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J'attends le numéro 62

Laboratoire de recherches créatives

Laboratoire de recherches créatives

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J’attends

le numéro

62

[SO] Green! • 2 e trimestre 2021

LD

RC


LD

RC


J’ATTENDS LE NUMÉRO 1

2011 • 2021

CRÉATION

Isabelle Souchet & Ivan Leprêtre

DESIGN

Ivan Leprêtre

CONTACT

ivanlepretre@gmail.com

PHOTOS 1 re ET 4 e DE COUVERTURE

Greg Rosenke - Unsplash

Rishabh Pammi - Unsplash

03

62

[SO] Green!


SOMMAIRE

04


J’attends

le numéro

62

06

ALAIN DIOT Maître de conférence

en arts plastiques

alaindiot2@orange.fr

42

GEORGES FRIEDENKRAFT

Écrivain • Poète

georges.chapouthier@upmc.fr

05

08

10

17

20

23

24

26

28

30

32

ÉRIC RABBIN

Capitaine de vaisseau grammatical

devie.celine@neuf.fr

ISABELLE SOUCHET

Artiste numérique

couleur-lilas@wanadoo.fr

ALINE HANSHAW

Bricoleuse

aline.hanshaw@wanadoo.fr

RAOUL HARIVOIE Poète

raoul.harivoie@laposte.net

FRÉDÉRIC SCHMITTER

Auteur présumé - schmi@club.fr

ALAIN CRÉHANGE

Écrivain

alain.crehange.pagesperso-orange.fr

YVES NIQUIL

Ingénieur, chef de chœur, écrivain

yves.niquil@gmail.com

IVAN LEPRÊTRE Directeur de création

ivanlepretre@gmail.com

ivanlepretre.com

COLETTE LE VAILLANT Jongleuse

de mots, exploratrice de l’inconscient

contacter.colette@gmail.com

CHRYSTEL EGAL Artiste, écrivaine

chrystel.egal@me.com - c-egal.com

44

46

50

52

60

63

62

66

68

82

LAURENT VERNAISON

Épicurien - lvernaison@wanadoo.fr

GÉRARD MARTY Artiste - Illustrateur

martygetc@free.fr

gerardmarty.blogspot.com

YVES LECOINTRE Érudit

yves.lecointre@gmail.com

KARINE SAUTEL Ellipse formation

karine@ellipseformationcom

ellipseformation.com

FRÉDÉRIC ADAM Poète

frederic_adam@hotmail.fr

DO SÉ Unijambiste sur le fil des

douceurs - dose.mots@gmail.com

BIXENTE CABALLERO Épicurien

locotwister@gmail.com

JEAN-MARC COUVÉ

Écrivain, critique et illustrateur

jeanmarc.couve@gmail.com

MILICA JANJIĆ

Graphic Designer

milicajanjic10@gmail.com

OLIVIER ISSAURAT Enseignant

oissaurat@ac-creteil.fr

olivier.issaurat.free.fr

[SO] Green!


ÉDITORIAL

Alain Diot

GREEN ?

OUICHE !!

Green, çà vous chagrine parce que

çà fait british, çà, c’est godiche,

voire même ricain, là, c’est malsain.

En français, green, soyons sévère,

c’est vert, comme le rumine l’aigre

au logis ! C’est qu’aujourd’hui le

vert est partout, c’est fou, et ses

échos logiques nous font pis que

nique. Le vert est dans le fruit et le

développement durable est sur la

table et nous courre sur le râble,

à nous pauvres lapins misérables !

Cette machine mesquine sur nous

s’échine en surveillant la moindre

bibine anodine, des fois qu’elle ne

respecte pas la consigne, ou qu’on

se mette trop de cocaïne dans les

narines quand quelques officines

clandestines se foutent de notre

bobine en nous refilant de la margarine

à la chloroquine pour beurrer

nos tartines. Mais si on badine

avec nos voisines libertines - surtout

pas avec des gamines même

mutines ! - il faut chasser la vermine

pour éviter que çà patine et

revenir aux origines pour s’en tenir

à la vie sûre, même si, des fois,

c’est dur ! Et pour rester vraiment

dans la combine et vous léchez

les babines dans votre cuisine,

allez faire revenir quelques aubergines

dans la farine, en évitant les

terrines ou la poitrine, pour la jouer

Végan dans votre cabane, mais ne

vous étonnez pas si vos narines

envisagent la famine devant ce

type de galantine. C’est que se

mettre au vert, en plein vent ou à

couvert, faut le faire et comme le

dit sur un ton doux amer le ver à

soie en s’enfermant, benoit, dans

son cocon d’hiver : « çà ne va pas

de soi, ma foi ! ».

Et qu’est-ce qu’on y gagne,

qu’est-ce qu’on y perd

à vouloir épurer l’atmosphère ?

Sans savoir ce que le ver, lui,

sent, ni ce que le ver déterre,

dans les cimetières, prônons

le vert à bière pour les grandsmères,

pour les Adams, bonnes

pommes, et leurs mamans qui

nous assomment, osons le vert à

dent pour qu’ils consomment, et

pour faire bonne figure, pour les

grandes pointures, choisissons le

vert à pied, çà les rassure. Et si le

vert olé vous aide à danser, bien

chaud, le flamenco, le vert mifuge

mi-raisin, c’est malin pour

les intestins, et le vert glacé c’est

06


rêvé pour ceux qui préfèrent glisser.

Et s’il faut savoir au vert s’y fier,

il y a bien d’autres verts à citer. Il

faut donc écouter le vert dire, en

faisant attention au vert sot, voire

au vert mi-sot, car parfois le vert

te ment et même le vert tue ! Et

que penser de ce paradoxe du

vert roux qui vous enferme à l’an

vert dans un trou vert quand au

contraire il faut qu’on s’aère en

évitant quand même le vert lent,

ce vert moulu, voire le vert rouillé

si l’on sent le vert baliser !

Et chers poètes lyriques, au diable vauvert,

vos verts bucoliques qui nous refilent

des coliques frénétiques de néphrétiques !

Bien sûr, pour la nature il faut que

le vert dure et quand on sait que

le vert y table, suivons ce que le

vert dicte parce que si celui qui est

soûl rate, celui qui est vert sait ! Et

que ceux qui ont vu le vert hier se

rappellent de ne pas céder le vert

aux niaises, comme ce costaud

de Paolo, pas non plus le vert au

chiot, comme c’est le cas pour Andréa,

en se rappelant que laisser

le vert singer tôt risque de coûter

gros ! Bien sûr, nous n’ignorons

pas que le vert est de mise dans

les colos des écolos, souvent bricolos

mais pas trop rigolos, voire

un peu barjos. Et ne vous affolez

pas si vous avez un vieux père vert,

au contraire, c’est super, surtout

s’il est resté encore bien bio ! Logique

! Et si votre mère légère est

un coup lisse, un coup gare, donc

un coup secousse, en restant à

tout coup pure, elle à la chance

d’être encore un coup verte et de

voir venir, sans mentir, cent coups

férir pour toujours reverdir !

Et du fond d’un désert légendaire

ou du haut d’une colline divine,

quand bien même notre pater

ne serait pas trop austère quand

notre tantine danse la biguine,

mes chères copines toujours coquines,

mes partenaires si débonnaires,

payons nous de concert

un bon bol d’air dans les senteurs

câlines des aubépines purpurines

et surtout quelques verres qu’on

nous aura offerts, sans oublier de

remettre le coup vert avec nos

écuyères sans crinoline, nous les

experts du pipeline !

Alain (vert cible) DIOT

Avril 2021

62

07

[SO] Green!


