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OLIVIER
ISSAURAT
ses mains elle tente de piéger l’eau. Le peu qui
arrive à ses lèvres suffit à la désaltérer. C’est une
eau pure, au goût minéral, limpide comme le
cristal. Autophage se lève et s’approche. Il ne sait
comment faire pour ne pas l’effrayer. Le calme et
la quiétude sont tels que le moindre mouvement
pourrait la faire sursauter. Ce qui ne manque pas
d’arriver.
- Vous m’avez fait peur, je ne vous avais pas vu.
Je vous reconnais, vous êtes le voyageur.
Autophage est tellement fasciné par sa beauté
qu’il ne pense même pas à répondre. Le regard
aux reflets verts absorbe ses pensées. Mais encore
plus que son regard, c’est le sentiment de
tristesse qui émane de ce visage fin et doux qui
intrigue Autophage.
- Je vous ai parlé, monsieur dont je ne connais
pas le nom !
Notre homme se présente, propose maladroitement
de partager son casse-croute au pâté ou
bien un petit coup de rouge.
- Je n’ai pas le cœur à manger et puis vous êtes
un inconnu et les inconnus il faut s’en méfier.
Et la voilà qui part en courant comme si le
diable en personne venait d’apparaître. Autophage
la cherche au village pendant plusieurs
semaines et point ne la trouve. Etrange n’est-ce
pas ? Qui peut bien cacher cette beauté énigmatique
à la chevelure d’ange et au corps si parfait
que l’œil malheureux ne peut que la dénuder. Et
l’imaginer, et ainsi fabriquer la rêverie de la nuit,
pour de tendres ébats. Que diantre ! Car l’homme
est ainsi fait, que l’image l’emporte sur le raisonnement.
Enfin arrive l’automne tant attendu. A cause du
titre du conte, pas tant par les habitants du comté.
Pour eux, l’automne n’est qu’entassement de
feuilles, humidité et feu dans la cheminée. Ce qui
impose des corvées de bois trop nombreuses.
Seuls points positifs, les champignons et les marrons.
Notre ami est en bonne voie pour l’installation
de sa scierie, les machines automatisées
par roues à aubes interposées ont commencé
leur ouvrage. Il s’agit là d’essais, mais ils sont prometteurs.
Depuis, une bonne partie de la forêt
lui appartient. Bien souvent il y fait une promenade
espérant croiser à nouveau cette nymphe
magnifique qui enchante les yeux mais remplit
le cœur d’une langueur monotone.
La petite clairière est devenue lieu de villégiature.
Autophage prend le temps de rêver tout en
se restaurant. Dans sa gibecière, toujours il emporte
une petite brioche et un pot de confiture à
la framboise, juste au cas où. Il a compris que le
pâté pour appâter les belles n’est guère le mets le
plus adéquat. La bouche au goulot, il s’emplit le
gosier et la bedaine par la même occasion. Les oiseaux
sont au rendez-vous ainsi qu’un lapin dont
un lointain cousin a fini dans le pâté du cassecroute.
Autophage s’étrangle, le vin lui sort par les
trous du nez, il tousse recrachant le liquide rougeâtre
qui lui brûle la trachée artère. La chose
a fait fausse route, cela ne fait aucun doute. La
cause me direz-vous ? Répondre à cette question
serait un affront, vous l’avez deviné j’espère.
Près de la rivière, sur la berge, la jeune nymphe
est de retour. La voici qui ôte sa longue tunique
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