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J'attends le numéro 61

Laboratoire de recherches créatives

Laboratoire de recherches créatives

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J’attendslenuméro61

2021trimestre1

Spécialpapier

LD

RC


•••••

Ce numéro spécial papier est dédié à Obrad Vukojevic,

qui avait participé à J’attends le numéro 1

à de nombreuses reprises et qui a été emporté par la Covid-19

en fin d’année 2020.

Repose en paix mon ami.

Ivan Leprêtre


•••••

J’avais un ami Obrad.

Un appétit de vivre ! Un rire à déplacer les montagnes, des talents

dans tous les domaines, une curiosité pour l’Histoire et toutes les histoires,

une générosité qui lui débordait du cœur.

J’ai toujours un ami Obrad, plus silencieux, plus subtil, plus lointain,

mais, je le crois, toujours aussi vivant.

Vivement la prochaine vie, Obrad, que nous soyons à nouveau ensemble

et que tu me fasses enfin visiter ta Serbie !

Marie Edery

•••••

Good bye Little Giant,

Tu auras laissé l’empreinte d’une âme d’enfant qui savait s’émerveiller

du peu, sans cesse animée d’une curiosité enjouée et d’une créativité

qui fait voyager le cœur et l’esprit.

Frôlant parfois l’exubérance, tu savais donner à ceux que tu croisais

un écho qui leur ressemble et qui les faisaient t’aimer. Dans ta grandeur,

chacun pouvait trouver la part d’humanité que tu animais en eux.

Bon voyage ObradX

Nathalie

•••••

J’ai fait la connaissance d’Obrad à Paris en 2013. Le contact a été immédiat.

Son amour pour la vie, sa spontanéité et son enthousiasme ont touché

le cœur de tous ceux et celles qui ont eu la chance de le côtoyer.

Même en cas de difficultés, il les a toutes traversées en gardant la tête haute

et en puisant la force nécessaire pour avancer.

Nicolas

SPÉCIAL PAPIER [ 03 ]


LD

RC

J’ATTENDS LE NUMÉRO 1

2011 • 2021

Création

Isabelle Souchet & Ivan Leprêtre

Design

Ivan Leprêtre

Contact

lepretre.ivan@wanadoo.fr

Photo de couverture

David Rock Design - Pixabay

[ 04 ] JATTENDS LE N° 61


06, 09 et 46 > ALAIN > Maître de conférence en arts plastiques

alaindiot2@orange.fr

__________

12 > DO SÉ > Unijambiste sur le fil des douceurs

severiphili@orange.fr

__________

16 > C=/CHRYSTEL EGAL > Artiste, écrivaine

chrystel.egal@me.com • Site : c-egal.com

__________

25 > RAOUL HARIVOIE > Poète • raoul.harivoie@laposte.net

__________

26 > YVES LECOINTRE > Érudit • yves.lecointre@gmail.com

__________

28 > LAURENT VERNAISON > Épicurien • lvernaison@wanadoo.fr

__________

29 > COLETTE LE VAILLANT > Jongleuse de mots

Exploratrice de l’inconscient • contacter.colette@gmail.com

__________

Sommaire

30 > ÉRIC RABBIN > Capitaine de vaisseau grammatical

devie.celine@neuf.fr

__________

33 > IVAN LEPRÊTRE > Directeur de création

lepretre.ivan@wanadoo.fr • Site : ivanlepretre.com

__________

34 > DRAGOLJUB MITROVIC > Graphic artist - printmaker

dragoljub_mitrovic@yahoo.com • Site : staririmljanin.deviantart.com

__________

38 > FRÉDÉRIC ADAM > Poète • frederic_adam@hotmail.fr

__________

40 > JEAN-MARC COUVÉ > Écrivain, critique et illustrateur

jeanmarc.couve@gmail.com

__________

42 > OLIVIER ISSAURAT > Enseignant

oissaurat@ac-creteil.fr • Site : olivier.issaurat.free.fr

LD

RC

SPÉCIAL PAPIER [ 05 ]


ÉDITORIAL

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ALAIN DIOT

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T’AS PAPIER ?

Faut-il être dans les petits papiers d’un marchand

de papier pour écrire un petit papier

sur le papier, mâché certes, mais pas gâché,

assis devant une feuille de papier couché,

concentré mais pas laid, comme un fier

népalais ? Sans pour autant chercher à faire

un carton prétentieux, de ceux qui ont du

lé précieux, même contrecollés sérieux, ou

qui se brisent tôt le matin quand le temps

est un peu chagrin, vérifions bien que, sur le

papier d’emballage, il est écrit en bas l’âge

du capitaine volage qui trouve sa dernière

turlutaine si bonne, si jolie, que grâce au papier

carbone, il nous en fait polycopie.

Ceci dit, vous m’épatâtes quand vous déclarâtes

que, même si vous en aviez plein

les pattes, comme le papier est bonne pâte

et nous dilate la rate, on peut s’éclater sur

le papier de riz gaulé, sans laisser la papeterie

caner, même si nos chéries s’tournent

quand on leur écrit les plus belles des poésies.

Et savez-vous ce que la craie pond, sans

manière ni façon, sur le papier crépon dont

on fait des pompons les soirs de réveillon ?

Et si la craie teint si bien le papier peint où

l’on voit des lutins faire les malins avec de

mignons petits lapins dans la chambre du

bambin ? Tout autant, et suivant le sens du

vent, devinez ce que l’armée nie sur papier

d’Arménie, quand Erdogan, ce salopard de

vieux briscard abat les survivants d’Erevan ?