Éric Rabbin

DÉSILLUSIONS

DE

JEUNESSE

Il y a les couleurs et ce que l’on

en fait.

Extraites de tubes ou de pots,

couchées sur une toile, elles

peuvent magnifier ou pourrir un

paysage, déstructurer un portrait,

ou tuer davantage une nature

morte. Je ne farfouille pas dans

mon histoire pour y mettre les

impressions soleil levant de ma

mémoire, mais pour faire revenir

le souvenir d’une grande désillusion

amoureuse, à l’âge où l’on

vient de se rendre compte que

l’amour existe et que l’on ne sait

pas ce que c’est, ni comment l’on

s’en sert.

Il est inutile d’apprendre à certains

comme ces fleurs émotionnelles

naissantes peuvent parfois

pousser au sein de sa famille,

surtout dirigées vers ce soleil

que sont nos cousines, qui vivent,

grandissent, près de nous et qui

d’un coup soudain, se révèle être

femelle avec tous les attributs

physiques, moraux et emmerdatoires

qui surgissent sous votre

nez.

Alors, la camarade de jeu vous

est alors enlevée, ou s’éloigne

d’elle même vers d’autres attraits

de la vie, sans que vous ne puissiez

rien y comprendre.

Stéphanie était ma préférée, jolie,

facilement rieuse et du même

âge que moi.

C’était l’époque où ma famille ne

se déchirait pas encore pour de

stupides et lointains héritages,

on nous avait placé dans les

mêmes bacs à sable, traîné dans

les mêmes maisons de campagne,

du camping du lac de Pareloup

vers les chalets sur pilotis

de Gruissan.

Pour le goûter, nous étions placés

devant le même pot énorme

de N……. (td) (future athérosclérose

aux noisettes), puis jetés en

pâture, les dimanches, au sourire

mielleux de M. Jacques Martin,

pendant que les hommes du

clan allaient tuer des petits oiseaux

et que les dames entre

elles tapaient le carton en misant

des fèves.

Stéphanie poussait comme une

plante, me ressemblant assez,

comme un faux garçon, ou un

presque frère avec toutefois des

manies bizarres mais des jouets

peu différents.

Notre complicité se retrouvait

surtout dans l’humour, commençant

tôt avec des blagues

sur le caca, puis celles de Toto,

puis nous nous lisions les blagues

C……… (td) (future athérosclérose

au caramel) et enfin partagions

des observations justes

mais grinçantes sur les membres

les plus insolites de notre famille.

Puis vint un jour, où Stéphanie

disparut.

Cela avait commencé avec des

gênes et des chuchotis avec sa

mère et la mienne, des renflements

étranges arrivants sous

son sous-pull à col roulé, ainsi

que d’étonnantes rougeurs lui

08


Éric Rabbin

montant au front quand un de

mes copains lui parlait.

j’en venais à m’étonner des

restrictions concernant nos jeux

qui venaient d’être brusquement

interdits..

Mes parents faisaient comme

si c’était normal, mais aucunes

informations ne filtraient, à mes

questions répétées, je n’avais

comme réponse que « - tu comprendras

plus tard ». Maigre foin

à ruminer.

Du temps passa.

Mes centres d’intérêts commencèrent

aussi à changer.

Pour faire plaisir à mon seul (pas

tout à fait vrai) ami, je m’extasiais

fort sur les compétences

de combat de Bruce Lee et de

Docteur Justice, en ayant abandonné

l’espoir de l’intéresser

à Jules Verne ou James Oliver

Curwood.

Mes voisines avec qui je jouait

avant sur les tape-culs commençaient

à pouffer pour tout et

n’importe quoi à mon approche,

et je sentais bien que derrière les

portes closes et les mots couverts,

un grand secret de la vie se

préparait à venir bouleverser mes

habitudes.

Et puis un jour, c’était un samedi,

Stéphanie revint !

Je sortais de mes lectures et de ma

chambre attiré par le bruit de l’arrivée

de mon oncle et de ma tante

qui venaient (encore une information

qui m’étais passée loin au dessus

de la tête) pour LE Match !

J’arrivais tout sourire et confiance

en avant quand une trombe verte

se jeta sur moi !

Je me suis senti soulevé par une

ogresse, un monstre totalement

vert, échevelé, qui m’inondait de

bisous baveux et de mamelles

molles. L’inconnue arrêta son

agression un moment, et d’une

voix de stentor s’exclama « - Hé

bé tu reconnais plus ta cousine ?

C’est moi Stéphanie ! »

Vêtue d’un T-shirt vert trop petit,

d’un short de la même couleur

prêt à exploser sur des jambons

puissants, elle était comme une

déesse mère primitive, immense

et généreuse, un chêne humain,

une colline irlandaise sur patte.

Mon cerveau retrouvant de l’oxygène

se remit à fonctionner. Je

regardais cet icône féminin essayant

de retrouver les traits graciles

de ma cousine, mais c’était

dur. Un visage qui était rond et

si clair, devenu gras et enlaidi

par une couche de peinture ou

maquillage verdâtre, ses beaux

cheveux blonds, retenus par une

queue de cheval qui les faisait

pendouiller mollement, étaient

aussi maculés de cette couleur

verte effrayante. Son corps, jadis

une tige de fleur fluette était devenu

par l’exercice de pratiques

sportives intenses, le tronc d’un

séquoia, j’exagère à peine, et son

nez mutin avait dû certainement

rencontrer un poing, tant il en

était devenu plat.

Éric Rabbin

Mais surtout, surtout, une évidence

m’éclairait alors sur son

apparence et me projetait dans

le quotidien volontairement écarté.

Voilà. Nous étions en 1976.

Ils venaient pour voir Le Match

en famille. C’était cette année

là, où les espoirs de milliers de

Français se tournaient vers des

Rocheteau, Santini, Janvion, Larqué

et autre Curkovic qui allaient

nous donner la victoire.

Oui, malheureusement, j’avais

occulté le fait que Stéphanie était

Stéphanoise.

Vous comprenez à présent pourquoi,

des années plus tard, quand

j’appris que la couleur verte était

bannie au théâtre, je poussais un

soupir de soulagement et me jetais

à corps perdu dans cet art

qui me comprenais si bien.

62

09

[SO] Green!


Isabelle Souchet-Leprêtre

10


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[SO] Green!


Isabelle Souchet-Leprêtre

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[SO] Green!


Isabelle Souchet-Leprêtre

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[SO] Green!


Isabelle Souchet-Leprêtre

16


Aline Hanshaw

LOGO-RALLYE

Surprise

Chapeau

Vert

Vaches

Robuste

Surprise : mon chapeau vert

ne fait pas fuir les vaches robustes quand je les approche.

En vert et contre tous : le vert c’est ma couleur en vérité !

Aline Hanshaw

LOGO-RALLYE

Vache

Herbe

Prendre

Mois

Verte

HAÏKU

Ô belle herbe à vache

S’allonger prendre le frais

Pendant un mois vert

Aline Hanshaw

62

17

[SO] Green!


Aline Hanshaw

Je vis dans

le vert

entre forêt

et canaux

Verlaine est l’un de mes poètes préférés

J’ai les yeux verts comme ma mère

Vercoquin accompagne le Plancton chez Boris

Je m’habille souvent en vert

Vercingétorix était courageux

Je suis née en septembre là où meurt le vert

Vertugadin est un mot rigolo

Je serai enterrée au cimetière du Bois Bourillon à l’ombre des vers

Veracruz est une ville du Mexique

J’aime le vert et les verres de Baccarat

Vertigo me donne le vertige

Je me souviens de Dumont le premier candidat vert en 1974

Verdi avait pour surnom Le cygne de Busseto

Je n’aime ni le vermifuge ni le vermicelle

Vermouth est un A.B.V.

