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Corner Magazine #11

Pour bien démarrer l'année et mettre tous les aspects tactiques de notre côté, nous avons profité de la trêve hivernale pour rencontrer Fabio Celestini, l'actuel entraîneur du FC Bâle, qui nous parle de sa méthode. Ce numéro de Corner Magazine est placé sous le signe de la rencontre et de l'Italie, avec les découvertes de Natan Girma qui brille en Serie B, de Giuseppe Sanino, le «Mister promotion» du FC Paradisio, et du Suisse qui cartonne en Serie A, Dan Ndoye. Et, comme à notre habitude, nous ne nous sommes bien sûr pas arrêtés là. Bonne lecture.

Pour bien démarrer l'année et mettre tous les aspects tactiques de notre côté, nous avons profité de la trêve hivernale pour rencontrer Fabio Celestini, l'actuel entraîneur du FC Bâle, qui nous parle de sa méthode.

Ce numéro de Corner Magazine est placé sous le signe de la rencontre et de l'Italie, avec les découvertes de Natan Girma qui brille en Serie B, de Giuseppe Sanino, le «Mister promotion» du FC Paradisio, et du Suisse qui cartonne en Serie A, Dan Ndoye.

Et, comme à notre habitude, nous ne nous sommes bien sûr pas arrêtés là.

Bonne lecture.

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CORNER<br />

NATAN GIRMA<br />

La révélation suisse de<br />

Serie B<br />

DAN NDOYE<br />

Le Vaudois s’éclate en<br />

Italie<br />

FREIBURG<br />

Une destination à la<br />

mode pour les jeunes<br />

suisses<br />

JANVIER 2024 <strong>#11</strong>


L’ÉDITO<br />

La Super League perd ses deux meilleures gâchettes.<br />

Ils étaient en fin de contrat en juin<br />

2024 et aucun des deux joueurs ne<br />

jugeait opportun de prolonger dans<br />

leurs clubs respectifs, chacun pour des<br />

raisons différentes. Chris Bedia et Jean-<br />

Pierre Nsame ont tous deux quitté la<br />

Suisse cet hiver, laissant un vide<br />

important dans notre championnat,<br />

étant les deux meilleurs buteurs du<br />

premier tour.<br />

D'un côté, la révélation servettienne<br />

que de nombreux suiveurs du football<br />

suisse voulaient voir à Young Boys, et<br />

de l'autre, la légende qui devait finir sa<br />

route là où la belle histoire avait<br />

commencé: au Servette FC.<br />

Finalement, ils ont préféré ou ont dû<br />

partir à l'étranger. Bedia relève le défi<br />

berlinois sans l'oncle Urs. Il fera tout<br />

pour ne pas suivre les traces d'un<br />

ancien meilleur buteur de Super<br />

League, Jordan Siebatcheu. La tâche<br />

s'annonce ardue, car le club allemand<br />

n'offre pas les mêmes perspectives<br />

offensives que le jeu genevois.<br />

Quant à "JP", lui, il retourne en Italie,<br />

plus proche de la Suisse cette fois,<br />

mais en Serie B. Aucun défi n'est trop<br />

grand pour Nsame, qui souhaite<br />

retrouver le plaisir d'évoluer dans un<br />

environnement sain avec un<br />

entraîneur qui compte sur lui. La<br />

page Young Boys se tourne à moitié<br />

déchirée. Depuis 2017, il y a bien sûr<br />

eu des hauts, mais également des<br />

coups bas. Entre transferts avortés,<br />

coups de pression et descente dans<br />

la hiérarchie, les souvenirs de<br />

l'attaquant camerounais se<br />

mélangeront lorsqu'il évoquera le<br />

club bernois.<br />

Cependant, pour les fans et le<br />

championnat, le vide laissé par leur<br />

départ est difficile à combler. En effet,<br />

sans Bedia et Nsame, et à l'aube de la<br />

20ème journée, le meilleur buteur de<br />

la Super League est coincé à 9 unités.


SOMMAIRE<br />

Fabio<br />

CELESTINI<br />

LA MÉTHODE À SUCCÈS<br />

BUNDESLIGA<br />

Freiburg. Un club plutôt méconnu<br />

en Suisse romande, mais qui attire de<br />

nombreux jeunes suisses chaque<br />

année. Découvrez comment et<br />

pourquoi ce modeste club de<br />

Bundesliga met la main sur nos<br />

jeunes talents.<br />

Alors qu'il a battu des records en<br />

2023, le mercato d'hiver demeure un<br />

sujet de controverse. Et si ce marché<br />

profitait surtout aux agents et aux<br />

clubs riches ?<br />

NATAN GIRMA<br />

L’INTERVIEW<br />

EXCLUSIVE<br />

Ils ont eu entre leurs mains Isaac<br />

Schmidt, Anel Husic, Loris Mettler,<br />

Andi Zeqiri, ou encore Denis Zakaria.<br />

Peak Performance connaît une<br />

ascension fulgurante dans le monde<br />

de la préparation physique. À l'heure<br />

de l'inauguration de leur nouveau<br />

centre, nous les avons rencontrés.<br />

Son but contre l'Inter Milan a fait le<br />

tour de l'Italie (et pas que). Un mois<br />

après cet exploit, Daniel Romano,<br />

journaliste chez blue Sport, a<br />

retrouvé Dan Ndoye. L'international<br />

suisse est comme un poisson dans<br />

l'eau dans son nouveau club, avec<br />

lequel il nourrit de belles ambitions.<br />

TALENT DE DEMAIN<br />

C'est sûrement l'un des joueurs de<br />

Super League les plus clivants: Ardon<br />

Jashari fait constamment parler de<br />

lui en dehors du terrain. Mais dans le<br />

rectangle vert, le Lucernois met tout<br />

le monde d'accord.<br />

Véridique : un ancien entraîneur de<br />

Premier League dirige actuellement<br />

une équipe de Promotion League.<br />

Connu pour être le spécialiste des<br />

promotions, Giuseppe Sanino ne<br />

manque pas d'ambitions.


#JOUEZSPORT<br />

Qui sera dans le<br />

Championship Group?<br />

La minute<br />

JouezSport<br />

C'est la nouveauté de cette année et<br />

l'objectif de plusieurs clubs: atteindre<br />

le Championship Group de la Super<br />

League, ce qui va permettre de viser<br />

les places européennes et le titre de<br />

champion de Suisse. On le sait, les six<br />

premiers du championnat se<br />

disputeront un dernier tour épique.<br />

Mais qui seront les six clubs à pouvoir<br />

se disputer le haut du tableau ?<br />

Sauf catastrophe industrielle, quatre<br />

équipes semblent être dans le bon<br />

wagon et ne devraient pas vraiment<br />

avoir besoin de regarder ce qui se<br />

passe autour de la septième place:<br />

Young Boys, bien sûr, Saint-Gall,<br />

Zurich et Servette.<br />

C'est ensuite que ça se corse. Lugano<br />

et Lucerne, respectivement<br />

cinquième et sixième avant la 20e<br />

journée de championnat, ont mal<br />

démarré cette reprise avec une<br />

défaite pour les deux équipes. De<br />

quoi voir la menace d'Yverdon et<br />

Winterthur s'accentuer, et dans une<br />

moindre mesure celles de Lausanne,<br />

Grasshopper et Bâle.<br />

Malgré son regain de forme, la<br />

sixième place semble trop loin pour<br />

le FC Bâle, et Lausanne n'aura pas la<br />

régularité nécessaire. Grasshopper,<br />

en plein chamboulement, continuera<br />

de perdre des points trop importants<br />

dans cette course. Il reste donc deux<br />

outsiders pour venir embêter les<br />

deux équipes FCL: Yverdon et<br />

Winterthur. Le mercato agité<br />

d'Yverdon permettra au club nordvaudois<br />

de voir chaque victoire<br />

comme un pas de plus vers l'objectif<br />

du maintien en Super League, mais<br />

son avenir se jouera dans le<br />

Relegation Group. Même constat<br />

pour Winterthur, qui souffre<br />

beaucoup trop en déplacement<br />

(comme Yverdon) pour espérer<br />

mieux.<br />

Amis parieurs, vous pouvez arrêter les<br />

compteurs. Les six premières équipes<br />

à la veille de la 20e journée seront<br />

celles qui composeront le<br />

Championship Group!


REPORTAGE<br />

Fabio<br />

CELESTINI<br />

DÉCRYPTAGE D’UNE<br />

MÉTHODE À SUCCÈS


«JE SUIS UN ENTRAINEUR<br />

CAPABLE DE DÉVELOPPER<br />

LES JEUNES JOUEURS»<br />

Presque partout où le coach Fabio Celestini passe, cela rime avec succès.<br />

L’entraîneur vaudois de 48 ans avait déjà remporté une Coupe de Suisse et<br />

disputé la phase de groupes de l’Europa League alors qu’il n’avait pas encore<br />

entraîné une équipe «cador» du championnat suisse. Aujourd’hui au FC Bâle,<br />

Fabio Celestini entend faire perdurer la légende. Pour cela, l’ancien joueur de<br />

l’Olympique de Marseille ou de Getafe peut compter sur une méthode à<br />

succès basée sur deux piliers importants : l’exigence et le travail. Nous avons<br />

profité de la trêve hivernale pour le rencontrer. Découvrez la «méthode<br />

Celestini», un coach aux idées et à l’exigence du plus haut niveau dans le corps<br />