Et à force de pédaler, les cyclistes pompés

utilisent-ils plutôt du papier recyclé quand

ils en ont besoin pour leurs besoins ? Et les

papis russes, là-bas dans leurs isbas, est-ce

qu’ils rusent ou râlent avec du papyrus viral

quand les mots secouent trop fort et que le

vieux mâle sain Peter s’bourre comme une

cantine avec du papier machine, du côté de

Sakhaline ?

Mais à la fin des fins, par quels chemins

montants, sablonneux, malaisés va-t-on

sortir du parchemin lustré ou du papier sulfurisé,

main dans la main, qu’on soit beau

parleur mais en vain, ou trop hâbleur et

mauvais écrivain ? Serait-ce d’ailleurs en

sous-main qu’on se procure le Vélin en faisant,

mine de rien, la peau au petit veau coquin,

qui finira peut-être en escarpins ou en

sac à main pour rupins ? Et quand il se fait

tard au fond des bars, éponge-t-on les plus

bavards des plus soiffards avec du papier

buvard ? Quand elles sont pompettes, les

plus croquignolettes qui caquettent, est-ce

qu’on les empaquette dans du papier toilette

? Se contente-t-on de papier chiffon

pour les plus ronds, les plus ronchons, les

plus cochons, qui ne font, font, font plus trois

[ 06 ] JATTENDS LE N° 61


p’tits tours et puis s’en vont et qui ne savent

plus où ils sont nés parce qu’ils ont perdu

leurs papiers d’identité et encore moins

où ils habitent quand ils débitent quelques

prières mortifères de cénobites atrabilaires

et qu’une envie subite leur fait exhiber leurs

cucurbites favorites qu’ils cherchent à calibrer

sur du papier millimétré !

Bien sûr, d’aventure en aventure, des plus

douces au plus dures, on peut en avoir sa

claque du papier calque même si on en défalque

le prix quand on en fait des shojis. Et

quel bonheur de retrouver son quant à soi, à

l’heure dans le velours, à cœur sur le papier

de soie, quand on s’enhardit à quelques calligraphies

bénies ou qu’on s’adonne à l’origami

qui sourit à celui qui s’y plie, ou au kirigami

avec des amis si concis qu’on ne peut

plus y couper aussi. Et pour les mouchoirs

en papier, prend-on du papier de nez ? Mais

notre destin, à nous les fous de papier dessin,

c’est de franchir les plus hautes des

marches avec du papier Arches, à moins

que le papier Canson, quand son usage

n’est plus si sage, ne nous offre son recto si

beau pour qu’on s’éclate comme des acrobates

en se fichant pas mal des effets délétères

du papier de verre ou des scandales

sur papier journal dont on serait la cible sur

QWERTY

papier bible. Et dans ce monde de tigres

de papier casse-pied, si nous n’avons pas

pied, nous n’allons pas pour autant nous

noyer parce qu’il nous reste les bateaux et

les cocottes en papier pour nouer tous nos

conciliabules de funambules noctambules

sans trop de scrupules sur du papier bulle.

Et si çà c’est pas l’pied mirifique, au moins

c’est chaud, sûr, et réglé, magique, comme

du papier à musique !

Alain (primé) DIOT. Janvier 2021.

Florian Klauer - unsplash.com

SPÉCIAL PAPIER [ 07 ]


[ 08 ] JATTENDS LE N° 61

LSE Library - unsplash.com


LE FOCUS

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ALAIN DIOT

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VAQUE SAIN !

Progressif ! Si si, ils ont dit progressif, le déconfinement,

des fois que des cons, finement,

veuillent trop promptement oublier le

commencement. C’est vrai qu’avec le virus

minus il n’en faut pas plus si on veut éviter

le bus qui vous emmène au terminus. C’est

juste qu’avec le corona renégat faut mesurer

ses abats pour ne pas se le prendre dans

le baba, ce serait délicat. C’est clair qu’avec

la Covid putride vaut mieux éviter un gros

bide morbide si l’on ne recherche pas, livide,

quelque fin un peu trop sordide ! Camarades,

pas de bravade ! Qu’on nous garde

de cette bâtarde de camarde !

Bon, alors on va y aller mollo, en se méfiant

de tous ces dingos qui se voient trop beaux

en train de danser déjà le fandango, le boléro

et le paso, et pourquoi pas la java et la

samba avec toutes les copines et les copains

du coin, du soir au matin, et même jusqu’au

lendemain qui risque de déchanter malsain

pour les bourrins qui se seront fait contaminer

vilain. Quand on pense que même les

curés s’en viennent renauder parce que les

dames patronnesses ne peuvent plus poser

leurs fesses là où ils les confessent et

parce que pour la messe, çà manquerait de

tendresse dans les travées et de passion

pour la communion ! Ils se prennent quand

même pour les reines du royaume quand

ils chantent leurs psaumes et qu’ils braillent

pour que leurs ouailles, pourtant un peu canailles,

puissent aller là où il y a de l’alléluia

dans les ébats liturgiques qu’ils commémorent

depuis les temps bibliques. Quant aux

patrons de bistrots, de restaus, de caboulots,

c’est sûr qu’ils font triste figure sans ouverture

et qu’on ne peut que regretter de ne

pas pouvoir s’empiffrer de toutes les bontés

gastronomiques qu’ils nous fabriquent,

parfois à des prix astronomiques, pas plus

qu’on ne peut aller se payer quelques gorgeons

réconfortants, quelques petits ballons

séduisants du produit de nos vignerons

prévenants, quelques lampées, mesurées,

bien sûr, des fruits joliment pressés recueillis

sur les coteaux ensoleillés de nos belles

campagnes de France. C’est quand même

pas de chance !

