Corner Magazine #9

CORNER
GENÈVE
Une ville où les talents se
comptent en nombre
ANEL
HUSIC
Le roc de Lausanne
MALIK
DEME
Un atout offensif au potentiel
international
NOVEMBRE 2023 #9

L’ÉDITO
Jamais deux sans trois?
On ne va pas refaire l'histoire ici : la
Suisse est à l'Euro, et le peuple, à juste
titre, trouve la qualification décevante.
Oui, clairement, la Suisse aurait dû
mieux faire. Les plus anciens - et les plus
pragmatiques - soulèveront quand
même que la Suisse est assurée d'être à
l'Euro, et dans une compétition
internationale, ce qui reste un bel
accomplissement pour notre pays. Si
l'on regarde l'ensemble des pays
qualifiés pour un huitième de finale lors
des deux
dernières éditions, on peut
vite constater que la
qualification ne coule pas de
source. Des pays comme la
Suède, l'Ukraine, la Pologne,
l'Islande, ou encore le Pays
de Galles (demi-finaliste en
2016 et huitième de finale
en 2020) n'y sont pas
d'office.
L'Allemagne, qualifiée
automatiquement, n'aurait
peut-être pas été de la
partie, elle qui traverse une
crise sans précédent : 11
matchs amicaux en 2023
pour 3 victoires, 2 matchs
nuls, 6 défaites (Belgique,
Pologne, Colombie, Japon,
Turquie, et Autriche).
Une statistique peut même
être porteuse d'espoir : la
Suisse fait partie des 9 pays
ayant disputé au minimum
un huitième de finale lors
des deux dernières éditions.
À côté de la Nati, il n'y a que
des cadors. Le proverbe dit
bien "jamais deux sans
trois". Alors, avec un peu de
chance au tirage et
quelques ajustements d'ici
cet été, l'équipe de Suisse
pourrait bien continuer à
surprendre plus d'une
nation et à générer toujours
plus d'attentes de ses fans.
Au point d'en perdre la
mémoire et la raison?
La Suisse est à l’EURO 2024 !

SOMMAIRE
GENÈVE,
FLORILÈGE
DE TALENTS
À côté de quelques bières et des
saucisses bien grillées, la Coupe
de Suisse fait-elle encore rêver ?
Reportage au cœur des petits qui
fantasment toujours sur une
compétition en déficit.
Autrefois considéré comme l'un
des plus grands talents du centre
de formation du Servette, Ricardo
Alves n'a pas eu la chance de
s'exprimer comme il l'aurait
souhaité. Il revient pour nous sur
sa situation de l'époque.
MALIK DEME,
UN JOYAU À
L’ÉTAT BRUT
MOHAMED
AMOURWAOUH
Yann Sommer, la revanche d’un
héros !
Pris dans une guéguerre interne
au Bayern Munich, le portier de
l'équipe de Suisse retrouve le
sourire à l'Inter Milan et est l'un
des gardiens les plus efficaces
d'Europe.
Brillant et au sommet de son art à
Newcastle en Premier League et
en Ligue des Champions, Fabian
Schär est l'ombre de lui-même
avec l'équipe de Suisse depuis
plusieurs mois. Pourquoi ce
paradoxe ? Tentative d'explication.
Il ne fait pas de bruit, mais est l’un
des hommes forts de Lausanne
depuis le début de la saison. Anel
Husic s’affirme et attise les
convoitises. C’est le portrait du
mois de la Super League.

Photo: EdiKingori

RÉDACTION
Julien MORET
Rayane DERUNGS
Robin GODINAT
Téo NANIA Bénédict PERRET Ludovic CHEVALIER
PRODUCTION
KMedia

Tibert Pont
Consultant
blue Sport
Le Derby
Son importance:
Dès qu'on entre un peu dans le monde du football d’élite ou du football
professionnel, on sent vite qu'un derby, c'est un match spécial. On le sait aussi
parce qu'on a été supporter d'un club. Ici à Genève, on dit qu'un derby, ça ne se
joue pas, ça se gagne. En cette période où les premières fraîcheurs d'hiver arrivent,
ça pimente la saison. De plus, c'est vrai qu'il y a la pause qui arrive gentiment, donc
gagner permet de bien finir et de passer des vacances au chaud, comme on dit.
Qu’est-ce que ça représente par apport aux autres:
À Genève, le derby historique qui a toujours été dans le cœur des supporters, c’est
contre le FC Sion. Il y a une rivalité incroyable avec les Valaisans. Servette-
Lausanne, c’est le derby du lac de Genève (rires). Il y a une saveur différente avec le
lac en toile de fond. C’est peut-être un derby plus géographique.
La forme du moment:
Il y a deux équipes en bonne forme. Un Servette dans une forme historique et une
situation presque inespérée en début de saison. Et un Lausanne sur une bonne
série avec beaucoup de cohérence. Cette équipe a toujours présenté un joli visage,
sauf peut-être lors du match contre Winterthur. Il y a un bon état d’esprit, avec
comme point culminant une prestation particulièrement aboutie contre le FC
Bâle. Cela promet un derby disputé et passionnant.
Un match qui arrête le temps ?
Oui, c’est un peu ça. Le derby peut permettre à une équipe d’oublier un peu une
série négative pour se concentrer sur l’énergie de l’événement. C’est toujours une
semaine particulière avec un contexte particulier. Tu sais aussi que c’est un match
où il y aura du monde au stade, peu importe tes résultats.
Est-il synonyme de provocation ?
Oh oui, et c’est sympa ! Pour refaire l’historique, c’est d’abord Guillaume Faivre qui
plante un drapeau à Genève. Au match retour, Matias Vitkieviez fait de même à la
Pontaise. C’est de bonne guerre et il faut faire attention au retour de bâton
derrière. Nous l’avions vécu à l’époque. Et cette année, c’est aussi un peu ce qu’il
s’est passé avec le geste d’Alvyn Sanches. Mais cela fait partie des derbys.
Une anecdote particulière ?
J’ai connu pas mal de derbys et je peux te dire que parfois sur le terrain, ça y allait.
Notamment avec deux hommes: Matias Vitkieviez et Guillaume Katz ! Ces deux-là
ne se supportaient pas. Ils s’envoyaient des «tacles» à longueur de matchs. J’ai
presque envie de dire que s'ils avaient pu se cracher dessus, ils l’auraient fait (rires)
! Et le plus beau dans tout ça, c’est qu’aujourd’hui, ils sont devenus potes ! Comme
quoi, ce n’est que du foot et derrière, nous sommes humains. Même des relations
d'amitié peuvent naître après des derbys.

REPORTAGE
GENÈVE,
LA VILLE OÙ LES
TALENTS SONT EN
QUÊTE DE
RECONNAISSANCE

Genève, le football se joue aussi bien dans les préaux que
dans la rue, les parcs, et bien sûr, sur les terrains verts. En
quelques chiffres, Genève compte 64 clubs, dont 12
rassemblant plus de 600 licenciés. La passion se traduit à
travers les 22 604 joueurs, dont 13 414 sont des juniors, Àainsi que près de 600 entraîneurs et équipes. Chaque week-end, pas
moins de 250 matchs sont disputés, accompagnés par une multitude
de camps d'été et les plus grands tournois scolaires du pays. Mais
surtout, c'est l'engouement populaire qui se distingue, avec un
soutien unique dans chaque quartier, que ce soit en zone rurale ou
en zone urbaine.
Avec un tel enthousiasme pour le
ballon rond, le canton de Genève
regorge de talents, dont certains
brillent au sein des équipes de
jeunes du Servette FC. Cela se
manifeste notamment à travers
les 4 titres de champion de Suisse
remportés par l'académie au cours
des trois dernières années, dans
deux catégories d'âge différentes.
De plus, l'équipe réserve du club,
principalement constituée de
joueurs âgés entre 16 et 20 ans, a
obtenu la promotion en
Promotion League. Cette réussite
témoigne du vivier footballistique
exceptionnel que représente le
canton de Genève.
Conscient de cette richesse, le
Servette FC accorde une
importance primordiale à la
formation, dans l'objectif de faire
émerger des joueurs capables de
suivre les traces de Kastriot Imeri,
un talent local de renom qui
constitue le plus gros transfert de
l'histoire du club.
Les enjeux de la formation des
jeunes et de leur ascension au sein
de l'équipe première sont des
aspects cruciaux pour les clubs. En
Le Stade de Genève : le lieu où tous les jeunes du
canton rêvent de pouvoir évoluer un jour.

intégrant des jeunes dans leur
effectif, le club a l'opportunité de
minimiser les coûts liés à la masse
salariale et peut surtout renflouer
ses caisses en cas de vente de ces
jeunes joueurs.
C'est ce que le FC Bâle a démontré
lors de la saison 2011-2012,
comptant dans ses rangs des
joueurs tels que Shaqiri, Xhaka,
Fabian Frei, Sommer et Stocker,
tous formés par le club rhénan.
Ensemble, ces cinq joueurs ont
permis au club de générer 36,9
millions de revenus lors de leurs
transferts.
La comparaison avec les jeunes
joueurs du FC Bâle de cette saison
n'est pas anodine. En effet, le
Servette FC compte dans son
effectif, et plus largement dans le
canton, un certain nombre de
talents susceptibles de suivre la
voie de ces joueurs.
Cependant, le facteur clé qui a
permis au club de vendre ses
talents à de grandes écuries est
tout simplement le temps de jeu.
En jouant régulièrement, les
joueurs ont l'opportunité de se
distinguer, d'accumuler de
l'expérience et de la confiance,
attirant ainsi l'attention des clubs
aux moyens financiers
conséquents.
Top 5 des équipes de Super League qui donnent le
plus de minutes de jeu aux joueurs formés au club
FC Lucerne
8'347
FC Zurich
5'809
Servette FC
4'933
FC Bâle
4'567
BSC YB
3'420

Le club genevois figure parmi les
cinq meilleurs clubs de Super
League en termes de convocation
de joueurs formés au club lors de
matchs officiels cette saison (voir
graphique ci-dessus). Cela reflète
l'attachement du club envers ses
joueurs issus de son académie,
témoignant ainsi de la confiance
accordée à ces jeunes talents. De
plus, il met en évidence le niveau
des joueurs genevois, indiquant
qu'ils ont le potentiel pour intégrer
une équipe évoluant en Europa
League. Par conséquent, cela
présage un avenir prometteur
pour les joueurs du cru et offre au
club des perspectives financières
favorables en cas de ventes.
La passion du
football à Genève
se traduit par plus
de 22 000 joueurs
enregistrés. Plus de
50 % d'entre eux
sont des juniors !
Top 5 des équipes de Super League qui donnent le
plus de temps de jeu à des joueurs formés au club
13 11
7 7 5
FC Lucerne FC Zurich Servette FC FC Bâle BSC YB
Photo: USG

Mais ce n’est pas tout. Servette
figure également dans le top 5 des
clubs de Super League qui
accordent le plus de temps de jeu
aux joueurs issus du mouvement
junior. En se classant à la troisième
place de ce classement, le club
grenat met en lumière la qualité
étendue de son académie.
Cependant, parmi ces six joueurs,
trois ont plus de 23 ans, et deux
autres (Kaloga et Ouattara) n'ont
disputé qu'une partie du match de
Coupe de Suisse contre le Meyrin
FC, équipe évoluant en 1ère ligue,
soit un écart de trois divisions.
La comparaison de ses données
soulève une question importante:
pourquoi Genève, un vivier du
football suisse, peine-t-il à faire
éclore ses innombrables jeunes
talents?
Servette: un club formateur,
mais un accès limité aux jeunes
talents
Malgré le vivier de talents que
possède le canton, de nombreux
jeunes espoirs endossent
simplement un rôle de joueur de
rotation au sein de l'équipe
première, ce qui les pousse à
partir. Au fil des années, diverses
situations se sont dessinées.
Il y a d’abord le cas des jeunes
joueurs très prometteurs tels que
Lungoyi, Nyakossi ou encore
Monteiro. Au Servette, ils ont
bénéficié de très peu de temps de
jeu, à un âge où accumuler des
minutes pour montrer l'étendue
de leur talent est essentiel. Par
conséquent, ces trois joueurs ont
choisi de poursuivre leur carrière à
l'étranger, dans des championnats
offrant aux jeunes l'opportunité de
se mettre en avant (Portugal,
France et Angleterre).
D'autres décident de partir en prêt
dans des ligues inférieures dans le
but de jouer régulièrement, afin
de revenir plus matures et
aguerris, prêts à s'imposer dans les
onze titulaires des Grenat. C'est
notamment le cas de Valton
Behrami, Alexandre Dias, Malik
Sawadogo, Sidiki Camara, Edin
Omeragic ou encore Alban Ajdini,
qui brillent désormais sous les
couleurs du Stade Lausanne-
Ouchy.
Il existe également un autre cas
de figure, tel que celui de Zeki
Amdouni, Raccioppi, Becir
Omeragic et Ulisses Garcia, qui
sont complètement passés sous le
radar des recruteurs du Servette.
Aujourd'hui, ces quatre joueurs
ont déjà été convoqués au moins
une fois avec l'équipe nationale
suisse.
Et finalement, il y a aussi les jeunes
qui demeurent au sein du club
sans jamais avoir eu leur chance, à
l'instar de Kaloga, Ouattara
(international suisse M19) ou
encore Magnin (20 sélections avec
les équipes juniors de la Suisse).