Aline Hanshaw

Ivan Leprêtre

18


19

62

[SO] Green!

Photo : S. Hermann & F. Richter


Raoul Harivoie

LOGO-RALLYE

Cuisses

Ètroites

Préparatifs

Perdre

Voisine

OUI,

J’ENVIAIS

LES FÉES

VRILLÉES

ACCROS

AU

MARSALA

Oui, j’enviais les fées vrillées

-accros au marsala- et l’argent

qu’elles gagnaient si facilement.

Surtout la fée Mourtari, ma

voisine.

Un jour, au Havre, il était 20

heures, je les avais invitées

toutes dans un restaurant chic.

Au moment du dessert, je leur

avais alors proposé : un gamay

ainsi que l’ouverture avec moi

d’un compte joint.

Elles se récrièrent aussitôt, me

traitèrent de "court-jus"", "yéti"...

L’une d’elles perdit la raison et

arracha ma moumoute. Une

autre fit voler mon assiette de

fraises et de cèpes d’ambre. Les

fées Waouh et Kisscool, sans

préparatifs, me plantèrent leur

couteau dans la cuisse.

Enfin, la fée Mourtari me conseilla

de prendre sans tarder un

rendez-vous avec le doc Tobre,

un psychiatre renommé, installé

dans une ruelle étroite.

(Dehors nos vents bredouillaient

à cause des cris que l’on entendait

jusque dans les royaumes

voisins).

Je rentrai chez moi les yeux

rougis et m’allongeai sous le lit

vert, sur les dés sans bretelles.

Raoul Harivoie

20


Raoul Harivoie

LOGO-RALLYE

Surprise

Chapeau

Vert

Vaches

Robuste

SALAMM

BOVARY !

Surprise ! Le sujet que j’ai tiré du

chapeau à l’oral de Mots-valises,

c’était Salammbovary ! J’étais

vert ! Je suis sûr que l’examinateur

(une peau de vache) avait

mis ce sujet sur l’ensemble des

papiers... Et pourtant, j’ai rendu

une prestation robuste ! J’ai eu la

moyenne !

Raoul Harivoie

LOGO-RALLYE

Vache

Herbe

Prendre

Mois

Verte

MANGEZ

DE LA VACHE

QUI RIT !

Mangez de la Vache qui rit !

C’est le conseil que je donne aux

écrivains en herbe en mal d’inspiration.

Prenez-en le matin, le

midi et le soir. En un mois à peine,

vous écrirez jusqu’à deux pages

par jour ! (Attention, ce régime

est déconseillé aux femmes

enceintes allergiques aux olives

vertes).

Raoul Harivoie

62

21

[SO] Green!


Raoul Harivoie

LOGO-RALLYE

Surprise

Chapeau

Vert

Vaches

Robuste

PRÉAVIAGRA :

PRÉAVIS

AVANT UNE

PRISE DE

VIAGRA

« Pendant la pause café, mon collègue m’explique que sa petite amie robuste exige un préaviagra de 48h

minimum. Elle n’aime pas les surprises. Il doit toujours porter le même chapeau cloche et le même caleçon

vert, et pourtant ça lui va comme un tablier à une vache.»

Raoul Harivoie

22


Frédéric Schmitter

LOGO-RALLYE

Surprise

Chapeau

Vert

Vaches

Robuste

À la surprise générale,

comme un lapin sorti d’un chapeau,

LE PETIT

HOMME VERT

avait surgi de sa soucoupe en criant

"MORT AUX

VACHES !"

aux forces de l’ordre venues l’accueillir.

Un robuste CRS lui asséna aussitôt

un coup de

MATR AQUE.

62

23

ZeNavi2021

[SO] Green!


Alain Créhange

LOGO-RALLYE

Vache

Herbe

Prendre

Mois

Verte

[+ goût]

La recette

du jour :

le carpaccio

boucané.

Coupez une vache

en tranches très fines.

Salez, ajoutez une pincée

d’herbes aromatiques,

arrosez d’huile d’olive.

Attendez.

Attendez encore – cela peut

prendre des mois.

Quand la viande a pris

le bon goût et la belle

couleur verte des herbes,

vous pouvez déguster.

Alain Créhange

Ivan Leprêtre

24


Alain Créhange

LOGO-RALLYE

Surprise

Chapeau

Vert

Vaches

Robuste

LE SECRET

D’UN BON

PAIN

SURPRISE

...

Le secret d’un bon pain surprise, c’est de travailler du chapeau pour varier les garnitures

des sandwiches de manière qu’il y en ait pour tous les goûts : salade verte pour les

appétits d’oiseau, terrines de ragondin, de kinkajou et de binturong pour les appétits

moyens, vaches entières pour les appétits les plus robustes…

Alain Créhange

62

25

[SO] Green!


Yves Niquil

LE PRINTEMPS

D’UN

AQUABONISTE

REPENTI

Pendant longtemps,

j’ai craint le printemps

Le printemps, dit-on, c’est la saison

des amours, la saison où tout

reverdit. C’est aussi la saison de

mon anniversaire. Or, chaque année,

à part le retour des feuilles

vertes et mon anniversaire, rien

ne se produit. On m’a annoncé le

bonheur, or tout est comme avant.

On m’a annoncé l’amour, et je suis

toujours seul. Le succès, et rien

ne change. Quelle est donc cette

saison tant vantée qui ne tient pas

ses promesses ?

Et donc, bien emmitouflé dans l’hiver

protecteur, plein de neige et

de bonbons, qu’ai-je à espérer de

cette saison surfaite ? Vraiment,

on se fout de nous. Tout ça pour

ça : quelques feuilles vertes... c’est

juste de la chlorophylle, quoi ! Tout

ce battage pour un chewing-gum,

qui plus est sans aucun goût :

avez-vous essayé de mâcher une

feuille de pommier ?

« Que c’est triste Venise au temps

des amours mortes », chante

Aznavour. Que c’est fade le printemps

lorsque l’on attend le renouveau,

l’amour, et qu’ils ne vient

pas. Pas cette année, pas encore.

La magie tant espérée, elle n’est

pas là. Le miracle attendu, chaque

année, ne se produit pas, cette

année encore. Pourtant la pub

était bien faite, n’est-ce pas ? Je

me renseigne auprès d’un cabinet

d’avocats : qui attaquer en justice

pour ces promesses non tenues,

pour cette publicité mensongère ?

Personne, me dit-on. Ma plainte

n’ayant aucune chance d’aboutir,

elle va être classée sans suite. Un

peu comme « L’affaire du siècle »,

tiens. Effectivement, l’idée m’en

est venue, je pourrais attaquer

26


Yves Niquil

l’État français. C’est assez facile à

faire, et en plus, c’est à la mode.

Devant la Cour Européenne, tiens.

Il faut bien que ces institutions

servent à quelque chose. Mais,

me dit-on, cela ne changera rien...

Le printemps suivant sera encore

une blague. Alors à quoi bon ?

La pub pour le printemps ne serait-elle

pas le fait du magasin Le

Printemps ? Ou d’un parti politique

qui nous promet depuis longtemps

le temps des cerises ? Ou

encore d’une marque de cosmétiques

faussement bio ? Le printemps,

du greenwashing, quoi !

