02.10.2023 Views

DECAMERON_2022_INT_ extrait

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Décaméron <strong>2022</strong>


À quelles conditions pourrait-on faire remonter le cours<br />

de l’expérience et valoriser « l’art du récit » qui fait son<br />

miel du réel qui se dérobe au rationalisme moderne ?<br />

Il faut des conditions politiques et sociales spécifiques,<br />

pour que la parole circule, que le récit se raconte, que<br />

l’histoire s’éprouve en se transmettant sans jamais<br />

prétendre se livrer dans sa totale vérité. […]<br />

C’est cette parole partagée dans la pluralité des êtres, et<br />

des cultures, qui permet la création d’un monde commun<br />

sans lequel le « désert » croît.<br />

Roland Gori, Un monde sans esprit.<br />

La fabrique des terrorismes, 2017, p. 192


Josiane Alessandrini • Marianghjula<br />

Antonetti-Orsoni • Dominique<br />

Appietto • Jean-Pierre Arrio • Lucia<br />

Arrio • Nathalia Art • Julien Bal •<br />

Aurélia Bastiani • Anne Benedetti •<br />

Dominique Bighelli • Lucie Bonnefons<br />

• Carine Bonnel • Michel<br />

Bouchy • Alice Boulloud • Cathy<br />

Campana • Jeanette Carbuccia •<br />

Sylvie Casalta • Raphaël Cavallero<br />

• Nicole Chayne Salini • Juliette<br />

Coulombel • Paul Dalmas-<br />

Alfonsi • Ghyslaine Degrave • Fabien<br />

C. Drossor • Stella Emmanuelli •<br />

Anthony Francisci • Charlie Galibert<br />

• Florian Galinat • Dominique<br />

Gaudin • Yves Goulm • Lucile<br />

Graziani • F. D. Guerrazzi • Jean-<br />

Michel Guiart • Christiane Guidoni


• Claire Le Boucher • Niellu Leca •<br />

Pierre Lieutaud • Sacha Longau •<br />

Claire Loyon • Jean-Michel Mancini<br />

• Agnès Marin • Claude Marmounier<br />

• Diane Mauzy • Gérard<br />

Maynadié • Patricia Meunier •<br />

Jacques Mondoloni • Jocelyne<br />

Normand • Jean-Louis Ozsvath •<br />

Annick Paoli • Juliette Paoli • Nadine<br />

Paoli Grimal • Doria Pazzoni •<br />

Jacques Peronne • Elisabeta Petrescu •<br />

Jean-Louis Pieraggi • Sylvette Pietri<br />

Couderc • Vannina Pintrel-Beretti<br />

• Jean Rabaté • Marie-Catherine<br />

Raffali • Yves Rebouillat • Renata<br />

• Louis Reynier • Valérie Sandri •<br />

Joëlle Sansonetti • Nicole Santarelli<br />

• Dominique Taddei • Paule Tomi •<br />

Pablo Trevisi • Les écoliers de Corte


L’édito des éditos<br />

Le jeu du mot<br />

Au début, nous nous étions dit que proposer des thèmes ça faisait sérieux pour<br />

un blog collaboratif. Alors on en proposait. Il nous fallait trouver ce qui ce qui pouvait<br />

(r)éveiller l’envie d’écrire chez tous ceux qui viendraient se balader entre les billets postés<br />

sur le blog. Un brin d’émotion, un brin d’évocation, une dose de mystère et une invitation<br />

à s’engouffrer dans l’espace ouvert et voilà, le « thème » était là. Et il suscitait en effet<br />

des désirs, parfois beaucoup, parfois moins. C’était curieux à observer. Des thèmes très<br />

inspirés n’inspiraient rien et d’autres trouvés comme on cueille une fleur dans un champ<br />

(pourquoi celle-ci et pas une autre ?) étaient repris en nombre, parfois des mois après.<br />

