Un monastère devenu l'Abbaye (de Saint-Jacut-de-la-Mer)

UN MONASTERE
devenu L'ABBAYE

LA FONDATION
Au Vème siècle, Fracan et Gwenn
débarquent dans l'actuelle baie
de Saint-Brieuc, en compagnie de
leurs jumeaux, Jacut et
Guéthenoc

Naissance de Guénolé et
Klervie.
Les trois frères sont confiés au
sage Budoc, sur l'île Lavret, près
de Bréhat, pour leur éducation.
Les deux aînés s'installent
ensuite à Landouart (île des
Ebihens) pour y mener une vie
pénitente et retirée.
Statue de saint Budoc,
cimetière de Trégarvan
Le "four" de l'île Maudez,
près de Bréhat, premier
modèle de cellule
monastique isolée.

La fête liturgique de Saint
Jacut a lieu le 5 juillet mais sa
mémoire est célébrée le 8
février.
Sa fontaine aurait guéri
des rhumatismes
contre les possessions
et la folie.
Adoption de la
règle austère
de Saint
Colomban

L'Abbaye est mise à
sac par les Normands
Adoption de la règle
de saint Benoît
878
Départ des reliques de
Saint Jacut ;
Dépôt à Saint-Jacutles-Pins.

LA RENAISSANCE
1008
A la demande du duc Alain III de
Bretagne, l'abbé Hinguethen relève
l’abbaye de Saint-Jacut, pourvue de
terres et de rentes par donations des
grandes familles seigneuriales. La vie
monastique est restaurée.
La réforme grégorienne entend ôter la
mainmise temporelle des notables sur
les biens d’Eglise.
L’abbaye de Saint-Jacut occupe une
position privilégiée, ses abbés
participent aux conciles et tranchent
des différends.

LA CONSOLIDATION
XIIème siècle
le domaine de l’Abbaye est constitué.
L'établissement se situe au cœur du système
féodal :
• Un monastère plus modeste que les grandes
abbayes cisterciennes : 14 prieurés et 22
cures. Des possessions jusqu'à Cambridge,
avant la confiscation par les souverains
anglais.
• Jouissance de droits seigneuriaux et en
premier lieu ceux liés à la mer autour de la
presqu’île.
• un domaine agricole étendu (on en connaît
l’étendue chaque fois que l’abbé devait
rendre aveu (au changement de titulaire,
dresser la liste des possessions). L’île des
Ebihens était une garenne à lapins.
Les armes de l'Abbaye : un
champ d'argent semé
d'hermines plains

LES AMBITIONS
D'incessants conflits :
• avec d'autres établissements religieux,
• avec l'aristocratie locale,
• avec la paroisse de Saint-Jacut.
Les abbés demandent fréquemment la protection des ducs de Bretagne.
Au 15ème siècle, apogée de l’Abbaye, les abbés sont mitrés,
ont droit de haute, moyenne et basse justice, participent
aux états de Bretagne et jouent parfois un rôle politique et
diplomatique majeur.

LA COMMENDE
1471
A la mort de Bertrand de Broons, le
duc François II de Bretagne interdit
aux moines d’élire un successeur et
nomme l’abbé Etienne Milon.
= le premier abbé commendataire
qui signifie aussi un déclin
progressif du rayonnement de
l’établissement.
La rivalité entre pouvoir spirituel et
pouvoir temporel va redoubler,
finalement au détriment de
l'établissement.

Une mitre d'évêque
On doit à l'abbé
commendataire Georges du
Guémadeuc le sceau de
l'Abbaye
L'agneau symbolise le
Christ
Le triangle de gloire
contenant le mot "elohim"
qui signifie Dieu en
hébreu
Trois clous de la Croix
Un rameau de gloire
rappelle l'entrée du Christ
à Jérusalem
Le sceau se compose de deux
oves qui rappellent le rang
éminent de l'Abbé mitré

1615
L'abbé (pourtant) commendataire Pierre de
Francheville entame la réforme du monastère.
LA PROSPERITE
COMMENDATAIRE
Il s’adresse à la congrégation bénédictine de
Saint Maur. Dom Germain Morel, prieur de Saint-
Melaine à Rennes, prend en 1647 possession de
l’abbaye après rédaction d’un concordat très
précis, prévoyant notamment le relèvement des
bâtiments.
L'établissement accueille alors environ 12
bénédictins pour lesquels il fallut construire un
corps de logis. On édifia également un mur
d'enceinte, on fit des plantations pour fixer le
sable des grèves.
La vie monastique se rétablit dans sa discipline
et le silence, en plus du travail intellectuel et en
premier lieu les travaux historiques des savants
mauristes (Dom Lobineau, Dom Noël Mars).

La congrégation de Saint-Maur demeure à Saint-Jacut pendant
135 ans.
En 1758, l’Abbaye échappe de peu
au pillage des Anglais lors de leur
débarquement à Saint-Cast.

Des Mauristes célèbres…
- Dom Alexis LOBINEAU
- Dom Léger-Marie DESCHAMPS

Une reconstitution du
monastère au XIVème siècle
L'ARCHITECTURE
DU MONASTERE
Un plan du monastère, par
dom Plouvier, lors de la prise
de possession en 1647

En 1667, dom Plouvier (prieur claustral) établit deux plans
(rez-de-chaussée et étage) qui permettent d'apprécier l'effort
constructif consenti par la congrégation de Saint-Maur :

En 1690, dom Michel Germain dessine un plan
pour le Monasticum Gallicanum.

