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Pierre Jacques CAZES, Le Christ guérissant l’Hémorroïsse

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<strong>Pierre</strong> <strong>Jacques</strong> <strong>CAZES</strong> (Paris, 1676 – Id., 1754)<br />

<strong>Le</strong> <strong>Christ</strong> <strong>guérissant</strong> <strong>l’Hémorroïsse</strong><br />

1706<br />

Huile sur toile, H. 101 ; L. 80 cm<br />

Paris, cathédrale Notre-Dame<br />

HISTORIQUE<br />

Paris, vente Ader, Picard, Tajan, 13 juin 1986, n° 180 (attribué à Jean-François de Troy) ; Paris, collection<br />

Annie et Jean-<strong>Pierre</strong> Changeux, donné à la cathédrale en novembre 2021.<br />

ŒUVRES EN RAPPORT<br />

May<br />

<strong>Pierre</strong> <strong>Jacques</strong> Cazes, <strong>Le</strong> <strong>Christ</strong> <strong>guérissant</strong> <strong>l’Hémorroïsse</strong>, 1705-1706, huile sur toile, H. 440 ; L. 355 cm,<br />

Arras, musée des Beaux-Arts, Inv. M.I. 307 (Fig. 1).<br />

Répliques autographes<br />

<strong>Pierre</strong> <strong>Jacques</strong> Cazes, <strong>Le</strong> <strong>Christ</strong> <strong>guérissant</strong> <strong>l’Hémorroïsse</strong>, huile sur toile, H. 93 ; L. 71 cm, collection<br />

particulière (Fig. 2).<br />

Mention dans les inventaires après décès :<br />

« Cinq tableaux peints sur toille représentant différents sujets de dévotion, dont un représentant un<br />

Mé de Nostre-Dame, nommé l’Emoroïse ; tous dans leur bordure de bois de noyer : prisés tous<br />

ensemble quatre vingts livres », inventaire après décès de <strong>Jacques</strong> <strong>Le</strong> Nattier.<br />

Réplique d’atelier<br />

<strong>Le</strong> <strong>Christ</strong> <strong>guérissant</strong> <strong>l’Hémorroïsse</strong>, huile sur toile, H. 133 ; L. 099 cm, Rome, collection particulière.<br />

Gravure<br />

Nicolas Henri Tardieu (1674-1749) d’après <strong>Pierre</strong> <strong>Jacques</strong> Cazes, <strong>Le</strong> <strong>Christ</strong> <strong>guérissant</strong> <strong>l’Hémorroïsse</strong>,<br />

avant 1736, eau-forte et burin, H. 119 ; L. 78 cm au tr. c., Lyon, bibliothèque municipale, Rés. 810342,<br />

p. 38.<br />

Élève de René Antoine Houasse (1645-1710), puis de Bon Boullogne (1649-1717), <strong>Pierre</strong><br />

<strong>Jacques</strong> Cazes compte parmi les peintres les plus prolifiques de sa génération. Durant la première<br />

moitié du XVIII e siècle, l’artiste mène une carrière rythmée par de grandes commandes religieuses et<br />

une production importante de tableaux de chevalet à destination des amateurs. Lauréat du grand prix<br />

en 1699 et agréé en 1702, Cazes débute sa carrière de peintre d’histoire religieuse avant même sa<br />

réception à l’Académie le 28 juillet 1703, avec plusieurs commandes de tableau d’autel pour des églises<br />

provinciales 1 . <strong>Le</strong>s années suivantes s’imposent comme charnières dans sa carrière et sa vie personnelle.<br />

1<br />

Dès 1702, Cazes reçut de Michel <strong>Le</strong> Peletier la commande d’un tableau d’autel pour la chapelle de son évêché<br />

d’Angers et en 1703, la fabrique de l’église Saint-<strong>Jacques</strong> d’Abbeville fit appel à l’artiste pour décorer sa chapelle<br />

consacrée à saint Nicolas.