Et pour le ski, les amis, c’est nenni ! Les

remonte-pentes sont rangés dans les

soupentes, les télésièges dans la loge

des concierges, les tire-fesses dans les tiroirs-caisses

des hôtesses, les téléskis dans

les réduits de nos amis déconfits quand

les stations helvétiques nous font la nique

avec leurs téléphériques féériques ! Ah !

Les sadiques ! Et comme de toute façon il

SPÉCIAL PAPIER [ 09 ]


LE FOCUS

------

Volodymyr Hryshchenko - unsplash.com

n’y aura plus de pentes décentes pour les

descentes transcendantes, pour le schuss,

va falloir la mettre en douce, pour la godille,

on va se mettre sur la béquille et on ne mettra

plus la gomme dans les slaloms. Restent

la moquette pour essayer les raquettes, la

fondue quand on n’en peut plus, la raclette

pour la fête à Lulu, la tartiflette pour ceux

qui, en goguette, sont en quête d’un bon reblochon

tout cru, tout mignon, arrosé d’un

petit verre d’Apremont, c’est bien bon, sans

oublier, c’est toujours çà de pris, un petit

coup de Génépi, pour toutes celles et tous

ceux avec qui on rit, si ce n’est, pas gêné,

pis !

Mais voici que voilà celui qui nous arrive

avec éclat, tout mignon dans ses petits flacons,

le saint vaccin qui fait qu’on vaque

sain, c’est certain, enfin c’est ce que disent

les médecins, et qui va nous faire crever le

corona, le clouer sur la croix, le rendre flagada,

jusqu’à ce qu’il s’en aille pour des retrouvailles

avec les chauve-souris un peu

aigries de la Chine qui les cuisine dans ses

cantines et les pangolins un peu chafouins,

un peu pantois, qu’avec entrain se boulottent

les mandarins chinois.

Et du jour au lendemain, on va reprendre le

traintrain quotidien, se lever le matin serein,

se coucher le soir plein d’espoir, et comme

d’habitude, faire un peu n’importe quoi avec

n’importe qui, à midi ou à minuit, pour un

peu de joie et de bonheur aussi, en profitant

de chaque instant pour faire une bise à sa

maman, à sa copine câline ou à son conjoint

mutin, sans oublier les petits enfants si charmants

avant qu’ils ne redeviennent, ces enfoirés

de malfaisants, trop énervants !

Alain (touchable) DIOT. Janvier 2021.

[ 10 ] JATTENDS LE N° 61


SPÉCIAL PAPIER [ 11 ]

LSE Library - unsplash.com


Cher éveil des mots par les rimes

Tu te couches sur le papier

Les étoffes d’instants intimes

Des mots de soie sur l’oreiller

Cher poème, la chair s’enflamme

Brulée d’esquisses de l’acmé

Le chiffon froissé se consume

Tous les mots partent en fumée

Cher buvard, absorbe la plume

L’encre ravivée de pensées

Un jet de couleurs sur la brume

Le sang vif d’une main ansée

Do Sé

[ 12 ] JATTENDS LE N° 61


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DO SÉ

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LE PAPIER DE TOILETTE

C’était en l’an deux mille vingt

Covid, en tomber sur le cul

Accourir dans les magasins

Papier de toilette en pécule

Et au bout du rouleau, en vain

Puisqu’il n’est que pour les pets d’cul

------

J’appelle tous les talentueux scientifiques

de cette époque de confinement à se

questionner sur l’importance du papier

de toilette. Plus nous sommes dans l’embarras,

plus nous tirons de ce magnifique

papier. Est ce la peur du trou noir à venir

qui nous guide ?

Do Sé

SPÉCIAL PAPIER [ 13 ]


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DO SÉ

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MES PAPIERS ? LESQUELS ?

Mes cocottes en papier de l’enfance ? Papiers pliés, repliés puis

dépliés par des petits doigts agiles à la conquête du savoir.

Mes papiers buvards ? Papiers imbibés de ratures par la juvénilité

de mes pas, d’eau par mes larmes et ma sueur.

Mes papiers crépons ? Les fleurs de ma vie en papier crépon,

gaufrées de pigments, agréables à toucher les sens et le coeur.

Mes livres en papier ? Gigantesques géants en papier, je traverse

les nations de page en page pour devenir citoyen du monde. Je

trouve des refuges pour m’évader de ce monde dominé par une

jungle d’abus et d’ignorance.

Hélas, non Messieurs les gens d’armes, je n’ai pas de papiers

d’identité, je suis gente..d’âmes.

Je n’ai que ces papiers chinés sur mon chemin, bien vulnérables.

Mon empreinte, apposée sur ces papiers délavés et jaunis par le

temps qui passe, est indélébile, elle est ce que je suis.

Prenez les ! C’est du papier cadeau !

[ 14 ] JATTENDS LE N° 61


SPÉCIAL PAPIER [ 15 ]

Kira Auf Der Heide - unsplash.com


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CHRYSTEL ÉGAL

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POST-IT.

