ouvre-toit 16 • <strong>Spirit</strong> le CaraCtère Urbain SanS Contrefaçon aucune tartuferie ne sert de fondation à la « maison des canisses ». elle s’intègre dans la pente sans l’artifice d’une architecture qui voudrait copier-coller le style provençal. il n’empêche, elle est diablement méditerranéenne. Texte : Léa Daniel - Photos : Bernard touillon
La « maison des canisses » n’est pas le fruit du hasard. « Nous voulions faire une architecture contextuelle, se souvient Jacquier Ferrier, l’un des architectes du projet, c’est-à-dire une architecture méditerranéenne, qui tienne compte du climat, de l’orientation, du vent, de l’ensoleillement. Mais qui soit à l’opposé des pastiches nostalgiques qui, hélas, se répandent en France et notamment dans le Sud. » À y regarder de plus près, l’architecte a raison. Un mal sévit en zone méridionale. Depuis vingt ou trente ans, on assiste à la prolifération d’un « pseudo style néo-provençal qui en apparence a un lien avec la région mais qui, dans le mode de construction et dans le fonctionnement, n’est qu’un décor sans rapport avec la façon intelligente de penser une maison. » Ceci étant dit, on comprend bien vite que la « maison des canisses » n’est pas à classer dans cette catégorie-là. Elle fait, en revanche, la démonstration de la frugalité constructive, « c’est un thème qui m’intéresse beaucoup, un thème très méditerranéen » commente Jacques Ferrier. La frugalité, c’est l’économie de moyens et de matériaux au sens noble du terme. « Consommer le moins possible, c’est justement ici que commence la réflexion sur le rapport à l’environnement ». Cette maison, c’est un volume très simple, fait de briques creuses en terre cuite, un matériau facilement disponible puisque l’usine est à seulement 2 kilomètres. À l’arrivée, l’édifice résiste à la chaleur par son inertie thermique, à l’instar des mas provençaux ou des cabanes de vignes. Le volume en dur est doublé d’une enveloppe légère, celle des canisses, qui fonctionne comme un filtre et augmente les performances globales de la construction. En courant d’air L’architecte a également utilisé une technique « vieille comme le monde ». Le volume allongé est percé d’ouvertures systématiquement placées en vis-à-vis les unes des autres. Chaque pièce est donc traversée par un courant d’air qui garde la maison agréable et aérée même en été, sans aucun système de ventilation et encore moins de climatisation. En plein aprèsmidi, la masse d’air est un peu plus chaude sur la façade ouest tandis que qu’à l’est, le mur est ombré par les canisses. Se produit un différentiel de température qui suffit à créer un courant d’air extrêmement puissant. « En temps normal, des choses aussi simples ne mériteraient pas d’être évoquées. On en parle parce qu’elles ont été complètement oubliées et perdues, et j’espère que dans 10 ou 15 ans, on verra partout ces dispositifs d’orientation ». Le plan simple, est aussi là pour s’élever contre le caractère labyrinthique des petites maisons aux grands couloirs et aux portes multiples dans lesquelles on réduit considérablement l’espace. Ici, les architectes ont choisi de créer des pièces qui se commandent les unes les autres. Et, comme le couloir n’est pas vraiment matérialisé, il y a toujours la possibilité de passer par la coursive de canisses située à l’extérieur. L’espace ainsi libéré paraît plus grand. Pourquoi avoir choisi des canisses ? Du tac-au-tac, l’architecte répond : « cela fabrique de l’ombre, mais une ombre particulière, avec un effet de lumière interrompu par endroit. Cela inscrit la bâtisse dans une culture. Si je dessinais une maison à Copenhague ou dans le nord de la France, bien évidemment je ne mettrais pas de canisses. Il y a un côté culturel même dans la lumière. » Culture, le mot est lâché et l’architecte devient intarissable. Il parle du plaisir d’habiter que doit attiser l’architecture. Et là, impossible de le contredire. Le volume est construit en utilisant les techniques courantes dans la région : murs en maçonnerie de briques creuses, toiture en hourdis de terre cuite, enduit à la chaux... le toit-terrasse aide la maison à disparaître complètement dans la végétation. elle est parfaitement invisible tant que l’on n’a pas franchi le rideau de pins qui l’entoure. Fiche technique Pourquoi ? Maîtrise d’ouvrage privée Où ? L’Aude Par qui ? Jacques Ferrier avec Sandra Planchez Combien ? 100 m² et 550 000 € TTC le CaraCtère Urbain <strong>Spirit</strong> • 17