LES TALENTS DU
Potentiel régional Potentiel national
Potentiel international
Bua
Frick
Mbabu
Cespedes
Qarri
Zakaria
Garcia
Dominguez
Tavares
Rodrigues
Racioppi
Kutesa
Guillemenot
Ajdini
Fayulu
Gazzetta
Mettler
Amdouni
Imeri
Antunes
Busset
Lungoyi
1993 1996 2000
Année de naissance

CANTON DE GENÈVE
Zoukit
Alves
Vouilloz
Jankewitz
Ambassa
Omeragic
Camara
Omeragic
Opuku-Mensah
Magnin
Henchoz
Regillo
Sekularac
Sawadogo
Nyakossi
Dias
Monteiro
Athekame
Manzambi
Boteli
Ouattara
Kayombo
Potentiel régional Potentiel national
Potentiel international
2001 2002 2004
2006

À travers cette illustration, nous
pouvons observer les différents
talents du canton de Genève,
classés par potentiel et nés entre
les années 1993 et 2006. Il est
évident que Genève regorge d'un
grand nombre de talents. Peu de
cantons en Suisse peuvent se
vanter de produire autant de
joueurs professionnels.
Cependant, cela met en évidence
le problème auquel est confronté
le club genevois pour intégrer les
jeunes de la région dans l'équipe
première. En effet, à l'exception de
Kastriot Imeri, aucun joueur classé
en rouge (potentiel international)
n'a disputé plus de 339 minutes
sous les couleurs servettiennes
entre l'âge de 16 et 21 ans. De plus,
sur les dix Genevois ayant un
potentiel international, six n'ont
jamais été intégrés en équipe
première, en raison d'erreurs de
recrutement et d'une réputation
qui pousse les jeunes à partir. Le
manque de considération envers
les jeunes joueurs locaux est
particulièrement regrettable, aussi
bien pour le club que pour les
joueurs et les supporters. Avec une
meilleure gestion des meilleurs
talents, les Grenat auraient
largement de quoi dominer la
Super League et jouer un rôle
majeur en compétition
européenne.
Alors pourquoi nos jeunes
Helvètes ne parviennent-ils pas à
s'imposer en équipe première?
Une des réponses à cette question
réside dans le format du
championnat. En effet, avec
seulement douze équipes, il n'y a
pas de ventre mou en Super
League.
Photo: Thomas Henzelin
Pourquoi si peu de confiance à
l’égard des jeunes?
Le Servette FC, tout comme les
autres clubs de Super League,
peine à donner du temps de jeu
aux jeunes joueurs. Pourtant, le
championnat de Suisse ne figure
pas parmi les cinq championnats
majeurs d’Europe.

Ainsi, les entraîneurs peinent à
incorporer des jeunes au sein du
onze de base, car chaque point a
son importance au classement,
surtout avec le nouveau système
de championnat en deux phases.
Après onze journées, seulement
trois petits points séparent le
troisième du huitième au
classement. Chaque défaite
entraîne une chute de place et
met l'entraîneur sous pression ce
qui le force à aligner des joueurs
d'expérience.
Cette difficulté est
particulièrement visible au sein du
Servette, qui compte neuf joueurs
âgés entre 18 et 20 ans dans son
effectif. Parmi ces neuf joueurs, un
seul a joué en championnat, les
autres se contentant d'être sur le
banc et de jouer avec l'équipe
réserve. En 2020, Ludovic Magnin,
alors entraîneur du FC Zurich,
constatait déjà: «Avec seulement
dix équipes, tu te bats soit pour le
titre, soit contre la relégation. Il est
très difficile d'intégrer des jeunes
dans ton onze de base dans ce
contexte.»
Cependant, le format de la Super
League n'est pas le seul facteur
qui pousse René Weiler et ses
prédécesseurs à laisser les jeunes
sur le banc. En effet, l'adaptation
aux exigences du football
professionnel est un autre
élément de réponse. La transition
des équipes junior à l'équipe
première n'est pas facile. Il faut
s'acclimater à un nouveau
contexte, faire face à des joueurs
beaucoup plus expérimentés, une
qualité technique supérieur, un
niveau physique plus élevé, une
vitesse d'exécution encore plus
rapide, ainsi qu'une
compréhension tactique
exigeante. Tous ces éléments ne
s'assimilent pas en quelques jours.
Selon les joueurs, cela peut
prendre plusieurs mois, voire deux
ou trois saisons.
En 2020, Gérard Castella,
responsable de la formation des
jeunes à YB, soulignait que l'âge
n'est pas un critère retenu dans le
haut niveau: «On ne va pas mettre
des jeunes en première équipe
pour le simple fait qu'ils sont
jeunes. On doit intégrer des jeunes
parce qu'ils sont talentueux, parce
qu'ils le méritent.» Pablo Iglesias,
directeur du football au FC Sion,
partageait un point de vue
similaire à celui de Gérard Castella:
«Il y a une chose sur laquelle il faut
être clair. Sion n'aura jamais onze
Valaisans sur le terrain. Le constat
est le même pour les Genevois au
Servette ou pour les Vaudois au
Lausanne-Sport. Croire à cela
serait utopiste et montrerait une
méconnaissance du football qui a
beaucoup souffert de l'arrêt
Bosman. De nos jours, l'objectif
d'un club professionnel est d'avoir
entre trois et quatre joueurs
locaux dans son équipe première.
Mais ceux-ci ne doivent pas être
promus "par défaut". Ils doivent
l'être car ils ont les qualités
nécessaires.»
Cependant, bien que l'analyse de
Pablo Iglesias soit pertinente, on
peut légitimement se demander si
le Servette, en instaurant une
politique stricte pour favoriser
l'éclosion des jeunes Genevois au
sein de l'équipe première, pourrait
peut-être aligner plus de trois
jeunes joueurs formés au club
dans son onze de départ.

La Suisse, un élève en retard
comparé à la France
Lorsque nous comparons la Super
League et la Ligue 1, nous sommes
forcés de constater qu'un fossé
sépare les deux championnats en
termes de temps de jeu accordé
aux jeunes. En effet, selon
Transfermarkt, seulement vingt
joueurs âgés de moins de 20 ans
ont eu du temps de jeu en Super
League cette saison. En France, ce
nombre s'élève à plus de
cinquante joueurs (!) sur la même
période. Une autre statistique
révèle qu'à ce jour, seuls
cinquante-deux joueurs âgés de
moins de 20 ans ont disputé au
moins 50 matchs en Super
League. En France, ce chiffre
atteint 100 joueurs. La différence
est aussi notable
qu’impressionante.
Un autre constat est flagrant
concernant les équipes nationales
M21 des deux pays. Lorsque nous
comparons la Suisse M21 et la
France M21, nous remarquons une
différence d'expérience trop
importante. En effet, lors du
rassemblement du mois
d'octobre, la sélection de Thierry
Henry comptait dans ses rangs 13
joueurs ayant déjà disputé des
matchs de compétition
européenne en club, dont 5
avaient joué la Ligue des
Champions. En Suisse, seulement
5 joueurs avaient déjà participé à
une compétition européenne, et
un seul d'entre eux avait disputé la
Ligue des Champions. Si la Suisse
ne peut pas rivaliser avec la France
sur la durée en ce qui concerne
ces chiffres, elle peut au moins se
mettre en avant en début de
saison, notamment avec la mise
en valeur de ses talents au sein
des clubs participant aux tours de
qualification européens.
Photo: Dylan Oppliger
À Genève, les supporters du club espèrent voir davantage de joueurs
issus du centre de formation jouer dans la première équipe.

En France, une ville située à
seulement 150 kilomètres de
Genève incarne parfaitement l'art
de former et de faire éclore des
jeunes joueurs. En effet, en 2019,
ce sont 30 joueurs formés à
l'Olympique Lyonnais qui évoluent
dans le top 5 des championnats
européens. Par conséquent,
depuis l'an 2000, les indemnités
de transfert issues de joueurs
formés au club dépassent la barre
des 400 millions d'euros. Pour
atteindre de tels chiffres,
l'Olympique Lyonnais s'est doté
d'un centre de formation à la
pointe de la technologie offrant
une atmosphère propice au bon
développement des jeunes. Ce
centre comprend six terrains, un
grand centre d'hébergement avec
près de vingt chambres, des salles
d'étude, une bibliothèque, des
salles de réunion, un restaurant,
une infirmerie, des salles de
physiothérapie, une salle de
musculation ainsi qu'une piscine.
Sur le sujet de la formation, Eric
Hély, l'ancien entraîneur des M19 à
l'OL, explique: «À Lyon, il y a les
idées, il y a les moyens, et on te
demande même de trouver des
idées novatrices pour être encore
plus performant. Toutes les
meilleures conditions sont réunies
pour réussir au maximum.»
L'exigence mise de l'autre côté de
la frontière n'est pas celle que l'on
connaît chez nous. En Suisse,
quelques clubs se rapprochent de
cette structure de centre de
formation, mais aucun ne propose
de tels services. À Genève, les
jeunes faisant partie de la
structure sport-étude bénéficient
d'horaires aménagés et sont
libérés en cas de compétition.
C’est à peu près tout.
La jeunesse: la survie du football
genevois et suisse
La Suisse est un petit pays qui
compte 270 000 licenciés, dont
près de 170 100 joueurs ayant
moins de 20 ans. En comparaison,
la France, elle, dénombre 1,6
million de licenciés, dont près d'un
million de joueurs ayant moins de
20 ans. Il est donc naturel que la
France forme beaucoup plus de
joueurs que la Suisse. Toutefois,
pour remédier à ce retard, les
enjeux de la formation sont
cruciaux.
Consciente de cela, l'Association
Suisse de Football (ASF) a établi
une stratégie de formation à
l'échelle nationale. Le but de cette
dernière est qu'à partir de 2025, les
équipes nationales des catégories
M17, M19 et M21 se hissent dans les
seize premiers des classements de
l'UEFA. Les programmes Footeco
et Footuro, fraîchement entrés en
vigueur, ainsi que les objectifs fixés
par l'ASF pour les catégories d'âge
allant de M15 jusqu'à M21,
permettront éventuellement de
réitérer les formidables succès des
équipes nationales juniors dans les
compétitions espoirs (titre
européen M17 en 2002, titre
mondial M17 en 2009, titre de vicechampion
d'Europe M21 en 2011).
À Lyon, il y a les idées, les
moyens, et on te
demande même de
trouver des idées
novatrices pour être
encore plus performant.

Au Servette, pour que les
jeunes joueurs genevois
puissent évoluer sous la
tunique de leur club
formateur, divers axes
d'amélioration existent. Dans
un premier temps, il est
indispensable que les
équipes du club possèdent
des infrastructures
performantes à leur nom,
dans le but d'arrêter de
jongler avec des lieux
d'entraînement variables
répartis sur tout le territoire
cantonal, sans planification
durable. Ensuite, la cellule de
recrutement des juniors se
doit de minimiser au
maximum les échecs de
non-détection pour éviter
que des cas tels que
Raccioppi ou Amdouni ne se
répètent. Finalement, il est
essentiel de faire confiance
aux jeunes de la région, de
les valoriser en leur donnant
le temps de jeu nécessaire
pour leur développement
professionnel. Cela permettra
à court et moyen terme
d'éviter que les jeunes
espoirs du cru ne s'exilent
ailleurs, comme l'a fait le
jeune Boteli, sans doute
conscient des perspectives
d'avenir que lui offre le club
et qui désormais suscite
l'engouement en Allemagne.
Mais ce qui est
encourageant, c'est qu'à
Genève, tous les composants
nécessaires à l'éclosion des
jeunes au sein de l'équipe
première sont présents. Il ne
reste plus qu'à changer de
paradigme pour que cela se
réalise.

RICARDO
ALVES
“POUR MOI, À
SERVETTE, IL N’Y A
PAS VRAIMENT EU
DE PROJET DÉFINI”
Considéré comme l'un des grands talents majeurs du
club, l'aventure servettienne de Ricardo Alves ne s'est
pas déroulée comme prévu. Afin de mieux comprendre
les difficultés auxquelles le club genevois et les jeunes
joueurs font face dans leur collaboration, nous avons
rencontré celui qui s'était exilé à Saint-Gall en août
2022. Aujourd'hui de retour en Suisse romande, du côté
d'Yverdon, le milieu de terrain nous livre ses
impressions.

