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9 ème Festival des Heures<br />

Samedi 16 mars 2024<br />

Joseph Haydn 1732 – 1809<br />

Les Sept dernières paroles du Christ en croix<br />

Adaptation pour alto solo d’Emmanuel <strong>Haratyk</strong><br />

Emmanuel <strong>Haratyk</strong> (alto)<br />

Jacques Bonnaffé (récitant)<br />

Livret de Jean Pierre Nortel


Commandée à Joseph Haydn en 1786, les Sept dernières paroles du Christ en Croix furent d’abord<br />

écrites pour orchestre, puis réécrites pour quatuor à cordes. Une réduction pour piano en a été faite<br />

avec l’approbation de Haydn, avant qu’il ne la réécrive pour 4 voix solistes, chœur mixte et orchestre.<br />

C’est dire que le principe de l’adaptation de cette partition, au gré des ensembles qui allaient la jouer<br />

n’a rien d’iconoclaste et fut même encouragé dès son origine, par le compositeur.<br />

C’est dans cet esprit qu’Emmanuel <strong>Haratyk</strong> a adapté l’œuvre pour alto solo, sans en dénaturer ni<br />

l’esprit ni la richesse musicale.<br />

Du temps de Joseph Haydn, chacune des 7 dernières paroles du Christ, telles qu’elles sont relatées<br />

dans les Evangiles, faisait l’objet d’une monition, courte précision sur le sens de l’écriture. Au fil du<br />

temps, ces interventions ont été remplacées par des commentaires poétiques. C’est le texte de Jean<br />

Pierre Nortel, comédien et ancien aumônier des artistes, qui sera lu par l’acteur Jacques Bonnaffé.


Joseph HAYDN<br />

Les 7 dernières paroles du Christ en croix (1785-87)<br />

Emmanuel HARATYK<br />

Version pour Alto solo (2022)<br />

PRÉSENTATION


Une cinquième version des 7 Paroles de HAYDN ?<br />

« Il y a environ quinze ans, un chanoine de Cadix m'a demandé de composer une<br />

musique instrumentale sur les Sept Dernières Paroles du Christ en Croix. On avait<br />

alors l'habitude à la cathédrale de Cadix d'exécuter tous les ans, durant le carême, un<br />

oratorio dont l'effet se trouvait singulièrement renforcé par les circonstances que voici.<br />

Les murs, fenêtres et piliers de l'église étaient tendus de noir, seule une grande lampe<br />

suspendue au centre rompait cette sainte obscurité. À midi on fermait toutes les portes,<br />

et alors commençait la musique. Après un prélude approprié, l'évêque montait en<br />

chaire, prononçait une des sept Paroles et la commentait. Après quoi il descendait de la<br />

chaire, et se prosternait devant l’autel. » Haydn, en 1801.<br />

Les Sept dernières paroles du Christ en croix de Joseph Haydn, oeuvre majeure<br />

et essentielle du classicisme viennois, nous a été transmise au travers de<br />

quatre versions différentes. La version originale, commandée en 1785 à<br />

Haydn et créée en 1787 à Cadix en Espagne, a été écrite pour orchestre de<br />

chambre. Cette même année 1787, l’éditeur viennois Artaria publie deux<br />

autres versions, l’une pour quatuor à cordes, l’autre pour piano solo. Ces<br />

deux nouvelles versions sont à des degrés divers réalisées, supervisées et<br />

corrigées par Haydn lui-même. Puis en 1796, Haydn réalise une dernière<br />

version appelée oratorio ou chorale, pour solistes, chœur mixte et orchestre.<br />

« Musique purement instrumentale faite de sept sonates dont chacune dure de sept à<br />

huit minutes, avec en outre pour commencer une introduction et pour finir un<br />

"Terremoto" ou Tremblement de terre. Ces sonates sont composées d'après les paroles<br />

que le Christ notre Sauveur a prononcées sur la Croix, et adaptées à elles (…). Chaque<br />

sonate, ou plutôt chaque texte, n’est exprimé que par une musique instrumentale, mais<br />

de façon à susciter l'émotion la plus profonde dans l'âme de l'auditeur même le moins<br />

averti. » Haydn, en 1787.