3 HEURES DU MATIN.

Je compose le numéro de téléphone de

l’annonce. Pour 200 $, il se déshabille devant

moi.. Pour 80 $, il me livre de la ganja en

20 minutes. Et si je veux plus, il y a toujours

moyen de s’entendre. Je raccroche. J’aimerais

bien faire l’amour avec un «shehe», aux

yeux clairs, doux tendre mais sans ambiguité,

une princesse avec un pénis. Je rappelle.

Il m’assure "satisfaction guaranteed". C’est

beau l’Amérique, tout est disponible. Je dis

"Merci", il dit "you’re welcome", la deuxième

expression la plus courante après le "sorry"

ou "excuse me", autre jumelle expressive.

Contre l’Amérique, terre de toutes les culpabilités,

ils ont une devise, devenir «good».

Pour l’instant, je prends une douche, je me

prépare.

On sonne à ma porte. Ils sont deux. Tous

deux ont les yeux turquoises. C’est le plus

court sur pattes le «shehe» ou bien c’est

celui qui a le visage le plus fin ?. J’ai envie

de les voir ensemble puis de participer mais

le doux insiste. Il est "straight" et le "shehe"

confirme que par contre, lui, il est "gay", il

vient de finir "Miss Veronica Vera’s Finishing

School for boys who want to be girls". Il me

tend la carte de l’école. Tous ses profs sont

mentionnés. Miss Dana, Doyenne des talons

aiguilles, Miss Tyer, Doyenne du ballet,

Miss Deborah, Doyenne de cosmétologie :

212 242 6449. Bref, il ne baise jamais les

femmes. Tous deux s’excusent. J’allume la

télé et leur demande d’écrire sur des post-it

de couleur tous les synonymes de pénis en

langue anglaise. "Pork", "tube steack", "hardon",

"cock", "dick", "john henry", "man meat",

"woody", "joyrod", "cunt prod», "shaft", "willie",

"ramrod", "beef stick". Il les colle au-dessus

de mon lit. Je mesure à quel point leur savoir

est étendu. Les Américains ont le savoir-faire

et nous la civilisation. Je les fous

à la porte.

In « New York est mon excès »

de Chrystel Egal - Editions Actes Sud.

Artiste & Ecrivaine

[ 16 ] JATTENDS LE N° 61


SPÉCIAL PAPIER [ 17 ]


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CHRYSTEL ÉGAL

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[ 18 ] JATTENDS LE N° 61


POST-IT. 3 HEURES DU MATIN.

SPÉCIAL PAPIER [ 19 ]


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CHRYSTEL ÉGAL

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[ 20 ] JATTENDS LE N° 61


POST-IT. 3 HEURES DU MATIN.

SPÉCIAL PAPIER [ 21 ]


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CHRYSTEL ÉGAL

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[ 22 ] JATTENDS LE N° 61


POST-IT. 3 HEURES DU MATIN.

SPÉCIAL PAPIER [ 23 ]


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CHRYSTEL ÉGAL

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[ 24 ] JATTENDS LE N° 61


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RAOUL HARIVOIE

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[Chine, papier, conquête, gigantesque, dominer.]

S’INFINICHER : Se blottir, se cacher d’une

façon qui semble infinie.

« Laisse-moi m’infinicher dans tes bras,

respirer longtemps l’odeur de tes seins.

Ensuite seulement je te laisserai

caresser l’épée Ma Chine. »

J’hésite à envoyer ce papier à ma

dernière conquête. La dernière fois,

j’ai reçu une gigantesque claque.

Bon, je me domine ! Je n’envoie que

la première phrase, je supprime

la Chine.

Raoul Harivoie

SPÉCIAL PAPIER [ 25 ]

Uki_71 - unsplash.com


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YVES LECOINTRE

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SACRÉ PAPIER

Le papier ordinaire principalement composé

de cellulose comporte aussi des impuretés

dérivées du bois, parfois également

des charges minérales, des colles, des

colorants et divers additifs, mais ce qui-là

m’intéressa est le contenu du mot papier.

Dans mon laboratoire de recherche, j’ai tout

d’abord planté un carré de P. Bientôt sur

chaque caractère sous l’action des rayons I

le pi pointa, puis d’un E naquit une pie, à l’air

le pire suivit, là survint la paire et finalement

le papier parut.

Après je secouai le résultat et ainsi surgit

Priape, qui repipa et pipera.

Ensuite je tentai quelques greffes et seuls le

G avec l’agrippe, et le S avec apprise furent

viables.

Lors de la prochaine expérience je tranchai

le terme lettre par lettre et là apparurent par

ordre de disparition : un ancien vocable tahitien

papie, un ancien papi, un ancien prêt

le P.A.P, une ancienne unité de pression le

Pa et un point P.

Exploitant cet état, je les recombinai en

les associant selon les critères définis par

le dernier congrès à Troyes, et j’inventoriai

alors les éléments découverts :

Une aire à Pia avec pré pour la pie,

Un Pie pape qui pria,

Un âpre air de rap où paré et pipé l’on se

paie le pire pair de la PP(*),

Un papi du P.E.R(**) qui pour épier en Piper

le pari de l’E.P.R., a ripé et a péri dans la ria,

Au pluriel selon Rapp : un repas arrosé

au Piper où l’on râpe l’api et par une paire

d’épis l’on pare pour des prépas des raies à

la Repp.

A la fin de l’étude dans mon cabinet, au bout

du rouleau, en ayant épuisé tout le stock

pour les besoins de l’exercice, je dus crier

désespéré au moment de l’impression :

« Y’a plus de papier ! ».

(*) Préfecture de Police

(**) P.E.R : Parti Écologique

Révolutionnaire.