Ricardo, tu as signé
professionnel au Servette FC à
l'âge de 17 ans. Quel était le
projet proposé par le club lors de
ta signature pro ?
Lorsque j'ai signé, je n'étais pas
encore intégré à la première
équipe, je jouais toujours avec les
M21. Il n'y a pas vraiment eu de
projet défini, ils ne m'ont pas
clairement indiqué: «Voilà, on a ce
projet pour toi, tu vas monter avec
la première équipe, on va te
donner du temps de jeu, et
ensuite, tu pourras être transféré.»
Non, j'ai signé parce que j'étais
considéré comme un jeune
prometteur de l'académie, et
ensuite, c'était à moi de prouver et
de gagner du temps de jeu. Il n'y a
pas eu de promesse quant au
temps de jeu. L'idée était de
m'intégrer à la première équipe et
de me faire jouer, mais cela ne
s'est pas vraiment concrétisé.
Pendant tes trois saisons au
Servette, tu as accumulé un total
de 578 minutes de jeu. Avais-tu
l'impression que ton jeune âge
constituait un handicap ?
Je pense que l'entraîneur ne faisait
pas suffisamment confiance aux
jeunes joueurs. Pour lui, c'était un
processus nécessitant de rester au
club et d'acquérir une sorte
d'apprentissage interne. Il
soutenait que les jeunes n'étaient
pas prêts, mais en réalité, si tu ne
joues pas, tu ne pourras jamais
être prêt. Souvent, lorsque des
jeunes étaient alignés, c'était plus
par nécessité que par choix. En ce
qui me concerne, je n'ai pas
ressenti une confiance réelle de la
part du club, ni une volonté de me
faire jouer et de me faire
progresser. Ils n'ont pas vraiment
cru en mes capacités, ce qui
explique que sur trois ans, je n'ai
été titulaire qu'une seule fois. C'est
regrettable, car accorder
davantage de confiance aux
jeunes aurait pu être bénéfique
pour le club à long terme.
Nyakossi, Monteiro, Magnin,
Camara, entre autres, sont de
jeunes joueurs talentueux que tu
as côtoyés au SFC. T'étonnes-tu
du fait qu'ils n'aient pas eu plus
de temps de jeu ? Si oui,
comment l'expliques-tu ?
Cela me surprend, mais d'un autre
côté, il y avait une sorte de
hiérarchie avec Alain Geiger. En
d'autres termes, plus tu étais âgé,
plus tu avais de temps de jeu, et si
le joueur plus âgé ne jouait pas,
c'était le joueur juste en dessous
de lui (en termes d'âge) qui avait
sa chance. Nous avons observé
cela avec des joueurs comme
Imeri et Antunes avant nous, par
exemple. Servette voulait intégrer
de nombreux jeunes dans l'équipe
première. Beaucoup de jeunes ont
été signés, mais n'ont pas
beaucoup joué, ou alors ils étaient
sur le terrain pendant seulement 5
ou 10 minutes. Cela a créé une
sorte d'embouteillage. Je pense
qu’ils auraient dû cibler davantage
pour construire quelque chose de
concret autour des jeunes.
Pour toi, y avait-il des jeunes en
équipe première qui avaient le
niveau pour commencer dans le
onze de départ, mais qui
n'étaient pas alignés en raison
de cette philosophie de
hiérarchie ?
Oui, tout à fait. On pensait que,
comme c'étaient des jeunes, ils
avaient le temps, donc l'entraîneur
privilégiait l'expérience. C’est

paradoxal, car j'ai vraiment
l'impression que le club veut
intégrer des jeunes.
Malheureusement, il ne leur
donne pas beaucoup de temps de
jeu, et ensuite, il est très souvent
réticent à les laisser partir. C'est
compliqué de vraiment
comprendre ce qu'ils veulent et
c’est un sentiment connu au sein
de l’académie.
Les joueurs allaient-ils parler de
ces problèmes de temps de jeu à
l'entraîneur ou au staff ? Et si oui,
étaient-ils ouverts à la discussion
?
En ce qui me concerne, on me
disait que les jeunes n'étaient pas
prêts à jouer, qu'ils devaient
travailler encore plus. Je leur
répliquais en disant: «Comment
voulez-vous que je sois prêt si je ne
joue pas ?» Comme je l'ai
mentionné, pour eux, c'était un
processus d'apprentissage. On
restait trois ans en équipe
première, et une fois cette phase
d'apprentissage terminée, ils
évaluaient si tu étais prêt ou non.
Ils ne nous intégraient pas
vraiment dans le jeu tout de suite.
Alain Geiger nous demandait
d'être patients pendant cette
période d'apprentissage.
Qu’est-ce qui bloque au niveau
du club pour que les jeunes
joueurs aient plus de temps de
jeu ? Est-ce la mentalité du staff
de l'équipe première ou la
structure du club ?
Je pense que c'est un peu un
mélange des deux. Au sein du
club, il y avait des personnes qui
avaient réellement l'intention de
faire jouer les jeunes et
éventuellement de les vendre par
la suite. Cependant, il y avait aussi
d'autres personnes au sein du club
qui privilégiaient davantage le
présent que l'avenir. Il y avait une
forme de contradiction, comme
cela a été notamment observé
avec Kevin Mbabu. Lorsque des
joueurs tels que Magnin et Diallo
venaient de prolonger leur
contrat, mais que le club prend
Mbabu en prêt, cela envoyait un
message contradictoire. Je pense
que c'est aussi l'une des raisons
pour lesquelles Philippe Senderos
est parti.
Quel serait la solution pour que
Servette évite de perdre ses
meilleurs talents ?
Comme dans tout club, on ne
peut pas garder tous les jeunes.
Parfois, tu es obligé de laisser
partir certains d'entre eux. Je
pense que ce que le club doit faire,
c'est cibler davantage les jeunes et
élaborer un plan concret pour leur
développement. Si tu crois en tes
jeunes, il faut leur donner de la
confiance et du temps de jeu. Il est
essentiel d'arrêter de signer trop
de jeunes qui ne jouent pas, afin
d'éviter que d'autres jeunes ne
soient également laissés sur la
touche. Si le club ne croit pas en
un joueur, il devrait le laisser partir.
Dans plusieurs cas, Servette a
généré des problèmes lors du
départ de joueurs, ce qui est
dommage, car au final, tous les
joueurs de l'académie aspirent à
faire grandir le club.

ÉQUIPE DE SUISSE
YANN SOMMER
LA REVANCHE D’UN
HÉROS

Photo: Inter Milan

onsidéré comme un véritable héros dans notre pays,
d’autant plus depuis l’épopée à l’Euro 2020, Yann
Sommer a souvent eu du mal à être reconnu à sa juste
valeur en tant que grand gardien à l’étranger. Et si cela
Cchangeait cette saison, à bientôt 35 ans ?
La taille. Voici peut-être ce qui
pourrait faire la différence entre le
fait d’être reconnu comme l'un
des meilleurs gardiens du monde
ou simplement comme un très
bon gardien.
Avec ses 1m83, on ne peut pas
vraiment dire que Yann Sommer
soit de petite taille. Surtout
lorsqu'on connaît ses talents pour
arrêter les penalties. Bryan Ruiz,
Kevin Gameiro, Sergio Ramos
(deux fois dans le même match),
Jorginho (deux fois en deux
matchs consécutifs), et plus
récemment Mbappé : tous se sont
heurtés au gardien de l’équipe de
Suisse, excellent dans cet exercice.
Pourtant, tout au long de sa
carrière, on a reproché au Suisse
un élément sur lequel il n'avait
aucune influence: ses 1m83. Ainsi,
on a prétendu qu'il serait trop
petit pour faire partie de la classe
des cinq ou dix «top-gardiens»,
ceux dont les arrêts spectaculaires
font le tour des réseaux sociaux,
ceux qui figurent dans le
classement du Ballon d’Or et
suscitent des vocations chez les
plus jeunes.
La question de sa taille a pris
particulièrement d’ampleur
lorsqu'il a signé au Bayern Munich,
à l’hiver 2023. Lors de la défaite 3-0
face à Manchester City lors du
match aller des quarts de finale de
la Ligue des Champions, les
journalistes et consultants
allemands ont préféré se focaliser
sur la taille du gardien du Bayern
plutôt que d'analyser les lacunes
défensives du Rekordmeister.
Ainsi, Roman Weidenfeller a
affirmé, en discutant du tir de
Rodri ayant amené l’ouverture du
score, que Manuel Neuer aurait
arrêté le tir et «qu'il ne manquait
que dix centimètres à Yann
Sommer». Le gardien a tout de
même été défendu par son
entraîneur Thomas Tuchel, qui a
répondu de manière ironique que
«si Yann était plus grand de trente
centimètres et avait été
positionné dans l’angle du but
avant, il aurait arrêté le but».
Mais en y regardant de plus près,
on peut se demander si les
critiques sur la taille du gardien de
l’équipe nationale ne sont pas
plutôt une conséquence d’un
certain complexe de supériorité
allemand, certains observateurs
n’appréciant pas que l’on
remplace la légende Manuel
Neuer par un Suisse. Murat Yakin
n’a en tout cas pas du tout goûté à
l’attitude du Bayern envers le
portier, affirmant qu’il avait été
«traîné dans la boue». Ainsi, si sur
le fond, tous les observateurs
s’accordent à dire que Yann
Sommer n’a pas réalisé de
prestations particulièrement
marquantes au Bayern, il a fait le

Photo: Inter Milan
travail. À l’issue du championnat,
le Bayern a notamment réussi à
conserver son titre (certes
miraculeusement), alors qu’une
élimination contre la machine de
Guardiola en Ligue des
Champions n’a rien de
déshonorant.
Il ne faut pas oublier non plus que
le gardien de la Nati est arrivé
alors que le club bavarois
traversait une crise importante,
dans une période où il n’a pas été
loin de perdre le titre pour la
première fois depuis 2012. Yann
Sommer s’est également retrouvé
au milieu de jeux de pouvoir entre
Manuel Neuer et l’entraîneur
Julian Nagelsmann, licencié peu
de temps après l’arrivée du Suisse.
À l’arrivée, cette demi-saison en
Bavière aura été contrastée pour
Yann Sommer. D’un côté, il aura
pu décrocher, à trente-quatre ans,
sa première Bundesliga. Une
magnifique récompense après 291
matchs dans l’élite allemande.
D’un autre côté, il n’aura jamais
totalement réussi à faire taire les
critiques à son encontre. Pire
encore, son passage contrasté a
peut-être fragilisé pour la
première fois son statut en équipe
nationale. D’autant plus que ses
prestations à la Coupe du Monde
2022 (qu’il a jouée en n'étant pas
encore totalement rétabli) et
depuis en qualifications pour
l’Euro sont moins bonnes que ses
standards.
Yann Sommer figure en
tête du classement du
plus grand
pourcentage d’arrêts
(82,8%), ainsi que du
plus grand nombre de
clean sheets (7) de
Serie A !

La renaissance à l’Inter
Depuis son engagement à l’Inter
de Milan au mois d’août 2023,
Yann Sommer brille. À l’heure où
nous écrivons ces lignes, il a réussi
à garder ses cages inviolées neuf
fois en quinze matchs (un record
pour un gardien du top 5) et
présente le deuxième meilleur
pourcentage d’arrêts en Ligue des
Champions, derrière un certain…
Gregor Kobel. Autant sur le terrain
qu’en dehors, Yann Sommer a
déjà convaincu son monde. Il faut
dire pourtant qu’un certain
scepticisme régnait lors de son
arrivée en Lombardie, notamment
dans les médias italiens, pas
vraiment connus pour leur
bienveillance.
La Gazzetta décrivait toutefois
récemment le Suisse de manière
assez élogieuse: «Certains seront
peut-être surpris par ce record
(plus grand nombre de clean
sheets), car les deux premiers
mois
de Sommer à l’Inter Milan n’ont
pas été parsemés de dizaines
d’arrêts sensationnels. Les
données, cependant, ne mentent
pas et en championnat, il n’a
encaissé de but que contre Milan,
Sassuolo et Bologne, toujours à
domicile. La vérité est que le
Suisse est un gardien de but
solide, attentif et expérimenté et
qu’en plus, il profite au maximum
d’une équipe qui, collectivement,
se montre constante et attentive
même lorsqu’elle n’a pas le
ballon.»
En Ligue des Champions, il a
largement contribué à la
qualification des Nerazzurri,
réalisant quelques-unes des
parades dont il a le secret (il est le
quatrième gardien ayant réalisé le
plus d’arrêts, le classement étant
mené par Anthony Racioppi). En
championnat, son équipe est bien
partie pour jouer le titre. Yann
Sommer figure en tête du
Photo: Inter Milan
À bientôt 35 ans, Yann Sommer cartonne à l’Inter Milan.

classement du plus grand
pourcentage d’arrêts (82,8%), ainsi
que du plus grand nombre de
clean sheets (7) en Serie A.
Il bénéficie de plus de la confiance
de son entraîneur, de ses
coéquipiers et des fans intéristes,
raison pour laquelle il performe
régulièrement. Il a également su
se remettre en question après son
passage raté au Bayern et profite
d’une excellente collaboration
avec Gianluca Spinelli, l'entraîneur
des gardiens, arrivé lui aussi cet
été. Yann Sommer a retrouvé la
sérénité en Italie, et c’est une
excellente nouvelle pour notre
équipe nationale.
Un statut en sélection nationale
jamais contesté. Jusqu’à
maintenant ?
Un homme reste toutefois attentif
au destin de Yann Sommer et
ronge son mal en patience. Vicecapitaine
du Borussia Dortmund,
désigné deux fois d’affilée comme
meilleur gardien de Bundesliga et
récemment annoncé au Bayern,
Gregor Kobel cache de moins en
moins ses ambitions de prendre à
court terme le poste de Yann
Sommer, comme le confirmait au
mois d’août l’entraîneur national
des gardiens, Patrick Foletti, à
Watson: «On sent qu'il pousse
pour devenir rapidement le
numéro 1. C'est d'ailleurs l'attitude
que j'attends de lui. Mais j'espère
la même chose de Jonas Omlin,
Yvon Mvogo ou Philipp Köhn. (...)
Du point de vue du caractère,
Gregor est celui qui formule ses
idées et ses souhaits un peu plus
clairement que tous les autres.»
Ceux qui auront regardé le
documentaire de la SSR The
Pressure Game, consacré à la
Coupe du monde 2022, auront
d’ailleurs pu observer la facette
ambitieuse et le caractère parfois
ombrageux du Zurichois, mis en
concurrence avec Jonas Omlin
pour le poste de numéro deux.
Mais attention toutefois à ceux qui
veulent faire le grand ménage: il
est peu probable que le héros
national Sommer soit poussé à la
sortie avant qu’il ne l’ait décidé.
Roman Bürki s’était en son temps
cassé les dents sur le l’ancien
bâlois, raison pour laquelle il a
claqué la porte de l’équipe
nationale. Alors que plusieurs
médias ont timidement
commencé à ouvrir le débat sur le
poste de numéro un, le
sélectionneur national a
récemment confirmé que Yann
Sommer resterait le titulaire dans
les cages. Yann Sommer devra
néanmoins continuer à aligner les
bonnes performances à l’Inter s’il
veut être assuré de disputer l’Euro
2024 avec l’étiquette du titulaire.
7
clean sheets

