften zur Sprachtheorie und Literaturästhetik, vol.<br />

12), Éd. Lang, Francfort/M., 2002.<br />

• PFISTERER, Ulrich: „Künstlerliebe. Der Narcissus-Mythos bei Leon Battista Alberti und die<br />

Aristoteles-Lektüre der Frührenaissance“, in: Zeitschrift für Kunstgeschichte, 64 vol., cahier n° 3,<br />

2001, ps. 305-330.<br />

• PFOTENHAUER, Helmut: Um 1800. Konfigurationen der Literatur, Kunstliteratur und Ästhetik,<br />

Niemeyer, Tübingen, 1991.<br />

- idem: (Éd.): „’Die Signatur des Schönen’ oder In wie fern Kunstwerke beschrieben werden können?<br />

Zu Karl Philipp Moritz italienischer Ästhetik“, in: Kunstliteratur als Italienerfahrung, (Reihe der Villa<br />

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-„Anthropologie, Transzendentalphilosophie, Klassizismus: Begründung des Ästhetischen bei<br />

Schiller, Herder und Kant“, in: Anthropologie und Literatur um 1800, Jürgen Barkhoff et Eda Sagarra<br />

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- Klassik und Klassizismus, Éd. Deutscher Klassiker, Francfort/M. 1995.<br />

- PILES, Roger de: Conversations sur la connoissance de la peinture, Éd. Muguet, Paris, 1699.<br />

- PINELLO, Antonio: La belle manière - anticlassicisme et maniérisme in l’art du XVI ème siècle, Éd.<br />

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• PLÉ, Bernhard: ’Die Welt’ aus den Wissenschaften. Der Positivismus in Frankreich, England und<br />

Italien von 1848 bis ins zweite Jahrzehnt des 20. Jahrhunderts, eine wissenssoziologische Studie, Éd.<br />

Klett-Cotta, Stuttgart, 1996.<br />

- POLIANSKI, Igor J.: Die Kunst, die Natur vorzustellen. Die Ästhetisierung der Pflanzenkunde um<br />

1800 und Goethes Gründung des Botanischen Gartens zu Jena im Spannungsfeld kunsttheoretischer und<br />

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Walther König, Cologne, 2004.<br />

• POLLINI, John: „The Tazza Farnese: Augusto Imperatore: ’Redeunt Saturnia Regna’!“, in:<br />

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195<br />

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- idem : Dialogue sur le coloris, Éd. Nicolas Langlois, Paris, 1699.<br />

- Cours de peinture par principes, Jacques Estienne (Éd.), Paris, 1708.<br />

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• QUINCY, Antoine Chrysostand Quatremère de: Lettres sur le préjudice qu’occasionneraient aux arts<br />

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spoliation des ses collections, galeries, musées & collections, Éd. Desenne, Paris, 1796.<br />

- idem: «Sur l’idéal dans les arts du dessin», in: Archives Littéraires de l’Europe, n °6, Paris, 1805.<br />

- «Sur M. Canova et les quatre ouvrages qu’on voit de lui à l’exposition publique de 1808», in: Gazette<br />

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• Canova et ses ouvrages, ou, Mémoires historiques sur la vie et les travaux des célèbres artistes, Éd. Le<br />

Clere et Cie, Paris, 1834-1837.<br />

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• RICHTER, Simon: “Wieland and the Phallic Breast”, in: German Life and Letters, vol. n° 52, édition<br />

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Ein Beitrag zur Geschichte der allgemeinen Wiedergeburt des deutschen Volkes, Éd. Rümpler,<br />

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196<br />

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(Éd.), Éd Reimer, Berlin, 1787.<br />

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• RÖSCH, Gertrud Maria: Clavis Scientiae. Studien zum Verhältnis von Faktizität und Fiktionalität am<br />

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• ROETTGEN, Steffi: Die Erfindung des Klassizismus - Anton Raphael Mengs (1728-1779), Éd.<br />