d’un entraîneur de Super League.<br />

RÉDACTION: JULIEN MORET<br />

PHOTOS: EDI KINGORI<br />

Tout d’abord, Fabio, quelle est ta<br />

référence footballistique?<br />

En tant que joueur, j'ai eu la chance<br />

de jouer contre les meilleurs, tels que<br />

Ronaldo, Cristiano, Ronaldinho,<br />

Rivaldo, Beckham, etc. Ces souvenirs<br />

sont fantastiques, et ces joueurs<br />

étaient incroyables. Sur le plan<br />

personnel, je pourrais dire Zinedine<br />

Zidane qui est une personne que<br />

j'apprécie beaucoup. J'ai également<br />

côtoyé Ronaldinho, qui était un<br />

footballeur d'exception. Le fait que<br />

les deux m'aient également apporté<br />

sur le plan personnel fait que je garde<br />

un souvenir particulier d'eux.<br />

En tant que coach, le Barça de Pep<br />

Guardiola m'a inspiré, comme<br />

beaucoup d'autres. Il est arrivé à un<br />

moment charnière avec une nouvelle<br />

idée de jeu basée sur la possession et<br />

l'envie de construire depuis l'arrière.<br />

Cependant, j'ai également beaucoup<br />

d'admiration pour quelqu'un comme<br />

Diego Simeone, qui parvient année<br />

après année à motiver ses joueurs, à<br />

les faire se battre pour lui et à tout<br />

donner sur le terrain. Quand tu vois la<br />

renaissance de garçons comme<br />

Antoine Griezmann ou Alvaro Morata,<br />

c'est aussi une facette du métier qui<br />

m'inspire.<br />

Pour mieux comprendre ta<br />

méthode, il faut d’abord<br />

comprendre ta vision. Quelle est ta<br />

vision du football en tant<br />

qu’entraineur?<br />

Dominer son adversaire est l'objectif<br />

principal pour moi. Je veux que mon<br />

équipe domine, que ce soit avec ou<br />

sans le ballon. Cela signifie que c'est à<br />

mon équipe de décider où nos<br />

adversaires peuvent nous attaquer,<br />

nous décidons des espaces. Avec le<br />

ballon, j'apprécie un football<br />

ambitieux où l'équipe est capable de<br />

réaliser diverses actions, disposant<br />

d'une large palette d'idées, car nos<br />

adversaires nous proposent chaque<br />

week-end quelque chose de<br />

différent.<br />

Pour moi, le métier d'entraîneur ne se<br />

limite pas à donner des ordres aux<br />

joueurs, c'est plutôt leur donner des<br />

principes de jeu, leur fournir un cadre


général. C'est un peu comme s'ils<br />

étaient devant un tableau blanc, et<br />

que ton rôle est de leur fournir le<br />

matériel avec des pinceaux, des<br />

couleurs et une idée générale.<br />

Ensuite, c'est à eux de peindre le<br />

tableau. La grande difficulté réside<br />

dans le fait que ce n'est pas à un seul<br />

joueur de le faire, mais à 21, 22 ou 23.<br />

Tous doivent réussir, trouver leur rôle,<br />

même si, à certains moments,<br />

l'entraîneur n’a besoin que de «11<br />

d'entre eux».<br />

Le métier d'entraîneur est particulier<br />

car tu dois transmettre une idée<br />

footballistique à tes joueurs et<br />

développer la capacité pour qu'ils en<br />

fassent leur propre interprétation. Ils<br />

ne doivent pas simplement faire ce<br />

que je dis, mais réussir à interpréter<br />

mes idées. C'est pourquoi "mon<br />

Lausanne" ne ressemble pas à "mon<br />

Lucerne" ou à "mon Lugano". Ce sont<br />

des équipes avec les mêmes idées,<br />

mais une interprétation<br />

complètement différente. Les clubs<br />

ne sont pas dans la même région,<br />

n'adoptent pas la même philosophie<br />

et n'ont pas les mêmes<br />

caractéristiques.<br />

Le plaisir, le jeu, être conquérant<br />

sur le terrain sont des ambitions qui<br />

ne sont pas toujours une réalité<br />

pour un entraineur. Il y a l’autre<br />

aspect: déjouer l’adversaire, gagner<br />

le match sur l’aspect tactique.<br />

Comment trouve-t-on le juste<br />

équilibre entre tout ça pour ne pas<br />

tomber dans des aspects trop<br />

complexes pour les joueurs?<br />

Par le passé, j'ai été un spécialiste de<br />

la volonté de tout gérer, tout<br />

contrôler. Cependant, c'est<br />

impossible, absolument impossible. Il<br />

faut trouver pour chaque groupe son<br />

niveau d'affinité. Pour certains, il y a<br />

un besoin d'être plus analytique, plus<br />

détaillé; pour d'autres, moins. La<br />

liberté est une notion importante. Il<br />

faut aussi prendre en compte que<br />

chaque joueur a une carte mémoire<br />

footballistique qui ne va retenir qu'un<br />

certain niveau d'information.<br />

Aujourd'hui, en groupe, je vais plutôt<br />

donner la "big picture". Les principes<br />

À l'époque, je pouvais<br />

être extrêmement<br />

frustré quand je<br />

sortais d'un<br />

entraînement<br />

imparfait. Aujourd'hui,<br />

je me dis que cela va<br />

me permettre<br />

d'améliorer l'équipe!<br />

de base: comment se comporter sur<br />

le terrain, comment utiliser la largeur,<br />

comment aborder les duels, des<br />

éléments très simples. Je garde la<br />

partie plus "complexe" pour les<br />

séances individuelles, qui sont aussi<br />

un moment d'échanges important<br />

avec les joueurs.<br />

Concernant l’aspect technicotactique,<br />

comment le travailles-tu<br />

quotidiennement à l’entrainement?<br />

Et comment a-t-il évolué au fil de ta<br />

carrière d’entraineur?<br />

J'ai appris à être plus «Suisse». À<br />

l'époque, je pouvais être<br />

extrêmement frustré quand je sortais<br />

d'un entraînement imparfait.<br />

Aujourd'hui, c'est l'inverse. Cela va me<br />

permettre d'améliorer l'équipe. J'ai<br />

eu la chance de faire carrière en<br />

Espagne où j’ai appris beaucoup de<br />

choses sur le football, même si j’ai<br />

également vécu de grands moments<br />

avec l'Olympique de Marseille. J'ai<br />

commencé mes diplômes en<br />

Espagne, ensuite en Suisse et j’ai pu<br />

finir les deux plus importants en<br />

Italie. L'Italie, c’est la folie en termes<br />

tactiques et analytiques ! On ne cesse<br />

de répéter les actions défensives et<br />

l'organisation du jeu. Je pense qu'au<br />

début de ma carrière d'entraîneur,<br />

Photo: USG


étant jeune, j'ai abusé de ces séances.<br />

On pense que c'est la bonne<br />

approche pour maîtriser les éléments<br />

du match. On va créer des situations<br />

pour assurer le placement, donner<br />

des consignes, couvrir un maximum<br />

de cas pour éviter l'effet de surprise.<br />

Le problème, c'est que dans un<br />

match, il y a tellement d'autres<br />

paramètres : l'ambiance, les<br />

émotions, le dynamisme, etc. Je me<br />

suis rendu compte que je devais<br />

préparer ces situations par le jeu. On<br />

peut répéter les gammes pendant 10,<br />

15 minutes, mais ensuite, il faut<br />

travailler d'autres aspects,<br />

notamment mentaux, pour répondre<br />

aux besoins que l'on aura sur le<br />

terrain. La gestion des émotions, par<br />

exemple, consiste à réussir à<br />

Tu es réputé pour ton exigence<br />

envers les joueurs. Peux-tu décrire<br />

cette exigence? Comment se<br />

traduit-elle au quotidien et sur le<br />

long terme?<br />

Essayer, encore et encore. Je suis<br />

extrêmement exigeant avec moimême<br />

et chaque jour, j'essaie<br />

d'apprendre des choses nouvelles.<br />

Chaque jour, je me remets en<br />

question. J'attends la même chose de<br />

mes joueurs. Je crois que je suis ainsi<br />

en tant qu'entraîneur parce que<br />

j'étais comme cela en tant que<br />

joueur. J'avais des qualités, mais<br />

surtout un mental d'acier et une soif<br />

d'apprendre en permanence. Si j'ai<br />

réussi à faire la carrière que j'ai faite,<br />

c'est grâce au travail. Il faut avoir cette<br />

mentalité. Je ne supporte pas un<br />

joueur qui fait une passe pour faire<br />

Je ne supporte pas un joueur qui fait une passe pour<br />

faire une passe. Il faut avoir la volonté de gagner, à<br />

chaque match, chaque entraînement.<br />

performer sous n'importe quelle<br />

pression, dans n'importe quel milieu.<br />

Si tu veux atteindre les sommets, c'est<br />

un élément clé de la réussite. La<br />

gestion du stress est fondamentale.<br />

Et aujourd'hui, je pense que les<br />

nouvelles générations ont un<br />

avantage à ce niveau par rapport aux<br />

anciennes générations comme la<br />

mienne. Ils sont confrontés très<br />

jeunes à beaucoup plus d'épreuves,<br />

ce qui fait que cette faculté s'acquiert<br />

plus facilement. Ils sont mieux<br />

préparés. Par contre, je pense que<br />

notre génération était plus<br />

"instinctive". Nous apprenions le<br />

football dans la rue. Nous jouions<br />

toujours au foot. Le sport en club ne<br />

représentait qu'une petite partie de<br />

notre jeu. Le club nous offrait un<br />

cadre, mais le jeu s'apprenait dehors.<br />

Aujourd'hui, c'est différent.<br />

une passe. Il faut avoir la volonté de<br />

gagner, à chaque match, chaque<br />

entraînement. C'est ainsi que l'on<br />

progresse. Cette exigence a été<br />

bénéfique partout où je suis passé,<br />

car j'ai pu trouver des joueurs,<br />

notamment des jeunes, qui avaient<br />

cette mentalité. Je me qualifie<br />

volontiers comme un entraîneur<br />

capable de développer les jeunes<br />

joueurs, et j'aime cela. Je ne parle<br />

même pas de résultats et de gagner<br />

des matchs, mais de développement.<br />

C'est ma marque de fabrique. J'aime<br />

ce travail, cette relation avec les<br />

joueurs. Bien sûr, il y a des moments<br />

de doute, des moments plus difficiles.<br />

Mais mon objectif est de sortir<br />

chaque joueur de sa zone de confort.<br />

Je leur dis toujours qu'une carrière<br />

dure 10 ans. Il n'y a pas de temps à<br />

perdre. On s'entraîne deux ou trois<br />

heures par jour, et j'essaie donc de<br />

profiter de ce temps au maximum<br />

pour les pousser à se surpasser.


Est-ce que le fait d’avoir été joueur<br />

de haut niveau aide à être<br />

respecté?<br />

Oui. Être dans un vestiaire de haut<br />

niveau, dans un grand stade, jouer un<br />

match de Ligue des Champions<br />

contre des joueurs qui sont les plus<br />

forts au monde, c'est une sensation<br />

qu'il faut vivre pour mieux la<br />

comprendre. Cela facilite les<br />

échanges. Cependant, étant donné<br />

que j'étais joueur, ils ne peuvent pas<br />

me la faire. Donc, c'est à double<br />

tranchant. De mon côté, j'essaie de<br />

ne pas les embêter sur des choses<br />

qui m'auraient embêté à l'époque.<br />

Mais je sais que c'est possible de<br />

venir tous les matins et d'être motivé<br />

pour essayer de s'améliorer. J'utilise<br />

donc cette expérience pour inculquer<br />

cette culture du travail.<br />

David Degen a récemment déclaré<br />

qu’il n’avait jamais eu un coach<br />

aussi professionnel et méticuleux<br />

sur les petits détails. Aujourd’hui,<br />

ça ne fait plus de doute: les détails<br />

font la différence dans le football.<br />

Quels sont les détails sur lesquels<br />

tu attires ton attention?<br />

Je pense que c'est un peu à la<br />

manière de l'école italienne, c'est-àdire<br />

que vous abordez chaque<br />

entraînement en le considérant<br />

comme un match, en mettant en<br />

avant des aspects techniques ou<br />

tactiques, que ce soit de manière<br />

individuelle ou collective. Vous<br />

envisagez chaque exercice dans le<br />

but d'apporter un plus à l'équipe, en<br />

prêtant attention à chaque détail, tels<br />

que l'orientation du corps, le langage<br />

de la passe, les prises d'informations,<br />

qui sont des points très importants.<br />

Les joueurs ont besoin de cela pour<br />

s'améliorer. Nous travaillons<br />

également sur des plans de jeu afin<br />

de ne rien laisser au hasard. Des<br />

choses simples, mais nous ne laissons<br />

passer aucun petit détail.<br />

Comment intègres-tu l’aspect<br />

physique et mentale dans ton<br />

approche?<br />

Je l'adapte constamment. Le lundi,<br />

nous définissons les objectifs de la<br />

semaine en vue du match du weekend.<br />

Nous prenons en compte les<br />

les blessés, le match précédent, et<br />

ainsi nous planifions les grands axes<br />

de travail. C’est ce que j’aime dans<br />

mon travail. Aujourd’hui,<br />

mentalement, les joueurs n’ont pas la<br />

capacité d’écouter un entraîneur qui<br />

fait de grands discours. Il faut être<br />

percutant afin de garder l’attention<br />

du groupe. Il faut les surprendre. Mais<br />

je pense que le plus important dans<br />

mon approche est de rester fidèle au<br />

processus de développement en<br />

laissant parfois de côté la finalité qui<br />

est le résultat. J’attache une grande<br />

importance au processus.<br />

Le FC Bâle a terriblement souffert<br />

d’une préparation bâclée tant sur<br />

l’aspect physique, tactique que<br />

mental. Le football d’aujourd’hui<br />

est extrêmement exigeant. En tant<br />

qu’entraineur, a-t-on le temps ou<br />

l’envie de consacrer du temps aux<br />

joueurs qui ne sont pas au niveau<br />

d’un point de vue physique ou qui<br />

n’ont pas la bonne mentalité?<br />

Cela dépend de la proportionnalité.<br />

Ce sont deux choses différentes<br />

d'avoir 3 joueurs sur un groupe de 20<br />

qui ne s'inscrivent pas dans les règles<br />

ou dans l'aspect tactique de ce que<br />

nous voulons faire, ou tout un<br />

groupe. Quand il y en a 3, c’est assez<br />

simple à résoudre. Pour éviter le<br />

deuxième cas de figure, il faut que le<br />

club soit au-dessus de tout. Les<br />

joueurs doivent sentir que ce n’est<br />

pas seulement l'entraîneur qui va<br />

dans cette direction, mais tout un<br />

club. Paradoxalement, l'entraîneur a<br />

un rôle clé dans un club, mais c'est<br />

également le poste le plus fragile.<br />

Nous vivons des résultats et c’est<br />

toujours plus simple de changer un<br />

coach que toute une équipe. Il n’y a<br />

pas de secret, pour réussir, il faut que<br />

tout le monde tire à la même corde. Il<br />

faut accepter les décisions et se<br />

mettre au diapason.<br />

Parlons un peu de ton étiquette.<br />

Lorsqu’on évoque Fabio Celestini,<br />

tous ont des éloges, mais<br />

mentionnent une méthode qui<br />

usent et qui finit par amener<br />

l’équipe à une série de défaites. Estce<br />

que tu es d’accord avec cette<br />

analyse? Si oui, qu’est-ce qui fait


qu’aujourd’hui la méthode ou la<br />

finalité sera différente?<br />

Oui et non. J’ai cumulé plus de 5 ans<br />

entre Lausanne et Lucerne, c’est long<br />

dans la vie d’un entraîneur. À Lugano,<br />

je suis le deuxième entraîneur à être<br />

resté le plus longtemps sous la<br />

présidence de Renzetti. J’ai eu du<br />

succès partout où je suis passé, sauf à<br />

Sion, qui reste un contexte très<br />

particulier. Mais, en effet, je pense<br />

que le plus dur est de rester fidèle à<br />

ma méthode et à mon exigence<br />

après avoir du succès. Lorsque l’on<br />

gagne une Coupe de Suisse, on peut<br />

voulu jouer d’une certaine manière.<br />

Ce sont les deux points qui<br />

ressortiraient.<br />

Es-tu proche d’eux?<br />

Oui. Même si en tant qu'entraîneur, il<br />

faut apprendre à déléguer, j’aime<br />

être proche de mes joueurs. Je me<br />

garde du temps pour discuter avec le<br />

groupe, pour organiser des séances<br />

vidéos individuelles, etc. À la fin, c’est<br />

aussi ça qui fait la différence.<br />

Revenons à Bâle. Parles-nous de<br />

ces premiers mois? Quel est ton<br />

Malgré une saison décevante, le FC Bâle peut toujours compter sur son public.<br />

avoir tendance à se relâcher, là où<br />

moi, je pense qu’il faut continuer à<br />

redoubler d’efforts pour réitérer ce<br />

succès. C’est uniquement par ce<br />

travail acharné que l’on arrive au plus<br />

haut niveau. Le football est aussi fait<br />

de cycles, et parfois, ton cycle au sein<br />

d’un club est tout simplement<br />

terminé.<br />

Si un joueur devait parler de toi,<br />

qu’est-ce qu’il dirait?<br />

Je pense qu'il parlerait d'exigence et<br />

d'un style de jeu. Que ce soit en tant<br />

que joueur ou entraîneur, j’ai toujours<br />

regard sur le travail accompli? Pour<br />

rappel, à la fin de l’année 2023, Bâle<br />

serait 3e si l’on fait un classement<br />

virtuel depuis que tu es arrivé. Ta<br />

moyenne de points est de 2 et tu as<br />

perdu 2 matchs sur 3 avec un fait<br />

de jeu important (un carton rouge<br />

en tout début de match).<br />

Tout est allé très vite. C’est une<br />

situation que je connais: arriver dans<br />

un groupe qui enchaîne de mauvais<br />

résultats et perd confiance. Il a fallu<br />

travailler rapidement pour inverser la<br />

tendance, créer une nouvelle<br />

dynamique.