C’est peut-être le coup d’une association

regroupant des marchands

de primeurs, qui sait ? Je me perds

en conjectures. Qui attaquer en

justice ? Personne ne peut me

répondre. Alors, chaque année, au

printemps, plutôt que de mâcher

des feuilles de pommier ou des

chewing-gums à la chlorophylle,

je ronge mon frein. Qui n’a pas

beaucoup plus de goût.

Mais ça, c’était avant, comme

dit une autre pub,

une pub pas très printanière

Cette année, j’ai observé, l’hiver,

les bourgeons. Et j’ai une fait une

découverte : l’hiver, les arbres, ça

bosse ! Subrepticement, tout se

prépare. Dans le secret absolu du

bourgeon fermé - non non, on

n’ouvre pas, c’est trop tôt, chut,

n’en parlez pas - ça bosse dur, ça

turbine sec. Finalement, moi qui

croyait que l’hiver la nature était

au repos, je me rends compte

que c’est la saison la plus active

de l’année. On prépare la réouverture.

On scie, on lime, on repeint.

On organise le vert à venir. On restructure.

L’automne, on a jeté tout

ce qui devait l’être, on a fait du

vide, l’hiver on travaille à tout reconstruire

autrement. S’il n’y a pas

ce travail, le printemps n’aura pas

lieu, les gars ! Alors activez-vous :

avant le 20 mars, il ne reste que 9

semaines, 8 semaines, 7... Pas le

temps de prendre des pauses, ou

à peine ! On compte sur vous pour

nous préparer le plus beau des

renouveaux. Le printemps, quoi !

Alors finalement, me dis-je, pourquoi

ne pas faire pareil ? Et au lieu

de bosser en automne et d’hiber-

Yves Niquil

ner l’hiver, voici mon nouvel agenda

: en automne, je regarde avec

sérénité tomber les feuilles, je les

mets au compost ; c’est le calme,

surtout ne pas trop en faire. Et

l’hiver je fais comme la nature : je

prépare le printemps. Moi aussi je

lime, je recouds, je repeins, je réorganise.

Ainsi la printemps arrivera.

Vraiment.

J’ai fait cela, cette année. Et cela

a marché. Je ne vous en dis pas

plus...

62

27

[SO] Green!


Ivan Leprêtre

LOGO-RALLYE

Vache

Herbe

Prendre

Mois

Verte

LA VACHE

EST PASSÉE

À TOUTE

BERZINGUE

DEVANT

MOI

— Je vous assure, la vache est

passée à toute berzingue devant

moi sur ses rollers avec son sac à

dos rempli d’herbe ! Elle a pris la

bretelle d’autoroute pour s’engager

sur l’A15, vous me croyez, hein

docteur ?

— Évidemment que je vous crois

Madame Robert. Tenez, vous allez

mettre cette jolie blouse verte

avec de longues manches, puis

vous suivrez Samantha qui vous

donnera des bonbons de toutes

les couleurs avec un bon chocolat

bien chaud.

Ivan Leprêtre

28


Ivan Leprêtre

LOGO-RALLYE

Surprise

Chapeau

Vert

Vaches

Robuste

Qu’est-ce que t’as

dans ta pochette surprise ?

J’AI UN BUSTE DE VACHE ROSE

AVEC UN CHAPEAU VERT SUR LA TÊTE !

ET TOI ?

Un robuste chat avec une peau verte

de vache sur la tête.

Tu crois que Marcel* va aimer ?

Ivan Leprêtre

* Les 5 mots du logo-rallye sont tirés de La Jument verte.

29

62

[SO] Green!


Colette Le Vaillant

LOGO-RALLYE

Cuisses

Étroites

Préparatifs

Perdre

Voisine

Le grand

banquet

des Verts

approche.

Les militants sont aux

préparatifs : ils dressent

les dessous de table

et remplissent les pots de vin.

La niche électorale sera

étroite pour les candidats

cabots, en mal d’électeurs.

Ma voisine militante de la

première heure rappelle les

éléments de langage pour le

service : « Fane ou racine ? ».

C’est tout simplement

la version végétarienne

de « l’aile ou la cuisse »

camarade ! Sache que

c’est toujours dans l’assiette

fiscale que se gagne ou se

perd un scrutin !

Colette Le Vaillant

Ivan Leprêtre

30


Colette Le Vaillant

LOGO-RALLYE

Surprise

Chapeau

Vert

Vaches

Robuste

MAIS JE

RÉALISE

QU’IL ÉTAIT

MANCHOT

...

Une illusion d’haptique !

J’ai cru qu’il m’avait touchée, mais je réalise qu’il était manchot.

Il prétendait travailler dans le digital, dans l’énergie verte !

Cela m’évoquait les robustes vaches des verts pâturages de mon enfance,

Les artisans de la terre, gironds et railleurs à leurs heures.

Mais lui, transpire de surprise en s’éventant d’un chapeau qui n’avait jamais vu le soleil !

Colette Le Vaillant

62

31

[SO] Green!


Chrystel Égal

SISTER

GREEN !

...

A lire d’une traite aigue-marine

Je câline le ver bouteille qui me

conseille de biberonner le vert

à moitié plein pour porter mon

esprit au-delà du tunnel confit

vert sapin. Faufilade entre belles

à ordures, velibs chlorophylle et

chance émeraude, des grenouilles

pistache sautent plus haut que le

lichen et m’encerclent par milliers.

Elles m’annoncent la faim de l’autre.

Moi, qui n’ôte mon masque turquoise

que pour schnouper du jus de kaki,

croquer des grannys, fumer la

prairie ou pédaler délicatement sur

un hooker, je rêve encore de petits

hommes olives. Je troque mes

green dollars contre le sperme du

dragon céleste. Je ne parle plus

distinctement sauf chez moi sarcelle.

Entourée de mes pierres malachites,

je marmotte face à mes murs

menthe à l’eau. Ce temps d’isolation

givré est pire qu’un freezer militaire.

Errance. Perroquet. Poireau. Anglais.

Avocat. Argent. Espérance. Jeunesse.

Tout a disparu sous le tapis absinthe.

J’entends de plus en plus mal de

ne plus toucher la chartreuse. Mes

kids en apprentissage comprennent

tous les maux de travers de ne

point les entendre avec clarté. J’ai

beau dire Vert ! : Projetez dans l’air

le vert printemps sans frein ! Laissez

voler les mots anis, les paroles

citrons ! Ces rituels de canards

ouvriront nos enlacements sur le

gazon ! Demandez à vos tilleuls !

Acceptez les variations smaragdines.

Mousse. Véronèse. Opaline. Sauge.

Impérial. Rebondissez de beauté

en beauté. Ne nous évitons pas de

devenir plus fou mais dans la nature !

Signé Petit pois aléatoire

mais qui choisit. De rien.

Chrystel Égal

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Chrystel Égal

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[SO] Green!


Chrystel Égal

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Chrystel Égal

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[SO] Green!


Chrystel Égal

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Chrystel Égal

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[SO] Green!


Chrystel Égal

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Chrystel Égal

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[SO] Green!


Chrystel Égal

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Chrystel Égal

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[SO] Green!


