Un ambassadeur de la culture Rohingya : rencontre avec le poète Mayyu Ali
Français : Un ambassadeur de la culture Rohingya : rencontre avec le poète Mayyu Ali Transcription de la conférence du 15 mai 2021, à l’INALCO avec Mayyu Ali, Emilie Lopes – journaliste indépendante et Alexandra De Mersan – anthropologue, maitresse de conférences à l’INALCO Anglais : An ambassador of Rohingya culture: Encounter with the poet Mayyu Ali Transcript of the conference held on May 15, 2021, at INALCO with Mayyu Ali, Emilie Lopes - freelance journalist and Alexandra De Mersan - anthropologist, lecturer at INALCO
Français : Un ambassadeur de la culture Rohingya : rencontre avec le poète Mayyu Ali
Transcription de la conférence du 15 mai 2021, à l’INALCO avec Mayyu Ali, Emilie Lopes – journaliste indépendante et Alexandra De Mersan – anthropologue, maitresse de conférences à l’INALCO
Anglais : An ambassador of Rohingya culture: Encounter with the poet Mayyu Ali
Transcript of the conference held on May 15, 2021, at INALCO with Mayyu Ali, Emilie Lopes - freelance journalist and Alexandra De Mersan - anthropologist, lecturer at INALCO
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ALEXANDRA DE MERSAN
Le livre “l’effacement” est un livre-témoignage, un récit
autobiographique qui rend compte de l'histoire de Mayyu Ali mais
aussi de tous les siens qui ont dû fuir. C’est leur histoire
contemporaine. C’est également une rencontre entre Mayyu Ali et
Emilie Lopes, journaliste qui a travaillé de longues années et de
nombreux mois sur la question. Vous vous êtes donc rencontrés au
Bangladesh. Votre rencontre devant le camp de réfugiés de
Kutupalong est mentionnée dans l'avant-propos. Avant de détailler
le parcours de Mayyu Ali, ma première question porte sur cette
rencontre. Pouvez-vous nous en parler et nous dire comment vous
avez procédé pour créer ce livre, nous détailler les ficelles, la
fabrique du livre? Comment avez-vous mené cette œuvre
intéressante écrite à deux, ce récit ponctué de poèmes?
EMILIE LOPES
Je vous remercie, nous sommes très heureux avec Mayyu de
pouvoir vous parler de notre livre, de son livre, de son histoire.
Comment ce livre est-il né ? J'ai beaucoup travaillé sur les
Rohingya. Je suis allée dans l'Arakan et au Bangladesh et j'étais
assez frustrée de faire des articles qui racontaient la misère du
monde et tout ce qu'ont pu vivre les Rohingya. Je voulais en parler
beaucoup plus, parler de ce peuple pas seulement comme des
victimes mais aussi comme des êtres humains.
C’est là que j'ai rencontré Monsieur Mayyu Ali devant un camp de
réfugiés à Kutupalong au Bangladesh. Au départ, il a été mon fixeur
et m'a aidé à faire des interviews. On a travaillé plusieurs semaines
ensemble. Puis on a commencé à se parler, il a commencé à me dire
qu’il était poète. C’était la première fois que je rencontrais un
poète Rohingya. J’ai donc lu sa poésie et fait un portrait de lui dans
Le Figaro. Et puis je me suis dit “non, ce n’est pas assez” ! Il faut
parler beaucoup plus de lui. C’est comme ça qu'on a échangé. Il
avait envie d'écrire un livre et moi aussi. On a décidé de proposer
ce projet aux maisons d'édition.
Il est très important pour moi de vous dire que la personne qui est
ici aujourd'hui est quelqu'un d'exceptionnel. C’est quelqu'un qui,
dans les camps quand on travaillait tous les deux, marchait devant
moi avec son bras et sa petite chemise blanche bien repassée et
tout le monde le connaissait. Tout le monde venait le saluer. On a
vraiment beaucoup de chance qu'il soit là. J’ai énormément de
chance qu'il m’ait fait confiance pour ce livre.
Il faut aussi qu'on parle de la méthode d'écriture. On s'est
rencontrés en mars 2018 et on a commencé l'écriture début 2019.
On a échangé alors que lui était au Bangladesh et moi à Paris. On a
beaucoup échangé par mail, par WhatsApp. On a fait beaucoup
d'écriture, on n'a pas trop parlé en fait - on n'est pas de très
grands bavards - et on a établi un à un tous les chapitres qui
représentaient un peu son histoire. Par exemple, pour le premier
chapitre sur son enfance, il m'a raconté, m'a écrit sur son enfance,
puis moi je ré-écrivais derrière avec des questions que je lui
envoyais et ainsi de suite, on s’est beaucoup envoyés de mails.
Voilà comment ce livre est né. C'est vraiment son histoire, mais
aussi celle de son peuple. C’est quelque chose qui est assez lourd.
On a donc décidé d'ajouter des poèmes à la fin de chaque chapitre
pour offrir des respirations au lecteur, mais aussi pour faire
découvrir la culture Rohingya et la poésie Rohingya.
ALEXANDRA DE MERSAN
Je vous remercie, on reparlera par la suite de cette poésie. Je vais
brièvement faire le récit du parcours personnel de Mayyu Ali qui, je
le répète, est à la fois un récit individuel et celui de tout un peuple.
Mayyu Ali est né dans la région de l’Arakan en 1991. Il est, plus
précisément, né dans un district frontalier avec le Bangladesh. Il
importe de le souligner car - et dans le récit de son enfance, il y
revient avec force de détails - une police spéciale de la frontière
dénommée la Nasaka a été créée. C'est une espèce de milice
birmane chargée du contrôle de la zone frontalière et qui aura une
politique systématique d'humiliation et de racket.