[ 26 ] JATTENDS LE N° 61


SPÉCIAL PAPIER [ 27 ]

LSE Library - unsplash.com


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LAURENT VERNAISON

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Avec des morceaux d’allumettes et de

carton j’ai reproduit chez moi la muraille

de chine au 1/500... Deux ans de travail

rien que pour le traçage des plans sur

papier ! C’est aujourd’hui assez rigolo de

voir cette espèce de boudin de 44 mètres

de long, sur quinze centimètres de haut,

faire la conquête de la maison, comme

un serpent gigantesque. Des amis bienveillants

m’ont invité à dîner mardi prochain

pour en parler.... ils vont voir très

vite à quel point je domine le sujet !

Laurent Vernaison

[ 28 ] JATTENDS LE N° 61

Unknow - unsplash.com


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COLETTE LE VAILLANT

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LOGO-RALLYE

Mots imposés : Chine, papier, conquête,

gigantesque, dominer.

01

J’ai le projet gigantesque de dominer mon

recto pour rejoindre mon verso. En d’autres

termes, je compte bien, par la conquête de

moi-même, rejoindre mon ombre chinoise,

avant que le levant ne se couche sur le papier

de l’Histoire de l’empire du milieu.

02

Je suis allée en Chine acheter du papier

d’Arménie. J’ai bien l’intention de dominer,

que dis-je de bruler le marché ! Déjà,

il y a quelques années, je m’étais élancée

à la conquête du papier pain, sur lequel

on pouvait sans faim, écrire des articles

comestibles. Dans 2 ans, mon projet est

d’inventer le papier de toilette digital pour

toilettes sèches.

03

Depuis de nombreux mois, je m’échine à

manger 4 à 5 pages de dictionnaire par

jour, selon les conseils du PSL (Programme

de Santé du Logos). J’ai commencé au mot

« fruit » P 834 et arrivée au mot « légume »

P 1083, je dominerai enfin le verger ! C’est

un projet de conquête gigantesque !

Chaque soir, je place les feuilles prémâchées

dans du papier Hallu pour les cuire

en rigolote. C’est un peu comme les papillotes,

mais la cuisson est plus bruyante.

Elle est émaillée d’éclats de rire parfois

difficiles à décoller des parois du four. Une

fois démoulé, je vous sers un logos échevelé

et encore chaud.

Colette Le Vaillant

SPÉCIAL PAPIER [ 29 ]


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ÉRIC RABBIN

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AUJOURD’HUI, À 18:12

II y a dans chaque palais de ce monde, une

petite pièce dissimulée qui conserve des

trésors ou des secrets, qui s’actionne selon

les récits, en tournant un chandelier mural

ou appuyant sur une latte, ou en glissant

un doigt dans un accroc de la tapisserie.

Dans la cité impériale, elle est légendaire

cette petite pièce là, parce que personne

n’a pu la trouver, car le dernier empereur

mourût emportant dans sa tombe bien des

choses tenues pour essentielles et donc

l’emplacement du mécanisme ouvrant la

petite porte secrète. Il y a pourtant une légende

se rapportant à elle. Quand la chine

était une grande nation préoccupée par ses

conquêtes, celles qu’elle subissait ou celles

qu’elle planifiait, c’est à dire un grand pan

de son histoire, l’on parlait déjà de la petite

pièce rouge, qui selon les imaginations

enflammées devait contenir, les secrets

honteux de l’empire, des armes terribles

et dévastatrices, un trésor entassé et grossi

depuis des millénaires, voire les trois à la

fois. Quand l’empereur Yongle de la dynastie

Ming dominait cet immense pays , on se

mit à construire la cité impériale, et sous les

demandes du maître architecte un grand

spécialiste des pièges destinés aux profanateurs

de sépultures et autres chasseurs

de trésors irrespectueux vint l’épauler pour

édifier "la petite chambre rouge". Certaines

rumeurs furent rapportées concernant la

venue d’un grand mage pour lancer des

sorts mortels afin de boucler définitivement

la sécurité. C’est à peu près tout ce

que nous savons de sa construction. Des

siècles plus tard, un cambrioleur peu ordinaire,

Yue Chang, fut employé comme

guide dans la cité impériale. Aussi rapace

que féru d’histoire, l’énigmatique trésor de

la «petite chambre rouge» hantait ses rêves

et il passait des nuits sur des anciens écrits

et des journées à tâter entre deux pauses,

les moindres anfractuosités des murs du

palais.

Un jour en traduisant le discours historique

appris par cœur en anglais à des américains

peu attentifs ou guère impressionnés

par les dimensions gigantesques de la salle

du trône , il aperçut un chat visiblement à la

poursuite d’un rongeur, qui sautait de tapisserie

en tapisserie, ayant vérifié que les touristes

n’avaient rien remarqué, il s’excusa,

les guida jusqu’à la salle suivante et revint

avec un balai dans l’intention de briser les

reins de l’intrus. Il le repéra sautant derrière

une immense commode pour disparaître

aussitôt.

[ 30 ] JATTENDS LE N° 61


SPÉCIAL PAPIER [ 31 ]

Ilse Orsel - unsplash.com


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ÉRIC RABBIN

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AUJOURD’HUI, À 18:20

Il s’approcha du meuble, en fit le tour, puis

le tira difficilement vers l’avant pour découvrir

derrière un orifice sur le mur à 50 cm

du sol. En passant la main devant, il sentit

un courant d’air froid. Avait-il enfin trouvé le

secret ? En regardant à l’arrière de la commode,

il repéra parmi les moulures, une

boucle qui n’était pas de la même couleur

que les autres, il appuya dessus, et dans un

glissement doux et un nuage de poussière,

un partie du mur pivota vers l’intérieur.