En 1704, il présente une Sainte Cécile à l’exposition organisée par l’Académie dans la Grande Galerie<br />

du Louvre 2 ; se marie avec Reine Geneviève Joran, fille d’un graveur de la rue Saint-<strong>Jacques</strong> et s’établie<br />

rue Neuve-Saint-Eustache 3 .<br />

Fin 1705, les orfèvres parisiens <strong>Jacques</strong> <strong>Le</strong> Nattier et Jean <strong>Le</strong> Bastier chargèrent le peintre de<br />

réaliser pour le premier mai 1706, l’un des grands tableaux votifs, appelés Mays, offerts chaque année<br />

par la confrérie de Sainte-Anne et de Saint-Marcel à la mère de la Vierge, pour orner les piliers de la<br />

cathédrale Notre-Dame. À l’inverse des autres tableaux de la série, l’épisode miraculeux représenté<br />

n’est pas extrait des Actes des Apôtres mais de l’Évangile de saint Matthieu : <strong>Le</strong> <strong>Christ</strong> <strong>guérissant</strong><br />

<strong>l’Hémorroïsse</strong>. Cazes savait l’opportunité que représentait ce tableau pour établir sa réputation auprès<br />

du public et des commanditaires. C’est d’ailleurs sans doute pour élaborer cette grande composition<br />

aujourd’hui conservée dans les réserves du musée des Beaux-Arts d’Arras (Fig. 1) qu’il fut absent durant<br />

les vingt-cinq séances de l’Académie de l’année 1705. Avant d’exécuter son May, Cazes dut d’abord faire<br />

approuver sa composition par le chanoine Jean Passart en présentant une esquisse. Cette dernière<br />

était considérée comme perdue et seules deux réductions du tableau avaient étaient redécouvertes en<br />

2017 par Nicolas <strong>Le</strong>sur 4 et publiées en 2021 par Delphine Bastet dans sa monographie consacrée aux<br />

Mays 5 : l’une comme une réplique autographe destinée à l’un des deux orfèvres donateurs, l’autre<br />

comme une copie d’atelier. Suite à cette publication ce tableau est réapparu dans une collection<br />

particulière. Acquis en juin 1986 sur le marché de l’art parisien sous une attribution à Jean François de<br />

Troy, il a été offert à Notre-Dame de Paris en 2021. Sa récente restauration a permis de déterminer la<br />

nature de cette œuvre de petit format.<br />

L’allègement des anciens vernis a d’abord mis en évidence les repentirs observables sur les<br />

mains gauches du saint <strong>Pierre</strong> et de <strong>l’Hémorroïsse</strong> ainsi qu’au niveau de la sandale du <strong>Christ</strong>. L’analyse<br />

avant restauration a également permis de découvrir des craquelures prématurées au niveau de la<br />

tunique de la malade guérie par le <strong>Christ</strong>. Autant d’indices d’une exécution rapide mais soucieuse des<br />

détails de composition. Débarrassée des chancis et des effets uniformisant des vernis, la toile révèle<br />

un style bien plus enlevé que les deux réductions déjà connues (Fig. 2). <strong>Le</strong>s témoins du miracle placés<br />

dans l’ombre à gauche sont rendus par quelques touches allusives sur la préparation ocre rouge de la<br />

toile laissée en réserve. Cette économie de moyens et les différents accidents de surface laissent<br />

présager une réalisation hâtive probablement en vue de la présentation de la toile au chanoine. Ainsi<br />

malgré son format inhabituel pour une esquisse de May, cette toile paraît être le modello du <strong>Christ</strong><br />

<strong>guérissant</strong> <strong>l’Hémorroïsse</strong>.<br />

Sa composition est en tout point semblable à celle du May. Elle est proche de deux tableaux<br />

de Louis de Boullogne (1654-1733), son May de 1675, le <strong>Christ</strong> et le Centenier, ainsi que du <strong>Christ</strong><br />

<strong>guérissant</strong> <strong>l’Hémorroïsse</strong> réalisé pour la Chartreuse de Paris en 1695 (Fig. 3). S’y retrouve la même<br />

verticalité, accentuée par la présence des colonnes derrière le <strong>Christ</strong>, ainsi que les mêmes effets de<br />

profondeur établis par les figures repoussoirs du premier plan. Comme l’a souligné <strong>Christ</strong>ine Gouzi<br />

dans son étude sur L’art et le jansénisme au XVIII e siècle, Cazes retient également le geste d’apposition<br />

de la main élaboré par Louis Boullogne père (1609-1674) dans son May de 1646, Saint Paul <strong>guérissant</strong><br />

des possédés à Éphèse et adopté par ses fils dans leur propre May 6 . Ce geste a pu être également<br />