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- idem: „Hofkunst - Akademie - Kunstschule - Werkstatt“, in: Jahrbuch der bildenden Kunst, n° 36,<br />

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- „Und so gross die Figur ist, so ist sie doch ohne Grösse - Zu Canovas ’Carattere forte’ im Spiegel der<br />

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• ROSEN, Julia von: Kulturtransfer als Diskurstransformation - die Kantische Ästhetik in der<br />

Interpretation Mme de Staëls, (Studia Romanica, vol. 120), Éd. Winter, Heidelberg, 2004.<br />

- ROSENBLUM, Robert: The international style of 1800 - A study in linear abstraction, Éd. Garland,<br />

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• [ROUSSEAU, Jean-Jacques:] Abhandlung von dem Ursprunge der Ungleichheit unter den<br />

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- Œuvres complètes, Bernard Gagnebin et Marcel Raymond (Éd.), [1782], Gallimard, Paris<br />

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- RUBBI, Andrea: Ariosto, Berni, Satirici e burleschi del secolo XVI, Éd. Zatta, Venice, 1707.<br />

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197<br />

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• SCHEUER, Helmut: Biographie. Studien und Funktion und zum Wandel einer literarischen Gattung<br />

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• [SCHILLER, Friedrich „Über die Ästhetische Erziehung des Menschen“, in: Die Horen, vol. 1,<br />

1 1795 [première édition].<br />

- Kallias oder über die Schönheit, Über Anmut und Würde [1793], Éd. Reclam, Francfort/M., 2003.<br />

- idem: Schillers Werke, Nationalausgabe [NA], vol. 20/I, Philosophische Schriften, Helmut<br />

Koopmann et Benno von Wiese (Éd.), Éd. Böhlhaus, Weimar, 1962.<br />

- Sämtliche Werke, Gerhard Fricke et Herbert G. Göpfert (Éd.), vol. 5: Erzählungen/Theoretische<br />

Schriften, Éd. Hanser, Munich, 6 1980.<br />

- Sämtliche Gedichte, Éd. Insel, Francfort/M., 1991.<br />

- Briefe über die ästhetische Erziehung des Menschen, Robert Leroux (Éd.), Aubier, 1992.<br />

- Schiller - Theoretische Schriften, Rolf-Peter Janz, Hans Richard Brittnacher et Fabian Störmer (Éd.),<br />

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• SCHINGS, Hans-Jürgen: Melancholie und Aufklärung, Éd. Metzler, Stuttgart, 1977.


198<br />

- idem: Der ganze Mensch - Anthropologie und Literatur im 18. Jahrhundert, Éd. Metzler,<br />

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• SCH<strong>LA</strong>FFER, Hannelore: Klassik und Romantik 1770-1830, Éd. Kröner, Stuttgart, 1983.<br />

• SCHLEGEL, Friedrich: Athenaeum. Eine Zeitschrift von August Wilhelm Schlegel und Friedrich<br />

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la part des auteurs].<br />

- idem et August Friedrich et Wilhelm: Charakteristiken und Kritiken, Éd. Nicolovius, Königsberg,<br />

1801.<br />

-’Äthenäums’- Fragmente und andere Schriften, Éd. Reclam, Stuttgart, 1978 [réédition].<br />

• SCHLÜTER-GÖTTSCHE, Gertrud: Jürgen Ovens: ein schleswigholsteinischer Barockmaler,<br />

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• SCHMIDT, H.: Ein Jahrhundert römischen Lebens. Von Winckelmanns Romfahrt bis zum Sturz der<br />

weltlichen Papstherrschaft, Éd. Dyksche Buchhandlung, Leipzig, 1904.<br />

• SCHMIDT, Peter: Aby Warburg und die Ikonologie, Wuttke (Éd.), Wiesbaden, 2 1993.<br />

• SCHMIDT, Wolf Gerhard: Homer des Nordens und Mutter der Romantik. James Macphersons<br />