Georges Friedenkraft

Il fuit, il fuit,

le printemps

Au temps où tout se précipite

celui qui fuit c’est l’aube entière

c’est le printemps vert qui palpite

au manteau d’ombre et de lumière

Poursuivez-le, foule inconsciente

car sa fuite c’est la dernière

votre déluge s’impatiente

la roue tourne l’astre s’éclaire

l’assassin est prêt à frapper

le spectre d’un vivant calvaire

apparaît dans votre oeil traqué

Poursuivez-le, car ses ornières

mènent à des chemins légers

au vent tiède dans les clairières

au parfum mielleux des vergers

à l’odeur des fleurs printanières

à la séduction des pervenches

au caprice des primevères

au charme de jacinthes blanches

Poursuivez-le, sa traîne est claire

la sève à ses lèvres verdit

portant le message éphémère

d’une planète qu’il perdit

glycine entrouvre ta paupière

en tes pétales éclatés

redonne un espoir à la Terre

à ses océans chahutés

à ses forêts dans leur mystère

quand la feuille verte exhalait

l’oxygène où les chiroptères

comme les hommes s’envolaient

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Georges Friedenkraft

Il fuit, il fuit,

le printemps

Poursuivez-le, foule guerrière

craignez la revanche de Flore

craignez le silence des pierres

le silence des astres morts

des bois changés en cimetières

pollutions et déchets inclus

poursuivez-le sinon misère

il ne reviendra jamais plus

saveur des oranges amères

et pas même vous ne pourrez

voguer sur des eaux moins austères

vos espoirs seront enterrés

dans les carcans de vos galères

Poursuivez les timides lueurs

qui clignotent sur les barrières

ne laissez pas s’écouler l’heure

les minutes sont suicidaires

pour interrompre l’échéance

d’un cataclysme planétaire

ne laissez pas passer la chance

si les poisons dans l’atmosphère

rendent la vie abominable

craignez, malheureux, sa colère

sans printemps rien n’est supportable

sans verdure rien n’est prospère

Poursuivez le, foule maudite

celui qui fuit c’est l’aube entière

c’est le printemps vert qui palpite

au manteau d’ombre et de lumière

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[SO] Green!


Laurent Vernaison

LOGO-RALLYE

Surprise

Chapeau

Vert

Vaches

Robuste

JE MONTAIS

SÉGOLÈNE,

UNE ROBUSTE

ÂNESSE

DU POITOU

...

Pour mon initiation à la chasse à

courre, on a fait l’attaque surprise

d’un troupeau de génisses. Tous

avec notre chapeau à plume et

notre habit vert, nous n’étions pas

loin de rivaliser avec l’académie

française. Les vaches ruminaient,

impassibles, leurs dernières

frustrations et, les chevaux étant

réservés aux moniteurs, je montais

Ségolène, une robuste ânesse

du Poitou. Au premier coup de

trompe ses ruades eurent vite fait

de me ramener sur le plancher

de notre gibier occasionnel. Sacré

Ségolène...

Laurent Vernaison

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Laurent Vernaison

LOGO-RALLYE

Vache

Herbe

Prendre

Mois verte

(+ goût)

Y pleut comme vache qui pisse !

ÇA VA NOUS FAIRE POUSSER L’HERBE QUI

VA PRENDRE GENTIMENT SA LONGUEUR

et, si le soleil veut bien se montrer,

on pourra couper le foin avant la fin

du mois...

Faut qu’on arrose ça,

va donc chercher la bouteille

de Chartreuse...

LA VERTE !

J’aime pas la jaune, elle à un goût.

Laurent Vernaison

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[SO] Green!


Gérard Marty

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Gérard Marty

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[SO] Green!


Yves Lecointre

LOGO-RALLYE

Vache

Herbe

Prendre

Mois

Verte

LES PARENTS

DÉVOTS

DU TAUREAU,

SERAIENT LES

PLUS VACHES

...

Selon un devin, ancien boucher

de Génissiat, les parents dévots

natifs du taureau seraient souvent

les plus vaches. Ce mage est aussi

réputé pour ses interprétations de

visions prémonitoires obtenues

après avoir mâchonné durant des

heures une fameuse herbe lyonnaise

au goût de collier persillé,

connue seulement par une poignée

d’initiés et prise avec une

fillette de Fleurie.

Il édite ainsi des portraits liés

aux douze signes classiques

et à leurs relations familiales

dans une revue confidentielle,

raillée par la nouvelle équipe verte

dirigeant maintenant l’ancienne

Lugdunum, qui a défrayé l’actualité

récemment au sujet des cantines

en décevant les éleveurs

charolais voisins.

Yves Lecointre

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Yves Lecointre

LOGO-RALLYE

Surprise

Chapeau

Vert

Vaches

Robuste

Quelle ne fut pas la surprise

du magicien quand de son

chapeau vert sortit

UNE PAIRE

DE VACHES

et des plus robustes !

Yves Lecointre

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[SO] Green!


Yves Lecointe

LOGO-RALLYE

Palais

ÉclaT

Femme

Joyeux

Ouvrir

À l’entrée

du palais,

la presse et la foule écoutent

Maître de Cauthé, l’incisif

avocat en cravate rose qui

avec éclat et une langue bien

verte défendra une grosse

légume au mol air.

Cette végétarienne à table

sera jugée, après y être

passée, pour avoir dévoré

tel un membre de la gent

canine son ex-bras droit,

en découvrant que cette

femme certes joyeuse et

pleine de sagesse, n’était

qu’un homme de paille infiltré

qui s’était ouvert largement

à son concurrent principal

l’agence Sivhes.

Yves Lecointre

Ivan Leprêtre

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Yves Lecointre

SANS SE

PRENDRE

POUR

PRÉVERT

...

Sans se prendre pour Prévert,

Sans l’accent d’un trouvère,

Sans être trop sévère,

On peut conter en vers,

Pas l’histoire de la pompe en vair,

Ni l’aventure de l’univers,

La saga de deux vers

Régals du colvert,

Et aussi du pivert,

Couple solitaire à couvert,

Vivant telle une paire de convers,

Bien cachés leur calvaire,

Et pas celui qu’on révère,

Mais le cauchemar dont jamais rêvèrent,

Les scaphandriers à l’envers,

Englués dans un magma vert,

Qui ne sent pas le vétiver.

Bon j’accouche ce fait divers :

Cela a commencé en hiver,

Eclos dans un ventre à Nevers,

Bien loin du Cap-Vert,

Sans parents qui les couvèrent,

Ils s’allongèrent à Anvers,

Et traversèrent en mode Land-rover

Nus sans pull-over,

Façon Gulliver,

Un long tunnel recouvert,

D’une flore sans primevères,

Couleur cristal de verre.

Devenus adultes et pervers,

Ils sentirent en plein hiver,

Arrivés à Vancouver,

Prenant leur repas loin d’une river,

Sans l’appui salivaire,

Et sans l’aide de revolver,

Une gêne les poussant vers,

L’ovaire et là à découvert,

Face à l’eau il s’avère,

Que L’humain persévère.

Yves Lecointre

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[SO] Green!


Karine Sautel

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Karine Sautel

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[SO] Green!


Karine Sautel

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Karine Sautel

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[SO] Green!


Karine Sautel

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Karine Sautel

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[SO] Green!


LE FOCUS

Alain Diot

LE MONDE

D’Ā (peu) PRÈS

Cette fois-ci c’est décidé, du corona

bérézina on n’en parle pas, du

virus qui nous suce on n’en dit pas

plus, et on reste impavide face à

la covid morbide ! Et si le monde

d’après ne présente pas beaucoup

d’attrait, comme l’avenir sourit

aux audacieux, tournons nos regards

vers les cieux si bleus, sans

tenir compte du Bon Dieu qui,

reconnaissons le, c’est toujours

bien foutu, le malotru, de notre

gueule de tordu farfelu, de plus,

impunément, le mécréant. Mais

restons optimistes tant que notre

nom reste sur la liste des vivants

et des bien-portants, surtout que

maintenant, on le sent, on a le vaccin

dans le sang alors qu’avant, on

faisait sans en nous faisant, c’était

stressant, du mauvais sang !

