sono 44 • <strong>Spirit</strong> le CaraCtère Urbain Jean-François Zygel, un musicien classique qui joue sa propre musique.
Les rendez-vous • La Pastorale de Beethoven expliquée aux enfants, le 4.03, 10h45, la Halle aux Grains, complet. • Pochettes-surprises, le 7.03, en Italie avec Carlo Rizzo ; le 4.04 en Arménie avec Didier Malherbe, 15h30, 18h30, 21h, Espace Croix- Baragnon, 5/10 e • Ciné-concerts, Faust le 5.03, L’Aurore le 2.04, Le dernier des hommes le 14.05, Nosferatu le 28.05, 19h30, TNT, 23 e Pianiste, compositeur, improvisateur, professeur, animateur, Jean-François Zygel joue le musicien multi-cartes pour souffler un air nouveau sur le monde trop confiné du classique. Ouvert à toutes les expérimentations iconoclastes, il n’a jamais peur de faire dialoguer les genres. À Paris, comme à Toulouse, sa deuxième maison artistique… Propos recueillis par Stéphanie Pichon - Photo de Franck Juery / Naïve Jean-François Zygel, Pas si classique Un saut en Italie à l’Espace Croix-Baragnon, une Pastorale expliquée aux enfants à la Halle aux Grains, un cycle de ciné-concerts qui débute au TNT. Impossible de vous rater ce mois-ci à Toulouse ! J’aime profondément Toulouse qui est la ville dans le monde où je me produis le plus, après Paris. Tout ça, c’est grâce à Alain Lacroix. Il a été le premier à faire appel à moi, il y a huit ans, juste avant que France 2 ne me propose de créer mon émission La Boîte à Musique. Cette année, votre programmation de « pochettes-surprises » passe par l’Italie, l’Algérie ou l’Arménie. Pensez-vous que la musique classique a besoin de se frotter à d’autres horizons ? Oui, bien sûr. La musique classique doit puiser son énergie dans les musiques populaires, le jazz et les musiques actuelles. Si elle ne tisse pas une relation forte avec son temps, elle s’étiole, et risque de n’intéresser que les mélomanes spécialisés. Comment rencontrez-vous ces musiciens venus des quatre coins du monde ? Par tous les moyens ! Guo Gan le joueur d’erhu, un violon chinois à deux cordes, je l’ai connu par Lang Lang, pianiste de son état. Mehdi Haddab, le joueur d’oud électrique, c’est parce que Jean- Marie Gustave Le Clézio a eu un mois d’hommage au Louvre, et m’a demandé de faire un concert avec lui. Carlo Rizzo, c’était à un concert de Bobby McFerrin au Châtelet, où il était invité à partager la scène. C’est un percussionniste extraordinaire, qui non seulement joue de tous les tambourins traditionnels, mais invente aussi des instruments modernes. C’est exactement ce que je recherche, la réinvention. Vous avez sorti cet été votre premier disque d’improvisations en duo Double messieurs, avec le pianiste de jazz Antoine Hervé. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Il m’a invité pour une émission spéciale qui lui était consacrée sur France Musique. Il a fallu improviser en direct, et ça a été miraculeux. J’ai eu l’impression que nous avions le même cerveau pour nos quatre mains ! On s’est rendu compte qu’on avait fait notre classe de solfège ensemble… On n’a même pas besoin de se parler, la communication est presque télépathique. Par la suite, on a fait une série de concerts improvisés, où la salle propose des thèmes. La maison de disque Naïve, a enregistré tous nos concerts pendant un an, y compris à Toulouse. Puis elle a sélectionné une improvisation par ville, ce qui donne au final un joli carnet de voyage sonore. Ce disque vient d’être élu choc de l’année par Classica. On a l’habitude de lier l’improvisation avec la musique contemporaine ou le jazz. Mais rarement avec le classique… L’improvisation a toujours été au cœur de la musique classique, mais ça s’est arrêté au XIX e siècle. Avant, les musiciens interprétaient et improvisaient la musique de leur temps. Maintenant, on leur demande d’avoir un répertoire énorme. Du coup, ils passent tout leur temps à travailler des œuvres du passé. Je me considère comme un musicien contemporain, car je suis vivant et que je suis compositeur. Mozart ne se préoccupait pas de la musique du passé quand il jouait sa musique. Je me sens dans la même énergie : je suis un musicien classique qui joue sa propre musique. On peut vous voir sur France 2, sur France 5… Est-ce votre manière de décloisonner le monde du classique ? Quand j’ai commencé ma carrière, quelque chose ne m’a pas plu dans la manière dont on jouait cette musique. Cela me semblait figé dans un rituel. C’était devenu la sortie des bourgeois. Je me suis alors demandé comment faire pour que la musique classique soit à nouveau au cœur de la cité, pour qu’elle ait une nouvelle vie en rapport avec son énergie et sa passion. Cela passait, pour moi, par l’improvisation, la parole, l’ouverture aux autres arts, aux autres genres, et aux autres lieux. Un musicien du XXI e siècle se doit d’investir la télévision et internet. Ce sont en quelque sorte nos salles modernes. Vous avez choisi Murnau pour votre cycle de quatre ciné-concerts au TNT. Pourquoi ce réalisateur ? Ce que Murnau nous rappelle, c’est la puissance de l’image et du monde du rêve. Le cinéma muet est d’une intensité et d’une imagination filmique extraordinaires. Aller voir un film muet, c’est entrer dans un monde différent où chaque image est une photo. Pour moi, L’Aurore est le plus grand film de l’histoire du cinéma. Comment travaillez-vous ces ciné-concerts ? Je connais le film image par image. Pour l’improvisation, je me fais confiance. Je fais partie des gens qui ont besoin d’arriver l’esprit presque dans un état d’hypnose sur scène. Par contre, il faut connaître le film à fond, y avoir réfléchi, savoir exactement combien de temps dure chaque scène et quelle expression on veut lui donner. Bizarrement, je prépare plus le film que la musique. Quels sont vos grands projets pour la saison prochaine ? Je vais continuer mes « Pochettes-surprises » à l’Espace Croix-Baragnon. J’ai envie de proposer des variations contemporaines sur les grands compositeurs. Avec l’Orchestre du Capitole, on jouera la symphonie italienne de Mendelssohn. Avec le TNT, on réfléchit à un projet autour d’Alice au pays des merveilles. Je prépare aussi un nouveau disque en solo et je continue l’émission annuelle en prime time sur France 2, La Grande battle. La première édition a frôlé les 3 millions de téléspectateurs. Pas mal pour de la musique classique ! Si la muSique claSSique ne tiSSe paS une relation forte avec Son tempS, elle S’étiole, et riSque alorS de n’intéreSSer que deS mélomaneS SpécialiSéS le CaraCtère Urbain <strong>Spirit</strong> • 45