Il décrocha sa lampe de service, et pénétra

prudemment, malgré sa surexcitation, dans

la pièce qui venait de se dévoiler. Sa torche

éclairait des hautes tours grises alignées le

long du mur. Il fit un bond en l’air quand le

chat affolé lui passa entre les jambes pour

rejoindre la sortie, puis s’accroupit en attendant

que son souffle revint. Un bruit sec lui

indiquait que la porte venait de se refermer.

Qu’importe, il avait enfin atteint son but. Au

centre de la petite chambre rouge, il y avait

une grande colonne carrée, creusée en son

centre comme une châsse où un coffret

vermoulu attendait sa convoitise.

Yue Chang s’approcha et ouvrit le coffret. Il

y avait deux plaquettes de Jade, des hànzi

gravés dessus. L’une disait : «Autour de toi,

les secrets des dynasties sont déposés ici,

nulle personne dont le sang ne serait issu

de la descendance d’un empereur, ne doit

les consulter.»

Et sur l’autre : «Il est plus facile d’écrire sur

une feuille de papier, qui supporte tout ;

que sur la peau humaine, qui ne supporte

rien.» Rien d’autre. De dépit, il balança le

coffre et les plaquettes contre le mur qui

se mit alors en mouvement. Des milliers de

feuilles de papier quittèrent leurs colonnes

et vinrent voleter doucement vers Yue

Chang, faisant une danse lascive autour du

cambrioleur, tournèrent, virevoltèrent et se

mirent à le frôler, puis à le couper, puis petit

à petit, bloquant sa fuite le dépecer lentement,

tout petits bouts par tout petits bouts.

Une feuille peut être très coupante, celles

-ci, des milliers, avaient été renforcées pour

l’être davantage, pouvant même sectionner

des os progressivement. Quand les feuilles

revinrent se replacer sur les colonnes. il ne

restait qu’une flaque rouge vite bue par une

rigole prévue à cet effet, le chat ayant surmonté

sa peur, vint y prendre sa part. Nul

se sut désormais la raison du nom donné

à cette petite chambre. Seul un chat peutêtre,

mais lui aussi emportera un jour son

secret dans la tombe.

Éric Rabbin - Toujours aujourd’hui

[ 32 ] JATTENDS LE N° 61


Foudre, cahier, funambules, capoter,

imaginaire [Renga].

Elle court sur le fil

Cette fourmi funambule

Ne craint pas la foudre

L’araignée est en éveil

L’heure du dîner a sonné

Au fil du cahier

[Héroïne imaginaire]

La fourmi s’échappe

L’épeire se recroqueville

Car son piège a capoté

Ivan Leprêtre

SPÉCIAL PAPIER [ 33 ]


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DRAGOLJUB MITROVIC

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[ 34 ] JATTENDS LE N° 61


SPÉCIAL PAPIER [ 35 ]


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DRAGOLJUB MITROVIC

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[ 36 ] JATTENDS LE N° 61


SPÉCIAL PAPIER [ 37 ]


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FRÉDÉRIC ADAM

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IL ME FAUT PLIER...

Il me faut plier et replier

Cent fois, mille fois

Ce petit bout de papier

Que je déplie à chaque fois

Bien trop tôt, ou trop tard

On me l’avait confié

Il y a bien longtemps

Tout griffonné, gribouillé

Illisible

Ou plutôt couvert d’énigmes

De mots tronqués, de phrases imbriquées

Sens dessus dessous

Sibyllines

Sans un mot dit, un regard complice

Simplement esquissé

Sans cet autre papier

Qui serait le patron avancé

Le plan secret de cet origami

Dont la possession changerait la mise

Et le métier, l’établi

La lecture

J’en suis réduit au tâtonnement

Mon morceau de papier entre les mains

Que je mâchonne des doigts

Usé par l’usage

Du hasard dispendieux

Ma perplexité aiguisée

À jamais sur le tranchant

Et mon exaspération au bord du cri, de l’embolie

Qu’y a-t-il d’écrit

Sur cette feuille vide de toute mesure

Et pleine de tout gré

Aux trousseaux sans anneau ni clé

Sur ce blanc aux infimes teintes ?

Je m’astreins encore et toujours

À chercher ce peu de noir

Un fil à coudre, une géométrie

Sous le sel gemme de ce blanc potentat

Quelque chose, un suivi, une cohérence...

Mon papier à dessein

Sous mes yeux avides

En ses petits papiers

Fait ses noces

De papier

Ma vie trente sept fois pliée.

[ 38 ] JATTENDS LE N° 61


Un papier de verre

Comme du papier à musique

Règle sa mire, équilibre ses balances

Il cale ses tares en mes affrètements

Pour leur permettre justesse et acuité

C’est lui mon étoffe

Ma toile de jute

Mon poil à gratter

Il est autant ma râpe salvatrice

Ma rame de papier sous le meuble bancal

Que la lime douce

Ma demi-ronde dont la danse

Hypnotise et ajuste

À la feuille près

Mon paquetage, ma batelée

Le Vergé de mes pantoises

Au dos j’y écris

À fin de mémoire

Les manières, l’usage

L’usure en étant l’envers, le dessous des cartes

Ce sont mes papiers noircis

Ma main-mise chiffonnée

Sur ce dont je suis tributaire

Ces petits papiers auxquels je suis affilié

Ma musique, mon vers enchanté.