Je pense que les premiers mois sont<br />

encourageants. Ici, à Bâle, on me<br />

laisse travailler tranquillement.<br />

Chacun connaît son rôle et reste à sa<br />

place. C’est primordial pour réussir. Je<br />

pense avoir trouvé un club idéal avec<br />

des joueurs très réceptifs, un super<br />

groupe, et un club qui voulait s’en<br />

sortir et qui avait confiance en moi.<br />

Dès le début, j’ai la sensation que<br />

nous pouvons bien travailler. La<br />

structure du club est fantastique.<br />

Lorsque l’on a cette envie<br />

inconditionnelle d’en faire plus pour<br />

les uns et pour les autres, les résultats<br />

viennent d’eux-mêmes.<br />

Tu avais dit à l’époque que tu<br />

n’aurais jamais l’opportunité de<br />

signer dans un club comme Bâle.<br />

Pourquoi? Et comment décris-tu le<br />

club?<br />

Oui, j’avais dit cela à l’époque. À<br />

plusieurs reprises, j’ai été en contact<br />

avec le club, mais il n’y a jamais eu<br />

d’offre. J’ai alors pensé que le train<br />

était passé. Bâle est un grand club,<br />

avec un magnifique stade, des<br />

infrastructures de top niveau et des<br />

fans extraordinaires. Le club est en<br />

mutation. Il y a des choses qui<br />

changent, c’est un tournant. Mon<br />

travail est de faire en sorte que l’on se<br />

concentre sur le jeu et que l’on puisse<br />

faire abstraction des éléments<br />

extérieurs. Dans chaque période de<br />

mutation, il y a un peu d’incertitude.<br />

Mais le FC Bâle reste le plus grand<br />

club de Suisse. Je ne pense pas que<br />

nous retrouverons le succès via le<br />

modèle qu’il y avait il y a quelques<br />

années. Mais cela ne veut pas dire<br />

que l’on ne peut pas retrouver le<br />

succès: on peut le faire, mais<br />

différemment!<br />

Comment se passe ta relation au<br />

«quotidien» avec David Degen et<br />

Ruedi Zbinden, deux hommes forts<br />

du club?<br />

Les deux sont présents, sans être<br />

omniprésents. Chacun respecte son<br />

rôle. Je leur fais confiance et eux me<br />

font confiance pour la gestion du<br />

groupe. Je suis très content, cela se<br />

passe très bien. Nous sommes<br />

ouverts à la discussion sur tous les<br />

C’est fantastique<br />

de pouvoir<br />

compter sur un<br />

centre de<br />

formation<br />

performant!<br />

sujets, ils savent qu’ils peuvent venir<br />

dans mon bureau pour discuter.<br />

J’aime cette communication. C’est<br />

toujours un plus dans le relationnel<br />

de se montrer transparent sur ce que<br />

l’on fait la semaine pour préparer le<br />

match du week-end. C’est également<br />

fondamental de comprendre tout le<br />

travail qui a derrière. Tout se fait<br />

naturellement. J’ai également de<br />

bonnes relations avec Marco Streller<br />

et Valentin Stocker. C’est toujours un<br />

plaisir de pouvoir les voir et<br />

d'échanger avec eux.<br />

En tant que coach, as-tu une<br />

préférence entre une organisation<br />

avec un directeur sportif ou une<br />

commission sportive? Quelle est la<br />

force de l’organisation actuelle du<br />

club selon toi (commission sportive<br />

comprenant David Degen, Andy<br />

Rey (membre du conseil<br />

d'administration), Marco Streller,<br />

Ruedi Zbinden – tous deux anciens<br />

directeurs sportifs du FC Bâle –,<br />

Martin Andermatt, Daniel Stucki et<br />

Valentin Stocker)?<br />

Je n’ai pas de préférence, je pense<br />

que toutes les organisations peuvent<br />

fonctionner. Il faut simplement<br />

trouver le bon moyen de travailler<br />

ensemble. Le plus dur est d’être<br />

directement en contact avec le<br />

Photo: USG


président. Je pense qu’il faut avoir<br />

une hiérarchie entre les deux. J’ai<br />

plus souvent eu l’habitude d’avoir un<br />

directeur sportif, mais je trouve le<br />

système de commission pour le<br />

moment très bon et productif. Nous<br />

devons toutefois faire attention à ne<br />

pas perdre trop de temps dans la<br />

prise de décision, mais pour le<br />

moment, tout a très bien fonctionné.<br />

Parlons du groupe à ta disposition.<br />

Trop jeune, manque d’équilibre,<br />

talentueux. Il y a eu plusieurs<br />

qualificatifs dans les médias pour<br />

décrire ce groupe. De l’intérieur,<br />

quel est ta description de l’effectif à<br />

ta disposition et quel est ton plus<br />

grand défi pour exploiter son<br />

potentiel au maximum?<br />

Le plus gros défi sera de faire en sorte<br />

que cette équipe soit constante.<br />

L’insouciance des jeunes joueurs est<br />

un plus, une vraie qualité, mais on<br />

sait que le plus dur est d’être régulier<br />

tous les week-ends. Il faut réussir à<br />

former ces joueurs de façon à être<br />

performant à chaque match. Tout le<br />

temps. Je crois en ce groupe. Par le<br />

passé, j’ai fait l’erreur de vouloir faire<br />

des révolutions durant l’hiver, mais<br />

cela n’a que très rarement payé.<br />

Quand il y a trop de changements,<br />

c’est très difficile de faire des résultats<br />

rapidement. Il faut trouver l’équilibre<br />

entre renforcer l’équipe et continuer<br />

à travailler sans que cela n’impacte le<br />

vestiaire. Je pense qu'il est préférable<br />

d’être conservateur durant l’hiver. Je<br />

suis content de la situation, nous<br />

avons très bien travaillé. Le groupe<br />

répond présent.<br />

Tu as évoqué dans une interview<br />

pour la chaîne du club, la grandeur<br />

et l’importance du FC Bâle, disant<br />

même que ce n’est pas la Suisse.<br />

Comment transmets-tu l’ADN du<br />

club aux joueurs?<br />

Par l'exigence. Nos joueurs veulent<br />

faire une grande carrière, gagner des<br />

trophées. Pour jouer dans les<br />

meilleurs clubs du monde, il faut être<br />

très exigent envers soi-même, être le<br />

plus professionnel possible. L'ADN du<br />

FC Bâle repose également sur la<br />

culture du travail, et c’est ce que je<br />

veux inculquer à mes joueurs.<br />

L’ADN justement, c’est également<br />

le centre de formation du club.<br />

Dans tous les succès du FCB, il y a<br />

eu des talents du campus. Cela<br />

tombe bien, il semble y avoir une<br />

génération dorée qui pointe le bout<br />

de son nez avec Junior Ze, Roméo<br />

Beney, Leon Avdullahu, Marvin<br />

Akahomen, Demir Xhemalija ou<br />

encore Axel Kayombo. Est-ce que<br />

tu es d’accord avec ce terme? Et<br />

comment te projettes-tu avec ces<br />

talents?<br />

Je n’aime pas ce terme, car le plus<br />

dur est devant eux. Mais c’est une<br />

génération avec la bonne mentalité<br />

et je crois que c’est le plus important.<br />

Ils ont cette envie de travailler dur.<br />

C’est extrêmement plaisant de<br />

travailler quotidiennement avec eux<br />

et c’est très intéressant d’avoir des<br />

jeunes joueurs avec un fort potentiel.<br />

C’est fantastique de pouvoir compter<br />

sur un centre de formation<br />

performant.<br />

Concrètement, quels sont les<br />

objectifs de fin de saison?<br />

Comment veux-tu voir évoluer ton<br />

équipe?<br />

L’objectif fondamental est d’avoir de<br />

la régularité dans les performances.<br />

Je veux également voir un<br />

développement significatif chez les<br />

jeunes joueurs, mais également chez<br />

les moins jeunes. Toute l’équipe doit<br />

progresser. Ensuite, une fois cet<br />

objectif atteint, nous verrons où cela<br />

nous mène dans 6 mois. Je crois en<br />

l’équipe et je suis certain que nous<br />

nous développerons. J’espère que<br />

cela nous permettra d’être le plus<br />

haut possible. Dans notre situation,<br />

c’est clair que la Coupe de Suisse est<br />

le chemin le plus rapide pour viser la<br />

coupe d’Europe. Nous jouerons le


le coup à fond. Il faut respecter le<br />

maillot, les fans. Ils étaient 22'000 à<br />

venir nous soutenir contre Yverdon<br />

lorsque nous étions derniers. Ils<br />

étaient presque 2'000 à Kriens un soir<br />

de semaine en coupe quand la<br />

situation était dramatique. Quel club<br />

de Suisse peut se vanter d’avoir un tel<br />

soutien? Il mérite qu’on mouille le<br />

maillot!<br />

Ton contrat se termine en fin de<br />

saison, David Degen a déjà dit qu’il<br />

souhaitait planifier la suite avec toi.<br />

Est-ce tu te vois sur le long terme<br />

avec le FC Bâle?<br />

Ce serait génial de continuer. Mais,<br />

tout d’abord: il faut sauver le club. La<br />

situation personnelle de chacun<br />

passe après. Si nous travaillons dans<br />

le bon sens, alors il n’y aura pas de<br />

problème pour s’entendre et<br />

continuer.<br />

Dernière question, plus légère, tu<br />

connais très bien Zinedine Zidane.<br />

Si tu devais lui voler une qualité<br />

qu’il a en tant que coach, ce serait<br />

laquelle?<br />

Je pense que je prendrai sa façon de<br />

gérer un groupe composé des<br />

meilleurs joueurs du monde. À mon<br />

avis, c’est quelque chose qui ne<br />

s’apprend pas, mais qui doit se vivre<br />

pour s’appréhender.


FORMATION<br />

SC FREIBURG:<br />

LES JEUNES SUISSES ONT LA<br />

COTE<br />

Cette saison, cinq Suisses évoluent sous les couleurs de la réserve du SC<br />

Freiburg. Depuis quelques mois, le club du sud de l'Allemagne est devenu un<br />

point de chute privilégié pour de jeunes talents de notre pays. Plongeons au<br />

cœur du "système Freiburg" en compagnie du Genevois Johan Manzambi.<br />

RÉDACTION: BÉNÉDICT PERRET<br />

PHOTOS: SC FREIBURG<br />

Ils ont entre 18 et 23 ans,<br />

sont Suisses, ont tous été<br />

formés par des clubs de<br />

notre pays et ont choisi de<br />

poursuivre leur<br />

développement avec la<br />

réserve du SC Fribourg,<br />

équipe engagée en<br />

troisième division<br />

allemande. Un choix qui<br />

pourrait paraître<br />

surprenant, vu de Suisse.<br />

Johan Manzambi, qui a<br />

rejoint l'Allemagne en<br />

janvier 2023, nous explique<br />

sa décision: «Je n'avais pas<br />

de contrat avec Servette, et<br />

j'avais plusieurs offres de<br />

clubs. Je me suis posé avec<br />

ma famille et mon agent, et<br />

j'ai décidé de rejoindre<br />

Freiburg car il y a un vrai<br />

projet ici dans lequel je<br />

peux progresser. Je suis fier<br />

d'avoir fait ce choix.»<br />

Le milieu de terrain de 19<br />

ans fait la navette entre les<br />

M19 et les M23, en 3. Liga,<br />

dernier échelon du football<br />

professionnel allemand, où<br />

évoluent également ses<br />

compatriotes Joel Bichsel<br />

(prêté par Young Boys),<br />

Serge Müller, Bruno Ogbus<br />

et Alessio Bessio. Si tous<br />

poursuivent le même<br />

objectif en venant jouer<br />

avec la réserve de Freiburg,<br />

à savoir se faire leur place<br />

dans le football<br />

professionnel, ils n'ont pas<br />

tous le même parcours.<br />

Johan Manzambi et Bruno<br />

Ogbus sont de très jeunes<br />

joueurs (ils sont tous les<br />

deux nés en 2005). Il s'agit<br />

pour eux de leur première<br />

expérience en<br />

professionnel, après être<br />

passés par les équipes<br />

juniors de Servette et de<br />

Grasshoppers. À Freiburg, ils<br />

retrouvent un<br />

environnement sain, qui fait<br />

la part belle aux jeunes, et<br />

un club qui leur propose un<br />

vrai projet basé sur la<br />

progression.


«EN 3. LIGA, DES<br />

MATCHS SE<br />

JOUENT DEVANT<br />

20'000 FANS»<br />

JOHAN<br />

MANZAMBI<br />

Alessio Bessio est à peine<br />

plus âgé, mais il avait déjà<br />

porté le maillot de Saint-<br />

Gall à 34 reprises en Super<br />

League, pour 2 buts. Après<br />

une première saison 2021-<br />

2022 lors de laquelle il s'était<br />

fait remarquer en disputant<br />

29 matchs, la saison<br />

dernière a été plus<br />

compliquée pour le talent,<br />

avec seulement 4 petites<br />

rencontres pour 47 minutes<br />

de jeu. Ne rentrant plus<br />

dans les plans de Peter<br />

Zeidler, il a répondu<br />

favorablement à la<br />

proposition du SC Freiburg.<br />

Cette saison, il a joué 20 fois<br />

pour 3 buts.<br />

Serge Müller a quant à lui<br />

plus d'expérience, puisqu'il<br />

est un ancien international<br />

M21 (il faisait partie du cadre<br />

des Rougets lors de l'Euro<br />

2023) et cumule 133 matchs<br />

de Challenge League avec<br />

Schaffhouse. La saison<br />

dernière, il en était le<br />

capitaine. Logiquement, il<br />

aurait pu prétendre à jouer<br />

pour un club de Super<br />

League. Pour le défenseur<br />

central, son passage dans la<br />

réserve de Freiburg doit lui<br />

permettre de se faire<br />

remarquer pour intégrer la<br />

première équipe, en<br />

Bundesliga. Il est d'ailleurs<br />

un titulaire régulier en 3.<br />

Liga, n'ayant manqué<br />

aucune rencontre depuis le<br />

début de la saison.<br />

Le cas un peu<br />

plus différent<br />

des autres est<br />

celui de l'autre<br />

défenseur<br />

central, le<br />

Bernois Joel<br />

Bichsel, qui est<br />

prêté par YB.<br />

Pour lui qui a un<br />

contrat jusqu'en<br />

2025 avec le<br />

de Suisse en titre, cette<br />

saison en 3. Liga est une<br />

occasion de gagner de<br />

l'expérience à un niveau<br />

plus élevé que la Promotion<br />

League suisse, compétition<br />

dans laquelle il a déjà<br />

disputé plus de 50 matchs.<br />

La 3. Liga, un championnat<br />

compétitif et engagé<br />

Presque pas médiatisée<br />

hors de l'Allemagne, la<br />

3.Liga n'en reste pas moins<br />

un championnat de bonne<br />

qualité, puisqu'en plus des<br />

équipes réserves de<br />

Fribourg et de Dortmund, y<br />

évoluent des clubs<br />

historiques du football<br />

allemand tels que Dresden,<br />

Magdebourg ou encore<br />

Bielefeld. Des formations<br />

suivies par plus de 20'000<br />

fans en moyenne. «C'est vrai<br />

que la 3.Liga n'est pas un<br />

championnat connu en<br />

Suisse, concède Johan<br />

Manzambi. Mais en<br />

Allemagne, il est très<br />

réputé, et je peux dire qu'il<br />

est de grande qualité.»<br />

En Allemagne, les jeunes<br />

Suisses disputent des<br />

rencontres engagées, face à<br />

des professionnels<br />

expérimentés et dans des<br />

ambiances souvent<br />

chaudes. Un contexte qui<br />

plaît au Genevois. «Pour<br />

moi, cela a toujours été un<br />

objectif d'évoluer dans des<br />

stades pleins. Et on ne peut<br />

que progresser en jouant<br />

face à des adultes qui ont<br />

plus d'expérience que<br />

nous.»<br />

Cette expérience les fait<br />

progresser au niveau du<br />

football, mais également<br />

d'un point de vue humain.<br />

Ils découvrent une autre<br />

culture et un nouveau style<br />

de football, tout en étant<br />

juste à côté de la Suisse.<br />

Pratique lorsque l'on doit<br />

rentrer voir la famille ou<br />

répondre aux convocations<br />

des équipes de Suisse<br />

junior.


«LES<br />

PERSPECTIVES<br />

N'EXISTAIENT<br />

PAS POUR MOI<br />

EN SUPER<br />

LEAGUE»<br />

Thomas Stamm<br />

Joel Bichsel (21 ans) est prêté par Young Boys.<br />

Une reconnaissance<br />

certaine du système de<br />

formation suisse<br />

L'arrivée en masse de ces<br />

jeunes joueurs au sein de la<br />

réserve du SC Fribourg doit<br />

être vue en premier lieu<br />

comme un signe de<br />

reconnaissance du système<br />

de formation de notre pays,<br />

ce qui n'est toutefois pas<br />

nouveau, car la formation<br />

suisse fait du très bon<br />

travail depuis quelques<br />

années. Il est donc logique<br />

que nos voisins regardent<br />

dans les formations juniors.<br />

Le cas de Fribourg est<br />

toutefois également<br />

symptomatique d'un<br />

certain manque de<br />

perspective, ressenti ou réel,<br />

de la part des jeunes talents<br />

suisses quant à leurs<br />

possibilités de se<br />

développer dans nos clubs.<br />

D'autant plus lorsqu'ils<br />

n'évoluent pas à Young<br />

Boys ou à Bâle. L'exemple<br />

flagrant étant Servette, qui<br />

laisse presque chaque<br />

année partir<br />

deux ou trois<br />

pépites, faute de<br />

réussir à les faire<br />

jouer au plus<br />

haut niveau.<br />

Thomas Stamm mène la<br />

barque<br />

Les jeunes sont entraînés<br />

par un compatriote, le<br />

Schaffhousois Thomas<br />

Stamm, âgé de 40 ans.<br />

Qualifié en 2021 par le Blick<br />

de «possible plus talentueux<br />

entraîneur suisse», l'homme<br />

est pourtant peu connu<br />

dans notre pays. À peine<br />

son nom a-t-il déjà circulé<br />

en février et mai 2023<br />

comme candidat potentiel<br />

pour reprendre les rênes du<br />

FC Bâle. En tant que joueur,<br />

il a disputé 183 matchs en<br />

Challenge League sous les<br />

couleurs du FC Winterthour<br />

et du FC Schaffhouse. À 27<br />

ans, il arrête le football<br />

professionnel sans jamais<br />

avoir espéré pouvoir un jour<br />

jouer au plus haut niveau. Il<br />

commente sobrement: «Les<br />

perspectives n'existaient<br />

pas pour moi en Super<br />

League.»<br />

La frustration d'avoir été un<br />

joueur modeste réveille<br />

pourtant des envies<br />

d'entraîner pour Thomas<br />

Stamm, qui obtient son<br />

premier diplôme<br />

d'entraîneur alors qu'il<br />

évolue encore sous le<br />

maillot de Winterthour. Il<br />

commence avec les juniors<br />

B, puis se voit très vite<br />

proposer de prendre<br />

l'équipe M18 du club. C'est<br />

alors que son équipe<br />

affronte à de nombreuses<br />

reprises les M17 du SC<br />

Fribourg qu'il se fait repérer<br />

par les dirigeants du club<br />

allemand. Ils lui proposent<br />

l'équipe M19 en 2015. Six ans<br />

plus tard, il devient coach<br />

de la réserve. Johan<br />

Manzambi souligne la<br />

bonne relation qu'il a avec<br />

lui et décrit l'homme<br />

comme un «entraîneur<br />

plein d'idées, avec lequel on<br />

peut vraiment progresser».<br />

Thomas Stamm est très<br />

apprécié dans l'entourage<br />

du club, et il se murmure<br />

régulièrement qu'il pourrait<br />

prendre la succession de<br />

Christian Streich à la tête de<br />

la première équipe (en<br />

poste depuis 2011 !) quand<br />

celui-ci s'en ira.


Alessio Besio (19 ans) Serge Müller (23 ans) Bruno Ogbus (18 ans)<br />

Le passage en Bundesliga,<br />

loin d’être une évidence<br />

Reste pour nos jeunes<br />

talents l'étape la plus<br />

compliquée: se faire<br />

remarquer et obtenir du<br />

temps de jeu avec l'équipe<br />

première en Bundesliga. À<br />

l'exception de Bichsel, qui<br />

devrait faire partie du cadre<br />

de Young Boys la saison<br />

prochaine et remplacer<br />

Amenda, les autres Suisses<br />

n'ont pas de garantie de<br />

pouvoir un jour porter le<br />

maillot des Breisgau-<br />

Brasilianer en Bundesliga.<br />

En effet, malgré la<br />

proximité avec notre pays,<br />

aucun joueur suisse n'a<br />

laissé sa trace au club<br />

depuis 2015 et les passages<br />

de Roman Bürki, Gelson<br />

Fernandes et Admir<br />

Mehmedi. Pire encore, des<br />

six Suisses ayant joué dans<br />

la réserve entre 2019 et 2021,<br />

quatre sont retournés dans<br />

nos championnats et deux<br />

ont mis fin à leur carrière.<br />

Souhaitons un destin plus<br />

heureux à Johan et à nos<br />

compatriotes.<br />

SC FREIBURG EN CHIFFRES<br />

4x<br />

7e<br />

5e<br />

CHAMPION DE 2. BUNDESLIGA<br />

BUNDESLIGA 2023/24<br />

BUNDESLIGA 2022/23


RENCONTRE<br />

RENCONTRE<br />

AVEC LES<br />

PRÉPARATEURS<br />

DES STARS<br />

SUISSES


u’ont en commun Isaac Schmidt, Anel Husic, Loris Mettler, Andi<br />

Zeqiri, Denis Zakaria ou encore Jérémy Guillemenot ? Ils sont tous<br />

passé entre les mains de Peak Performance Conditioning, qui<br />

propose des programmes d’entraînements alliant condition<br />

physique et technique footballistique.<br />

Découverte en compagnie de Khalil Ouared et Sébastien Christe, cofondateurs<br />

du centre.<br />

RÉDACTION: BÉNÉDICT PERRET<br />

PHOTOS: PEAK PERFORMANCE<br />

«Le plus important pour décrire notre méthode,<br />

c’est le plaisir», introduit d'emblée Khalil Ouared,<br />

l’un des cofondateurs de Peak Performance. «Et<br />

nous insistons beaucoup là-dessus.» En effet, la<br />

méthode développée par l’ancien joueur ayant<br />

évolué à Dijon et son associé, Sébastien Christe,<br />

ancien sportif d’élite en sports de combat,<br />

repose sur deux axes essentiels: la condition<br />

physique et la technique footballistique. Elle se<br />

veut exigeante, mais toujours ludique.<br />

Le plaisir pour améliorer ses performances<br />

Ainsi, la méthode football a été créée de toute<br />

pièce par Peak Performance. «J’étais trop<br />

sanguin pour le football professionnel, car très<br />

vite frustré par les exercices proposés lors des<br />

entraînements, ainsi que par les injustices<br />

auxquelles les footballeurs font face», continue-til.<br />

«Je n’arrivais souvent pas à en voir le sens, et je<br />

n’étais pas assez solide pour les affronter, car<br />

j’oubliais le plaisir. C’est pourquoi nous essayons<br />

vraiment de leur proposer des entraînements<br />

ludiques, même si cela reste toujours très<br />

physique. Plus un joueur prend du plaisir, plus il<br />

va travailler.»<br />

Côté condition physique, les footballeurs se<br />

confient aux mains expertes de Sébastien<br />

Christe, titulaire d’un Master en sciences du<br />

sport de l’Université de Lausanne, spécialisé en<br />

entraînement et performance, et proche du<br />

préparateur physique de Genk. Les méthodes<br />

sont innovantes, notamment avec l’utilisation du<br />

Velocity Based Training (une approche moderne<br />

de l'entraînement en force et en puissance), et<br />

spécialisées pour les joueurs de football.<br />

Un dernier point sur lequel insistent les<br />

compères: le cognitif. «On sait que le football va<br />

de plus en plus vite. Les joueurs doivent être<br />

capables de prendre des décisions très<br />

rapidement, donc nous les entraînons vraiment<br />

là-dessus.»