Photo: Inter Milan

Daniel Romano
Journaliste
blue Sport
L’avis de
L’export
J’adore jouer aux jeux de foot fantasy. Construire mon équipe idéale avec un
budget limité, m’imaginer directeur sportif puis entraîneur virtuel chaque saison.
Généralement je choisis toujours mon no 9 en premier. Cette saison j’ai changé
mes habitudes. J’ai commencé par mon gardien : Yann Sommer. Il fallait que ce
soit lui. Il était inconcevable que l’ancien Bâlois garde les buts d’une autre équipe
que la mienne. Le dernier rempart de la Nati a été mon premier choix. J’ai cassé
ma tirelire. Je suis fauché. Mais ravi. Et pas étonné par ses prestations formidables.
Blanchissages à gogo
Je vous vois venir: «Romano, c’est facile de parler après coup». C’est vrai, je vous
l’accorde. Mais laissez-moi vous convaincre et vous expliquer pourquoi tout ceci
était prévisible. D’abord, l’Inter se trompe rarement sur ses choix de gardiens
(Zenga, Pagliuca, Toldo, Frey, Julio Cesar et bien d’autres). La preuve, la saison
dernière, le club lombard a pris André Onana gratuitement avant de le revendre
plus de 55 millions bonus compris à Manchester United après 12 mois seulement.
André Onana, un gardien charismatique, parfois plus spectaculaire qu’efficace, fort
au pied, capable de jouer le rôle de premier relanceur. Mais sincèrement, qui n'a
jamais plissé les yeux ou serré les dents - ou les deux en même temps - juste avant
que le Camerounais ne contrôle le ballon des pieds ? Yann Sommer c’est André
Onana en mieux. Moins extravagant, moins spectaculaire, mais plus propre et
meilleur au pied. Il a choisi la simplicité et l’efficacité au lieu du spectacle. Un choix
qui lui permet d’être plus régulier et de dégager davantage de sérénité. Une
tranquillité qui lui permet d’enchaîner les blanchissages. Elle lui permet aussi
d’avoir autant de clean sheets en 12 matches de Serie A qu’Onana sur l’ensemble
de la saison dernière. Franchement, 8 blanchissages et seulement 5 buts encaissés
en 12 rencontres, c’est formidable.
Et puis, honnêtement, garder un but derrière Bastoni, De Vrij, Acerbi, Di Marco et
Barella qui vient souvent chercher le ballon très bas, c’est quand même plus facile
qu’avec Maguire, Evans ou Lindelöf. On sait toujours ce qu’on a chez soi. On ne sait
jamais ce qu’on trouvera ailleurs. Onana a dû s’en rendre compte à Manchester.
Mais ça, c’est une autre thématique. Yann Sommer a montré du respect à sa
défense, et il a gagné la reconnaissance individuelle de chaque défenseur en
retour. Résultat : on a la sensation qu’il est au club depuis des années. La simplicité
paie, encore une fois.
Le Bayern lui a manqué de respect
Cette sérénité dont je vous parle, c’est un sentiment que le natif de Morges
semblait avoir perdu au Bayern. Quand je le regarde aujourd’hui, je le sens serein,
bien dans ses crampons, sûr de ses qualités. L’une des explications vient de la

confiance reçue de la part des dirigeants nerazzurri. Il a été choisi pour être le
gardien titulaire de l’Inter vice-championne d’Europe. Point. En Bavière, il était le
numéro un, «parce que le vrai titulaire était blessé». Il a été le numéro un «en
attendant le retour du vrai gardien du Bayern». Comment voulez-vous travailler
sereinement si on vous rappelle sans arrêt que vous n’êtes là que pour remplacer
quelqu’un ? Mentalement, c’est de la torture.
Sommer est un footballeur très professionnel, très méticuleux. Il fait attention à
tous les petits détails. Il ne laisse rien au hasard. Mais il reste un être humain, avec
ses faiblesses, ses doutes, ses interrogations. Pour retrouver la tranquillité il fallait
partir où on lui témoignerait une réelle confiance.
L’homme-clé
Une confiance retrouvée aussi grâce à l’arrivée à Milan de Gianluca Spinelli, 56 ans,
entraîneur des gardiens mondialement connu. Ancien coach des derniers
remparts à Chelsea sous Conte et de la sélection italienne (Conte et Ventura), le
Milanais est rentré chez lui après 5 ans au PSG où il a notamment travaillé avec
Donnarumma, Trapp, Areola, Buffon, Navas et Rico, pour Tuchel, Pochettino et
Galtier. Pour tout Italien, c’est le roi des coaches des gardiens, c’est ce qui se fait de
mieux au monde actuellement, c’est quelqu’un qui sait prendre en considération
le sportif mais aussi l’homme. Et ça se voit dans la transformation de Yann
Sommer et dans cette sérénité retrouvée. C’est comme si Spinelli lui avait ouvert le
cerveau pour lui intégrer cette dose de confiance qu’il avait perdue. Quand j’ai su
que l’arrivée de l’ancien Bâlois à l’Inter coïncidait avec l’arrivée de Spinelli, je me
suis dit: «jackpot».
La pièce manquante du puzzle
L’été dernier, quand les confrères italiens dubitatifs m’ont appelé pour me
demander mon avis sur l’arrivée de Yann Sommer à l’Inter, ils avaient besoin d’être
apaisés. Les tifosi, eux aussi, avaient besoin d’être rassurés. Il faut dire que malgré
tout, ils avaient vécu une saison formidable avec leur gardien camerounais dans
les buts, qui les avait notamment emmenés en finale de Champions League
contre Manchester City à Istanbul.
Voici ce que – en gros – je leur avais répondu: Yann Sommer est un gardien décisif.
Il te sortira des arrêts importants dans les moments clé d’un match. Il prendra peu
de buts. Il t’apportera des points au classement. Il est propre et pragmatique. Il
sera ton premier relanceur. Il correspond parfaitement au jeu proposé par Simone
Inzaghi. Il n’est pas le plus grand gardien en taille, il n’est plus tout jeune, mais il
compensera cela par sa tranquillité et son aura. Après l’arrivée de Thuram, c’était la
pièce manquante du puzzle. Ce sera ton meilleur transfert cet été. Si avec cette
défense, dans ce club, ça a fonctionné avec Onana, alors ça ne peut que
fonctionner au moins aussi bien voire mieux avec Sommer. C’était valable en
juillet. Ça l’est toujours autant aujourd’hui.

Photo: Dylan Oppliger

Photo: Newcastle
FABIAN SCHÄR, LE
PARADOXE
Alors qu'il est indiscutable au sein de l'une des meilleures équipes de
la Premier League, Fabian Schär déçoit en équipe de Suisse.
Comment expliquer ce paradoxe ?
Le 4 octobre 2023, Newcastle
recevait le Paris Saint-Germain à
l'occasion de la deuxième journée
de la phase de poule de la Ligue
des champions. Dans les dernières
minutes du match, alors que les
Anglais donnaient une leçon au
PSG, Fabian Schär récupère un
ballon au milieu de terrain,
combine avec un attaquant avant
de trouver la lucarne droite de
Donnaruma sur une magnifique
frappe. Grâce à cette réalisation, le
défenseur suisse conclu la grande
performance de son équipe et
plonge le Paris SG dans le doute
(4-1). Pourtant, onze jours plus tard,
Fabian Schär était l'auteur d'une
prestation défensive désastreuse
sous le maillot de l'équipe de
Suisse contre la Biélorussie (3-3).
C'était le dernier match en date
d'une longue série de rendez-vous
complètement manqués pour le
joueur de 31 ans avec la Nati. La
tendance se confirme: excellent
avec Newcastle, Fabian Schär n'est
que l'ombre de lui-même sous les
couleurs helvétiques.
Le patron à Newcastle
Arrivé à Newcastle en 2018 pour
quatre millions d'euros, il a fallu du
temps à Fabian Schär pour
s'imposer en Angleterre. De 2018 à
2022, le défenseur a joué entre 18

et 25 matchs par saison. Les
blessures, la rude concurrence et
certaines baisses de niveau en sont
les raisons. Mais pendant que
beaucoup se sont cassé les dents
en Premier League, Fabian Schär a
persévéré et fini par convaincre.
Lors de la saison 2022-23, au
moment où Newcastle terminait
quatrième du championnat
anglais, le Suisse n'a manqué que
deux rencontres. Il a excellé tout
au long de la saison, Newcastle
figurant comme le meilleur bilan
défensif de la saison avec
Manchester City (33 buts
encaissés). Incontournable dans la
défense centrale aux côtés du
Néerlandais Sven Botman, Schär a
ravi les supporters du club.
L'international suisse est resté sur
les mêmes bases depuis le début
de la saison 2023-24. L'ancien
joueur d'Hoffenheim a joué toutes
les minutes possibles en Premier
League (12 matchs). Il a également
retrouvé la Ligue des champions
pour la première fois depuis 2015,
lorsqu'il jouait au FC Bâle. Dans le
groupe de la mort, Newcastle et
Fabian Schär bataillent contre le
Paris SG, l'AC Milan et le Borussia
Dortmund pour une place en
huitième de finale.
S'imposer dans un contexte
comme celui de Newcastle est une
sacrée performance. Le club est
devenu l'une des plus grandes
puissances financières d'Europe
depuis son rachat par les
Saoudiens en octobre 2021. Entre
Alexander Isak (70 millions),
Sandro Tonali (64 millions),
Anthony Gordon (45 millions),
Harvey Barnes (44 millions) ou
encore Bruno Guimaraes (42
millions), les Magpies ont investi
massivement mais
intelligemment. Malgré ce budget
conséquent, le club n'a pas
cherché à remplacer le natif de Wil
(SG), qui est indiscutable aux yeux
du coach Eddie Howe.
En parallèle de ce succès, Fabian
Schär connaît des jours plus
compliqués sous le maillot de
l’équipe de Suisse. Depuis plus de
deux ans maintenant, les
apparitions du joueur avec la Nati
sont très loin des attentes, au point
que les supporters ne semblent
plus lui accorder leur confiance.
Fabian Schär a connu sa première
sélection en août 2013, au Parc
Saint-Jacques, face au Brésil (1-0).
En septembre de la même année,
il marquait son premier but, puis
quatre jours plus tard un doublé
contre la Norvège. Après ses
débuts en fanfare, l’ancien Bâlois
est devenu petit à petit
incontournable dans la défense
helvétique, où il a été titulaire de
2014 à 2021. Grâce à sa vision du
jeu, ses longs ballons pouvant
couper les lignes et son sens de
l’anticipation, Schär a conquis le
cœur des supporters suisses. Sous
les ordres de Vladimir Petkovic, et
aux côtés de Johan Djourou, il a
réalisé un Euro 2016 excellent,
inscrivant notamment le but de la
victoire contre l’Albanie. Au total, il
compte 78 sélections avec la Nati,
ce qui fait de lui le sixième joueur
actif le plus capé.
Le vent a commencé à tourner lors
de l’Euro 2020, lorsque Fabian
Schär a été aligné dans une
défense à trois avec Manuel Akanji
et Nico Elvedi face à l’Italie.
Balayée 3-0 par les futurs
vainqueurs de la compétition,
Fabian Schär passe complètement

à côté de sa rencontre. Une
performance qui lui coûtera sa
place de titulaire pour le reste de la
compétition. Il inscrira malgré tout
l’un des tirs au but victorieux
contre la France.
À son arrivée sur le banc de la
sélection suisse, après l’Euro en
2021, Murat Yakin a réinstauré une
défense à quatre, au détriment de
Fabian Schär. L’ancien coach du
FC Bâle a toujours privilégié Nico
Elvedi au joueur de Newcastle. À
juste titre, le défenseur du Borussia
Mönchengladbach déçoit
rarement. Néanmoins, Schär a eu
l’occasion de jouer régulièrement
en raison des fréquentes blessures
de son coéquipier. Mais il n’a pas
su en profiter pour bousculer la
hiérarchie.
Lors des qualifications pour les
compétitions internationales,
contre l’Italie en novembre 2021 (1-
1), contre le Kosovo en septembre
dernier (2-2) ou contre la
Biélorussie lors du dernier
rassemblement (3-3), Schär est
passé complètement à côté de ses
rendez-vous, mettant en danger
l’équipe par ses errements
défensifs. Son plus gros échec
reste probablement son match
contre le Portugal en huitième-definale
de la Coupe du monde 2022
(6-1). Titulaire à la place de Elvedi,
malade, il a vécu une soirée
cauchemardesque et est sorti à la
Photo: Newcastle
Selon Fabian Schär, les performances de sa saison 2022/23 furent les
meilleures de sa carrière.

