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ALAIN
DIOT
LD
RC
TU SERS, FEUILLE ?
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle à
l’appel de l’automne monotone, comme le dit le
poète qui se la pète, lorsque le tonnerre résonne
encore quand, dans l’éther nu, les nues éternuent.
C’est que leur vie est éphémère, même si sans
être vraiment solidaires, elles ne sont pas pour
autant solitaires, à ras de terre ou tout là haut
dans les airs. Du début du printemps, et quelque
soit le temps, à la fin de l’été, c’est ainsi qu’il en est
décidé de leur longévité. Il faut bien reconnaître
qu’elles doivent respecter la dure vérité du peu de
durée qui est attribuée à leur existence épanouie,
pourtant peu impactée par les turbulences de la
vie, à part le vent et la pluie, ou parfois quelques
ouistitis enhardis. Et on les remercie, ces serviles
amies, de protéger des regards indiscrets les nids
de nos volatiles chéris pour qu’ils puissent garder
leurs secrets, en offrant autant de fauteuils
tout doux aux écureuils tout roux qui se faufilent,
tranquilles comme Basile, et qui jubilent dans la
chlorophylle.
Bien sûr, d’année en année, tout va recommencer
et à peine sorties du bourgeon turgescent,
dans un élan presque indécent, on va les
voir déplier leurs nervures si pures et déployer
leurs robes de verdure qui nous éclate à la figure,
sans oublier de préciser le dessin sacro-saint de
leurs bordures qui leur servent de signature. Et
sous le soleil printanier, le monde entier voit ses
arbres se rhabiller dans la fierté de leurs parures
impériales bien avant les ardeurs estivales. Et
c’est ainsi que nos chers portefeuilles bien dégarnis
quand la bise fut venue se dressent alors avec
orgueil comme des millefeuilles qu’ils sont redevenus
quand mars est enfin revenu, en regardant
du coin de l’œil, si on les admire sans écueil
maintenant qu’ils ont quitté le deuil. Et le monde
un peu dénudé qui nous faisait quand même
un peu pitié se gonfle alors de fierté quand les
platanes ont la banane à vouloir péter la cabane,
quand les chênes se redressent à la chaine quand
la sève revient dans leurs veines, quand les saules
pleureurs sans arme qui avaient séché leurs
larmes vous refont le coup du charme, quand
les bouleaux montrent à nouveau les biscotos
feuillus qu’ils avaient perdus, quand les peupliers
qu’on avait un peu trop oubliés jouent les fiers à
bras avec leur grand air qu’ils voudraient d’opéra,
quand on se recueille devant les tilleuls qui derechef
redressent le chef et vous font de l’œil, et on
les passe en masse tous ces autres trompe-l’œil
qui se la joue tape-à-l’œil pendant que les pins et
les sapins font tintin parce qu’ils ne sont pas foutus,
les malins, de lâcher leurs aiguilles pointues,
ces vilaines filles, qui jamais ne les déshabillent,
hiver comme été, de peur qu’ils dégoupillent !
N’oublions pas non plus celles des feuilles
qu’on peut voir dès notre seuil, les pissenlits ou les
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