Ainsi, depuis quatre ans, des footballeurs de haut niveau se retrouvent lors des<br />

périodes creuses, en été ou en hiver, chez Peak Performance, pour se préparer,<br />

par groupes de douze (nombre idéal pour maintenir un bon équilibre entre<br />

entraînement personnalisé et collectif).<br />

Des joueurs qui apprennent les uns des autres<br />

Alors que les joueurs sont habitués, dans leur club, à côtoyer quotidiennement<br />

les mêmes coéquipiers, le fait de pouvoir s'entraîner avec de nouveaux<br />

partenaires est parfois une véritable bouffée d'air. La collaboration entre rivaux<br />

(Peak Performance compte lors de ses préparations aussi bien des Lausannois<br />

que des Genevois) permet à chacun de mieux se<br />

connaître, et l'ambiance est toujours très bonne<br />

entre des joueurs qui, pour la plupart, sont devenus<br />

amis dans la vie.<br />

Un dernier point important: la différence de<br />

parcours entre les joueurs est également<br />

formatrice, comme le souligne Khalil Ouared:<br />

«Autant un Denis Zakaria qu’un Loris Mettler ont à<br />

apprendre l’un de l’autre. Zakaria n’a pas connu le<br />

parcours difficile que Loris peut avoir, alors que<br />

l’expérience de Denis est formatrice pour tout le<br />

monde, y compris pour nous, qui sommes encore<br />

de jeunes coachs. Les échanges entre les joueurs<br />

sont vraiment très intéressants, et les parcours des<br />

uns encouragent les autres, notamment les plus<br />

jeunes.» De leur côté, les préparateurs mettent un<br />

accent particulier à garder un contact avec leurs<br />

protégés tout au long de l’année.<br />

Préparer la jeunesse au football moderne<br />

Les stages de préparation pour les professionnels<br />

représentent toutefois une petite partie de l’activité<br />

de Peak Performance, qui accompagne, en plus des<br />

professionnels, trois types de joueurs.<br />

Les plus jeunes, ce sont les jeunes joueurs «élites»,<br />

qui ont entre 10 et 14 ans et qui sont accompagnés<br />

tout au long de l’année. Déjà intégrés dans les<br />

structures de clubs comme Lausanne ou Servette,<br />

ils subissent à leur jeune âge beaucoup de pression.<br />

C'est la raison pour laquelle Khalil Ouared explique:<br />

«L’objectif pour ces jeunes joueurs est de les faire<br />

progresser, mais en leur donnant un maximum de<br />

plaisir. Il n’y a pas d'entraînements physiques, on<br />

axe tout sur le jeu. Nous sommes également très<br />

attentifs à ce que la volonté vienne d’eux et non pas<br />

des parents qui leur mettraient la pression.»


Viennent ensuite les joueurs élites en<br />

formation (catégories M16 à M21). Plus<br />

avancés dans leur parcours<br />

footballistique, ces joueurs viennent à<br />

Peak Performance avec des objectifs<br />

bien définis. «On leur propose des<br />

séances hybrides avec du physique et<br />

du jeu et des objectifs de performance,<br />

tout en faisant très attention à leur<br />

psychologie, car beaucoup de choses<br />

se passent à cet âge-là. Il s’agit<br />

également de bien les accompagner<br />

mentalement: ce n’est pas parce qu’un<br />

joueur connait une mauvaise passe<br />

que tout est fichu. On a l’exemple de<br />

Denis Zakaria, qui n'était pas dans les<br />

plans de Servette jusqu’en M18, et qui a<br />

eu la carrière que l’on connaît.»<br />

Enfin, les jeunes coachs accompagnent<br />

également des joueurs amateurs qui<br />

souhaiteraient rejoindre le secteur<br />

professionnel. «Beaucoup de ces<br />

joueurs sont très talentueux, mais il<br />

leur manque la discipline. On essaie de<br />

leur apporter une hygiène de vie, tout<br />

en ayant une exigence qui est la même<br />

que pour les élites.»<br />

Une initiative mal reçue par les clubs<br />

suisse au début<br />

Mais alors, comment les jeunes coachs<br />

cohabitent-ils avec les clubs de<br />

football?<br />

«Lorsque nous avons commencé il y a<br />

4 ans, les clubs nous voyaient comme<br />

des charlatans», lâche l’ancien joueur<br />

de Servette. En effet, les préparateurs<br />

techniques n'existaient pas, et il était<br />

très rare que les joueurs se préparent<br />

pendant les périodes de repos. «On<br />

peut dire que les clubs ne nous<br />

respectaient pas, et certains<br />

menaçaient même leurs joueurs de<br />

représailles s'ils suivaient notre<br />

programme. Mais nous, nous avons<br />

toujours été convaincus de la<br />

complémentarité entre ce qui se passe<br />

en club et à côté.»<br />

En effet, alors que Cristiano Ronaldo a<br />

construit en grande partie sa légende<br />

grâce à ses nombreux entraînements<br />

physiques individuels, ou que Michel<br />

Platini a été l’un des meilleurs tireurs de<br />

coup-franc de l’histoire à force de répéter<br />

l’exercice face à un mur en carton<br />

fabriqué par son père, les clubs suisses<br />

ont longtemps été réticents à laisser<br />

leurs joueurs faire des extras. En cause,<br />

un présumé risque accru de blessures.<br />

Une telle crainte est balayée par<br />

Sébastien Christe: «Les blessures<br />

proviennent d’un manque de préparation<br />

physique ou d’une surcharge, mais<br />

également d'autres facteurs, tels que<br />

l’hygiène de vie. Ce qui est important,<br />

c’est de savoir ce que l’on fait. Nous<br />

offrons justement une préparation<br />

adaptée, ce qui permet de limiter le<br />

risque, sans surcharger les joueurs.»<br />

Et Khalil Ouared de compléter: «Quand<br />

j’étais jeune en Suisse et en centre de<br />

formation, on m’avait habitué à ne pas<br />

faire d'extra. Pourtant, à mon arrivée en<br />

France, on m’a reproché de ne pas en<br />

faire assez. Là-bas, tout le monde bossait<br />

en supplément, malgré les six<br />

entraînements par semaine, faisant de la<br />

musculation, des 1 contre 1.» Différence<br />

de mentalité, donc. Mais la donne a bien<br />

changé actuellement, puisqu’ils sont<br />

nombreux, les joueurs du championnat<br />

de Suisse, mais aussi étrangers, à choisir<br />

de se maintenir en forme pendant les<br />

(courtes) pauses. Des clubs amateurs de<br />

la région (entre la 1ère et la 2ème ligue)<br />

font également appel à Peak<br />

Performance pour leur préparation<br />

physique. Outre le football, Peak<br />

Performance s’occupe, entre autres, de la<br />

préparation physique de basketteurs,<br />

patineurs artistiques, combattants de<br />

MMA ou encore de pilotes automobiles.<br />

L’aventure se développe pour les jeunes<br />

préparateurs qui viennent d’ouvrir leur<br />

première salle à Chavannes-près-Renens.<br />

Une façon pour eux de pérenniser<br />

l’activité. «Pendant quatre ans, on mettait<br />

de l’argent de côté et c’est grâce à la<br />

confiance des joueurs qu’on a pu ouvrir<br />

cette salle», conclut Khalil Ouared.<br />

«Maintenant, on peut rentrer dans une<br />

vraie routine avec la salle et c’est<br />

vraiment super.»


À LA DÉCOUVERTE DE<br />

NATAN<br />

GIRMA<br />

POUR Y ARRIVER,<br />

J’AI DORMI À NEUF<br />

DANS UN TROIS<br />

PIÈCES !


#interview<br />

Après des années de galère dans les divisions amateurs suisses et italiennes,<br />

Natan Girma trouve enfin de la régularité. À 22 ans, le Lausannois de naissance<br />

évolue aujourd’hui à la Reggiana en Serie B. Il se confie sur son parcours, ses<br />

ambitions et son rêve d'équipe nationale.<br />

RÉDACTION: TÉO NANIA<br />

PHOTOS: AC REGGIANA 1919<br />

Tu as connu plusieurs clubs<br />

amateurs en Suisse romande, peuxtu<br />

nous raconter ton parcours ?<br />

J’ai connu de nombreux clubs dans la<br />

région lausannoise. J’ai commencé à<br />

Stade Lausanne Ouchy à l'âge de 4<br />

ans. Quelques années plus tard, le<br />

SLO et le Lausanne-Sport ont<br />

fusionné pour créer Lausanne Foot<br />

Académie (LFA), et j'ai été<br />

sélectionné pour le rejoindre,<br />

évoluant des M10 aux M14. Arrivé en<br />

M15, Lausanne n'a pas souhaité me<br />

conserver. Physiquement, j'étais très<br />

frêle, je n'avais pas beaucoup joué<br />

cette année-là, et ils pensaient que je<br />

n'atteindrais pas le niveau requis<br />

pour les M15.<br />

J'ai donc repris à un niveau inférieur<br />

Porto Lausanne. Tous mes amis<br />

étaient dans cette<br />

équipe, et c'est grâce à cela que j'ai<br />

retrouvé le plaisir de jouer. À<br />

Lausanne, j'avais perdu beaucoup de<br />

confiance.<br />

Ensuite, j'ai beaucoup voyagé:<br />

Espagnol Lausanne, un retour à<br />

Stade-Lausanne, avant de revenir à<br />

Porto Lausanne en 2e ligue. J'avais<br />

alors 15 ans. Je fais quelques<br />

apparitions au cours des premiers<br />

mois, et c'est à ce moment que j'ai eu<br />

l'opportunité de faire un essai à<br />

Neuchâtel Xamax. Les choses se sont<br />

bien passées, mais je n'ai pas pu<br />

signer de contrat car j'avais déjà<br />

effectué deux transferts dans l'année.<br />

J'ai tout de même continué à<br />

m'entraîner avec Xamax. Mes cours<br />

étaient à Lausanne, et je prenais<br />

immédiatement le train pour<br />

Neuchâtel. Ce furent des journées<br />

longues: je partais de chez moi à<br />

Natan Girma (à gauche) s’éclate en Serie B avec le club de l’AC Reggiana 1919.


7h et rentrais à 23h. Pendant six mois,<br />

je m'entraînais à Neuchâtel en<br />

semaine et jouais le week-end avec<br />

Porto en 2e ligue.<br />

Après cette expérience, j'ai décidé de<br />

rejoindre Dardania en 2e ligue Inter.<br />

J'ai réalisé un bon match contre les<br />

M21 de Servette, attirant leur<br />

attention. Mon préparateur physique<br />

les a contactés, et ils m'ont pris en<br />

essai. J'ai eu la chance de partir en<br />

stage d'entraînement à Barcelone<br />

avec eux, une expérience incroyable:<br />

en novem0bre, je jouais à Signal-<br />

Bernex en 2e ligue Inter, et trois mois<br />

plus tard, j'étais à La Masia et je jouais<br />

contre Barcelone. Magique pour le<br />

fan du Barça que je suis (rires).<br />

À Servette, je n'ai pas beaucoup joué<br />

au cours des six premiers mois, mais<br />

j'ai énormément appris. Massimo<br />

Lombardo, le directeur sportif des<br />

jeunes, m'a dit qu'ils allaient me<br />

garder à l'œil, mais le coach, Adrian<br />

Ursea, a souhaité me faire signer<br />

après trois semaines. J'étais le seul<br />

joueur qui n’avait pas de contrat de<br />

l'équipe. Je faisais le trajet tous les<br />

jours entre Lausanne et Genève. De<br />

Prilly, chez moi, jusqu'au terrain de<br />

Balexert, c'était un trajet de quatre<br />

heures aller/retour quand les bus<br />

étaient à l'heure. Entre-temps, ils<br />

m'ont proposé un contrat, surtout<br />

parce qu'Ursea y tenait. Il était celui<br />

qui croyait le plus en moi et qui m'a<br />

donné confiance. La première année,<br />

nous avions remporté les 13 premiers<br />

matchs de championnat, avant que la<br />

pandémie de Covid-19 ne nous arrête.<br />

Dans ma dernière année à Servette, je<br />

suis devenu capitaine des M21, j'ai<br />

réalisé une bonne première moitié de<br />

saison, mais la deuxième vague de<br />

Covid est arrivée. À ce moment-là, j'ai<br />

également eu une petite blessure au<br />

genou. Je suis revenu et j'ai terminé la<br />

saison en beauté avec 4 buts lors de<br />

mes 5 derniers matchs.<br />

Quelle est ta relation avec Adrian<br />

Ursea ?<br />

C’est le meilleur coach que j’ai eu. Audelà<br />

du football, il excelle dans le<br />

relationnel. C’est un homme vraiment<br />

très important pour ma carrière, c’est<br />

grâce à lui que je me suis relancé.<br />

Quand il a repris l'équipe, il a<br />

remarqué mon désir de travailler et<br />

de m'améliorer, et il m'a totalement<br />

redonné confiance en moi. Chaque<br />

année, il pense à moi pour mon<br />

anniversaire. C'est vraiment une<br />

personne en or. Quand il est parti de<br />

Servette, cela m'a vraiment affecté.<br />

Il n'est resté que quatre mois avec<br />

nous, mais j'ai plus appris avec lui que<br />

dans toute ma vie dans le football. Il<br />

représente un véritable tournant dans<br />

ma carrière. Il m'a ouvert les yeux sur<br />

la façon de voir le football et il est très<br />

pointilleux sur chaque détail.<br />

D'ailleurs, ce qu'il accomplit à<br />

Carouge le démontre bien. Je suis<br />

encore en contact avec lui et je suis<br />

allé le voir cet été. Je lui ai dit qu'ils<br />

allaient monter en<br />

De Prilly, chez moi, jusqu'au terrain de Balexert,<br />

c'était un trajet de quatre heures aller/retour<br />

quand les bus étaient à l’heure !