D’aussi loin que sa mémoire musicale lui permet de se souvenir, Emmanuel<br />

<strong>Haratyk</strong> a une proximité forte, tout à fait unique, avec la personne et le<br />

génie de Joseph Haydn. La découverte méticuleuse et enchanteresse de<br />

chaque sonate pour piano, de chaque quatuor à cordes, a en grande partie<br />

construit et façonné sa personnalité musicale et son parcours instrumental.<br />

De longue date, il entretient et nourrit sa relation à Haydn par un intense<br />

travail d’immersion, par un dialogue intime avec son oeuvre. C’est cette<br />

relation privilégiée qui a abouti en 2022 à une transcription audacieuse et<br />

personnelle des Sept dernières paroles du Christ en croix pour alto seul. D’un<br />

extrême dépouillement humain, ne recherchant pas l’exactitude du note à<br />

note mais écoutant, au coeur même du langage haydénien, l’expression de la<br />

sacralité de l’oeuvre, cette nouvelle version des 7 Paroles se veut, en un geste<br />

humble et épuré, un hommage à Haydn.<br />

Le manuscrit de l’oeuvre originale n’a jamais été localisé, mais une rare esquisse de la main<br />

de Haydn du « Terremoto » se trouve à la Technische Universität de Darmstadt.


Création parisienne de la version Alto solo<br />

des 7 dernières paroles du Christ en croix de Joseph HAYDN,<br />

Samedi 16 mars 2024 à 12:00<br />

Festival des Heures au Collège des Bernardins.<br />

Emmanuel HARATYK, alto solo<br />

Jacques BONNAFFÉ, récitant<br />

Répétitions générales ouvertes aux professionnels:<br />

Jeudi 7 mars 2024 à 18:00 au Collège des Bernardins, Paris<br />

Samedi 9 mars 2024 à 18:00 à l’église protestante, Roubaix


« Père, oublie !<br />

Oublie ce que je fus,<br />

Oublie ce que je suis.<br />

Détourne tes yeux de moi<br />

Et ne regarde pas ceux-là<br />

Qui tirent au sort ma robe…<br />

Car ils ne savent pas<br />

Qu’elle sera déchirée.<br />

Car ils ne savent pas<br />

Qu’elle sera arrachée<br />

Comme les feuilles à la branche,<br />

Jetées aux quatre vents en milliers de morceaux. (…)<br />

Mon Père,<br />

Puisque c’est l’heure !<br />

Mon Père, pardonne leur,<br />

Car ils ne savent pas ce qu’ils font. »<br />

Le 16 mars 2024 aux Bernardins, la création instrumentale sera<br />

accompagnée d’un texte-poème de Jean-Pierre Nortel. Homme de<br />

théâtre, c’est au contact des auteurs du siècle, Antoine de Saint Exupéry,<br />

Paul Claudel, Georges Bernanos, que Nortel perçoit les premières lueurs de<br />

sa vie spirituelle, qui le conduiront au baptême puis à la prêtrise. Il devient<br />

aumônier des artistes du spectacle. C’est avec son texte écrit<br />

spécifiquement pour la musique de Haydn au début des années 1970, que<br />

son talent de poète se révèle et que son oeuvre se construit. Antérieurement<br />

incarné par Laurent Terzief et Michael Lonsdale, c’est désormais Jacques<br />

Bonnaffé qui le reprend avec toute la puissance d’expression qui le<br />

caractérise.


Emmanuel <strong>Haratyk</strong><br />

Premier Prix du Conservatoire de Paris-Cnsmdp, lauréat des concours internationaux de<br />

Florence et Vercelli, Emmanuel <strong>Haratyk</strong> a été successivement membre des prestigieux et<br />

multiprimés quatuors à cordes Anton, Castagneri et Manfred.<br />

Au sein de ces trois quatuors, il a eu une intense activité de concerts à travers le monde, et a<br />

été reçu par les plus belles salles de concerts, Concertgebow d’Amsterdam, Wigmore Hall de<br />

Londres, Casals Hall de Tokyo, Teatro Coliseo de Buenos Aires, Théâtre des Champs-Elysées<br />

de Paris... aux côtés d’artistes remarquables, Leon Fleisher, Anne Quéffelec, Jean-Claude<br />

Pennetier, François-Frédéric Guy, Xavier Phillips, Gary Hoffman, Manuel Fischer-Dieskau,<br />

Romain Guyot, Sandrine Piau, Jean-Paul Fouchécourt. Il a partagé les plus belles scènes avec<br />

les quatuors Belcea, Szymanowsky, Voce et Danel ou les musiciens de jazz Raphaël Imbert,<br />

