You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
tables & comptoirs<br />
Un air de revenez-y…<br />
le jeune chef Georges Camuzet a fait de l’air de famille l’une des adresses les plus<br />
charmeuses de la ville. risque d’addiction à ne pas négliger. Par Christian Authier<br />
Dans le quartier Victor-Hugo, les<br />
tables abondent et à l’ombre<br />
du marché, des institutions ne<br />
désemplissent pas : Le J’Go,<br />
La Gourmandine, La Villa Tropézienne… Flux<br />
tendus, salles XXL, services en avalanche : on<br />
ne connaît pas la crise. En s’installant en 2008<br />
dans ce quartier gastronomiquement grouillant,<br />
Georges Camuzet a choisi une autre option, celle<br />
d’un restaurant de poche (environ trente couverts)<br />
à la carte serrée. Du sur-mesure !<br />
Le chef a fait ses armes dans de grandes maisons<br />
– à Paris comme à Toulouse – mais on ne va<br />
pas au restaurant pour savourer un CV ou manger<br />
le passé. Sauf qu’il a retenu de la fréquentation<br />
de l’excellence une précision, un regard, un<br />
geste, que la qualité des produits vient valider ou<br />
pas. À midi, c’est du classique. Du bon classique,<br />
de la cuisine de bistrot qui tient au corps et au<br />
cœur, avec des entrées en rafale (céleri rémoulade,<br />
piquillos de brandade, salade de cœurs et<br />
de foies de canard, tête de veau ravigote…) à<br />
7 e, un poisson et une viande en plats du jour à<br />
12 e, des desserts à 6 e.<br />
Cela s’appelle L’Air de famille, et pas Un Air de<br />
22 • <strong>Spirit</strong> le CaraCtère Urbain<br />
famille comme le film de Klapisch. À propos de<br />
ressemblances, Camuzet nous fait penser à un<br />
Jacques Dutronc jeune, avec quelque chose de<br />
goguenard et de désabusé dans le regard. Son<br />
épouse Maud, qui officie en salle, évoque plutôt<br />
une héroïne d’Eric Rohmer, période Comédies et<br />
Proverbes. Ressemblances trompeuses. Ici, la<br />
désinvolture et les sarcasmes n’ont pas leur place.<br />
On ne se paie pas de mots ni d’atermoiements.<br />
Les marivaudages et les jeux de la séduction<br />
cèdent le pas à une franchise désarçonnante. Le<br />
petit salé aux lentilles frétille, la blanquette de veau<br />
est sans accrocs. Les plats filent droit, avancent<br />
sans masque, privilégient la sensation à l’exégèse.<br />
Effet contagieux sur les clients.<br />
Une carte qUi oSe, boUScUle<br />
Lors de l’un de nos derniers dîners là-bas, la<br />
philosophe avait abandonné ses thèses et s’était<br />
léchée les babines face à son saumon mariné puis<br />
sa daurade. De notre côté, nous avions choisi<br />
d’honorer le porc, divin animal aussi sensible<br />
que goûteux. Le coup de patte du chef lui rendit<br />
un bel hommage qui nous rappela l’éclat d’un<br />
agneau tendre comme du lait dégusté naguère.<br />
Il se dégage quelque chose de brutal et d’évident<br />
dans la cuisine de Georges Camuzet. Ce qui<br />
n’exclut pas la finesse et la discrète sophistication,<br />
à l’image de la carte du soir (40 e environ)<br />
qui ose, bouscule, prend ses aises. Côté boissons,<br />
la maison propose selon les saisons des<br />
jus d’Hervé Villemade, Jean-Christophe Comor,<br />
Maxime Magnon, Philippe Valette et autres vignerons<br />
signant des vins d’auteurs comme l’on parle<br />
de films d’auteurs. On aimerait retrouver cette<br />
diversité (du moins son esprit), alimentée entre<br />
autres par le fin Franck Bayard, ailleurs, mais la<br />
plupart des restaurateurs toulousains semblent<br />
avoir renoncé à l’ambition de proposer des bouteilles<br />
échappant à la standardisation industrielle.<br />
Qu’y a-t-il de familial ici ? D’abord la déco rétro,<br />
et le cadre : une petite salle au rez-de-chaussée<br />
avec notamment un billot devant le zinc où<br />
peuvent s’installer six convives, une autre salle en<br />
sous-sol avec une grande table mais aussi des<br />
recoins pour deux, sous des alcôves. Familiale<br />
encore l’ambiance. Les bises claquent, les clients<br />
se saluent. Il y a des habitués. En devenir un est<br />
le risque à courir si l’on vient à L’Air de famille.<br />
Non, pardon, pas le risque. Le privilège.<br />
L’Air de famille<br />
20 place Victor-Hugo<br />
31 000 Toulouse.<br />
M° Jean-Jaurès<br />
Ouvert du mardi<br />
au samedi à midi,<br />
du jeudi au samedi<br />
le soir<br />
Réservation<br />
très conseillée,<br />
05 61 21 93 29<br />
© Polo Garat - Odessa