Challenge League. Il est resté très<br />

humble, mais on voit le résultat. En<br />

l'ayant eu comme coach et en ayant<br />

observé sa méthode de travail, cela<br />

ne pouvait que tourner<br />

favorablement pour eux.<br />

Pourquoi as-tu quitté Servette ?<br />

Parce que je voulais avoir<br />

l'opportunité de m'entraîner avec le<br />

groupe professionnel.<br />

On ne me l'a pas<br />

donnée, donc je<br />

suis parti en test à<br />

Hanovre. Ça s'est<br />

très bien passé, je<br />

voulais vraiment y<br />

signer. Ils me<br />

proposaient<br />

même mon<br />

premier contrat<br />

professionnel.<br />

Cependant,<br />

Servette a<br />

demandé des<br />

indemnités de<br />

formation. Pour un<br />

joueur qui n'a<br />

jamais connu<br />

l'équipe nationale,<br />

qui n'a jamais eu<br />

de contrat<br />

professionnel, qui<br />

n'est personne<br />

dans le monde du<br />

football, et qui<br />

vient<br />

simplement des ligues<br />

amateurs suisses,<br />

Hanovre ne pouvait pas<br />

verser la somme que<br />

Servette demandait<br />

simplement sur la base<br />

d'une semaine de tests.<br />

Donc tout a capoté à<br />

cause de cela.<br />

Cela m'a vraiment touché. J'avais<br />

l'opportunité de signer mon premier<br />

contrat professionnel. Je<br />

n'avais pas de problème avec le fait<br />

de ne pas avoir ma place à Servette,<br />

même si je pense que je l'avais, mais<br />

ne pas pouvoir signer en Allemagne a<br />

été un vrai coup dur.<br />

Comment as-tu rebondi après ce<br />

test ?<br />

Vu que la discussion était<br />

complètement fermée avec<br />

Servette, je<br />

comprends que<br />

pour signer mon<br />

premier contrat<br />

professionnel, il<br />

faut que je passe<br />

par un autre club<br />

amateur.<br />

Et donc, tu pars<br />

en Italie.<br />

Oui. On me parle<br />

du projet de Sona,<br />

en Serie D<br />

italienne. À la base,<br />

j’avais prévu d’y<br />

passer six mois<br />

avant de rejoindre<br />

un club<br />

professionnel. En<br />

mettant les pieds<br />

là-bas, j’ai compris<br />

que c’était un vrai<br />

bazar. Quand<br />

j’arrive pour le<br />

premier<br />

entraînement et<br />

que je découvre<br />

les terrains, waouh<br />

je n’avais jamais vu<br />

ça de ma vie. Ils<br />

étaient dans un<br />

état<br />

catastrophique.<br />

C’était de la terre,<br />

il n’y avait pas<br />

d’herbe.<br />

À la fin de l’entraînement, je vais vers<br />

l’agent qui m’a amené là-bas et je lui<br />

dis que je ne veux pas signer.<br />

Finalement, je comprends


que c’est une phase obligatoire. Je<br />

relativise et me dis que cela va durer<br />

que six mois. C’était les six mois les<br />

plus longs de ma vie (rires).<br />

Tu dis que les conditions n'étaient<br />

pas bonnes. J'imagine que tu ne<br />

parles pas que de l'état du terrain ?<br />

Non, les six premiers mois étaient<br />

horribles sur tous les aspects. Je<br />

pourrais écrire un livre sur tout ça. J'ai<br />

passé un mois à neuf dans un trois<br />

pièces. Certains buvaient et fumaient<br />

le soir, certains devaient dormir dans<br />

le salon, ce n'était vraiment pas l'idéal.<br />

Les mois suivants, je passais d'hôtels<br />

en hôtels. Un jour, à l’hôtel, il n'y avait<br />

pas de petit déjeuner. Le club me<br />

dit de venir à la buvette et qu'ils vont<br />

me faire quelque chose à manger.<br />

J’arrive et ils me donnent un Kinder<br />

Bueno pour déjeuner (rires).<br />

C'étaient six mois extrêmement durs,<br />

qui font que mentalement, je ne vais<br />

pas bien. En quelques mois, je passe<br />

des incroyables structures en<br />

Allemagne à ça. C’était un vrai choc<br />

émotionnel. Et quand tu n'es pas<br />

bien, forcément les blessures arrivent.<br />

Il n'y avait pas de physio pour m'aider.<br />

De plus, je n'ai été payé que deux<br />

mois sur la première année. Un chaos<br />

total.<br />

Et après ces six premiers mois, les<br />

conditions s'améliorent-elles?<br />

Le Suisse a inscrit 4 buts lors de ses 4 derniers matchs de<br />

championnat.


Après six mois, j'ai des propositions en<br />

Serie C et en Serie B, mais je ne peux<br />

pas partir parce que je souffre d'une<br />

pubalgie. Les conditions au club ne<br />

changent pas, mais je m’y habitue. En<br />

général, quand tu es au plus mal, tu<br />

lâches tout. Mais là, je me suis mis à<br />

travailler encore plus dur et j'ai même<br />

pris six kilos de muscle. Ça ne pouvait<br />

pas me faire de mal (rires).<br />

J'étais déterminé à y arriver. Ça m'a<br />

beaucoup servi humainement et j'ai<br />

grandi à une vitesse folle. Je n'ai pas<br />

beaucoup appris sportivement, mais<br />

humainement parlant, je suis devenu<br />

un homme. J'ai appris l'italien,<br />

l'anglais et à vivre seul loin de ma<br />

famille. Dans le malheur, j'ai réussi à<br />

tirer du positif.<br />

récupère le ballon, je dribble trois<br />

joueurs et je tire du pointu sous la<br />

latte. Tout le monde croit que j’ai mis<br />

un extérieur du pied, mais c’était un<br />

vieux pointu (rires).<br />

Après ce but, le directeur sportif de la<br />

Reggiana, qui me suivait déjà,<br />

contacte mon agent pour lui dire qu’il<br />

me veut. La Reggiana était en Serie C,<br />

mais bien partie pour monter. J’arrive<br />

le 31 décembre 2022, et le lendemain<br />

j’ai le premier entraînement. À la fin<br />

de cet entraînement, pendant le petit<br />

match, on gagne 5-0 et je marque les<br />

cinq buts. Le directeur sportif appelle<br />

mon agent et il dit: «Qu’est-ce que tu<br />

m’as ramené ?». Mon agent a d’abord<br />

eu peur, il a cru que j’avais fait<br />

n’importe quoi (rires).<br />

À mon premier entrainement test à l’AC Reggiana,<br />

nous avons fait un petit match. On gagne 5-0 et je<br />

marque les 5 buts.<br />

Et au final, cette expérience te sera<br />

bénéfique, puisque tu parviens à<br />

signer en Serie B.<br />

Oui, parce qu'au final, je soigne ma<br />

pubalgie, et sur le terrain ça va mieux.<br />

L'été 2022 arrive et Sona annonce<br />

vouloir faire une fusion avec le Chievo<br />

Verone, qui venait de faire faillite. On<br />

m’a vendu un gros projet avec un<br />

gros budget, dans un grand stade.<br />

Même si c’était de la Serie D, ça reste<br />

le prestige d’un ancien club de Serie<br />

A, avec l’exposition et la visibilité qui<br />

vont avec.<br />

J’arrive là-bas et rebelote. Le<br />

président disparaît après trois<br />

semaines, les joueurs ne sont plus<br />

payés. Je joue quand même quelques<br />

matchs avec eux, je marque quelques<br />

buts, surtout un but magnifique où je<br />

Le club lui annonce qu’ils veulent me<br />

garder, mais que l’effectif est déjà<br />

complet. Donc je reste six mois sans<br />

jouer, sans contrat et sans être payé.<br />

Ils me payaient l’hôtel et la nourriture.<br />

Après ce que j’avais vécu à Sona, pour<br />

moi c'était déjà le luxe. J’avais une<br />

chambre pour moi, ce que je n’avais<br />

pas avant. Même si je n’étais pas payé,<br />

je pouvais aussi m’entraîner avec des<br />

joueurs qui avaient déjà joué en Serie<br />

A et en Coupe d’Europe. Ça change<br />

du football amateur.<br />

Qu’est-ce qu’il se passe après ces<br />

six mois?<br />

Au moment des vacances, je n’ai<br />

toujours pas signé. Mais je fais<br />

confiance à la parole du directeur<br />

sportif. En juillet, on part pour le camp


et on nous annonce que le coach sera<br />

Alessandro Nesta. Je passe du monde<br />

amateur à être entraîné par l’un des<br />

meilleurs défenseurs de l’histoire. Je<br />

signe mon contrat lors de ce camp de<br />

préparation.<br />

Au départ, ils me signent comme<br />

«doublure». Le coach ne me<br />

connaissait pas et j’ai réussi à le<br />

surprendre. Au premier match<br />

amical, je marque. Ensuite, arrive le<br />

premier match de Coupe contre<br />

Pescara, et là je marque encore.<br />

Au deuxième match de Coupe, on<br />

joue Monza, une équipe de Serie A.<br />

Six mois plus tôt, j’étais sur un terrain<br />

en terre, et maintenant je joue contre<br />

une équipe de Serie A. Je fais un bon<br />

match, tout le monde est content de<br />

moi et cela me permet d’enchaîner.<br />

Je joue les matchs, je marque mon<br />

premier but en championnat. Depuis<br />

quelques semaines, je trouve aussi de<br />

la régularité dans mes performances.<br />

En quelques mois, tu t’adaptes au<br />

monde professionnel. Comment vistu<br />

cette adaptation éclair ?<br />

J’ai toujours été sûr de mes qualités<br />

et de pouvoir jouer au niveau<br />

professionnel. Depuis mes 18 ans, je<br />

savais que c’était à ma portée. Donc<br />

cet été, quand j’arrive en Serie B à 21<br />

ans, je sais que j’ai les capacités pour<br />

jouer à ce niveau. Pour moi, ce n’est<br />

pas une ascension éclair, ça a<br />

simplement mis du temps à arriver. Si<br />

je suis honnête, je sais que je suis<br />

capable de mieux. Mon dernier mois a<br />

été bon, mais il m’a manqué de la<br />

régularité plus tôt dans la saison. Tout<br />

le monde parle de ce dernier mois,<br />

parce que dans le foot on pense au<br />

présent et le passé est vite oublié.<br />

Mais pour moi, qui suis très exigeant,<br />

je sais que je peux faire beaucoup<br />

mieux.


Tu en parlais: tu es entraîné par<br />

Alessandro Nesta. Qu’est-ce qu’il<br />

t’apporte au quotidien ?<br />

L’exigence. Je suis déjà très exigeant,<br />

mais lui en attend encore plus. Il est<br />

souvent derrière moi, sur tous les<br />

détails. Mon orientation du corps, le<br />

moindre contrôle, il veut que tout soit<br />

parfait. Il me raconte aussi souvent<br />

des anecdotes. Une fois il m’a raconté<br />

que quand il jouait à la Lazio, il était<br />

sûr de bien s’entraîner. Mais quand il<br />

est arrivé à Milan, il a compris que<br />

c’était autre chose d’être un<br />

champion. Ils allaient à deux mille à<br />

l’heure à tous les entraînements. À la<br />

fin de chaque séance, tout le monde<br />

restait. Et c’est cette mentalité qui fait<br />

qu’en match, tu peux être au top.<br />

C’est cette mentalité de gagnant, de<br />

champion, qu’il essaye de nous<br />

inculquer.<br />

Toi qui as connu la Suisse et l’Italie,<br />

d’un point de vue amateur et<br />

maintenant professionnel, qu’est-ce<br />

que tu remarques comme<br />

différences ?<br />

La culture du travail ici est<br />

complètement différente. En Italie, on<br />

travaille quatre ou cinq fois plus. Mais<br />

c’est vrai qu’en Suisse romande, on<br />

n’est pas connu pour être des<br />

bosseurs (rires). La mentalité de<br />

travail est aussi décuplée. Il y a<br />

beaucoup plus de course pendant les<br />

entraînements. Même si c’est utile,<br />

c’est le truc que j’aime le moins. Par<br />

exemple, à Servette, on ne faisait pas<br />

de course, on faisait que du ballon. La<br />

rigueur de travail est plus importante<br />

aussi. C’est clairement une<br />

opportunité pour progresser de ce<br />

point de vue.


Et d’un point de vue footballistique,<br />

c’est un pays qui te plaît ?<br />

Oui et non. Je suis plus un joueur de<br />

ballon, et c’est clair qu’en Serie D, il<br />

n’y avait pas de ballon (rires). En Serie<br />

B, il y a plus de jeu. On a un coach qui<br />

veut repartir de derrière et c’est ce<br />

que je cherche, c’est ce que j’aime.<br />

J’ai connu ce jeu avec Ursea et depuis<br />

c’est comme ça que je veux jouer au<br />

football. Ses idées sont similaires aux<br />

miennes, donc je prends du plaisir.<br />

Pour moi, on doit jouer, c’est ça qui<br />

est beau et c’est ça qui plaît aux<br />

supporters.<br />

Au niveau du club, pour un néopromu,<br />

vous faites une bonne<br />

saison. Quels sont vos objectifs<br />

pour cette première saison en Serie<br />

B?<br />

On a connu une mauvaise passe,<br />

avec deux mois sans victoire, mais on<br />

va un peu mieux et on parvient à<br />

enchaîner. L’objectif du club est<br />

avant tout de se sauver. C’est le plus<br />

important. Ce qui arrivera après, c’est<br />

que du bonus. On prendra ce qu’il y a<br />

à prendre. Après c’est sûr que<br />

personnellement, je joue au foot pour<br />

gagner. Mais d’abord, tout donner<br />

pour se sauver. La suite, on verra.<br />

Est-ce que depuis l’Italie, tu suis un<br />

peu le championnat suisse ? C’est<br />

un championnat qui t’intéresse<br />

pour le futur ?<br />

Je regarde le football suisse, oui. Mais<br />

ce n’est pas un championnat qui<br />

m’intéresse à l’heure actuelle. Ce<br />

n’est pas ce vers quoi je m’oriente. Si<br />

j’avais le choix, je ne pense pas que je<br />

retournerais en Suisse maintenant.<br />

Parce qu’ici, la ferveur, l’atmosphère,<br />

l’amour du foot, les supporters, tout<br />

est vraiment exceptionnel.<br />

Tu veux rester en Italie ?<br />

En Italie ou ailleurs, on verra. Je ne<br />

suis fermé à aucun pays. Pour<br />

l’instant, je suis à la Reggiana, j’ai<br />

mon contrat jusqu’en 2027, donc on<br />

verra ce qu’il se passera ensuite. Je<br />

veux juste faire ces six mois<br />

tranquillement, en essayant de<br />

sauver le club. La suite, on verra plus<br />

tard.<br />

Est-ce que l’équipe nationale est<br />

dans un coin de ta tête ?<br />

Oui, clairement. Ce serait un rêve.<br />

J’aimerais beaucoup intégrer l’équipe<br />

de Suisse. Évidemment, ce n’est pas<br />

moi qui décide (rires). Mais j’espère<br />

que mes performances pourront au<br />

moins faire du bruit jusqu’aux oreilles<br />

du sélectionneur. Je sais qu’il y a du<br />

monde à mon poste et qu’il y a<br />

surtout encore beaucoup de travail<br />

avant d’y arriver. Mais on ne sait<br />

jamais. Je n’ai pas de limites au<br />

niveau des rêves et des objectifs.<br />

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter<br />

pour la suite?<br />

La santé, c’est le plus important. La<br />

santé physique et mentale. Parce<br />

qu’on n’en parle pas souvent, mais la<br />

santé mentale est vraiment très<br />

importante. J’ai beaucoup appris,<br />

beaucoup travaillé sur moi-même.<br />

J’ai pu apprendre à gérer mes<br />

émotions. Ces deux dernières années<br />

ont été dures, mais j’ai beaucoup<br />

appris.