Yaron Herman, Marion Rampal. Il a enregistré pour différents labels: Harmonia Mundi, Zig-<br />

Zag Territoires, Paraty et Lyrinx (Choc du Monde de la Musique, Grand Prix du Disque).<br />

En trois décennies il a travaillé avec acharnement et défendu un très large répertoire pour<br />

quatuor, dont l’intégralité des quatuors de Haydn, Mozart, Jadin, Beethoven, Schubert, Bartók<br />

et Chostakovitch.<br />

En soliste, il a été invité par les festivals de musique contemporaine Ars Musica de Bruxelles,<br />

Microtonal Music de Londres, Biennale de Venise, Présences de Radio France. Pendant plus de<br />

quinze ans, il a été alto solo de l’ensemble de musique contemporaine L’Itinéraire avec lequel il<br />

s’est produit dans la majorité des capitales européennes et a réalisé de nombreux<br />

enregistrements.<br />

Depuis l’année 2020, suite à l’arrêt des activités du Quatuor Manfred et après trente années<br />

passées en quatuor, Emmanuel <strong>Haratyk</strong> a développé plusieurs répertoires spécifiques autour de<br />

son instrument. Ainsi on a pu l’entendre en récital aux côtés de Jérôme Hantaï au pianoforte,<br />

Florent Boffard au piano, Vincent Warnier à l’orgue, mais aussi avec le Quatuor Tchalik dans la<br />

version alternative pour alto solo et quatuor de l’op.115 de Brahms.<br />

Emmanuel <strong>Haratyk</strong> transcrit et arrange sans cesse de nombreuses œuvres: des sonates pour<br />

alto et piano (Haydn, Beethoven, Fauré, Bridge), mais aussi des Lieder et mélodies pour voix et<br />

quatuor (Haydn, Beethoven, Schubert, Schumann, Berlioz, Fauré, Duparc).<br />

Le tout dernier album du Quatuor Manfred, Clairs de lune (2019), est consacré à ses propres<br />

transcriptions pour voix et quatuor des Nuits d’été de Berlioz et de mélodies de Fauré.<br />

Sa transcription des Nuits d ’été, particulièrement saluée par la critique, a été jouée par<br />

l’Orchestre de la Garde Républicaine en avril 2023, et a été choisie par l’Orchestre National de<br />

France pour un concert Jubilé fêtant les 90 ans de l’orchestre en mars 2024, avec Stéphanie<br />

d’Oustrac.<br />

Son dernier projet d’envergure, particulièrement audacieux et singulier, a été de réaliser durant<br />

l’année 2022, une version pour alto seul des Sept dernières paroles du Christ en croix de Joseph<br />

Haydn, qu’il joue désormais régulièrement depuis octobre 2023, seul en version instrumentale<br />

ou avec Jacques Bonnaffé, en comédien récitant.<br />

Emmanuel <strong>Haratyk</strong> joue un magnifique alto vénitien de Matteo Goffriller des années 1720.


Jacques Bonnaffé<br />

Comédien à part entière, engagé par ses choix au cinéma et sa relation aux auteurs, il est aussi<br />

metteur en scène et quelquefois conteur. Il a été dirigé au cinéma par Godard, Jean-Charles<br />

Tachela, Rivette, René Féret, Yolande Moreau, Tonie Marshall, Alain Corneau, Garel, Michel<br />

Deville, Doillon, Ducastel & Martineau, Fansten, Agnès Troublé, Martin Provost, Christian<br />

Carion… À la télévision, Rodolphe Tissot, Michel Andrieu, Hervé Ballet, Fabrice Cazeneuve,<br />

Michel Mitrani… Au théâtre avec de nombreux metteurs en scène : Christian Rist, Gildas<br />

Bourdet, Sobel, JF Peyret, Schiaretti, Alain Françon, John Berry, Véronique Bellegarde,<br />

Sandrine Anglade, Didier Bezace, Jean-Pierre Vincent, Arnaud Meunier, Denis Podalydes, Joël<br />

Jouanneau, Tiago Rodrigues… souvent dans un répertoire contemporain. Il monte aussi ses<br />

propres spectacles, où vibre la langue, se mêlent la poésie érudite, patoisante ou loufoque. Part<br />

à la rencontre des auteurs dans ses lectures publiques, banquets et performances où se côtoient<br />

jazz et littérature. Il met en scène ses projets dans la "Cie faisan", Molière 2009 pour l’Oral et<br />

Hardi. Producteur d’une émission quotidienne de poésie sur France Culture, ses occupations<br />

sont variées, pédagogiques, nombreuses. Propension à faire voisiner le grand et le petit, c’est<br />

quand il n’y a pas grand chose qu’il y a grand monde, ironisait Jacques Prévert dans Fatras.


