PANORAMA DE PRESSE - 09.08.23
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POLITIQUE · ÉCONOMIE · LA VIGNE · LE VIN · HORS CHAMPAGNE<br />
L’UNION<br />
Maxime Mascoli<br />
03·08·23<br />
DANS LES ARCHIVES <strong>DE</strong> LA<br />
CHAMPAGNE VITICOLE: 1953,<br />
RÉFORME <strong>DE</strong>S RETRAITES,<br />
INFLATION LÉGISLATIVE<br />
Nous sommes en décembre 1953. La Seconde Guerre mondiale s’est achevée il y a un peu plus de huit ans.<br />
Sur le grand journal, uniquement composé d’un recto verso et valant six francs, le grand sujet du jour est…<br />
la réforme des retraites. Il ne s’agit pas ici de travailler plus longtemps (l’âge limite est alors de 65 ans) mais<br />
d’offrir une allocation vieillesse agricole, ce qui n’existait tout simplement pas avant. La loi, votée en 1952,<br />
entrera en application en 1955. La Champagne viticole entame donc un grand article pour expliquer comme<br />
cela fonctionnera. Un système qui est assez surprenant puisqu’il ne s’applique pas aux vignerons disposant de<br />
plus d’un 1,84 hectare de cultures (vignoble ou non).<br />
En effet, s’il faut avoir exploité pendant 15 ans une parcelle agricole ou viticole, ceux qui disposent de plus<br />
de 500 francs de revenu cadastral, soit une parcelle d’1,84 hectare estime la Champagne viticole, ne peuvent<br />
y prétendre. « Cependant, tempère le journal, c’est un cas très rare dans notre vignoble. » Également, il ne<br />
faut pas dépasser les 188 000 francs de l’époque de revenus annuels (soit aujourd’hui en prenant compte de<br />
l’inflation : 4 688 euros) ou 232 000 francs pour un couple (soit 5 788 euros aujourd’hui), une somme qui paraît<br />
ridiculement basse. Le montant de la retraite annoncé n’est guère élevé : 28 000 francs pour une personne seule<br />
et 56 000 francs pour un couple. Soit 648 et 1 396 euros, par an.<br />
Le journal considère cependant que s’il s’agit « plus d’une organisation de solidarité qu’une caisse de retraites,<br />
c’est une étape importante. » Il regrette cependant l’exclusion de ceux qui disposent de plus de 500 francs de<br />
revenu cadastral et note que « beaucoup d’agriculteurs voudraient augmenter leur retraite par des cotisations<br />
volontaires ». Les années 1950 n’étaient pas une période faste pour les humbles vignerons.<br />
D’autant que le champagne se remet peu à peu de la guerre. Dans un article consacré au « négoce champenois<br />
depuis 15 ans », on découvre que le stock de bouteilles est passé de 149 millions de bouteilles en 1935 à<br />
111 millions en 1953. Les grandes maisons ont été les plus touchées par ces pertes durant la guerre et voient<br />
leurs ventes reculer de 15 %. En revanche, il note que si le prix moyen de ces « grandes bouteilles » a été<br />
multiplié par 28 (passant de 25 à 700 francs) entre 1938 et 1953, la « petite bouteille » est, elle, passée de 10<br />
francs à plus de 500 francs, soit un prix « 40 à 50 fois plus cher qu’avant la dernière guerr e ». Les premiers<br />
ont plus ou moins suivi l’inflation, pas les seconds. Résultat, le journal conseille de mettre plus de bouteilles<br />
sur le marché plutôt que de faire du stock en attendant que les prix montent. Une baisse des prix semble<br />
indispensable pour remettre la Champagne sur pied.<br />
Enfin, la Champagne viticole pousse un petit coup de gueule contre « La législation en folie » des fonctionnaires<br />
qui imposent des règlements sans passer par la loi. « On nous établit un nouveau régime des plantations et saiton<br />
quelle est l’idée de nos technocrates-législateurs ? Faire établir un dossier avant toute plantation, envoyer<br />
un “spécialiste” vérifier si le terrain est convenable, demander l’avis de deux organismes nationaux et faire<br />
prendre un arrêté par deux ministres ! » s’étrangle le journaliste qui refuse de laisser « un technicien plus ou<br />
moins compétent » décider si un vigneron peut planter. Le journaliste monte même sur ses grands chevaux,<br />
prétextant qu’« un jour, tous se moqueront de ses lois et ce sera l’anarchie en France. Peut-être, l’est-ce<br />
déjà ? ». Il conclut, agacé : « Ne demandons que des règles applicables ». Les plaintes régulières contre les<br />
réglementations excessives n’ont pas changé en 70 ans.<br />
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