IL ÉTAIT UNE FOIS<br />

GIUSEPPE<br />

SANINO


LA PASSION<br />

AVANT TOUT<br />

C'est l'histoire d'un homme qui est né en avril 1957 dans la province de Naples.<br />

Giuseppe Sannino est un véritable passionné de football, comme il se décrit<br />

lui-même. Milieu de terrain offensif dans les années 1970 et 1980 dans les Series<br />

B à D en Italie, il commence sa carrière d'entraîneur dans son pays natal en<br />

1996. Coach junior, puis amateur, il est passé par tous les échelons italiens<br />

jusqu'à la Serie A avec Palerme et Sienne. Sa carte de visite a de quoi étonner<br />

plus d'un, lui qui, à 66 ans, a passé plus de la moitié de sa vie (35 ans) à<br />

entraîner. Spécialiste des promotions, «Monsieur Promotion», comme on<br />

pourrait l'appeler, il est aussi un véritable globe-trotteur. Du pays des tifosis à<br />

l'Angleterre, en passant par la Grèce, la Hongrie, la Libye et maintenant la<br />

Suisse avec le FC Paradiso au Tessin en Promotion League. L'homme a<br />

également encadré des joueurs de classe mondiale tels que Paulo Dybala ou<br />

Josip Ilicic.<br />

RÉDACTION: LUDOVIC CHEVALIER<br />

Mais alors, que fait cet entraîneur<br />

itinérant dans une équipe amateur de<br />

Promotion League? Giuseppe<br />

Sannino, sans surprise, nous répond<br />

qu'il est là avant tout par passion: «J'ai<br />

remporté des championnats dans<br />

plusieurs pays. J'ai fait monter des<br />

équipes amateurs (Varese et Sud-<br />

Tyrol) de 4e divisions jusqu'aux portes<br />

de la Serie A. J'ai vécu la Coupe<br />

d’Europe, l'Angleterre ou la Ligue des<br />

Champions Africaine. Maintenant,<br />

mon défi c'est de faire monter<br />

Paradiso de la Première Ligue Classic<br />

à la Challenge League.»<br />

Arrivé en octobre 2022 au club, le<br />

Napolitain a déjà réussi l'accession en<br />

Promotion League cet été. Et les<br />

Tessinois sont 2èmes du classement à<br />

la moitié du championnat derrière<br />

Étoile Carouge. Rappelez-vous que<br />

Paradiso n'était qu'en 2ème ligue<br />

interrégionale en 2017. Il n'y a donc<br />

pas de meilleur environnement pour<br />

Giuseppe Sannino afin de faire parler<br />

sa magie. Certes, les infrastructures<br />

sont dignes de la 4ème ligue et le<br />

budget avoisine les 750'000 francs,<br />

mais l'ancien<br />

coach de Watford a de la suite dans<br />

les idées. Un recrutement intelligent<br />

cet hiver et une stratégie claire. À 66<br />

ans, ce passionné n'a de loin pas fini<br />

sa carrière, et il se verrait bien<br />

retrouver les sommets un jour.<br />

Pourquoi pas en Suisse et en Super<br />

League?<br />

Salut Giuseppe, comment as-tu<br />

commencé cette année 2024 ?<br />

J'ai commencé l'année sur les<br />

terrains, avec un premier<br />

entraînement en double séance le 3<br />

janvier. Nous nous préparons<br />

pendant environ 40 jours afin d'être<br />

prêts pour la reprise face à Delémont.<br />

J'avoue que la trêve hivernale est<br />

longue en Suisse.<br />

Pourquoi Paradiso et comment astu<br />

atterri en Suisse?<br />

Ayant été à Varèse pendant de<br />

nombreuses années, la Suisse m’a<br />

toujours fasciné, mais c'était difficile<br />

d'y entrer. J’y suis arrivé un peu par<br />

hasard en octobre 2022. Après mon<br />

départ d’Al-Ittihad en Première<br />

division libyenne, des Américains<br />

m’ont contacté pour retourner en<br />

Italie. Ils avaient acheté un club avec


un projet de 3 ans, mais j’ai tout de<br />

suite compris qu’il y avait quelque<br />

chose qui n’allait pas. Et au bout d’un<br />

mois, je me suis enfui.<br />

Vraiment?<br />

Oui, je ne pouvais pas rester. Je me<br />

suis échappé la nuit et je suis rentré<br />

chez moi. J’ai eu la chance, en<br />

discutant avec l'un de mes nombreux<br />

contacts, d'apprendre qu’un club en<br />

Suisse recherchait un coach. Mais<br />

quand je me suis renseigné sur la<br />

catégorie et qu’ils m’ont parlé de la<br />

Première Ligue Classic, je ne savais<br />

pas vraiment quel était le niveau.<br />

Néanmoins, je n’ai pas réfléchi trop<br />

longtemps et j’ai décidé d’accepter, le<br />

plus important étant l’envie d’être sur<br />

le terrain. C’est donc comme cela que<br />

j’ai eu la chance d’arriver au FC<br />

Paradiso, en Suisse. On connaît tous<br />

la suite, nous avons remporté le<br />

championnat et sommes montés en<br />

Première Ligue Promotion.<br />

Alors peut-on dire que c’est par<br />

passion que tu as accepté cette<br />

aventure?<br />

Oui, totalement. C’est la passion pour<br />

cette balle qui roule, car s'il n'y a pas<br />

de passion, il n'y a pas de travail. Tous<br />

les métiers doivent être faits avec<br />

passion. Si l’étincelle manque, on ne<br />

peut rien faire dans la vie. Et pour moi<br />

ici, c'est comme si j'entraînais en Serie<br />

A.<br />

Comment vois-tu justement le<br />

football suisse?<br />

Le football suisse est riche en termes<br />

de qualités techniques. De plus, les<br />

clubs dès la Première Ligue Classic<br />

sont très bien structurés. Ce qui m'a<br />

tout de suite frappé, ce sont les<br />

nombreux jeunes joueurs avec de<br />

grandes qualités. Quel vivier, je l'ai<br />

remarqué tout de suite l'année<br />

dernière contre certaines équipes<br />

M21. On peut, toutefois, se demander<br />

pourquoi et regretter que tant de ces<br />

jeunes se perdent en cours de route.<br />

Et comment imagines-tu ton avenir<br />

en Suisse?<br />

Mon objectif, comme tous ceux qui<br />

exercent ce métier, est de<br />

m'améliorer chaque jour. Je suis entré<br />

dans ce pays en tant qu'invité. J'aime<br />

comprendre, j'aime regarder, mais<br />

j'aime surtout apporter l'expérience<br />

que j'ai acquise tout au long de ma<br />

carrière et de mon voyage<br />

footballistique.<br />

Quels sont tes objectifs avec<br />

Paradiso? La Challenge League<br />

peut-être?<br />

Quand je suis arrivé en Première<br />

Ligue Classic, il n'y avait pas l'objectif<br />

de remporter le championnat, mais<br />

nous l’avons fait. Cette année,<br />

l’objectif est de faire parler de<br />

Paradiso comme d'un club qui donne<br />

sa chance aux jeunes. Par exemple,<br />

on ne peut pas se comparer à Étoile<br />

Carouge, puisqu’on n'était au départ<br />

pas bâtis pour remporter le<br />

championnat.<br />

Giuseppe Sanino est un véritable spécialiste des<br />

promotions.


Revenons à ta carrière, à ce voyage,<br />

de Palerme à Sienne en passant par<br />

Honved ou Watford. Quel est selon<br />

toi le plus grand club pour lequel tu<br />

as entraîné?<br />

Je pense que je me suis très bien<br />

débrouillé presque partout où j'ai<br />

entraîné. Tout le monde m'a donné<br />

l'opportunité d'apprendre mais<br />

surtout de pouvoir donner. Que ce<br />

soit en Serie A, à Sienne, Palerme, ou<br />

en Serie B avec Varèse, Chievo, sans<br />

oublier les équipes de Serie C que j'ai<br />

entraînées, ce sont tous de très<br />

grands clubs.<br />

Et bien sûr, j’ai eu la chance de<br />

pouvoir entraîner là où tout le monde<br />

aimerait aller, en Angleterre, à<br />

Watford. Et ce fut tout simplement<br />

incroyable. Je crois que j'ai vraiment<br />

touché le ciel du doigt parce que<br />

j'étais entré dans un football vraiment<br />

différent des autres pays. Là-bas, il y a<br />

la beauté des stades toujours pleins,<br />

la beauté des terrains extraordinaires,<br />

et une organisation à 360 degrés.<br />

Tout ou presque tourne autour du<br />

football. Il y a aussi le grand privilège<br />

de ne pas avoir à circuler avec la<br />

police. Lorsque vous arrivez au stade<br />

avec votre bus, les supporters<br />

visiteurs vous demandent des photos<br />

et des autographes. Et cette envie<br />

d'exceller à chaque seconde, que l’on<br />

perde ou gagne 3-0. L’Angleterre,<br />

c’est certainement l’endroit avec le<br />

plus bel environnement que j'ai<br />

trouvé pour jouer au football.<br />

On sent une certaine nostalgie…<br />

Oui, je suis parti en démissionnant<br />

alors qu'on était deuxième du<br />

classement de Championship, à un<br />

point de Norwich. Quelques mois plus<br />

tard, ils ont été promus en Premier<br />

League en remportant le<br />

championnat. Si tu me demandes si<br />

j'ai un regret dans ma carrière, c'est<br />

bien celui-là, d'avoir démissionné à<br />

Watford.<br />

Tu as aussi joué la Ligue Europa<br />

avec Budapest. Est-ce aussi intense<br />

que le championnat anglais?<br />

J'ai eu la chance d'entraîner dans<br />

l'équipe la plus importante et la plus<br />

titrée de Hongrie avec des structures<br />

saines et une croissance d’un point de<br />

vue sportif impressionnante dans ce<br />

pays. À Honved, j'ai effectivement<br />

joué en Ligue Europa notamment<br />

contre Craiova. Nous avons terminé<br />

cinquièmes du championnat et<br />

remporté la Coupe de Hongrie. Pas<br />

mal comme souvenir.<br />

Tu as entraîné Paulo Dybala à<br />

Palerme. Comment reconnaît-on un<br />

grand ou futur grand joueur?<br />

Quand Dybala est arrivé à Palerme,<br />

c'était un jeune homme de 18 ans à<br />

peine. Nous devons dire un grand<br />

bravo au président Zamparini et à ses<br />

recruteurs qui ont vu en ce garçon un<br />

talent inouï. Aujourd’hui tout le<br />

monde le considère comme un<br />

numéro 10, mais il est arrivé comme<br />

avant-centre sans jamais avoir joué<br />

en 1ère division argentine, ni avoir été<br />

sélectionné en nationales juniors. Dès<br />

son arrivée, j'ai vu qu'il avait du talent<br />

car dans son innocence, il rendait des<br />

choses difficiles si faciles avec<br />

simplicité, sans «grigri».<br />

D’autres joueurs qui t’ont marqué<br />

l’esprit?<br />

Beaucoup de joueurs sont passés<br />

dans mes clubs et c’est toujours<br />

difficile de sortir un nom sans en<br />

oublier un. Mais je citerais Franco<br />

Brienza, «mamma mia…che<br />

giocatore», un de ces joueurs qui te<br />

donne tout. Je pourrais aussi te parler<br />

de Francesco Bolzoni qui a débuté<br />

avec l’Inter à 18 ans et est mon<br />

assistant actuel au FC Paradiso. Un<br />

mec en or qui veut tous les jours<br />

apprendre. J’ai également eu Josip<br />

Ilicic, Fabrizio Miccoli, ou Mickael<br />

Barreto. D’autres moins connus<br />

comme Sébastian Leto, ancien de<br />

Liverpool, font partie de ces<br />

footballeurs malchanceux.


Il fut le premier joueur à bénéficier<br />

d’une reconstruction du ligament<br />

croisé avec le ligament d’une autre<br />

personne, et à chaque fois que je le<br />

voyais au bord du terrain, je lui disais<br />

que c’était le meilleur joueur que<br />

j’avais entraîné.<br />

Mais ces joueurs ne sont que la pointe<br />

de l'iceberg, je n'oublierai jamais les<br />

garçons que j'ai entraînés dans le<br />

secteur des jeunes, qui, par leurs<br />

actions sur le terrain, m’ont<br />

énormément enrichi dans le jeu et<br />

fait évoluer.<br />

Revenons au monde semiprofessionnel<br />

de Paradiso. Est-ce<br />

qu’on entraîne différemment Paulo<br />

Dybala de Noah Kamé ou Lorenzo<br />

Loiero?<br />

J'entraîne mon capitaine Loiero et<br />

Kamé comme si c’était Dybala.<br />

C’est la force de Paradiso. Dès que je<br />

suis arrivé, ils ont compris que pour<br />

moi, c'étaient des joueurs de<br />

première division. C’est vrai qu’en<br />

Serie A, tu t'entraînes le matin, l'aprèsmidi,<br />

et qu’ici tu ne t'entraînes pas<br />

avant 19h30 le soir dans le froid après<br />

8 heures de travail. Mais, j'ai essayé de<br />

leur faire comprendre que bien qu'ils<br />

faisaient des sacrifices et que nous<br />

n’étions qu’en première ligue, nous<br />

pouvions être dans l’âme d’une<br />

équipe de Serie A. Et c'est là notre<br />

vraie force.<br />

Pour cette année, j’ai encore essayé<br />

de faire quelques changements, en<br />

nous entraînant parfois en double<br />

séance, à midi et le soir pour donner<br />

une dimension encore un peu plus<br />

professionnelle. Le plus important,<br />

L’actuel entraîneur du FC Paradisio est connu pour être un globetrotteur.


c’est être vrai, que les joueurs<br />

comprennent que vous êtes<br />

authentique. Et que lorsque vous<br />

parlez, vous ne parlez pas pour faire<br />

des métaphores.<br />

N'est-ce pas plus compliqué avec<br />

des infrastructures et des effectifs<br />

réduits? Ou est-ce qu'on s'adapte,<br />

tout étant une question de<br />

mentalité?<br />

Je dis toujours que partout où vous<br />

allez, dans chaque catégorie, que ce<br />

soit la 4ème ligue ou la Super League,<br />

vous pouvez toujours être organisé.<br />

Avec les moyens dont nous<br />

disposons, nous pouvons nous<br />

structurer comme s'il s'agissait de la<br />

Super League, mais cela demande<br />

bien sûr beaucoup de créativité.<br />

D'un point de vue plus personnel,<br />

crois-tu toujours à la Serie A?<br />

Effectivement, j'ai encore de<br />

nombreux objectifs à atteindre. Il y<br />

avait déjà la possibilité d'aller en<br />

Challenge League cette saison, mais<br />

je suis très reconnaissant vis-à-vis du<br />

président Caggiano qui m'a donné la<br />

chance de débuter avec Paradiso et<br />

je préfère mettre mes valeurs avant<br />

toute chose. Mon objectif principal est<br />

de pouvoir donner aux gars que j'ai<br />

actuellement toutes les options<br />

possibles pour que cette équipe fasse<br />

encore parler de moi à l'avenir.<br />

Sinon, oui pourquoi pas, j'espère un<br />

jour pouvoir entraîner une équipe<br />

nationale. Et revenir en première<br />

division.<br />

Tu as entraîné 24 clubs dans 6 pays<br />

différents en 26 ans, peut-on dire<br />

que tu es un globe-trotter du<br />

football?<br />

Oui, et j’en suis très content. Je dirais<br />

que si j'avais eu, il y a 10 ans, la<br />

possibilité de partir à l'étranger plus<br />

tôt, je pense que j'aurais encore plus<br />

entraîné à l'international.<br />

Revenons en Suisse. Quelle est ta<br />

vision pour le football suisse et<br />

tessinois?<br />

Je vais souvent voir Lugano en Super<br />

League, et c'est un jeu agréable à<br />

regarder. J'entends souvent qu'il y a<br />

des différences entre le Tessin et le<br />

reste de la Suisse, mais le niveau et les<br />

infrastructures sont là. Et je pense<br />

qu’à Lugano, en ce moment, il y a une<br />

volonté de combler l'écart avec les<br />

tout premiers. Ils sont en train de<br />

reconstruire leur stade, ils ont<br />

remporté la Coupe de Suisse et joué<br />

l’Europa League. Quel succès pour le<br />

canton.<br />

Alors, le Tessin peut se permettre<br />

deux équipes en Challenge League?<br />

J’aimerais beaucoup qu'il y ait plus<br />

d'équipes tessinoises en Super<br />

League et en Challenge League. Avec<br />

pourquoi pas un élargissement de<br />

cette 2ème division avec un<br />

championnat où l’on puisse se battre<br />

un peu du bas jusqu’au haut. Cette<br />

année, par exemple en Promotion<br />

League nous n'avons qu'une seule<br />

équipe qui monte. Si vous allez en<br />

Angleterre, la deuxième division est<br />

composée de 24 équipes, vous êtes<br />

plus compétitif et vous donnez plus<br />

d'espace aux jeunes joueurs. L'équipe<br />

nationale en profiterait également.<br />

Beaucoup de jeunes s'arrêtent trop<br />

vite parce qu'il y a peu d'équipes<br />

comme je le mentionnais avant.<br />

On sent la passion à nouveau…<br />

Oui, le football est le sport du peuple,<br />

je ne parle pas d’un sport des pauvres,<br />

mais du sport de tous. Le football<br />

reste un sport qui peut tourner au<br />

conte de fées. Il ne s'agit donc pas de<br />

savoir s'il peut y avoir une, deux ou<br />

huit équipes dans un canton.<br />

La meilleure chose est que le football<br />

peut offrir à n'importe qui la<br />

possibilité de devenir un club<br />

professionnel. Et cela peut arriver<br />

n'importe où. Regarde quand j'étais à<br />

Varese, on m'a appelé, on était<br />

derniers en C2 (l’actuelle D4). On a<br />

gagné le championnat l'année


suivante, puis celui de C1 l’année<br />

d’après, et deux ans plus tard on était<br />

en Serie B avant d’échouer en demifinale<br />

pour la montée en Serie A. Et<br />

quand nous sommes montés en Serie<br />

B, j'ai dit aux garçons: «Maintenant<br />

une porte s'est ouverte où nous<br />

pouvons aller n’importe où dans ce<br />

monde du football.»<br />

Tu connais bien Steve Von Bergen<br />

pour l'avoir entraîné à Palerme, cela<br />

peut-il te donner des idées?<br />

J'étais très heureux de le revoir à deux<br />

reprises à Lugano. Pour moi, c'était<br />

une surprise quand il a arrêté de jouer<br />

pour devenir immédiatement<br />

directeur sportif. De plus, dans ce<br />

club extraordinaire qu’est Young<br />

Boys. Nous avons ensuite un peu<br />

échangé par message. Steve est une<br />

personne d'une éducation<br />

irréprochable et d'une grinta<br />

incroyable sur le terrain, un vrai<br />

soldat. Je suis heureux de l'avoir revu.<br />

Le football, en plus d'être un sport,<br />

donne cette opportunité de<br />

rencontrer et de connaître des gens<br />

du monde entier. Et Steve connaît ma<br />

manière de travailler…<br />

Alors à 66 ans, la passion ne s'éteint<br />

jamais?<br />

Non, regarde ici à Paradiso, ce club<br />

qui m'a donné l'opportunité d'entrer<br />

dans un autre pays en Suisse, je reste<br />

toujours aussi passionné. Je voudrais<br />

d’ailleurs remercier le président<br />

Caggiano, le staff, les dirigeants,<br />

toutes les personnes qui me sont<br />

proches et qui me soutiennent, et<br />

bien sûr les joueurs. Ce sont eux les<br />

principaux acteurs.<br />

Et pour mon âge, si quelqu'un voit<br />

ma carte d'identité, qu’il vienne aussi<br />

voir mes séances d’entraînement.<br />

Viens voir l’entraînement puis reposemoi<br />

la question.<br />

Du coup, une équipe de Super<br />

League, en soi, peut être un objectif<br />

pour la fin de ta carrière en Suisse?<br />

Je ne me fixe jamais de limites, c'est<br />

toujours le terrain qui parle. Mon<br />

objectif est de pouvoir faire en sorte<br />

qu'à travers cette équipe, il y ait le<br />

plus de monde possible qui puisse<br />

apprendre à me connaître et me<br />

donner des opportunités. C’est assez<br />

normal de commencer par le bas et<br />

d'arriver au sommet. Donc oui, la<br />

Super League, c'est une aspiration<br />

normale, un objectif.<br />

Le football, en plus d'être un sport, donne cette<br />

opportunité de rencontrer et de connaître des gens<br />

du monde entier.