Pourquoi ? Je ne saurais pas vraiment le dire, sauf à enfoncer quelques portes ouvertes.<br />

Écrire sur un thème, c’est s’emparer des mots d’un autre et jouer perso sa petite<br />

musique, son petit solo. Comme au jazz la trompette reprend les phrases du piano ou de<br />

la guitare et rajoute les siennes.<br />

Parce que quelque part, le chjam’ è rispondi (« Appelle-moi que je réponde ! ») nous<br />

est jeu essentiel. Nous avons besoin de répondre à des questions… Mais c’est une sociabilité<br />

ouverte. Ce n’est pas répondre à l’interrogatoire. C’est chanter à la cantonade sur<br />

un air saisi à la volée en croisant quelqu’un qui sifflotait. Loin d’une réponse scolaire à<br />

une question creuse, c’est la liberté prise de reprendre, de tordre, de retourner l’argument,<br />

voire de botter en touche ou même carrément de divaguer. C’est un jeu d’intelligences<br />

partagées. Une tentative de connivence…<br />

Un mot suffit donc à éveiller l’imaginaire ou les souvenirs, car ils attendent dans le<br />

fond la moindre occasion.<br />

Si je dis « bicyclette », chacun sent l’histoire venir à lui : celle de son premier vélo, de<br />

son premier élan « sans les petites roues », l’air vif sur ses joues, la peur de tomber, l’envie<br />

à mourir du « vélo rouge, là, avec les rétros et les freins, dans la vitrine », la déception<br />

de voir partir les autres sans vous au bout de la route en quelques secondes et quelques<br />

coups de pédale, l’effroi d’avoir perdu sur la route un ami proche…<br />

L’émotion de toutes les histoires est la substance même du mot. Anodin, galvaudé,<br />

creux, moche… flamboyant, excitant, imagé, musical, n’importe quel mot porte des<br />

centaines d’histoires. Il suffit de le lancer comme un défi et l’on vous répondra !<br />

C’est pourquoi nous passons le mot. C’est un jeu entre nous.<br />

Le jeu du mot est ici chez lui.<br />

[édito du mois de septembre <strong>2022</strong>]


NP<br />

UNE ANNÉE<br />

À RÊVER…<br />

(POÉSIES)


Léon-Charles Canniccioni,<br />

Lavandières au bord de l’Asco.