Pour autant il n’est pas encore

temps de batifoler à satiété mais

quand va venir l’été, quand tout

le monde sera piqué et repiqué,

c’est certain, nous serons tous si

sains que l’on mettra nos fesses

et nos seins au soleil vermeil qui

en restera coi de joie de nous voir,

un peu narquois, lui faire la nique

en offrant notre peau mirifique à

ses rayons empathiques. C’est

qu’une fois passé le couvre-feu

sous le couvre-lit, on va se gaver

à en crever comme des canards

bien nourris, assoiffés de nature

âprement désirée, de luxure amplement

méritée, sans oublier,

d’aventure, quelques légères

bitures de bonne facture, entre

ami.es et pourquoi pas, pour une

fois, avec nos ennemi.es d’autrefois,

même un peu matois, voire

grivois, s’ils sont gentils, s’ils sont

courtois, s’ils sont de bon aloi.

Espérons toute fois que pour la culture

ce sera moins dur…

...et qu’on pourra se taper tous les

musées, des plus neufs aux plus

usés, tous les concerts avec mémère

ou en célibataire, tous les

spectacles morts ou vivants, dehors

ou dedans, à cinq milles ou à

cinq cents, et toutes les fantaisies

des créateurs bénis d’ailleurs ou

d’ici, à qui on dira : « Merci bien !

Revenez demain, après-demain,

le soir ou le matin, soyez les bienvenus,

habillés ou tout nus, et

n’hésitez pas à nous faire le coup,

pourquoi pas, du n’importe quoi,

celui du tango, de la java, du bal

musette, de l’Opéra, du Hip Hop,

de la Pop, de la chansonnette

pour conter fleurette, du vrai

blues les pieds dans la bouse,

du rock baroque de cinoque, des

acrobates les plus foutraques,

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des magiciens les plus zinzins,

des danseuses de French-cancan

et de tout ce qui, à l’encan,

vous viendra dans les bras, même

si des fois çà merdoie ! »

Et on va sauter sur tout ce qui

bouge, en bleu, en blanc, en

rouge, dans les palais ou dans les

bouges, en évitant quand même

l’amour à fond les ballons avec

Macron – avec Brigitte, on hésite

- le sexe avec Castex, la bête

à deux dos avec Bachelot, voire

bien pis avec Dupont-Moretti.

Et puis il nous reste ces pervers

de la cour d’Angleterre qui nous

font rire à pisser par terre, Megan

qui cancane, Harry qui médit, William

qui réclame, Katherine qui

fulmine, Elizabeth qui s’la pète,

Lady Di qui dit : « oui ! » quand

on la cueille dans son cercueil,

le Prince Consort qui a failli péter

son ressort, tous ces guignols qui

caracolent à se faire du pognon

en s’envoyant de faux fions pour

surtout qu’on ne les oublie pas,

ces pauvres fadas à qui on aurait

du couper la tête tout net depuis

longtemps déjà, voire peut-être

même la bistouquette qui se

fait toute petite petite depuis le

Brexit !

Et pour le monde d’après,

on va lui retirer sa tétine…

...à Poutine, le priver de son dodo,

Bolsonaro, lui interdire le toboggan,

à Erdogan, lui piquer tous ses

strings, à Xi Jiping, l’envoyer dans

la lune, Kim Jong Un, lui confisquer

ses carambars, à Bachar, lui

faire cucul-panpan, à Orban, et

noyer tous ces vilains cons dans

des verres d’Aloxe-Corton, tous

ces pauvres toquards dans des

litres de Pommard !

Et comme on est encore avant le

monde d’après, même si on va y

regarder de plus près, aux décès,

on ne va quand même pas se priver

et on va continuer à se régaler

parce que tant qu’il y a de la vie qui

ruse, il y a de l’espoir qui s’marre

et qu’on peut encore et toujours

boire à notre santé et chanter et

danser et déblatérer, libéré, débridé

et bien désaltéré, même quand

on est confiné. Non mais !!

Alain (patient) DIOT

Avril 2021

62

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[SO] Green!


Frédéric Adam

Le vert

a cette

touche

d’ombre

Qui le pousse au vertige

Il faut savoir en retenir le fil

La teinte ténue

Ce bref moment où le noir se grise

Et bascule au delà du ciel

Goûtant à la source ce rayon

Qui alors l’accomplit

Vertement efforçons-nous

À dire l’outrance

Le paradigme gaillard

Le cru vraiment

Voiles hautes, bannières levées

Sur la houle printanière

Où la sève en excès

Perce sous la vague

Le verdâtre est une dissidence

Un biais qui ronge de sa lie

La ligne de mire, le temps présent

Il se pare des dorures

Du flou, de la subversion

Pour attirer dans l’âtre

Une couleur différente

Pour une chauffe délétère

Le vert zèbre le bleu

Comme un horizon

Sabre de ses à-plats, de ses tailles

La verticalité, la profondeur

Il marque de son sceau

Le grain premier

D’une forme future

Le bourgeonnement.

Frédéric Adam

60


Frédéric Adam

QU’IL SOIT

DÉLUGE

OU

SÉCHERESSE

...

Qu’il soit déluge ou sécheresse, le

vert se décline selon des modes

dont la couleur n’a que peu faire.

Aussi bien dans le plus que le moins,

il se bâtit des offices où le rituel

est un grand pont dans l’espace,

une branche neuve et souple qui

le relie de l’autre côté. Cependant

l’étiquette à laquelle il se conforme

n’est qu’un calcul, une économie

d’échelle. Il s’en couvre comme

d’une seconde peau, sans souci de

pesée. Cette oscillation l’étoffe: il

s’en revêt. La vibration qui le soustend

alors, est sa ligne de conduite

mais il ne se limite pas à ce chiffre:

vert-de-gris il a assez d’empan pour

blanchir toute mesure. Ce blanc en

lui est la nervure qui l’irrigue ou plus

exactement l’encre sympathique,

ce noir très pâle. Il ne porte son

costume de fête que lorsqu’il hisse

la voile, au quai le vert se tient coi.

Quasi nu il clapote doucement,

on entend les cordages claqués

contre la mâture. À la moindre brise

il lève l’ancre et écrit sur l’onde

ses nouaisons, ses nodosités qui

colorent au rebond d’émeraude

l’obole du présent. Voilà, le vert

ne se pare de ses canopées que

sur le départ, sinon il s’embrunit

ou s’abonde tant qu’il devient

mémorial.

Frédéric Adam

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61

[SO] Green!


Do Sé

LE

PRINTEMPS

DES

GUENILLES

En été, le soleil brûle, la terre

rougit et transpire, l’eau s’évapore,

le ciel est moite d’une

fumée opaque.

En automne, les cendres d’arbres,

de feuilles, de graines, de fruits

voilent le sol. Cette poussière

grisâtre recouvre la faune et la

flore d’un manteau imperméable

et d’une écharpe de toxines asphyxiantes.

Les vents dessèchent

des pigments cendrés à défaut

de souffler les feuilles mortes.

En hiver, l’eau glisse sur ce plaid

étanche d’une terre assoiffée.

Sous ce manteau glacé par

le froid, au coeur de la couche

terrestre, le peu de vie ne somnole

plus, il agonise, il ne dort

plus, il se meurt.

Alors en février, un hic, au parlement

des oiseaux, l’état major

du printemps a gardé son

manteau d’hiver, prêt à quitter

la séance. Les oiseaux chantent,

gazouillent, mais les arbres ne

se rhabillent pas de bourgeons,

les boutons fermés, sans fleur, se

dénudent de couleurs.

Silence ! Une décision présidentielle

de mère nature qui supervise

cette assemblée.