2<br />

Frédérique Lanoë dans cat. exp. 1704, le salon, les arts et le roi, Sceaux, musée de l’Île-de-France (22 mars – 30<br />

juin 2013), Paris, Silvana Editoriale, 2013, p. 154.<br />

3<br />

ENSBA Ms. 21. Il s’agit de l’actuelle rue d’Aboukir.<br />

4<br />

Nicolas <strong>Le</strong>sur dans cat. exp. <strong>Le</strong> fabuleux destin des tableaux des abbés Desjardins, Québec, musée national des<br />

beaux-arts de Québec (15 juin – 4 septembre 2017) ; Rennes, musée des Beaux-Arts (14 octobre 2017 – 28 janvier<br />

2018), Gand, éditions Snoeck, 2017, p. 184.<br />

5<br />

Delphine Bastet, <strong>Le</strong>s Mays de Notre-Dame de Paris, 1630-1707, Paris, Arthena, 2021, p. 1706 P, p. 376-377.<br />

6<br />

<strong>Christ</strong>ine Gouzi, L’art et le jansénisme, Paris, Nolin, 2007, p. 57.


observé par Cazes dans le <strong>Christ</strong> <strong>guérissant</strong> les aveugles de Jéricho de Nicolas Poussin (1594-1665),<br />

alors conservé dans les collections royales. À l’inverse du coloris particulièrement vif des Boullogne,<br />

Cazes choisit une palette plus harmonieuse associant de manière originale le bleu, le rouge de garance<br />

et l’orange. C’est d’ailleurs la qualité du coloris du May que louèrent ses contemporains, affirmant que<br />

« sa couleur étoit [sic] brillante & d’une fraîcheur admirable » 7 . <strong>Le</strong> May fut tellement apprécié qu’il fut<br />

l’un des rares tableaux du XVIII e siècle à être suspendu dans la croisée de la cathédrale parmi les<br />

œuvres du XVII e siècle.<br />

Après la réalisation de cette grande toile, Cazes mena une carrière exemplaire à l’Académie,<br />

devenant professeur en 1718, directeur en 1744, chancelier en 1746. Il reçut également de<br />

nombreuses commandes, notamment des bénédictins mauristes de l’abbaye de Saint-Germain-des-<br />

Prés. Ces derniers entre 1716 et 1720, reprirent la tradition des Mays qui avait cessé à Notre-Dame en<br />

1707 et demandèrent à l’artiste de peindre un Saint <strong>Pierre</strong> et saint Jean <strong>guérissant</strong> le boiteux et une<br />

Résurrection de Tabitha. D’après son biographe et ami, Dezallier d’Argenville, c’est également à la suite<br />

de la présentation du May de Notre-Dame que se développa son atelier 8 , lieu où se formèrent<br />

notamment François <strong>Le</strong>moyne (1688-1737) et Jean Siméon Chardin (1699-1779).<br />

Enzo Menuge<br />

Figure 1 : <strong>Pierre</strong> <strong>Jacques</strong> Cazes, <strong>Le</strong> <strong>Christ</strong> <strong>guérissant</strong> <strong>l’Hémorroïsse</strong>, 1706, Arras, Musée des Beaux-Arts<br />

7<br />

Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’Argens, Reflexions critiques sur les différentes écoles de peinture : examen<br />

critique, Berlin, chez Haude et Spener, 1768, p. 144.<br />

8<br />

Dezallier d’Argenville, Abrégé de la vie des fameux peintres, Paris, De Bure l’aîné, 1762, t. IV, p. 398.


Figure 2 : <strong>Pierre</strong> <strong>Jacques</strong> Cazes, <strong>Le</strong> <strong>Christ</strong> <strong>guérissant</strong> <strong>l’Hémorroïsse</strong>, collection particulière.<br />

Figure 3 : Louis II de Boullogne (1654-1733), <strong>Le</strong> <strong>Christ</strong> et <strong>l’Hémorroïsse</strong>, vers 1695, Rennes, musée des<br />

Beaux-Arts, DT.811.1.7.

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