Ossian und seine Rezeption in der deutschsprachigen Literatur, Éd. de Gruyter, Berlin, 2003 [thèse,<br />

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• SCHMIDT-FUNKE, Julia A.: Auf dem Weg in die Bürgergesellschaft. Die politische Publizistik des<br />

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- idem: Karl August Böttiger (1760-1835). Weltmann und Gelehrter, (Ereignis Weimar-Jena. Kultur um<br />

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Hachette, Paris, 1910.<br />

- idem: L’esthétique classique chez Quatremère de Quincy (1805-1823), Éd. Hachette, Paris, 1910.<br />

• SCHÖNIG, Jörg: Mimesis - Repräsentation - Imagination: Positionen von Aristoteles bis zum Ende<br />

des 18. Jhd., de Gruyter, Berlin, 1994.


199<br />

- SCHÖNWÄLDER, Jürgen: Ideal und Charakter - Untersuchungen zu Kunsttheorie und<br />

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- SCHOLTZ, Gunter: „Der Weg zum Kunstsystem des deutschen Idealismus“, in: Früher Idealismus<br />

und Frühromantik - Der Streit um die Grundlagen der Ästhetik 1795-1805, Éd. Meiner, Hambourg,<br />

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• SCHOPENHAUER, Arthur: Sämtliche Werke, Paul Deussen (Éd.), 3 vol., [1799-1849 et 1818-1830],<br />

Éd. Piper, Munich, 1911.<br />

- idem: „Parerga und Paralipomena: Kleine philosophische Schriften“, vol. 2, dans: Werke, 5 vol.,<br />

Ludger Lütkehaus (Éd.), Haffmans, Zurich, 1991 [réédition].<br />

• SCHOPENHAUER, Johanna: Gabriele. Ein Roman, parties 1-3, Éd. Brockhaus, Leipzig,<br />

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- idem: Gabriele. In sämtlichen Schriften, vol. 7-9, Éd. Brockhaus, Leipzig, et Sauerländer,<br />

Francfort/M., 1830.<br />

• SCHRADER, Monika: Laokoon -‘eine vollkommene Regel der Kunst.’ Ästhetische Theorien der<br />

Heuristik in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts: Winckelmann, (Mendelssohn, Lessing, Herder,<br />

Schiller, Goethe, Herder), vol. 42, (Europaea Memoria), Éd. Olms, Hildesheim, 2005.<br />

- SCHRIMPF, Joachim et ADLER (Éd.): „Beiträge zur Ästhetik“, in [Karl Philipp Moritz:] Über die<br />

bildende Nachahmung des Schönen, Éd. Dieterich’sche Verlagsbuchhandlung, Mayence, 1989, ps. 27-<br />

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- SCHULZ, Andreas: „Der Künstler im Bürger. Dilettanten im 19. Jahrhundert“, in: Dieter<br />

Hein/Andreas Schulz (Éd.): Bürgerkultur im 19. Jahrhundert. Bildung, Kunst und Lebenswelt, Éd.<br />

Beck, Munich, 1996, ps. 34-52 et 313-317.<br />

• SCHULZE, Friedrich: Adam Friedrich Oeser - Der Vorläufer des Klassizismus, Éd. Köhler &<br />

Amelang, Leipzig, 1950.<br />

- SCHWAB, Gustav: Die schönsten Sagen des klassischen Althertums, 2 vol., Éd. Hirt, Breslau, 1932<br />

[avec 11 gravures d’Asmus Jacob Carstens et John Flaxmann (vol. 1), ainsi que 6 gravures de Carstens<br />

et Bonaventura Genelli (vol. 2)].<br />

- SCIOL<strong>LA</strong>, Gianni Carlo: Antonio Canova, Éd. Atlantis, Herrsching, 1989.


