Sicherheit Sécurité Sicurezza - Swissi

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SÉCURITÉ 2009_2
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ENQUÊTE APRÈS UN INCENDIE
tant le feu au grand bâtiment des écuries. Il
s’est mis à pleurer à chaudes larmes et m’a
assuré qu’il était persuadé, au moment de
mettre le feu à la grange, qu’il n’y avait pas
de bétail dans l’écurie. S’il avait eu le moindre
doute que des animaux innocents et qu’il
aimait beaucoup allaient subir les conséquences
de son acte, il n’aurait en aucun cas
allumé le feu.
Investigations dans un pays en guerre
En 1999, j’ai eu l’occasion unique de participer
aux deux missions suisses au Kosovo. Le
premier engagement, juste après la fin des
attaques de l’OTAN, devait servir à enquêter
sur des délits, dont des incendies criminels.
Le travail dans un pays en guerre était totalement
nouveau pour nous. Une localité,
complètement détruite par le feu, devait être
analysée. Mais comment parvenir à des
conclusions pertinentes, alors que les habitants
avaient été soit tués, soit étaient encore
en fuite? Nous avions tout simplement atteint
les limites de notre savoir et ne pouvions agir
que de façon très limitée. Dans le rapport
destiné au tribunal international des faits de
guerre, nous avons seulement pu constater
avec certitude que p.ex. le village n’avait pas
été détruit par l’OTAN. Il s’agissait selon
toute probabilité d’un incendie criminel,
mais nous ne pouvions apporter aucune
preuve quant à l’attentat lui-même, le procédé
utilisé et les raisons des auteurs.
La «défectuosité technique»
Au cours des premières années de notre activité
commune, mon chef m’avait appris que
dans la police, il y avait des inspecteurs qui
étaient soit vieux, soit dépassés, mais jamais
les deux à la fois. Une sagesse existentielle
que j’ai pu vérifier personnellement à de
nombreuses reprises, ayant dû parfois me
résoudre à penser et à décider de façon
contraire au système en place.
Une fois, en début de soirée, bien à l’extérieur
d’un village de l’Emmental, le feu s’était déclaré
dans une ferme pimpante, un incendie
que les sapeurs-pompiers locaux n’avaient finalement
pas pu maîtriser. Je me trouvais par
hasard à quelques kilomètres seulement du
lieu du sinistre et j’ai confirmé à la centrale
d’engagement que je me rendais sur les lieux,
bien que cela ne soit pas la procédure habituelle.
Ce n’est que lors d’événements avec
des morts, des disparus ou des blessés, que
nous intervenons sans attendre. Une fois sur
place, j’ai entendu les habitants dire qu’ils
avaient quasiment tout perdu. Le jour suivant,
quelques collaborateurs de mon service
«Incendies & Explosions» m’ont aidé sur les
lieux de l’incendie, et nous en sommes arrivés
à la conclusion qu’il y avait une très
grande probabilité pour que des enfants âgés
de 3 à 5 ans soient à l’origine de l’incendie.
Que faire? Dans les régions campagnardes,
le danger existe que de tels enfants soient
condamnés à être affublés de surnoms infâmants
tels que, comme dans ce cas, Jean l’Incendiaire
et Marie l’Incendiaire. C’est pourquoi
je me suis résolu à avoir un entretien
avec les parents, afin de leur apprendre que
leurs enfants avaient probablement dû jouer
sur le tas de foin avec un feu ouvert, causant
ainsi l’incendie. J’ai ajouté que j’invoquerais
officiellement un défaut technique comme
étant à l’origine du sinistre, mais que je me
réservais le droit d’avoir ultérieurement un
entretien avec leurs enfants à propos de ce
qui s’était passé. Je voulais éviter par tous les
moyens que de futurs adolescents soient perturbés
dans leur développement par des sentiments
de culpabilité ou des souvenirs traumatisants
restés sans traitement.
Cette entreprise risquée a porté ses fruits:
des années après, j’entretiens toujours des
contacts personnels avec cette famille. Entretemps,
les enfants sont sortis de l’école et
personne ne les traite d’incendiaires, ce
qu’ils n’étaient d’ailleurs en aucun cas.
Comme quoi, il existe deux sortes d'inspecteurs
…
Réflexions finales
L'inspecteur du feu doit disposer d’une compétence
sociale élevée. Si nécessaire, il doit
rechercher inlassablement des indices, discuter
et faire examiner absolument toutes
ses hypothèses et ses conclusions au sein de
son team. Selon les circonstances, une erreur
de jugement peut avoir les pires conséquences
pour une personne a priori innocente,
même si elle est considérée comme
suspecte. L'inspecteur poursuit sa tâche
comme un loup solitaire, mais il doit aussi
s’associer au destin des victimes et apporter
son aide tout en agissant comme inspecteur,
s’il entend pratiquer son job avec cœur. W