Ecrivain, auteur dramatique, librettiste et metteur en scène, Jean Pierre Nortel était aussi homme<br />

d’église, aumônier des artistes ou il succéda au légendaire Père Carré.<br />

Baptisé à 23 ans, ordonné à 30, ce prêtre atypique, ce saltimbanque de Dieu comme il aimait à se<br />

définir, avait mis sa passion du théâtre au service de l’Evangile.<br />

Introduction<br />

Midi…<br />

L’heure chaude ou le moissonneur s’arrête<br />

Au bord du champ trop grand.<br />

Trois hommes se sont assis<br />

A l’ombre d’un figuier sans fruit ?<br />

Ils ont tiré d’une touffe d’herbes amères<br />

Leur gourde de vin tiède.<br />

Et d’un geste lent, L’un après l’autre, ils boivent…<br />

Sur chaque lèvre la même moue<br />

Et l’écœurement…<br />

Et le désir mordant de vouloir enfin se rafraîchir.<br />

Midi…<br />

L’heure passe, il est trop tard.<br />

Déjà le soleil va descendre<br />

Sur les dents acérées d’une haie de cyprès.<br />

A l’église<br />

On a tendu devant les fenêtres<br />

Où chantent les couleurs<br />

De lourds rideaux de drap noir.<br />

Les deux battants d’une porte grincent.<br />

En pivotant sur les gonds.<br />

Le portail, comme une écluse, a repoussé<br />

Le flot de lumière intense.<br />

Et maintenant que toutes les issues sont closes,<br />

On voit sortir de l’ombre<br />

- - - - - - - - - - - - - - - -


Un homme vêtu de blanc,<br />

Mince silhouette frêle comme celle d’un enfant.<br />

D’un geste de la main où scintille son anneau<br />

Il dessine dans l’espace<br />

La forme d’une croix.<br />

La foule s’ouvre en deux<br />

Et le laisse passer<br />

Tandis que disparait l’essaim des éventails.<br />

Il marche les pieds nus<br />

Sur le dallage frais ?<br />

Dans un buisson de feu,<br />

La cire d’un cierge fond<br />

Et se répand un peu.<br />

Ah… je veux te crier ma foi et mon amour<br />

Seigneur, tu es tombé trois fois sur les genoux !<br />

Qui a laissé là-bas ce coussin de velours !<br />

Maestoso et Adagio<br />

1<br />

Père, pardonne-leur,<br />

Car ils ne savent pas ce qu’ils font<br />

Père, oublie !<br />

Oublie ce que je fus, oublie ce que je suis.<br />

Détourne tes yeux de moi<br />

Et ne regarde pas ceux-là<br />

Qui tirent au sort ma robe …<br />

Car ils ne savent pas qu’elle sera déchirée,<br />

Car ils ne savent pas qu’elle sera arrachée<br />

Comme les feuilles à la branche<br />

Jetées aux quatre vents en milliers de morceaux.<br />

Père, détourne tes yeux de celui là<br />

Qui s’en va sur un sentier pierreux,<br />

Une corde à la main.<br />

Père, ne le regarde pas monter sur le chemin.<br />

Il ne sait pas que je le vois, moi,<br />

Et que tu l’aimes, Toi.<br />

Il ne sait pas que je vois,<br />

Se mêler à ses pleurs<br />

Une goutte de sang<br />

Faite d’angoisses et de sueur.<br />

Goutte qu’il m’a volée, tout à l’heure,<br />

Dans un baiser de trahison.<br />

Père, il ne sait pas ce que c’est que le pardon.<br />

Savent-ils pourquoi ils ont mis sur ma tête


Cette couronne de bouffon ?<br />

Car ils se sont costumés, Père,<br />

Pour me condamner.<br />

Ils se sont tous grimés en justiciers<br />

Comme eux, ils m’ont déguisé en roi !<br />

Et ils ne savent pas que je le suis,<br />

Que je les aime aussi,<br />

Jusqu’à n’en pouvoir plus.<br />

Non, ils ne savent pas …<br />

Père, détourne-toi de celui là<br />

Qui pleure depuis que le coq a chanté.<br />

Lui qui ne sait pas par cœur<br />

Les paroles que je lui ai confiées.<br />

Père, elle ne sait pas cette foule qui crie.<br />

Elle ne sait pas qu’elle se laisse emmurer<br />

Par la loi dont elle se réclame.<br />

Par la loi qui me condamne.<br />

Elle ne sait pas qu’elle est enchaînée<br />

Aux murailles de cette cité.<br />

Et c’est moi qu’elle a fixé,<br />

Sans savoir, sur ce bois noir.<br />

Et voilà qu’elle m’a cloué<br />

Sans raison avant le soir.<br />

Mon Père puisque c’est l’heure !<br />

Mon Père, pardonne-leur<br />

Car ils ne savent pas ce qu’ils font.<br />

Sonate 1 : Largo<br />

2<br />

En vérité je te le dis :<br />

Dès aujourd’hui tu seras avec moi<br />

Dans le paradis.<br />

Au jardin du supplice<br />

L’arbre de la mort laisse tomber ses fruits.<br />

Le peuple, en grande foule,<br />

Monte les sentiers.<br />

Long serpent qui s’enfuit<br />

Et soulève la poussière.<br />

Le peuple, en grande foule<br />

Monte les sentiers<br />

Effaçant sur le sable toute trace de pas.<br />

En haut, sur le calvaire,<br />

Jésus est là.<br />

Et avec assurance,<br />

Les chefs et les grands prêtres<br />

Ne cessent de l’injurier.