200<br />

• [SCROFANI, Saverio:] Al signor Cavaliere Ennio Quirino Visconti lettere di Saverio Scrofani sopra<br />

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Napolione l’anno 1808, Éd. Dondey-Dupré, Paris, 1809.<br />

• SEEBA, Hinrich C.: Johann Joachim Winckelmann. Zur Wirkungsgeschichte eines ’unhistorischen’<br />

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- idem: Ästhetik, 4 vol., Éd. Frommann-Holzboog, Stuttgart/Bad Cannstatt, 1981-1993 [réédition en<br />

trad. all.].<br />

• SIMON, Karl-Heinz et PFÄNDER, Martin: Polyklet und Phidias: von Helden aus Marmor und<br />

Bronze, (Zeitreise durch die Kunstgeschichte), Klett, Stuttgart, Düsseldorf, Leipzig, 1999.<br />

• SIMON, Ralf: Das Gedächtnis der Interpretation. Gedächtnistheorie als Fundament für<br />

Hermeneutik, Ästhetik und Interpretation bei Johann Gottfried Herder, Meiner, Hambourg, 1998.<br />

• SIMONIS, A.: „’Das Schöne ist eine höhere Sprache’- Karl Philipp Moritz’ Ästhetik zwischen<br />

Ontologie und Transzendentalphilosophie“, in: DVjs (Deutsche Vierteljahresschrift für<br />

Literaturwissenschaft und Geistesgeschichte), vol. 68, n° 3, Éd. Metzler, Stuttgart, ps. 490-505.<br />

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• [SPINOZA, Baruch de:] Éthique [1677], Éd. Seuil, (Collection Points), Paris, 1999.<br />

• SPRINGER, Peter: „Artis Germanicae Restitutor. Asmus Jacob Carstens als ‘Erneuerer’ der<br />

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201<br />

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Neubearbeitung des Reallexikons der deutschen Literaturgeschichte, vol. 1, de Gruyter, Berlin/New<br />

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- STANLEY, Kerry: Schiller’s Writings on Aeshetics, Éd. University Press, Manchester, 1961.<br />

• STEIGERWALD, Jörg et WATZKE, Daniela (Éd.): Reiz - Imagination - Aufmerksamkeit. Erregung<br />

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des Ministers von Heynitz nach Tagebuchblättern entworfen“, in: Forschungen zur brandenburgisch-<br />

preußischen Geschichte, n° 5 (1902), ps. 421-470.<br />

- STEMMRICH, Gregor: Das Charakteristische in der Malerei. Statusprobleme der nicht mehr schönen<br />

Künste und ihre theoretische Bewältigung, Éd. Verlag für Wissenschaft und Forschung, Berlin, 1994.<br />

- STENDAL: Promenades à Rome, Éd. le Divan, Paris, 1937.<br />

- STIERLE, Karl-Heinz: „Geschmack und Interesse. Zwei Grundbegriffe des Klassizismus“, in: Ideal<br />

und Wirklichkeit der bildenden Kunst im späten 18. Jahrhundert, Éd. Mann, Berlin, 1984, ps. 75-85.<br />

• STOROST, Jürgen: „Zur Erforschung der italienischen Dialekte in der deutschen Sprachwissenschaft<br />

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- STRACK, Friedrich (Éd.): Evolution des Geistes. Jena um 1800. Natur und Kunst, Philosophie und<br />

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- STRAUß, Elisabeth: Dilettanten und Wissenschaft. Zur Geschichte und Attraktivität eines<br />

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- [SULZER, Johann Georg:] Allgemeine Theorie der schönen Künste, partie III, Éd. Weidmann, Leipzig,<br />

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- TADINI, Faustino: Le sculture ed le pitture di Antonio Canova pubblicate fino a quest’anno, Éd.<br />

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202<br />

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Jahrbuch der deutschen Schillergesellschaft, n° 14 (1970), ps. 131-158.<br />

- idem: Dilettantismus und Meisterschaft - Zum Problem des Dilettantismus bei Goethe: Praxis, Theorie,<br />

Zeitkritik, Éd. Winkler, Munich, 1971.<br />

• VALENTIN, Jean-Marie (Éd.): L’un, l’autre et le tout, Éd. Kliencksieck, Paris, 1999.<br />

