Lien n°79

YOM HASHOAH
THÈME DE YOM HASHOAH 2023
LA RÉSISTANCE JUIVE PENDANT LA SHOAH :
LES 80 ANS DU SOULÈVEMENT DU GHETTO DE VARSOVIE
Juifs arrêtés lors de la révolte du ghetto de Varsovie et conduits vers la Umschlagplatz par des SS.
“Ce qui s’est passé a dépassé nos
rêves les plus audacieux. Par deux
fois, les Allemands se sont enfuis
du ghetto… Je sens que de grandes
choses se produisent, et ce que nous
avons osé faire est d’une grande,
d’une énorme importance.”
Quand Mordechai Anielewicz,
commandant de l’Organisation juive
de combat, rédige sa dernière lettre,
le 21 avril 1943, la révolte fait rage.
Elle a éclaté 2 jours plus tôt, le 19
avril, veille de Pessah. Il s’agit de la
première rébellion urbaine contre
l’Allemagne nazie mais aussi la plus
longue et celle qui comptera le
plus grand nombre de participants.
Pendant que les combattants se
battent dans les rues du ghetto, les
habitants les soutiennent, barricadés
dans des bunkers. Après quelques
jours d’insurrection populaire, les
Allemands incendient et font sauter
les maisons du ghetto. Un mois
durant, les Juifs du ghetto de Varsovie
se battront avec panache. Beaucoup
mourront, piégés par le feu ou la
fumée. L’insurrection deviendra un
symbole de lutte de liberté et de la
puissance de l’esprit humain.
Pendant la Shoah, la résistance juive a
pris de nombreuses formes. Elle a pu
être spirituelle, culturelle, politique,
clandestine, éducative ou religieuse.
Elle a compilé des documents, falsifié
des cartes d’identité, caché des Juifs,
fait traverser clandestinement la
frontière à des milliers d’autres, initié
des soulèvements armés, etc. Une
expression de défi pour les Juifs, et
une tentative de préserver à la fois
leur corps et leur âme.
Beaucoup savaient que la résistance
ne serait pas en mesure de changer
le sort des masses et qu’elle était
dangereuse pour l’ensemble du
groupe ou de la communauté.
Mais quitte à mourir, autant mourir
dignement : “Notre activité peut nous
rapprocher de la fin - mais cette fin
viendra de toute façon”, avait ainsi
déclaré Abba Kovner.
Dans des dizaines de communautés,
des Juifs ont tenté d’organiser des
soulèvements : à Vilna, Bialystok,
Cracovie et ailleurs, certains ont
commis des actes d’insurrection dans
des tentatives désespérées, gestes
symboliques de dignité. Dans les
camps aussi, les prisonniers juifs ont
organisé des soulèvements armés.
Comme à Treblinka et Sobibor, ou
le Sonderkommando d’Auschwitz
quand des prisonniers – la plupart
originaires de Grèce, de Pologne et
de Hongrie – ont fait sauter l’un des
crématoires en octobre 1944.
Au premier plan des préoccupations
de la résistance juive : le sauvetage des
enfants. La résistance juive a coopéré
avec des réseaux non juifs, voire avec
des organisations juives officielles qui
ont elles-mêmes mené des activités
illicites pour sauver les enfants. Ainsi,
des milliers d’enfants juifs ont été
secourus en Belgique, aux Pays-Bas,
en France et en Hongrie.
Autre défi pendant la Shoah : la
résistance spirituelle et culturelle.
Les Juifs ont risqué leur vie pour
continuer, soit ouvertement,
soit dans le secret, à préserver
leur spiritualité et les structures
éducatives, à encourager la culture
juive. En particulier dans les ghettos,
avec l’existence de pièces de théâtre,
de concerts, de bibliothèques établis
dans la clandestinité, ou l’impression
et la diffusion de poèmes et journaux.
Bien évidemment, la résistance
n’avait pas la capacité de sauver des
masses de Juifs. Ses combats étaient
perdus d’avance. Mais l’étendue
et la polyvalence de la résistance
juive pendant la Shoah ont légué
un héritage juif aux générations
suivantes, symbolisant la force
de l’esprit humain et les valeurs
fondamentales de l’humanité.
02
LE LIEN FRANCOPHONE, MAI 2023, N°79