Frédéric Adam

SPÉCIAL PAPIER [ 39 ]

Ann Larin - unsplash.com


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JEAN-MARC COUVÉ

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PAPIER, PAS CHEVAL,

PAS VOITURE

Miguel Á. Padriñán - pixabay.com

[ 40 ] JATTENDS LE N° 61


I

Papier pépie, forêt pillée

Papier de soie ou bien de verre

Petit papier serré froissé

mis au rebut dans un panier.

Perforé, le papier s’envole,

il se fait avion : hue, cocotte !

En a la papille excitée

Papier buvard où tâche épier.

II

Papier-toilette éparpillé

Papier Canson estampillé

Où île eut strate, heur n’a pas pied

Sac à papier : Pape épiez !

Puis, de nouveau, écarquillez

vos mirettes, papets, pis é-

coutez le vent : paper / Papier

menaçant vos châteaux de cartes.

III

Papier / panier / palier… Pariez

qu’un grand dessein se peut former

en agençant bien vos papiers,

patiemment, sans rien gaspiller.

Chaque petit pas, pied léger,

l’un après l’autre, constituez

l’ombre chinoise aux couleurs fauves

d’homme – et aux patt’s…

Pâte à papier !

02/12/2020

SPÉCIAL PAPIER [ 41 ]


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OLIVIER ISSAURAT

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LE GRAND

CHAMBARDEMENT

Voyez-vous dans le lointain

Marcher à grands pas ce géant

Dressé entre la plaine et la rive du fleuve

Il agite de gigantesques bras

Il enjambe à chaque pas rivières et labours

Et les feuilles et les branches s’agitent

Ne cherchez pas à le retenir de force

Entre les doigts, il s’écoule comme du sable

Ses longs hurlements lugubres glacent le sang

Par le feuillage jauni les peupliers s’inclinent

Dans le gouffre qui lui sert de bouche

Se prépare une expiration qui arrache les chapeaux

Détricote les chignons et entremêle les cheveux

Et les feuilles d’automne et les branches

Et la foule court se réfugier là où se peut trouver l’accalmie

Les gens se pressent sous les alcôves des porches ventés

Ceux-là préfèrent braver la tempête exacerbée

Ils sont fiers et bombent le torse

Suffisamment longtemps pour se croire infaillibles

Et la feuille haut perchée et les nuages qui s’amoncellent

Et les chevaux fous lancés au galop traversant la lande

[ 42 ] JATTENDS LE N° 61


UNE PAGE BLANCHE

Pour vous dire ma belle

Que notre saule balaie encore le bout du jardin

Qui borde le ruisseau en contrebas

Qu’ici tous se rappellent ces fêtes que nous donnions

Sachez que notre château est resplendissant

Au large du golfe, l’île d’Ouessant défie toujours la mer

L’île où nous échouâmes notre barque

Votre prénom y résonne encore quand les déferlantes

Se jettent sur le récif où vous entonnâtes si belle chanson

En ville, le marchand de glace a souvenir de vous

De vos cheveux soyeux et longs

De votre doux visage agréable à regarder

Et du mouvement harmonieux de votre corps

Le vent lui-même n’a pas oublié

Ce châle aux parfums enivrants

Qu’il vous faisait glisser de l’épaule

Dans le souffle endiablé d’une brise légère

Une page blanche pour vous dire

Mais est-il nécessaire

D’en écrire d’avantage

Pour masquer la détresse

Et révéler les larmes salées

Que nous avions oubliées tous les deux

SPÉCIAL PAPIER [ 43 ]


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OLIVIER ISSAURAT

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LA PAGE

Avez-vous remarqué qu’à une lettre près ça fait

la plage.

Amusant non ?

Et si on remplace le p par un r ça fait la rage !

Rigolo, is’nt it ? Comme disent les Anglais.

Mieux, si on ajoute un deuxième p pour remplacer

le g on a pape.

J’en profite pour jeter le premier p de pape histoire

d’y mettre un r

Et hop !

Oh surprise, si l’on agrémente le a d’un petit chapeau

chinois, on obtient râpe.

[ 44 ] JATTENDS LE N° 61


LA PAGE DE SUITE

On avait donc un pape éperdu

d’amour pour la plage. C’est suffisamment

rare pour le souligner. Il

demanda donc à ses sbires suisses

de lui fournir une gondole pour remonter

l’un des étiers qui traversait

la ville de Venise. Quand il vit l’envoyé

de Dieu enrobé dans sa toge,

l’homme à la manœuvre gondola

tout ce qu’il put. Mais le pauvre

homme n’avait pas hérité du sens

de l’orientation et il se perdit, ainsi

que son précieux chargement dans

un bras oublié ne menant qu’à un

cul-de-sac.

L’affaire est déjà suffisamment étonnante

pour qu’on la rapporte. Mais

patientez, ce n’est qu’un début.

Le pape, de rage, attrapa le jeune

navigateur incompétent par son

boléro et le passa par-dessus bord.

Il ne se noya pas, rassurez-vous,

car il était champion de natation à

Naples. Le pape hurlait tout ce qu’il

savait à qui voulait bien l’entendre.

Quelques mégères occupées à la

lessive pointèrent le bout du nez.