• VALK, Thorsten: Melancholie im Werk Goethes. Genese - Symptomatik - Therapie, (Studien zur<br />

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- idem: Buonarroti und Leonardo Da Vinci: Republikanischer Alltag und Künstlerkonkurrenz in Florenz<br />

zwischen 1501 und 1505, Éd. Niedersachs, Wallstein, 2007.<br />

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205<br />

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• [WINCKELMANN, Johann Joachim:] Gedanken über die Nachahmung der Griechischen Werke in<br />

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- WISCHERMANN, Heinfried: „Canovas Pantheon - Überlegungen zum Tempio Canoviano von<br />

Possagno“, in: Architectura, n° 10, 1980, ps. 134-163.<br />

• WITTSTOCK, Jürgen: Geschichte der deutschen und skandinavischen Thorvaldsen-Rezeption bis zur<br />

Jahresmitte 1819, 1975 [thèse, Univ. Hambourg].<br />

- WYSS, Beat: „Der letzte Homer. Zum philosophischen Ursprung der Kunstgeschichte im Deutschen<br />

Idealismus“, in: Kunst und Kunsttheorie 1400-1900, Éd. Harrassowitz, Wiesbaden, 1991.<br />

• ZAREMBA, Michael: Johann Gottfried Herder - Prediger der Humanität, Éd. Böhlau, Cologne,<br />

2002.<br />

• ZEITLER, Rudolf: Der abgewandte Blick. Bemerkungen zu Skulpturen des Klassizismus um 1800.<br />

Interpretationen zu Werken von David, Canova, Carstens, Thorvaldsen, Koch, Éd. Hatje, Stuttgart, 1993,<br />

ps. 167-176.<br />

• ZIMBRICH, Ulrike: Mimesis bei Platon, (Europäische Hochschulschriften, série 15, vol. 28), Éd.<br />

Lang, Francfort/M., 1984 [thèse, Francfort/M.].


CANOVA & CARSTENS<br />

Asmus Jakob Carstens<br />

206<br />

• STAATLICHE MUSEEN/BERLIN (Éd ).: Asmus Jakob Carstens und Joseph Anton Koch. Zwei<br />

Zeitgenossen der Französischen Revolution, Berlin, 1989.<br />

• SCHLOSS GOTTDORF/<strong>LA</strong>NDESMUSEUM (Éd.): Asmus Jakob Carstens. Goethes Erwerbungen für<br />

Weimar, Éd. Wachholtz, Neumünster, 1992.<br />

Antonio Canova<br />

• MUSEO CORRER (Éd.): Antonio Canova, Venice, 2000.<br />

• SKIRA (Éd.): Catalogo della Mostra a cura di Antonio Canova, Mailand, 2003/04 [exposition à<br />

Bassano del Grappa, 22. 11. 2003 - 18. 4. 2004].<br />

CATALOGUES & OUVRAGES ILLUSTRÉS<br />

- ALBRECHT, Jörn (Éd.): Alexander Trippel: (1744-1793) - Skulpturen und Zeichnungen, Éd. Museum<br />

zu Allerheiligen, Schaffhausen, 1993 [exposition du 25. 9. au 21. 11. 1993].<br />

- BAUDOUX, Marc (Éd.) [VASARI, Giorgio:] Catalogue complet des peintures, Éd. Bordas, Paris,<br />

1991.<br />

- BERNHARD, Julia et BAVAJ, Ursula (Éd.): Schadow in Rom: Zeichnungen von Johann Gottfried<br />

Schadow aus den Jahren 1785 bis 1787, Éd. Stiftung Archiv der Akad. Der Künste, 2003.<br />

- BUETTNER, Nils e. HEINEN, Ulrich (Éd.): Peter Paul Rubens: Barocke Leidenschaften, Munich,<br />

2004 [exposition au musée du duc Anton Ulrich à Brunswick, du 8. 8. au 31. 10. 2004].<br />

