Miles #47 - Benoît Mintiens - Une relecture du temps
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BIOPIC<br />
ENZO FERRARI, UNE DOUBLE VIE<br />
2<br />
Enzo Ferrari (1898-1988) a créé l’écurie de course automobile et la marque<br />
de voitures de sport haut de gamme les plus célèbres <strong>du</strong> monde. La vie <strong>du</strong><br />
« Commendatore » a été aussi tumultueuse sur le plan privé que professionnel.<br />
Un film biographique en témoigne. « Ferrari » doit sortir le 14 février prochain.<br />
Jules Gevaert<br />
Un montage en noir et blanc à<br />
l’ancienne inaugure la biographie<br />
filmée d’Enzo Ferrari en le<br />
montrant à ses débuts au volant<br />
d’une voiture de course. Après la<br />
titraille, le film passe à la couleur<br />
et annonce l’époque : 1957. Enzo<br />
Ferrari a abandonné la compétition<br />
en tant que pilote à la naissance de son fils Dino,<br />
en 1932. A l’exception d’un court flash-back, tout le film<br />
se concentre sur quelques mois de cette année 1957,<br />
qui con<strong>du</strong>isent à une course automobile aussi célèbre<br />
que controversée : les Mille Miglia. A la suite d’un accident<br />
tragique avec une Ferrari, cette édition sera aussi<br />
la dernière dans la formule de l’époque.<br />
Outre la présence marquée d’Enzo Ferrari lui-même<br />
(Adam Driver, le bien nommé), de sa femme Laura<br />
(Penelope Cruz en gardienne des affaires), de sa mère<br />
Adalgisa (Daniela Piperno en véritable mamma italiana),<br />
de sa maîtresse Lina Lardi (Shailene Woodley) et <strong>du</strong> fils<br />
Piero qu’il a eu avec cette dernière (Piero Ferrari est aujourd’hui<br />
vice-président de la marque), l’esprit <strong>du</strong> premier<br />
fils d’Enzo (Dino, décédé en 1956) plane également<br />
sur cette biographie filmée.<br />
La double vie d’Enzo Ferrari, le secret entourant sa<br />
maîtresse et son fils caché, l’impact sur lui de la mort de<br />
son premier fils et les soucis financiers qui ont précédé<br />
les succès de la Maison, sont finement évoqués par le<br />
réalisateur octogénaire américain Michael Mann, tout<br />
comme l’est la découverte par sa femme Laura de son<br />
fils caché. Voilà pour la trame privée dans le film.<br />
Intrigues et tragédie<br />
Côté Scuderia, les personnages marquants sont surtout<br />
le pilote espagnol Alfonso de Portago (Gabriel Leon) et<br />
l’Italien Piero Taruffi (Patrick Dempsey). Ce dernier terminera<br />
vainqueur à l’arrivée de la tragique course Mille<br />
Miglia de 1957 à Brescia, devant ses coéquipiers, à savoir<br />
l’Allemand Wolfgang von Trips (Wyatt Carnel) et le Belge<br />
Olivier Gendebien (Brett Smrz).<br />
Si le film ne l’évoque pas directement, un autre élément<br />
belge intervient dans la participation de Ferrari à cette<br />
course : les pneus Englebert.<br />
Lors d’un contrôle de ravitaillement à Bologne, un mécanicien<br />
avait remarqué que le pneu avant gauche de<br />
Portago avait souffert d’un contact avec une partie de la<br />
carrosserie. Mais le tumultueux et talentueux novice <strong>du</strong><br />
parcours avait refusé de changer les pneus sur sa Tipo<br />
335 S, afin de gagner <strong>du</strong> <strong>temps</strong>, notamment face à ses<br />
coéquipiers et à l’adversaire Maserati. Dans la dernière<br />
partie de la course, Portago heurta à grande vitesse, avec<br />
son pneu avant gauche, une petite borne kilométrique<br />
posée au milieu de la route. Le film rapporte la scène au<br />
ralenti. Le pneu éclate, la voiture est hors de contrôle.<br />
Suit un moment d’horreur : dix spectateurs dont quatre<br />
enfants en plus de Portago lui-même (dont le tronc est<br />
coupé <strong>du</strong> reste <strong>du</strong> corps) et de son coéquipier américain<br />
Edmund Nelson, meurent sur place.<br />
<strong>Une</strong> tragédie qui annulera à jamais cette compétition<br />
dans sa formule de l’époque.<br />
Gagner à tout prix<br />
Sérieusement endetté avant l’épreuve, ses créanciers<br />
avaient fait comprendre à Ferrari qu’il devait gagner les<br />
Mille Miglia coûte que coûte pour redresser la notoriété<br />
et les finances de la Maison. Les intrigues qu’Enzo Ferrari<br />
a utilisées pour que chacun de ses pilotes surpasse les<br />
autres membres de son écurie autant que les rivaux, ont<br />
sans doute poussé une personnalité comme Portago à<br />
tout mettre en œuvre pour gagner, même au péril de<br />
sa vie.<br />
Ces intrigues sont fidèlement reprises <strong>du</strong> livre qui a<br />
inspiré le film. Dans « Enzo Ferrari – The Man and the<br />
Machine » paru en 1991, l’auteur Brock Yates reprend<br />
notamment des propos <strong>du</strong> Belge Olivier Gendebien illustrant<br />
les tactiques de Ferrari pour que ses pilotes se<br />
surpassent l’un l’autre.<br />
© Belga Image<br />
1<br />
1. Enzo Ferrari dans la vraie vie,<br />
chaussant comme souvent des<br />
lunettes sombres cachant son<br />
regard.<br />
2. Adam Driver, métamorphosé,<br />
incarne un Enzo Ferrari menant<br />
une double vie privée et une vie<br />
professionnelle intransigeante.<br />
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