L’église abbatiale au XVIIIème siècle
Ses dimensions :
34,78m de long,
7,64m de large au bout est,
10,40m de large au bout ouest.
L’église abbatiale disposait d’un jubbé qui séparait le chœur de la nef.

Le 7 octobre 1725, l’assemblée générale des notables de la paroisse décide
la reconstruction de l’église paroissiale.
La nouvelle église paroissiale est baptisée en 1729 et bénie en 1730.
Elle sera démolie après la Seconde Guerre mondiale au profit de l'actuelle église paroissiale.

L'ORGANISATION
DU MONASTERE
Les mauristes installent une dualité de
gouvernance au monastère.
Le prieur conservait la direction spirituelle, il
partageait avec le célerier (économe) la gestion
matérielle de l’établissement, disposant des
revenus que leur laissait l’abbé, soit la moitié
(mense conventuelle). L’abbé vivait de la mense
abbatiale.
Il y avait alors une douzaine de religieux au
monastère, issus des familles nobles des environs :
• les moines de choeur,
• les frères convers (ou frères lais) qui se
consacraient surtout aux travaux manuels et
étaient d’origine sociale modeste. Les frères
convers disparurent progressivement avec la
généralisation du fermage.
Le logis abbatial devait
ressembler à ce dessin

Les moines se livrèrent à de grands travaux
agricoles (gagner sur la mer par la digue aux
moines dès le XVIème siècle) et architecturaux
puis prioritairement à la copie et l’étude dès
l'installation de la congrégation de St-Maur.
= délégation des tâches matérielles et agricoles
à des laïcs mais administration seigneuriale en
chapitre qui décide des grandes orientations
de la gestion.
Eglise de Locquenvel (Belle-Ile
en Terre) : ancien prieuré cure
de l'abbaye de Saint-Jacut où les
moines avaient installé une
léproserie. L'église a été bâtie
par les moines au XVème siècle.

La communauté des moines se compose ainsi :
• le prieur claustral,
• le sous-prieur,
• le maître des novices,
• le chantre,
• le bibliothécaire,
• le sacristain,
• l’infirmier,
• l’hôtelier,
• le procureur (chargé des intérêts temporels de la
communauté),
• le cellérier (chargé des approvisionnements),
• le secrétaire.

Les missions accomplies par les laïcs :
• fermiers,
• pêcheurs,
• tailleur et cordonnier,
• Sénéchal (juge),
• Procureur fiscal,
• Notaires (rédigent et authentifient les actes officiels, rédigent les baux),
• Sergents (apposent les scellés avant saisie, recueillent les témoignages lors
des procès, procèdent aux arrestations, recueillent les impôts),
• Greffier,
• Médecin (soignait gratuitement les pauvres)
• Boulanger,
• Cuisinier,
• Blanchisseur,
• Maréchal-ferrant,
• Palefrenier,
• Postillon,
• Jardiniers.

L’exercice de l’administration seigneuriale se pratiquait à
l’auditoire, bâtiment situé dans le village de St-Jacut
(greffe et audiences), près d’un chemin conduisant au
village de Biord.
Le monastère consacrait une part importante de ses
revenus à des oeuvres de bienfaisance et en premier lieu
les lépreux.

LA DISPARITION
DU MONASTERE
1718
L’abbaye est secouée par la crise janséniste.
Les 7 religieux et leur prieur se prononcent
sur la constitution Ungenitus Dei Filius qui
condamne le jansénisme (1713).
= les religieux se déclarent “appelants”
(contestent la constitution) mais ne furent
pas inquiétés grâce à l'intervention du
Parlement de Bretagne

En 1790, la congrégation de Saint-Maur a beaucoup
décliné, et il ne reste plus que 4 moines à l'Abbaye,
des moines étrangers à la Bretagne qui avaient fini
par "vivre bourgeoisement".
Le prieur François Huet devient curé constitutionnel
de Saint-Jacut et le frère Joseph Bourreau de Chavigny
est nommé vicaire constitutionnel à Plouer.
L’abbé Bêttaux est le premier maire de Saint-Jacut.
C'est lui qui disperse la communauté monastique
avant de fuir en Angleterre.
Le domaine est finalement vendu, en très mauvais
état, comme bien national à Joseph Delormel,
président du canton de Ploubalay. Les Chouans se
vengent en pillant ce qu'il reste de l'abbaye.

Le domaine est vendu comme bien national puis pillé.
Revendue en 1806, l'Abbaye sert de carrière.
Le porche de l’église abbatiale est installé en 1818 à
l’église de Nazareth en Plancoët.
En 1824, les pierres pour le pensionnat de la Divine
Providence à Créhen sont encore prélevées sur les
bâtiments conventuels de Saint-Jacut.

Ensuite, projet de caserne pour les douaniers qui aboutit à
la surélévation de deux étages de l'aile Abbaye mais en 1875
la congrégation de l’Immaculée rachète le domaine à la
famille Hita de Nercy, grâce à l’intervention du recteur de
Ploubalay qui en informe sa sœur, Mère Sainte-Hélène,
supérieure générale de la congrégation. Sr Sainte-Elisée est
nommée responsable de la petite communauté de l'Abbaye.
Informations et illustrations extraites, en premier lieu, des recensions publiées par les
Amis du Vieux Saint-Jacut et Dominique Brisou.

Un nouvel épisode commence...