- BROCKHAUS, Christoph (Éd.): Lehmbruck, Rodin et Maillol, Éd. Wienand, Cologne, 2005<br />

[exposition de la fondation du musée Wilhelm Lehmbruck - centre de la sculpture internationale<br />

Duisbourg, du 25. 9. 2005 au 29. 1. 2006; trad. all. par Susanne Lötscher].<br />

- BUSSAGLI, Marco: L’art de Rome, 2 vol., Éd. Mengès, Paris, 1999.<br />

• C<strong>LA</strong>IR, Jean (Éd.): Mélancolie - génie et folie en Occident, Éd. Gallimard, Paris, 2005 [exposition au<br />

Grand Palais, Paris, du 10. 10. 2005 au 16. 1. 2006].<br />

• CROOK, John Mordaunt: The Greek Revival, John Murray (Éd.), London, 1972.


207<br />

- DI MAIO, Elena, JØRNÆS Bjarne et SUSINI, Stefano: Berthel Thorvaldsen - Scultore danese a<br />

Roma, Éd. de Luca, Rom, 1989/90.<br />

- GALLERIA d’Arte moderna (Éd.): Il nudo fra ideale e realtà - una storia dal neoclassicismo ad<br />

oggi, Bologna, 2004 [exposition du 20. 1. au 9. 5. 2004].<br />

- GREGORI, Mina: Le musée des Offices et le Palais Pitti - la peinture à Florence, Éd. Place des<br />

Victoires, Paris, 2000.<br />

- HEINZ Marianne, EISSENHAUER, Michael et SCHMIDT, Hans Werner (Éd.): 3 x Tischbein und<br />

die europäische Malerei um 1800: [catalogue de l’exposition consacrée à Johann Heinrich Tischbein,<br />

Johann Friedrich August Tischbein et Johann Heinrich Wilhelm dans les musées nationaux, nouvelle<br />

galerie, Kassel, du 1. 12. 2005 au 26. 2. 2006; musée des arts plastiques, Leipzig, 18. 3. - 5. 6. 2006].<br />

- HUBER, Judith: „Ausstellungen deutscher Künstler in Rom“, in: Die Nazarener in Rom. Ein deutscher<br />

Künstlerbund der Romantik, Éd. Galleria Nazionale d’Arte moderna, Rome, 1981.<br />

• HILL, Ann (Éd.): Du Mont’s Bildlexikon der Kunst, Éd. Du Mont, Cologne, 1976 [en édition<br />

allemande par Karin Thomas e. Gerd de Vries].<br />

- MAAZ, Bernhard et BLOCH, Peter (Éd.): Johann Gottfried Schadow und die Kunst seiner Zeit,<br />

Kunsthalle/Staatliche Museen, Düsseldorf/Berlin, 1994 [catalogue d’exposition dans la galerie d’art à<br />

Düsseldorf, du 5. 11. 1994 au 29. 1. 1995, musée national germanique de Nuremberg, du 30. 3. au 18. 6.<br />

1995; exposition des musées nationaux de Berlin, du 14. 7. au 24. 9. 1995].<br />

- MILDENBERGER, Hermann: Johann Heinrich Wilhelm Tischbein: Aquarelle, Gouachen und<br />

Zeichnungen, Stiftung Weimar (Éd.), 2006 [exposition du 7. 4. au 11. 6. 2006, musée du château de<br />

Weimar].<br />

• PETRAKOS , Basileios (e. a.): Nationalmuseum von Athen, Éd. Kleio, Athen, [1981 1 ], 1992.<br />

- SAUR (Éd.): Allgemeines Künstlerlexikon, Éd. Saur, München, 1995.<br />

- SCHULZE, Sabine (Éd.): Goethe et die Kunst, Éd. Hatje, Stuttgart, 1994.<br />

- ZÖLLNER, Frank (Éd.): Léonard de Vinci - tout l’œuvre peint et sculpté, Éd. Taschen, Paris, 2003.<br />

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