Seigneur, n’écoute plus<br />

Tu es un innocent !<br />

Mais que leur as-tu fait ?<br />

Pourquoi creusent-ils encore<br />

Des fosses devant tes pas ?<br />

Jusqu’à quand vont-ils se ruer sur toi ?<br />

Leurs lèvres sont des épées.<br />

Dans toutes leurs paroles ils ont caché des pièges ?<br />

Jusqu’à quand leur cœur rester a-t-il fermé ?<br />

C’était hier pourtant qu’ils chantaient Hosannah<br />

Ils ont trébuché sur les rameaux fanés.<br />

Deux larrons attachés près de lui,<br />

Partagent sur le bois l’effroyable supplice.<br />

L’un d’eux, en vomissant sa haine,<br />

Fais rire les soldats.<br />

Compagnons de misère, dit l’autre :<br />

Je suis l’homme du mauvais chemin.<br />

Et je ne savais pas comment trouver le tien.<br />

J’espérais, mais comment croire<br />

Que tu viendrais vers moi.<br />

Non, je ne savais pas<br />

Que la mort nous traquait<br />

Pour nous faire partager l’effroyable peine.<br />

Jésus, toi l’innocent,<br />

Souviens-toi de moi, l’infâme<br />

Quand tu seras dans ton royaume,<br />

Sauve à jamais mon corps et mon âme.<br />

En vérité je te le dis,<br />

Tu seras avec moi dès aujourd’hui,<br />

Dans le paradis.<br />

Sonate 2 : Grave et Cantabile<br />

III<br />

Mère, voici ton fils<br />

Et toi, Jean, voici ta mère<br />

Les oliviers maraudaient<br />

Quelques traits de lumière<br />

Aux premiers rayons du soleil<br />

Et Marie suivait l’ombre<br />

En passant dans le jardin.<br />

Elle avait coupé des iris<br />

En revenant de la fontaine<br />

El les fleurs étaient sur son bras<br />

Comme un falot bleu dans l’aube.<br />

La jarre, encore mouillée


Qu’elle portait sur la tête<br />

Lançait au petit jour des perles étincelantes.<br />

Sous la tiare de terre,<br />

Reine de ce matin clair,<br />

Elle souriait tendrement.<br />

Mais ils sont venus la chercher.<br />

Très vite ils l’ont emmenée<br />

Et le bouquet qu’elle avait cueilli<br />

Sous les pas s’est écrasé.<br />

L’eau s’est répandue dans l’allée poudreuse<br />

Et la terre chaude a bu jusqu’à la dernière goutte.<br />

Depuis elle a erré.<br />

De rues en rues cherchant l’endroit,<br />

De rues en rues, cherchant pourquoi !<br />

Avec la foule mais sans la voir,<br />

Elle s’est noyée dans les eaux noires<br />

Au labyrinthe de la peur.<br />

Et voici que Marie aborde<br />

Le lieu perdu des solitudes.<br />

Ou son fils, honni du peuple,<br />

Sous son écriteau qui le fait roi,<br />

Meurt cloué comme un scélérat.<br />

Elle a laissé un instant les femmes<br />

Qui jusque-là ont guidé ses pas.<br />

Elle a laissé un instant ceux-là,<br />