« Qu’est-ce qu’il a celui-ci à nous râper

les noix ! ». Un passant qui venait

à passer, il n’avait rien d’autre à faire,

ça arrive, et même si c’est regrettable,

on n’y peut pas grand-chose,

proposa l’avis suivant à son épouse

« Qu’un pape nous les râpe pour une

plage, c’est quand même rageant ».

Et voici toute l’histoire. Je la sais d’un

gondolier à la retraite maintenant

très âgé et très sage. Il vit à Istanbul

et s’est fait musulman à cause d’un

pape rétif au gondolage !

Olivier Issaurat

SPÉCIAL PAPIER [ 45 ]


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ALAIN DIOT

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QUOI, N’IMPORTE QUOI ?!

Et si, pour une fois, on parlait de n’importe

quoi, comme çà, juste pour délirer pour ne

pas pleurer, juste pour sourire pour ne pas

céder au pire, juste pour un moment d’égarement

de garnement dans le firmament,

un instant de désir et de plaisir dans le zéphyr

du Cachemire, ou bien encore, çà c’est

plus fort, juste pour le vol d’une hirondelle si

belle en dessous de dentelle, même sans

bretelles, d’un oisillon si mignon en caleçon,

même sans pantalon, d’une libellule qui circule

au crépuscule, même sans matricule,

à moins que ce ne soit pour le vol d’un vieil

airbus omnibus coincé dans les cumulus

quand sonne l’Angélus ou d’un fer à repasser

égaré au fond de la mer Égée parce qu’il

ne sait pas nager. Et si c’était juste pour le

songe d’une nuit d’été, pour le rire d’un petit

bébé, celui d’une personne âgée qui a

perdu son dentier, pour le dernier arrivé qui

doit payer l’apéro, pour le premier né qui a

tiré le bon numéro, pour le curé qui se fait

récurer le bénitier par les grenouilles du

quartier, pour l’évêque qui cloue le bec aussi

sec à l’archevêque qui le débecte, pour

le CRS plein de tendresse qui réclame des

nuits d’ivresse et de caresses à la jeunesse

qui l’agresse, pour le gendarme en larmes

qui s’alarme parce qu’il a perdu son arme

dans le vacarme d’une manif sans charme,

pour le plombier mal à l’aise qui s’est fait

dessoudé à la clé anglaise sous l’évier ensablé

de la portugaise du premier, ou, pas

de veine, juste derrière la persienne, pour

l’électricienne qui stresse, qui s’est pris, la

bougresse, les doigts dans la prise traitresse,

pour la maîtresse d’école qui, parce qu’elle

picole comme une folle, est tombé dans le

pot de colle en dansant la carmagnole, pour

le joueur de biniou qui s’est pris un coup

de mou en-dessous du genou, le joueur

de trompette qui se l’est pris, mazette, direct

dans les coucougnettes, celui de tuba

qui se l’est pris, quel tracas, bien plus bas,

celui de piano, c’est ballot, bien plus haut,

celui de contrebasse, hélas, juste dans la

calebasse. Et tous les autres musiciens qui,

même s’ils n’en savaient rien, se sont mis à

aboyer comme des chiens pour faire ceux

qui soutiennent les copains avec le chef

d’orchestre qui rouspète pour ne pas être

en reste, même s’il doit retourner sa veste

et remettre sa baguette dans sa braguette.

Bien sûr, vu comme çà c’est trop facile, mais

qu’en serait-il s’il fallait n’être pas si débile et

trouver des bonnes raisons pour écrire justement

sans raison ce qui serait bel et bon

pour l’édification de toute la Nation, à moins

[ 46 ] JATTENDS LE N° 61


que ce ne soit juste pour ceux qui vivent

matois, à tu et à toi, sous son toit ?

Et bien, çà n’empêche pas, quoi qu’il en

soit, de se livrer en toute liberté à n’importe

quelles billevesées, de celles qu’on aime

inventer justement parce qu’elles n’existent

pas, ou en tous cas pas comme on le croit,

mais qu’il est fort plaisant d’imaginer rien

que pour se marrer devant tant de subtilités

! Alors, pourquoi ne pas se rappeler

ces moments chéris où l’on a vu danser en

bikini des ouistitis en bigoudis au sortir de

leurs lits, la reine d’Angleterre, décalquée

à la bière, nous montrant son derrière dans

l’Abbaye de Westminster, Macron et Mélenchon,

en pyjama de coton, se crêpant le

chignon à coup de polochon pendant que

Marion, bancale sans Maréchal, se polit le

cruchon national et que le président de la

Banque de France dance en cadence sur

les plateaux de la balance pour voir si son

poids en or peut enrichir le trésor de la Finance

un peu rance sur les bords.

Et si n’importe quoi ce n’était pas ce que

l’on croit et surtout pas n’importe quoi parce

que si c’était n’importe quoi, ce serait vraiment

n’importe quoi ?!

Quoi ?! Mais çà va pas la tête ? Il fait trop

chaud sous la casquette ? Y’a les fusibles

AZERTY

qui ont sauté ? Les pneus qui ont déjanté ?

Le cerveau lent qui s’est pris les neurones

dans les filets dérivants ?

Mais non ! Ne croyez pas qu’il y a de la tension

au fond du carafon où ainsi font font

font les petits neurones tout nets ! Croyez

moi, quand c’est n’importe quoi, y’a d’la joie

par-dessus le toit !

Alain (tenable) DIOT. Janvier 2021.

Florian Klauer - unsplash.com

SPÉCIAL PAPIER [ 47 ]


J’attendslenuméro61

LD

RC

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