Guignez les guenilles du printemps

! Il n’est vert que de peur !

Où est sa robe verte sous un

châle coloré et chatoyant ?

Les hommes m’avait promis une

transition écologique !

Do Sé

Colombes, portez des rameaux

pour que cessent l’épandage

d’armes chimiques et nucléaires

Mésanges, mes anges, apparaissez

aux vitres des chaumières,

frappés par la faim.

Corbeaux, croassez dans les

champs pour le danger imminent

des pesticides, insecticides, néonicotinoïdes...

Piafs et autres sans abris, squatez

les cheminées des bûcherons,

les foyers de gratte-ciel en

papier...

Cygne, assignez à résidence

sous les fontaines des villes.

Oiseaux soyez les messagers du

printemps, mais surtout de son

dénuement !

62


Do Sé

HANAMI

Un ciel de cerisiers à fleurs

Rosé d’un nuage éphémère

Le voile de l’arbre charmeur

Caresse, furtivement, l’air

Soudainement, une rumeur

La bise foudroie d’un éclair

Toutes les nouvelles fraicheurs

Une explosion d’un rose-chair

Une pluie de frêles lueurs

Un déluge de soie légère

Tel un océan de douceur

Une allée de pétales erre

Do Sé

L’AVÈNEMENT

D’UN PRINTEMPS

Cœur du rameau détruit

Ecœuré d’hiver dur

Ecorchure d’un glui

Ecorce d’engelures

Brin étendu revit

Brun, l’être qui s’emmure

D’un brise-vent de vie

Imbriqué de fleurs mûrs

Fleuve de ciel azur

Fleurs sèchent toutes pluies

Feu sur le corps bleui

Feuillage de dorure

Après l’hiver, s’ensuit

Apprêté d’une arcure

Paisible cœur de fruits

Paix, rameau, sa bouture

Printemps après les nuits

Printemps aux idées mûres

Le printemps d’une vie

Le prix d’un brise-mur

Do Sé

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[SO] Green!


Do Sé

Sous

le ciel du

printemps

Cliché d’une nuée d’hirondelles

Sans un nuage à l’horizon

Les massifs aux fleurs d’arc-en-ciel

Feu d’artifice du sent-bon

Un astre aux reflets Torrentiels

Une pluie des premiers rayons

Le hamac au toucher de miel

Un abri maillé de coton

Les poignants tourbillons des ailes

Dévisagés par deux yeux ronds

Une balançoire en dentelle

Berce un corps dans le molleton

Do Sé

Ivan Leprêtre

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Bixente Caballero

LOGO-RALLYE

Surprise

Chapeau

Vert

Vaches

Robuste

Ah c’est une robuste,

ma Clémentine !

DOMPTER UN TROUPEAU DE VACHES

EN CRIANT "ALLEZ LES VERTS"...

Si elle dansait la rumba avec un grizzli

en chantonnant "Tata Yoyo, qu’est-ce

qu’il y a sous ton grand chapeau ?",

ce ne serait même pas

une surprise !

Bixente Caballero

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65

[SO] Green!


Jean-Marc Couvé

AU VERT

« GREEN »

En premier lieu, on pense à Green,

Graham de son prénom : Gégé,

pour les intimes ! Ensuite seulement,

mais dans une moindre

mesure, vient le Julien du même

nom. Et Nelson Algren n’est pas

loin, à condition de mal prononcer

la liaison (avec Madame de

Beauvoir). Quoi d’autre ? ("What

else?", in clown english) – Ah oui :

on pense aussi au « green » du

mythique terrain de golf. Pourquoi

« mythique » ? Parce qu’il

n’a été foulé, à ce jour, que par

de rares privilégiés. Ce n’est pas

vraiment un sport, se pratiquant,

là, sur ce « green ». Plutôt une

légende ; vous savez : ces paroles

d’évangile qui nous viennent

toujours d’un tiers, qui les tient

lui-même du cousin par alliance

de sa concierge, absente, car elle

fut « appelée » (élue, quoi) dans

l’escalier.

La légende du golf est régulièrement

entretenue – un peu comme

un gazon : on y saupoudre un nom

de privilégié par-ci, une apparition

de Tiger Woods par-là. Il paraîtrait,

même, qu’un ancien dirigeant occidental

en posséderait plusieurs.

De « greens ». Mais, c’est sans

doute une rumeur. Car ce personnage

était, avant toute chose,

connu pour son (mauvais) goût

exagéré pour les fake-news.

Nous voici fort éloignés

de notre point de départ. Poétique

Nous sommes plus près du trou

noir que du vers dupé, du pair

vert galant. Nous nous trouvons

même en présence de piques

humoristiques plus ou moins

douteuses, lorsque l’humour

gras, sexiste, tient lieu de carburant.

Par essence. Inflammable.

C’est de l’huile de coude. Ou de

l’huile de vidange. Et le gars Big

Hard est débordé sur son extrême

droite. Jugez plutôt : le haut

dirigeant, ci-dessus, empêché in

extremis de marcher sur les eaux,

se décida à marcher sur le Capitole,

par sue-porc-ter interposés.

Et, s’il faut un second miracle à

l’Église, afin d’en garantir la canonisation…

le voici : un jour qu’il

parcourait un « green » en tous

sens, à la recherche d’une balle

qui s’était perdue [Où ? Il avait

un trou… de mémoire], ce saint

homme – porté sur lâche ose – vit

passer une balle… rine. Il la stoppa

tout net. Vous ne devinerez jamais

comment. Et c’est ici que le

66


Jean-Marc Couvé

miracle est avéré. Indéniable :

notre homme, non content

de stopper la ballerine sur le

« green », balle au bond, l’attrapa

– ô viol – et même (je cite) « la

saisit par la lâche-hâte »

Enfoncé, Big Hard. Bien profond,

même. Et en pire… Empire

d’essence divine, il n’y a pas à

tortiller du troufignon. Depuis ce

temps, nombreux sont les décérébrés,

de par le Monde, à porter

la bonne parole : le « green » est

grand, et D.D.T. est son prophète.

Autrement formulé : où le populisme

pousse (au crime), nul

« green » ne repousse. C Q F D.

Oh, bien sûr, avec l’anglais,

c’est toujours pareil !

Il en va du « green » (Eva Green)

comme des autres couleurs. Peter

Greenaway, fort joli patronyme

pour un cinéaste, s’il est traduit,

nous interpelle : car il devient

Pierre Loinduvert. Ou Pierre Duvertautour.

Et, même si ce n’est

pas pire que Jean Dutourd, il faut

bien admettre que cette pierre-là

menace de virer verroterie. Le vertige

nous guette, non ? Vaut mieux,

donc, ne pas traduire. Sinon, le fameux

Scotch des chiens Fox Black

& White, horreur, deviendrait, en

français : Noir & Blanc. Et pourquoi

pas : Noiret-Blanc, tant qu’on y

est ? Con. Niais. Les prénommés

Philippe et Michel eussent été fort

marris de fournir, ainsi, sans avoir

été consultés, une publicité gratuite

et largement diffusée à un

alcool dont les abus sont par ailleurs

déconseillés ! Dans le même

désordre d’idées, je me demande

comment traduire le fond de ma

pensée sans l’édulcorer ?

Verne est pas green.

Gulliver n’est pas vert-de-gris…

Et Saint Kant, nu, en ce degré (où se hisse ma démonstration), degré élevé – n’était que caca-rente, vos leurres,

tout au plus. Foi d’Ali Baba. Balivernes ! Eva lit Berne… C’est Bonny Wright et Blanc Chat-Poney…

Jean-Marc Couvé

01 03 2021

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[SO] Green!