Qui prient et pleurent dans leurs genoux<br />

Et en tendant les bras vers la croix,<br />

Marie se tient debout.<br />

Ma mère, ouvre les yeux<br />

Et voit cet enfant pâle qui s’approche de toi.<br />

Tous mes compagnons se sont écartés de mes plaies.<br />

Mes amis se tiennent à l’écart<br />

Mais lui, le bien aimé, qui ne connait pas l’issue de ce chemin<br />

Accepte de passer le ravin du silence.<br />

Fais quelques pas mon frère,<br />

Et viens plus près encore te blottir dans la paix<br />

Sur le cœur de ta mère.<br />

Oh ! Que la tendresse est un baume apaisant !<br />

La porte de la maison est restée grande ouverte.<br />

Il ne faut pas chercher dans les lieux vides.<br />

Femme, voici le fils qui veillera sur toi.<br />

Mère, voici le fils qu’il te faudra conduire.<br />

Jusqu’au bout du chemin où s’en vont les navires<br />

Toutes voiles dehors et remplies de semences.<br />

La porte de la maison, est restée grande ouverte.<br />

Voici devant vous l’immense étendue<br />

Et les vagues sans nombre sous des vents en furie


Qui poussent la voilure.<br />

Mère, voici ton fils,<br />

Et toi, Jean, Voici ta mère.<br />

Sonate 3 : Grave<br />

IV<br />

Mon Dieu, mon Dieu<br />

Pourquoi m’as-tu abandonné ?<br />

Père, une prière vient blesser mon cœur.<br />

Elle dit ce supplice odieux.<br />

Je suis nu comme un ver<br />

Et non plus homme.<br />

Elle dit,<br />

Ils tirent au sort ma tunique<br />

Ils se partagent mes habits.<br />

Elle dit encore :<br />

Ils ont percé mes mains et mes pieds.<br />

Tous mes membres se disloquent.<br />

David avait déjà chanté pour moi<br />

Ce chemin de détresse qui conduit à la gloire.<br />

Père, écoute-moi<br />

Car je t’implore en vain et le jour va finir.<br />

Ne me laisse pas entrer dans la nuit<br />

Sans répondre à mon appel.<br />

Mes oreilles bourdonnent de tant de bruits.<br />

Il y a cent bouches<br />

Qui vomissent des mots affreux.<br />

Père, Fais taire ceux qui s’attroupent !<br />

Et me cernent.<br />

Fais que je n’entende plus leurs cris.<br />

Pousse la clameur qui ouvrira la brèche<br />

Dans ce rempart de haine<br />

Et déverse ton silence.<br />

Qu’il jaillisse !<br />

Qu’il déferle, avant que les ténèbres<br />

Submergent mes oppresseurs<br />

Pour que tu puisses entendre<br />

La plainte de mon cœur<br />

Et que ta parole fasse lever<br />

Le jour qui vient.<br />

Père, vois ma détresse<br />

Fais de ce monde cesser le vacarme qui éclate !<br />

Que ton souffle plane sur les eaux profondes<br />

De cet océan de mots engloutis.<br />

Que vienne la silencieuse nuit.