LE CLASSEMENT DES BUTEURS<br />

SAISON 2023/24 MATCHWEEK 19<br />

1 Chris Bedia 17 matchs 10 buts<br />

2 Jonathan Okita 19 matchs 9 buts<br />

3 Jean-Pierre Nsame 18 matchs 9 buts<br />

4 Chadrac Akolo 18 matchs 8 buts<br />

5 Antonio Marchesano 17 matchs 7 buts<br />

6 Kaly Sène 18 matchs 7 buts<br />

7 Tsiy Ndenge 18 matchs 7 buts<br />

8 Matteo Di Giusto 18 matchs 6 buts<br />

9 Willem Geubells 18 matchs 6 buts<br />

10 Sayfallah Ltaief 17 matchs 6 buts


Dan Ndoye<br />

Une grosse faim<br />

européenne


décembre 2023. On est<br />

dans la dernière heure<br />

avant minuit. Il est 23:19<br />

exactement, quand Dan Ndoye fait<br />

double quine: il qualifie Bologne pour<br />

les quarts de finale de la Coupe<br />

d’Italie et marque son premier but en<br />

Italie. À quatre minutes de la séance<br />

des tirs au but. À Giuseppe Meazza.<br />

Devant plus de 64'000 spectateurs.<br />

Contre le leader du championnat et<br />

actuel meilleur effectif de la botte :<br />

l’Inter de Lautaro Martinez.<br />

Un scénario de rêve. «La sensation est<br />

indescriptible, me confie-t-il. Dans le<br />

contexte de la Coupe, dans les<br />

dernières minutes, dans un stade<br />

aussi mythique. C’est sans doute l’un<br />

de mes plus beaux moments depuis<br />

que je suis à Bologne». On veut bien<br />

le croire ! Un but victorieux inscrit au<br />

terme d’un sprint monstrueux conclu<br />

par une délicieuse petite balle piquée<br />

parfaite pour gagner son un contre<br />

un avec Emil Audero. Une merveille.<br />

«Une caresse au ballon mais aussi un<br />

sprint digne d’un 100 mètres aux JO»,<br />

analyse La Gazzetta dello Sport au<br />

lendemain du match en lui collant la<br />

note de 7.<br />

Ce qui m’a impressionné dans ce but,<br />

c’est le sang-froid de l’ancien<br />

Lausannois, et sa capacité à conclure<br />

l’action, même après avoir à peine<br />

trop poussé le ballon. On en parle<br />

ensemble. Il n’est pas d’accord avec<br />

moi. Il décortique son goal. «Je vois<br />

d’abord Zirkzee qui reçoit le ballon. Je<br />

le vois faire un petit pont sur Acerbi,<br />

ce qui libère de l’espace devant lui. À<br />

ce moment-là je sais que je dois<br />

attaquer la profondeur. Je fais une<br />

course qui lui suggère la passe dans<br />

l’espace. Et là je sais que ça va être<br />

une action dangereuse. Je reste très<br />

concentré sur ce qui va se passer.<br />

Pendant ma course, j’analyse : je vois<br />

les mouvements du gardien devant<br />

moi et des défenseurs qui reviennent<br />

dans mon dos. Et là je sais que ma<br />

première touche ne doit pas être trop<br />

Daniel Romano<br />

Journaliste<br />

blue Sport<br />

Je n’aime pas préparer<br />

mes célébrations à<br />

l’avance!<br />

Dan Ndoye<br />

courte parce que sinon le défenseur<br />

derrière moi peut revenir. Elle ne doit<br />

pas être trop longue non plus pour<br />

que je puisse affronter le gardien.<br />

Cette touche-là, elle me permet de<br />

continuer ma course. Tu penses peutêtre<br />

qu’elle est trop longue, comme<br />

d’autres me l’ont dit aussi. Mais si je la<br />

fais plus courte, alors Audero ne sort<br />

pas. Et je ne peux pas conclure.»<br />

Un but qui couronne un gros travail<br />

sur toute l’action. Un goal qui était<br />

aussi dans l’air depuis plusieurs<br />

semaines déjà, si on repense aux<br />

prestations très abouties du Vaudois<br />

contre la Roma ou l’Atalanta. «Ça<br />

faisait plusieurs semaines que je<br />

voulais aller chercher ce but, c’est vrai,<br />

avoue-t-il. Je travaillais bien aux<br />

entraînements sur la finition, les<br />

centres, les situations devant le but, je<br />

sentais que ça allait arriver». Pourtant,<br />

au moment de mettre le ballon au<br />

fond, on a la nette sensation que<br />

malgré tout, il n’avait pas forcément<br />

prévu sa célébration. «Je n’aime pas<br />

trop préparer ces choses à l’avance.<br />

J’y vais au feeling pour vivre le<br />

moment présent. Tout le monde m’a<br />

bondi dessus. C’était trop bon»,<br />

reconnait l’ancien Bâlois,


Après deux saisons au FC Bâle, Dan Ndoye a rejoint l’Italie et Bologne contre 9<br />

millions. Le Vaudois s’est parfaitement intégré dans le système de Thiago Motta.<br />

aujourd’hui dans l’équipe qui a la plus<br />

grosse hype d’Italie.<br />

L’équipe du moment<br />

2023 a été une Lune de Miel<br />

formidable pour le club, avec sa ville<br />

et son public. C’est aussi un record de<br />

points historique au terme de la<br />

saison dernière en championnat. «Je<br />

sens qu’il s’est créé une alchimie<br />

autour de cette équipe et de sa ville,<br />

affirmait dans la presse transalpine<br />

Thiago Motta, ancien international<br />

italien, ancienne légende de l’Inter et<br />

du PSG avec plus de 30 trophées dont<br />

2 Champions League dans son musée<br />

perso. Ce groupe possède un cœur<br />

immense, j’ai des joueurs qui<br />

travaillent ensemble, qui s’entraident<br />

et vivent bien entre eux». Dan Ndoye<br />

confirme: «Le vestiaire est très<br />

familial. On se voit aussi en dehors du<br />

terrain. En semaine, avec les<br />

coéquipiers, on aime bien aller voir la<br />

Virtus Bologna jouer en Euroleague.<br />

J’adore le basket. J’aime bien aussi la<br />

F1. Je regarde tout à la télévision. Je<br />

n’ai encore jamais pu assister à une<br />

course en vrai mais je projette d’aller<br />

voir le Grand Prix d’Imola ou de<br />

Monza un de ces jours vu que ce n’est<br />

pas très loin d’où j’habite. Je me suis<br />

déjà renseigné auprès de quelques<br />

personnes ici».<br />

Revenons au ballon rond. Pourquoi le<br />

FC Bologne est-il l’équipe du moment<br />

? Parce qu’il a une vraie identité de<br />

jeu qu’on reconnaît naturellement:<br />

cette volonté de jouer au ballon, de se<br />

faire plaisir, de jouer comme dans la<br />

cour de récréation le weekend après<br />

le gros travail fourni aux<br />

entraînements en semaine.


Le jeu des chaises musicales<br />

Cela semble facile comme ça. Mais<br />

une telle philosophie est très<br />

compliquée à mettre en place.<br />

D’abord parce qu’il n’est pas évident<br />

d’apprendre - et de comprendre - le<br />

foot de Thiago Motta. Pour que son<br />

football fonctionne, j’ai l’impression<br />

que chaque joueur doit savoir à peu<br />

près tout faire et que chacun doit<br />

connaître ses coéquipiers par cœur<br />

afin de pouvoir anticiper ou réagir<br />

presque immédiatement à un<br />

mouvement, à une idée, à une passe,<br />

à tout ce qui déclenche une action.<br />

Dans ce genre de cas le Mister me<br />

demande de jouer très haut et de<br />

faire des appels en profondeur pour<br />

étirer l’équipe adverse et pour que<br />

nous puissions jouer plus au ballon.<br />

Le coach a été décisif dans mon choix<br />

de venir à Bologne parce que je savais<br />

qu’il aime jouer et qu’il aime avoir le<br />

ballon. Et je prends du plaisir comme<br />

ça». Le plaisir de jouer, comme à 8 ans<br />

dans la cour de récré, encore une fois.<br />

Une idée confirmée sur le terrain.<br />

Prenez Ndoye par exemple. Le<br />

Vaudois est ailier sur le papier. Mais il<br />

peut être aussi tellement d’autres<br />

choses dans un seul et même match,<br />

un peu comme un immense jeu des<br />

chaises musicales en fonction de ce<br />

qui se passe ou de qui est le porteur<br />

du ballon. Tantôt vous le verrez sur le<br />

côté droit en mode ailier, tantôt vous<br />

serez surpris de le voir dézoner, dans<br />

le cœur du jeu voire même parfois de<br />

l’autre côté puisque l’un de ses<br />

coéquipiers aura couvert la zone<br />

laissée vulnérable par l’ancien<br />

lausannois. Se connaître par cœur,<br />

pour ne pas laisser de points de<br />

repères à l’adversaire. «C’est un jeu de<br />

positions, pas de rôle, confirme<br />

Ndoye. Le coach ne se contente pas<br />

de nous barricader en nous<br />

adjugeant un rôle.»<br />

«Thiago Motta décisif<br />

dans mon choix»<br />

Et puis il y a aussi cet accent mis sur<br />

la possession du ballon pour<br />

organiser le jeu (53,5% de possession<br />

en moyenne au 31 décembre),<br />

construire très bas, attendre<br />

l’adversaire puis chercher la<br />

profondeur une fois que le piège s’est<br />

refermé. «Dans ma zone par exemple,<br />

je dois parfois moins toucher le ballon<br />

pour laisser davantage d’espace aux<br />

défenseurs ou aux milieux pour<br />

pouvoir construire le jeu, confirme<br />

Ndoye.<br />

Contre l’Inter Milan, l’international suisse a<br />

inscrit son premier but avec Bologne.


En réalité, cela n’a rien de surprenant.<br />

Si vous êtes incapables de vous en<br />

souvenir, allez voir comment Thiago<br />

Motta jouait au football. Il avait cette<br />

relation si proche, si fusionnelle avec<br />

le ballon. C’était un «porteur de<br />

ballon». Il allait le chercher très bas. Il<br />

était parfois le premier relanceur et<br />

jouait plus bas que la ligne des<br />

défenseurs, un peu comme le faisait<br />

Pirlo. Pas étonnant que son équipe<br />

joue ainsi aujourd’hui. Une équipe<br />

active même sans le ballon : quand<br />

elle ne possède pas le cuir, c’est l’une<br />

des seules formations en Italie avec la<br />

Juventus et l’Inter qui dicte le<br />

contexte tactique en étant très active<br />

tout de même.<br />

Alors comment attendre et recevoir<br />

tout cela de la part de ses joueurs ?<br />

En travaillant sur la confiance et le<br />

groupe. Le coach a toute l’attention<br />

de son vestiaire. Les joueurs répètent<br />

souvent dans la presse qu’ils croient<br />

en leur grand objectif d’être européen<br />

la saison prochaine précisément<br />

parce que leur coach croit en eux, et<br />

en retour, eux croient en lui.<br />

De retour en février<br />

Blessé à l’ischio, Dan Ndoye est en<br />

pleine rééducation depuis sa blessure<br />

contre l’Atalanta le 23 décembre. La<br />

douleur est déjà moins importante<br />

qu’au début. «C’est une blessure<br />

difficile à accepter les premiers jours<br />

parce que j’étais dans une très bonne<br />

période où je sentais que tout se<br />

passait bien pour moi et pour<br />

l’équipe, regrette l’international<br />

suisse. C’est difficile de se blesser à ce<br />

moment-là mais je me dis que ça fait<br />

partie du foot. Dès que j’ai su<br />

combien de temps j’allais manquer, je<br />

me suis mis dans les conditions pour<br />

pouvoir me consacrer à ma<br />

rééducation pour être prêt à revenir<br />

de la meilleure des façons possibles»,<br />

révèle celui qui regardait la Serie A<br />

avec des étoiles dans les yeux durant<br />

son enfance.


«J’adorais Ronaldinho dans sa version<br />

à l’AC Milan. Jouer dans ce<br />

championnat, c’est un rêve qui se<br />

réalise», affirmait-il récemment dans<br />

La Gazzetta dello Sport.<br />

Son retour est estimé aux alentours<br />

du 14 février, au moment de la reprise<br />

des Coupes européennes : la<br />

Champions League, l’Europa League,<br />

qu’il a déjà jouée avec Nice, et la<br />

Conference League qu’il a déjà<br />

disputée avec Bâle. La Coupe<br />

d’Europe, Ndoye et ses coéquipiers<br />

l’ont dans le viseur. Si cette équipe<br />

propose en 2024 ce qu’elle a offert en<br />

2023, alors je lui en voudrais<br />

énormément de ne pas tenter un truc<br />

si elle est toujours dans les hauteurs<br />

du classement à quatre ou cinq<br />

journées du terme de la saison.<br />

Avec la Nati en Allemagne<br />

Une fin d’exercice qui se conclura en<br />

beauté avec l’Euro en Allemagne et<br />

un premier grand tournoi avec la<br />

Suisse. Si le natif de Nyon continue à<br />

jouer aussi régulièrement en Serie A,<br />

s’il propose les mêmes prestations<br />

qu’en 2023, s’il parvient à garder ce<br />

niveau tout en étant décisif et qu’il<br />

décroche une place en Europe avec<br />

Bologne, alors j’aurais énormément<br />

de peine à comprendre qu’il ne soit<br />

pas du voyage. D’autant plus qu’il a<br />

participé à la campagne de<br />

qualification. «J’espère être<br />

sélectionné et faire un grand Euro,<br />

glisse-t-il entre autres quand on lui<br />

demande ce qu’on peut lui souhaiter<br />

pour cette nouvelle année. J’espère<br />

continuer à performer et à être décisif<br />

le plus souvent possible en équipe<br />

nationale et en club. Et être éloigné<br />

des blessures après celle-ci.» Qu’il en<br />

soit ainsi.