Marianghjula Antonetti-Orsoni<br />

Maghjine<br />

Corre lindu u fiume è risplende sott’à sole<br />

Miru l’acqua parte ver di u mare<br />

È pò tandu cum’è in tempu di fole<br />

Venenu maghjine di lavandare.<br />

Daretu à l’alzu una frasca di machjone<br />

Vecu à zia Risaetta tende panni<br />

L’avia vista falà cù u sumere di Petr’Antone<br />

Chì ùn pudia andà à pedi per via di l’anni.<br />

Vecu un’ombra daretu à lu pentone<br />

Ghjunghje a donna cù a cova, in un ame<br />

Vene à fà a bucata di u so famiglione.<br />

Daretu à l’alzu ùn ci hè più nimu mi si pare<br />

Solu u ventulellu face trimà lu frundame<br />

È lu fiume corre lindu ver di u mare.<br />

13


DÉCAMÉRON <strong>2022</strong><br />

Dominique Appietto<br />

Prends ma main<br />

Prends ma main, faisons l’école buissonnière<br />

Partons à travers champs, brisons les barrières<br />

Suspendons ce temps qui ne saurait revenir<br />

Arrêtons l’horloge pour mieux se souvenir.<br />

Prends ma main, oublions les maux et les drames<br />

Chassons en nos cœurs tous ces vagues à l’âme<br />

Qui perturbent nos têtes et nuisent au bonheur<br />

Je sais tes attentes, tu redoutes mes peurs.<br />

Prends ma main, découvrons ensemble le chemin<br />

Qu’il nous conduise et nous préserve sereins<br />

La route sera sinueuse, subtile<br />

À la mesure de nos rêves fertiles.<br />

Mais tu prendras ma main, je serai ton guide<br />

Dans cet art d’aimer que défendait Ovide<br />

L’amour se conjugue en pleine liberté<br />

Égalité, sans en être déconcertés !<br />

14


UNE ANNÉE À RÊVER... (POÉSIES)<br />

Le phare dans la lumière du crépuscule<br />

Appelle le marin pour le dernier retour<br />

La mer a cédé tout est calme alentour<br />

Les voiles flottent dans le jour qui bascule<br />

Le dernier retour<br />

Sur la grève dans le demi-jour, elle attend<br />

L’océan règne, déconcertant, perfide<br />

Elle sait tous ses envoûtements, elle s’en défend<br />

Son regard se noie dans cet horizon vide<br />

Soudain dans le lointain, une ombre se dessine<br />

Son reflet se dilue dans l’heure qui s’incline<br />

Le cœur n’ose y songer, elle se raisonne<br />

L’émotion afflue dans son sang qui bouillonne<br />

Les yeux perdus dans ces affres assassines<br />

Elle l’aperçoit enfin, la voile déployée<br />

Sa silhouette dans le soleil détachée<br />

Figée comme un trait à l’encre de Chine<br />

15


DÉCAMÉRON <strong>2022</strong><br />

Julien Bal<br />

Nos vingt doigts tour à tour<br />

Pendant que l’autre parle<br />

Désembuent vingt tracés<br />

Sur le blanc de la vitre<br />

Février nous élime<br />

L’émail luit nos deux bouches<br />

Reflétant vers chacun les reproches de l’autre<br />

Ta lèvre aussi qui brille après une tirade<br />

J’y vois que mon reflet répond pour ne rien dire<br />

Comme aussi sur le ballon gris<br />

En forme de 32<br />

Gonflé en août<br />

Pour ton anniv<br />

Resté pendu depuis<br />

À notre plafond blême<br />

On s’y voit à l’envers<br />

Reflétés de plus haut<br />

(On m’y voit m’expliquer).<br />

Les bananes plantain<br />

Au pied du radiateur<br />

Pour les mûrir un peu<br />

Les remarqueras-tu<br />

En allant te laver ?<br />

16


UNE ANNÉE À RÊVER... (POÉSIES)<br />

Ma ligne rêche de bises buveuses<br />

Pourrait encore laper<br />

Le long de l’arête brumeuse<br />

De ton épaule douchée<br />

Qui d’instinct fait un cercle<br />

Pour s’écarter.<br />

Ombres d’élans<br />

S’en allant à raison<br />

D’un par jour<br />

Putain con.<br />

Draps qu’on plie à deux<br />

Quand même sans bien s’y prendre<br />

L’éclat de rire monté<br />

Des voisins du dessous.<br />

L’angle du drap plié<br />

Un long cheveu le longe<br />

En demi-cercle<br />

Rictus vinaigrés<br />

Qu’on s’adresse.<br />

L’ombre du bras<br />

Se décourage cesse<br />

La trace de feutre au mur<br />

Reste rien n’y fait<br />

Le trait de la ligne<br />

Le trait vert de la ligne.<br />