pause, alors que le Portugal
menait déjà 2-0. Murat Yakin s’est
exprimé après coup en expliquant
regretter sa décision de l’avoir
aligné, car il n’était pas en forme
physiquement.
Peut-on encore retrouver
«l’ancien» Fabian Schär ?
Il est difficile d’expliquer une telle
différence de niveau de jeu,
surtout après tant d’années de
réussite. C’est bien le paradoxe.
Fabian Schär était à son aise en
équipe nationale lorsqu’il n'était
pas forcément en confiance en
club. Aujourd’hui, alors qu'il est au
plus haut au quotidien, il ne
convainc plus avec la Suisse. Son
dernier but remonte à 2019, lui qui
en compte huit en sélection.
Est-ce que Murat Yakin est le
coupable ? Il faut dire que la baisse
de forme du défenseur coïncide
avec l’arrivée du coach à la tête de
l’effectif. A contrario, c’est ce
même coach qui a lancé le
défenseur suisse au FC Bâle.
L’incompatibilité pourrait-elle être
uniquement tactique ? Peut-être
que le jeu parfois très offensif de
Schär, qui n’hésite pas à monter
renforcer l’attaque, ne convient
pas aux principes de Yakin, pour
qui les certitudes défensives
importent beaucoup. Peut-être
que le défenseur peine également
à accepter le rôle confié par son
manager qui a très vite privilégié
Nico Elvedi.
ainsi à l’erreur. Ce manque de
concentration se ressent, et le
constat est bien là.
Fabian Schär n’est pas le premier
joueur à vivre une mauvaise passe
en équipe nationale. D’autres
brillants en club sont dans une
situation similaire comme Lautaro
Martinez (Inter Milan – Argentine),
Vinicius Junior (Real Madrid –
Brésil) ou encore Kevin de Bruyne
(Manchester City – Belgique).
L’ancien chouchou des supporters
suisses manque à l’équipe de
Suisse. Cependant, la concurrence
à son poste est féroce, et la
jeunesse est bien présente
derrière. À défaut de
performances, il serait peut-être
bon de tourner définitivement la
page du défenseur de Newcastle.
Mais finalement, la réponse
pourrait être beaucoup plus
simple. Il est possible que Fabian
Schär ait perdu toute confiance en
son jeu en équipe nationale en
perdant sa place dans le onze. Un
facteur qui fait que le défenseur se
met trop de pression et le pousse

Photo: Newcastle

SUPER LEAGUE
ANEL HUSIC
LE ROC DE
LAUSANNE-SPORT

Photo: Lausanne-Sport

Photo: Lausanne-Sport
e jeune défenseur
central du Lausanne-
Sport, Anel Husic, est
devenu l'un des
Lespoirs défensifs
importants de Super League
cette saison. L’ancien
international suisse des moins de
21 ans a gagné en maturité et en
régularité. Jusqu’où peut-il aller?
À seulement 22 ans, il est déjà un
pilier au sein de l'équipe vaudoise.
Intronisé dans l’équipe première
du LS lors de la saison 2021-22, Anel
Husic est devenu un joueur
indispensable de la défense du
club vaudois en l'espace de douze
mois contribuant ainsi à la
remontée en Super League. «Anel
s'est adapté à la première équipe
de manière très rapide et fluide. Il
a été propulsé sur le terrain et a
pu enchaîner, car il avait été très
performant. À l'époque, c'est
Monsieur Souleymane Cissé qui
avait vraiment poussé pour
qu'Anel puisse intégrer la première
équipe du LS», précise Ismaël
Piller, agent de Gold Kick SA
représentant le défenseur vaudois.
Aujourd’hui, l’imposant défenseur
central est destiné à un avenir
prometteur pour la suite de sa
carrière.
Né à Yverdon-les-Bains, il a grandi
dans la ville thermale et a joué au
football dans le Nord-vaudois
jusqu'à la catégorie M15, avant de
rejoindre le Team Vaud à
Lausanne. En parallèle de ses
études pour obtenir un CFC
d'employé de commerce, Husic a
beaucoup travaillé pour atteindre
un niveau de jeu suffisant pour
intégrer l'équipe première de
Anel Husic a débuté 13 des 14 matchs de
Lausanne Sport cette saison.
Photo: Lausanne-Sport
Lausanne. «Il a toujours été parmi
les bons joueurs, mais il a
beaucoup travaillé pour se
démarquer. Anel a la chance
d'avoir des caractéristiques
favorables et recherchées: il est
grand et possède une bonne patte
gauche», commente son agent. Le
jeune défenseur a rapidement
gagné la confiance de son
entraîneur de l’époque, Ilja
Borenovic qui l’a lancé en Super
League. Ismaël Piller jette un
regard lucide sur le début de
carrière de son protégé: «Sa
première saison était vraiment
très bonne, mais
malheureusement coupée par
une blessure. La deuxième, avec
Ludovic Magnin en Challenge
League, était plus compliquée
pour lui sur le plan individuel. Mais
cette saison l’a fait grandir et il a
désormais franchi un cap.»

Une sérénité impressionnante
Pour franchir cap, Anel Husic a pu
s’appuyer sur les certitudes de son
style de jeu. Il possède toutes les
caractéristiques d'un défenseur
robuste venu de l’Est. Avec sa
stature imposante de 1m89, il
excelle naturellement dans le jeu
aérien, grâce à un excellent jeu de
tête, mais aussi à un sens aigu de
l'anticipation. Au sein de la
défense, il étonne par sa sérénité,
que ce soit avec ou sans ballon,
une qualité rare et prometteuse à
son jeune âge. «J'aime aller au
contact, m'imposer physiquement,
quitte à intervenir de manière
robuste si nécessaire. Si le ballon
passe, le joueur ne passe pas», a-til
déclaré lors d'une interview
accordée au 24 Heures. Mais, le
défenseur de 22 ans se distingue
également par ses relances,
rappelant parfois un certain Fabian
Schär, avec des passes longues
précises ainsi qu'une bonne vision
du jeu. «C’est un profil qui attire
l’œil et est particulièrement
recherché dans le football
moderne. Sa principale qualité est
avec le ballon. Il a un jeu de passes
au-dessus de la moyenne, que ce
soit dans le jeu court ou le jeu
long, avec cette capacité à briser
les lignes par une passe»,
commente son agent.
Suisse et j'ai vécu toute ma vie ici.
Pour ce qui est de l'avenir et d'un
éventuel choix définitif, chaque
chose en son temps», a-t-il précisé
sur le site de la SFL au moment
d'annoncer sa décision. Tant qu'il
n'a pas joué de matchs officiels
avec l'équipe nationale senior, il
conserve la possibilité de changer
de maillot. À ce sujet, Ismaël Piller
se montre très transparent: «Anel a
grandi en Suisse et a été formé ici.
Il y a un avantage pour l’équipe de
Suisse. Mais nous n’avons pas, du
moins pas encore, fermé la porte à
la Bosnie. Sportivement, la
concurrence est plus forte avec la
Nati, car il y a de très bons profils
dans les sélections A et M21. Nous
croyons aux chances d’Anel. Il a
l’avantage d’être un profil différent
des autres.»
Photo: Lausanne-Sport
Anel Husic a prouvé ses qualités
non seulement avec son club, mais
aussi avec l'équipe nationale M21.
En octobre 2021, il a été convoqué
par l'équipe de Suisse des moins
de 21 ans, ainsi que par l'équipe
nationale M21 de la Bosnie, son
pays d'origine. Le joueur a opté
pour la sélection suisse, du moins
temporairement. «Je suis né en
À 22 ans, il a déjà disputé 73 matchs sous les
couleurs du club vaudois.

Le joueur du LS a célébré sa
première sélection en entrant en
jeu au retour des vestiaires lors du
match contre la Bulgarie M21. Le
défenseur a bénéficié de cinq
titularisations, au cours desquelles
il a marqué son premier but, d’une
tête puissante contre la Moldavie.
Malheureusement, le joueur
vaudois n'a pas été convoqué par
Patrick Rahmen pour l'Euro M21
durant l’été 2023. «C’est toujours
compliqué pour un jeune joueur
ambitieux d’encaisser le coup
dans ce genre de situation. Il était
forcément déçu. Mais Anel a
surtout souffert de la période de
janvier à mars 2023 où il a été sur
le banc, parfois de manière
injustifiée à mon sens. Finalement,
toutes ces épreuves lui ont permis
une certaine remise en question. Il
a affronté ces moments avec
bravoure et travail et il est
aujourd’hui un meilleur joueur
qu’il y a 6 mois», ajoute l’agent de
Gold Kick.
Il devra faire preuve de
persévérance pour intégrer la
sélection de Murat Yakin, en
particulier compte tenu de la forte
concurrence à son poste. Des
joueurs tels qu'Akanji, Schär,
Elvedi, Cömert, Omeragic, Stergiou
et d'autres se disputent les quatre
ou cinq places disponibles. Mais,
Anel Husic possède la qualité
d'être polyvalent, ayant parfois
évolué en tant que latéral sous les
ordres de Ludovic Magnin même
si son poste de prédilection reste
l’axe de la défense.
«Ils me suivent partout, ils sont
toujours là. Cela me donne une
force supplémentaire. (…) Mon
père est d'ailleurs mon supporter
le plus critique. Avec lui, il n'y a pas
de demi-mesure, c'est soit bien,
soit ce n'est pas bien», raconte-t-il
dans une interview accordée au 24
Heures. «Ce sont des gens
formidables. Ils le soutiennent
depuis toujours et se déplacent en
nombre au stade. C’est une famille
très saine où chacun reste à sa
place. C’est très important pour
nous, agents, de nous retrouver
dans les valeurs de la famille de
nos joueurs. Et ici, c’est
complètement le cas», précise
Ismaël Piller.
Avec un contrat valable jusqu’en
2025, Anel Husic devra vite penser
à la suite. Son profil intéresse et
des clubs se sont déjà manifesté.
L’Allemagne, la France, l’Italie et la
Belgique semble être des pistes
possibles. Mais le Suisse n’entend
pas brûler les étapes et se sent très
bien à Lausanne. Il le sait, le
prochain pas ne viendra que s’il
performe avec le LS. Son agent
veut rester concentré sur les
objectifs actuels: «La priorité, c’est
Lausanne. C’est une saison
importante pour Anel et surtout
pour le club qui a un vrai potentiel,
à mon avis. C’est un garçon qui est
suivi par plusieurs clubs, mais
nous verrons cela au moment
venu.» Voilà qui est clair.
Le soutien de sa famille
Pour franchir les prochains paliers,
le défenseur peut compter sur le
soutien indéfectible de ses
premiers supporters: sa famille.

‘Également en possession d’un passeport bosniaque, l’avenir
international du défenseur central reste ouvert.
Photo: Lausanne-Sport

LE CLASSEMENT DES BUTEURS
SAISON 2023/24
1 Chris Bedia 13 matchs 7 buts
2 Kaly Sène 13 matchs 7 buts
3 Jonathan Okita 14 matchs 7 buts
4 Antonio Marchesano 12 matchs 6 buts
5 Sayfallah Ltaief 11 matchs 5 buts
6 Jean-Pierre Nsame 12 matchs 6 buts
7 Matteo Di Giusto 14 matchs 5 buts
8 Varol Tasar 14 matchs 5 buts
9 Tsiy Ndenge 14 matchs 5 buts
10 Chadrac Akolo 13 matchs 5 buts

Photo: Thomas Henzelin

IL ÉTAIT UNE FOIS
Les principaux joueurs de
ce FC Thoune:
Qui se souvient du grand FC
Thoune de la saison 2005-2006, ce
petit club de l'Oberland bernois
qui a brillamment participé à la
Ligue des Champions en 2005 ?
Passés par les qualifications, les
Bernois se sont fait connaître dans
toute l'Europe.
Menés par le recordman du
nombre de matchs en Super
League, Nelson Ferreira, les
outsiders de la compétition ont
d'abord franchi les deux derniers
tours de qualifications en
éliminant le Dynamo de Kiev et le
Malmö FF. C'était déjà un exploit
considérable, surtout face à des
Ukrainiens qui semblaient être les
grands favoris et dont la barre
semblait trop haute pour le FC
Thoune.
José Gonçalves
Mauro Lustrinelli
Nelson Ferreira
Andres Gerber
Pape Omar Faye
Cependant, après avoir terminé à
la deuxième place lors de la saison
2004-2005, les coéquipiers
d'Andres Gerber et du Brésilien
Gelson ont réalisé l'exploit et se
sont offert le rêve de jouer en
Ligue des Champions. Ils se sont
retrouvés dans le groupe d'Arsenal,
de l'Ajax Amsterdam et du Sparta
Prague. Tout autre résultat qu'une
quatrième et dernière place aurait
déjà été une victoire en soi.