HORS FRONTIÈRES<br />

MERCATO<br />

HIVERNAL<br />

DE DÉPENSES<br />

D’ÉQUITÉ


vec l’arrivée du froid et des matchs enneigés, vient aussi le<br />

mercato d’hiver. Le petit frère du mercato estival est parfois<br />

remis en question pour son utilité, alors que l’édition 2023 a<br />

battu tous les records. C’est plus d’1,46 milliard d’euros qui ont<br />

été dépensés lors de la fenêtre<br />

d’échange de l’année passée. Un montant total qui pourrait de nouveau<br />

atteindre des sommets cet hiver et qui sera dicté par la situation de<br />

certains clubs qui doivent se sauver, simplement se renforcer ou encore<br />

pallier certaines blessures.<br />

RÉDACTION: HUGO SIMON<br />

PHOTO: FC BÂLE<br />

TOUT POUR LA COMMISSSION<br />

Un mercato habituellement dit d’appoint a pris<br />

une proportion tout à fait différente l’année<br />

passée avec plus de 4 387 mouvements<br />

internationaux enregistrés. Jamais le mercato<br />

d’hiver n’avait atteint de tels sommets en termes<br />

de dépenses et de mouvements entre les clubs.<br />

Et la période d’échange hivernale que nous<br />

vivons pourrait prendre la même direction, voire<br />

atteindre des chiffres encore plus<br />

stratosphériques.<br />

Il y a quelques mois, la FIFA a fait entrer en<br />

vigueur un règlement concernant les agents de<br />

joueurs et un plafond concernant les<br />

commissions que ceux-ci touchent sur chaque<br />

transfert. Une réglementation qui a posé<br />

question dans de nombreux pays du football<br />

européen et que la FIFA a donc décidé de lever<br />

momentanément pour cet hiver. L’hiver 2024<br />

sera donc probablement la dernière période<br />

exempte de toute réglementation concernant les<br />

commissions d’agents. Et dans la crainte de cette<br />

réglementation, il existe une volonté chez<br />

certains agents de presser un peu le pas pour<br />

certains transferts cet hiver afin de toucher une<br />

commission pleine et sans plafond. C’est dans<br />

cette optique qu’on peut s’attendre à un nombre<br />

record de mouvements internationaux,<br />

avoisinant les 5 000 transactions.


UN MERCATO A L’ACCENT BRITISH<br />

Mais malgré des chiffres plus importants chaque année, le mercato<br />

d’hiver fait débat et son utilité est parfois remise en question. Un débat<br />

qui n’existe pas de l’autre côté de la Manche. Le championnat anglais est,<br />

pour sûr, celui qui rythme la période de transferts en janvier et celui qui<br />

souffrirait le plus d’une possible suppression de ce mercato. Les clubs<br />

anglais ont représenté à eux seuls 57,3 % du total des dépenses à l'échelle<br />

mondiale au mois de janvier de l’année passée, à hauteur de 835 millions<br />

d’euros. Huit des dix clubs les plus dépensiers sont sur le sol britannique<br />

et le champion en la matière reste Chelsea, avec plus de 300 millions<br />

d’euros dépensés en hiver l’année passée. Un club dépensier qui pointe à<br />

une triste neuvième place au championnat et duquel on peut attendre<br />

de nouvelles dépenses mirobolantes. C’est donc du côté de l’Angleterre<br />

que le mercato hivernal se dessine et prend ou non la direction d’un<br />

nouveau record, selon si des clubs comme Chelsea ou Manchester<br />

United font exploser la tirelire pour un nouveau transfert record, comme<br />

c’était le cas d'Enzo Fernandes et de ses 120 millions d’euros en janvier<br />

dernier.<br />

UN MANQUE D’EQUITÉ<br />

Les chiffres montrent que les clubs, comme les joueurs,<br />

trouvent toujours un intérêt à préserver une période de<br />

transferts en hiver. Mais au-delà de la question de l’utilité de<br />

ce mercato, se pose une autre question, celle de l’équité.<br />

Parce que le mercato d’hiver reste, en Europe du moins, une<br />

possibilité de modifier son effectif en plein milieu d’un<br />

championnat. Et à cet égard, les clubs les plus riches sont<br />

toujours les plus avantagés. Dans beaucoup de pays<br />

européens, il n’est pas rare de voir des clubs mal embarqués<br />

dans leur championnat respectif sauver leur saison grâce à un<br />

mercato hivernal qui change toute la face de l’équipe. Un club<br />

comme Lyon, actuellement à la lutte pour le maintien en<br />

Ligue 1, ne va pas batailler à armes égales avec Clermont ou<br />

Metz lors de ce mercato. Avec un budget double, voire triple, il<br />

est difficile d’imaginer l’OL être relégué en fin de saison. En<br />

atteste la récente signature de Malick Fofana en provenance<br />

du KAA Gent pour 17 millions d’euros, un joueur qu’aucun<br />

autre club du fond de classement ne pourrait se payer. Une<br />

situation qui existe au sein de notre championnat national,<br />

avec le FC Bâle. En très mauvaise posture avec 18 points sur<br />

les 54 possibles, le club bâlois a un budget bien plus<br />

conséquent que le club de Lausanne-Ouchy ou que celui<br />

d’Yverdon-Sport, concurrents directs du FCB cette saison.<br />

D’ailleurs, aucun de ces clubs ne devrait enregistrer d’arrivées<br />

payantes cet hiver, faute de budget, alors que Bâle a déjà<br />

officialisé la venue de Nicolas Vouilloz.<br />

L’utilité d’un mercato hivernal n’est donc plus à démontrer,<br />

les dépenses et les transactions en témoignent. Mais<br />

l’augmentation de l’activité en hiver élargit le fossé entre les<br />

clubs avec des budgets drastiquement différents. C’est de ce<br />

point de vue que nous pouvons le remettre en question, car le<br />

mercato d’hiver, c’est toujours plus d’argent pour toujours<br />

moins d’équité.


TALENT DE DEMAIN<br />

ARDON<br />

JASHARI<br />

CLIVANT


PASSIONNANT<br />

Photo: FC Lucerne


ictime de ses nombreuses polémiques, la pépite du football<br />

suisse ne fait pas l'unanimité parmi les supporters. Néanmoins,<br />

son potentiel est indéniable, et son talent illumine la Super<br />

League.<br />

RÉDACTION: ROBIN GODINAT<br />

PHOTOS: FC LUCERNE<br />

Soit vous l'adorez, soit vous le détestez. À 21 ans, Ardon<br />

Jashari crée déjà le débat. Ce mélange de talent, de<br />

caractère, de style et de potentiel ne pouvait être<br />

qu'explosif. En Super League, sous les couleurs du FC<br />

Lucerne, comme en équipe nationale, le milieu<br />

défensif a beaucoup fait parler de lui depuis un an.<br />

Entre ses performances XXL, des polémiques avec la<br />

Nati et un transfert avorté, on a compris que Jashari<br />

allait occuper l'actualité du football suisse pendant de<br />

nombreuses années. Comment, en un an et demi, la<br />

pépite lucernoise en est-elle arrivée à déchaîner les<br />

passions ?<br />

Ardon Jashari a fait ses premiers pas dans le monde<br />

professionnel le 31 janvier 2020, lors d'une victoire 2-1<br />

du FC Lucerne contre le FC Zurich. Durant cette<br />

rencontre, Jashari n’a joué qu’une minute. Mais Fabio<br />

Celestini, alors entraîneur du FC Lucerne, lui donna 27<br />

minutes dès la journée suivante face au FC Bâle (0-0).<br />

Il faudra alors attendre une année et demie avant de<br />

revoir le joyau lucernois en Super League. C’est à<br />

nouveau contre le FC Bâle, mais cette fois durant 90<br />

minutes. Dès lors, il s’impose comme une évidence au<br />

milieu de terrain de la formation de Mario Frick. Son<br />

talent est bien trop important pour que le coach<br />

puisse s'en passer. Ardon est indiscutable dans le onze<br />

lucernois et figure désormais parmi les meilleurs<br />

joueurs de la Super League. Estimé à 6,5 millions<br />

d'euros, il est le joueur avec la valeur marchande la<br />

plus élevée du championnat suisse.<br />

Un calme impressionnant avec le ballon<br />

Ardon Jashari se démarque grâce à un style<br />

particulier. Dans son rôle de numéro 6, il apporte un<br />

soutien important dans la sortie d'un pressing. Avec<br />

moins de 100 matchs en professionnel, il montre<br />

pourtant une maturité impressionnante avec le<br />

ballon, doté même d’une certaine élégance. Sa vision<br />

du jeu et de l’espace lui permettent de se libérer des<br />

nombreux marquages individuels auxquels il est<br />

soumis.


Une qualité profitable pour ses coéquipiers, qui<br />

ont l'habitude de s'appuyer sur lui pour faire<br />

progresser le jeu.<br />

Sans le ballon également, il vient souvent<br />

soutenir la défense centrale en décrochant du<br />

milieu de terrain. Du haut de ses 1 mètre 81, il<br />

brille également dans le jeu aérien, et sait se<br />

montrer décisif (3 buts et une passe décisive<br />

depuis le début de la saison). Jashari fascine<br />

aussi par son leadership, ce qui lui a valu de<br />

porter le brassard de capitaine dès sa première<br />

saison professionnelle, profitant des absences<br />

répétées de Gentner et Schürpf. Un rôle que<br />

Jashari a perdu cet été, après quelques<br />

tourments initiaux.<br />

Un transfert avorté au FC Bâle et un début<br />

de polémique<br />

La saison 2022-23 du jeune espoir a attiré<br />

l'attention de nombreux clubs européens.<br />

Parmi les principaux intéressés, des clubs de<br />

Bundesliga, dont le Werder Brême et le<br />

Borussia Mönchengladbach, mais aussi<br />

Anderlecht, la Juventus, Bologne… et le FC Bâle.<br />

Le club rhénan est passé tout près de s’offrir les<br />

services du joueur en juillet dernier, après que<br />

Jashari ait exprimé


publiquement son souhait de rejoindre la<br />

formation bâloise. «Avec le conseiller et la famille,<br />

nous avons décidé qu'il était temps de changer.<br />

Nous sommes arrivés à la conclusion que je voulais<br />

rester en Suisse. Je suis convaincu que je peux<br />

franchir une nouvelle étape dans ma carrière à<br />

Bâle», avait-il indiqué lors d’une interview pour<br />

Luzerner Zeitung. «Je demande aux responsables<br />

de négocier avec Bâle.»<br />

Une demande catégoriquement refusée par la<br />

direction lucernoise, qui n’a pas souhaité vendre le<br />

joueur à un effectif désormais concurrent en Super<br />

League. La volonté publique de Jashari d'intégrer<br />

les rangs bâlois n'a pas plu à Lucerne, qui a décidé<br />

de le sanctionner en lui retirant le brassard de<br />

capitaine. Ce n’est qu’en novembre dernier, contre<br />

Grasshoppers, qu’il l’a récupéré.<br />

Le refus de jouer pour l’équipe<br />

de Suisse des moins de 21 ans<br />

Ce n’est pas l’unique polémique<br />

qui a mis Jashari sur le devant<br />

de la scène. Son histoire avec<br />

l’équipe nationale est déjà<br />

particulièrement<br />

mouvementée. Jashari a porté<br />

le maillot suisse pour la<br />

première fois en


septembre 2022. S’il n'a joué qu’une minute face à<br />

la République tchèque, son rendement en Super<br />

League a été suffisant pour convaincre le<br />

sélectionneur de la Nati de le convoquer dans le<br />

cadre de la Coupe du monde au Qatar.<br />

Malgré lui, le nom de Jashari a beaucoup fait parler<br />

durant la compétition, notamment au terme du<br />

match contre la Serbie. Après la victoire de la<br />

Suisse, Granit Xhaka avait enfilé son maillot pour<br />

célébrer le résultat. S’il avait expliqué vouloir rendre<br />

hommage au jeune joueur, le geste a suscité la<br />

polémique, car Jashari est également le nom d’un<br />

des principaux fondateurs et dirigeants de l’Armée<br />

de libération du Kosovo (UÇK), Adem Jashari –<br />

considéré comme un criminel en Serbie. Une<br />

action qui a fait couler beaucoup d’encre. Il n’a pas<br />

joué sous ce maillot depuis.<br />

La popularité de Jashari a pris un nouveau coup en<br />

novembre. Alors qu’il devenait un habitué des M21,<br />

le natif de Cham (Zoug) a décliné sa convocation<br />

pour le dernier rassemblement de l’année. Avec<br />

cette décision, il s’est attiré les foudres des<br />

observateurs, certains y voyant de l’arrogance,<br />

d’autres un manque de professionnalisme. En<br />

estimant sa place dans l’équipe première évidente,<br />

il s’est mis beaucoup de fans à dos, mais<br />

potentiellement aussi la Fédération suisse. Il n’est<br />

pas certain qu’il soit à nouveau appelé en 2024<br />

dans la formation des jeunes Suisses, dirigée par<br />

l'entraîneur Sascha Stauch.


Le successeur de Granit<br />

Xhaka ?<br />

Quand on parle de Jashari,<br />

une comparaison évidente<br />

apparaît. Un milieu<br />

défensif, avec des origines<br />

kosovares, un certain<br />

tempérament, du<br />

leadership et une<br />

excellente gestion de<br />

l’espace. Comment ne pas<br />

penser à Granit Xhaka ? En<br />

tout cas, Ardon semble se<br />

distinguer comme son<br />

digne héritier. Il n’avait pas<br />

besoin de cette<br />

comparaison avec le<br />

capitaine de la Nati pour<br />

ajouter de la pression –<br />

Jashari en a déjà<br />

beaucoup. Les attentes<br />

sont grandes, car peu<br />

d’espoirs suisses ont<br />

montré autant de<br />

potentiel. Ce qui lui vaut<br />

de telles critiques dès qu’il<br />

fait un pas de travers. Il<br />

faudra de la persévérance,<br />

du professionnalisme et<br />

beaucoup de travail à<br />

Jashari pour atteindre le<br />

niveau de son aîné.<br />

Photo: FC Lucerne<br />

En attendant, il risque de<br />

quitter Lucerne l’été<br />

prochain, ce qui pourrait<br />

lui permettre de franchir<br />

un cap dans sa carrière. Un<br />

palier important pour<br />

Jashari, qui sera attendu<br />

au tournant. La crainte de<br />

le voir décevoir est là, mais<br />

la lueur d’espoir de le voir<br />

exploser prédomine.<br />

Photo: Thomas Henzelin


Julien Moret<br />

Fondateur<br />

KMedia / <strong>Corner</strong> <strong>Magazine</strong><br />

L’avis<br />

Aigusé<br />

21 ans et les idées bien en place, c'est le moins que l'on puisse dire. Ardon Jashari<br />

est un joueur et un jeune homme de caractère. Ce n'est pas pour rien qu'il est le<br />

capitaine de son équipe malgré des décisions que l'on pourrait qualifier de<br />

stupides, comme le fait de ne plus vouloir évoluer avec l'équipe des moins de 21<br />

ans suisse. Lancé à 18 ans et un jour par un certain Fabio Celestini, le cycle du<br />

joyau de Lucerne dans son club arrive enfin à sa fin. Lucerne est trop petit pour lui,<br />

et à petite ou grande échelle (allez demander à Mbappé), ce n'est jamais bon pour<br />

les intérêts communs. Ardon le sait. Il représente aujourd'hui une manne<br />

financière trop importante pour que son FCL fasse quoi que ce soit qui n'irait pas<br />

dans son sens. Mais parlons foot. Parce qu’au niveau football, Jashari c'est du<br />

plaisir à l'état brut.<br />

Ce qui me fascine le plus chez ce joueur, c'est sa maturité dans le jeu. Dans le<br />

système de Mario Frick, c'est lui qui dicte le jeu et le rythme de son équipe. Il est<br />

tellement à l'aise qu'il devient même de plus en plus décisif. Sans ballon, c'est<br />

également lui le patron. Malgré sa relative petite taille (1,81 m), il est présent dans<br />

les duels et à la récupération. Sans surprise, c'est lui qui donne les consignes sur le<br />

terrain. Les parallèles avec Granit Xhaka sont très clairement présentes. Je vois en<br />

lui le Granit que je voyais en 2011 aux côtés de Benjamin Huggel. L'attitude sur le<br />

terrain est presque identique si l'on enlève l'élégance singulière de Xhaka.<br />

Pour moi, Ardon a la "malchance" de ne pas évoluer dans l'un des deux meilleurs<br />

clubs du pays, comme la plupart des plus grands talents suisses de ces 20<br />

dernières années. L'été passé, il l’a compris et a voulu forcer son départ au FC Bâle.<br />

Malheureusement pour le football suisse, cela ne s'est pas fait. Oui,<br />

malheureusement. Car passer de Lucerne à un club du big 5 n'est pas une chose<br />

aisée. C'est même presque impossible si l'on vise un club ambitieux. Ruben<br />

Vargas, pourtant très talentueux, se morfond encore à Augsburg et ce depuis<br />

bientôt 5 ans (!). Leonidas Stergiou n’a que 38 minutes de Bundesliga dans les<br />

jambes depuis le début de la saison, malgré 153 matchs avec Saint-Gall à 21 ans.<br />

Factuellement, les chances de réussite de son futur transfert vers l'un des 5 grands<br />

championnats - d'un point de vue sportif - sont minces, ou alors dans un club qui<br />

luttera à un moment ou un autre contre la relégation. Il faut espérer qu'ici aussi,<br />

Ardon ne fasse pas les choses comme les autres. Car la Suisse ne sort pas un jeune<br />

joueur de son calibre et de son talent tous les 3 ans.

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