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PANORAMA DE PRESSE - 14.06.23

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POLITIQUE · ÉCONOMIE · LA VIGNE · LE VIN · HORS-CHAMPAGNE<br />

L’UNION<br />

Maxime Mascoli<br />

11·06·23<br />

LE PÉPINIÉRISTE, CELUI QUI<br />

FAIT NAÎTRE LE FUTUR <strong>DE</strong> LA<br />

CHAMPAGNE<br />

Installé à Avenay-Val-d’Or, Morgan Trébutien est l’un des derniers pépiniéristes de Champagne. Ils ne<br />

sont plus que 14. Son travail : faire pousser les très jeunes plants de vigne pour le compte des autres<br />

vignerons. Un métier difficile et peu rentable mais indispensable. Le vignoble champenois vieillit.<br />

Sous la petite plaque blanche « William Saintot Champagne » qui indique les horaires d’ouverture de cette<br />

exploitation familiale d’Avenay-Val-d’Or, une autre plaque, plus petite, attire l’attention. « Pépinières viticoles<br />

champenoises William Saintot ». Bienvenue dans l’une des 14 pépinières de Champagne. C’est un métier en<br />

voie de disparition et, pourtant, il est essentiel. Ce sont les gens comme Morgan Trébutien qui fournissent aux<br />

vignerons les jeunes plants et qui s’assurent du greffage des vignes, étape obligatoire en Champagne pour<br />

éviter le retour du phylloxéra qui a ravagé le vignoble au début du siècle dernier. Un travail difficile qui ne tient<br />

que par la volonté de quelques irréductibles.<br />

Morgan Trébutien est de ceux-là. « La pépinière a commencé dans les années 50 avec mon grand-père, William<br />

Saintot. Il était responsable de la salle de chauffe du village. » À l’époque, chaque commune viticole disposait<br />

d’une pièce surchauffée pour permettre aux vignerons de faire leurs greffes. Elles ont disparu. « Quand elle a<br />

fermé, il a ouvert sa pépinière. »<br />

Elle aurait pu disparaître. « Quand j’ai repris en 2010, on ne vendait presque plus rien. On perdait de l’argent<br />

chaque année. » Mais Morgan Trébutien a une affection particulière pour ce travail. « Ma mère était passionnée<br />

et j’étais proche de mon grand-père. Je voulais continuer. C’est un métier manuel, concret, atypique. » Il<br />

relance la machine, tant bien que mal. « Beaucoup de clients sont partis en Savoie qui produit la moitié<br />

des plants pour la Champagne. D’autres pépiniéristes ont arrêté pour se concentrer sur le champagne. C’est<br />

normal, ça rapporte plus. Pour produire des plants, il faut être passionné. » Morgane Trébutien l’est. Il le faut.<br />

La tâche est difficile.<br />

« Le pépiniériste, si ça ne pousse pas, c’est de sa faute alors que ça pourrait très bien être la faute du vigneron »,<br />

rigole-t-il. Il continue sa comparaison avec le boulanger. « Comme lui, je ne sais pas si mon “pain” sera vendu.<br />

Car, contrairement à ce qu’on croit, les vignerons commandent peu. Ils se réveillent au dernier moment, une<br />

fois qu’ils ont arraché leurs vignes. En moyenne, j’ai 10 % de mes plants qui sont commandés. » Cette année<br />

est une exception avec « 60 % de commande ».<br />

La pénurie de l’an passé en a échaudé plus d’un. Mais cela reste trop peu. « Je peux produire jusqu’à 300 000<br />

plants ici », indique le pépiniériste en montrant les caisses contenant les boutures qui attendent d’être plantées.<br />

Un maximum qu’il n’atteint pas. « Je ne sais pas si j’en aurais assez chaque année. Et si j’en produis trop, c’est<br />

plus rentable de les jeter que de les garder un an de plus. » D’autant que le taux de réussite est faible : « Pour<br />

être rentable, il faut 35 % de plants qui arrivent à terme. L’an passé, j’étais à 40 %. » Une bonne année.<br />

Malgré tout, il ne compte pas lâcher. D’autant que les vignerons commencent petit à petit à revenir vers les<br />

pépiniéristes locaux. « Le négoce revient, notamment Moët & Chandon. Ils ont eu des soucis d’approvisionnement<br />

alors ils veulent diversifier leurs fournisseurs. » Moët va même plus loin en formant des salariés au greffage<br />

dans l’optique de produire ses propres plants. Pas une mauvaise chose pour notre pépiniériste. « Il faut du sang<br />

neuf. On a un petit jeune qui s’est installé à Vertus, c’est bien car on ne va pas pouvoir tout faire. »<br />

Leur rôle va être de plus en plus important. Le vignoble champenois vieillit. « Les jeunes veulent des vins plus<br />

concentrés donc ils arrachent moins. » Il n’empêche. Le Comité Champagne alerte depuis plusieurs années sur<br />

la nécessité de rajeunir le vignoble. En douze ans, le rendement a baissé de 25 %.<br />

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