Loin d'être ridicules, Thoune a fait
douter Arsenal lors du premier
match et n'a été vaincu que sur le
petit écart de 2-1 à Londres. Puis, le
27 septembre 2005, est arrivée
cette victoire historique contre le
Sparta Prague, 1-0 au stade de
Suisse, le Wankdorf. Oui, car le
stade du Lachen n'était pas
homologué pour l'Europe, et son
successeur, la Stockhorn Arena, ne
sera construit que plusieurs
années plus tard.
Ce soir-là, c'est Selver Hozdic qui a
délivré tout un club, toute une ville,
toute une région. Le résultat est
légendaire, et le FC Thoune tient là
le premier succès de son histoire
en Ligue des Champions.
Une qualification pour les
huitièmes de finale semblait tout à
coup possible ?
Non, car trois défaites
consécutives, dont deux contre
l'Ajax et une à domicile contre
Arsenal, ont mis à mal la défense
autour du Camerounais Armand
Deumi et de l'Autrichien Arlen
Oman.
Cependant, cette épopée n'a pas
pris fin tout de suite, car l'équipe
du buteur Mauro Lustrinelli
(l'actuel entraîneur du FC Thoune)
a accroché Prague au match
retour. Grâce notamment aux buts
de l'ancien international suisse, les
Bernois ont été repêchés en
Coupe de l'UEFA et ont trébuché
au tour suivant de justesse face au
Hambourg SV malgré une
nouvelle victoire à domicile.
Le club reviendra d'ailleurs plus
tard sur la scène internationale
sous les ordres d'un certain Urs
Fischer, mais ceci est une autre
histoire.

Photo: Dylan Oppliger

La Coupe
de Suisse
fait-elle
toujours
rêver ?
h, l'odeur de la Coupe !
Celle des saucisses
grillées lors d'un
dimanche ensoleillé aux
abords d'un petit Aterrain de campagne,
l'enthousiasme des jeunes du club
qui courent sur la pelouse une fois le
match terminé pour obtenir une
photo avec les stars du football
professionnel, et les amateurs qui se
préparent toute la semaine après
leur travail quotidien dans l'espoir,
peut-être, de réaliser un exploit.

Photo: Thomas Henzelin

La Coupe de Suisse, c'est ce
moment si particulier dans la vie
du passionné de football du pays.
C'est le moment où l'équipe de son
village, où peut-être jouent
certains de ses amis, affronte une
équipe de la Super League. La
Coupe de Suisse, c'est aussi ce
moment où l'on célèbre le football,
que son équipe ait subi une défaite
sévère ou qu'elle ait perdu avec
vaillance.
Compétition particulière par
excellence, la Coupe de Suisse
semble vivre depuis quelques
années un déclin d'importance
dans le paysage du football suisse.
Qu'en est-il vraiment ?
Ainsi, les premiers tours de la
Coupe ont même le pouvoir
extraordinaire de calmer les ultras
des grands clubs. Ce sont
probablement les seuls moments
où les ultras du FC Bâle ou de
Grasshoppers peuvent se déplacer
en étant aussi peu encadrés. À vrai
dire, le plus important, et ce qui
fait la magie de la Coupe, ce sont
ces instants d'échange, au
confluent entre le football des
talus et le football de l'élite.
Le journal bernois Der Bund titrait
pourtant en février 2021: «La Coupe
de Suisse perd son âme». La
première raison est cette satanée
pandémie qui a grandement
fragilisé les clubs de l'élite, mais
aussi les formations amateures du
pays, en réduisant
temporairement fortement le
nombre de spectateurs présents
aux abords du terrain. Entretemps,
la situation est revenue à la
normale, et les affluences du
championnat de l'élite sont plus
élevées que dans le monde
d'avant. On peut toutefois
remarquer que le coronavirus a
quand même durablement
fragilisé le football suisse en lui
faisant perdre beaucoup d'argent.
La Coupe de Suisse a mal à son
porte-monnaie
Si la pérennité du championnat est
assurée par les droits TV et les
recettes des compétitions
européennes, la Coupe,
compétition la moins importante
dans la hiérarchie du football
suisse (après les équipes
nationales, les championnats
professionnels et amateurs), a mal
à son porte-monnaie.
Selon Watson, l'Association Suisse
de Football aurait accumulé un
déficit de 1,3 million de francs entre
2019 et 2021 pour la compétition. À
cause des restrictions liées à la
Covid, les finales de 2020 et 2021 se
sont déroulées sans spectateurs,
creusant un trou dans la billetterie.
De plus, la fin du partenariat de
sponsoring principal en 2020, qui
impliquait une compagnie
d'assurance versant près d'un
million de francs chaque année, a
contribué à cette situation.
L'Association Suisse de Football n'a
pas encore trouvé de
remplacement. Il reste donc les
droits de télévision, qui ne sont pas
énormes.
Du côté des clubs, ces difficultés
financières ont pour conséquence
une diminution significative des
primes versées en cas de victoire.
Ainsi, le FC Lugano aurait touché
environ 750'000 francs en tant que
finaliste de la dernière édition.
C'est une somme assez faible
rapportée au nombre de matchs
joués, une fois déduites les primes
pour les joueurs et les frais.

Photo: Thomas Henzelin
Cette saison, Delémont est le petit poucet qui réalise des exploits en
éliminant successivement Saint-Gall et Lucerne.
Les clubs amateurs s'y retrouventils
toujours avec la Coupe de Suisse
? «La Coupe, tu ne la fais pas pour
l'argent», explique Oga Venkat,
président du FC Gland, qui a reçu
le FC Lucerne en 2018 et le
Lausanne-Sport en 2022. «C'est
plutôt une occasion d'organiser
une fête du football. En tant que
club de 2e ligue, la seule façon de
se qualifier pour la compétition est
de remporter la coupe vaudoise,
ce qui n'arrive pas tous les ans.»
Lorsqu'un club amateur parvient à
s'inviter à la table des grands, un
véritable marathon
organisationnel commence. «La
clé du succès, c'est de bien gérer
les buvettes et la billetterie. Ce
sont deux postes qui peuvent faire
que l'événement soit un succès
financier. Il faut garder à l'esprit
qu'avec les frais engagés, la recette
générée lors d'un match de coupe
n'influence pas
fondamentalement le budget
annuel. Aucun club n'est devenu
riche grâce à la Coupe.» Il est donc
essentiel pour le club de s'assurer
de rentrer dans ses frais.
Une organisation conjointe pour
que la fête soit belle
Pour réussir dans l'organisation, un
club amateur doit pouvoir
compter sur un comité et des
bénévoles engagés, sans quoi les
frais peuvent rapidement s'envoler.
Ils peuvent également bénéficier
de l'aide des "grands". Ainsi,
Lausanne avait par exemple mis à
disposition son système de
billetterie au FC Gland. Les petites
attentions envers les supporters
adverses ont également leur
importance. «Nous avions fait
venir de la bière et des saucisses
de Lucerne, ce qui avait été
grandement apprécié par le club
de Suisse centrale, et avions laissé

le LS installer une boutique.» Une
collaboration main dans la main,
gage de réussite.
Restent donc, d'un match de
coupe, les petites anecdotes. «Lors
de la rencontre contre le
Lausanne Sport, Ludovic Magnin
s'était plaint que l'herbe était trop
haute», rigole le président des
«oranges», «alors que nous l'avions
spécialement tondue le matin
même. Je me souviens également
que nous avions organisé un repas
dans les vestiaires pour les joueurs
du FC Lucerne, car ils voulaient
repartir directement après la
rencontre.»
Si une formation de 2e ligue
comme le FC Gland a peu de
chances de rivaliser avec une
équipe professionnelle, tant l'écart
entre le football professionnel et
amateur semble plus grand que
jamais (il faut remonter à la saison
2014-2015 pour trouver trace d'une
équipe amateure en quarts de
finale de la coupe, avec le FC
Buochs de 2e ligue inter), et se
réjouit de la Coupe comme d'une
«fête du football», qu'en est-il des
équipes semi-professionnelles ?
«J’ai l’impression que pour les
clubs semi-professionnels, la
Coupe a pris de l’importance»,
contrebalance Anthony Sirufo,
entraîneur du SR Delémont. «Déjà,
c’est une vitrine pour les joueurs,
qui ont en plus l’occasion de se
confronter à ce qui se fait de
mieux.» On peut dire que le coach
delémontain touche juste,
lorsqu'on repense aux histoires de
Loris Mettler et d’Aurélien
Chappuis, joueurs d'Étoile
Carouge, qui avaient
respectivement obtenu un essai
au FC Saint-Gall et un contrat
(proposition déclinée par Aurélien
Chappuis), après avoir été repérés
lors de matchs de Coupe.
Mais alors, le «petit» y croit-il
toujours ? «Bien sûr qu’on y croit
avant un match de Coupe, tant
cette compétition est particulière,
continue l’entraîneur jurassien. La
Coupe fait partie de nos objectifs à
part entière avant le début de la
saison. Un beau parcours peut
lancer une dynamique dans
l’équipe, même si cette saison,
j’estime que nos matchs nous ont
coûté pas mal de points en
championnat.» L’entraîneur
jurassien a raison d’y croire, car sa
formation qui joue en Promotion
League a réalisé cette saison non
pas un, mais deux exploits, en
sortant consécutivement le FC
Saint-Gall et le FC Lucerne. Deux
des bonnes formations de Super
League. Prochaine étape, la
réception de Servette en février.
Si les matchs de Coupe se jouent
pour la plupart du temps dans une
ambiance festive, certains clubs
peuvent être des victimes
collatérales de rivalité. Ainsi, cette
année, l’Étoile Carouge a
notamment vu son premier tour
être gâché par les agissements de
certains «supporteurs» du club
valaisan, provoqués par d’autres
énergumènes genevois. «C’est vrai
que si nous avions reçu Sion ou
Servette, nous aurions peut-être
été contraints de délocaliser,
explique Oga Venkat. Lorsque
nous avions reçu Lausanne, Nyon
accueillait Servette. La ligue a
programmé ce match le vendredi
soir alors que nous avions joué le
samedi, pour éviter d’avoir les
supporteurs des deux clubs à cinq
kilomètres.»

Reste finalement à se poser la
question de la place de la
compétition pour les clubs de
l’élite. À l’issue de la saison 2023-
2024, le Servette FC aura par
exemple joué au minimum
cinquante-deux matchs: trenteneuf
matchs de championnat et
douze (à quatorze) en Coupe
d’Europe. S’il souhaite remporter la
coupe, il devra y ajouter six
rencontres. Soit près de soixante
matchs (!). Quelle importance
accorder à cette compétition si
spéciale, mais très gourmande en
énergie ?
Si l’équipe du bout du lac a pu se
permettre de faire tourner contre
des équipes inférieures de deux
classes ou plus d’écart dans les
tours préliminaires (qui servent
aussi à roder l’équipe), qu’en serat-il
au stade des quarts de finales
ou des demi-finales, lorsque
l'adversaire est un concurrent de
Super League, et que les points en
championnat peuvent valoir de l’or
dans l’optique d’une qualification
en compétition européenne,
représentant, pour le coup,
beaucoup plus d’un point de vue
financier ?
Vaut-il la peine de mettre en
danger le résultat d’un ou deux
matchs de championnat en
alignant des joueurs fatigués,
surtout lorsque le classement est
tendu, pour passer un tour en
Coupe ? Reste que la Coupe reste
le chemin le plus rapide pour les
clubs de remplir leur armoire à
trophées.
Un format à faire revivre ?
L’Association suisse de football est
consciente que la Coupe doit
évoluer.
C’est pour cela qu’elle a décidé, il y
a peu, d’un tirage «régional» au 1er
tour. Cela a donné de belles
affiches cette saison, avec, par
exemple, Breitenrain, club d’un
quartier de Berne, qui a affronté
Young Boys au Wankdorf devant
plus de 13'000 spectateurs, un
derby du Léman entre Vevey et
Lausanne qui a vu les supporters
de la capitale vaudoise débarquer
en bateau ou une confrontation
genevoise entre Meyrin et
Servette. De vraies fêtes du football
dont raffolent l’Association suisse
de football et les médias. Ce
nouveau mode de tirage au sort,
dont avait bénéficié le FC Gland
l’année passée, enthousiasme Oga
Venkat: «Sans manquer de respect
à qui que ce soit, c’est beaucoup
plus sympa pour nous de recevoir
le Lausanne Sport qu’une équipe
argovienne.»
Après avoir réformé son
championnat, l’Association suisse
de football devra quand même se
poser la question du rôle de la
Coupe de Suisse dans le paysage
du football helvétique. Le fait
qu’elle n’ait toujours pas retrouvé
de sponsor principal est un sujet
d'inquiétudes. La décision des
clubs de la Swiss Football League
d’avoir voulu passer en mode playoff
au printemps 2022
(heureusement retirée depuis)
interroge également quant à la
considération apportée par les
équipes de l’élite à la Coupe,
compétition qui, on le rappelle,
existe depuis 1925.

