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J'attends le numéro 64

Laboratoire de recherches créatives

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ALAIN

DIOT

LD

RC

TU SERS, FEUILLE ?

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle à

l’appel de l’automne monotone, comme le dit le

poète qui se la pète, lorsque le tonnerre résonne

encore quand, dans l’éther nu, les nues éternuent.

C’est que leur vie est éphémère, même si sans

être vraiment solidaires, elles ne sont pas pour

autant solitaires, à ras de terre ou tout là haut

dans les airs. Du début du printemps, et quelque

soit le temps, à la fin de l’été, c’est ainsi qu’il en est

décidé de leur longévité. Il faut bien reconnaître

qu’elles doivent respecter la dure vérité du peu de

durée qui est attribuée à leur existence épanouie,

pourtant peu impactée par les turbulences de la

vie, à part le vent et la pluie, ou parfois quelques

ouistitis enhardis. Et on les remercie, ces serviles

amies, de protéger des regards indiscrets les nids

de nos volatiles chéris pour qu’ils puissent garder

leurs secrets, en offrant autant de fauteuils

tout doux aux écureuils tout roux qui se faufilent,

tranquilles comme Basile, et qui jubilent dans la

chlorophylle.

Bien sûr, d’année en année, tout va recommencer

et à peine sorties du bourgeon turgescent,

dans un élan presque indécent, on va les

voir déplier leurs nervures si pures et déployer

leurs robes de verdure qui nous éclate à la figure,

sans oublier de préciser le dessin sacro-saint de

leurs bordures qui leur servent de signature. Et

sous le soleil printanier, le monde entier voit ses

arbres se rhabiller dans la fierté de leurs parures

impériales bien avant les ardeurs estivales. Et

c’est ainsi que nos chers portefeuilles bien dégarnis

quand la bise fut venue se dressent alors avec

orgueil comme des millefeuilles qu’ils sont redevenus

quand mars est enfin revenu, en regardant

du coin de l’œil, si on les admire sans écueil

maintenant qu’ils ont quitté le deuil. Et le monde

un peu dénudé qui nous faisait quand même

un peu pitié se gonfle alors de fierté quand les

platanes ont la banane à vouloir péter la cabane,

quand les chênes se redressent à la chaine quand

la sève revient dans leurs veines, quand les saules

pleureurs sans arme qui avaient séché leurs

larmes vous refont le coup du charme, quand

les bouleaux montrent à nouveau les biscotos

feuillus qu’ils avaient perdus, quand les peupliers

qu’on avait un peu trop oubliés jouent les fiers à

bras avec leur grand air qu’ils voudraient d’opéra,

quand on se recueille devant les tilleuls qui derechef

redressent le chef et vous font de l’œil, et on

les passe en masse tous ces autres trompe-l’œil

qui se la joue tape-à-l’œil pendant que les pins et

les sapins font tintin parce qu’ils ne sont pas foutus,

les malins, de lâcher leurs aiguilles pointues,

ces vilaines filles, qui jamais ne les déshabillent,

hiver comme été, de peur qu’ils dégoupillent !

N’oublions pas non plus celles des feuilles

qu’on peut voir dès notre seuil, les pissenlits ou les

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