Milica Janjić

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Milica Janjić

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Milica Janjić

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Milica Janjić

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[SO] Green!


Olivier Issaurat

Vert

de Gris

Le vert de Gris recouvrait la Seine Saint Denis

Où es-tu, usine au ventre gorgé de boulons

N’y a-t-il donc plus qu’un hangar abandonné

En bordure de la Seine, rue de la Briche

Quand sortaient les ouvriers de chez Spiros.

Vert de bronze au décolleté plombé, alésage cyclopéen

Une odeur de graisse, un savon épais irritant les muqueuses

Vert de gris dans les taudis, rue de la Rép.

Grand-père ! ne cherche plus, ton pays, ce stalag

Où tu laissais ma mère jouer du clavier AZERTY,

Archiver les notes et le cancer du chiffre.

Que sont devenues vos œuvres éphémères ?

Compresseurs enrayés ; frigidaires aux portes béantes ;

Ventilateurs d’air desséché dans un désert d’appareils éventrés.

Elles peuplent les terrains vagues de mon enfance !

Fallait pourtant du presto, du fissa pour apaiser le chrono

Les mains manœuvraient les manettes, les tambours

Les abaques rythmaient la danse des corps

Au milieu d’un flux de copeaux jaillissant

L’acier arraché au métal hurlait son mystère dans la violence

Les cadences diaboliques amusaient les dieux du tout là-haut.

Mon père, le front noirci de sueur, court

Sur la folle matière en fusion tranchée par l’outil.

Dans mes souvenirs de môme

Instruments vert de cuivre et symphonie des oubliés

Une foule déferle encore aux portes de l’usine,

Au milieu, des vélos en peloton

Course individuelle sur pavés serrés

Paris Roubaix, pavasses qui volent.

Dans ma tête, résonne aussi Charronne

Les grilles du métro terminent une révolte

Vert de gris et cottes d’ouvriers

Que la production a rendus fous.

Olivier Issaurat

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Olivier Issaurat

L’HOMME

VERT

Je sais bien que ce n’est pas vrai,

je ne suis pas tout vert contrairement

à ce que je perçois, en ce

moment même, dans le miroir.

J’ai compris, tout petit, dans le regard

de mes parents que ce qu’ils

voyaient ne correspondait pas à

ce que j’étais : un petit bonhomme

vert. Je le sais aussi par le regard

des autres qui me côtoient. Ils

me trouvent bizarre, mais cela n’a

rien à voir avec la couleur. Ils me

parlent et je doute. Alors au lieu

de leur répondre je regarde mes

mains, je cherche mon reflet et je

passe pour un être étrange. Pour

cette raison je n’ai pas d’amis, encore

moins d’amies.

Au mois de novembre, je rentre

chez un marchand de couleurs

pour acheter de quoi repeindre

ma chambre. Le type me demande

« Vous êtes plutôt quelle

couleur ? » et moi de lui répondre

« vert ». Il me tend les pots qu’il

avait « Ça fera 100 francs ! » Je n’ai

pas osé le contredire et depuis j’ai

une chambre entièrement verte.

Quand je suis tout nu, j’ai la sensation

de ne pas exister. Tout ça

à cause d’un malentendu avec le

droguiste.

J’ai aussi pris rendez-vous chez un

psychiatre, il m’a donné des antipsychotiques

pour être comme

tout le monde. Mais à part la

couleur, je suis comme tout le

monde ! J’ai arrêté de prendre

ce maudit traitement, il me faisait

passer pour un autre. Le plus

triste, un autre, mais vert ! J’ai aussi

essayé une psychanalyste. Elle

était verte ! J’ai eu très peur que ce

soit une identification projective,

j’ai mais fin à l’entretien, ça m’a

coûté 50 francs quand même.

Une question persiste,

est-elle vraiment verte ?

Je suis de retour dans la salle

d’attente. Je me suis inscrit sous

un faux nom : monsieur Green. En

anglais, ça paraît plus normal. Je

crois que c’est bientôt mon tour,

le monsieur qui se prend pour Napoléon

vient de quitter les lieux.

Il semble aller mieux, il a retiré la

main de son giron. Elle doit être

efficace. La dernière fois, il y avait

une femme qui croyait être un

homme, elle portait un chapeau

haut de forme, elle est ressortie

sans. Sans son pantalon aussi,

c’était plutôt étrange, mais son

mari, une forte femme, a masqué

sa nudité avec son châle. Il ne

reste plus qu’à traiter le mari pour

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[SO] Green!


Olivier Issaurat

que tout rentre dans l’ordre, mais

chaque chose en son temps.

Elle me fait signe d’entrer.

- Ah c’est vous ! Green m’avait mis

la puce à l’oreille. Installez-vous

dans le divan, sinon les gens vont

se poser des questions.

Elle est encore toute verte. Mince

alors, voilà que mes sens me

jouent des tours. Ou bien les autres

êtres humains se transforment à

mon insu. Est-ce contagieux ? Il

faudra que je retourne voir le marchand

de couleur. Ma logeuse est

toujours la même. Bête avec des

chaussons usés d’où émerge un

gros pouce de pied difforme. Elle

arbore aussi une tignasse énorme.

Mais à part ça, elle ne verdit pas. Ni

ses plantes d’ailleurs, elles dépérissent

à vue d’œil.

- Alors vous êtes revenu ?

- Oui, je dois vous entretenir d’un

sujet qui m’est très pénible, je me

vois tout vert, mais pas les autres !

- Mais encore…

Je trouvais la situation assez pénible

comme ça, je ne savais ce

que je pouvais rajouter.

- Allons faites un effort, vous n’avez

pas attendu aussi longtemps pour

vous arrêter en si bon chemin !

Je fais mon regard bête histoire de

la rassurer. C’est ainsi que je pratique

avec les autres. Mais avec

une psychanalyste qui a pignon

sur rue, ça ne marche pas ! Je dois

trouver quelque chose à dire.

- Quand j’étais petit je faisais pipi

au lit !

- Comme tout le monde, allons

allons, encore un petit effort nom

d’une pipe !

Je me questionne sur le sens de

la fin de son propos. A-t-elle glissé

une interprétation cachée dans sa

phrase ?

- Dans un rêve érotique, je couchais

avec maman…

- Moi aussi, y a pas quoi en faire un

plat !

- J’ai rêvé que mon père était ma

mère !

- Moi, que mon père était un imbécile

et je me suis rendue compte

que c’était effectivement le cas.

Nous n’allons pas faire toute votre

généalogie. Vous passez à côté de

l’essentiel.

Elle commence à m’énerver sérieusement.

Après l’amour de ma

psychanalyste, je saute directement

à la haine !

- Vous êtes toute verte !

Je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai

crié ça d’un coup.

- Vous aussi vous êtes tout vert !

- Merde alors !

C’était tout ce que j’ai trouvé à dire.

- Je vous aime, ce n’est pas déontologique,

mais je vous aime.

La voilà qui saute sur ses pieds

et qui se déshabille. En effet elle

entièrement verte, y compris les

poils pubiens.

- Vous n’aimez pas ma couleur !

C’est ce que je craignais.

Je me déshabille à mon tour et

nous faisons l’amour et beaucoup

de bruit.

- Je me demande ce que vont

penser les autres patients ?

- Ils vont être verts de rage ! On remet

ça, il vous reste vingt minutes

de séance…

Olivier Issaurat

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[SO] Green!

LD

RC

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Photo : Heung Soon


J’attends

le numéro

62

[SO] Green! • 2 e semestre 2021

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