17


DÉCAMÉRON <strong>2022</strong><br />

Il pleut sur le gazon du stade<br />

L’immeuble en face<br />

Coupe en deux ses démarcations blanches<br />

La vitre est gouttelée.<br />

La fin de soi en l’autre<br />

Sans descendance<br />

Que de longs tant pis tièdes<br />

Hurlés dans l’eau du bain<br />

Froidie :<br />

Miel infect<br />

Qui ne part pas ce deuil<br />

Colle aux pouces et aux feuilles<br />

Aussi banal qu’un train vidé<br />

Par l’arrêt qu’il vient de faire.<br />

C’est raté ; lourdement raté ; évidemment raté ; faudra-t-il regretter<br />

Ce temps<br />

Non<br />

Bien sûr<br />

Que non<br />

Mais comment repenser<br />

Et puis<br />

Ressouvenir ce temps<br />

Quand inutilement février nous<br />

Élimera,<br />

Encore<br />

Une autre fois, ailleurs<br />

Et quelqu’un d’autre aussi<br />

Les vingt doigts sur la vitre.<br />

18


UNE ANNÉE À RÊVER... (POÉSIES)<br />

Michel Bouchy<br />

Dépendance<br />

Quand le corps affligé ne peut masquer sa peine<br />

Qu’il se voûte et se tord en silence se traîne<br />

Faut-il se résigner abandonner la scène<br />

L’image dégradée deviendrait-elle obscène<br />

Les gestes quotidiens ne servent qu’à survivre<br />

Les forces diminuent faut-il fermer le livre<br />

Se contenter d’hiver et supporter son givre<br />

Croire encore au printemps aux parfums qui enivrent<br />

Le handicap est là il a poussé la porte<br />

S’est invité sans bruit intrus en quelque sorte<br />

Puis petit à petit s’est révélé escorte<br />

Présence continue désormais qu’on supporte<br />

D’apparence bénigne sans douleur accablante<br />

Le mal fait son chemin parodie affligeante<br />

Le mouvement se perd la raideur est pesante<br />

Marcher devient épreuve plus dure sera la pente<br />

Mais cette déficience altérant l’existence<br />

Génère une autre peine bien plus avilissante<br />

Finie l’autonomie voici la dépendance<br />

La personne se meurt la vie devient tourmente<br />

Quel douloureux état que d’être à la merci<br />

Que d’être condamné à devoir dire merci<br />

Que de chercher dans l’ombre l’espoir d’une éclaircie<br />

De n’y trouver que grain pour un ciel obscurci<br />

Ajaccio, le 4 janvier <strong>2022</strong><br />

19


DÉCAMÉRON <strong>2022</strong><br />

Jeanette Carbuccia<br />

Aujourd’hui je prends note<br />

Le message est clair pour mon esprit<br />

Ma voie est tracée par un autre<br />

Toujours on me vole ma vie<br />

Je résiste et m’accroche<br />

À tous mes rêves et mes envies<br />

Je ne suis pas une sacoche<br />

Que l’on déplace sans mon avis<br />

Cornecul<br />

Moi je l’écris et je le hurle la vie ne vaut d’être vécue<br />

Que si l’on est soi-même et non un cornecul<br />

Moi je l’écris et je le hurle on ne me prendra jamais plus<br />

Ni ma vie ni mon âme et surtout pas mon cul<br />

Moi j’aime écrire en images<br />

Et aussi peindre de mille couleurs<br />

Oublier tout ce laminage<br />

Offrir au monde tout mon cœur<br />

Pour mon malheur le partage<br />

A disparu de nos valeurs<br />

Je reste prise en otage<br />

Car de la vie il y a des voleurs<br />

20


UNE ANNÉE À RÊVER... (POÉSIES)<br />

Moi je l’écris et je le hurle la vie ne vaut d’être vécue<br />

Que si l’on est soi-même et non un cornecul<br />

Moi je l’écris et je le hurle on ne me prendra jamais plus<br />

Ni ma vie ni mon âme et surtout pas mon cul<br />

Mais je garde confiance<br />

Car mon destin est tout tracé<br />

Malgré toute la violence<br />

Que toute ma vie j’ai traversée<br />

Je le dis en conscience<br />

L’issue de notre destinée<br />

Peut être une belle récompense<br />

Si on l’a soi-même menée<br />

Moi je l’écris et je le hurle la vie ne vaut d’être vécue<br />

Que si l’on est soi-même et non un cornecul<br />

Moi je l’écris et je le hurle on ne me prendra jamais plus<br />

Ni ma vie ni mon âme et surtout pas mon cul<br />

21

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!