HORS FRONTIÈRES
Photo: Union Saint-Gilloise

Mohamed Amoura,
la Belgique n’entend qu’amour
Rédaction: Hugo Simon
Au cas où vous auriez oublié
Mohamed Amoura depuis son
départ de Lugano, l’Algérien a
inscrit six buts lors de ses six
derniers matchs et un doublé
face au géant brugeois. Cerise
sur le gâteau: un retourné
acrobatique qui figure déjà parmi
les buts de l’année du
championnat belge. En deux
mois à peine, l’attaquant de
poche a déjà mis la Belgique a
ses pieds et l’Union Saint-Gilloise
craint déjà l’intérêt d’autres clubs
européens durant le mercato
d’hiver. Retour sur un
phénomène que notre
championnat a laissé filer cet été.
blanche. Des chiffres qui sont très
loin de l'efficacité dont il fait
preuve depuis ses débuts à l'Union
Saint-Gilloise. Accrochez-vous:
Speedy Amoura marque toutes les
50 minutes en Jupiler Pro League !
Un but par mi-temps, voilà qui
aurait bien aidé la troupe de Croci-
Torti.
En arrivant en Belgique, on dirait
que Mohamed Amoura a trouvé la
meilleure version de lui-même.
Avec un total de 17 buts en 66
matchs à Lugano, on ne peut pas
dire que le petit attaquant de
poche a marqué l’histoire du club
tessinois. Il faut dire que le joueur
algérien n'entrait pas vraiment
dans les plans de Mattia Croci-
Torti, avec seulement 16
titularisations en 57 matchs lors de
ses deux saisons au sein de
l'effectif de Lugano. Un joueur de
banc tout de même performant
qui affichait un ratio d'un but
toutes les 130 minutes lorsqu'il
évoluait sous la vareuse noire et

La carrière de Mohamed Amoura en quelques chiffres
Matchs
Buts
ES Sétif
45
18
FC Lugano
66
Union
Saint-
Gilloise
9
17
12
Mohamed Amoura
23 ans
Algérie
Union Saint-Gilloise
Total
123
44
13
sélections
4
buts

Photo: Union Saint-Gilloise
En Algérie, certains commencent à comparer Mohamed Amoura à
Mohamed Salah.
Les chiffres montrent que le
Mohamed Amoura qui illumine les
terrains belges depuis le début de
la saison n'est pas vraiment celui
qu'on a connu à Lugano ni celui
que l'Algérie a vu sous le maillot de
l'ES Sétif, son premier club
professionnel. On pourrait ainsi
pointer du doigt un manque de
confiance de la part de ses anciens
entraîneurs lorsque l'on observe le
temps de jeu assez limité dont il a
bénéficié, mais il faut aussi
comprendre qu'un joueur comme
Amoura ne se prête pas à toutes
les tactiques mises en place. La
vitesse étant son atout principal,
c'est un joueur qui apprécie
particulièrement le jeu rapide vers
l'avant, comme en témoigne son
dernier but face au Club de
Bruges. C'est donc aussi un
attaquant plus efficace dans un
schéma en 4-4-2, pouvant ainsi
profiter des espaces créés par
l'attaquant en pivot. Dans le trio
d'attaque de Croci-Torti, Amoura
était souvent placé sur l'aile, une
position dans laquelle le natif de
Jilel est bien moins efficace. Il
semblait bien difficile de le
replacer seul à la pointe de
l'attaque, car avec sa taille d'1m69,
il n'a pas le profil nécessaire pour
être à la réception des centres de
Renato Steffen. Tout porte donc à
croire que si Mohamed Amoura a
marqué 12 buts en 9 rencontres à
l'Union, c'est aussi parce qu'il
évolue dans un système qui lui
convient mieux et au sein d'une
équipe qui s'articule autour de son
profil atypique.

De Jilel à Bruxelles
Au-delà de son profil, son parcours
est tout aussi atypique. Rien ne
destinait le joueur algérien à
éblouir l'Europe de son talent. En
Algérie, on disait de lui qu'il n'avait
pas assez de talent pour intégrer
les rares centres de formation
professionnels du pays. En 2018,
Amoura foule encore les terrains
des clubs amateurs de sa ville
natale, Jilel. Ce n'est qu'en cette
même année qu'il est repéré par
l'ES Sétif et qu'il y fait ses débuts
professionnels. Après une
première saison avec peu de
temps de jeu, il explose lors de la
saison 2020-2021, pendant laquelle
il marque 15 buts et délivre 6
passes décisives en 35 rencontres.
La suite de l'histoire, nous la
connaissons. Amoura décroche un
transfert vers l'Europe, avoisinant
le million d'euros du côté de
Lugano. Après deux saisons au
Tessin et un transfert vers
Bruxelles, ou devrait-on dire vers
Saint-Gilles, l’Europe découvre
enfin qui est le vrai Mohamed
Amoura.
Cependant, l'Union Saint-Gilloise
n'est probablement pas le
terminus de sa carrière.
Aujourd'hui, il n'y a aucun doute
que plusieurs équipes
européennes s'intéressent déjà à
l'efficacité surprenante de
l'attaquant unioniste. C'est une
nouvelle aubaine pour le club
bruxellois, qui s'est assuré les
services d'Amoura pour seulement
quatre millions d'euros cet été.
Âgé de seulement 23 ans, il est
inutile de démontrer que l'Union
Saint-Gilloise semble être un bon
tremplin pour lui, surtout lorsque
l'on observe les prestations
exceptionnelles de Kaoru Mitoma
du côté de Brighton ou encore le
début de saison tonitruant de
Victor Boniface (11 buts en 16
matchs) avec Leverkusen.
Les Fennecs en ligne de mire
Bien que touché par une blessure
à l'épaule, Mohamed Amoura fait
partie de la dernière liste de
Djamel Belmadi au sein de la
sélection nationale d'Algérie.
Même si Alexander Blessin, son
coach à l'Union Saint-Gilloise,
avouait espérer «qu'il ne joue pas
lors de ce rassemblement», la CAN
reste l'un des objectifs de sa saison.
Amoura doit encore faire son trou
parmi les Fennecs, car il ne
compte que deux titularisations
sous les ordres de Belmadi. Face à
la Somalie et au Mozambique, il
aura les cartes en main pour
défendre sa place, d'autant plus
quand on sait que Saïd Benrahma,
un concurrent de taille au sein de
l'attaque algérienne, a été écarté
du groupe.
Mais quand il faut se montrer dans
les moments importants, la fusée
de l'Union sait y faire. Le 17 juin
2021, alors qu'il est repris pour la
première fois avec l'équipe
d'Algérie A' (une équipe composée
de joueurs évoluant dans des clubs
locaux), il claque quatre buts face
au Libéria, rien que ça. Une
prestation de haut vol qui lui vaut
une première Coupe d'Afrique des
Nations avec l'équipe A quelques
mois plus tard. Une compétition à
très vite oublier, puisqu'il ne
dispute pas la moindre minute de
jeu et qu'il assiste, impuissant, à
l'élimination de l'Algérie en phase
de poules. Mais trois ans plus tard,
Mohamed Amoura n'est plus le
même. Et il compte bien être sur le
terrain cette fois-ci, pour prendre
de vitesse les défenses adverses et
devenir l'artisan d'une troisième
CAN pour sa nation.

Photo: Paris Saint-Germain

Photo: Dylan Oppliger

TALENT DE DEMAIN
MALIK
DEME
Photo: BSC Young Boys

Photo: BSC Young Boys
UN ESPOIR OFFENSIF SUISSE DE
GRANDE CLASSE
Rédaction: Emanuel Staub, bolzplazz.ch
La Suisse peut se réjouir de l'arrivée d'un nouveau joyau dans le
secteur offensif: Malik Deme (18 ans), sous contrat avec les Young
Boys depuis cet été, est considéré comme un surdoué par les scouts
et les experts. Cependant, il reste à voir s'il parviendra à faire le saut
au niveau professionnel.
La Suisse n'est pas un pays où les
attaquants exceptionnels
foisonnent. Certes, quelques
exceptions offensives ont laissé
une empreinte durable dans le
monde du football, de Chapuisat à
Shaqiri en passant par Frei.
Cependant, il est vain de chercher
dans notre pays une abondance
de joueurs offensifs de niveau
mondial. La Suisse est renommée
pour ses gardiens (Benaglio,
Sommer, Kobel), ses défenseurs
(Henchoz, Lichtsteiner, Akanji) et
ses stratèges (Geiger, Inler, Xhaka).
Elle produit régulièrement des
joueurs de niveau international à
ces postes.
En revanche, des attaquants tels
que Chapuisat, Frei ou Shaqiri sont
beaucoup plus rares. Une fois par
génération, un joueur offensif
suisse accède à la classe mondiale
(élargie). Certes, la Suisse dispose
actuellement de joueurs tels
qu'Embolo, Okafor ou Amdouni,
qui ont le potentiel d'atteindre le
haut niveau. Cependant, la
question de savoir s'ils pourront un
jour exploiter pleinement leur
potentiel demeure en suspens.

La Suisse a bien sûr besoin de
joueurs offensifs capables
d'évoluer et d'atteindre un niveau
international, des joueurs ayant le
potentiel pour un jour évoluer au
plus haut niveau et maintenir la
Suisse parmi les meilleures
nations grâce à leurs
performances. Le problème réside
dans le fait que nous ne disposons
pas d'un réservoir de talents aussi
vaste que les grandes nations.
Cela signifie également que nos
plus grands talents doivent
impérativement réussir à faire le
saut. Sans quoi, nous pourrions
rencontrer des difficultés, car
contrairement à des pays comme
la France ou l'Angleterre, nous ne
disposons pas de talents de
réserve si nos joueurs les plus
doués ne parviennent pas à tenir
leurs promesses.
Malik Deme a tout au niveau du
talent
Et c'est là que Malik Deme entre
en jeu. Né à Zurich en 2005, il a été
rapidement identifié comme un
espoir national au sein de
l'académie des Grasshoppers en
raison de ses qualités
exceptionnelles que l'on ne trouve
pas souvent dans ce pays.
Le profil de Deme est plus
passionnant que n'importe quel
autre en Suisse. Moderne,
athlétique et hautement explosif,
Deme est à l'aise sur l'aile droite,
d'où il peut se projeter dans l'axe
avec une vitesse impressionante,
du flair et un excellent pied
gauche, créant ainsi des occasions
décisives. Il possède presque
toutes les qualités nécessaires:
une accélération fulgurante, une
vitesse finale exceptionnelle, une
agilité et une mobilité séduisantes,
des capacités techniques de haut
niveau et un excellent contrôle du
ballon, ainsi qu'une robustesse
physique et une tension corporelle
remarquables.
Celui qui apporte ce
mélange particulier
élargit considérablement
le répertoire tactique de
son équipe
La liste de ses compétences
pourrait être presque infinie, y
compris son habileté à dribbler, sa
qualité dans les combinaisons et
les passes, ainsi que sa capacité à
marquer de loin avec précision.
Deme excelle particulièrement
lorsqu'il peut prendre de la vitesse
avec le ballon au pied. Grâce à sa
technique raffinée et son jeu de
jambes, il conserve le ballon
même sous pression et dans des
espaces restreints. Il peut dribbler
ses adversaires avec facilité,
provoquer des situations de un
contre un et ainsi créer des
brèches dans la défense adverse.
Avec sa robustesse physique et sa
puissance, il peut également
s'affirmer physiquement et
dépasser les défenseurs. Une fois
lancé en profondeur, il cherche le
chemin direct vers le but avec
détermination et est difficilement
arrêtable. Grâce à la qualité de son
pied gauche, il peut conclure avec
précision et sensibilité même de
loin.

Malik
Deme
Photo: FC Lucerne
Après Fabian Rieder et Aurèle Amenda, Young Boys tient dans ses rangs un
nouveau très grand talent du football suisse avec Malik Deme.

Pendant des années, Deme a fait
sensation chez les jeunes des
Hoppers et au sein des équipes
nationales suisses des moins de 18
ans grâce à ses dribbles et à ses
superbes buts. Les recruteurs
s'accordent à dire qu'un joueur qui
pourrait devenir très important
pour la Suisse à l'avenir est en train
de se développer. Malgré tous les
éloges, il n'a pas réussi à intégrer
l'équipe première de Grasshopper.
Bien qu'il ait pu s'entraîner avec
les professionnels à plusieurs
reprises, il n'a jamais été utilisé,
probablement en raison de litiges
contractuels, comme le
murmurent certaines rumeurs.
Cet été, la rupture a eu lieu. Pour
atteindre le niveau supérieur,
Deme souhaitait quitter le club
zurichois. Il a été recruté par
Young Boys, qui s’efforce de
s'établir comme le club numéro
un en Suisse pour le
développement des jeunes
talents.
Il fait officiellement partie de
l'équipe première sur le papier,
mais il évolue régulièrement avec
les Young Boys M21, engagés en
Promotion League. Par ailleurs, il
apporte également son talent aux
équipes M19 de Berne en Youth
League. Il a déjà inscrit des buts
pour les deux équipes,
notamment contre Leipzig avec
les M19.
Est-ce suffisant ?
Pour un ailier, Deme possède
toutes les qualités requises dans le
football moderne pour réussir une
grande carrière: explosivité,
mobilité, puissance, dribble de
qualité, technique et intelligence
de jeu. Cependant, il est
nécessaire de se demander si cela
sera suffisant. En effet, tous les
Malik Deme brille sous les couleurs de
l’équipe de Suisse M19.
observateurs ne sont pas
convaincus que Deme puisse
atteindre le niveau international
supérieur, malgré ses
prédispositions évidentes et
indiscutables.
Les aptitudes physiques et
techniques sont essentielles, mais
l'attitude mentale l'est tout autant.
C'est précisément sur ce point que
Deme aurait encore un potentiel
d'amélioration significatif, du
moins si l'on en croit les bruits qui
circulent sur les terrains de
football suisses. Il y a notamment
l'attitude au travail en dehors du
terrain et la volonté de continuer à
progresser malgré ses
compétences déjà développées.
Un exemple concret concerne son
pied droit, qu'il utilise rarement.
En améliorant son pied droit et en
l'utilisant de manière plus active, il
deviendrait non seulement plus
polyvalent et difficile à contrer