Que je n’entende plus<br />

Ces cris de détresse et de colère.<br />

J’ai beau implorer le secours<br />

Mon salut reste loin.<br />

Et tu ne me réponds pas.<br />

La nuit vient, je m’en remets à toi.<br />

Mais laisse-moi te prier une dernière fois :<br />

Mon Dieu, mon Dieu,<br />

Pourquoi m’as-tu abandonné ?<br />

Sonate 4 : Largo<br />

V<br />

J’ai soif<br />

Ces mains que je vous ai tendues<br />

Par-delà les abimes<br />

Qui nous séparaient ;<br />

Ces mains, vous les avez clouées,<br />

Face à vous pour l’éternité.<br />

O mon peuple<br />

Pourront-elles avant que vienne l’heure,<br />

Implorer votre pitié ?<br />

Fils et Filles de Jérusalem<br />

Cessez de serrer les poings,<br />

Ouvrez vos mains comme autrefois,<br />

Rassemblez-les les paumes tournées vers le ciel<br />

Et que la source d’eau vive<br />

S’y répande en abondance ;<br />

J’ai soif…<br />

O mon peuple, dans le creux de tes mains<br />

Je veux boire à mon tour.<br />

L’heure vient.<br />

Je vois six jarres de pierre<br />

Toujours tachées de vin.<br />

J’ai soif …<br />

Un homme traverse la rue,<br />

Il porte une cruche d’eau,<br />

Pour le lavement des pieds.<br />

C’est la Pâque, mais il ne sait pas<br />

Que des ombres le suivent.<br />

Sur le seuil de la maison où il est entré,<br />

On vient jeter de l’eau souillée


Par la terre des chemins.<br />

L’heure est venue.<br />

J’ai soif.<br />

Une femme étrangère, égarée près d’un puits,<br />

Ecoute sans dire un mot<br />

Chanter la corde de la poulie.<br />

« Donne-moi à boire ! »<br />

Il y a dans mon corps un feu dévorant.<br />

Quelque chose dans ma chair<br />

Que je ne peux supporter<br />

Et qui se consume.<br />

J’ai soif …<br />

Ont-ils entendu mes paroles ?<br />

J’ai soif …<br />

Mon palais me brûle, et le son de ma voix<br />

Ne monte plus jusqu’à mes oreilles.<br />

J’entends crépiter l’incendie<br />

De toutes les clameurs<br />

Et ma langue est comme la cendre.<br />

Les yeux que j’avais,<br />

Mon Dieu pour te contempler,<br />

Quelqu’un les a crevés.<br />

C’est la nuit.<br />

J’ai soif …<br />

Et je désire boire encore<br />

A la source tarie de ma vie humaine.<br />

Ont-ils entendu mes paroles ?<br />

Une femme étrangère, égarée près d’un puits,<br />

Ecoute sans dire un mot<br />

Chanter la corde de la poulie.<br />

J’ai soif …<br />

Sonate 5 : Adagio<br />

VI<br />

Tout est accompli<br />

La foule en vagues successives<br />

Roule sa dernière écume d’injures<br />

Et la marée des cris qui se retirent<br />

Emporte la tempête.<br />

Le jour s’en va …<br />

Un dernier rayon de lumière<br />

Se pose comme un doigt<br />

Sur le corps disloqué de l’homme en croix.