Photo: BSC Young Boys
pour les défenseurs, mais il
augmenterait aussi ses
opportunités de marquer. Les
observateurs lui reprochent
fréquemment de ne pas avoir
suffisamment travaillé son pied
faible depuis ses années juniors.
Une autre préoccupation
concerne son attitude défensive et
son manque de participation dans
le repli défensif. Pour être
équitable, il est important de noter
qu'il y a eu une amélioration dans
ce domaine depuis son arrivée aux
Young Boys. Cependant, il doit
encore progresser dans la
concrétisation de ses actions. Il est
vrai que beaucoup de jeunes
ailiers rencontrent ce problème,
qui est en partie lié à l'expérience.
Deme aurait un net avantage s'il
travaillait sur sa prise de décision,
sa cohérence et apprenait à
choisir le bon moment pour
conclure avec le bon pied.
Cependant, comme mentionné,
cela dépend également de la
maturité et de la compréhension
du jeu.
Bientôt prêt pour la Super
League ?
Deme atteindra le football
professionnel, cela ne fait aucun
doute. La question est de savoir
jusqu'où il ira. Ses prédispositions
sont certes attractives, mais le
talent seul ne suffit pas. C'est
précisément pour cette raison que
l'attitude correcte est cruciale.
S'il travaille sur ses points faibles,
nous pourrions bientôt voir Deme
intégrer l'équipe première du
multiple champion suisse. Il
devrait obtenir ses premières
minutes de jeu au plus tard au

printemps. Cependant, le système
de Raphael Wicky pourrait
constituer un léger obstacle. Ce
dernier privilégie
systématiquement un schéma en
4-4-2 en losange. Dans cette
formation, il n'existe pas de poste
d'ailier classique tel que celui
occupé par Deme. Un avantage
pour lui est qu'il peut également
être utilisé comme deuxième
attaquant dans une double pointe,
mais cela limite une partie de ses
points forts. En tant qu'avantcentre
nominal, il ne peut pas
courir autant le long de la ligne
avec le ballon au pied comme il
fait particulièrement bien.
La Suisse et les Young Boys
feraient bien de prendre soin de
Malik Deme, de soutenir
activement son développement et
de tirer le meilleur parti de son
potentiel. Il y a peu d'autres
attaquants aussi talentueux dans
le pays. Les rares que nous avons
doivent réaliser leur plein potentiel
pour le bien du football suisse.

Bastien Feller
Journaliste
Blick
L’avis du
Blick
À 18 ans, Malik Deme fait partie des plus grands talents helvétiques sur le plan
offensif. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que Young Boys l’a fait venir en
provenance de l'équipe M21 des Grasshopper l’été dernier. Vif et doté d'une
technique au-dessus de la moyenne, il fait partie des joueurs capables de créer le
déséquilibre sur son aile droite et d’amener un danger certain sur la cage adverse.
À condition qu’il soit également bien entouré. Chose qui n’est, malheureusement
pour les Bernois, pas forcément le cas lors de cette Youth League, même s’il a pu
faire trembler les filets du RB Leipzig lors de la première journée de la phase de
groupes.
En effet, j’ai eu l’occasion d’assister à la rencontre entre la garniture M19 d’YB et
celle de Manchester City, dans le Nord de l’Angleterre le 7 novembre dernier. Une
partie lors de laquelle les locaux ont surnagé, profitant des largesses défensives et
de l’inexpérience des joueurs d'André Niederhäuser. Défaite et infériorité qui n'a
d'ailleurs rien d'illogique. Après tout, les jeunes cityzens ont tout de même
remporté la U18 Premier League North la saison dernière et disposent
d’infrastructures inimaginables pour développer au mieux leurs qualités. Bien
supérieures à ce que la direction d'YB peut proposer à ses joueurs, même à ceux
de la première équipe.
Finalement, seul Malik Deme a su tirer son épingle du jeu lors de cette rencontre.
Et de fort belle manière, même s’il n’a rien pu faire pour empêcher une sèche
défaite 3-0 des siens. Mais par sa vitesse et son sens du dribble, l’international
suisse M19 a su mener la vie dure à son vis-à-vis, faisant lever la foule présente à
plusieurs reprises et intriguant probablement les recruteurs présents. Lui manque
maintenant, et c'est normal pour son âge, à perfectionner sa prise de décision
dans le dernier geste. Chose qui viendra avec l'expérience.
Nul doute maintenant que le jeune zurichois pourra, dans un avenir proche, faire
ses débuts avec l’équipe fanion du club de la capitale. Reste désormais à savoir
quand.

“YOUNG BOYS
EST LE CLUB IDÉAL
POUR MOI !”

Malik, on a dressé ton profil :
technique, rapide et doté de
réelles capacités physiques. Estce
qu'on a tapé dans le mille ?
Oui, à côté de ça, je suis un joueur
qui aime les duels. On peut dire
que je n'ai pas peur de prendre
des risques (rires). Le football est
un jeu où la prise de risque a son
importance. Il faut tenter des
choses. Je suis comme ça depuis
tout petit, j’ai toujours eu cette
caractéristique.
En dehors du terrain, Malik, 18
ans, comment est-il ?
Je suis un gars plutôt calme et
timide. Mais attention, ça ne veut
pas dire que je n'aime pas rigoler
(rires).
À côté du football, as-tu fait des
études ?
Oui, j'ai fréquenté la United School
of Sports à Zurich. C'est une école
qui propose un cursus de 4 ans.
J'ai déjà terminé trois années dans
cette école et obtenu mon
diplôme avant de partir pour
Berne.
Footballistiquement, ce profil
justement, gaucher, très fort en
un contre un, rapide. C’est un
profil rare en Suisse. Est-ce un
avantage ?
C’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup
de joueurs qui ont ces
caractéristiques. Forcément, pour
moi, c’est un plus. En équipe
nationale, je retrouve des joueurs
offensifs techniques avec de
bonnes capacités de dribbles,
mais très souvent ils sont droitiers.
Les gauchers sont quand même
un profil un peu rare dans le
football.
Quel était ton parcours avant de
rejoindre Young Boys ?
J’ai commencé le foot chez moi,
dans le canton de Zurich. Des U8
au U10, j’ai évolué au FC Zurich. À
cet âge, j’ai dû faire une pause
forcée par mes parents. J’avais très
souvent mal à la tête et ils ont
préféré me faire arrêter le foot.
Durant cette année, je me suis mis
au karaté. Mais, le foot me
manquait trop. J’ai repris à YF
Juventus. C’est un club qui a un
partenariat spécial avec
Grasshopper que j’ai pu rejoindre
par la suite.
Pourquoi avoir choisi de quitter
GC l’été dernier ?
Tout d’abord, quand Young Boys
vient vers toi, c’est forcément un
honneur. Il y avait un très fort
intérêt, c’est difficile de refuser.
Young Boys est un des meilleurs
clubs de Suisse donc très
honnêtement je n’ai pas hésité
une seconde. Tout était très vite
parfaitement clair dans ma tête. Et
puis, les choses étaient un peu
compliquées avec Grasshopper
qui n’a pas toujours respecté ce
qu’il promettait. Les choses ne se
sont pas passées comme prévues.
Alors, j’ai saisi ma chance. J’ai
beaucoup aimé le projet présenté
par YB et le contexte est aussi
intéressant pour moi: vivre seul à
18 ans dans une nouvelle ville me
permet d’apprendre de cette
expérience et d’être prêt pour la
suite.
À Young Boys, tu t’entraînes
avec la première équipe et tu
joues les week-ends avec les
M21. Comment s’est passée ton
intégration ?

Très bien, vraiment. Dès les
premiers jours, tout le monde a
été très sympa que ce soit au
niveau des joueurs, notamment
Jean-Pierre Nsame avec qui je
discute beaucoup, ou du staff. Les
premiers jours, je n’arrivais pas à y
croire. J’étais avec des joueurs que
je voyais à la télé, c’est un
sentiment très étrange. C’était
waouh (rires) !
Le fait d’être bilingue aide
particulièrement à YB…
Ah oui, c’est clair. YB, c’est un club
bilingue. La moitié de l’équipe
parle suisse-allemand, l’autre
français. Je peux communiquer
avec tout le monde et je
m’entends très bien avec tout le
monde.
En signant à Berne, avais-tu un
objectif précis ou des
perspectives en termes de
temps de jeu ?
En venant ici, je savais que je
n’allais pas jouer directement avec
l’équipe première. Mais je n’en fais
pas une obsession pour le
moment. Je suis venu dans la
volonté de progresser et je sais
que c’est le step idéal pour moi.
Les choses viendront
naturellement, j’en suis sûr. Je ne
me mets pas stress par rapport à
ça. Je dois me développer en tant
que joueur et YB est le club parfait
pour ça.
Justement, quels aspects dois-tu
développer ?
Principalement la constance et
l’efficacité. Quand tu es jeune, tu
manques presque naturellement
de constance, j’aimerais vraiment
m’améliorer sur ce point. Je sais ce
dont je suis capable. Je dois aussi
mieux jouer certains coups afin
d’être plus décisif. Finalement, il y
a quelques aspects de mon jeu
défensif que je dois travailler
également. La différence dans le
monde pro se fait sur des petits
détails.
Tu as joué contre City
dernièrement. Collectivement, il
y avait une réelle différence
entre les deux équipes. Mais toi à
titre personnel, comment jugestu
tes performances face à cette
équipe ?
C'était un superbe défi et une
expérience magnifique de pouvoir
rivaliser avec des joueurs de mon
âge évoluant dans l'un des
meilleurs clubs mondiaux. Je
retiens du positif ! Comme
toujours, j'essaie d'appliquer sur le
terrain ce que j'apprends lors des
entraînements avec l'équipe
première à YB, où la qualité est
très élevée. Tout n'était pas parfait,
mais je pense avoir tout de même
fait de bonnes choses.
Tu as vécu une semaine assez
folle. 3 matchs, 3 victoires avec la
Suisse M19. Peux-tu décrire votre
équipe et ton rôle dans celle-ci ?
Oui, c’est vrai. Nous sommes
vraiment satisfaits de ce parcours.
La première année était vraiment
dure avec cette équipe.
L’entraîneur a organisé des
matchs amicaux uniquement
contre des grandes nations et
nous avons toujours perdu nos
matchs. Je pense qu’il a voulu
nous préparer et on a vu le résultat
durant ce rassemblement. Nous
sommes une équipe vraiment
solide. Et, en toute sincérité, nous

avons une sacrée génération avec
beaucoup de très bons joueurs. Je
pense que nous pouvons réaliser
de belles choses, il nous faut surfer
sur notre belle dynamique. Notre
objectif est d’aller à l’EURO.
À titre personnel, je suis toujours
très heureux d’être dans l’équipe.
Je joue dans un rôle différent
(piston droit) qui me demande
plus de travail défensif. Ce n’est
pas forcément mon poste de
prédilection, mais je donne tout
pour l’équipe et je suis toujours
très heureux d’évoluer en équipe
nationale, peu importe le poste où
le coach décide de me faire jouer.
Je joue, et je pense avoir un rôle
important dans le groupe. Je ne
suis pas forcément un leader de
parole, mais j’aime prendre des
responsabilités sur le terrain.
En équipe nationale, vous
affrontez régulièrement des
joueurs qui ont déjà évolué en
première division, ce qui n'est
pas vraiment le cas de votre
groupe (seul Junior Zé a joué en
Super League cette saison). Estce
handicapant ? Pourquoi ce
décalage avec d'autres pays ?
Oui, beaucoup de nos adversaires
jouent déjà en première division
de leur pays. Je ne sais pas si c’est
handicapant, mais je pense qu’ils
ressentent la même sensation que
lorsque je vais jouer avec les M19
de Young Boys. Ils gardent un
niveau d’intensité qui est différent.
C’est un sujet dont nous parlons
souvent ensemble, car c’est vrai
que presque aucun joueur de
notre sélection ne joue en Super
League. La Suisse le dit clairement:
ils prennent le temps avec les
talents. Les clubs n’aiment pas
trop prendre de risques. La Super
League est un très bon niveau,
mais c’est vrai que d’autres
championnats, en France, en
Angleterre, en Espagne, mettent
plus en avant les jeunes joueurs.
Le facteur temps est souvent un
sujet de discussion en Suisse.
Pourtant, des joueurs comme
Shaqiri ou Xhaka ont également
connu la carrière qu’ils ont
aujourd’hui grâce au fait d’avoir
joué dès l’âge de 17 ans…
Oui, aussi. Même si chaque joueur
est différent et suit sa propre
courbe d’apprentissage. Mais c’est
vrai qu’avant, il y avait plus de
joueurs qui faisaient leur début à
l’âge de 16/17/18 ans. Désormais, la
tendance est plutôt d’attendre les
19/20 ans. Du moins, en Suisse.
L’avantage quand tu commences
tôt est que tu emmagasines une
expérience importante et qu’à
l’âge de 20 ans, tu as un bagage
solide qui te permet d’avoir
d’autres opportunités en fonction
de ton potentiel. Tout début de
carrière connaît des moments
plus difficiles, c’est mieux de les
avoir tôt dans certains cas. Mais
l’objectif est d’être prêt à l’instant
venu. Beaucoup de choses se
jouent dans la tête.
Quels sont tes objectifs pour
cette saison ?
J’aimerais avoir un peu de temps
de jeu d’ici la fin de saison avec
l’équipe première et aller à l’EURO
avec la Suisse M19 !