Voici l’Agneau, l’innocent<br />

Voici celui qui porte le lourd fardeau de nos crimes.<br />

Et maintenant que le tumulte a cessé,<br />

Il se souvient …<br />

Il se rappelle les paroles du désert<br />

Et le cri du prophète au-delà du Jourdain.<br />

L’heure vient.<br />

Le fils perdu va rentrer sous la tente noire.<br />

L’enfant blessé est attendu par le Père.<br />

Allons c’est l’heure …<br />

Un dernier rayon de lumière<br />

Effleure au passage la lance d’un soldat<br />

Et se dépose sur le cœur de l’homme en croix.<br />

Voici l’endroit.<br />

Cieux, ouvrez-vous,<br />

Terre, soulève-toi.<br />

Que le soc de ton créateur<br />

T’éventre et te retourne ;<br />

C’est l’heure.<br />

Que les déserts s’entrouvrent<br />

Et s’abreuvent d’eau vive,<br />

Que le rocher frappé du bâton<br />

Ouvre à nouveau son flanc ;<br />

Et que de sa blessure<br />

Un fleuve intarissable emporte le vieux monde.<br />

Que manque-t-il encore<br />

Avant que vienne l’aube ?<br />

Le fils est rentré sous la tente noire.<br />

Le Père lui tend les bras et lui donne un baiser.<br />

Oubliez à jamais son visage sans beauté<br />

Et souillé de crachats.<br />

Les serviteurs sont prêts et viennent pour le laver,<br />

Celui qui s’en revient était bien fils de Roi.<br />

Marie de Magdala,<br />

Te souviens-tu pourquoi tu l’avais parfumé ?<br />

Que manque-t-il encore avant que vienne l’aube ?<br />

Jésus le sait bien<br />

Pour avoir mesuré, pierre à pierre, le chemin.<br />

Laboureur épuisé qui se lève à l’aurore,<br />

Sous le dernier rayon il offre sa poitrine<br />

Et dans un dernier souffle tandis que vient la nuit,<br />

Ses lèvres balbutient en redoutant la mort :<br />

Tout est accompli


Sonate 6 : Lento<br />

VII<br />

Père, entre tes mains<br />

Je remets mon esprit<br />

Les dernières plaintes se cognent aux ténèbres<br />

Comme aux murs des prisons.<br />

Un soldat ose encore approcher du lieu fou.<br />

Il attache une éponge au bois de son javelot<br />

Et très vite, avant qu’il ne soit trop tard,<br />

Il verse le vinaigre.<br />

Jésus pose ses lèvres sur cette offrande acide<br />

Et il sent que son corps se déchire et s’écroule.<br />

Au temple, le rideau s’ouvre par le milieu.<br />

On le croyait sans force à cause de trois clous.<br />

Personne ne mettra plus de bâillon sur sa bouche.<br />

Sa voix chante et résonne<br />

Et le bois de la croix en prolongeant ses mains<br />

Font de lui le héraut aux trompettes d’airain.<br />

Frères, je suis venu<br />

Je suis là, je reviens.<br />

Au-dessus des murailles que les hommes ont dressées,<br />

S’élèvera la lumière que Jésus veut poser.<br />

Il penche alors la tête vers le lieu qui s’enfuit<br />

Et en donnant sa vie pousse son dernier cri :<br />

Père, entre tes mains<br />

Je remets mon esprit.<br />

Sonate 7 : Largo<br />

Mais on retient déjà les mots de feu<br />

Proclamés dans la Ville que le peuple écoute<br />

Que les partisans écoutent afin de s’en souvenir.<br />

Ses dernières paroles déclenchent des éclairs<br />

Tandis que la terre tremble,<br />

Et que les ténèbres vont enfanter le jour.<br />

Mais c’est le mot « Pardon « qu’emporte le tonnerre.<br />

Le Tonnerre<br />

Presto avec toute la force


Pour tout savoir :<br />

Collège des Bernardins<br />

9 ème Festival des heures<br />

Vendredi 15 et Samedi 16 mars 2024<br />

Vendredi 15 Mars 20h<br />

Jean Sébastien Bach<br />

Passion selon St Jean BWV 245<br />

300 ème anniversaire de sa création (vendredi saint 1724)<br />

Ian Bostridge (Evangéliste, Ténor)<br />

Maîtrise de Notre Dame de Paris<br />

Orchestre National d’Auvergne / Rhône-Alpes<br />

Direction : Henri Chalet<br />

Samedi 16 mars 12h<br />

Joseph Haydn<br />

Les Sept dernières paroles du Christ en croix<br />

Version inédite pour Alto solo<br />

Livret de Jean Pierre Nortel<br />

Emmanuel <strong>Haratyk</strong> (alto)<br />

Jacques Bonnaffé (récitant)


Samedi 16 mars 15h<br />

G.B. Pergolèse Stabat Mater<br />

La Conversion de Saint Guillaume<br />

(Ouverture)<br />

Pauline Jolly, soprano<br />

Myrianne Fleur, mezzo-soprano<br />

Les Paladins<br />

Direction : Jérôme Correas<br />

Samedi 16 Mars 17h<br />

Joseph Haydn<br />

Les Sept dernières paroles du Christ en croix<br />

Version pour quatuor à cordes<br />

Quatuor Tchalik<br />

RP Jean Baptiste Arnaud (monitions)


Samedi 16 Mars 18h30<br />

Entre Ciel et Terre, le chant du Poète<br />

Salon musical et littéraire : Poèmes et musique autour de<br />

François Cheng<br />

Didier Sandre (sociétaire de la Comédie Française) : récitant<br />

Thierry Escaich (de l’Institut) : piano<br />

Samedi 16 mars 20h30<br />

Franz Liszt Via Crucis<br />

Gabriel Fauré Requiem<br />

Agathe Boudet (soprano)<br />

Pierre Barret-Memy (baryton)<br />

Louis-Noël Bestion de Camboulas (orgue)<br />

Ensemble Aedes<br />

Direction : Mathieu Romano

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